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30/09/2021 | CJUE | N°C-283/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 30 septembre 2021., CO e.a. contre MJ e.a., 30/09/2021, C-283/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 30 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑283/20

CO,

ME,

GC

et 42 autres parties

contre

MJ,

Commission européenne,

Service européen pour l’action extérieure (SEAE),

Conseil de l’Union européenne,

EULEX Kosovo

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal du travail francophone de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et

de sécurité commune (PESC) – Action commune 2008/124/PESC relative à la mission “État de droit” menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX Kosovo) – Compétence de la ...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 30 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑283/20

CO,

ME,

GC

et 42 autres parties

contre

MJ,

Commission européenne,

Service européen pour l’action extérieure (SEAE),

Conseil de l’Union européenne,

EULEX Kosovo

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal du travail francophone de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Action commune 2008/124/PESC relative à la mission “État de droit” menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX Kosovo) – Compétence de la Cour de justice – Personnel des missions internationales de l’Union – Litiges portant sur des contrats de travail – Mandat du chef de la mission – Détermination de l’employeur du personnel international »

I. Introduction

1. Cette demande formée par le tribunal du travail francophone de Bruxelles (Belgique) porte sur l’interprétation de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo ( 2 ), telle que modifiée, notamment, par la décision 2014/349/PESC du Conseil, du 12 juin 2014 ( 3 ). Ainsi que l’expose la juridiction de renvoi, la présente affaire s’inscrit dans le cadre de recours introduits par d’anciens et
d’actuels membres du personnel international d’EULEX Kosovo, recours fondés, notamment, sur le non-renouvellement de leurs contrats de travail et sur la requalification de leurs fonctions à la suite de la restructuration de cette mission. EULEX Kosovo est une mission internationale de l’Union conduite dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), mission dont le personnel comprend la catégorie composée par le personnel international, visant des ressortissants de l’Union
et de pays tiers recrutés sur une base contractuelle, tandis que le chef de cette mission est une personne nommée par le Conseil pour une période déterminée afin de diriger le personnel de ladite mission et d’assurer une coordination avec les autres acteurs de l’Union sur le théâtre des opérations dont il est responsable ( 4 ).

2. Le problème qui se pose dans la présente affaire découle du fait que le litige au principal porte sur la période antérieure à la modification, par la décision 2014/349, de l’action commune 2008/124, prévoyant qu’EULEX Kosovo a la capacité de conclure des contrats, d’employer du personnel et d’ester en justice, ce qui implique des contrats de travail conclus avec le chef de la mission en son nom propre. La question principale soumise à la Cour porte sur le point de savoir si, sur le fondement des
dispositions en cause de l’action commune 2008/124, le chef de cette mission peut être considéré comme étant l’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo pendant cette période, ou bien si une autre entité pour le compte de laquelle le chef de la mission agissait, telle que la mission EULEX Kosovo elle-même ou encore un ou plusieurs institutions ou organismes de l’Union, en l’occurrence le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne et le Service européen pour
l’action extérieure (SEAE), doit être réputée être cet employeur. Dans l’affaire au principal, il est nécessaire de faire cette distinction afin de déterminer la partie défenderesse contre laquelle les recours doivent être dirigés.

3. Par conséquent, la présente affaire donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur plusieurs questions inédites et potentiellement sensibles relatives à l’attribution, en droit de l’Union, de la responsabilité en matière de litiges du travail concernant les missions internationales de l’Union ( 5 ). La Cour est également appelée à clarifier dans ce contexte certains aspects de la jurisprudence relative à sa compétence dans le domaine de la PESC.

II. Le cadre juridique

A.   L’action commune 2008/124 avant sa modification par la décision 2014/349

4. L’article 8 de l’action commune 2008/124, intitulé « Chef de la mission », énonce ce qui suit :

« 1.   Le chef de la mission est responsable de la mission sur le théâtre et exerce le commandement et le contrôle de EULEX Kosovo.

[...]

3.   Le chef de la mission donne des instructions à l’ensemble du personnel de EULEX Kosovo, y compris, dans ce cas, à l’élément de soutien à Bruxelles, afin que EULEX Kosovo soit menée d’une façon efficace sur le théâtre, et il se charge de la coordination de l’opération et de sa gestion au quotidien, et conformément aux instructions données par le commandant d’opération civil.

[...]

5.   Le chef de la mission est responsable de l’exécution du budget de EULEX Kosovo. À cette fin, il signe un contrat avec la Commission.

[...] »

5. L’article 9 de l’action commune 2008/124, intitulé « Personnel », énonce ce qui suit :

« 1.   L’effectif et les compétences du personnel de EULEX Kosovo sont conformes au mandat visé à l’article 2, aux missions énoncées à l’article 3 et à la structure de EULEX Kosovo définie à l’article 6.

2.   Le personnel de EULEX Kosovo consiste essentiellement en agents détachés par les États membres ou les institutions de l’UE. Chaque État membre ou institution de l’UE supporte les dépenses afférentes au personnel qu’il détache, y compris les frais de voyage à destination et au départ du lieu de déploiement, les salaires, la couverture médicale et les indemnités, à l’exclusion des indemnités journalières, des primes de risque et des indemnités pour conditions de travail difficiles applicables.

3.   EULEX Kosovo peut aussi, au besoin, recruter du personnel civil international et local sur une base contractuelle si les fonctions nécessaires ne sont pas assurées par des agents détachés par les États membres. Exceptionnellement, dans des cas dûment justifiés, lorsque aucun candidat qualifié d’un État membre n’est disponible, des ressortissants d’États tiers participants peuvent être recrutés sur une base contractuelle, en tant que de besoin [ ( 6 )].

[...] »

6. L’article 10 de l’action commune 2008/124, intitulé « Statut d’EULEX Kosovo et de son personnel », énonce ce qui suit :

« 1.   Le statut de EULEX Kosovo et de son personnel, y compris les privilèges, immunités et autres garanties nécessaires à l’exécution et au bon déroulement de EULEX Kosovo, fait l’objet d’un accord s’il y a lieu.

[...]

3.   Les conditions d’emploi ainsi que les droits et obligations du personnel civil international et local figurent dans les contrats conclus entre le chef de la mission et les membres du personnel ».

7. L’article 16 de l’action commune 2008/124, intitulé « Dispositions financières », prévoit :

« [...]

4.   Le chef de la mission rend pleinement compte à la Commission des activités menées dans le cadre de son contrat, dont cette dernière assure la supervision.

[...] »

B.   L’action commune 2008/124 après sa modification par la décision 2014/349

8. L’action commune 2008/124 a été modifiée notamment par la décision 2014/349, qui, en vertu de l’article 2 de cette décision, est entrée en vigueur le 12 juin 2014.

9. L’article 8, paragraphe 1 bis, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2014/349 (ci-après l’« action commune 2008/124, telle que modifiée ») prévoit :

« Le chef de la mission est le représentant de la mission. Sous sa responsabilité générale, il peut déléguer à des membres du personnel de la mission des tâches de gestion en matière de personnel et de questions financières. »

10. L’article 10, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, énonce :

« Les conditions d’emploi ainsi que les droits et obligations du personnel international et local figurent dans les contrats conclus entre EULEX Kosovo et les membres du personnel. »

11. L’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, intitulé « Dispositions légales », énonce :

« EULEX Kosovo a la capacité d’acheter des services et des fournitures, de conclure des contrats et des arrangements administratifs, d’employer du personnel, de détenir des comptes bancaires, d’acquérir et d’aliéner des biens et de liquider son passif, ainsi que d’ester en justice, dans la mesure nécessaire à la mise en œuvre de la présente action commune. »

12. L’article 16 de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, énonce :

« [...]

4.   EULEX Kosovo est responsable de l’exécution de son budget. À cette fin, EULEX Kosovo signe un contrat avec la Commission [ ( 7 )].

5.   EULEX Kosovo est responsable de toute plainte et obligation découlant de l’exécution du mandat à compter du 15 juin 2014, à l’exception de toute plainte liée à une faute grave commise par le chef de mission, dont celui-ci assume la responsabilité.

[...] »

III. Les faits, la procédure et la question préjudicielle

13. Il ressort de la décision de renvoi que CO, ME, GC et 42 autres parties (ci-après les « requérants au principal ») ont été ou sont encore au service d’EULEX Kosovo en tant que personnel international civil, sur la base de contrats de travail à durée déterminée conclus pour un ou plusieurs mois, sans excéder une année, et lesquels ont fait l’objet de renouvellements successifs. Ces contrats contiennent une clause attribuant compétence aux tribunaux de Bruxelles (Belgique) jusqu’au mois de juin
2014 ainsi qu’à la Cour de justice de l’Union européenne à partir du mois d’octobre 2014.

14. MJ a occupé la fonction de chef de la mission d’EULEX Kosovo du 1er février 2013 au 14 octobre 2014, selon des modalités précisées notamment dans les contrats qu’il a conclus avec la Commission les 1er février et 7 juin 2013.

15. Au cours de l’année 2012, une reclassification de différentes fonctions a entraîné, selon les requérants au principal, une modification de la description de leurs fonctions et une diminution importante de leur rémunération. Cette reclassification a été suivie de trois « vagues » de non-renouvellements de contrats, au printemps et durant l’été de l’année 2013, à l’automne de l’année 2014 et à l’automne de l’année 2016.

16. Par requête déposée le 6 août 2013, certains des requérants au principal ont introduit devant le Tribunal un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE, contre la Commission, le SEAE et EULEX Kosovo, contestant la légalité des décisions prises par MJ en qualité de chef de la mission de ne pas renouveler leurs contrats de travail. Par ordonnance du 30 septembre 2014, Bitiqi e.a./Commission e.a. ( 8 ), le Tribunal a rejeté ce recours pour défaut de compétence, en jugeant que le rapport
juridique en cause était de nature contractuelle et qu’il relevait donc du champ d’application de la clause figurant dans les contrats de travail et attribuant compétence aux tribunaux de Bruxelles.

17. Par requêtes déposées les 11 juillet, 14 juillet et 21 octobre 2014, les requérants au principal ont introduit des recours devant le tribunal du travail francophone de Bruxelles, contestant la requalification de leurs fonctions et/ou le non‑renouvellement de leurs contrats de travail ainsi que le statut qui leur était appliqué, notamment en matière de sécurité sociale, et tendant à obtenir des dommages et intérêts. La requalification des fonctions et la première vague de non-renouvellements de
contrats ont eu lieu avant l’adoption de la décision 2014/349 et ont été effectuées par MJ en qualité de chef de la mission.

18. Dans un premier temps, ces recours ont été introduits contre MJ en qualité de chef de la mission, le Conseil, la Commission et le SEAE. Ces quatre défenderesses ont notamment fait valoir que, depuis que EULEX Kosovo avait été dotée de la personnalité juridique et de la capacité d’ester en justice, seule cette mission devait répondre de toute plainte et obligation découlant de l’exécution du mandat tant pour l’avenir que pour le passé, conformément au nouvel article 16, paragraphe 5, de l’action
commune 2008/124, telle que modifiée. Par conséquent, les requérants au principal ont déposé des demandes d’intervention forcée afin que EULEX Kosovo devienne partie à la procédure. Cependant, l’examen des demandes en intervention forcée a été dissocié, par la juridiction de renvoi, de l’examen des questions préalables de recevabilité et de procédure que posaient les demandes principales dirigées par les requérants au principal à l’encontre des quatre premières parties défenderesses.

19. Par jugement du 1er juin 2018, la juridiction de renvoi a constaté que MJ devait être mis hors de cause pour la période postérieure au 12 juin 2014, compte tenu de ce que la décision 2014/349 avait été adoptée à cette date et qu’il agissait non plus en son nom propre à l’égard des requérants au principal, mais uniquement en qualité de « représentant » d’EULEX Kosovo, conformément à l’article 8, paragraphe 1 bis, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée. La juridiction de renvoi a
également constaté que le Conseil, la Commission et le SEAE devaient être mis hors de cause pour cette période au motif que, en vertu de la décision 2014/349, EULEX Kosovo était dotée d’une personnalité juridique propre et de la capacité d’ester en justice, et que les actes accomplis par cette mission l’avaient été en son nom propre. Toutefois, en ce qui concerne la période antérieure au 12 juin 2014, la juridiction de renvoi a ordonné une réouverture des débats afin de permettre aux parties de
faire valoir leurs observations s’agissant de l’existence du mandat dont MJ et ses prédécesseurs auraient été investis au cours de cette période en leur qualité de chef de ladite mission et, le cas échéant, de la nature exacte de ce mandat et de ses effets à l’égard de la capacité de MJ en qualité de chef de la même mission ainsi qu’à l’égard du Conseil, de la Commission et du SEAE.

20. Ayant entendu les observations des parties, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la question de savoir si, au cours de la période antérieure au 12 juin 2014, MJ, en qualité de chef de la mission, a agi uniquement en tant que mandataire de l’Union. La juridiction de renvoi relève, notamment, que les contrats de travail conclus avec MJ avant cette date le présentent expressément non seulement à titre personnel, mais également en qualité d’employeur, et que, selon l’article 10,
paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, de tels contrats devaient être conclus avec le chef de la mission. La juridiction de renvoi note également que MJ a signé pour son propre compte les contrats conclus avec la Commission, conformément à l’article 8, paragraphe 5, de cette action commune, en vertu duquel certains budgets lui ont été alloués pour les besoins opérationnels d’EULEX Kosovo, notamment pour couvrir la rémunération du personnel, et elle note que l’article 11, paragraphe 1, du
contrat signé le 7 juin 2013 précise que MJ conclut des contrats de travail avec le personnel international pour son propre compte et sur le fondement des règles prévues dans la communication C(2009) 9502 de la Commission, du 30 novembre 2009, relative aux règles spécifiques applicables aux conseillers spéciaux de la Commission chargés de la mise en œuvre des actions opérationnelles PESC et de personnel international contractuel (ci-après la « communication de 2009 »), telle que cette
communication est visée dans les contrats de travail en cause.

21. La juridiction de renvoi fait observer que les juridictions de l’Union n’ont pas encore abordé la question de l’identification de l’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo antérieurement à la décision 2014/349. À cet égard, la juridiction de renvoi fait état de deux jugements rendus par une autre chambre du tribunal du travail francophone de Bruxelles ( 9 ), considérant que l’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo et d’une autre mission
internationale de l’Union avant que ces missions n’acquièrent la personnalité juridique était l’Union représentée par ses institutions et non le chef de la mission. Selon la juridiction de renvoi, la résolution de cette question est essentielle en l’espèce pour statuer sur la recevabilité et le bien‑fondé de certaines demandes formulées contre MJ en qualité de chef de la mission, le Conseil, la Commission et le SEAE, en ce qu’elles concernent la période antérieure au 12 juin 2014.

22. C’est dans ces conditions que le tribunal du travail francophone de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Faut-il lire les articles 8, paragraphe 3, et 10, paragraphe 3, de l’action commune [2008/124] avant sa modification par la décision [2014/349], le cas échéant en combinaison avec toutes autres dispositions éventuellement pertinentes, comme conférant au chef de mission, en son nom personnel et pour son compte propre, la qualité d’employeur du personnel civil international occupé au service de la mission EULEX Kosovo durant la période antérieure au 12 juin 2014, ou, tenant notamment compte des
articles 8, paragraphe 5, et 9, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124 avant sa modification intervenue le 12 juin 2014, comme conférant la qualité d’employeur à l’Union européenne et/ou à une institution de l’Union européenne, telle que la Commission européenne, le Service européen pour l’action extérieure, le Conseil de l’Union européenne ou toute autre institution éventuelle, pour le compte duquel/de laquelle le chef de mission aurait agi jusqu’à cette date en vertu d’un mandat, d’une
délégation de pouvoir ou de toute autre forme de représentation à déterminer le cas échéant ? »

23. Des observations écrites ont été présentées à la Cour par les requérants au principal, le gouvernement espagnol, le Conseil, la Commission, le SEAE et EULEX Kosovo. Le 16 juin 2021 a eu lieu une audience au cours de laquelle ces parties ont été entendues en leurs plaidoiries.

IV. Résumé des observations des parties

24. Les requérants au principal soutiennent que l’action commune 2008/124 doit être interprétée comme conférant la qualité d’employeur à l’Union et, plus précisément, au Conseil et à la Commission, tant antérieurement que postérieurement au 12 juin 2014. Selon eux, MJ, en qualité de chef de la mission, n’a agi qu’en qualité de signataire des contrats de travail en cause pour le compte de l’Union, dès lors que la PESC relève exclusivement de la responsabilité de l’Union et que celle-ci est
représentée uniquement par ses institutions, à l’exclusion de toute autre entité. L’action commune 2008/124 ne confère que des délégations ponctuelles à l’égard desquelles le chef de la mission est responsable vis-à-vis de l’Union uniquement et non pas du personnel d’EULEX Kosovo et, compte tenu de l’arrêt du 5 juillet 2018, Jenkinson/Conseil e.a. ( 10 ), la succession de signataires de contrats de travail avec chaque changement de chef de la mission implique que l’Union est l’employeur pendant
toute la durée de la relation d’emploi.

25. Ainsi que l’ont souligné les requérants au principal lors de l’audience, les décisions attaquées sont imputables à la Commission, car elles concernent l’exécution du budget d’EULEX Kosovo et car les questions relatives, notamment, aux salaires, aux indemnités et aux conditions d’emploi sont déterminées par ce budget. Ces décisions sont imputables également au Conseil, car il est responsable de la création du cadre juridique et des lacunes concernant le statut du personnel international imposé au
chef de la mission, qui est nommé par ce dernier, ainsi que de l’adoption des décisions de restructuration mises en œuvre sur le terrain des opérations. L’argument selon lequel l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, n’a qu’un effet déclaratoire est incompatible avec l’arrêt du 12 novembre 2015, Elitaliana/EULEX Kosovo ( 11 ), ainsi qu’avec le libellé de cette action commune, celui de la communication C(2012) 4052 final de la Commission, du 26 juin 2012, relative aux
règles de gestion financière des missions relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (ci-après la « communication de 2012 »), et celui des contrats conclus entre les chefs de la mission et la Commission.

26. Le gouvernement espagnol fait valoir que, antérieurement au 12 juin 2014, c’est l’Union qui agissait en tant qu’employeur, nonobstant le fait que les contrats de travail en cause ont été conclus par MJ en qualité de chef de la mission et que le terme « employeur » y figure. MJ a agi en qualité de mandataire de l’Union et a exécuté les missions qui lui ont été dûment confiées par l’action commune 2008/124. En vertu de l’article 8, paragraphe 5, et de l’article 16, paragraphe 4, de cette action
commune, le chef de la mission est soumis, en matière budgétaire, à la supervision de la Commission, et au contrôle politique et stratégique du Conseil, par l’intermédiaire du Comité politique et de sécurité (COPS) et du commandant d’opération civil, ce qui implique l’existence d’un contrôle effectif de l’Union sur ce chef de la mission, et que, en vertu de l’article 8, paragraphe 7, de ladite action commune, ces contrats ont été conclus en vertu d’une représentation par le chef de la mission.
Lors de l’audience, le gouvernement espagnol a indiqué que la décision 2014/349 constituait une innovation importante dans le cadre juridique d’EULEX Kosovo et qu’il peut être déduit de l’article 16, paragraphe 5, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, que la responsabilité d’EULEX Kosovo ne s’applique qu’aux actes qui ont eu lieu à compter du 15 juin 2014. Si le Conseil et la Commission peuvent être défenderesses en l’espèce, il n’en reste pas moins qu’il convient de déterminer si
les actes attaqués adoptés par le chef de la mission ont été accomplis dans l’exercice des fonctions déléguées par l’un ou l’autre.

27. Le Conseil fait valoir que, dès lors que la procédure devant la juridiction de renvoi a été introduite postérieurement à l’adoption de la décision 2014/349, la situation juridique d’EULEX Kosovo antérieure au 12 juin 2014 est dépourvue de pertinence et que, en tout état de cause, EULEX Kosovo était déjà dotée de la personnalité juridique antérieurement à cette date, de sorte qu’elle devrait être considérée comme la seule partie défenderesse. Selon le Conseil, l’article 15 bis de l’action commune
2008/124, telle que modifiée, n’a qu’un effet déclaratoire, et une éventuelle scission des périodes contractuelles entre différents employeurs n’est pas dans l’intérêt des requérants au principal. Le Conseil n’ayant pas été partie aux contrats de travail en cause, il ne saurait être considéré comme étant la partie défenderesse et, ainsi qu’il l’a souligné lors de l’audience, l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil e.a. ( 12 ), concernait une question de réaffectation de personnel, par opposition à
une relation de travail contractuelle à laquelle le Conseil n’est pas partie, telle que celle en cause en l’espèce.

28. La Commission soutient que la question est hypothétique et donc irrecevable, compte tenu de l’existence d’une procédure d’intervention forcée parallèle pendante à l’encontre d’EULEX Kosovo et de ce que la question, en ce qu’elle se rapporte uniquement à la période antérieure au 12 juin 2014, porte sur le sens et la portée d’une disposition du droit de l’Union qui n’était plus en vigueur au moment du dépôt des requêtes. La Commission fait valoir, à titre subsidiaire, que l’article 15 bis de
l’action commune 2008/124, telle que modifiée, doit être interprété en ce sens que, antérieurement au 12 juin 2014, l’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo est le chef de la mission, tandis que si la capacité de recruter ce personnel ne dépend pas de la capacité juridique, EULEX Kosovo devrait être considérée comme étant l’employeur à cet égard. En effet, d’une part, dès lors que cette disposition a introduit la possibilité pour EULEX Kosovo de conclure des contrats et
d’employer du personnel à partir du 12 juin 2014, cette mission ne pouvait pas conclure de relation de travail antérieurement à cette date et, partant, le seul cocontractant pour les contrats de travail en cause est le chef de la mission, ainsi que l’indique l’article 10, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124. D’autre part, dès avant le 12 juin 2014, EULEX Kosovo avait la capacité de recruter du personnel au titre de l’article 9, paragraphe 3, de cette action commune, et l’article 16,
paragraphe 5, de ladite action commune, telle que modifiée, est applicable aux faits survenus antérieurement au 15 juin 2014 si le recours est introduit postérieurement à cette date, de sorte que, à compter de cette date, toute réclamation découlant de l’exécution du mandat doit être adressée à EULEX Kosovo.

29. La Commission fait valoir qu’elle ne peut être considérée comme étant l’employeur, dès lors que son rôle se limite à l’exécution du budget et n’a pas trait à la gestion du personnel. Ainsi qu’elle l’a souligné lors de l’audience, conformément à l’arrêt H, elle n’intervient pas dans la chaîne de commandement et aucune décision budgétaire n’est concernée en l’espèce ; le chef de la mission est nommé par le Conseil et son mandat est établi par le Conseil ; la communication de 2009 et la
communication de 2012, qui ne présentent aucun rapport avec le personnel international, décrivent des règles adoptées par le Conseil à cet égard.

30. Le SEAE soutient que les articles 8, 9 et 10 de l’action commune 2008/124 doivent être interprétés en ce sens qu’EULEX Kosovo a la qualité d’employeur du personnel international au service de cette mission. Selon le SEAE, pour autant que la question concerne le chef de la mission antérieurement à la décision 2014/349, cette question est dépourvue de pertinence, dès lors que la procédure dont est saisie la juridiction de renvoi a été introduite postérieurement à l’adoption de cette décision et
que, en tout état de cause, ce chef de la mission n’est pas l’employeur. L’article 9, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124 indique qu’EULEX Kosovo peut recruter du personnel ; l’article 9, paragraphes 1 et 2, et l’article 10, paragraphe 1, de celle‑ci se réfèrent au personnel d’EULEX Kosovo. Ainsi, le SEAE affirme que, dès avant le 12 juin 2014, EULEX Kosovo avait la capacité de recruter du personnel et que l’article 15 bis de cette action commune, telle que modifiée, n’a qu’un effet
déclaratoire. Lors de l’audience, le SEAE a souligné que la personnalité juridique au sens de l’article 47 TUE, lequel énonce que l’Union a la personnalité juridique, doit être distinguée de la capacité juridique des institutions de l’Union et des autres entités d’accomplir des missions ; par conséquent, il n’existe pas de contradiction avec l’arrêt Elitaliana, dès lors que l’absence de personnalité juridique n’empêche pas EULEX Kosovo d’avoir la capacité juridique de recruter du personnel. Le
fait que le Conseil et le COPS exercent un contrôle politique et une direction stratégique d’EULEX Kosovo par l’intermédiaire du commandant d’opération civil, qui fait partie du SEAE, et qu’il existe un lien avec la Commission par l’intermédiaire de l’exécution du budget ne confère pas la qualité d’employeur au Conseil, à la Commission ou au SEAE. Les requérants au principal n’ont pas conclu de contrats de travail avec ceux-ci et l’arrêt H concernait une question de réaffectation du personnel
qui présentait un lien avec le contrôle politique et la direction stratégique de la mission, tandis que tel n’est pas le cas du recrutement et de la gestion du personnel international.

31. EULEX Kosovo fait valoir que les articles 8, 9 et 10 de l’action commune 2008/124 doivent être interprétés en ce sens qu’elle a la qualité d’employeur du personnel international qui est à son service. Le chef de la mission agit en qualité de mandataire, et non en qualité d’employeur, et met en œuvre les décisions du Conseil relatives à sa restructuration, sans pouvoir décisionnel en matière de reclassement et de suppression des postes. Si le Conseil, la Commission et le SEAE jouent un rôle
important dans le développement du mandat d’EULEX Kosovo, ils n’ont aucun lien contractuel avec les requérants au principal. Le fait que, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, les contrats de travail en cause ont été conclus avec MJ en qualité de chef de la mission ne signifie pas que celui-ci est l’employeur. Cela est illustré par la jurisprudence des juridictions de l’Union ( 13 ), qui mentionne en tant qu’employeur EULEX Kosovo, et non les chefs de mission
successifs à titre personnel, même lorsque les contrats de travail ont été signés antérieurement à la décision 2014/349. Lors de l’audience, EULEX Kosovo a indiqué qu’elle avait déjà la capacité de recruter du personnel en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, et que l’article 16, paragraphe 5, de celle-ci, telle que modifiée, s’applique aux recours introduits à partir du 15 juin 2014, même si les faits sont antérieurs à cette date, comme c’est le cas en l’espèce.

V. Analyse

32. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’action commune 2008/124, avant sa modification par la décision 2014/349, doit être interprétée en ce sens que, pour la période antérieure au 12 juin 2014, le chef de la mission d’EULEX Kosovo, EULEX Kosovo, le Conseil, la Commission ou le SEAE doivent être considérés comme étant l’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo aux fins de la détermination de la défenderesse dans le litige au principal.

33. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette question trouve son origine dans le fait qu’EULEX Kosovo s’est vu octroyer explicitement la capacité de contracter, d’employer du personnel et d’ester en justice en vertu des modifications de l’action commune 2008/124 introduites par la décision 2014/349, plus précisément, par l’article 15 bis de cette action commune inséré par cette décision, qui est applicable à compter du 12 juin 2014, alors que, antérieurement à cette date, le chef de la
mission concluait les contrats de travail en son nom propre et était responsable à l’égard de l’exécution du budget de cette mission, ainsi que le prévoyait ladite action commune. En outre, le Conseil, la Commission et le SEAE sont impliqués dans la création et le fonctionnement d’EULEX Kosovo et sont donc susceptibles d’être considérés comme étant responsables des actes accomplis par le chef de la mission au titre de la relation de travail du personnel international, dans la mesure où cette
mission elle-même ne pouvait être tenue pour responsable. Ainsi que l’indiquent les requérants au principal, la juridiction de renvoi doit identifier leur employeur aux fins de trancher le litige dont elle est saisie et, selon le droit national applicable, la qualité d’employeur est reconnue à l’entité dotée de la personnalité juridique et de la capacité de répondre en justice des recours relatifs à la relation de travail.

34. En vue de répondre à la question posée dans la présente affaire, il est nécessaire, premièrement, de présenter quelques observations liminaires sur les missions internationales de l’Union et EULEX Kosovo (section A). J’aborderai ensuite la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’action commune 2008/124 dans les circonstances de la présente affaire (section B) et les arguments avancés par la Commission concernant la recevabilité de la question
préjudicielle (section C), avant de procéder à l’examen de cette question (section D).

35. Sur le fondement de cette analyse, je suis parvenu à la conclusion que la Cour est compétente dans la présente affaire et que la question préjudicielle est recevable. Je conclus également qu’il convient d’interpréter l’action commune 2008/124 avant sa modification par la décision 2014/349 comme conférant à la Commission la qualité d’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014.

A.   Observations liminaires

36. Dans le domaine de la PESC, régie par le titre V du traité UE, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ( 14 ) assure à l’Union une capacité opérationnelle pour déployer des missions civiles et militaires à l’extérieur de l’Union afin d’y accomplir toute une série de tâches, parmi lesquelles la prévention des conflits et le maintien de la paix ( 15 ). En effet, ainsi qu’il est relevé dans des rapports récents, de telles missions représentent un instrument unique dans la boîte à
outils de l’Union qui permet une action directe pour gérer un conflit ou une crise et elles s’inscrivent ainsi dans un effort stratégique de sécurité, permettent aux pays de se rétablir du conflit et de protéger l’Union et ses citoyens par l’action extérieure ( 16 ). Il existe actuellement 17 missions PSDC en cours, onze missions civiles et six missions ou opérations militaires, qui s’appuient sur un personnel composé d’environ 5000 personnes dans le monde ( 17 ).

37. EULEX Kosovo est une mission civile PSDC, créée par l’action commune 2008/124, modifiée en dernier lieu par la décision 2021/904. L’action commune 2008/124 a été prorogée à plusieurs reprises et le mandat actuel d’EULEX Kosovo expirera le 14 juin 2023, selon cette décision. EULEX Kosovo est considérée comme étant la plus grande mission civile PSDC à ce jour ( 18 ). Conformément à l’article 5, paragraphe 1, de l’action commune 2008/124, EULEX Kosovo a été lancée par le Conseil, après approbation
du plan d’opération (ci-après l’« OPLAN »), qui, avec le concept d’opération (ci-après le « CONOPS »), constituent des documents de planification de base pour la mise en œuvre du mandat d’EULEX Kosovo ( 19 ).

38. En vertu de l’article 2 de l’action commune 2008/124 ( 20 ), la mission d’EULEX Kosovo est d’« aide[r] les institutions du Kosovo, les autorités judiciaires et les organismes chargés de l’application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d’un système judiciaire multiethnique indépendant, ainsi que de services de police et des douanes multiethniques, de manière à ce que ces institutions soient libres de
toute interférence politique et s’alignent sur les normes reconnues au niveau international et sur les bonnes pratiques européennes ».

39. En vertu de l’article 9 de l’action commune 2008/124, telle que modifiée par les décisions 2010/322 et 2014/349, le personnel d’EULEX Kosovo consiste en agents détachés par les États membres ou les institutions de l’Union, ainsi qu’en du personnel international et du personnel local recruté sur une base contractuelle.

40. En vertu de l’article 11 de l’action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2010/322, EULEX Kosovo dispose de la chaîne de commandement suivante. Le COPS, qui est un comité spécifique du Conseil chargé de la PESC ( 21 ), exerce le contrôle politique et la direction stratégique d’EULEX Kosovo, sous la responsabilité du Conseil et du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « HR ») ( 22 ). Dans le cadre de la PESC définie par
le Conseil européen et le Conseil ( 23 ), le HR assure la mise en œuvre des décisions de ceux-ci, y compris celles relatives aux missions PSDC ; il est assisté par le SEAE, qui est le service diplomatique de l’Union ( 24 ). Le COPS est autorisé par le Conseil à nommer le chef de la mission ( 25 ), dont le mandat court pour des périodes déterminées, souvent de un à deux ans, qui correspondent au mandat d’EULEX Kosovo ( 26 ).

41. En outre, le commandant d’opération civil, sous le contrôle politique et la direction stratégique du COPS et sous l’autorité générale du HR, exerce le commandement et le contrôle d’EULEX Kosovo au niveau stratégique ( 27 ). Le commandant d’opération civil est aussi le directeur de la capacité civile de planification et de conduite ( 28 ), qui est une direction du SEAE servant de siège opérationnel pour les missions civiles PSDC ( 29 ). Le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle
d’EULEX Kosovo sur le théâtre des opérations et relève directement du commandant d’opération civile ( 30 ).

B.   Sur la compétence de la Cour

42. La compétence de la Cour pour connaître de la présente affaire n’est pas contestée par les parties ( 31 ). Néanmoins, la question de la compétence de la Cour peut être examinée d’office par celle-ci ( 32 ). Étant donné que l’action commune 2008/124 a été adoptée sur le fondement des dispositions du traité relatives à la PESC ( 33 ), il apparaît nécessaire d’examiner si la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’action commune 2008/124 est susceptible
d’être éventuellement affectée par les règles limitant la compétence des juridictions de l’Union dans le cadre de la PESC, telles que prévues à l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 275, premier alinéa, TFUE. En effet, ainsi que l’indique le SEAE, il semble que la Cour soit saisie à cet égard pour la première fois d’une affaire impliquant un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation d’un acte PESC.

43. Il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, en application de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 275, premier alinéa, TFUE, le juge de l’Union n’est, en principe, pas compétent en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC ainsi que les actes adoptés sur le fondement de ces dispositions. Toutefois, comme ces règles introduisent une dérogation à la règle de la compétence générale énoncée à l’article 19 TUE, elles doivent être interprétées
restrictivement ( 34 ). À cet égard, la Cour a souligné qu’il résulte tant de l’article 2 TUE, figurant dans les dispositions communes du traité UE, que de l’article 21 TUE, concernant l’action extérieure de l’Union, auquel renvoie l’article 23 TUE, relatif à la PESC, que l’Union est fondée, notamment, sur la valeur de l’État de droit ( 35 ). Ainsi, si l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne saurait conférer une compétence à la Cour lorsque les traités
l’excluent, le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré par cette disposition, ainsi que l’obligation qui est impartie à la Cour, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE, d’assurer le respect du droit dans l’application et l’interprétation des traités, impliquent également une interprétation stricte de ces règles ( 36 ).

44. Il existe par ailleurs tout un pan de jurisprudence concernant des questions de compétence relatives à la PESC, dont il ressort que le fait qu’il existe un acte PESC dans les circonstances particulières d’une affaire ne signifie pas nécessairement que les limites fixées à la compétence de la Cour par l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275 TFUE soient d’application ( 37 ). Dès lors que cette jurisprudence concerne, en partie, des missions internationales de l’Union, il est utile
d’exposer aux fins de la présente affaire les éléments saillants de certains arrêts.

45. Ainsi, pour commencer par l’arrêt du 24 juin 2014, Parlement/Conseil ( 38 ), la Cour a reconnu, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion d’un accord international relatif à la PESC, et en particulier à des missions internationales de l’Union, qu’elle est compétente pour contrôler si un tel accord est négocié et conclu dans le respect de la procédure prévue à l’article 218 TFUE, qui a une portée générale et a
vocation à s’appliquer en principe à tous les accords internationaux, y compris ceux relevant de la PESC.

46. En outre, dans l’arrêt Elitaliana ( 39 ), la Cour a confirmé la compétence du juge de l’Union pour connaître de recours en annulation et en indemnité introduits par le requérant à la suite de l’attribution, par EULEX Kosovo, d’un marché public de services d’hélicoptère à un autre soumissionnaire. La Cour a constaté que les mesures litigieuses, dont l’annulation était demandée en raison d’une violation des règles de droit applicables aux marchés publics de l’Union, se rapportaient à une passation
de marché public qui avait engendré des dépenses à la charge du budget de l’Union et que le marché en cause relevait dès lors du règlement financier ( 40 ).

47. Il convient également de préciser que, dans l’arrêt H ( 41 ), la Cour a consacré la compétence des juridictions de l’Union pour connaître de recours en annulation et en indemnité introduits par un agent détaché par un État membre auprès d’une autre mission internationale de l’Union, à savoir la mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine, et concernant des décisions prises par le chef de la mission réaffectant cet agent à un poste dans un bureau régional. Selon la Cour,
si les décisions litigieuses s’inscrivaient dans le contexte de la PESC et se rattachaient à une action opérationnelle dans ce cadre, elles constituaient également, par leur essence même, des actes de gestion du personnel, à l’instar de toute décision similaire adoptée par les institutions de l’Union dans le cadre de l’exercice de leurs compétences. Dans ces conditions, les limites fixées à la compétence des juridictions de l’Union dans le domaine de la PESC n’ont pas fait obstacle à un contrôle
d’actes de gestion du personnel concernant des membres du personnel détachés par les États membres, lorsque le juge de l’Union est compétent, en vertu de l’article 270 TFUE, pour contrôler ce type d’actes concernant des membres du personnel détachés par les institutions de l’Union. S’il en allait autrement, lorsqu’un même acte de gestion du personnel relatif aux opérations « sur le terrain » concerne à la fois des agents détachés par les États membres et des agents détachés par les institutions
de l’Union, la décision rendue à l’égard de ceux-ci serait susceptible d’être inconciliable avec celle rendue à l’égard de ceux-là.

48. Sur ce fondement, il est vrai que les affaires précédentes concernaient des recours en annulation et en indemnité introduits au titre de l’article 263 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, et non pas des décisions préjudicielles portant sur l’interprétation du droit de l’Union au titre de l’article 267 TFUE. De plus, les circonstances ayant donné lieu à l’arrêt H concernaient un agent d’une mission internationale de l’Union qui était détaché, par opposition à un membre du personnel
contractuel, et cet arrêt visait en partie à éviter que les solutions diffèrent de celles apportées aux litiges concernant des agents détachés par des États membres et par des institutions de l’Union. Néanmoins, il me semble qu’il peut être déduit de manière générale dudit arrêt que l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275 TFUE ne s’opposent pas à la compétence des juridictions de l’Union pour connaître de recours relatifs à la gestion du personnel des missions internationales de
l’Union. En effet, à la lumière de l’arrêt H, les juridictions de l’Union ont affirmé leur compétence en matière de gestion du personnel, dans le cadre de recours en annulation et en indemnité introduits par un membre du personnel contractuel d’un organisme de l’Union dans le domaine de la PESC ( 42 ) ainsi que dans le cadre d’une action contractuelle fondée sur l’article 272 TFUE introduite par un ancien membre du personnel contractuel d’une mission internationale de l’Union ( 43 ).

49. La jurisprudence qui précède plaide donc en faveur de la position selon laquelle l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275 TFUE ne s’opposent pas à la compétence de la Cour dans la présente affaire.

50. Il est certes vrai que la Cour est appelée à interpréter l’action commune 2008/124, dont la base juridique relève de la PESC. Néanmoins, la question préjudicielle concerne une question générale de gestion du personnel, et non une question de mise en œuvre de la PESC. À cet égard, la conclusion des contrats de travail en cause de même que les décisions attaquées relatives aux non-renouvellements de tels contrats et au reclassement des postes peuvent être considérées comme constituant, par leur
essence même, des actes typiques de gestion du personnel dans l’organisation des ressources humaines qui sont au service d’EULEX Kosovo. Par conséquent, selon moi, il découle de l’arrêt H que les restrictions apportées à la compétence de la Cour au titre de l’article 24, paragraphe 1, TUE et de l’article 275 TFUE n’excluent pas, dans les circonstances de la présente affaire, la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’action commune 2008/124. Il en va
ainsi, compte tenu de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, étant donné que le droit à une protection juridictionnelle effective des requérants au principal est en jeu.

51. Par conséquent, je considère que la Cour a compétence pour connaître de la présente affaire.

C.   Sur la recevabilité de la question préjudicielle

52. Selon les arguments de la Commission, la question préjudicielle est irrecevable en raison de son caractère hypothétique.

53. Selon moi, ces arguments doivent être rejetés.

54. Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la
Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer ( 44 ). Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la
réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 45 ).

55. En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 20 et 21 des présentes conclusions, la juridiction de renvoi a suffisamment exposé dans sa demande non seulement les raisons l’ayant conduite à interroger la Cour sur l’interprétation de l’action commune 2008/124, mais également les motifs rendant cette interprétation nécessaire à la solution du litige au principal.

56. En outre, dans la mesure où la Commission fait grief à la question préjudicielle de porter sur une disposition du droit de l’Union qui n’était plus en vigueur au moment de l’introduction des recours devant la juridiction de renvoi, elle soulève une question qui porte sur l’interprétation des dispositions pertinentes de l’action commune 2008/124 aux fins de l’identification de l’employeur des requérants au principal antérieurement au 12 juin 2014, ce qui comprend l’appréciation de la question de
savoir quand ces dispositions sont applicables. L’objection de la Commission porte donc sur le fond plutôt que sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle ( 46 ).

57. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’interprétation sollicitée n’est pas manifestement sans rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal et que les questions soulevées ne sont pas hypothétiques.

58. Par conséquent, je suis d’avis que la question préjudicielle posée dans la présente affaire est recevable.

D.   Réponse à la question préjudicielle

59. Ainsi qu’il a été mentionné au point 32 des présentes conclusions, la question soumise à la Cour porte sur l’identification de la personne ou de l’entité ayant la qualité d’employeur pour le personnel international au service d’EULEX Kosovo antérieurement au 12 juin 2014 et qui peut donc être considérée comme défenderesse aux fins du litige au principal. J’examinerai donc, premièrement, le rôle du chef de la mission, deuxièmement, celui d’EULEX Kosovo et, troisièmement, celui du Conseil, de la
Commission et du SEAE.

1. Le chef de la mission

60. Selon les arguments avancés par la Commission, le chef de la mission peut être considéré comme étant l’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014, dès lors qu’il est le cocontractant pour les contrats de travail en cause et EULEXqu’EULEX Kosovo ne pouvait pas avoir la qualité d’employeur avant l’introduction de l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée. Les requérants au principal, le gouvernement espagnol, le Conseil, le SEAE et
EULEX Kosovo sont d’un avis différent.

61. Je précise d’emblée que, contrairement à ce que soutient la Commission, il existe, sur le fondement des dispositions pertinentes de l’action commune 2008/124, de solides indices selon lesquels le chef de la mission ne saurait être considéré comme étant l’employeur des requérants au principal ni antérieurement ni postérieurement au 12 juin 2014.

62. À cet égard, le libellé de l’action commune 2008/124 mentionne à plusieurs reprises le personnel d’EULEX Kosovo et non le personnel du chef de la mission ( 47 ). Si l’article 10, paragraphe 3, de cette action commune, avant la modification de celle-ci, prévoyait que les contrats de travail avec le personnel international et local devaient être conclus avec le chef de la mission, cette disposition figure au sein de l’article 10 de ladite action commune, dont l’intitulé ainsi que le premier
paragraphe font référence à EULEX Kosovo et à « son personnel ».

63. En outre, ainsi que l’indiquent les requérants au principal, le gouvernement espagnol et EULEX Kosovo, il ressort des dispositions de l’action commune 2008/124 que, en ce qui concerne les relations avec le personnel international, le chef de la mission demeure subordonné au Conseil et à la Commission.

64. S’agissant du Conseil, eu égard à la chaîne de commandement d’EULEX Kosovo qui a été exposée aux points 40 et 41 des présentes conclusions, le chef de la mission est soumis au contrôle politique et à la direction stratégique du Conseil par l’intermédiaire du COPS et du commandant d’opération civil et, comme l’indique l’article 8, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, le chef de la mission donne des instructions à l’ensemble du personnel d’EULEX Kosovo conformément aux instructions données
au niveau stratégique par le commandant d’opération civil. Il résulte de l’article 12, paragraphe 2, de l’action commune 2008/124 que le COPS, et non le chef de la mission, a le pouvoir de modifier l’OPLAN (voir point 37 des présentes conclusions), ce qui peut comprendre la restructuration d’EULEX Kosovo [compte tenu de ce que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de l’action commune 2008/124, le personnel d’EULEX Kosovo est défini dans l’OPLAN]. Dès lors, dans les circonstances de
l’espèce, il apparaît que MJ, en qualité de chef de la mission, était tenu de mettre en œuvre les décisions relatives à la restructuration d’EULEX Kosovo en matière de reclassement et de suppression de postes et qu’il ne disposait d’aucune marge d’appréciation à cet égard ( 48 ).

65. De même, s’agissant de la Commission, conformément à l’article 8, paragraphe 5, de l’action commune 2008/124 avant la modification de cette dernière par la décision 2014/349, le chef de la mission était responsable de l’exécution du budget d’EULEX Kosovo et doit signer un contrat avec la Commission à cette fin, tandis que, en vertu de l’article 16, paragraphe 4, de l’action commune 2008/124 avant la modification de cette dernière par la décision 2014/349, le chef de la mission rend pleinement
compte à la Commission, et est supervisé par celle-ci, des activités menées dans le cadre de ce contrat, ce qui inclut le recrutement de personnel international. Je reviendrai sur ce point dans la suite de mon analyse (voir points 88 à 92 des présentes conclusions).

66. Cette interprétation est encore corroborée par le fait que, comme indiqué au point 40 des présentes conclusions, le chef de la mission est nommé pour une durée limitée correspondant au mandat d’EULEX Kosovo. Dès lors, comme l’indiquent les requérants au principal et le SEAE, il serait contradictoire de considérer les différents chefs de la mission successifs comme l’employeur à titre individuel. En effet, la communication de 2009 envisageait la poursuite de l’avancement des membres du personnel
international indépendamment des nominations successives des chefs de la mission ( 49 ).

67. Le fait que les contrats de travail en cause sont signés par MJ en qualité de chef de la mission et se réfèrent à lui en tant qu’« employeur » ne doit pas, à mon sens, être compris comme signifiant que le chef de la mission doit être considéré comme étant l’employeur de ce personnel à titre individuel et qu’il est donc personnellement responsable des contrats de travail conclus. Au contraire, ainsi que l’indiquent les requérants au principal, le gouvernement espagnol et EULEX Kosovo, le chef de
la mission peut être considéré comme agissant pour le compte de l’Union dans l’exécution du mandat d’EULEX Kosovo au travers des missions qui lui ont été confiées dans le cadre de l’action commune 2008/124.

2. EULEX Kosovo

68. Selon les arguments avancés par le Conseil, le SEAE et EULEX Kosovo, ainsi que par la Commission à titre subsidiaire, EULEX Kosovo peut être considérée comme étant l’employeur des requérants au principal tant antérieurement que postérieurement au 12 juin 2014, compte tenu du prétendu effet déclaratoire de l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, et du fait que l’article 16, paragraphe 5, de celle-ci s’applique aux faits survenus antérieurement au 15 juin 2014 si, comme
en l’espèce, le recours est introduit après cette date (voir point 17 des présentes conclusions). Les requérants au principal et le gouvernement espagnol sont en désaccord avec cette position.

69. À mon avis, sur le fondement du libellé de l’action commune 2008/124, du contexte dans lequel elle s’inscrit et de la jurisprudence de la Cour, EULEX Kosovo ne saurait être considérée comme étant l’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014. J’examinerai d’abord l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, puis l’article 16, paragraphe 5, de celle-ci.

70. En premier lieu, s’agissant de l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, il convient de relever que la comparaison des dispositions de l’action commune 2008/124 antérieurement et postérieurement au 12 juin 2014 indique clairement l’existence de différents employeurs du personnel international qui était au service d’EULEX Kosovo. Antérieurement à l’adoption de la décision 2014/349, les contrats de travail avec le personnel international étaient conclus, en vertu de
l’article 10, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, entre le chef de la mission et les membres du personnel, et ce dernier en tant que responsable de l’exécution du budget d’EULEX Kosovo, y compris du recrutement du personnel international, était tenu, en vertu de l’article 8, paragraphe 5, de cette action commune, de conclure un contrat avec la Commission à cette fin. En revanche, postérieurement à l’adoption de la décision 2014/349, l’article 10, paragraphe 3, et l’article 16,
paragraphe 4, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, précisent qu’EULEX Kosovo conclut des contrats de travail avec du personnel international et est responsable de l’exécution de son budget, aux fins de laquelle elle conclut un contrat avec la Commission, tandis que l’article 8, paragraphe 5, de cette action commune a été supprimé.

71. Par conséquent, sur le fondement des dispositions qui précèdent, il y a lieu de considérer que, antérieurement à l’introduction de l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, qui accorde à EULEX Kosovo la capacité, notamment, de conclure des contrats, de recruter du personnel et d’ester en justice, EULEX Kosovo ne disposait pas de la capacité requise pour avoir la qualité d’employeur du personnel international qui était à son service.

72. Le contexte de l’action commune 2008/124 apparaît conforter cette interprétation. À cet égard, il convient de relever que, si l’article 9, paragraphe 3, de cette action commune prévoit qu’EULEX Kosovo peut recruter du personnel international sur une base contractuelle, il existait des dispositions similaires en faveur de l’équipe de planification de l’Union (ci-après l’« EPUE Kosovo ») ( 50 ), qui était impliquée dans la phase de planification et de préparation de la création d’EULEX Kosovo ( 51
), lui permettant ainsi de recruter du personnel international et local sur une base contractuelle, tandis que le chef de l’EPUE Kosovo concluait des contrats de travail avec ce personnel. Il me semble difficile de considérer que, sans aucune attribution explicite de la capacité juridique, une telle équipe de planification temporaire pourrait être considérée comme étant l’employeur de ce personnel et ester en justice.

73. En outre, dans la communication de 2012 ( 52 ), la Commission a indiqué que les missions relevant de la PESC devaient se voir reconnaître la personnalité juridique ou, à tout le moins, une capacité juridique suffisamment large pour permettre la mise en œuvre de leurs mandats et garantir une base juridique solide pour leurs actions, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, y compris pour ester en justice. Elle a annoncé son intention de demander au Conseil d’adopter des dispositions en ce
sens. Des préoccupations similaires ont également été exprimées par la Cour des comptes européenne dans son rapport spécial sur EULEX Kosovo adopté en 2012 ( 53 ), recommandant qu’EULEX Kosovo et toutes les futures missions relevant de la PESC comportent de telles dispositions. Tel a été le cas pour EULEX Kosovo et d’autres missions internationales de l’Union ( 54 ), par l’introduction d’une disposition spécifique intitulée « Dispositions légales » dans la décision pertinente du Conseil, à
l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée. Il peut donc en être déduit qu’il a été jugé nécessaire d’accorder à EULEX Kosovo une capacité juridique explicite, dont elle était précédemment dépourvue, afin, notamment, que celle-ci recrute du personnel en qualité d’employeur et se défende en justice.

74. Cette interprétation semble également être corroborée par la jurisprudence de la Cour. En particulier, dans l’arrêt Elitaliana ( 55 ), la Cour a confirmé, dans le cadre d’une procédure introduite antérieurement à l’adoption de la décision 2014/349, les constatations du Tribunal selon lesquelles EULEX Kosovo ne disposait pas de la personnalité juridique et qu’il n’était pas prévu qu’elle puisse être partie à une procédure, de sorte qu’elle ne pouvait se voir reconnaître la qualité d’organe ou
d’organisme au sens de l’article 263 TFUE et que la Commission a été considérée comme étant la seule partie défenderesse. Par conséquent, dans cet arrêt, la Cour a insisté spécifiquement sur le défaut de capacité juridique d’EULEX Kosovo, en l’absence d’attribution explicite faite en ce sens dans l’action commune 2008/124, et a considéré sur ce fondement qu’EULEX Kosovo ne pouvait être partie défenderesse dans la procédure.

75. Il convient également de relever que l’arrêt H concernait la MPUE en Bosnie-Herzégovine, à laquelle aucune disposition n’accordait la capacité juridique, dans la décision du Conseil l’établissant ( 56 ). Bien que la Cour n’ait pas abordé directement ce point, il peut être déduit de ce qu’aucune capacité juridique n’a été explicitement accordée à cette mission que la Cour a considéré, sans prendre en considération ladite mission en qualité de partie défenderesse potentielle dans la procédure, que
les actes attaqués devaient être imputés à l’une des institutions de l’Union.

76. En outre, l’arrêt Jenkinson ( 57 ) ne me semble pas emporter d’autre conclusion. Il s’agissait d’un recours fondé principalement sur l’article 272 TFUE et portant sur la responsabilité contractuelle de l’Union, introduit par un ancien membre du personnel international de certaines missions internationales de l’Union, dont EULEX Kosovo, contre le Conseil, la Commission, le SEAE et EULEX Kosovo. Le requérant avait été au service d’EULEX Kosovo du 5 avril 2010 au 14 novembre 2014, mais seul le
dernier contrat de travail, pour la période allant du 15 octobre au 14 novembre 2014, contenait une clause compromissoire, au sens de l’article 272 TFUE, attribuant compétence aux juridictions de l’Union. Dans son arrêt, la Cour s’est concentrée sur l’appréciation faite par le Tribunal de l’étendue de la compétence pour statuer sur les aspects contractuels de l’affaire, en jugeant que, lorsqu’il existe une relation de travail qui se transcrit par une série de contrats de travail successifs, le
fait qu’aucune clause compromissoire ne figure dans les premiers contrats ne saurait faire obstacle à ce que la Cour tienne compte, dans son appréciation des rapports existant entre les parties, de l’ensemble des contrats passés. La Cour n’a cependant pas abordé les constatations du Tribunal relatives à la capacité juridique d’EULEX Kosovo. Dès lors, à mon sens, le raisonnement de la Cour relatif à la portée de la compétence des juridictions de l’Union au titre de l’article 272 TFUE n’apparaît
pas transposable à la question distincte de l’identité de l’employeur, qui n’a pas été traitée dans cet arrêt ( 58 ).

77. Sur ce fondement, il convient de considérer que l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, implique qu’EULEX Kosovo n’a pas la qualité d’employeur pour la période antérieure au 12 juin 2014. En revanche, il découle de cette disposition que, pour la période débutant à cette date, EULEX Kosovo peut être considérée comme étant l’employeur du personnel international à son service et donc être elle-même la partie défenderesse dans les litiges relatifs aux contrats de travail
conclus avec ce personnel ( 59 ).

78. En second lieu, s’agissant de l’article 16, paragraphe 5, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, il convient de constater que le libellé de cette disposition est ambigu quant au point de savoir si celle-ci implique qu’EULEX Kosovo est responsable, à compter du 15 juin 2014, de toute plainte et obligation découlant de l’exécution du mandat, y compris lorsque les faits ont eu lieu antérieurement à cette date, ou seulement lorsque les faits ont eu lieu à compter de celle-ci ( 60 ).

79. À cet égard, il convient de relever que l’article 16, paragraphe 4, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, qui a été inséré en même temps que l’article 16, paragraphe 5, de cette action commune, précise qu’EULEX Kosovo remplace le chef de la mission en tant que responsable de l’exécution du budget de celle-ci. Dès lors, à la lecture combinée des deux dispositions, il me semble que l’article 16, paragraphe 5, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, vise à confirmer que c’est
EULEX Kosovo qui est responsable de toute plainte et obligation découlant de sa propre exécution du budget à compter du 15 juin 2014. Toutefois, en ce qui concerne les faits de l’espèce, qui se sont déroulés antérieurement à cette date, c’est le chef de la mission qui exécutait le budget. Par conséquent, sur le fondement de cette disposition, EULEX Kosovo ne saurait être considérée comme étant l’employeur des requérants au principal.

3. Le Conseil, la Commission et le SEAE

80. Si la Cour suit ma proposition selon laquelle ni le chef de la mission ni EULEX Kosovo n’ont la qualité d’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014 et ne peuvent donc être considérés comme étant parties défenderesses dans le litige dont est saisie la juridiction de renvoi, il est nécessaire d’examiner si le Conseil, la Commission et/ou le SEAE devraient être considérés comme ayant cette qualité.

81. Selon les arguments avancés en substance par les requérants au principal, tant le Conseil que la Commission peuvent, dans les circonstances de l’espèce, être considérés comme étant l’employeur. Le Conseil, la Commission, le SEAE et EULEX Kosovo sont en désaccord avec cette position.

82. À mon sens, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour et des dispositions pertinentes de l’action commune 2008/124, il existe de solides indices selon lesquels la Commission a la qualité d’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014.

83. À cet égard, dans l’arrêt Elitaliana ( 61 ), la Cour a constaté que, bien que le chef de la mission d’EULEX Kosovo ait été désigné par l’action commune 2008/124, avant que celle-ci soit modifiée par la décision 2014/349, comme responsable de l’exécution du budget de cette mission, il n’en demeurait pas moins que les compétences du chef de la mission en matière budgétaire et financière étaient exercées sous la supervision et l’autorité de la Commission. Par conséquent, la Cour a jugé que les
actes litigieux relatifs à l’attribution d’un marché public étaient imputables à la Commission.

84. Par ailleurs, dans l’arrêt H ( 62 ), la Cour a jugé que, en vertu de la décision du Conseil concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine, les décisions litigieuses du chef de la mission relatives à la réaffectation d’un agent détaché étaient imputables au Conseil, dès lors que le chef de la mission était nommé par le COPS, lequel exerçait le contrôle politique et la direction stratégique de cette mission sous la responsabilité du Conseil, que ce chef de la mission était placé sous l’autorité du
commandant d’opération civil, lui-même placé sous le contrôle du COPS, et qu’il était responsable de l’exécution des décisions tant du COPS que de celles du Conseil. Au contraire, selon la Cour, ces décisions ne pouvaient pas être imputées à la Commission, dès lors que celle-ci n’était pas impliquée dans la chaîne de commandement et que ces décisions ne concernaient pas l’exécution du budget de cette mission, qui nécessitait la conclusion d’un contrat entre le chef de la mission et la
Commission.

85. C’est à la lumière de la jurisprudence qui précède qu’il convient d’examiner les circonstances de l’espèce.

86. S’agissant du SEAE, il convient de relever qu’aucun élément qui démontrerait qu’il a la qualité d’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014 n’a été produit devant la Cour. Au contraire, comme l’indique le SEAE, si le commandant d’opération civil fait partie du SEAE, ce dernier n’apparaît pas responsable des questions relatives à l’emploi du personnel international. En outre, ainsi qu’il a été mentionné au point 41 des présentes conclusions, le commandant
d’opération civil est placé sous le contrôle du Conseil et sous l’autorité générale du HR, et non du SEAE.

87. S’agissant du Conseil, il me semble que, sur le fondement des informations dont dispose la Cour, il ne saurait être considéré comme étant l’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014. Certes, à la lumière des critères énoncés dans l’arrêt H, certains éléments de la présente affaire pourraient être considérés comme désignant le Conseil, d’autant plus que les décisions de restructuration d’EULEX Kosovo sont susceptibles d’avoir des conséquences aux fins du
reclassement des postes et de la résiliation des contrats de travail du personnel international. Néanmoins, à mon avis, les circonstances de l’arrêt H diffèrent de celles de la présente affaire. En particulier, cet arrêt portait sur une question relative à la réaffectation d’un agent détaché par un État membre, question qui, comme l’indiquent le Conseil et le SEAE, apparaît avoir été liée au contrôle politique et à la direction stratégique de la mission, relevant de la responsabilité du Conseil,
et qui était totalement étrangère à l’exécution du budget de cette mission exigeant un contrat entre le chef de ladite mission et la Commission. En revanche, en l’espèce, le recrutement du personnel international en cause apparaît directement lié à l’exécution du budget d’EULEX Kosovo ainsi qu’au contrat conclu entre le chef de la mission et la Commission à cet égard et il est par conséquent centré sur les responsabilités budgétaires de cette dernière. En outre, il convient de relever qu’aucune
information n’a été produite devant la Cour s’agissant des tâches accomplies par les requérants au principal, ni d’autres indications permettant de réfuter les arguments du Conseil selon lesquels le recrutement du personnel international dans les circonstances de l’espèce ne relève pas de sa responsabilité.

88. S’agissant de la Commission, il apparaît, au regard des arrêts Elitaliana et H, que, sur le fondement des informations produites devant la Cour, la Commission peut être considérée comme étant l’employeur des requérants au principal pour la période antérieure au 12 juin 2014, au motif que le recrutement du personnel international au service d’EULEX Kosovo se rapporte à l’exécution, sous la supervision et l’autorité de la Commission, du budget de cette mission et que la Commission apparaît avoir
été chargée de déterminer des règles spécifiques relatives aux contrats de travail conclus avec ce personnel ( 63 ).

89. Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 5, et de l’article 16, paragraphe 4, de l’action commune 2008/124, avant que celle-ci soit modifiée par la décision 2014/349, le chef de la mission était soumis à la supervision et à l’autorité de la Commission en ce qui concerne l’exécution du budget d’EULEX Kosovo, y compris le recrutement de personnel international, et qu’il a signé un contrat avec la Commission à cette fin. Plus précisément, selon le système fondé sur la
communication de 2009, la Commission employait, par le biais d’un contrat, le chef de la mission en qualité de conseiller spécial aux fins de lui confier la gestion du budget de la mission, et ce contrat prévoyait que le chef de la mission devait conclure des contrats de travail avec du personnel international « en appliquant les règles relatives au personnel employé par les conseillers spéciaux de la PESC ou détaché auprès de ceux-ci, telles que définies dans la présente communication » ( 64 ).
À cet égard, la communication de 2009 a établi des règles spécifiques relatives, notamment, aux conditions de travail ainsi qu’aux droits et obligations du personnel international à inclure dans les contrats de travail conclus par le chef de mission avec le personnel international, telles que des règles concernant la durée du contrat, la classification des postes et la régulation des salaires, des impôts et de la sécurité sociale ( 65 ).

90. Cela est illustré par les contrats des 1er février et 7 juin 2013 conclus dans la présente affaire par MJ en qualité de chef de la mission et la Commission. En particulier, l’article 11, paragraphe 1, du contrat du 7 juin 2013 prévoit que le chef de la mission conclut des contrats de travail avec son personnel sur le fondement des règles prévues par la communication de 2009, et l’article 11, paragraphe 2, de ce contrat précise que, de manière générale, la durée d’un contrat de travail ne saurait
excéder celle d’EULEX Kosovo. En outre, dans un contrat de travail que MJ a conclu, en qualité de chef de la mission, avec l’un des requérants au principal antérieurement au 12 juin 2014, contrat qui était annexé à la décision de renvoi, il est précisé dans le préambule que la communication de 2009 « fixe les conditions de travail du personnel international » et que l’article 11, paragraphe 1, du contrat liant la Commission à MJ en qualité de chef de la mission « autorise » ce dernier, en
qualité de conseiller spécial, à conclure des contrats de travail pour son propre compte ( 66 ).

91. Par conséquent, le fait que les requérants au principal n’ont pas signé de contrats de travail avec la Commission ou que, comme l’indique la communication de 2012 ( 67 ), l’institution compétente de l’Union pour réglementer les questions de personnel est le Conseil n’infirme pas cette analyse, étant donné que les contrats de travail conclus avec les requérants au principal par MJ en qualité de chef de la mission apparaissent s’être situés dans le cadre de la communication de 2009 et avoir été
fondés sur des règles qui découlaient de la responsabilité de la Commission.

92. Sur le fondement de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, pour la période antérieure au 12 juin 2014, la Commission a la qualité d’employeur du personnel international au service d’EULEX Kosovo et doit donc être considérée comme étant la défenderesse aux fins du litige au principal.

VI. Conclusion

93. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le tribunal du travail francophone de Bruxelles (Belgique) de la manière suivante :

L’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo, avant que celle-ci soit modifiée par la décision 2014/349/PESC du Conseil, du 12 juin 2014, doit être interprétée en ce sens que, au cours de la période antérieure au 12 juin 2014, elle confère à la Commission européenne la qualité d’employeur du personnel international qui était au service d’EULEX Kosovo.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2008, L 42, p. 92.

( 3 ) JO 2014, L 174, p. 42.

( 4 ) Voir points 36 à 41 des présentes conclusions.

( 5 ) À cet égard, il convient de noter que plusieurs affaires sont pendantes devant le Tribunal s’agissant de recours similaires introduits par des membres du personnel international d’EULEX Kosovo (voir, par exemple, BL et BM/Conseil e.a., T‑204/19 ; QP e.a./Conseil e.a., T‑183/21, et RI e.a./Conseil e.a., T‑190/21) et par des membres du personnel international d’autres missions internationales de l’Union (voir, notamment, JF/EUCAP Somalia, T‑194/20, et Stockdale/Conseil e.a., T‑776/20).

( 6 ) Telle que modifiée par la décision 2010/322/PESC du Conseil, du 8 juin 2010 (JO 2010, L 145, p. 13). L’article 9, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124 était initialement formulé comme suit : « EULEX Kosovo peut également recruter, en fonction des besoins, du personnel international et du personnel local sur une base contractuelle ».

( 7 ) Cette disposition a été modifiée ultérieurement par la décision (PESC) 2021/904 du Conseil du 3 juin 2021 (JO 2021, L 197, p. 114) dans le sens suivant : « À l’exception des montants visés au paragraphe 1 relatif au soutien apporté aux procédures judiciaires transférées dans un État membre, l’EULEX Kosovo est responsable de l’exécution financière du budget de la mission. À cette fin, l’EULEX Kosovo signe un contrat avec la Commission ».

( 8 ) T‑410/13, non publiée, EU:T:2014:871, notamment points 25 à 28 et 37. Aucun pourvoi n’a été introduit contre cette ordonnance.

( 9 ) Ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, par jugement du 12 décembre 2017 (RG 2015/AB/577), le tribunal du travail francophone de Bruxelles a jugé que l’employeur d’un membre du personnel international employé au service d’EULEX Kosovo avant que celle-ci n’acquière la personnalité juridique sur le fondement de la décision 2014/349 était l’Union représentée par ses institutions et que le chef de la mission n’était qu’un mandataire. En outre, par un jugement du 8 janvier 2019 (RG
2016/AB/411), cette juridiction a statué dans un sens similaire à l’égard de la mission de police de l’Union pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS), considérant que l’employeur était l’Union représentée par la Commission. En ce qui concerne cette dernière mission, voir note en bas de page 54 des présentes conclusions.

( 10 ) C‑43/17 P, ci-après l’« arrêt Jenkinson , EU:C:2018:531.

( 11 ) C-439/13 P, ci-après l’« arrêt Elitaliana , EU:C:2015:753.

( 12 ) C‑455/14 P, ci-après l’« arrêt H , EU:C:2016:569.

( 13 ) EULEX Kosovo se réfère notamment à l’arrêt Jenkinson.

( 14 ) Voir titre V, chapitre 2, section 2, TUE (articles 42 à 46).

( 15 ) Voir article 42, paragraphe 1, et article 43, paragraphe 1, TUE.

( 16 ) Voir, à cet égard, SEAE, EU CSDP Missions & Operations for Human Security, 2019, p. 1. Voir, en outre, par exemple, Fiott, D. (éd.), The CSDP in 2020 : The EU’s Legacy and Ambition in Security and Defence, European Union Institute for Security Studies, Paris, 2020.

( 17 ) Comme indiqué sur le site Internet du SEAE, disponible à l’adresse https://eeas.europa.eu.

( 18 ) Voir, à cet égard, rapport spécial no 18/2012 de la Cour des comptes européenne, « L’aide de l’Union européenne au Kosovo dans le domaine de l’État de droit », 2012 (ci-après le « rapport de la Cour des comptes »), point 14. Pour une étude détaillée, voir, par exemple, Spernbauer, M., EU Peacebuilding in Kosovo and Afghanistan : Legality and Accountability, Martinus Nijhoff, 2014.

( 19 ) Voir, à cet égard, rapport de la Cour des comptes, cité en note en bas de page 18 des présentes conclusions, point 68.

( 20 ) Cette disposition a été modifiée ultérieurement par la décision (PESC) 2018/856 du Conseil, du 8 juin 2018 (JO 2018, L 146, p. 5).

( 21 ) Voir article 38 TUE.

( 22 ) Voir action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2010/322, article 11, paragraphe 2, et article 12, paragraphe 1.

( 23 ) Voir article 26 TUE.

( 24 ) Voir, notamment, articles 18 et 27 TUE. Voir, également, décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (JO 2010, L 201, p. 30), et Csernatoni, R., « The Evolving Role of the European External Action Service in Security and Defence », European Foreign Affairs Review, vol. 26, 2021, p. 87 à 100.

( 25 ) Voir action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2010/322, article 12, paragraphe 2.

( 26 ) Voir, en dernier lieu, décision (PESC) 2021/959 du Comité politique et de sécurité, du 10 juin 2021, prorogeant le mandat du chef de la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (JO 2021, L 212, p. 1).

( 27 ) Voir action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2010/322, article 7, paragraphe 2, et article 11, paragraphe 3.

( 28 ) Voir action commune 2008/124, article 7, paragraphe 1.

( 29 ) Voir site Internet du SEAE, dont les références sont données en note en bas de page 17 des présentes conclusions.

( 30 ) Voir action commune 2008/124, article 8, paragraphe 1, et article 11, paragraphe 5.

( 31 ) Il a été indiqué par le Conseil, la Commission et EULEX Kosovo, lors de l’audience, et par le SEAE, dans ses observations écrites, que, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour et notamment de l’arrêt H, la Cour est compétente dans la présente affaire, dès lors que celle-ci porte sur des questions relatives à la gestion du personnel.

( 32 ) Voir, à cet égard, arrêts Elitaliana, point 37, et du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil (C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 25).

( 33 ) L’action commune 2008/124 est fondée sur l’ancien article 14 UE et sur l’article 25, troisième alinéa, UE (devenus respectivement les articles 28 et 38 TUE), tandis que la décision 2014/349 est fondée sur l’article 28, l’article 42, paragraphe 4, et l’article 43, paragraphe 2, TUE.

( 34 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil (C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 32).

( 35 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil (C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 35).

( 36 ) Voir, à cet égard, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, points 74 et 75).

( 37 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Rosneft (C‑72/15, EU:C:2016:381, points 36 à 76), et conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:220, points 51 à 85). Voir également, par exemple, Butler, G., Constitutional Law of the EU’s Common Foreign and Security Policy : Competence and Institutions in External Relations, Hart Publishing, Oxford, 2019, p. 145 à 222.

( 38 ) C‑658/11, EU:C:2014:2025, points 69 à 74. Voir, également, arrêts du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 68) ; du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:662, points 21 à 24), et du 2 septembre 2021, Commission/Conseil (Accord avec l’Arménie) (C‑180/20, EU:C:2021:658, point 27).

( 39 ) Voir points 41 à 50.

( 40 ) Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) no 1081/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010 (JO 2010, L 311, p. 9), en vigueur à l’époque des faits. Il a été remplacé par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables
au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

( 41 ) Voir points 39 à 61.

( 42 ) Voir arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492, notamment point 66). Voir également, à cet égard, ordonnance du 10 juillet 2020, KF/CSUE (T‑619/19, non publiée, EU:T:2020:337, points 18 à 32) (pourvoi pendant dans l’affaire KF/CSUE, C‑464/20 P).

( 43 ) Voir arrêt du 12 avril 2018, PY/EUCAP Sahel Niger (T‑763/16, EU:T:2018:181, point 53).

( 44 ) Voir, notamment, arrêt du 18 mai 2021, Asociavaient ia  Forumul judecătorilor din România  e.a. (C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 115).

( 45 ) Voir, notamment, arrêt du 29 avril 2021, Ubezpieczeniowy Fundusz Gwarancyjny (C‑383/19, EU:C:2021:337, point 30).

( 46 ) Voir, à cet égard, arrêt du 17 mars 2021, An tAire Talmhaíochta BIA Agus Mara e.a. (C‑64/20, EU:C:2021:207, point 27).

( 47 ) Voir, par exemple, article 8, paragraphe 3, article 9, paragraphes 1 à 3, et article 14, paragraphes 5 et 6, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée par la décision 2010/322.

( 48 ) Il convient de relever que cela est illustré par deux lettres de notification adressées par le chef de la mission « pour le compte d’EULEX Kosovo » à certains requérants au principal, annexées à la décision de renvoi, qui indiquaient que le reclassement et la suppression des postes étaient la conséquence de la restructuration d’EULEX Kosovo à la suite de l’approbation des nouveaux OPLAN et CONOPS.

( 49 ) Voir communication de 2009, citée au point 20 des présentes conclusions, point 4a, p. 13.

( 50 ) Voir action commune 2006/304/PESC du Conseil, du 10 avril 2006, sur la mise en place d’une équipe de planification de l’UE (EPUE Kosovo) en ce qui concerne l’opération de gestion de crise que l’UE pourrait mener au Kosovo dans le domaine de l’État de droit et, éventuellement, dans d’autres domaines (JO 2006, L 112, p. 19), notamment article 4, paragraphe 5, et article 11, paragraphe 3, de cette action commune.

( 51 ) Voir, à cet égard, action commune 2008/124, article 4.

( 52 ) Voir communication de 2012, citée au point 25 des présentes conclusions, en particulier points 3.2 à 3.4 et 4.2.

( 53 ) Voir rapport de la Cour des comptes, cité en note en bas de page 18 des présentes conclusions, en particulier points 92 à 94 et 107 ainsi que recommandation 4.

( 54 ) Voir, notamment, décision 2014/447/PESC du Conseil, du 9 juillet 2014, modifiant la décision 2013/354/PESC concernant la mission de police de l’Union européenne pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS) (JO 2014, L 201, p. 28), article 11 bis, et décision (PESC) 2015/800 du Conseil, du 21 mai 2015, modifiant et prorogeant la décision 2013/233/PESC relative à la mission d’assistance de l’Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya) (JO 2015, L 127,
p. 22), article 12 bis. Il convient de relever que, actuellement, les onze missions civiles PSDC qui sont en cours contiennent de telles dispositions. Voir également, entre autres, décision (PESC) 2017/1869 du Conseil, du 16 octobre 2017, relative à la mission de conseil de l’Union européenne visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité en Iraq (EUAM Iraq) (JO 2017, L 266, p. 12), article 13, et décision (PESC) 2019/2110 du Conseil, du 9 décembre 2019, relative à une mission de conseil
PSDC de l’Union européenne en République centrafricaine (EUAM RCA) (JO 2019, L 318, p. 141), article 12.

( 55 ) Voir points 58, 59 et 66. Voir également, à cet égard, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Elitaliana/EULEX Kosovo (C‑439/13 P, EU:C:2015:341, points 63 à 65), ainsi que mes conclusions dans l’affaire SC/EULEX Kosovo (C‑730/18 P, EU:C:2020:176, point 59).

( 56 ) Voir, à cet égard, ordonnance du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a. (T‑271/10 R, non publiée, EU:T:2010:315, point 19).

( 57 ) Voir notamment points 15 et 34 ainsi que 40 à 51. L’affaire est actuellement pendante devant le Tribunal (Jenkinson/Conseil e.a., T‑602/15 RENV).

( 58 ) À cet égard, il convient de relever que, dans son arrêt rendu dans l’affaire Jenkinson, le Tribunal a considéré qu’EULEX Kosovo est dotée de la personnalité juridique et peut être partie défenderesse dans les procédures sur le fondement de l’article 15 bis de l’action commune 2008/124, telle que modifiée. Voir ordonnance du 9 novembre 2016, Jenkinson/Conseil e.a. (T‑602/15, EU:T:2016:660, points 32 à 37).

( 59 ) Voir, en outre, à cet égard, Heliskoski, J, « Responsibility and liability for CSDP operations », dans Blockmans, S., et Koutrakos, P. (éd.), Research Handbook on the EU’s Common Foreign and Security Policy, Edward Elgar, Cheltenham, 2018, p. 132 à 153, en particulier p. 143 et 144.

( 60 ) Ainsi que l’a indiqué la juridiction de renvoi au point 80 de son jugement du 1er juin 2018, annexé à la décision de renvoi, une comparaison des différentes versions linguistiques de l’article 16, paragraphe 5, de l’action commune 2008/124, telle que modifiée, n’apporte aucune précision, dès lors que les versions en langues espagnole, allemande, anglaise, française, italienne et néerlandaise, par exemple, soutiennent l’une ou l’autre interprétation.

( 61 ) Voir points 62 à 66.

( 62 ) Voir points 65 à 68.

( 63 ) À cet égard, ainsi que l’indiquent les requérants au principal, il est utile de rappeler la décision du médiateur européen clôturant son enquête d’office OI/12/2010/(BEH)MMN concernant le Conseil, la Commission et le SEAE, du 30 août 2013, qui a été déclenchée en raison d’incertitudes découlant de la mise en place institutionnelle des missions internationales de l’Union, s’agissant de la question de savoir quelle institution ou quel organisme de l’Union sont compétents pour remédier à
d’éventuels cas de mauvaise administration. Dans cette décision, le médiateur a conclu que, au regard de la proposition présentée par le HR, de futures plaintes seraient adressées à la Commission en ce qui concerne les questions relatives à l’exécution du budget dans les missions civiles et au HR/SEAE en ce qui concerne toutes les autres allégations de mauvaise administration relatives aux missions PSDC.

( 64 ) Voir communication de 2009, citée au point 20 des présentes conclusions, point 3b, p. 6.

( 65 ) Voir communication de 2009, citée au point 20 des présentes conclusions, points 4 et 4a, p. 10 à 15.

( 66 ) Il convient de relever qu’une lettre de notification adressée par le chef de la mission à l’un des requérants au principal, annexée à la décision de renvoi, indique ce qui suit : « Sur instruction de la Commission, [...] une révision de la classification de tous les postes et des descriptions de postes correspondant à ceux-ci a eu lieu conformément à la [communication de 2009] ».

( 67 ) Voir communication de 2012, citée au point 25 des présentes conclusions, en particulier points 3.3 et 4.4. Voir également, à cet égard, conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, sur l’établissement d’un pacte en matière de PSDC civile, Doc. 14305/18, 19 novembre 2018, section II, point 10, sous b), p. 7 (énumérant, parmi les engagements du Conseil et des États membres, le réexamen du statut professionnel du personnel
international sous contrat des missions civiles PSDC).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-283/20
Date de la décision : 30/09/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal du travail francophone de Bruxelles.

Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Mission “État de droit” menée par l’Union européenne au Kosovo (Eulex Kosovo) – Action commune 2008/124/PESC – Article 8, paragraphes 3 et 5, article 9, paragraphe 3, et article 10, paragraphe 3 – Qualité d’employeur du personnel de mission – Article 16, paragraphe 5 – Effet subrogatoire.

Politique étrangère et de sécurité commune

Rapprochement des législations

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : CO e.a.
Défendeurs : MJ e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tanchev

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:781

Source

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