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24/02/2022 | CJUE | N°C-332/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 24 février 2022., Roma Multiservizi spa et Rekeep spa contre Roma Capitale et Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato., 24/02/2022, C-332/20


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 24 février 2022 (1)

Affaire C‑332/20

Roma Multiservizi SpA,

Rekeep SpA

contre

Roma Capitale,

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Contrats de concession – Attribution de la gestion du service scolaire intégratif à une société à capital mixte – Dési

gnation de l’associé privé selon une procédure d’appel d’offres – Exigence d’une participation de l’associé privé au capital de la société à capital...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 24 février 2022 (1)

Affaire C‑332/20

Roma Multiservizi SpA,

Rekeep SpA

contre

Roma Capitale,

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Contrats de concession – Attribution de la gestion du service scolaire intégratif à une société à capital mixte – Désignation de l’associé privé selon une procédure d’appel d’offres – Exigence d’une participation de l’associé privé au capital de la société à capital mixte d’au moins 30 % – Participation indirecte du pouvoir adjudicateur au capital de l’associé privé »

I.      Introduction

1.        Le présent renvoi préjudiciel offre à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence relative à la manière dont le droit de l’Union appréhende le partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI), auquel les pouvoirs adjudicateurs ont parfois recours en lieu et place de la passation de marchés publics ou de contrats de concession « traditionnels ».

2.        Si aucune disposition contraignante du droit de l’Union ne régit expressément le PPPI (2), celui-ci est néanmoins défini par la Commission européenne comme une forme de coopération entre des partenaires publics et privés qui établissent une entité à capital mixte qui exécute des marchés publics ou des concessions (3) et fait l’objet de la jurisprudence de la Cour. La Cour a considéré, notamment, que le droit de l’Union, en règle générale, ne s’oppose pas au recours à une procédure dans le
contexte d’un PPPI, par laquelle, d’une part, un partenaire privé est sélectionné et, d’autre part, un marché ou une concession est attribué à une entité publique-privée à constituer (4).

3.        L’absence de dispositions du droit de l’Union régissant le PPPI semble être à l’origine des difficultés soulevées par le présent renvoi préjudiciel, qui se reflètent dans la structure et le contenu des présentes conclusions. Du point de vue du droit de l’Union, le problème juridique soulevé en l’espèce n’est ni clairement défini ni précisément contextualisé.

4.        Une étude détaillée du présent renvoi préjudiciel m’a conduit à conclure que les questions posées par la juridiction de renvoi visent le point de savoir si la façon dont le pouvoir adjudicateur a procédé au calcul de la participation privée dans l’entité à capital mixte à constituer, pour ensuite exclure un soumissionnaire de la procédure de l’appel d’offres, est compatible avec les directives 2014/23/UE (5) et/ou 2014/24/UE (6).

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 2014/23

5.        L’article 3 de la directive 2014/23 dispose :

« 1.      Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent de manière transparente et proportionnée.

La procédure d’attribution d’une concession, y compris l’estimation de sa valeur, ne peut être conçue avec l’intention de la soustraire au champ d’application de la présente directive ou de favoriser ou défavoriser indûment certains opérateurs économiques ou certains travaux, fournitures ou services.

2.      Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices visent à garantir la transparence de la procédure d’attribution et de l’exécution du contrat, tout en respectant l’article 28. »

6.        L’article 30, paragraphes 1 et 2, de cette directive stipule :

« 1.      Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice est libre d’organiser la procédure qui conduit au choix du concessionnaire sous réserve du respect des dispositions de la présente directive.

2.      La procédure d’attribution de concession respecte les principes énoncés à l’article 3. En particulier, au cours de la procédure d’attribution de concession, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne donne pas, de manière discriminatoire, d’information susceptible d’avantager certains candidats ou soumissionnaires par rapport à d’autres. »

7.        L’article 38, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices vérifient les conditions de participation relatives aux capacités professionnelles et techniques et à la capacité économique et financière des candidats ou des soumissionnaires, sur la base de déclarations sur l’honneur, ainsi que la ou les références à présenter comme preuve conformément aux exigences spécifiées dans l’avis de concession qui sont non discriminatoires et proportionnées à l’objet de la concession. Les conditions de
participation sont liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire d’exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective. »

2.      La directive 2014/24

8.        L’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 dispose :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques. »

9.        L’article 58, paragraphe 1, de cette directive stipule :

« Les critères de sélection peuvent avoir trait :

a)      à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;

b)      à la capacité économique et financière ;

c)      aux capacités techniques et professionnelles.

Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques que les critères visés aux paragraphes 2, 3 et 4. Ils limitent ces conditions à celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché. »

B.      Le droit italien

10.      En droit italien, la réglementation en matière de sociétés mixtes est régie par le decreto legislativo n. 175 – Testo unico in materia di società a partecipazione pubblica (décret législatif n^o 175 portant texte unique en matière de sociétés à participation publique), du 19 août 2016 (7), dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après le « décret législatif n^o 175 »).

11.      L’objectif du décret législatif n^o 175 est, selon son article 1^er, d’assurer une gestion efficace des participations publiques, de protéger et de promouvoir la concurrence et le marché, ainsi que de rationaliser et de réduire les dépenses publiques. Ce décret prévoit que l’administration publique peut, pour la gestion des activités concernées, visées à son article 4, choisir entre la gestion en interne, par l’intermédiaire d’une société dont elle détient entièrement le capital, et la
constitution d’une société à capital mixte et réglemente en détail cette seconde alternative afin qu’elle soit compatible avec le droit de l’Union.

12.      En ce qui concerne cette seconde alternative, l’article 17, paragraphe 1, du décret législatif n^o 175 précise :

« Dans les sociétés à participation mixte publique-privée, le pourcentage de participation de la personne privée ne peut être inférieur à 30 % et la sélection de celle-ci se fait par voie de procédure de passation de marché public conformément à l’article 5, paragraphe 9, du décret législatif n^o 50 de 2016 ^[(8)^] et a pour objet à la fois la souscription ou l’acquisition de la participation par l’associé privé et l’attribution du contrat de marché ou de concession constituant l’objet exclusif des
activités de la société mixte. »

III. Les faits de l’affaire au principal

13.      La ville de Rome a lancé, au cours de l’année 2018, un appel d’offres ayant pour double objet, d’une part, de sélectionner un associé privé pour constituer avec elle une société à capital mixte publique-privée (ci-après la « société mixte à constituer ») et, d’autre part, d’attribuer à cette société le service scolaire intégré, d’un montant évalué à 277 479 616,21 euros, relevant de la compétence de la ville de Rome. Selon les documents de l’appel d’offres, la ville de Rome devait détenir
51 % des parts sociales de ladite société, les 49 % restants devant être acquis par l’associé privé, celui-ci étant appelé à supporter l’intégralité du risque opérationnel.

14.      Une offre a été déposée par le groupement composé des sociétés Roma Multiservizi SpA et Rekeep SpA.

15.      Par décision n^o 435 du 1^er mars 2019 (ci-après la « décision d’exclusion »), ce groupement a été exclu de la procédure en cours, au motif que Roma Multiservizi était détenue à 51 % par la société AMA SpA, dont le capital était intégralement détenu par la ville de Rome et que l’acceptation de l’offre dudit groupement conduirait à ce que la ville de Rome détienne, dans les faits, une participation effective de 73,5 % dans la société mixte à constituer (9), excédant ainsi le seuil de 51 %
fixé dans les documents de l’appel d’offres.

16.      Rekeep et Roma Multiservizi ont contesté cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), qui a rejeté leurs recours par deux jugements rendus le 18 juin 2019.

17.      Rekeep et Roma Multiservizi ont interjeté appel de ces deux jugements devant la juridiction de renvoi.

18.      Il ressort des observations de ces parties que, durant l’examen de leurs appels, la ville de Rome a attribué, au terme d’une procédure négociée, l’exécution du service en cause à CNS.

IV.    La procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

19.      C’est dans ces circonstances que le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 13 février 2020, parvenue à la Cour le 22 juillet 2020, a décidé de surseoir à statuer et de soumettre les questions suivantes à l’appréciation de la Cour :

« 1)      Le droit [de l’Union], les considérants 14 et 32 et les articles 12 et 18 de la directive 2014/24, ainsi que l’article 30 de la directive 2014/23, tels qu’interprétés correctement, y compris au regard de l’article 107 TFUE, s’opposent-ils à ce que, aux fins de déterminer le seuil minimal de participation de 30 % exigé de l’associé privé pour entrer au capital d’une société mixte publique-privée en cours de constitution, limite jugée appropriée par le législateur national en application des
principes [du droit de l’Union] dégagés en la matière par la jurisprudence de l’Union, il soit exclusivement tenu compte de la composition formelle ou documentaire du capital social d’un tel associé privé, ou l’administration publique qui organise l’appel d’offres a-t-elle la faculté, voire l’obligation, de tenir compte de sa propre participation indirecte dans le capital social de l’associé privé soumissionnaire ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, le fait pour l’administration qui organise l’appel d’offres de pouvoir exclure de l’appel d’offres un associé privé soumissionnaire dont la participation effective dans la société mixte publique-privée en cours de constitution est en réalité inférieure à 30 % par l’effet d’une participation publique constatée, directe ou indirecte, est-il conforme aux principes [du droit de l’Union], et en particulier aux principes de concurrence, de
proportionnalité et d’adéquation ? »

20.      Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal et CNS, ainsi que par la Commission. Il n’a pas été tenu d’audience.

V.      Analyse

A.      Sur l’objet des questions préjudicielles

21.      La lecture de la demande de décision préjudicielle illustre que, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi prend en compte deux exigences en ce qui concerne la participation publique et la participation privée dans la société mixte à constituer.

22.      La première exigence concerne le seuil minimal de participation de 30 % exigé de l’associé privé pour entrer au capital d’une entité à capital mixte à constituer, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du décret législatif n^o 175. Ce seuil minimal de participation privée correspond logiquement à un seuil maximal de participation publique de 70 %.

23.      La seconde exigence est celle fixée, en l’espèce, par le pouvoir adjudicateur lui-même dans l’appel d’offres, à savoir la participation de 49 % pour l’associé privé et de 51 % pour le pouvoir adjudicateur.

24.      Les deux questions préjudicielles, telles que formulées par la juridiction de renvoi, ne font référence qu’au seuil minimal de participation de 30 % exigé de l’associé privé pour entrer au capital d’une société mixte. Il me faut observer, dans ce contexte, que la juridiction de renvoi n’interroge pas la Cour sur la validité, au regard du droit de l’Union, de ce seuil. La formulation de ces questions fait penser que, par celles-ci, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de
l’Union s’oppose à ce que, aux fins de déterminer un tel seuil minimal de participation de 30 %, il soit tenu compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de cet associé privé.

25.      Toutefois, l’exposé des motifs de la demande de décision préjudicielle n’est pas aussi univoque en ce qui concerne l’objet des questions préjudicielles.

26.      En effet, d’une part, en ligne avec la formulation des questions préjudicielles, la juridiction de renvoi indique que, pour trancher l’affaire au principal, « il y a lieu de déterminer si, aux fins du respect des seuils de participation dans la société mixte [à constituer] (pas plus de 70 % en ce qui concerne la participation publique, pas moins de 30 % en ce qui concerne la participation de l’associé privé), il convient de tenir compte de la seule nature juridique de l’associé privé ou si,
lorsqu’un actionnaire public participe à son capital, il doit également être tenu compte de sa participation publique ».

27.      D’autre part, la juridiction de renvoi indique également que la légalité des limites de participation publique (51 %) et de participation privée (49 %) n’a pas été contestée dans le litige au principal. En conséquence, elle considère que « [ce] litige porte sur la légalité de la décision du pouvoir adjudicateur qui, aux fins de l’examen du respect du plafond de 51 % de sa participation dans la nouvelle société qui devait être constituée, a estimé qu’il y avait lieu de tenir compte également
de sa [participation indirecte dans cette société] ».

28.      Eu égard à l’ambiguïté de l’objet des questions préjudicielles, il me faut observer, en premier lieu, que la juridiction de renvoi indique que la lex specialis de l’appel d’offres, dont les dispositions sont « effectives » dans l’affaire au principal, fixe de manière précise la participation publique et privée, respectivement, à 51 % et à 49 % (10). Il semble donc que, dans le cadre du litige au principal, qui porte sur la décision d’exclusion, la juridiction de renvoi s’interroge
principalement sur les exigences de la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres.

29.      En second lieu, interrogées sur le point de savoir si la décision d’exclusion a été formellement justifiée par une violation de l’article 17, paragraphe 1, du décret législatif nº 175 ou par le non-respect de l’exigence de répartition du capital fixée dans les documents de l’appel d’offres, les parties ont majoritairement privilégié cette seconde hypothèse.

30.      Roma Multiservizi a répondu de manière catégorique en indiquant que la décision d’exclusion invoque le prétendu non-respect de la répartition du capital social indiquée dans les documents de l’appel d’offres.

31.      La ville de Rome a indiqué, dans un premier temps, que l’offre du groupement visé par la décision d’exclusion présente deux irrégularités relatives aux deux exigences tenant à la participation publique et privée. Elle a toutefois, dans un second temps, reproduit les motifs de l’exclusion de ce groupement, dont il ressort que cette exclusion repose sur la considération selon laquelle « la part de capital-risque dans la [société mixte à constituer] attribuable à des investissements privés
serait inférieure à 49 %, ne respectant manifestement pas les conditions énoncées dans les documents de l’appel d’offres et dans les actes approuvés par le conseil municipal ».

32.      En ligne avec la réponse de la ville de Rome, Rekeep a indiqué que la motivation de la décision d’exclusion fait uniquement référence au non‑respect des quotes-parts de capital prévues par les documents de l’appel d’offres, en ajoutant que le décret législatif n^o 175 est évoqué dans les considérations liminaires de cette décision.

33.      La réponse de la Commission semble implicitement aller dans le même sens. Cette institution considère qu’il est évident que la fixation de la participation privée à 49 % – et l’exclusion qui en découle – est fondée exclusivement sur la limite établie à l’article 17 du décret législatif n^o 175. J’en déduis que, pour la Commission, l’exclusion découle directement du non-respect de l’exigence relative à la participation privée fixée dans les documents de l’appel d’offres à 49 %.

34.      Seul CNS considère que la décision d’exclusion est fondée tant sur la violation de l’article 17, paragraphe 1, du décret législatif n^o 175, que sur le manquement à l’exigence de répartition du capital fixée dans les documents de l’appel d’offres. Toutefois, les passages de cette décision reproduits par CNS ne portent que sur les exigences de participation publique et privée fixées dans l’appel d’offres.

35.      À la lumière de ces précisions, il convient de considérer que, par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce que, aux fins de déterminer le pourcentage de participation privée dans la société mixte à constituer, il soit tenu compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social d’un associé privé soumissionnaire.

36.      Dès lors, il convient de comprendre la seconde question préjudicielle en ce sens que la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un pouvoir adjudicateur exclue de l’appel d’offres un associé privé soumissionnaire dont la participation effective dans une entité à capital mixte à constituer ne respecte pas l’exigence relative au seuil minimum de participation privée fixée dans les documents de l’appel d’offres.

37.      Il me faut présenter quelques remarques supplémentaires quant aux questions préjudicielles ainsi reformulées.

38.      Tout d’abord, la formulation initiale de la première question implique que la juridiction de renvoi cherche à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un pouvoir adjudicateur tienne compte non pas d’une quelconque participation publique dans le capital de l’associé privé soumissionnaire, mais uniquement de « sa propre participation » dans le capital de celui-ci (« l’administration publique qui organise l’appel d’offres [a] la faculté, voire l’obligation, de tenir compte de sa
propre participation indirecte dans le capital social de l’associé privé »). Plusieurs passages de la demande de décision préjudicielle corroborent une telle lecture non seulement des exigences de la participation publique et privée fixées dans l’appel d’offres (11), mais également, plus important encore dans le contexte de l’affaire au principal, de la décision d’exclusion (12).

39.      Ensuite, il résulte de la formulation de la première question préjudicielle que la juridiction de renvoi vise « la faculté, voire l’obligation » de tenir compte d’une telle participation indirecte. Or, il est constant que, dans l’affaire au principal, le pouvoir adjudicateur a pris en compte sa participation indirecte. Pour contrôler la décision d’exclusion, il suffit de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une telle prise en compte.

40.      Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique que la seconde question préjudicielle se pose en cas de réponse affirmative à la première question. Or, dans sa formulation initiale, la première question contient deux alternatives (« [les dispositions du droit de l’Union] s’opposent-[elles] à ce [qu’il] soit exclusivement tenu compte [de la participation directe] ou [le pouvoir adjudicateur a-t-il] la faculté, voire l’obligation, de tenir compte de [la participation indirecte] dans le capital
social de l’associé privé soumissionnaire ? »). En tout état de cause, il y a lieu de considérer que la seconde question se pose dans le cas où il est répondu à la première question que le droit de l’Union ne s’oppose pas à la prise en compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de l’associé privé soumissionnaire.

41.      Enfin, pour pouvoir répondre utilement à la juridiction de renvoi, il convient d’identifier le régime applicable dans l’affaire au principal ainsi que les dispositions de celui-ci dont l’interprétation est nécessaire à la résolution du litige pendant devant elle. En effet, il ne semble pas que toutes les dispositions évoquées par la juridiction de renvoi dans son renvoi préjudiciel soient pertinentes. Pour cette raison, certaines parties remettent en question la recevabilité des questions
préjudicielles.

B.      Sur la recevabilité des questions préjudicielles et sur le régime applicable

42.      La juridiction de renvoi évoque, dans sa première question, plusieurs dispositions du droit de l’Union, sans préciser expressément les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur leur interprétation. Quant à la seconde question, elle se borne à y mentionner les principes du droit, notamment les principes de concurrence, de proportionnalité et d’adéquation, ne faisant référence à aucune disposition de ce droit.

43.      À cet égard, la Commission considère que la première question préjudicielle est irrecevable dans la mesure où celle-ci concerne l’article 107 TFUE, tandis que CNS met en cause la recevabilité de la demande de décision préjudicielle dans son intégralité (13). J’examinerai ces exceptions d’irrecevabilité dans le cadre de mon étude de la demande de décision préjudicielle, effectuée en vue d’identifier les dispositions du droit de l’Union pertinentes pour la présente affaire.

1.      Les directives 2014/23 et 2014/24

44.      La première question préjudicielle, telle que formulée par la juridiction de renvoi, fait référence tant à la directive 2014/23 qu’à la directive 2014/24. Ces directives établissent, respectivement, les règles applicables aux procédures d’attribution de contrats de concession et celles applicables aux procédures de passation de marchés.

45.      Pour identifier la directive applicable en l’espèce, il est nécessaire d’examiner l’objet de l’appel d’offres ainsi que le contrat que le pouvoir adjudicateur cherchait à conclure à la suite du lancement de cet appel d’offres.

46.      L’appel d’offres en cause au principal a deux objets, de sorte qu’on peut considérer que le contrat à conclure était composé de deux volets, le premier concernant la sélection d’un associé privé au sein de la société mixte à constituer et, le second, l’attribution à cette société du service scolaire intégré.

47.      Le premier volet est-il susceptible d’affecter l’applicabilité de la directive 2014/23 ou de la directive 2014/24 en ce qui concerne les deux volets du contrat en cause au principal ? La jurisprudence contient des repères utiles pour répondre à cette question.

a)      Sur la jurisprudence pertinente

48.      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (14), la Cour a été confrontée à une question analogue. Le renvoi préjudiciel portait sur un contrat constitué de trois conventions : une convention portant sur la cession de 49 % des actions d’une entreprise publique en vue de sa privatisation, une convention aux termes de laquelle le cessionnaire assumait la gestion de l’entreprise de casino moyennant rémunération et une convention en vertu de laquelle ce cessionnaire
s’engageait à mettre en œuvre un plan d’amélioration des locaux du casino.

49.      Pour trancher cette question, la Cour, après avoir confirmé que c’est à juste titre que la juridiction de renvoi avait qualifié le contrat de « contrat mixte » (15), a examiné si le contrat en cause constituait un tout indivisible et s’il relevait dans son ensemble, en raison de son objet principal, de l’une des directives en cause (16). Ce faisant, la Cour s’est référée à la jurisprudence selon laquelle, « dans le cas d’un contrat mixte dont [...] les différents volets sont liés d’une
manière inséparable et forment ainsi un tout indivisible, l’opération en cause doit être examinée dans son ensemble de manière unitaire aux fins de sa qualification juridique et doit être appréciée sur la base des règles qui régissent le volet qui constitue l’objet principal ou l’élément prépondérant du contrat » (17).

50.      Concernant cette jurisprudence, la Cour a relevé, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un contrat mixte qui constituait un tout indivisible, dans la mesure où il était nécessaire de conclure ce contrat avec un partenaire unique disposant à la fois de la capacité financière nécessaire à l’achat des actions en cause et d’une expérience professionnelle en matière d’exploitation d’un casino. Dans un second temps, la Cour a considéré que la cession de 49 % des actions d’une entreprise
publique constituait l’objet principal du contrat en cause (18). Cette considération résultait du fait que la cession des actions constituait, en effet, une opération de privatisation et produisait des effets sans limitation dans le temps, permettant au cessionnaire de tirer, en tant qu’actionnaire, un revenu nettement plus important que la rémunération qui lui était due au titre de prestataire de services (19).

51.      Dans l’arrêt Mehiläinen et Terveystalo Healthcare (20), la Cour a examiné, sur la base de la même jurisprudence (21), un arrangement dans le cadre duquel un pouvoir adjudicateur passait, avec une entité privée indépendante de lui, un contrat prévoyant la création d’une entreprise commune, ayant la forme d’une société anonyme, auprès de laquelle ce pouvoir adjudicateur s’engageait, lors de cette création, à acquérir, pour une période transitoire de quatre ans, les services de santé et de
bien‑être au travail dont il devait faire bénéficier ses employés.

52.      Dans l’arrêt Healthcare, comme dans l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a., la Cour a affirmé que l’arrangement en question constituait un contrat mixte. Toutefois, la Cour a considéré que les volets de cet arrangement n’étaient pas inséparables, dans la mesure où il n’y avait pas de nécessité objective de conclure le contrat mixte avec un partenaire unique. En particulier, pour la Cour, le caractère détachable du volet relatif aux services du reste du contrat mixte était corroboré par le fait,
d’une part, que le pouvoir adjudicateur avait exprimé son intention de lancer, au terme de la période transitoire, une procédure d’appel d’offres pour l’acquisition de tels services et, d’autre part, qu’une entreprise commune avait été effectivement créée et avait fonctionné sans le volet relatif aux services (22).

53.      Dans l’arrêt Acoset, la Cour, interrogée sur une attribution directe d’un service public local de gestion intégrée de l’eau à une société à capital mixte, n’a pas même soulevé la question de savoir si le contrat en cause constituait un contrat mixte dont les différents volets étaient liés d’une manière inséparable et formaient ainsi un tout indivisible. Pour déterminer si cette attribution relevait de l’une des directives en cause, la Cour s’est focalisée sur le service public local de
gestion intégrée de l’eau ainsi que sur les travaux connexes à la gestion de ce service.

54.      Toutefois, on ne saurait interpréter l’arrêt Acoset en ce sens que, dans le cas d’un contrat composé de plusieurs volets dont l’un concerne la constitution d’une société à capital mixte, il convient d’ignorer ce volet et de n’examiner que les autres volets. Une telle lecture irait à l’encontre de la jurisprudence postérieure à cet arrêt, citée dans les points précédents des présentes conclusions.

55.      Il convient donc de comprendre l’arrêt Acoset en ce sens que la Cour a implicitement considéré , en premier lieu, qu’il s’agissait d’un contrat mixte dont les volets formaient un tout indivisible et, en second lieu, que le volet relatif au service public local en constituait l’objet principal.

56.      Il en résulte que le contrat conclu dans le cadre d’une procédure lancée par un pouvoir adjudicateur portant sur la sélection d’un associé privé pour une société à capital mixte et sur l’attribution d’un marché ou d’une concession à cette société est un contrat mixte composé de deux volets (23). En outre, en ce qui concerne un tel contrat mixte, il convient, dans un premier temps, de déterminer si les différents volets du contrat sont liés de manière indissociable (inséparable) et forment
un tout indivisible ; dans un deuxième temps, d’identifier l’objet principal ou l’élément prépondérant de ce contrat, et, dans un troisième temps, de déterminer le régime applicable audit contrat au regard de cet objet principal ou de cet élément prépondérant (24).

b)      Application

1)      Contrat mixte : volets indissociables ?

57.      Selon moi, les deux volets du contrat en cause au principal sont, comme cela était le cas dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Club Hotel Loutraki e.a. et Acoset, indissociables.

58.      En effet, pour assurer la prestation du service scolaire intégré par une société à capital mixte composée du pouvoir adjudicateur et d’un partenaire privé, il est objectivement nécessaire de sélectionner un partenaire disposant de la capacité financière nécessaire à l’acquisition de 49 % du capital de la société mixte à constituer et remplissant d’autres conditions lui permettant d’assumer, sous la forme d’une société à capital mixte, le service scolaire intégré en supportant l’intégralité
du risque opérationnel. Les deux volets du contrat doivent donc concerner le même partenaire, même si, techniquement, le premier volet porte sur la sélection d’un associé privé et, le second, sur l’attribution du service scolaire intégré à une société à capital mixte dont cet associé détient 49 % des actions (25).

59.      Qui plus est, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Healthcare (26), dans laquelle les circonstances liées au volet relatif aux services étaient très particulières, rien ne permet de considérer que, dans la présente affaire, le volet relatif à la constitution d’une société à capital mixte est dissociable de celui relatif au service scolaire intégré. En l’absence de ce dernier volet, la société mixte à constituer serait objectivement privée de sa raison d’être économique.
En droit italien, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du décret législatif n^o 175, le contrat de marché ou de cession constitue l’objet exclusif des activités de la société à capital mixte.

60.      Il convient maintenant de déterminer si le volet qui constitue l’objet principal du contrat en cause au principal est celui relatif à la constitution d’une société à capital mixte ou celui relatif au service scolaire intégré.

2)      Objet principal du contrat

61.      Je suis d’avis que le volet relatif au service scolaire intégré constitue l’objet principal du contrat mixte en cause au principal.

62.      La société mixte à constituer n’était qu’un moyen permettant d’assurer que le service scolaire intégré soit presté par un PPPI et ne constituait nullement la finalité de l’appel d’offres. À la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a., en l’espèce, il s’agit non pas d’une acquisition d’actions d’une entreprise publique préexistante en vue de sa privatisation, mais de la constitution d’une société mixte en vue d’exécuter un service scolaire intégré.

63.      En outre, dans cette affaire, la détention des actions de l’entreprise publique préexistante constituait en soi une source de revenus considérable. Rien ne permet de considérer que tel est le cas dans la présente affaire. On ne saurait donc s’inspirer de l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a. pour conclure que, en l’espèce, la constitution de la société mixte est l’objet principal du contrat en cause au principal.

64.      Par conséquent, la question de savoir quelle directive s’applique dans le cadre de l’affaire au principal doit être examinée au regard du volet relatif au service scolaire intégré.

3)      Marchés publics de services ou concessions de services ?

65.      La demande de décision préjudicielle a un caractère lacunaire en ce qui concerne le volet relatif au service scolaire intégré.

66.      Il est certes vrai que les réponses des parties aux questions écrites de la Cour apportent certaines clarifications quant à l’éventail des prestations constituant le volet relatif au service scolaire intégré (27). Cependant, ces clarifications ne permettent pas de qualifier de manière irréfutable, dans le cadre des présentes conclusions, ce volet comme relevant du « marché public de services » ou de la « concession de services ».

67.      En tout état de cause, une telle qualification concrète relève de la seule compétence du juge national (28). La Cour peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider ce juge national dans cet exercice de qualification.

68.      À cet égard, je relève, en premier lieu, que les marchés publics de services, au sens de la directive 2014/24, comportent une contrepartie qui est payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services (29). En revanche, la concession de services, au sens de la directive 2014/23, consiste en l’acte de confier la prestation et la gestion de services, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services en cause, soit dans ce droit accompagné
d’un prix (30). Dans cet ordre d’idées, la Cour a reconnu l’existence d’une concession de services, notamment, dans des cas où la rémunération du prestataire provenait de paiements effectués par les usagers d’un service (31). En conséquence, la circonstance que, comme l’indique la juridiction de renvoi, une société à capital mixte du droit italien exerce en réalité une activité contre rémunération et générant des bénéfices (même s’ils sont, selon cette juridiction, modestes) peut constituer un
indice quant au fait qu’il convient d’appliquer la directive 2014/23.

69.      En deuxième lieu, si le mode de rémunération est l’un des éléments déterminants pour la qualification d’une concession de services, la concession de services implique que le concessionnaire prenne en charge le risque lié à l’exploitation des services en question (32). Le critère de distinction relatif au transfert d’un tel risque a été codifié dans la directive 2014/23 (33). Pour décrire ce critère, la version en langue italienne de cette directive utilise la notion de « rischio operativo »
(risque opérationnel). La même notion est utilisée dans la décision par laquelle la ville de Rome a lancé un appel d’offres pour préciser que le soumissionnaire sélectionné serait appelé à supporter l’intégralité d’un tel risque (34).

70.      En troisième lieu, pour pouvoir répondre aux questions préjudicielles, la Cour peut, sur la base des indices qui lui sont fournis, partir de l’hypothèse selon laquelle un contrat relève de l’une des directives en cause (35). Cependant, en l’absence d’indices permettant de se prononcer sur le régime applicable en l’espèce, une telle approche ne me paraît pas envisageable dans la présente affaire. Plus important encore, à l’instar de la Commission, j’estime que le fait d’appliquer le régime
établi par l’une ou l’autre de ces directives ne doit pas nécessairement affecter les réponses à donner aux questions préjudicielles posées dans la présente affaire. En effet, le régime applicable au volet relatif au service scolaire intégré ne sera applicable au volet relatif à la sélection d’un associé privé que « par extension ». Dans la mesure où les questions ne portent que sur ce dernier volet, il s’agira uniquement, dans ce contexte, d’appliquer les principes généraux de ces régimes, qui sont
communs à ces deux volets. En conséquence, tout en respectant la répartition des compétences entre les juridictions nationales et la Cour, je me référerai, dans les présentes conclusions, tant à la directive 2014/23 qu’à la directive 2014/24 (36).

2.      Le régime pour les marchés publics passés entre des entités appartenant au secteur public

71.      Dans la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi évoque l’article 12 et les considérants 14 et 32 de la directive 2014/24 et reproduit, dans la demande de décision préjudicielle, l’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive. Or, cette juridiction ne précise nullement les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation de cette dernière disposition.

72.      À cet égard, en premier lieu, le considérant 14 de la directive 2014/24 se borne à indiquer que la notion d’« opérateur économique » devrait s’interpréter au sens large, confirmant ainsi qu’une société à capital mixte est susceptible de relever de cette notion. Pour le reste, ce considérant reprend, en substance, la définition de ladite notion figurant à l’article 2, paragraphe 1, point 10, de cette directive. Cette disposition n’a pas été invoquée par la juridiction de renvoi dans sa
question préjudicielle.

73.      En deuxième lieu, l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2014/24 prévoit que les marchés publics attribués à des personnes morales contrôlées par des pouvoirs adjudicateurs ne devraient pas être soumis à l’application des procédures prévues par cette directive. Cette disposition régit une coopération verticale entre les entités concernées ou une attribution en interne (« in house ») classique.

74.      Toutefois, la juridiction de renvoi indique clairement que, en droit italien, la constitution d’une société à capital mixte, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, constitue une alternative à la gestion en interne (37).

75.      Plus important encore, l’application de l’exclusion prévue à l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2014/24 dans le contexte de l’attribution des services à un PPPI me semble a priori exclue. En effet, comme l’indique le considérant 31, troisième alinéa, de cette directive, il convient de veiller à ce qu’aucune coopération public-public ainsi exclue n’entraîne de distorsion de concurrence à l’égard des opérateurs économiques privés dans la mesure où cela place un prestataire de
services privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents. Par ailleurs, en ligne avec la jurisprudence antérieure à la directive 2014/24 (38), le considérant 32 de cette directive clarifie que l’exclusion prévue à l’article 12, paragraphe 1, de celle-ci « ne devrait pas être étendue aux situations où un opérateur économique privé détient une participation directe dans le capital de la personne morale contrôlée dès lors que, dans de telles circonstances, l’attribution d’un marché
public sans recourir à une procédure concurrentielle conférerait à l’opérateur économique privé détenant une participation dans le capital de la personne morale contrôlée un avantage indu par rapport à ses concurrents ».

76.      En troisième lieu, on peut encore se demander si le contrat mixte en cause au principal est exclu du champ d’application de la directive 2014/24 au titre de l’article 12, paragraphe 4, de celle-ci. Cette disposition concerne les marchés conclus exclusivement entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs, lorsque ces marchés établissent ou mettent en œuvre une coopération entre ces pouvoirs adjudicateurs.

77.      On peut théoriser que la ville de Rome, en tant que pouvoir adjudicateur, ait voulu établir une coopération avec une société à capital mixte à constituer qui devait elle aussi assurer le service scolaire intégré et dont 51 % des actions seraient détenues par la ville de Rome. Par conséquent, cette société constituerait un « organisme de droit public », au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 4, de la directive 2014/24, et, partant, serait susceptible de constituer un « pouvoir
adjudicateur » au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 1, de cette directive.

78.      Or, à supposer même que les conditions d’application de l’exclusion prévue à l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24 soient réunies dans une telle situation, la Cour a jugé, dans l’arrêt Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (39), que cette disposition implique qu’une coopération entre des pouvoirs adjudicateurs ne doit pas avoir pour effet, conformément au principe d’égalité de traitement, de placer une entreprise privée dans une situation privilégiée par rapport à
ses concurrents. Il en résulte, comme l’a constaté l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans ses conclusions dans cette affaire (40), que la coopération entre pouvoirs adjudicateurs qui place un opérateur privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents sur le marché ne peut être couverte par l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24. À la lumière de ces clarifications, compte tenu de la participation du capital privé dans la société mixte à constituer, je suis d’avis
que la coopération en cause dans la présente affaire n’est pas susceptible de relever de l’exclusion prévue à cette disposition.

79.      Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’interpréter l’article 12 de la directive 2014/24 pour pouvoir répondre aux questions préjudicielles.

3.      Le régime des marchés pour des services sociaux et d’autres services spécifiques

80.      L’article 74 de la directive 2014/24 prévoit que les marchés publics pour les services sociaux et d’autres services spécifiques énumérés à l’annexe XIV de celle-ci sont attribués conformément au chapitre I du titre III de cette directive. À l’exception de CNS, toutes les parties ont indiqué, dans leurs réponses aux questions écrites de la Cour, qu’à tout le moins l’une des prestations composant le service scolaire intégré relève ou peut relever de cette annexe.

81.      Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas. Dans l’affirmative, il suffirait que la procédure de passation respecte les règles assouplies prévues par la directive 2014/24 pour la passation de ce type de marchés. Je me limiterai donc à ajouter quelques considérations pouvant s’avérer utiles pour cette juridiction.

82.      D’une part, certes, le chapitre I du titre III de la directive 2014/24 instaure un système spécial de passation de marchés pour les services sociaux et d’autres services spécifiques. De tels marchés échappent donc aux règles du système standard. Toutefois, l’article 76, paragraphe 1, de cette directive prévoit que les États membres mettent en place, pour la passation des marchés relevant de ce chapitre, des règles nationales afin de garantir que les pouvoirs adjudicateurs respectent les
principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques. A priori, il s’agit donc des mêmes principes que ceux évoqués à l’article 18 de ladite directive. Je ne peux donc pas exclure que l’application du chapitre I du titre III de la directive 2014/24 dans l’affaire au principal n’affecterait pas les réponses à donner aux questions préjudicielles (41).

83.      D’autre part, avant de conclure que les règles du chapitre I du titre III de la directive 2014/24 s’appliquent au contrat en cause au principal, il conviendrait également de comparer les valeurs estimées des services relevant de ce chapitre et celles des services relevant du système standard de cette directive et, ensuite, d’établir, sur la base de ces valeurs, l’objet principal du contrat (42).

84.      En l’absence d’indications permettant de conclure que les services relevant du chapitre I du titre III de la directive 2014/24 doivent être considérés comme l’objet principal du contrat en cause au principal et compte tenu du fait que la juridiction de renvoi ne fait nullement référence aux dispositions de ce chapitre, je pars de l’hypothèse que les règles assouplies ne s’appliquent pas en l’espèce.

4.      L’article 107 TFUE

85.      La première question préjudicielle évoque l’article 107 TFUE. La Commission soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable dans la mesure où celle-ci vise l’interprétation de cette disposition du droit primaire.

86.      Je partage l’avis de la Commission. En effet, la demande de décision préjudicielle n’identifie pas clairement la mesure qui, dans le cadre de la procédure en cause au principal, constituerait une aide d’État. La juridiction de renvoi ne précise pas non plus les motifs pour lesquels l’interprétation de cette disposition est nécessaire à la résolution du litige pendant devant elle.

87.      Certes, on peut comprendre la demande de décision préjudicielle en ce sens que la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter non pas l’une des dispositions du droit primaire mais les directives 2014/23 et 2014/24 à la lumière de celui-ci (« au regard de l’article 107 TFUE »). Néanmoins, une telle lecture de la demande de décision préjudicielle ne changerait pas le fait que, en tout état de cause, il n’y a pas lieu de répondre aux questions préjudicielles pour autant que celles-ci
portent sur l’article 107 TFUE.

88.      Dans ces conditions, l’exception d’irrecevabilité soulevée par CNS doit être également retenue dans la mesure où elle concerne la première question préjudicielle et l’article 107 TFUE ainsi que, pour les raisons avancées aux points 71 à 79 des présentes conclusions, l’article 12 de la directive 2014/24.

C.      Sur le fond

89.      Outre les dispositions du droit de l’Union dont la pertinence pour la présente affaire a été écartée, la première question préjudicielle fait référence à l’article 30 de la directive 2014/23 et à l’article 18 de la directive 2014/24. Pour pouvoir identifier toutes les dispositions pertinentes de ces directives, il convient au préalable de contextualiser les exigences relatives à la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres.

1.      Les exigences relatives à la participation publique et privée dans le contexte des directives 2014/23 et 2014/24

90.      À l’article 56 de la directive 2014/24, le législateur de l’Union distingue expressément deux types de critères, à savoir les critères de sélection qualitative, composés essentiellement des motifs d’exclusion et des critères de sélection visant à vérifier la capacité des opérateurs économiques à exécuter le marché attribué (articles 57 et 58 de cette directive), et les critères d’attribution du marché, qui se réfèrent aux offres elles-mêmes. Les articles 38 et 41 de la directive 2014/23,
concernant, respectivement, les critères relatifs à la sélection et à l’évaluation qualitative des candidats et les critères d’attribution, opèrent une distinction analogue.

91.      À cet égard, il y a lieu de constater que la demande de décision préjudicielle n’expose pas clairement la logique sous-tendant les exigences relatives à la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres. Dans la mesure où ces exigences constituent une lex specialis par rapport à celles établies dans le décret législatif n^o 175 (43), cette logique peut néanmoins être déduite des clarifications relatives à ce décret législatif. Les documents de l’appel
d’offres semblent nuancer les pourcentages et leur caractère (exigences fixées de manière précise, au lieu des seuils maximal et minimal), sans toutefois affecter substantiellement leurs objectifs.

92.      À cet égard, je comprends les clarifications de la juridiction de renvoi en ce sens que le plafonnement à 70 % de la participation publique dans la société mixte à constituer vise à garantir que la participation privée dans cette société est inférieure à 30 %.

93.      En conséquence, d’une part, du point de vue général du marché et des opérateurs économiques, un associé privé ne serait pas en mesure de limiter excessivement (en deçà de 30 %) le risque économique de sa participation à une société à capital mixte et de tirer indûment profit des avantages de la participation publique, en permettant d’empêcher d’autres entités d’accéder avec profit à la même activité économique sur le segment de marché concerné. Dans cette optique, comme l’indique la
juridiction de renvoi, ce plafonnement vise à prévenir les contournements du principe de la libre concurrence.

94.      D’autre part, du point de vue de l’objet de la procédure d’appel d’offres et du pouvoir adjudicateur, ce plafonnement garantit que l’associé privé est un partenaire opérationnel, dont la contribution à l’exécution des tâches conférées à une entité à capital mixte à constituer consiste en une contribution en capital et en l’apport des compétences nécessaires pour exécuter ces tâches, en assumant l’intégralité du risque opérationnel pour leur exécution.

95.      Il me faut observer que l’aspect relatif à la contribution effective de l’associé privé semble revêtir une importance majeure en ce qui concerne l’affaire au principal et les exigences de la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres. Compte tenu du caractère nécessairement individualisé des conditions et des critères de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles (44) et en ligne avec l’arrêt Acoset (45), cette
observation constitue un indice quant au fait que les exigences de la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres constituent les critères de sélection qualitative.

96.      En outre, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, du fait du mode de calcul tenant compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de cet associé, les soumissionnaires ont été exclus de la procédure lancée à la suite de l’appel d’offres en raison du non-respect de ces exigences. À cet égard, il est de jurisprudence constante que les critères de sélection qualitative permettent au pouvoir adjudicateur de n’admettre à soumissionner que des
opérateurs économiques dont les capacités laissent augurer qu’ils seront en mesure d’exécuter l’objet de l’appel d’offres (46).

97.      Ainsi, les exigences en ce qui concerne la participation publique et privée, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, ne semblent pas porter sur les offres (critères d’attribution du marché) (47). En revanche, elles semblent constituer les critères de sélection qualitative par lesquels un pouvoir adjudicateur cherche à s’assurer qu’un associé privé dispose de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles lui permettant de maintenir la
répartition entre le capital public et le capital privé de la société à capital mixte, fixée par le pouvoir adjudicateur, par sa participation dans le capital de cette société et par la prise de l’intégralité du risque opérationnel pour l’exécution du service par ladite société (48). Les exigences relatives à la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, constituent donc des critères et des conditions au
sens de l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 ou, le cas échéant, au sens de l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24.

2.      La reformulation des questions préjudicielles

98.      Compte tenu des précisions apportées, relatives à l’objet des questions préjudicielles (49), au régime applicable dans l’affaire au principal (50) ainsi qu’à la qualification des exigences de la participation publique et privée applicables dans cette affaire (51), je propose de reformuler les questions préjudicielles en précisant les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est nécessaire pour répondre utilement à la juridiction de renvoi.

99.      Plus précisément, je propose de considérer que, par ses questions, que je propose d’analyser conjointement, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 30 et l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 ou, le cas échéant, l’article 18 et l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, aux fins de déterminer le pourcentage de la participation d’un associé privé soumissionnaire dans une société mixte
public-privé à constituer, il soit tenu compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de cet associé privé soumissionnaire, de sorte que celui-ci soit exclu de l’appel d’offres lorsque la prise en compte de cette participation indirecte conduit à ce que ne soit pas respecté le pourcentage de participation privée recherché par le pouvoir adjudicateur selon les documents de l’appel d’offres.

3.      Appréciation

100. Puisqu’elles constituent des conditions et des critères de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles, les exigences relatives à la participation publique et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres doivent être liées et proportionnées à l’objet de la procédure d’appel d’offres (52). Conformément à l’article 30 de la directive 2014/23 et à l’article 18 de la directive 2014/24, le pouvoir adjudicateur doit appliquer ces exigences dans le
respect des principes d’égalité et de non-discrimination entre les soumissionnaires, ainsi que de transparence et de proportionnalité.

101. En premier lieu, il y a lieu de vérifier l’existence d’un lien entre ces exigences et l’objet de la procédure d’appel d’offres.

102. Dans la logique des exigences fixées dans les documents de l’appel d’offres (participation fixée à 51 % pour la ville de Rome et à 49 % pour l’associé privé), un soumissionnaire susceptible d’être sélectionné doit être une entité tierce au pouvoir adjudicateur. En effet, une participation plus importante du pouvoir adjudicateur dans la société à capital mixte, par voie du contrôle de ce soumissionnaire (également résultant de la participation indirecte), affecterait la répartition entre le
capital public et le capital privé de cette société, fixée par le pouvoir adjudicateur. En outre, une telle situation serait susceptible de limiter le rôle du partenaire privé et, en conséquence, l’engagement effectif de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles du soumissionnaire en dessous du seuil de 49 % fixé par le pouvoir adjudicateur. Ces exigences sont donc liées à l’objet de la procédure d’appel d’offres.

103. Qui plus est, dans la mesure où, en règle générale, le droit de l’Union ne s’oppose pas au recours à une procédure unique dans le contexte d’un PPPI (53), l’interprétation de l’exigence relative à l’existence d’un lien entre les critères de sélection qualitative et l’objet de la procédure de l’appel d’offres qu’on doit retenir ne saurait empêcher l’utilisation de cette forme de coopération par les pouvoirs adjudicateurs (y compris la fixation par le pouvoir adjudicateur de la répartition entre
le capital public et le capital privé de la société à capital mixte). En effet, le recours à un PPPI résulte de la liberté des États membres quant au choix du mode de prestation de services par lequel les pouvoirs adjudicateurs pourvoiront à leurs propres besoins (54).

104. En deuxième lieu, s’agissant de la proportionnalité des exigences de la participation publique et privée, je rappelle que, à tout le moins à la lumière de ma lecture de la demande de décision préjudicielle, ces exigences n’excluent pas systématiquement tout soumissionnaire dont le capital est d’origine publique (55). En revanche, compte tenu de la formulation initiale de la première question préjudicielle, ces exigences semblent viser toute forme de participation indirecte du pouvoir
adjudicateur dans le capital social de l’associé privé.

105. Cela étant, la participation indirecte d’un pouvoir adjudicateur dans le capital d’un associé privé peut prendre des formes différentes. En outre, son incidence sur le fonctionnement de cet associé privé dépend de la structure organisationnelle de celui-ci. Il n’existe donc pas de certitude quant au fait que toute participation indirecte dans le capital de l’associé privé limite l’engagement effectif de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles du
soumissionnaire en dessous  du seuil de 49 %, fixé par le pouvoir adjudicateur.

106. Par conséquent, la prise en compte de toute participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de l’associé privé ne respecte pas le principe de proportionnalité dans la mesure où est ignoré le fait qu’une telle participation indirecte ne limite pas nécessairement l’engagement effectif de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles de cet associé privé en dessous  du seuil de 49 %, fixé par le pouvoir adjudicateur. En l’absence de
vérifications permettant d’établir que tel est le cas, cet associé privé soumissionnaire ne saurait être automatiquement exclu de l’appel d’offres en raison de cette participation indirecte.

107. Il n’est pas évident d’établir que le pouvoir adjudicateur a effectué concrètement de telles vérifications dans la présente affaire. Toutefois, tout d’abord, l’analyse de la structure des capitaux des entités concernées figurant dans la décision d’exclusion peut faire penser que tel est le cas. Ensuite, il semble que le renvoi préjudiciel fasse écho à cette décision en ce que la juridiction de renvoi relève que si « l’on tient compte de l’aspect substantiel, à savoir de l’articulation sociale
de [Roma Multiservizi] et en particulier du fait qu’elle est détenue à 51 % par [AMA], qui est elle‑même entièrement détenue par la ville de Rome, [...] la participation [publique et privée] dans la société mixte [à constituer] serait en réalité de 73,5 % et [de 26,5 %] ». Enfin, rien ne suggère que la répartition des pouvoirs décisionnels et des risques d’exploitation n’a pas été effectuée au prorata du capital détenu. La détention de la majorité du capital d’un associé privé soumissionnaire par le
pouvoir adjudicateur semble donc susceptible de limiter l’engagement effectif de la capacité économique et financière et/ou des capacités techniques et professionnelles de cet associé privé en dessous  du seuil de 49 %, fixé par le pouvoir adjudicateur.

108. Par conséquent, je suis d’avis que l’article 30 et l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 ou, le cas échéant, l’article 18 et l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce que, aux fins de déterminer le pourcentage de participation d’un associé privé soumissionnaire dans la société mixte public-privé à constituer, il soit tenu compte de toute participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le
capital social de cet associé privé soumissionnaire, de sorte que celui-ci soit automatiquement exclu de l’appel d’offres, lorsque la prise en compte de cette participation indirecte conduit à ce que ne soit pas respecté le pourcentage de participation privée recherchée par le pouvoir adjudicateur selon les documents de l’appel d’offres.

109. En revanche, l’article 30 et l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 ou, le cas échéant, l’article 18 et l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ne s’opposent pas à une telle prise en compte lorsque celle-ci n’a pas de caractère automatique. En particulier, ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en compte d’une participation indirecte lorsqu’il résulte de vérifications effectuées par le pouvoir adjudicateur que cette participation consiste en la détention de la
majorité du capital d’un associé privé soumissionnaire par une autre entité qui, à son tour, est entièrement détenue par le pouvoir adjudicateur, à condition que la répartition des pouvoirs décisionnels et des risques soit effectuée au prorata du capital détenu en ce qui concerne cet associé privé soumissionnaire et cette entité.

110. En ce qui concerne le respect de la proportionnalité, je note, par souci de complétude, que la Commission semble mettre en doute que l’exclusion de l’offre soumise par Rekeep et Roma Multiservizi respecte le principe de proportionnalité, au motif que la ville de Rome aurait dû leur permettre de démontrer, le cas échant, que sa participation indirecte au capital de Roma Multiservizi n’entraînait pas de risques de conflit d’intérêts. Toutefois, les exigences relatives à la participation publique
et privée fixées dans les documents de l’appel d’offres n’ont pas pour objet principal d’éliminer de tels risques. Qui plus est, un conflit d’intérêts constitue un motif d’exclusion prévu par les directives 2014/23 et 2014/24 et la demande de décision préjudicielle ne fait nullement référence à celui-ci. En outre, elle n’invoque ni l’article 35 de la directive 2014/23, ni l’article 24 de la directive 2014/24.

111. En ce qui concerne, en troisième lieu, les principes de transparence et d’égalité de traitement, il me faut observer que, dans leurs observations écrites, Roma Multiservizi et Rekeep allèguent que la prise en compte de la participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital d’un soumissionnaire n’a pas été mentionnée dans les documents de l’appel d’offres.

112. La demande de décision préjudicielle ne fait pas référence à l’absence de cette mention dans les documents de l’appel d’offres. Dans ce contexte, il me faut observer que, dans ses réponses aux questions écrites de la Cour, la ville de Rome indique que, selon le décret législatif n^o 175, qui semble porter modalités d’application des directives 2014/23 et 2014/24, une entreprise publique est définie comme une entreprise sur laquelle les pouvoirs adjudicateurs peuvent exercer, directement ou
indirectement, une influence dominante. Selon les observations de Rekeep, ce décret prévoit également que, « lorsque les dispositions en vigueur autorisent la constitution de sociétés mixtes pour la réalisation et la gestion d’un ouvrage public ou pour l’organisation et la gestion d’un service d’intérêt général, l’associé privé doit être sélectionné au moyen d’une procédure de passation de marché public ». Par voie d’interprétation a contrario, on peut donc constater que, dans le cadre d’une société
à capital mixte, un associé privé ne peut pas se trouver en situation d’influence dominante, directe ou indirecte, vis-à-vis du pouvoir adjudicateur. Toutefois, une participation indirecte dans le capital d’un associé privé conduisant à l’exercice d’une influence dominante ne saurait être assimilée à une quelconque participation indirecte dans le capital de cet associé privé.

113. En tout état de cause, les juridictions nationales sont seules compétentes pour vérifier, le cas échéant, le bien-fondé de ces allégations et leur pertinence au stade actuel de l’affaire au principal.

114. Cela étant, dans la mesure où la juridiction de renvoi évoque l’article 30 de la directive 2014/23 et l’article 18 de la directive 2014/24, il convient de fournir à cette juridiction des clarifications utiles en ce qui concerne une vérification effectuée au regard des principes énoncés à ces dispositions.

115. Il est de jurisprudence constante que les principes de transparence et d’égalité de traitement, qui régissent toutes les procédures de passation de marchés publics, exigent que les conditions de fond et de procédure concernant la participation à un marché soient clairement définies au préalable et rendues publiques, en particulier les obligations pesant sur les soumissionnaires, afin que ceux-ci puissent connaître exactement les contraintes de la procédure et être assurés du fait que les mêmes
exigences valent pour tous les concurrents (56).

116. À titre d’illustration et en ce qui concerne le régime de la directive 2014/24, en règle générale, les avis de marché doivent contenir la liste et une brève description des critères de sélection et des critères concernant la situation personnelle des opérateurs économiques qui pourraient entraîner leur exclusion (57).

117. Dans le prolongement de cette logique, le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public à la suite du non-respect, par celui-ci, d’une obligation qui résulte non pas expressément des documents afférents à cette procédure ou de la loi nationale en vigueur, mais d’une interprétation de cette loi et de ces documents ainsi que du comblement
des lacunes, de la part des autorités ou des juridictions administratives nationales, présentées par lesdits documents (58).

118. Dans la mesure où la participation indirecte d’un pouvoir adjudicateur dans le capital d’un associé privé peut prendre des formes différentes et où son incidence sur le fonctionnement de cet associé privé dépend de la structure organisationnelle de celui-ci, il ne me semble pas qu’il aille de soi que toute forme de participation indirecte du pouvoir adjudicateur conduirait automatiquement à l’exclusion d’un soumissionnaire de l’appel d’offres en raison du non-respect des exigences de la
participation publique et privée. Une telle interprétation de la réglementation nationale ou des documents de l’appel d’offres ne semble pas s’imposer avec suffisamment d’évidence.

119. Sans préjudice des remarques supplémentaires qui précèdent, relatives au respect des principes de transparence et d’égalité de traitement, je maintiens la position que j’ai avancée, au point 108 des présentes conclusions, relative au respect du principe de proportionnalité.

VI.    Conclusion

120. En vertu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) comme suit :

L’article 30 et l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession ou, le cas échéant, l’article 18 et l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE doivent être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce que, aux fins de déterminer le
pourcentage de participation d’un associé privé soumissionnaire dans la société mixte public-privé à constituer, il soit tenu compte de toute participation indirecte du pouvoir adjudicateur dans le capital social de cet associé privé soumissionnaire, de sorte que celui-ci soit automatiquement exclu de l’appel d’offres, lorsque la prise en compte de cette participation indirecte conduit à ce que ne soit pas respecté le pourcentage de participation privée recherché par le pouvoir adjudicateur selon
les documents de l’appel d’offres.

En revanche, l’article 30 et l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2014/23 ou, le cas échéant, l’article 18 et l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ne s’opposent pas à une telle prise en compte lorsque celle-ci n’a pas un caractère automatique. En particulier, ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en compte d’une participation indirecte lorsqu’il résulte de vérifications effectuées par le pouvoir adjudicateur que cette participation consiste en la détention de la
majorité du capital d’un associé privé soumissionnaire par une autre entité qui, à son tour, est entièrement détenue par le pouvoir adjudicateur, à condition que la répartition des pouvoirs décisionnels et des risques soit effectuée au prorata du capital détenu en ce qui concerne cet associé privé soumissionnaire et cette entité.

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1      Langue originale : le français.

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2      Sur les différentes formes de partenariat public-privé, notamment le PPPI, au regard du droit de l’Union, voir Bovis, Ch., « Chapter 18 : Public service partnerships », Research Handbook on EU Public Procurement Law, sous la direction de Bovis, Ch., Edward Elgar, Cheltenham-Northampton, 2016, p. 554 et suiv.

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3      Voir livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions [COM(2004) 327 final], point 54.

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4      Voir, notamment, arrêt du 15 octobre 2009, Acoset (C‑196/08, ci-après l’« arrêt Acoset », EU:C:2009:628).

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5      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1).

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6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

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7      GURI n^o 210, du 8 septembre 2016, p. 1.

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8      Decreto legislativo n. 50 – Attuazione delle direttive 2014/23/UE, 2014/24/UE e 2014/25/UE sull’aggiudicazione dei contratti di concessione, sugli appalti pubblici e sulle procedure d’appalto degli enti erogatori nei settori dell’acqua, dell’energia, dei trasporti e dei servizi postali, nonché per il riordino della disciplina vigente in materia di contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture (décret législatif n^o 50 portant transposition des directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et
2014/25/UE sur l’attribution des contrats de concession, des marchés publics et des procédures de passation des marchés des organismes fournisseurs dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi que pour la réorganisation de la réglementation en vigueur en matière de marchés publics de travaux, de services et de fournitures), du 18 avril 2016 (supplément ordinaire à la GURI n^o 91, du 19 avril 2016).

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9      En effet, une participation effective de 51 % résultait déjà des documents de l’appel d’offres. Selon ces documents, la ville de Rome devait détenir 51 % des parts sociales de la société mixte à constituer. Pour ce qui reste (73,5 % – 51 % = 22,5 %), une participation effective de 22,5 % dans cette société aurait dû résulter du fait que la participation de Roma Multiservizi dans le groupement constitué avec Rekeep s’élevait à environ 90 %. En conséquence, la détention de 51 % du capital de
Roma Multiservizi par AMA – dont le capital est intégralement détenu par la ville de Rome – se traduirait en une participation effective de 22,5 % de la ville de Rome dans la société mixte à constituer (22,5 % = 49 %  90 %  51 %). En effet, dans leurs observations écrites, Rekeep et Consorzio Nazionale Servizi Società Cooperativa (CNS) indiquent qu’il était prévu, d’une part, que ce groupement soit détenu à 10 % par Rekeep, en qualité de mandant, et à 90 % par Roma Multiservizi, en qualité de chef
de file mandataire, et, d’autre part, que ces sociétés souscrivent au capital de la société mixte à constituer avec la ville de Rome au prorata de leur participation dans ce groupement.

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10      De même, selon les informations contenues dans la demande de décision préjudicielle, Roma Multiservizi et Rekeep ont contesté la décision d’exclusion en faisant référence, notamment, à la violation, à l’application erronée et à l’interprétation finaliste inadmissible de ce que ces parties ont considéré comme une lex specialis.

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11      La juridiction de renvoi indique notamment que le pouvoir adjudicateur « a fixé à 51 % la participation de la ville de Rome et à 49 % celle de l’associé privé » et que ce pouvoir adjudicateur a organisé un appel d’offres « en fixant à 51 % la participation de la ville de Rome ».

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12      La juridiction de renvoi indique notamment que « la ville de Rome [...] aurait fini par détenir dans la société publique-privée une participation effective de 73,5 %, excédant ainsi la limite de 51 % fixée dans le dossier de l’appel d’offres » et que « la participation de la ville de Rome dans la [société mixte à constituer] aurait dépassé la limite fixée à 51 % ».

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13      Selon CNS, la juridiction de renvoi se borne à demander un contrôle de compatibilité du droit national au regard de principes généraux du droit de l’Union, sans identifier concrètement les dispositions spécifiques au regard desquelles il conviendrait d’examiner cette compatibilité. Selon lui, l’absence de pertinence de la question préjudicielle est, par ailleurs, démontrée par le fait qu’il n’existe pas, dans le droit de l’Union, de dispositions spécifiques relatives aux formes de
partenariat public-privé.

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14      Arrêt du 6 mai 2010 (C‑145/08 et C‑149/08, ci-après l’« arrêt Club Hotel Loutraki e.a. », EU:C:2010:247).

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15      Arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (point 46).

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16      Arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (point 50).

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17      Arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (point 48 et jurisprudence citée).

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18      Arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (point 57).

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19      Arrêt Club Hotel Loutraki e.a. (points 55 et 57).

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20      Arrêt du 22 décembre 2010 (C‑215/09, ci-après l’« arrêt Healthcare », EU:C:2010:807).

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21      Arrêt Healthcare (point 36).

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22      Arrêt Healthcare (points 43 et 44).

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23      Certaines parties semblent mettre en question la qualification de « contrat mixte » d’un contrat dont l’un des volets est relatif à la sélection d’un associé privé pour une entité a capital mixte à constituer. Or, si la Cour n’a pas utilisé la notion de « contrat mixte » dans l’arrêt Acoset, elle l’a fait dans ses arrêts Club Hotel Loutraki e.a. et Healthcare. En outre, à supposer même que la directive 2014/24 s’applique en l’espèce et que le contrat en cause au principal ne relève pas de la
notion de « marché mixte », au sens de l’article 3 de cette directive, en ce que la sélection d’un associé privé pour la constitution d’une société mixte ne concerne pas un marché (voir note en bas de page 24), ce contrat peut toutefois relever de la catégorie plus large des contrats mixtes que la Cour semble avoir visée dans les arrêts Club Hotel Loutraki e.a. et Healthcare.

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24      Indépendamment de la solution dégagée par la Cour dans sa jurisprudence, à supposer que la directive 2014/24 s’applique dans l’affaire au principal, on pourrait a priori parvenir au même résultat sur le fondement de l’article 3, paragraphe 6, de cette directive selon lequel, « [l]orsque les différentes parties d’un marché donné sont objectivement inséparables, le régime juridique applicable est déterminé en fonction de l’objet principal dudit marché ». Conformément à ladite directive, les
marchés ont pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services. Se pose donc la question de savoir si la sélection d’un associé privé et la constitution d’une société mixte relèvent de la notion de « marché » au sens de la même directive. La doctrine semble considérer que tel est le cas (voir, en ce sens, dans la mesure où l’auteure se réfère à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2014/24, Andrecka, M., « Institutionalised Public-Private Partnership as a
Mixed Contract under the Regime of the New Directive 2014/24/EU », European Procurement & Public Private Partnership Law Review, vol. 9, n^o 3, 2014, p. 176). Par ailleurs, compte tenu des doutes existant quant au régime applicable en l’espèce, il y a lieu de relever la différence entre la formulation utilisée par la directive 2014/24, dont l’article 3, paragraphe 6, prévoit que « [l]orsque les différentes parties d’un marché donné sont objectivement inséparables, le régime juridique applicable est
déterminé en fonction de l’objet principal dudit marché [mixte] », et celle utilisée par la directive 2014/23, dont l’article 20, paragraphe 5, prévoit que « [l]orsque les différentes parties d’un contrat donné sont objectivement indissociables, le régime juridique applicable est déterminé en fonction de l’objet principal dudit contrat » (souligné par mes soins), cette dernière me semblant être plus souple, à tout le moins en ce qui concerne certaines versions linguistiques de ces directives,
notamment la version en langue française.

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25      Voir, par voie d’analogie, point 53 de l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a., lu à la lumière du point 28 de celui-ci, selon lequel le contrat mixte en cause comprenait « un volet portant sur la vente d’actions par [la société Ellinika Touristika Akinita AE], au soumissionnaire le mieux-disant [et un] volet portant sur un marché de services à conclure avec le soumissionnaire le mieux-disant, qui assume les obligations de gestion de l’entreprise de casino »), tandis que, comme il ressort du
point 25 de cet arrêt, la société à constituer par le soumissionnaire (et non pas ce soumissionnaire lui-même) agissait en tant que gérante et concluait à tout le moins une convention. Voir, également, sur ce point, arrêt Acoset (points 54 et 61).

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26      Voir point 52 des présentes conclusions.

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27      Il ressort des observations des parties et de leurs réponses aux questions écrites de la Cour que le service scolaire intégré consiste dans l’assistance générale, la manutention, le factage et le nettoyage au sein des crèches et des écoles, ainsi que dans le transport scolaire. La présence d’une prestation relative au transport scolaire dans cet éventail ne semble pas inciter la juridiction de renvoi à envisager l’application de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du
26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243). En tout état de cause, d’une part, cette directive prévoit également, aux articles 4 et 6, des règles relatives aux marchés mixtes et, d’autre part, rien ne permet de considérer que le transport scolaire constitue l’objet principal du contrat en cause au principal ou de son volet
relatif au service scolaire intégré.

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28      Voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Norma-A et Dekom (C‑348/10, EU:C:2011:721, points 57 et 59).

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29      Voir article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/24. Voir, également en ce sens, arrêt Acoset (point 39 et jurisprudence citée).

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30      Voir article 5, point 1, sous b), de la directive 2014/23.

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31      Voir arrêt Acoset (point 43 et jurisprudence citée).

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32      Voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Norma-A et Dekom (C‑348/10, EU:C:2011:721, point 44). Voir également, en ce sens, mes conclusions dans les affaires jointes Promoimpresa e.a. (C‑458/14 et C‑67/15, EU:C:2016:122, points 62 et 63), dans lesquelles j’ai considéré qu’une concession de services est notamment caractérisée par le fait que l’autorité confie l’exercice d’une activité de service, normalement un service dont la prestation incomberait à cette autorité (avec, j’ajoute, le
risque qui l’accompagne), au concessionnaire, en l’obligeant ainsi à prester le service déterminé.

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33      Voir article 1^er, paragraphe 1, et considérant 18 de la directive 2014/23.

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34      Certes, dans l’affaire au principal, le risque aurait dû être assumé par l’associé privé, sélectionné dans le cadre du premier volet du contrat mixte, tandis que le service scolaire intégré, qui constituait l’objet principal de ce contrat, aurait dû être attribué, dans le cadre du second volet de ce contrat, à la société mixte à constituer. Compte tenu de cette particularité, on pourrait arguer que, dans le cadre du second volet, pris de manière isolée, il ne s’agit pas d’un transfert du
risque au soumissionnaire sélectionné. Toutefois, en l’espèce, la procédure de l’appel d’offres visait en tout état de cause à libérer le pouvoir adjudicateur du risque lié à l’exécution du service scolaire intégré. Pour cette raison, je n’exclus pas la qualification de ce second volet en tant que « concession », malgré ladite particularité. Sur la problématique de la même particularité, voir, également, point 58 des présentes conclusions.

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35      Voir, par voie d’analogie, arrêt Acoset (point 42).

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36      Par souci de complétude, je note que les directives 2014/23 et 2014/24 sont applicables ratione temporis et que le montant du marché, estimé à plus de 277 millions d’euros, est supérieur aux seuils exigés par ces directives. Voir article 8 de la directive 2014/23 et article 4 de la directive 2014/24.

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37      Voir point 11 des présentes conclusions.

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38      Voir arrêt du 6 avril 2006, ANAV (C‑410/04, EU:C:2006:237, points 31 et 32).

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39      Arrêt du 28 mai 2020 (C‑796/18, EU:C:2020:395).

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40      Conclusions dans l’affaire Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (C‑796/18, EU:C:2020:47, point 109, point 3).

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41      Voir, également à cet égard, point 70 des présentes conclusions.

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42      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2014/24, « [e]n ce qui concerne les marchés mixtes portant à la fois sur des services au sens du titre III, chapitre I, et sur d’autres services, ou les marchés mixtes portant à la fois sur des services et sur des fournitures, l’objet principal est déterminé en fonction de la plus élevée des valeurs estimées respectives des fournitures ou des services ».

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43      Voir point 28 des présentes conclusions.

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44      L’article 38, paragraphe 1, seconde phrase, de la directive 2014/23 énonce que « [l]es conditions de participation sont liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire d’exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective ». Dans cet ordre d’idées, l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2014/24 énonce notamment que les pouvoirs adjudicateurs limitent les conditions de participation « à
celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché ».

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45      Voir point 59 de l’arrêt Acoset : « [...] la sélection de l’associé privé dans le respect des exigences rappelées aux points 46 à 49 du présent arrêt et le choix des critères de sélection de l’associé privé permettent de remédier à cette situation, dès lors que les candidats doivent établir, outre leur capacité à devenir actionnaire, avant tout leur capacité technique à fournir le service et les avantages économiques et autres découlant de leur offre. » La Cour a souligné, dans cet arrêt,
l’importance des critères de sélection qualitative relatifs à la capacité d’exercer un service ou une concession [voir, en ce sens, Brown, A., « Selection of the Private Participant in a Public-Private Partnership which is Entrusted with a Public Services Concession : Acoset (Case C‑196/08) », Public Procurement Law Review, vol. 2, 2010, p. 4], sans toutefois ignorer les critères de sélection qualitative relatifs à la capacité de devenir un associé privé de la société mixte à constituer.

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46      Voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2021, Sanresa (C‑295/20, EU:C:2021:556, point 62).

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47      Comme l’observe la doctrine, dans le contexte d’un PPPI, en dépit des difficultés, il importe de distinguer les critères de sélection qualitative des critères d’attribution du marché. Voir Andrecka, M., et Kania, M., « Choosing the Private Partner for a Public Private Partnership : A European Union Law Perspective on Polish Practice », Polish Review of International and European Law, vol. 2, n^o 1, 2013, p. 148.

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48      Pour cette raison, je suis d’avis que la qualification retenue par la Cour dans l’arrêt du 19 mai 2009, Assitur (C‑538/07, EU:C:2009:317, points 21 et 23), en ce qui concerne une réglementation nationale destinée à écarter toute collusion potentielle entre les participants à une même procédure de passation d’un marché public et à sauvegarder l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure ne saurait être retenue en l’espèce s’agissant des exigences relatives à la
participation publique et privée en cause en l’espèce fixées d’ailleurs dans les documents de l’appel d’offres.

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49      Voir points 35 et 36 des présentes conclusions.

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50      Voir point 70 des présentes conclusions.

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51      Voir point 97 des présentes conclusions.

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52      Voir note en bas de page 44.

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53      Voir arrêt Acoset (point 63).

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54      Voir, également, considérant 5 de la directive 2014/24, qui énonce que « rien dans la présente directive ne fait obligation aux États membres de confier à des tiers ou d’externaliser la fourniture de services qu’ils souhaitent fournir eux-mêmes ou organiser autrement que par la passation d’un marché public au sens de la présente directive ».

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55      Voir point 38 des présentes conclusions.

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56      Voir arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324, point 23 et jurisprudence citée).

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57      Voir article 49 et annexe V, partie C, point 11, sous c), de la directive 2014/24.

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58      Voir arrêt du 2 juin 2016, Pizzo (C‑27/15, EU:C:2016:404, point 51).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-332/20
Date de la décision : 24/02/2022
Type de recours : Recours préjudiciel, Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.

Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Contrats de concession – Constitution d’une société à capital mixte – Attribution à cette société de la gestion d’un “service scolaire intégré” – Désignation de l’associé privé selon une procédure d’appel d’offres – Directive 2014/23/UE – Article 38 – Directive 2014/24/UE – Article 58 – Applicabilité – Critères in house – Exigence d’une participation minimale de l’associé privé au capital de la société à capital mixte – Participation indirecte du pouvoir adjudicateur au capital de l’associé privé – Critères de sélection.

Aides accordées par les États

Rapprochement des législations

Libre prestation des services

Droit d'établissement

Concurrence


Parties
Demandeurs : Roma Multiservizi spa et Rekeep spa
Défendeurs : Roma Capitale et Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:135

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