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30/09/2021 | CJUE | N°C-247/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 30 septembre 2021., VI contre The Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs., 30/09/2021, C-247/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 30 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑247/20

VI

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 

7, paragraphe 1, sous b), et article 16 – Enfant ressortissant d’un État membre séjournant dans un autre État membre – Mère d’un pay...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 30 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑247/20

VI

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 7, paragraphe 1, sous b), et article 16 – Enfant ressortissant d’un État membre séjournant dans un autre État membre – Mère d’un pays tiers économiquement active fournissant des ressources suffisantes – Droit de séjour dérivé de la mère dans l’État membre d’accueil – Droit au crédit d’impôt pour enfant et aux allocations familiales (Child Benefit) – Condition
d’“assurance maladie complète” »

I. Introduction

1. Cette demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7 et 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 2 ).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VI à Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière du Royaume‑Uni ; ci-après « HMRC ») concernant le droit de la requérante de résider au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord pendant les périodes allant du 1er mai 2006 au 20 août 2006 et du 18 août 2014 au 25 septembre 2016 et de percevoir, pour ces périodes, le crédit d’impôt pour enfant ainsi que les allocations familiales.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2004/38

3. Les considérants 10 et 18 de la directive 2004/38 énoncent ce qui suit :

« (10) Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour. L’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, pour des périodes supérieures à trois mois, devrait, dès lors, rester soumis à certaines conditions.

[...]

(18) En vue de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil dans lequel le citoyen de l’Union réside, le droit de séjour permanent ne devrait être soumis à aucune autre condition une fois qu’il a été obtenu. »

4. Le chapitre III de la directive 2004/38, intitulé « Droit de séjour », régit le droit de séjour. Dans ce chapitre, l’article 7 de cette directive traite du droit de séjour de plus de trois mois. Il dispose :

« 1.   Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a) s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

[...]

d) si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées [sous] a), b) ou c).

2.   Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, [sous] a), b) ou c).

[…] »

5. L’article 8, paragraphe 4, du chapitre III de la directive 2004/38 prévoit que « [l]es États membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu’ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée. Dans tous les cas, ce montant n’est pas supérieur au niveau en dessous duquel les ressortissants de l’État d’accueil peuvent bénéficier d’une assistance sociale ni, lorsque ce critère ne peut s’appliquer, supérieur à la pension
minimale de sécurité sociale versée par l’État membre d’accueil ».

6. Dans ce chapitre III, l’article 12 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou départ du citoyen de l’Union », dispose :

« 1.   Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union ou son départ du territoire de l’État membre d’accueil n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir eux-mêmes les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, [sous] a), b), c) ou d).

2.   Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui résidaient dans l’État membre d’accueil en tant que membre de sa famille depuis au moins un an avant le décès du citoyen de l’Union.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou
qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles définies à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel.

[...] »

7. L’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du chapitre III de la directive 2004/38 dispose :

« Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles. »

8. Au chapitre IV de la directive 2004/38, intitulé « Droit de séjour permanent », l’article 16 prévoit :

« 1.   Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2.   Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

[...] »

2. Le règlement no 492/2011

9. Outre la directive 2004/38, le législateur de l’Union a adopté un texte portant spécifiquement sur la libre circulation des travailleurs : le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union ( 3 ).

10. L’article 10, premier alinéa, du règlement no 492/2011 prévoit que « [l]es enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire ».

B.   Le droit du Royaume-Uni

11. La directive 2004/38 a été transposée dans l’ordre juridique du Royaume‑Uni par l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 (règlement sur l’immigration [Espace économique européen (EEE)] de 2006 ; ci-après le « règlement sur l’immigration de 2006 »), ultérieurement codifié par l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2016 (règlement sur l’immigration [EEE] de 2016 ; ci-après le « règlement sur l’immigration de 2016 »).

12. La règle 4, point 1, du règlement sur l’immigration de 2016 définit les différentes catégories de citoyens de l’Union visées à l’article 7, paragraphe 1, sous a) à c), de la directive 2004/38, à savoir celles de « travailleur », de « travailleur non salarié », de « personne autosuffisante » et d’« étudiant ». Aux termes de la règle 4, point 1, sous c), du règlement sur l’immigration de 2016, on entend par « personne autosuffisante » :

« la personne qui :

i) dispose de ressources suffisantes afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale du Royaume-Uni au cours de son séjour, et

ii) dispose d’une assurance maladie complète au Royaume-Uni. »

13. La règle 4, point 3, sous b), du règlement sur l’immigration de 2016 indique que l’« exigence que l’étudiant ou la personne autosuffisante dispose d’une assurance maladie complète au Royaume-Uni n’est satisfaite que si cette assurance couvre à la fois l’étudiant ou la personne autosuffisante et tous les membres de sa famille concernés ».

14. La règle 15 du règlement sur l’immigration de 2016 est intitulée « Droit de séjour permanent ». Elle dispose :

« 1) Les personnes suivantes acquièrent le droit de séjourner de manière permanente au Royaume-Uni :

a) tout ressortissant de l’[EEE] qui a séjourné au Royaume-Uni conformément au présent règlement pendant une période ininterrompue de cinq ans ;

b) tout membre de la famille d’un ressortissant de l’[EEE] qui n’est pas lui‑même un ressortissant de l’[EEE] mais qui a séjourné au Royaume-Uni avec le ressortissant de l’[EEE] conformément au présent règlement pendant une période ininterrompue de cinq ans ;

[...] »

15. La règle 16 du règlement sur l’immigration de 2016, intitulée « Droit de séjour dérivé », correspond à l’article 15 bis du règlement sur l’immigration de 2006 et énonce :

« 1.   Une personne a un droit de séjour dérivé pendant toute période durant laquelle :

a) elle n’est pas une personne exonérée ; et

b) elle satisfait à chacun des critères d’un ou plusieurs des paragraphes 2 à 6.

2.   Les critères de ce paragraphe sont les suivants :

a) la personne est celle qui assure effectivement la garde d’un ressortissant de l’EEE ; et

b) le ressortissant de l’EEE

i) est âgé de moins de 18 ans ;

ii) réside au Royaume-Uni en tant que personne autosuffisante ; et

iii) ne pourrait pas rester au Royaume-Uni si la personne quittait le Royaume-Uni pour une durée indéterminée.

[...] »

III. Les faits à l’origine du litige au principal

16. La juridiction de renvoi décrit les circonstances factuelles de manière particulièrement succincte.

17. Il peut néanmoins être déduit de la demande de décision préjudicielle que VI est une ressortissante pakistanaise résidant en Irlande du Nord (Royaume-Uni) où son fils est né en 2004. Son enfant est un citoyen irlandais en vertu des dispositions de l’article 2 de la Constitution irlandaise qui étaient applicables au moment de sa naissance. Ces dispositions (qui ont depuis lors été profondément modifiées) prévoyaient que toute personne née sur l’île d’Irlande est citoyen irlandais par la
naissance.

18. Il apparaît également que les parties au principal s’accordent sur le fait que, à tout le moins pendant la période allant du 17 août 2006 au 16 août 2014, VI et sa famille étaient titulaires d’un droit de séjour ouvrant droit à des prestations lorsque VI disposait d’une assurance maladie complète pour elle-même et sa famille.

19. En vertu de l’article 15 bis, paragraphes 1 et 2, du règlement sur l’immigration de 2006, VI tire son droit de séjour dérivé du fait qu’elle assure effectivement la garde d’un enfant ressortissant de l’EEE autosuffisant.

20. Il est également constant entre les parties que, en raison de son séjour légal au Royaume-Uni pendant une période ininterrompue de cinq ans, le fils de VI a acquis un droit de séjour permanent au Royaume-Uni.

21. Les parties au principal s’opposent en revanche sur le droit de VI, pour les périodes allant du 1er mai 2006 au 20 août 2006 et du 18 août 2014 au 25 septembre 2016, au crédit d’impôt pour enfant, d’une part, et aux allocations familiales, d’autre part.

22. Selon HMRC, VI ne disposait pas de ce droit dès lors qu’elle n’était pas couverte par une assurance maladie complète pour l’ensemble de ces périodes. Par conséquent, elle n’avait droit ni au crédit d’impôt pour enfant ni aux allocations familiales pour ces périodes. Toutefois, HMRC reconnaît maintenant que le montant du trop-perçu ne peut pas être recouvré auprès de VI, dans la mesure où celle-ci n’a jamais dénaturé ou omis de dévoiler des faits matériels.

23. La juridiction de renvoi a joint les deux affaires connexes pendantes devant elle aux fins de la présente demande de décision préjudicielle au motif que ces affaires portent sur le même sujet, à savoir le droit de séjour de VI au Royaume‑Uni pendant les périodes en cause.

IV. Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

24. C’est dans ces circonstances que, par une décision du 11 mars 2020 parvenue à la Cour le 7 avril 2020, le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Un enfant, résident permanent dans l’[EEE], doit-il disposer d’une assurance maladie complète afin de conserver son droit de séjour, comme il/elle le ferait en tant que personne autosuffisante, au sens de la règle 4, point 1, du [règlement sur l’immigration de 2016] ?

2) L’exigence, au titre de la règle 4, point 3, sous b), du [règlement sur l’immigration de 2016] [selon laquelle le critère de l’assurance maladie complète au Royaume-Uni n’est satisfait dans le cas d’un étudiant ou d’une personne autosuffisante, visée dans la règle 16, point 2, sous b), ii), du [règlement sur l’immigration de 2016], que si cette couverture s’étend à cette personne ainsi qu’à tous les membres de sa famille concernés], est-elle illégale en vertu du droit de l’Union, eu égard à
l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et à l’arrêt de la Cour du 23 février 2010, Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 70) ?

3) À la suite de l’arrêt de 2014 Ahmad v. Secretary of State for the Home Department (Civ 988, point 53), les accords de réciprocité en vigueur liés à la zone de voyage commune applicables à l’assurance maladie entre le Royaume-Uni et l’Irlande sont-ils considérés comme des “accords de réciprocité” et, partant, constituent-ils une assurance maladie complète aux fins de la règle 4, point 1, du [règlement sur l’immigration de 2016] ? »

25. VI, le gouvernement norvégien et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. En vertu de l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour a décidé de statuer sans tenir d’audience de plaidoiries. Par mesures d’organisation de la procédure du 2 juillet 2021, la Cour a invité la requérante au principal et toutes les parties intéressées à répondre par écrit à des questions. VI et la Commission ont déposé des observations écrites sur les questions faisant
l’objet de ces mesures d’organisation de la procédure dans le délai imparti.

26. Pour répondre au vœu de la Cour, les présentes conclusions se concentreront sur les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi.

V. Observation liminaire sur la compétence de la Cour

27. Le 1er février 2020, date à laquelle l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique ( 4 ) est entré en vigueur, cet État s’est retiré de l’Union, devenant ainsi un État tiers. Depuis cette date, les juridictions du Royaume-Uni ne peuvent donc plus être considérées comme étant des juridictions d’un État membre.

28. L’accord sur le retrait du Royaume-Uni prévoit toutefois, à son article 126, une période de transition comprise entre la date d’entrée en vigueur de cet accord, à savoir le 1er février 2020, et le 31 décembre 2020. L’article 127 dudit accord prévoit que, pendant cette période, sauf disposition contraire de ce même accord, le droit de l’Union est applicable au Royaume-Uni et sur son territoire, qu’il produit les mêmes effets juridiques que ceux qu’il produit au sein de l’Union et de ses États
membres et est interprété et appliqué selon les mêmes méthodes et principes généraux que ceux applicables au sein de l’Union.

29. L’article 86, paragraphe 2, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni prévoit également que la Cour demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition. Il résulte en outre du paragraphe 3 de cet article qu’une demande de décision préjudicielle est considérée comme ayant été présentée, au sens du paragraphe 2 dudit article, à la date à laquelle l’acte introductif d’instance a été enregistré par
le greffe de la Cour.

30. La présente demande de décision préjudicielle a été soumise à la Cour par une juridiction du Royaume-Uni le 7 avril 2020, soit avant la fin de la période de transition, dans le cadre d’un litige portant sur le droit de séjour de VI et sur son droit à certaines prestations accordées par l’État.

31. Il s’ensuit, d’une part, que la situation en cause au principal relève du champ d’application ratione temporis du droit de l’Union, en application des articles 126 et 127 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni, et, d’autre part, qu’en vertu de l’article 86, paragraphe 2, de cet accord, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel au moins sur les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi.

VI. Analyse

A.   Sur la première question préjudicielle

32. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si un enfant qui est un résident permanent dans l’EEE est tenu de disposer d’une assurance maladie complète afin de conserver son droit de séjour, comme il/elle le ferait en tant que personne autosuffisante, en vertu de la règle 4, point 1, du règlement sur l’immigration de 2016.

33. On peut se demander si, formulée ainsi, la question est recevable et même si la Cour est compétente pour y répondre. En effet, il y a lieu de rappeler que le système de coopération établi à l’article 267 TFUE est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour, et il n’incombe pas à
cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettent à celle‑ci d’apprécier la compatibilité de normes de droit interne avec la réglementation de l’Union ( 5 ).

34. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions ( 6 ). Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des
éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige ( 7 ).

35. Au vu de cette jurisprudence et compte tenu des indications fournies dans la demande de décision préjudicielle, il semble clair que, par la première question posée, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16 de la directive 2004/38 impose à un enfant qui est un ressortissant de l’EEE de disposer d’une assurance maladie complète afin de conserver son droit de séjour permanent au cours de la période de séjour provisoire au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la
directive 2004/38.

36. Comprise en ce sens, la question appelle très clairement une réponse négative. En effet, même si c’est rarement le cas, il peut arriver que le libellé d’une règle de droit soit dépourvu d’ambiguïté : l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 en est un exemple. Cet article indique expressément que « [l]es citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son
territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III [de la directive 2004/38] » ( 8 ).

37. Or l’exigence d’une couverture d’assurance maladie complète figure dans une disposition du chapitre III de la directive 2004/38, à savoir l’article 7, paragraphe 1, sous b). En tant que telle, cette condition n’est dès lors plus exigée pour un citoyen de l’Union ayant séjourné légalement pendant cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil.

38. Si cela se révélait nécessaire, on pourrait également se référer au considérant 18 de la directive 2004/38, qui confirme sans ambiguïté la volonté du législateur de l’Union d’exempter de toute condition les citoyens de l’Union qui ont acquis un droit de séjour permanent. Ce considérant indique en effet que, « [e]n vue de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil dans lequel le citoyen de l’Union réside, le droit de séjour permanent ne devrait être
soumis à aucune autre condition une fois qu’il a été obtenu ».

39. En d’autres termes, une fois qu’ils ont acquis le droit de séjour permanent, les citoyens de l’Union ne doivent plus satisfaire aux conditions de l’article 7 de la directive 2004/38 ( 9 ).

40. La Cour a d’ailleurs déjà retenu cette interprétation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 dans des circonstances similaires. Il découle de l’arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675), que, lorsque l’enfant d’un ressortissant d’un pays tiers a acquis un droit de séjour permanent dans un État membre en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, son droit de séjour « [n’est] pas soumis aux conditions prévues au chapitre III de cette
directive et, notamment, à celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci » ( 10 ).

41. Enfin, j’ajouterai que l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38 souligne que cette règle s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans dans l’État membre d’accueil avec le citoyen de l’Union visé à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive.

42. Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, il est clair que l’article 16 de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un enfant qui est un résident de l’EEE et qui a acquis un droit de séjour permanent au titre de cette disposition n’est pas tenu de disposer d’une assurance maladie complète afin de conserver son droit de séjour permanent.

B.   Sur la deuxième question préjudicielle

43. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’une personne économiquement inactive ne satisfait à l’exigence d’une assurance maladie complète que si cette assurance couvre tant cette personne que tous les membres de la famille concernés. La juridiction de renvoi se réfère également, dans sa question préjudicielle, au point 70 de l’arrêt du 23 février 2010, Teixeira (C‑480/08,
ci-après l’« arrêt Teixeira », EU:C:2010:83). J’examinerai successivement ces deux points avant de terminer par une remarque sur la notion d’« assurance maladie complète ».

1. Les personnes soumises à l’exigence de disposer d’une assurance maladie complète en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38

44. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois « s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ».

45. En réalité, si le libellé de la version en langue anglaise de cette disposition peut susciter un doute quant à la portée de l’obligation de disposer d’une assurance maladie complète en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, il faut remarquer que la Cour a récemment interprété ladite disposition et répondu à la question de la juridiction de renvoi.

46. En effet, dans son arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595), la Cour a dit pour droit qu’« il ressort de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, lu à la lumière du considérant 10 de celle-ci, que les États membres peuvent exiger des citoyens de l’Union, ressortissants d’un autre État membre, qui veulent bénéficier du droit de séjour sur leur territoire pour une durée de plus de trois mois sans exercer une activité économique, qu’ils
disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de cet État membre au cours de leur séjour » ( 11 ).

47. Comme il est indiqué dans l’arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595), il apparaît que, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/38, le droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de séjourner sur le territoire de l’État membre d’accueil, sur le fondement de l’article 7 de cette directive, n’est maintenu que pour autant que ces citoyens et les membres de leurs familles répondent aux conditions énoncées à cette dernière
disposition. Il découle ainsi de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 2, de cette directive, que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit, notamment, disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable
pour les finances publiques de cet État membre ( 12 ).

48. Malgré la possible ambiguïté du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 dans sa version en langue anglaise, cette interprétation est pleinement conforme aux autres versions linguistiques de cette disposition ( 13 ). Selon une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de fondement unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un
caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques ( 14 ).

49. En outre, l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 retenue par la Cour est également conforme à l’économie générale et à la finalité de la réglementation dont relève cet article. À cet égard, je peux renvoyer, respectivement, à l’article 12, paragraphe 2, et à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ainsi qu’au considérant 10 de cette directive.

50. Dans ces conditions, je ne peux que confirmer que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que, pendant toute la durée d’un séjour de plus de trois mois et de moins de cinq ans dans l’État membre d’accueil, les citoyens de l’Union économiquement inactifs doivent disposer d’une assurance maladie complète pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille.

2. La portée de l’interprétation donnée dans l’arrêt Teixeira

51. Au point 70 de l’arrêt Teixeira, la Cour a jugé que le droit de séjour dans l’État membre d’accueil dont bénéficie le parent qui a effectivement la garde d’un enfant exerçant le droit de poursuivre des études conformément à l’article 12 du règlement no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ( 15 ) n’est pas soumis à la condition selon laquelle ce parent doit disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir
une charge pour le système d’assistance sociale de cet État membre au cours de son séjour et d’une assurance maladie complète dans celui-ci.

52. Il convient de rappeler que, si l’article 12 du règlement no 1612/68 a été abrogé et remplacé par l’article 10 du règlement no 492/2011, le libellé de ces deux articles est identique et la jurisprudence de la Cour relative à la première de ces dispositions est donc pertinente pour l’interprétation de la seconde ( 16 ).

53. Il ne fait donc aucun doute que les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui travaille ou a travaillé dans l’État membre d’accueil, tout comme le parent qui assure effectivement la garde de ceux-ci, peuvent se prévaloir, dans ce dernier État, d’un droit de séjour autonome sur le seul fondement de l’article 10 du règlement no 492/2011, sans qu’ils soient tenus de satisfaire aux conditions définies par la directive 2004/38, dont celle tenant à ce que les intéressés disposent de ressources
suffisantes et d’une assurance maladie complète dans ledit État ( 17 ).

54. La demande de décision préjudicielle ne contient aucune information à cet égard. Toutefois, dans la réponse aux questions pour réponse écrite qu’elle a adressée à la Cour, VI indique que son mari, qui est le père de l’enfant concerné par le litige, est, comme elle, un ressortissant pakistanais. Dans sa réponse, VI reconnaît elle-même qu’elle ne soutient pas que la situation relève de l’article 10 du règlement no 492/2011 ( 18 ).

55. Dans ces conditions, l’article 10 du règlement no 492/2011 ne saurait avoir aucune incidence sur la réponse à la deuxième question préjudicielle.

3. Une dernière remarque sur la notion d’« assurance maladie complète »

56. Il me semble qu’on ne peut ignorer le fait qu’une autre question fondamentale qui sous-tend le litige au principal porte sur le point de savoir si le droit de recourir aux soins de santé fournis par un régime public de santé [notamment le National Health Service (Service national de santé) ; ci-après le « NHS »] constitue une assurance maladie complète au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ( 19 ). Il ressort en outre de la demande de décision préjudicielle que la
nécessité de poser une question concernant la problématique de l’assurance maladie complète a été expressément abordée au cours des débats devant la juridiction de renvoi.

57. Il faut cependant reconnaître que, d’une part, le représentant de la requérante a clairement répondu qu’« il n’est pas nécessaire de reformuler ou de scinder la deuxième question proposée, de sorte à demander le sens de la notion d’“assurance maladie complète” » ( 20 ) et, d’autre part, que la juridiction de renvoi n’a pas estimé nécessaire d’interroger la Cour sur ce point. En effet, la deuxième question préjudicielle ne concerne ni la « nature » ni le champ d’application matériel de la
condition d’« assurance maladie ».

58. De plus, la demande de décision préjudicielle ne contient pas d’autres précisions à cet égard, hormis la référence à une décision de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] ( 21 ) dans le libellé de la troisième question relative aux accords de réciprocité liés à la zone de voyage commune entre le Royaume‑Uni et l’Irlande.

59. Enfin, je ne peux que regretter que le Royaume-Uni n’ait pas perçu l’intérêt de présenter des observations écrites ou de demander une audience afin d’expliquer à la Cour le fonctionnement et la portée de son système public de santé ( 22 ).

60. Dans ces conditions, il me semble qu’il serait particulièrement inopportun d’aborder cette question, nonobstant la circonstance que la juridiction de renvoi n’aura plus l’occasion d’interroger la Cour à ce sujet puisque le Royaume-Uni a choisi de quitter l’Union européenne.

61. Par conséquent, les seules remarques qui peuvent être formulées à cet égard sont, premièrement, que le législateur de l’Union a été attentif à la crainte des États membres que leurs finances publiques puissent être affectées par l’exercice de la liberté de circulation ( 23 ), mais, deuxièmement, qu’il n’est pas allé jusqu’à exiger que l’« assurance maladie complète » requise soit fournie par un opérateur privé et, troisièmement, qu’il a préféré l’expression « assurance maladie complète », alors
que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 90/365 exigeait auparavant une assurance maladie couvrant « l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil » ( 24 ).

62. Par ailleurs, si la directive 2004/38 ne fournit aucune indication quant à la manière dont il convient de comprendre le terme « complète », cette directive n’opère pas non plus de renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification de ce terme. Il en résulte que celui-ci doit être considéré, aux fins de l’application de ladite directive, comme désignant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de l’ensemble des États
membres ( 25 ). En outre, compte tenu du contexte dans lequel la directive 2004/38 s’inscrit et des finalités que cette dernière poursuit, ses dispositions ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile ( 26 ). Cela signifie, a contrario, qu’une condition de nature à porter atteinte à la libre circulation – telle que celle relative à l’assurance maladie complète prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la
directive 2004/38 – doit être interprétée de manière restrictive.

63. Dans ces conditions, j’estime qu’une assurance maladie doit être considérée comme étant « complète » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 lorsque la couverture dont bénéficie le citoyen de l’Union correspond à celle que l’État membre d’accueil fournit gratuitement à ses propres ressortissants – et ce d’autant plus que les États membres peuvent prévoir que l’accès à leur système d’assurance maladie n’est pas gratuit ( 27 ) – ou à celle qu’un État membre oblige
ses propres ressortissants à souscrire, notamment lorsque les citoyens de l’Union contribuent, de la même manière que les ressortissants de cet État membre, au financement du système de santé.

64. Cette interprétation n’est pas de nature à faire peser une charge excessive sur les finances publiques et, dans cette mesure, elle est conforme à un objectif sous-jacent de la directive 2004/38. De plus, elle correspond, mutatis mutandis, à ce que requiert la condition relative aux ressources suffisantes également prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38. En effet, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2004/38, le montant considéré comme constituant
des « ressources suffisantes » ne peut pas être supérieur au niveau au‑dessous duquel les ressortissants de l’État d’accueil peuvent bénéficier d’une assistance sociale ni, lorsque ce critère ne peut s’appliquer, supérieur à la pension minimale de sécurité sociale versée par l’État membre d’accueil. Il est donc logique que l’assurance maladie soit considérée comme étant « complète » lorsqu’elle correspond à ce qui est donné ou exigé des ressortissants de l’État membre d’accueil.

VII. Conclusion

65. En conséquence, eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux deux premières questions préjudicielles du Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni) de la manière suivante :

1) L’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE doit être interprété en ce sens qu’un enfant, qui est un résident de l’Espace
économique européen et qui a acquis un droit de séjour permanent au titre de cette disposition, n’est pas tenu de disposer d’une assurance maladie complète afin de conserver son droit de séjour permanent.

2) L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que, pendant la durée d’un séjour de plus de trois mois et de moins de cinq ans dans l’État membre d’accueil, les citoyens de l’Union économiquement inactifs doivent bénéficier d’une assurance maladie complète pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34.

( 3 ) JO 2011, L 141, p. 1.

( 4 ) JO 2020, L 29, p. 7 (ci-après l’« accord sur le retrait du Royaume-Uni »).

( 5 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Syndicat CFTC (C‑463/19, EU:C:2020:932, point 29).

( 6 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 33).

( 7 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 34).

( 8 ) Mise en italique par mes soins.

( 9 ) Voir Mantu, S., et Minderhoud, P., « Exploring the Links between Residence and Social Rights for Economically Inactive EU Citizens », European Journal of Migration and Law, vol. 21, no 3, 2019, p. 313 à 337, en particulier p. 327.

( 10 ) Point 47 de cet arrêt.

( 11 ) Point 53 de cet arrêt. Mise en italique par mes soins.

( 12 ) Voir, à cet égard, arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595, points 54 et 55). On peut observer que cette interprétation figurait déjà dans des arrêts antérieurs relatifs à la disposition pertinente précédente – à savoir l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO 1990, L 180, p. 26) – ou dans une formulation dont la version en langue anglaise peut sembler ambiguë. Voir, à cet égard,
respectivement, arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 87), et du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, point 47). Sans prétendre à l’exhaustivité de la recherche, la doctrine consultée partage cette interprétation, voir, notamment, Sarolea, S., « De Strasbourg à Luxembourg, quels droits pour les familles migrantes ? », Revue québécoise de droit international, 33 (hors série), 2020, p. 439 à 464, en particulier p. 444 ; de Mars, S., « Economically
Inactive EU Migrants and the United Kingdom’s National Health Service : Unreasonable Burdens Without Real Links ? », European Law Review, vol. 39, no 6, 2014, p. 770 à 789, en particulier p. 772, et Sokol, T., « Comprehensive Sickness Insurance as a Condition for EU Citizens’ Residence in Other Member States : a Need for a Reform ? », European Journal of Social Security, vol. 18, 2016, p. 380 à 398, en particulier p. 381 et 394.

( 13 ) Comparer, par exemple, la version en langue anglaise de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 (« have sufficient resources for themselves and their family members [...] and have comprehensive sickness insurance cover in the host Member State ») à la version en langue allemande (« für sich und seine Familienangehörigen über ausreichende Existenzmittel verfügt [...] und er und seine Familienangehörigen über einen umfassenden Krankenversicherungsschutz im
Aufnahmemitgliedstaat verfügen »), à la version en langue espagnole (« dispone, para sí y los miembros de su familia, de recursos suficientes [...] así como de un seguro de enfermedad que cubra todos los riesgos en el Estado miembro de acogida »), à la version en langue française (« s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes [...] et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ») ou à la version en langue italienne (« di disporre, per se
stesso e per i propri familiari, di risorse economiche sufficienti [...] e di un’assicurazione malattia che copra tutti i rischi nello Stato membro ospitante »).

( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:1004, point 34).

( 15 ) JO 1968, L 257, p. 2, telle que modifié par le règlement (CEE) no 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO 1992, L 245, p. 1).

( 16 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C‑181/19, EU:C:2020:794, point 34).

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêts du 23 février 2010, Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (C‑310/08, EU:C:2010:80, points 50 et 59), ainsi que du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C‑181/19, EU:C:2020:794, point 39).

( 18 ) Voir point 14 du mémoire en réponse aux questions écrites posées par la Cour présenté par la requérante.

( 19 ) Cette question est donc différente de celle de savoir si l’État membre d’accueil est tenu d’accorder à un citoyen de l’Union économiquement inactif séjournant sur son territoire sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 l’affiliation à titre gratuit à son système public d’assurance maladie. Comme on le sait, la Cour a répondu par la négative à cette question dans son arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595, points 56
et 58).

( 20 ) Compte-rendu de la procédure devant l’Appeal Tribunal (tribunal d’appel) menée le 28 février 2020 au Spires Centre, Belfast (Royaume-Uni), envoyée comme demande de décision préjudicielle dans la présente affaire.

( 21 ) Voir arrêt du 16 juillet 2014, Ahmad v. Secretary of State for the Home Department [2014] EWCA Civ 988. Dans cette affaire, la Court of Appeal (cour d’appel) a considéré que le NHS n’est pas une assurance maladie complète. Selon VI, cette question ferait l’objet de discussions. Voir, à cet égard, de Mars, S., « Economically Inactive EU Migrants and the United Kingdom’s National Health Service: Unreasonable Burdens Without Real Links? », European Law Review, vol. 39, no 6, 2014, p. 770 à 789.

( 22 ) Il ne me semble pas non plus qu’une quelconque conclusion puisse être tirée du fait que la Cour a indiqué, dans l’exposé des faits de l’arrêt du 23 février 2010, Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (C‑310/08, EU:C:2010:80, point 20), que Mme Ibrahim « ne dispos[ait] pas d’une assurance maladie complète et [était] bénéficiaire du [NHS] ».

( 23 ) Voir considérant 10 de la directive 2004/38 et, à cet égard, arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595, points 55 et 62).

( 24 ) Mise en italique par mes soins.

( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja (C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 33).

( 26 ) Voir, en ce sens, récemment, arrêt du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 38 et jurisprudence citée).

( 27 ) Voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C‑535/19, EU:C:2021:595, points 58 et 62).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-247/20
Date de la décision : 30/09/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland).

Renvoi préjudiciel – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Article 7, paragraphe 1, sous b), et article 16 – Enfant ressortissant d’un État membre séjournant dans un autre État membre – Droit de séjour dérivé du parent assurant effectivement la garde de cet enfant – Exigence d’une assurance maladie complète – Enfant disposant d’un droit de séjour permanent pour une partie des périodes concernées.

Citoyenneté de l'Union

Libre prestation des services

Droit d'établissement

Libre circulation des travailleurs

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : VI
Défendeurs : The Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:778

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