CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PRIIT PIKAMÄE
présentées le 23 septembre 2021 ( 1 )
Affaires jointes C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20
AD, BE, CF
contre
Corendon Airlines (C‑146/20)
et
JG, LH, MI, NJ
contre
OP, en tant que liquidateur de Azurair GmbH (C‑188/20)
et
Eurowings GmbH
contre
flightright GmbH (C‑196/20)
[demande de décision préjudicielle formée par Landgericht Düsseldorf (Allemagne)]
et
AG, MG, HG
contre
Austrian Airlines AG (C‑270/20)
[demande de décision préjudicielle formée par Landesgericht Korneuburg (Autriche)]
« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 2 – Notions de “réservation confirmée” et de “transporteur aérien effectif” – Articles 5 et 7 – Notion d’“heure d’arrivée prévue” – Avancement de l’heure de départ du vol – Qualification – Offre de réacheminement – Article 14 – Obligation d’informer les passagers de leurs droits – Portée »
I. Introduction
1. Les demandes de décisions préjudicielles formées par le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) et le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche) portent sur l’interprétation de l’article 2, sous b), f), g), h) et l), de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de l’article 5, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen
et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 ( 2 ).
2. Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant des passagers aériens à plusieurs compagnies aériennes au sujet de l’indemnisation pour annulation ou retard important de leurs vols. Elles soulèvent plusieurs questions juridiques inédites et complexes sur lesquelles la Cour aura l’occasion de se prononcer. Ces questions juridiques peuvent être regroupées de manière générale en trois complexes thématiques différents, à savoir les droits des passagers dans une relation tripartite
incluant un organisateur de voyages non rattaché au transporteur aérien, la possibilité d’obtenir une indemnisation dans le cas d’un avancement de l’heure de départ d’un vol et, finalement, la portée de l’obligation incombant à tout transporteur aérien de fournir des informations aux passagers sur les règles d’indemnisation et d’assistance prévues par le règlement no 261/2004.
II. Le cadre juridique
A. Le règlement no 261/2004
3. Aux termes du considérant 20 du règlement no 261/2004 :
« Les passagers devraient être pleinement informés de leurs droits en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, afin d’être en mesure d’exercer efficacement ces droits. »
4. L’article 2 de ce règlement prévoit :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
b) “transporteur aérien effectif”, un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ;
[...]
f) “billet”, un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé ;
g) “réservation”, le fait pour un passager d’être en possession d’un billet, ou d’une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ;
h) “destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l’heure d’arrivée initialement prévue est respectée ;
[...]
l) “annulation”, le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué. »
5. L’article 3 dudit règlement dispose :
« 1. Le présent règlement s’applique :
a) aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;
b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.
2. Le paragraphe 1 s’applique à condition que les passagers :
a) disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’enregistrement :
– comme spécifié et à l’heure indiquée à l’avance et par écrit (y compris par voie électronique) par le transporteur aérien, l’organisateur de voyages ou un agent de voyages autorisé,
ou, en l’absence d’indication d’heure,
– au plus tard quarante-cinq minutes avant l’heure de départ publiée [...]
[...] »
6. L’article 5 du même règlement dispose, à son paragraphe 1 :
« En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :
a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;
b) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), et
c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :
i) au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou
ii) de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou
iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée. »
7. Aux termes de l’article 7 du règlement no 261/2004 :
« 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :
[...]
b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres ;
[...]
2. Lorsque, en application de l’article 8, un passager se voit proposer un réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l’heure d’arrivée ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé :
[...]
b) de trois heures pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres, ou
[...]
le transporteur aérien effectif peut réduire de 50 % le montant de l’indemnisation prévue au paragraphe 1. »
8. L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers se voient proposer le choix entre :
a) – le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, selon les modalités visées à l’article 7, paragraphe 3, au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées et pour la ou les parties du voyage déjà effectuées et devenues inutiles par rapport à leur plan de voyage initial, ainsi que, le cas échéant,
– un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais ;
b) un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais, ou
c) un réacheminement vers leur destination finale dans des conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges. »
9. L’article 13 dudit règlement prévoit :
« Lorsqu’un transporteur aérien effectif verse une indemnité ou s’acquitte d’autres obligations lui incombant en vertu du présent règlement, aucune disposition de ce dernier ne peut être interprétée comme limitant son droit à demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable. En particulier, le présent règlement ne limite aucunement le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à un organisateur de voyages ou une autre personne
avec laquelle le transporteur aérien effectif a conclu un contrat. De même, aucune disposition du présent règlement ne peut être interprétée comme limitant le droit d’un organisateur de voyages ou d’un tiers, autre que le passager avec lequel un transporteur aérien effectif a conclu un contrat, de demander réparation au transporteur aérien effectif conformément aux lois pertinentes applicables. »
10. Aux termes de l’article 14, paragraphe 2, du même règlement :
« Le transporteur aérien effectif qui refuse l’embarquement ou qui annule un vol présente à chaque passager concerné une notice écrite reprenant les règles d’indemnisation et d’assistance conformément aux dispositions du présent règlement. Il présente également cette notice à tout passager subissant un retard d’au moins deux heures. Les coordonnées de l’organisme national désigné visé à l’article 16 sont également fournies par écrit au passager. »
B. La directive (UE) 2015/2302
11. Le considérant 33 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil ( 3 ), énonce :
« Dans certains cas, les organisateurs devraient être autorisés à modifier unilatéralement le contrat de voyage à forfait. Les voyageurs devraient, néanmoins, avoir le droit de résilier le contrat de voyage à forfait si les changements modifient de manière significative l’une des caractéristiques principales des services de voyage. Tel pourrait par exemple être le cas si la qualité ou la valeur des services de voyage diminue. Des changements par rapport aux heures de départ et d’arrivée
indiquées dans le contrat de voyage à forfait devraient être considérés comme significatifs, par exemple, quand ils causent au voyageur des désagréments importants ou des frais supplémentaires, par exemple pour prendre de nouvelles dispositions en termes de transport ou d’hébergement [...] »
12. L’article 11, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Les États membres veillent à ce que l’organisateur ne puisse, avant le début du forfait, modifier unilatéralement les clauses du contrat de voyage à forfait autres que le prix conformément à l’article 10, à moins que :
[...]
b) la modification ne soit mineure [...]
[...] »
III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
A. L’affaire C‑188/20, Azurair
13. LH a réservé, pour elle‑même et d’autres passagers (ci‑après les « passagers au principal »), un voyage à forfait à destination de Side (Turquie) auprès d’une agence de voyages, comprenant le transport aérien aller-retour reliant Düsseldorf (Allemagne) à Antalya (Turquie).
14. Un document intitulé « inscription au voyage », transmis à LH, indiquait les vols suivants de la compagnie aérienne Azurair GmbH : 1) vol ARZ 8711, du 15 juillet 2018, reliant Düsseldorf à Antalya, dont les heures de départ et d’arrivée étaient respectivement 6 h 00 et 10 h 30 et 2) vol ARZ 8712, du 5 août 2018, reliant Antalya à Düsseldorf, dont les heures de départ et d’arrivée étaient respectivement 12 h 00 et 14 h 45. En dessous de ces données figurait la mention suivante, écrite en
majuscules : « Pour votre propre sécurité, veuillez vérifier le vol dans vos billets. »
15. Les passagers au principal ont pris les vols indiqués sur ce document. Toutefois, pour le vol aller, ils ont atteint Antalya à 01 h 19 le 16 juillet 2018 et, pour le vol retour, l’avion a décollé à 05 h 10, le 5 août 2018. Par conséquent, ces passagers ont réclamé à Azurair le paiement d’indemnisations en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne). S’appuyant sur les données indiquées dans
l’« inscription au voyage », ils ont fait valoir que le vol aller avait subi un retard de plus de trois heures, tandis que le vol retour avait été annulé, l’avancement du vol devant être qualifié d’« annulation » au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement.
16. Azurair a, pour sa part, fait valoir qu’elle n’avait pas programmé les vols en question aux horaires indiqués dans l’« inscription au voyage », mais que sa programmation correspondait aux indications figurant dans la « confirmation de voyage/facture » adressée le 22 janvier 2018 à alltours flugreisen GmbH, en sa qualité de voyagiste.
17. Selon cette programmation, l’avion à l’aller devait décoller le 15 juillet 2018 à 20 h 05 et atterrir à 0 h 40 le lendemain ; l’avion au retour devait décoller le 5 août 2018 à 8 h 00 et atterrir à 10 h 50. Pour le vol aller, tel qu’indiqué sur ladite programmation, le retard accusé ne serait donc pas un retard de trois heures ou plus. Quant au vol retour, si celui‑ci a été effectivement avancé, également par rapport à la programmation indiquée par Azurair, cet avancement n’est pas, selon elle,
une annulation au sens de l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004. Azurair a, par ailleurs, demandé qu’une éventuelle indemnisation soit réduite en vertu de l’article 7, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, au motif que les passagers au principal sont arrivés à leur destination finale seulement deux heures et cinquante minutes avant l’heure d’arrivée prévue.
18. L’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a rejeté ce recours au motif que l’« inscription au voyage » ne constituait pas une confirmation de réservation au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, dès lors qu’il ressortait clairement de cette inscription que les horaires de vol n’étaient que provisoires. Selon ce tribunal, il n’existait pas de document pouvant être identifié en tant que « billet » au sens de l’article 2, sous f), de ce règlement.
19. Les passagers au principal ont interjeté appel de ce jugement devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si la position retenue par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) est conforme aux dispositions du règlement no 261/2004.
20. C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Un passager dispose-t-il d’une “réservation confirmée” au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du [règlement no 261/2004], lorsqu’il a reçu d’un organisateur de voyages, auquel il est lié contractuellement, une “autre preuve” au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, qui contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, sans que l’organisateur de
voyages ait fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné et qu’il ait reçu de confirmation de ce dernier ?
2) Pour qu’un transporteur aérien soit considéré comme un “transporteur aérien effectif” au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 par rapport à un passager, est-il suffisant que ce passager soit lié contractuellement à un organisateur de voyages, qui a promis de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, lorsque l’organisateur de voyages n’a pas fait de réservation pour le passager
et n’a donc pas établi de relation contractuelle avec le transporteur aérien concernant ce vol ?
3) L’“heure d’arrivée prévue” d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut-elle résulter, aux fins de l’indemnisation pour cause d’annulation ou de retard important, d’une “autre preuve” qui a été transmise par un organisateur de voyages à un passager ou faut-il se fonder à cet égard sur le billet au sens de l’article 2, sous f), du règlement
no 261/2004 ?
4) Y a-t-il annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 lorsque le transporteur aérien effectif avance le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait d’au moins deux heures et dix minutes le même jour ?
5) Le transporteur aérien effectif peut-il réduire l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, lorsque l’heure à laquelle le vol a été avancé se situe dans les limites visées à cette disposition ?
6) L’information donnée avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol est-elle une offre de réacheminement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 ?
7) L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 impose-t-il au transporteur aérien effectif d’informer le passager de la dénomination exacte de l’entreprise et de l’adresse auprès desquelles il peut réclamer l’indemnité calculée en fonction de la distance, ainsi que du montant de celle‑ci, et, le cas échéant, de préciser quels sont les documents qu’il doit joindre à sa demande ? »
B. L’affaire C‑196/20, Eurowings
21. Le 24 octobre 2017, deux passagers ont réservé, auprès d’une agence de voyages, un voyage à forfait à destination de Majorque (Espagne), comprenant un transport aérien aller-retour reliant Hambourg (Allemagne) à Palma de Majorque (Espagne).
22. Un document intitulé « inscription au voyage » a été transmis par le voyagiste ITS à ces passagers, lequel indiquait le vol suivant de la compagnie aérienne Eurowings GmbH : vol EW 7582, du 22 mai 2018, reliant Hambourg à Palma de Majorque, dont les heures de départ et d’arrivée étaient respectivement 7 h 30 et 10 h 05.
23. Lesdits passagers ont effectivement pris le vol indiqué ci‑dessus. Toutefois, ils ont atteint leur destination finale non pas à 10 h 05, mais à 21 h 08. Ces passagers ayant cédé leurs éventuels droits à indemnisation au titre du règlement no 261/2004 à flightright GmbH, cette dernière a intenté un recours devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) en faisant valoir que lesdits passagers disposaient d’une réservation confirmée pour le vol en question, dont l’arrivée
était prévue à 10 h 05, le 22 mai 2018.
24. Eurowings a rétorqué que les passagers disposaient d’une réservation confirmée pour le vol EW 7582, dont l’arrivée était prévue à 19 h 05. Partant, le retard subi était de moins de trois heures, ce qui ne donnait pas droit à une indemnisation.
25. La juridiction de première instance a fait droit à la demande de flightright au motif que l’« inscription au voyage » émise par le voyagiste ITS constituait une confirmation de réservation au sens de l’article 2, sous g), lu en combinaison avec l’article 2, sous f), du règlement no 261/2004. En effet, cette juridiction a considéré que l’inscription au voyage transmise aux passagers concernés constituait une « autre preuve » au sens dudit article 2, sous g), cette disposition exigeant uniquement
que la réservation ait été acceptée par l’organisateur de voyage. Ladite juridiction a indiqué, par ailleurs, qu’il n’existait pas de document pouvant être identifié en tant que « billet », au sens de l’article 2, sous f), de ce règlement.
26. Eurowings a interjeté appel de ce jugement devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge, en substance, sur le point de savoir si une confirmation de réservation émanant d’un organisateur de voyages, laquelle ne repose pas sur une réservation effectuée auprès du transporteur aérien visé par la demande d’indemnisation, peut être considérée comme une « réservation confirmée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a),
du règlement no 261/2004.
27. C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Un passager dispose-t-il d’une “réservation confirmée” au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du [règlement no 261/2004], lorsqu’il a reçu d’un organisateur de voyages, auquel il est lié contractuellement, une “autre preuve” au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, qui contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, sans que l’organisateur de
voyages ait fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné et qu’il ait reçu de confirmation de ce dernier ?
2) Pour qu’un transporteur aérien soit considéré comme un “transporteur aérien effectif” au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 par rapport à un passager, est-il suffisant que ce passager soit lié contractuellement à un organisateur de voyages, qui a promis de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, lorsque l’organisateur de voyages n’a pas fait de réservation pour le passager
et n’a donc pas établi de relation contractuelle avec le transporteur aérien concernant ce vol ?
3) L’“heure d’arrivée prévue” d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut-elle résulter, aux fins de l’indemnisation pour cause d’annulation ou de retard important, d’une “autre preuve” qui a été transmise par un organisateur de voyages à un passager ou faut-il se fonder à cet égard sur le billet au sens de l’article 2, sous f), du règlement
no 261/2004 ? »
C. L’affaire C‑146/20, Corendon Airlines
28. Les passagers au principal ont réservé, par l’intermédiaire d’une agence de voyages, un voyage à forfait vers Antalya. À la suite de cette réservation, la compagnie aérienne Corendon Airlines a confirmé que le vol aurait lieu le 18 mai 2018 de Düsseldorf à Antalya avec comme heure de départ 10 h 20. Par la suite, Corendon Airlines a avancé le vol d’une heure et quarante minutes, à 08 h 40 le 18 mai 2018, conservant cependant le même numéro de vol.
29. Ces passagers, ayant manqué le vol ainsi avancé, ont introduit un recours devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) contre Corendon Airlines, demandant notamment une indemnisation au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004. Au soutien de leur recours, lesdits passagers ont fait valoir qu’ils n’avaient pas été informés de l’avancement du vol et que celui‑ci équivalait en réalité à une annulation.
Corendon Airlines a en revanche considéré que les passagers avaient été informés de l’avancement du vol par le voyagiste le 8 mai 2018.
30. L’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a considéré que l’avancement d’un vol d’une heure et quarante minutes n’équivaut pas à une annulation de ce vol dans la mesure où cet avancement a été négligeable, et a, en conséquence, rejeté le recours des passagers.
31. Ceux-ci ont interjeté appel de ce jugement devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si le raisonnement retenu par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) est conforme au règlement no 261/2004.
32. C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Y a-t-il annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du [règlement no 261/2004] lorsque le transporteur aérien effectif avance le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait avec une heure de départ prévue à 10 h 20 (LT) à 8 h 40 (LT) le même jour ?
2) L’information donnée dix jours avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol de 10 h 20 (LT) à 8 h 40 (LT) le même jour est‑elle une offre de réacheminement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du [règlement no 261/2004] ? »
D. L’affaire C‑270/20, Austrian Airlines
33. Les passagers en cause ont réservé un vol reliant Vienne (Autriche) au Caire (Égypte) auprès de la compagnie aérienne Austrian Airlines AG. L’heure de départ était prévue à 22 h 15, le 24 juin 2017, et l’heure d’arrivée à 01 h 45 le lendemain. Le jour du vol, Austrian Airlines a annulé celui‑ci et a proposé aux passagers un vol avec un départ le même jour à 10 h 20 et une arrivée au Caire à 13 h 50, ce que ces passagers ont accepté. Ainsi, ces derniers ont atteint leur destination finale
onze heures et cinquante-cinq minutes avant l’heure d’arrivée initialement prévue.
34. Par voie extrajudiciaire, Austrian Airlines a versé à chacun des passagers en cause une indemnisation de 200 euros après application d’une réduction de 50 % du montant de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004, conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous b), de ce règlement.
35. Les passagers au principal ont introduit un recours devant le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche) contre Austrian Airlines en demandant une indemnisation complète conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Ils ont fait valoir que, bien qu’ils ne soient pas arrivés en retard au Caire, leur arrivée anticipée les avait autant lésés qu’un retard important, affirmant qu’ils avaient accepté la proposition d’Austrian Airlines parce que l’autre
option proposée par cette dernière leur aurait fait perdre deux jours de vacances.
36. Le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) a rejeté ce recours au motif qu’il ressort des termes clairs de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 que cette disposition est également applicable dans des situations où le passager atteint sa destination finale avec un vol en avance.
37. Les passagers au principal ont formé un appel contre ce jugement devant le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg), la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si la règle selon laquelle une indemnisation peut être réduite de 50 % lorsque le retard à l’arrivée ne dépasse pas trois heures, conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, peut être appliquée également pour une arrivée anticipée ne dépassant pas trois heures par
rapport à la programmation du vol initial. À cet égard, la juridiction de renvoi relève qu’un décollage considérablement anticipé peut entraîner pour le passager des désavantages qui sont aussi graves qu’une arrivée tardive au regard des critères prévus à cette disposition.
38. C’est dans ces conditions que le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 7, paragraphe 2, sous b), du [règlement no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens que le transporteur aérien peut également réduire le montant de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement lorsque, à la suite de l’annulation du vol réservé, les passagers se voient proposer un autre vol dont le départ et l’arrivée sont prévus onze heures et cinquante-cinq minutes avant les heures de départ et d’arrivée du vol annulé ? »
IV. La procédure devant la Cour
39. Les décisions de renvoi dans les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings, datées du 6 avril 2020, sont parvenues au greffe de la Cour respectivement le 30 avril 2020 et le 6 mai 2020.
40. La décision de renvoi dans l’affaire C‑146/20, Corendon Airlines, datée du 17 février 2020, est parvenue au greffe de la Cour le 20 mars 2020. La décision de renvoi dans l’affaire C‑270/20, Austrian Airlines, datée du 16 juin 2020, est parvenue au greffe de la Cour le 18 juin 2020.
41. Par ordonnance du président de la Cour du 15 juin 2020, les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings, ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale, ainsi que de l’arrêt.
42. Par décision de la Cour du 27 avril 2021, les affaires en cause ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale, ainsi que de l’arrêt.
43. Les parties au principal, les gouvernements allemand et autrichien, ainsi que la Commission européenne, ont déposé des observations écrites dans le délai imparti par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
44. Lors de l’audience du 16 juin 2021, les mandataires ad litem des parties au principal et les représentants du gouvernement allemand, ainsi que de la Commission, ont présenté des observations.
V. Analyse juridique
A. Remarques préliminaires
45. Dans la mesure où les demandes préjudicielles présentent des parallèles et des recoupements évidents, je propose de classer les questions posées à la Cour suivant un certain ordre thématique. La création d’un tel « catalogue de questions » permettra à la Cour de les traiter d’une manière systématique, structurée et efficace. À cet égard, il convient d’observer que les questions posées par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair, englobent l’intégralité des questions posées dans
les autres affaires.
46. Pour ce motif, ainsi que pour des raisons de simplicité, j’examinerai les questions préjudicielles dans l’ordre dans lequel elles ont été posées dans ladite affaire, tout en prenant en compte, dans la mesure du possible, les particularités des affaires connexes. Sauf indication expresse contraire, l’examen des questions sera essentiellement fondé sur le cadre factuel de l’affaire C‑188/20, Azurair, qui, de ce fait, constitue, en quelque sorte, une « affaire pilote » aux fins des présentes
conclusions.
47. Comme cela a été indiqué dans l’introduction des présentes conclusions, les questions juridiques soulevées dans les demandes préjudicielles peuvent être regroupées de manière générale en trois complexes thématiques différents, à savoir les droits des passagers dans une relation tripartite incluant un organisateur de voyages non rattaché au transporteur aérien (première à troisième questions) ( 4 ), de la possibilité d’obtenir une indemnisation ou un réacheminement dans le cas d’avancement de
l’heure de départ d’un vol (quatrième à sixième questions) ( 5 ) et, finalement, la portée de l’obligation incombant à tout transporteur aérien de fournir des informations aux passagers sur les règles d’indemnisation et d’assistance prévues par le règlement no 261/2004 (septième question) ( 6 ).
B. Sur la première question préjudicielle
48. Par sa première question préjudicielle dans les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings, la juridiction de renvoi souhaite savoir si un passager dispose d’une « réservation confirmée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004, lorsqu’il a reçu d’un organisateur de voyages une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, contenant une promesse de transport sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des
heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, alors que l’organisateur n’a pas fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné.
49. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004, le champ d’application dudit règlement est ouvert lorsque le passager dispose d’une « réservation confirmée » pour le vol concerné.
50. Selon l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, le document susceptible de donner un droit de transport au passager est un « billet » ou une « autre preuve » indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur ou l’organisateur de voyages.
51. Dans le cas d’espèce, il est évident que le document reçu par les requérants n’est pas un « billet » d’avion au sens de l’article 2, sous f), du règlement no 261/2004, c’est‑à‑dire « un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé » ( 7 ). La juridiction de renvoi le reconnaît elle‑même, ainsi que cela ressort de la décision de
renvoi ( 8 ). Cependant, ce document pourrait constituer une « autre preuve » au sens de cette disposition, comme semble le supposer la juridiction de renvoi par sa question préjudicielle.
52. Dans la mesure où cette notion n’est pas expressément définie dans le règlement no 261/2004, il est nécessaire d’établir, dans un premier temps, quelles sont les conditions que cette « autre preuve » doit remplir et, dans un second temps, si le document en l’espèce réunit ces conditions.
53. Il ressort de la lecture des dispositions pertinentes qu’il est important que le document en cause « donne droit au transport du passager ». Autrement dit, il doit être possible de déduire du document une volonté de transporter le passager à la destination et à l’heure déterminées. Cela est sans doute le cas d’un « billet » d’avion, qui est défini à l’article 2, sous f), comme « un document en cours de validité établissant le droit au transport » ( 9 ). De surcroît, il convient de relever que
l’article 2, sous g), exige que la réservation ait été « acceptée et enregistrée », tandis que l’article 3, paragraphe 2, sous a), exige une réservation « confirmée », ce qui exclut, en principe, toute sorte de document de nature purement informative.
54. Il ressort également d’une interprétation de ces dispositions que le document en cause ne doit pas forcément avoir été émis par le transporteur aérien lui‑même. En effet, conformément à l’article 2, sous g), la « réservation » peut être acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’« organisateur de voyages ». Par ailleurs, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), la « réservation confirmée » peut être émise par le transporteur aérien ou l’« organisateur de voyages ». Une telle
réglementation semble raisonnable, vue sous l’angle de la protection du consommateur, étant donné que le passager n’a normalement aucune connaissance du rapport entre l’organisateur de voyages et le transporteur aérien, et des échanges qui ont lieu entre eux dans le cadre du processus de réservation de vols. Dès lors, l’on ne saurait exiger du consommateur de vérifier lui‑même que sa réservation du vol a été confirmée par le transporteur aérien. D’ailleurs, le règlement no 261/2004 ne prévoit
pas non plus d’obligation d’information correspondante de la part de ces entreprises.
55. Il s’ensuit que, pour qu’il existe une « réservation confirmée », il suffit que l’organisateur de voyage ait exprimé, par un document pertinent, la volonté de transporter le passager sur un vol précis. Il convient toutefois de préciser dans ce contexte que l’octroi des droits garantis par le règlement no 261/2004 dépend d’autres conditions, notamment de l’existence d’un « transporteur aérien effectif » au sens de l’article 2, sous b), de ce règlement, un aspect qui sera examiné dans le cadre de
l’analyse de la deuxième question préjudicielle.
56. En ce qui concerne le cas d’espèce, il y a lieu de noter que le document remis aux requérants et dénommé « inscription au voyage » (terme en langue allemande : « Reiseanmeldung ») ne remplit pas les conditions pour être qualifié d’« autre preuve » au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004. Premièrement, la dénomination elle‑même ne semble indiquer qu’un simple intérêt à participer à un voyage. Si l’organisateur de voyages avait voulu exprimer une promesse de transport
contraignante, il aurait utilisé des termes plus clairs, tels que « confirmation de réservation » ou « confirmation de voyage ». Deuxièmement, il ressort clairement des instructions contenues dans ce document que les horaires n’étaient que provisoires et qu’il fallait que les passagers les vérifient eux‑mêmes pour leur sécurité. Par conséquent, une « inscription au voyage » n’est en aucun cas l’expression d’un engagement contraignant de la part de l’organisateur de voyages à fournir le service
de voyage spécifié dans ce document, d’autant que l’article 3, paragraphe 2, sous a), dudit règlement exige que la réservation soit « confirmée ». Le passager ne peut donc pas comprendre cette inscription comme une promesse de transport contraignante exprimée sous la forme d’une « réservation confirmée » au sens de cette disposition. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer la qualification juridique du document en cause en tenant compte de l’ensemble de ces éléments
d’interprétation.
57. Il ressort de ce qui précède qu’un passager peut disposer d’une « réservation confirmée » s’il a reçu d’un organisateur de voyages, avec lequel il a conclu un contrat, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, contenant une promesse de transport sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, alors que l’organisateur n’a pas fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur
aérien concerné ni reçu confirmation de cette réservation de la part de ce dernier. Toutefois, tel n’est pas le cas s’il a reçu un document dénommé « inscription au voyage » qui n’est pas l’expression d’un engagement contraignant de l’organisateur de voyages à fournir le service de voyage spécifié dans ce document.
58. Si la réponse ainsi proposée peut éventuellement porter préjudice au transporteur aérien dès lors que ce dernier serait tenu responsable pour le comportement de l’organisateur de voyages, il convient de rappeler que ledit transporteur dispose de la possibilité de demander la réparation des dommages à l’organisateur de voyages conformément à l’article 13 du règlement no 261/2004 ( 10 ).
59. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre à la première question préjudicielle que l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager peut disposer d’une « réservation confirmée » s’il a reçu d’un organisateur de voyages, avec lequel il a conclu un contrat, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, contenant une promesse de transport sur un vol précis, individualisé par l’indication des
lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, alors que l’organisateur n’a pas fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné ni reçu confirmation de cette réservation de la part de ce dernier ; tel n’est pas le cas s’il a reçu un document dénommé « inscription au voyage » qui n’est pas l’expression d’un engagement contraignant de l’organisateur de voyages à fournir le service de voyage spécifié dans ce document.
C. Sur la deuxième question préjudicielle
60. Par sa deuxième question préjudicielle dans les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings, la juridiction de renvoi souhaite savoir si un transporteur aérien doit être considéré comme un « transporteur aérien effectif », au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004, par rapport à un passager lorsque celui‑ci a conclu un contrat avec un organisateur de voyages qui lui a promis un transport sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et
d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, mais qui n’a pas fait de réservation pour lui auprès du transporteur aérien et n’a donc pas établi de relation contractuelle avec ce dernier concernant ledit vol.
61. D’après la définition de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004, le « transporteur aérien effectif » est un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager.
62. D’une part, il découle de cette disposition qu’il n’est pas exigé que le transporteur aérien ait conclu un contrat avec le passager concerné, ce transporteur pouvant réaliser ou avoir l’intention de réaliser le vol au nom d’une autre personne ayant conclu un contrat avec le passager, telle qu’un organisateur de voyages. En effet, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 261/2004, lorsqu’un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit les
obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné ( 11 ). Par conséquent, on ne saurait exclure que, dans le cas d’espèce, le transporteur aérien ait agi au nom de l’organisateur de voyages.
63. D’autre part, il découle également de cette disposition que le transporteur aérien doit réaliser ou avoir l’intention de réaliser le vol concerné. C’est sur l’interprétation de cette condition que la juridiction de renvoi s’interroge. Plus précisément, elle souhaite savoir si un transporteur aérien peut être considéré comme ayant réalisé ou eu l’intention de réaliser un vol sans avoir connaissance de la proposition de voyage faite aux passagers par l’organisateur de voyages. Selon la juridiction
de renvoi, l’existence d’une telle intention implique nécessairement que l’organisateur de voyages ait préalablement informé le transporteur aérien de sa volonté de faire transporter le passager concerné sur un vol offert par ledit transporteur à des parties intéressées.
64. À cet égard, il convient de noter que cette question n’est pas décisive pour l’issue du litige dans les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings. En effet, dans les deux litiges au principal, l’organisateur avait en définitive de toute façon effectué des réservations pour les passagers concernés auprès du transporteur aérien. Par conséquent, à compter de cette date, le transporteur en question devait être considéré comme étant le « transporteur aérien effectif » au sens de l’article 2,
sous b), du règlement no 261/2004. Dès lors, il pouvait être visé par une réclamation au titre de ce règlement. Dans le cadre de la présente procédure, il s’agit uniquement de déterminer les horaires arrêtés pour les différents vols que le transporteur aérien avait l’intention de réaliser et qu’il a effectivement réalisés. Même si ce point, je l’admets, relève plutôt de la troisième question préjudicielle, je l’examinerai ci‑après par souci d’exhaustivité.
65. Comme cela a été expliqué dans les considérations qui étayent la réponse à la première question préjudicielle, l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004 assimile la réservation d’un passager auprès d’un organisateur de voyages à une réservation auprès du transporteur aérien lui‑même et implique, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, que les indications horaires données par l’organisateur de voyages doivent être imputées au transporteur aérien.
66. C’est à la lumière de cette approche que l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 doit être interprété. La seule circonstance que la réservation du passager auprès de l’organisateur de voyages comporte des horaires n’ayant pas été confirmés par le transporteur aérien dans le cadre de la réservation interne entre ces entreprises n’est pas suffisante pour considérer que les conditions de cette disposition ne sont pas remplies. Plus précisément, une telle circonstance ne s’oppose pas à la
constatation que le transporteur aérien « réalise ou a l’intention de réaliser » le vol en cause, « au nom d’une autre personne [...] qui a conclu un contrat avec [le] passager », à savoir au nom de l’organisateur de voyages.
67. Le fait que l’organisateur de voyages n’a effectué sa réservation auprès du transporteur aérien qu’après que les passagers ont réservé le voyage (qui inclut le transport aérien) auprès de lui me semble dénué de pertinence au regard de la qualification de « transporteur aérien effectif » au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004, étant donné que cette disposition ne contient aucune indication selon laquelle ces opérations devraient être effectuées en suivant un certain ordre
chronologique.
68. À la lumière de ces considérations, je propose de répondre à la deuxième question préjudicielle que le simple fait que la réservation de l’organisateur de voyages auprès du transporteur aérien pour le vol concerné n’a pas été confirmée avec les heures de départ ou d’arrivée figurant dans la réservation du passager auprès de l’organisateur de voyages, ou que cette réservation de l’organisateur de voyages a eu lieu après la réservation du passager, n’exclut pas qu’un transporteur aérien puisse
être, par rapport à un tel passager, un « transporteur aérien effectif » au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004.
D. Sur la troisième question préjudicielle
69. Par sa troisième question préjudicielle dans les affaires C‑188/20, Azurair, et C‑196/20, Eurowings, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’« heure d’arrivée prévue » d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c) et de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut résulter, aux fins de l’indemnisation, d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), de ce règlement, transmise au passager par un
organisateur de voyages, ou s’il faut se fonder sur le billet au sens de l’article 2, sous f), dudit règlement.
70. D’emblée, il convient de préciser que la question préjudicielle, contrairement à ce qu’elle semble suggérer, ne porte pas sur les éventuelles divergences entre les indications figurant dans l’« autre preuve » et celles figurant sur le « billet ». Le problème est plutôt, ainsi qu’il ressort des informations contenues dans la décision de renvoi, qu’il n’existe pas, en l’espèce, de document pouvant être clairement identifié en tant que « billet » ( 12 ).
71. L’objectif de la question préjudicielle est donc plutôt de savoir si seul un « billet » peut constituer un document pertinent pour déterminer l’« heure d’arrivée prévue », ou s’il peut également s’agir d’une « autre preuve ». À mon avis, il n’y a aucune raison légitime d’exclure cette seconde possibilité. Comme je l’expliquerai ci‑après de manière détaillée, il me semble que les arguments invoqués par la juridiction de renvoi à l’encontre de la seconde option sont fondés sur une interprétation
erronée.
72. Premièrement, la juridiction de renvoi semble supposer que l’« heure d’arrivée prévue » ne peut être établie que sur la base d’un « billet ». Elle se réfère pour cela à l’arrêt Folkerts ( 13 ), dans lequel la Cour a jugé qu’un retard doit s’apprécier, aux fins de l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, par rapport à l’heure d’arrivée prévue à cette destination. La juridiction de renvoi relève que, au point 34 de cet arrêt, s’agissant de la notion de « destination finale »,
la Cour a fait référence à la définition contenue à l’article 2, sous h), dudit règlement. Selon cette disposition, on entend par « destination finale » la destination figurant sur le « billet » présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans le cas de vols avec correspondances, la destination du dernier vol. La juridiction de renvoi souligne que, pour déterminer la « destination finale », la Cour s’est fondée sur le « billet » au sens de l’article 2, sous f), du règlement no 261/2004, mais
qu’elle n’a pas, en revanche, eu recours à la notion d’« autre preuve » qui fait partie de la définition de « réservation » visée à l’article 2, sous g), dudit règlement.
73. En ce qui concerne cet argument, il y a lieu de noter qu’il n’y a aucune raison objective de supposer que les horaires ne peuvent figurer que sur un « billet ». D’après la définition figurant à l’article 2, sous f), du règlement no 261/2004, les billets sont « délivré[s] ou autorisé[s] par le transporteur aérien ou son agent agréé ». Cette disposition ne mentionne pas les organisateurs de voyages. La thèse selon laquelle seuls les horaires figurant sur un « billet » sont déterminants reviendrait
donc à exclure d’emblée les droits à indemnisation lorsque les vols concernés font partie d’un voyage à forfait.
74. Or, telle n’était manifestement pas l’intention du législateur de l’Union. Au contraire, ainsi que cela a déjà été expliqué dans le cadre de l’examen de la première question préjudicielle, le règlement no 261/2004 accorde le même rang aux horaires figurant dans une réservation effectuée auprès d’un organisateur de voyages qu’à ceux figurant dans les informations fournies au passager par un transporteur aérien en cas de relation contractuelle directe. Le libellé des dispositions visées à
l’article 2, sous g), et, notamment, à l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004, ainsi que l’objectif législatif de protéger le consommateur en tant que partie tierce, n’intervenant pas dans le rapport entre un organisateur de voyages et un transporteur aérien, me semblent militer en faveur d’une telle interprétation.
75. Cette interprétation doit avoir une incidence sur la détermination de l’« heure d’arrivée prévue » en ce sens que cette heure peut résulter de la réservation d’un passager auprès d’un organisateur de voyages. Aucune relation contractuelle directe entre le passager et le transporteur aérien n’est nécessaire et, dès lors, aucun horaire communiqué au passager par ce transporteur ne l’est non plus. Par conséquent, dans la mesure où l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004 reconnaît l’existence
d’« une autre preuve » (hormis le « billet »), faisant état d’une « réservation confirmée », l’heure d’« arrivée prévue » aux fins de l’indemnisation pour cause d’annulation ou de retard important doit pouvoir ressortir également de ce document.
76. Deuxièmement, la juridiction de renvoi fait valoir que, tant qu’il n’y a pas de réservation ou, plus exactement, de réservation d’une place sur le vol concerné, un transporteur aérien pourrait modifier ou décider de ne pas effectuer un vol programmé, sans qu’un droit à indemnisation puisse en être tiré. La juridiction de renvoi en déduit qu’une « autre preuve » délivrée avant qu’une telle réservation ait été effectuée n’est pas susceptible de fonder un droit à indemnisation.
77. J’ai du mal à penser que les informations qui figurent dans une réservation effectuée auprès d’un organisateur de voyages ne sauraient être pertinentes aux fins des droits à indemnisation lorsque la réservation en question a eu lieu avant que l’organisateur de voyages réserve les places correspondantes auprès du transporteur aérien. D’une part, il convient de relever que l’idée selon laquelle les réservations auprès de l’organisateur et du transporteur aérien devraient être effectuées en suivant
un certain ordre chronologique ne trouve aucun fondement dans le règlement no 261/2004. D’autre part, il n’y a, à mon avis, aucun doute quant au fait que les intérêts du consommateur méritent d’être protégés lorsque celui‑ci a obtenu un « billet » ou une « autre preuve » contenant une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol.
78. Pour conclure, je tiens à observer que la référence à l’arrêt Folkerts ( 14 ) cité par la juridiction de renvoi n’infirme pas le raisonnement qui précède, étant donné que les problèmes particuliers résultant de l’intervention d’un organisateur de voyages soulevés en l’espèce ne se posaient pas dans cette affaire. Cet arrêt ne contient aucune indication spécifique allant à l’encontre des considérations exposées ci‑dessus. D’ailleurs, je ne vois pas comment ledit arrêt pourrait être considéré
comme présentant de la pertinence aux fins de l’examen de la question qui se pose en l’espèce.
79. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la troisième question préjudicielle que l’« heure d’arrivée prévue » d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut, selon les circonstances de l’affaire, également résulter d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, qui a été transmise par un organisateur de
voyages à un passager.
E. Sur la quatrième question préjudicielle
80. Par sa quatrième question dans l’affaire C‑188/20, Azurair, qui correspond à la première question dans l’affaire C‑146/20, Corendon Airlines, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il est possible de considérer qu’un vol est « annulé », au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, lorsque le transporteur aérien effectif avance le vol d’au moins deux heures et dix minutes le même jour.
81. Quelques précisions concernant le cadre factuel des affaires s’imposent avant d’entamer l’examen des questions soumises à la Cour. Il ressort des informations contenues dans la décision de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair, que le laps de temps en cause est de « deux heures et cinquante minutes », au lieu des « deux heures et dix minutes » indiquées dans la quatrième question préjudicielle ( 15 ). En outre, il convient de noter que, en ce qui concerne la première question préjudicielle
dans l’affaire C‑146/20, Corendon Airlines, qui est presque identique à cette quatrième question préjudicielle, l’avancement est d’« une heure et quarante minutes ». Quel que soit le laps de temps exact, il convient de retenir, aux fins de l’examen des questions, qu’il était en tout cas inférieur à trois heures.
82. En ce qui concerne le terme « annulation » auquel la juridiction de renvoi fait référence, il convient de noter que, selon l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004, celui‑ci doit être compris comme désignant « le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué ». Cette définition reposant sur la circonstance qu’un vol n’a pas été effectué, il convient alors d’examiner la notion de « vol », qui, en l’absence de définition par
ce règlement, a fait l’objet d’une interprétation par la Cour. Selon cette jurisprudence, un « vol » consiste, en substance, en une opération de transport aérien, étant ainsi, d’une certaine manière, une « unité » de ce transport, réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire ( 16 ). La Cour a, en outre, précisé que l’itinéraire constitue un élément essentiel du vol effectué conformément à une programmation fixée à l’avance par le transporteur ( 17 ).
83. Par ailleurs, il découle de la jurisprudence de la Cour qu’il est nécessaire de faire la distinction entre un vol prévu qui « n’a pas été effectué » et un « retard », le premier cas de figure se caractérisant par l’« abandon de la programmation du vol initial » ( 18 ). Selon l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004, à la différence du « retard », l’« annulation » est la conséquence du fait qu’un vol prévu initialement n’a pas été effectué. Dès lors que les passagers sont transportés sur un
vol dont l’heure de départ est retardée par rapport à celle initialement prévue, le vol ne peut être qualifié d’« annulé » que si le transporteur aérien assure le transport des passagers sur un autre vol, dont la programmation diffère de celle du vol initialement prévu.
84. L’« avancement » de vols n’est pas expressément abordé dans le règlement no 261/2004. Toutefois, plusieurs dispositions de ce règlement permettent de conclure que le législateur de l’Union a souhaité éviter un avancement important des vols. En effet, l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii), de ce règlement prévoit que les passagers reçoivent une indemnisation en vertu des autres dispositions dudit règlement, à moins qu’« ils soient informés de l’annulation du vol : [...] de deux semaines à sept
jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue ». Le point iii) de la même disposition prévoit qu’un droit à indemnisation est également exclu si les passagers sont « informés de l’annulation du vol : [...] moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur
permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée » ( 19 ).
85. Ces indices m’amènent à penser que le législateur de l’Union a reconnu implicitement que l’« avancement important » d’un vol peut engendrer des désagréments sérieux pour les passagers au même titre qu’un « retard », dès lors qu’un avancement fait perdre la possibilité aux passagers de disposer librement de leur temps, de remplir leurs obligations (privées, professionnelles et civiques), ainsi que d’organiser leur voyage en fonction de leurs exigences et préférences. En effet, comme l’ont fait
valoir plusieurs parties intéressées dans leurs observations écrites, il est possible d’imaginer une multitude de cas dans lesquels l’avancement de l’heure de départ d’un vol peut s’avérer particulièrement problématique pour le passager. Cela est notamment le cas lorsque qu’il est de plusieurs heures, obligeant éventuellement le passager à annuler des rendez-vous prévus, demander un congé annuel afin de pouvoir s’absenter de son lieu de travail, trouver un logement provisoire ou organiser des
moyens de transport afin de pouvoir se rendre à temps à l’aéroport. Dans la mesure où le consommateur moyen fait généralement des réservations de vols en fonction de sa disponibilité, un « avancement important » du vol réservé est susceptible de bouleverser sensiblement la planification de sa vie quotidienne.
86. Cela étant dit, il convient de relever que même un avancement de juste quelques heures peut avoir des conséquences graves, compte tenu du fait que le passager est normalement invité à arriver une à trois heures à l’avance à l’aéroport afin d’effectuer l’enregistrement et de se soumettre aux contrôles de sécurité. Ces procédures peuvent exiger un certain temps, en fonction de la situation sécuritaire, l’affluence des passagers et le degré d’utilisation de l’aéroport. Dès lors, on ne saurait
exclure qu’un passager qui n’est pas dûment informé de l’avancement de l’heure de départ n’arrive plus à embarquer à temps à bord de l’avion, même s’il a pris toutes les précautions normalement requises ( 20 ). Il apparaît que rater un vol dans les circonstances qui viennent d’être décrites compte parmi les situations les plus irritantes qu’un passager aérien puisse imaginer. Vus sous cet angle, les désagréments liés à l’« avancement » d’un vol peuvent même être plus sérieux que ceux produits
par le simple « retard » d’un vol ( 21 ).
87. D’une part, comme cela a été mentionné plus haut, les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), du règlement no 261/2004 ont de toute évidence pour objectif d’éviter que l’avancement de l’heure de départ, dans les circonstances visées, dépasse une à deux heures, ce qui peut être compris comme l’intention du législateur de l’Union d’éviter un « avancement important » des vols. D’autre part, il est évident que tout avancement de l’heure de départ n’est pas susceptible
d’occasionner aux passagers des désagréments « sensibles » de nature à requérir des mesures visant à protéger leurs intérêts. Il convient par conséquent de distinguer les avancements de vols « importants » des cas à qualifier de « mineurs ». Je reviendrai plus tard sur ce point dans le cadre de mon analyse.
88. Dans la mesure où l’« avancement » de l’heure de départ d’un vol pose des problèmes très spécifiques aux passagers aériens, distincts de ceux qui sont produits par un « retard », il me semble que ce cas de figure requiert une solution adaptée aux exigences du transport aérien des passagers. Le fait que l’« avancement » de vols ne soit pas directement abordé dans le règlement no 261/2004, à la différence du cas de figure du « refus d’embarquement », de l’« annulation » et du « retard important »
d’un vol, n’empêche pas la Cour de trouver par voie d’interprétation une solution qui contribue à atteindre les objectifs fixés par le législateur de l’Union. En effet, en l’absence d’une réglementation ou d’orientations pratiques plus détaillées qui explicitent la notion d’« avancement » d’un vol, il revient à la Cour la responsabilité d’assumer son rôle d’interprète suprême du droit de l’Union et d’apporter des réponses dans l’intérêt de la sécurité juridique. Dans la mesure où l’avancement
des vols semble survenir avec une certaine fréquence dans le domaine du transport aérien de passagers, comme le montrent les affaires en cause, il serait, à mon avis, inadmissible de tolérer une incertitude juridique.
89. Comme je l’expliquerai ci‑après, j’estime que l’« avancement » d’un vol, lorsqu’il atteint une certaine envergure et peut, dès lors, être qualifié d’« important », devrait être traité juridiquement comme un cas de figure spécifique de la notion plus générale d’« annulation » au sens de l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004. En revanche, il convient d’écarter une qualification en tant que « retard » ou, à tout le moins, une assimilation à ce cas de figure spécifiquement réglementé, étant
donné que cette approche aboutirait à une interprétation contra legem des dispositions dudit règlement et serait, de ce fait, manifestement contraire à la volonté du législateur de l’Union. De surcroît, comme je l’ai déjà indiqué dans les présentes conclusions ( 22 ), le type de désagréments qu’un « avancement » de l’heure de départ d’un vol occasionne se distingue sensiblement de celui qui est produit par un « retard ». Par conséquent, les dispositions réglementant les droits des passagers en
cas de retard d’un vol ne me semblent pas apporter une solution adéquate. Pour ces motifs, le recours à l’analogie, tel que suggéré par le gouvernement allemand, me paraît inapproprié.
90. Même si la Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la question liée à l’« avancement » de vols, j’estime que la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’« annulation » contient des éléments utiles qui permettent de traiter cette question. D’après cette jurisprudence, les « retards » à la destination finale ne reflètent pas toujours une « annulation », parce qu’ils ne résultent pas nécessairement d’une modification de la programmation du vol. En revanche, tout « avancement
important » d’un vol constitue un écart par rapport à la programmation initiale du vol réservé.
91. Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que la programmation de tout vol se compose de l’itinéraire et des heures de départ et d’arrivée prévues. Contrairement aux vols retardés, dont l’heure de départ reculée n’est ni « prévue » par le transporteur aérien ni habituellement influencée par celui‑ci et pour lesquels le retard n’apparaît qu’au cours des événements, l’avancement d’un vol est généralement caractérisé par la programmation active du transporteur aérien. En d’autres termes,
l’avancement d’un vol se caractérise par un choix actif du transporteur aérien de modifier la programmation initiale d’un vol, tandis qu’un retard n’est souvent ni prévu ni planifié à l’avance. Si un retard peut survenir sans aucune intervention de la part du transporteur aérien, tel ne semble pas être le cas pour l’avancement d’un vol, lequel demande une décision de la part de ce transporteur.
92. Pour les raisons exposées ci‑dessus, dans la mesure où l’on peut y voir un « abandon de la programmation initiale », au sens de la jurisprudence précitée ( 23 ), je considère que l’« avancement important » d’un vol doit être considéré comme une « annulation » au sens de l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004.
93. De surcroît, il faut tenir compte du fait que les désagréments engendrés par un « avancement important » d’un vol sont souvent susceptibles d’être perçus par le passager comme une « annulation ». Cela est certainement le cas lorsque le passager ne se voit pas en mesure d’embarquer à temps dans l’avion, même en ayant pris toutes les précautions normalement requises. À mon avis, il en va de même lorsque le changement de l’heure de départ a pour effet d’imposer une charge démesurée au passager,
l’obligeant à prendre des dispositions non prévues initialement afin de pouvoir prendre le vol. Dans ce type de situations, le passager se voit généralement confronté à l’impossibilité de s’adapter à la programmation modifiée du vol. Or, il serait injuste d’imputer cette circonstance au passager et de lui en faire subir les conséquences, à savoir la perte du transport aérien ainsi que toute possibilité d’indemnisation au titre du règlement no 261/2004. Il semble plus cohérent de considérer dans
ces cas que le vol planifié initialement a été « annulé » au motif d’une décision du transporteur aérien, ouvrant ainsi la voie à un recours en indemnisation.
94. Par ailleurs, dans la mesure où les passagers, dans les circonstances décrites au point précédent, se trouvent dans une situation d’impuissance face à l’intervention unilatérale du transporteur aérien dans la programmation de leur vol, similaire à celle des passagers affectés par une décision de ce dernier d’annuler leur vol, il me semble qu’une approche uniforme en ce qui concerne la reconnaissance des droits des passagers s’impose compte tenu du principe de l’égalité de traitement. Comme la
Cour l’a rappelé dans l’arrêt Sturgeon e.a. ( 24 ), le règlement no 261/2004 doit être interprété en conformité avec l’ensemble du droit primaire, y compris en accord avec ledit principe ( 25 ). Aucune considération objective ne me paraît susceptible de justifier une approche divergente.
95. Si l’« avancement important » de l’heure de départ doit être assimilé à une « annulation », comme cela est proposé dans les présentes conclusions, se pose ensuite la question de savoir comment identifier les cas de figure susceptibles d’être qualifiés d’« importants » et donnant lieu à une indemnisation au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004. Il est nécessaire de développer des critères adéquats permettant de les distinguer des cas de figure moins graves et, partant, « négligeables »,
n’entraînant pas l’obligation de verser une telle indemnisation. Je présenterai ci‑après quelques considérations à prendre en compte.
96. Premièrement, il me semble que les critères à développer doivent garantir une certaine « souplesse » afin de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes du cas particulier. En effet, la diversité des circonstances qui peuvent survenir dans le domaine du transport aérien rend extrêmement difficile l’instauration d’un seul critère qui soit universellement applicable. L’appréciation des faits à la lumière de critères de nature « indicative », développés par la Cour, devrait relever de la
compétence du juge national, au motif que celui‑ci a une meilleure connaissance du dossier.
97. Deuxièmement, la mise en place d’un système similaire à celui prévu à l’article 6 du règlement no 261/2004 pour les « retards », établissant des valeurs de seuil (heures d’avancement), sans tenir compte du cas particulier, relèverait, le cas échéant, d’une approche excessivement rigide. De surcroît, il convient de rappeler que l’avancement de l’heure de départ s’apparente davantage à une « annulation » qu’à un « retard ». En réalité, comme cela a déjà été indiqué dans les présentes conclusions (
26 ), l’« avancement » d’un vol est un cas de figure spécifique de la notion plus générale d’« annulation » au sens de l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004. L’article 6 de ce règlement ne constitue donc pas un point de repère adéquat pour l’élaboration de critères. Ainsi, ledit règlement ne fournit aucun fondement juridique pour créer un système analogue par voie jurisprudentielle.
98. Troisièmement, il convient de tenir compte du fait que le règlement no 261/2004 vise, ainsi que cela découle de ses considérants 1, 2 et 4, à garantir un niveau élevé de protection des passagers et des consommateurs, en renforçant leurs droits dans un certain nombre de « situations entraînant des difficultés et des désagréments sérieux », ainsi qu’en réparant ces derniers d’une manière standardisée et immédiate ( 27 ). Par conséquent, dans la mesure où tout « avancement » d’un vol est, en
principe, susceptible d’occasionner des difficultés et des désagréments, il y a lieu de cibler uniquement les cas de figure qui méritent d’être indemnisés en raison de leur gravité. Autrement dit, il doit exister une corrélation entre le désagrément invoqué par le passager et l’indemnisation respective demandée par ce dernier ( 28 ). Une indemnisation devrait donc être exclue lorsque l’avancement du vol n’a aucune (ou presque aucune) incidence sur la libre gestion de ses affaires et, notamment,
les préparatifs de son voyage. Dans le cadre de mon analyse, j’ai présenté quelques exemples de désagréments sérieux susceptibles d’être occasionnés par l’avancement « important » d’un vol ( 29 ). Ces exemples peuvent servir de point de départ pour l’élaboration par voie jurisprudentielle d’un catalogue de circonstances donnant lieu, en principe, à un droit à indemnisation.
99. À la lumière des considérations qui précèdent, j’estime qu’il y a lieu de conclure à une « annulation » lorsque l’avancement du vol est si « important » qu’il ne peut être présumé qu’un passager ayant pris ses dispositions en fonction de la programmation initiale du vol aurait encore pu réussir à prendre ce vol. Dans le cadre de l’examen que le juge national devra effectuer, il sera nécessaire de tenir compte des circonstances pertinentes du cas particulier, notamment de l’heure d’arrivée à
l’aéroport recommandée aux passagers avant le départ. À cet égard, il peut être affirmé que plus l’avancement est important, plus l’atteinte est grave pour le passager ( 30 ). Le juge national devra également vérifier si le passager a été dûment informé du changement d’horaire en temps utile, d’une manière lui permettant de s’adapter à la programmation modifiée du vol. Si, au vu de ces éléments, un passager n’est normalement pas en mesure de prendre un vol avancé, alors l’avancement du vol
constitue un « remplacement » et, par conséquent, une « annulation ».
100. Pour ce qui est des circonstances dans l’affaire C‑188/20, Azurair, il y a lieu de constater que le vol en question a été avancé de six heures et cinquante minutes par rapport aux informations fournies aux passagers par l’organisateur de voyages ( 31 ). Si l’on compare l’heure de départ réelle aux informations que le transporteur aérien prétend avoir fournies à l’organisateur de voyages, on obtient une différence de deux heures et cinquante minutes, alors que la question préjudicielle fait
référence à deux heures et dix minutes. Or, il est possible de supposer que, même dans le meilleur des cas, celui dans lequel le passager se serait présenté par précaution à l’aéroport deux heures avant l’heure de départ, le temps disponible n’aurait pas été suffisant pour accomplir les formalités nécessaires, à savoir s’enregistrer et se soumettre aux contrôles de sécurité, et pour embarquer conformément aux instructions du transporteur aérien.
101. Il s’ensuit que le passager n’aurait pas pu réussir à prendre son vol dans le cas d’espèce s’il n’avait pas été prévenu en temps utile. Ainsi, sous réserve des constatations qu’il incombe au juge national d’effectuer, l’avancement de l’heure de départ doit être considéré comme « important » et, de ce fait, comparable à une « annulation ».
102. Je propose de répondre à la quatrième question préjudicielle qu’il y a annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 lorsque le transporteur aérien effectif avance d’au moins deux heures le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait.
F. Sur la cinquième question préjudicielle
103. Par sa cinquième question dans l’affaire C‑188/20, Azurair, qui correspond à la question unique dans l’affaire C‑270/20, Austrian Airlines, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans le cas où l’avancement d’un vol devait être considéré comme une « annulation » au sens de l’article 5, lu en combinaison avec l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004, le transporteur aérien peut se prévaloir d’une réduction du montant de l’indemnisation, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de
ce règlement, lorsque l’heure à laquelle le vol a été avancé se situe dans les limites visées à cette disposition.
104. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004, le transporteur aérien peut réduire de 50 % le montant de l’indemnisation prévue au paragraphe 1 de cet article si un réacheminement vers une destination finale est proposé sur un autre vol dont l’heure d’arrivée ne dépasse pas « l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé » d’une durée maximale, cette durée maximale étant fixée en fonction de la distance couverte par le vol.
105. D’emblée, il convient d’observer que cette disposition prend comme point de départ l’étendue du « retard » à l’arrivée subi par le passager. Cela ressort clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 2 (« ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé » ( 32 )), du règlement no 261/2004. Par ailleurs, la Cour elle‑même a précisé, dans son arrêt Sturgeon e.a., que « la réduction du montant de l’indemnisation prévue est fonction du seul retard encouru par les passagers » (
33 ). Le fait que les limites visées à cette disposition font uniquement référence à une arrivée « tardive » à la destination finale, et non à une arrivée « anticipée », ressort également de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 261/2004. Aux termes de cette disposition, pour déterminer la distance à prendre en considération, il convient de tenir compte de la dernière destination où le passager arrivera « après l’heure prévue ». Il s’ensuit que l’article 7, paragraphe 2, du
règlement no 261/2004 ne vise qu’à réduire le montant de l’indemnisation à verser à cause du désagrément occasionné par un « retard ».
106. En revanche, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 ne prévoit aucune réduction en cas d’« annulation » liée à l’« avancement » du vol, où le désagrément résulte donc dudit avancement en soi et non d’un retard à la destination finale. Or, l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), de ce règlement montre que le législateur de l’Union estime que des désagréments peuvent également résulter du fait que le passager doit commencer son voyage plus tôt que prévu. J’en ai déjà donné
des illustrations dans le cadre de l’analyse de la quatrième question préjudicielle à l’aide de quelques exemples ( 34 ).
107. L’absence de dispositions spécifiques régissant la possibilité d’une réduction de l’indemnisation en cas d’avancement d’un vol doit dès lors être comprise en ce sens que le transporteur aérien ne dispose pas d’une telle possibilité.
108. Cela exclut le fait que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 puisse être appliqué par analogie à de tels cas, et notamment que les laps de temps qui y sont établis puissent servir de référence pour appliquer cette disposition dans l’hypothèse d’un avancement du vol au lieu de celle d’un retard à la destination finale. En effet, le fait que le législateur de l’Union était conscient du cas de figure de l’« avancement » d’un vol et qu’il s’est néanmoins abstenu de mettre en place un
système similaire à celui qui est prévu pour les retards à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 m’amène à conclure à l’absence d’une lacune juridique. Par ailleurs, comme je l’ai déjà expliqué dans le cadre de l’analyse de la quatrième question préjudicielle, un tel système me paraît excessivement rigide pour pouvoir tenir suffisamment compte de chaque cas particulier dans lequel l’avancement d’un vol peut survenir ( 35 ).
109. Je souhaite réitérer que, d’un point de vue réglementaire, il est nécessaire d’éviter toute interprétation du règlement no 261/2004 qui puisse inciter les transporteurs aériens à échapper à leurs obligations envers les passagers, en particulier l’obligation de verser une indemnisation, en modifiant la programmation d’un vol par un avancement de l’heure de départ.
110. Ayant constaté, lors de l’analyse de la quatrième question préjudicielle, que l’« avancement important » d’un vol peut engendrer des désagréments sérieux pour les passagers, justifiant la reconnaissance d’un droit à indemnisation, je ne vois pas pourquoi les transporteurs aériens devraient néanmoins être récompensés, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement, no 261/2004 pour avoir évité un « retard ». En effet, l’absence d’un « retard » (complémentaire) au cours du trajet
n’est pas susceptible de contrebalancer les désagréments subis en raison de l’avancement du vol en cause.
111. Pour les raisons exposées ci-dessus, il me semble qu’il faut exclure, en ce qui concerne l’« avancement » d’un vol, toute possibilité d’une réduction de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement.
112. Je propose de répondre à la cinquième question préjudicielle que, dans les cas où l’avancement d’un vol constitue une « annulation », le transporteur aérien effectif ne peut pas réduire l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.
G. Sur la sixième question préjudicielle
113. Par sa sixième question dans l’affaire C‑188/20, Azurair, qui correspond à la seconde question dans l’affaire C‑146/20, Corendon Airlines, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il faut voir dans l’information donnée avant le début du voyage sur l’avancement du vol une offre de réacheminement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004.
114. L’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 prévoient, en cas d’annulation, un droit au réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais.
115. Dans l’arrêt Rusu ( 36 ), la Cour a rappelé que la proposition de réacheminement du transporteur aérien doit fournir aux passagers concernés « les informations nécessaires pour leur permettre de faire un choix efficace, et ce afin, soit d’annuler leur vol et de se faire rembourser leur billet, soit de poursuivre leur transport vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables, notamment à une date ultérieure ». Ce droit aux informations nécessaires signifie également
qu’il n’incombe pas au passager de participer activement à la recherche des informations que doit contenir la proposition du transporteur aérien ( 37 ).
116. Compte tenu du fait que l’avancement de l’heure de départ d’un vol doit être qualifié d’« annulation » au sens de l’article 5, lu en combinaison avec l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004, il semble logique de voir dans l’information donnée sur l’avancement du vol une telle « offre de réacheminement ». Par conséquent, il est nécessaire de se conformer aux exigences mentionnées au point précédent des présentes conclusions en ce qui concerne l’exactitude et l’intégralité de l’information
fournie au passager concerné afin de permettre à ce dernier de faire un choix en connaissance des droits que lui confère le règlement no 261/2004.
117. L’exigence de conditions de transport « comparables » au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 se réfère au vol initialement réservé et donc au contrat de transport aérien. En l’espèce, le transport aérien des passagers a été effectué et aucun élément n’indique que les conditions de transport n’étaient pas comparables à celles du vol initial.
118. En ce qui concerne l’exigence que le réacheminement s’effectue « dans les meilleurs délais », il y a lieu de constater que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 vise, en principe, un moment postérieur à l’heure initialement prévue du départ. Les considérants de ce règlement semblent eux aussi plaider en ce sens. Ainsi, au considérant 13, il est déclaré que « les passagers dont le vol est annulé devraient avoir la possibilité de se faire rembourser leur billet ou d’obtenir
un réacheminement dans des conditions satisfaisantes, et devraient bénéficier d’une prise en charge adéquate durant l’attente d’un vol ultérieur ». Au considérant 18, il est encore fait état de ce que « la prise en charge des passagers qui attendent un vol de remplacement ou un vol retardé peut être limitée ou refusée si cette prise en charge est susceptible de prolonger le retard ».
119. La Cour ne s’est jusqu’ici pas prononcée sur la question de savoir si un vol avancé peut également constituer, en principe, un « réacheminement dans les meilleurs délais » au titre de cette disposition.
120. À cet égard, il me semble que les éléments évoqués ci‑dessus ne font pas obstacle à une interprétation de la notion de « réacheminement » visée à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 qui inclut également un vol de remplacement ayant une heure de départ avant l’heure initialement prévue. Dans la mesure où ledit règlement vise à trouver des solutions pour les cas les plus communs de perturbations du transport aérien de passagers, à savoir le « refus d’embarquement »,
l’« annulation » et le « retard » de vols, il est évident que les dispositions en cause se concentrent sur ces cas de figure.
121. Toutefois, cela ne signifie pas que le législateur de l’Union ait été tout à fait indifférent aux avancements de vols. Comme je l’ai déjà expliqué dans les présentes conclusions ( 38 ), il ressort des dispositions susvisées de l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), du règlement no 261/2004 que le législateur de l’Union considère les avancements de vols comme étant indésirables et que ceux‑ci ne sont tolérés – sans reconnaissance d’un droit à indemnisation – que dans un cadre étroit.
122. Ainsi, même si l’« avancement important » d’un vol peut s’accompagner de désagréments pour les passagers, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit tout de même d’un « réacheminement dans les meilleurs délais » au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004. En effet, de tels désagréments peuvent, conformément à ce règlement, être pris en considération au moyen d’une indemnisation. Si les passagers estiment que, compte tenu de
l’importance de l’avancement, ils n’ont aucun intérêt à prendre le vol en question, ils peuvent choisir un réacheminement à une date ultérieure, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous c), ou un remboursement du billet, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), dudit règlement. En ce qui concerne ce dernier point, je tiens à souligner que le passager doit être en mesure d’exercer ses droits de manière libre et effective. C’est-à-dire que, si le passager décide d’exercer son droit à
un réacheminement, le transporteur doit lui proposer une heure de départ qui soit en même temps réalisable et acceptable pour celui‑ci.
123. Eu égard aux considérations exposées ci‑dessus, je propose de répondre à la sixième question préjudicielle que l’offre de réacheminement au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 peut, dans les conditions prévues audit article, consister en une information donnée avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol.
H. Sur la septième question préjudicielle
124. Par la septième question dans l’affaire C‑188/20, Azurair, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en application de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004, le transporteur aérien effectif est tenu d’informer le passager, de manière précise, de la dénomination de l’entreprise et de l’adresse auprès desquelles celui‑ci peut réclamer l’indemnisation, ainsi que du montant de cette dernière et, le cas échéant, de préciser les documents qu’il doit joindre à sa demande.
125. Au titre de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004, le transporteur aérien effectif qui refuse l’embarquement ou qui annule un vol « présente à chaque passager concerné une notice écrite reprenant les règles d’indemnisation et d’assistance » conformément aux dispositions de ce règlement.
126. L’objectif de cette disposition est, selon le considérant 20 dudit règlement, d’assurer que les passagers soient « pleinement informés de leurs droits » en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, « afin d’être en mesure d’exercer efficacement ces droits ». Je tiens à rappeler dans ce contexte que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions octroyant des droits aux passagers aériens doivent être interprétées largement ( 39 ).
127. Il découle du libellé de ladite disposition et de son objectif que le passager doit être mis en mesure de s’adresser utilement au transporteur aérien effectif et qu’il doit donc, à cet effet, disposer de son nom exact et de son adresse de contact. À cet égard, j’attire l’attention sur le fait que la Cour a expressément déclaré dans l’arrêt Krijgsman que le passager doit être en mesure d’identifier le débiteur de l’indemnité prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004 ( 40 ).
128. Compte tenu du fait qu’il n’est pas rare, dans le domaine du transport aérien de passagers, qu’un vol avec correspondances, composé de plusieurs vols et ayant donné lieu à une réservation unique, soit opéré par des transporteurs aériens différents ( 41 ), il me paraît indispensable que le passager soit capable de déterminer aisément le transporteur aérien contre lequel il peut diriger son recours indemnitaire au titre du règlement no 261/2004.
129. De surcroît, il me paraît évident que le passager doit disposer des informations utiles sur la procédure à suivre. Cela inclut notamment des informations sur les documents spécifiques qu’il doit fournir afin de faire valoir ses droits. La situation dans laquelle le passager est placé par ces mesures devrait lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause quant à la poursuite de ses intérêts.
130. En effet, l’efficacité que le règlement no 261/2004 vise à garantir dans la protection des droits des passagers n’est assurée que si des informations détaillées sont fournies à ces derniers. Cela est d’autant plus important que le passager ordinaire ne dispose pas de connaissances particulières dans le domaine juridique ( 42 ). Cependant, je considère que même un profane en droit doit être mis en mesure de se prévaloir des droits conférés par le droit de l’Union sans devoir forcément recourir à
une assistance juridique.
131. Dès lors, contrairement à ce que soutient le gouvernement allemand, j’estime qu’il serait incompatible avec cet objectif de limiter l’obligation incombant au transporteur aérien à une simple communication du libellé des dispositions du règlement au passager. L’insuffisance d’une telle approche est flagrante si l’on considère que certains droits des passagers aériens, tels que le droit à indemnisation en raison d’un « retard important » ( 43 ), ont été développés par voie jurisprudentielle sur
la base d’une exégèse du règlement no 261/2004. D’ailleurs, ce serait également le cas si la Cour devait souscrire à la position défendue dans les présentes conclusions et assimiler l’« avancement important » d’un vol à une « annulation » ( 44 ). Dans l’intérêt d’une protection effective des passagers, il est absolument nécessaire que l’obligation d’informer ces derniers de leurs droits aille de pair avec l’évolution du droit de l’Union.
132. En ce qui concerne les détails du droit à indemnisation au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004, il semble suffisant qu’un transporteur aérien effectif informe le passager des règles générales de calcul applicables à cet effet, telles qu’elles résultent des paragraphes 1 et 2 de cet article. Il n’est en revanche pas nécessaire que soit indiqué le montant exact de l’indemnisation potentielle à laquelle le passager a droit dans son cas individuel. Une telle indication ne concernerait
plus les « règles d’indemnisation et d’assistance conformément aux dispositions du présent règlement » au sens de l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement, mais leur application à un cas individuel.
133. Pour les raisons exposées ci-dessus, je propose de répondre à la septième question préjudicielle que l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 impose au transporteur aérien effectif d’informer le passager de la dénomination exacte de l’entreprise et de l’adresse auprès desquelles un passager peut déposer son éventuelle demande d’indemnisation et, le cas échéant, de préciser quels documents il doit joindre à sa demande. En ce qui concerne l’étendue du droit à indemnisation, il suffit,
pour que les dispositions de l’article 14, paragraphe 2, soient respectées, que les informations écrites exposent les règles prévues par ledit règlement à cet égard ; il n’est pas nécessaire qu’un montant concret soit calculé en fonction du cas individuel.
VI. Conclusion
134. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) et le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche) :
1) L’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, doit être interprété en ce sens qu’un passager peut disposer d’une « réservation confirmée » s’il a reçu d’un organisateur de voyages, avec lequel il a conclu un
contrat, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, contenant une promesse de transport sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, alors que l’organisateur n’a pas fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné ni reçu de confirmation de cette réservation de la part de ce dernier ; tel n’est pas le cas s’il a reçu un document dénommé « inscription au
voyage » qui n’est pas l’expression d’un engagement contraignant de l’organisateur de voyages à fournir le service de voyage spécifié dans ce document.
2) Le simple fait que la réservation de l’organisateur de voyages auprès du transporteur aérien pour le vol concerné n’a pas été confirmée avec les heures de départ ou d’arrivée figurant dans la réservation du passager auprès de l’organisateur de voyages, ou que cette réservation de l’organisateur de voyages a eu lieu après la réservation du passager, n’exclut pas qu’un transporteur aérien puisse être, par rapport à un tel passager, un « transporteur aérien effectif » au sens de l’article 2,
sous b), du règlement no 261/2004.
3) L’« heure d’arrivée prévue » d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut, selon les circonstances de l’affaire, également résulter d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, qui a été transmise par un organisateur de voyages à un passager.
4) Il y a annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 lorsque le transporteur aérien effectif avance d’au moins deux heures le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait.
5) Dans le cas où l’avancement d’un vol constitue une annulation, le transporteur aérien effectif ne peut pas réduire l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.
6) L’offre de réacheminement au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 peut, dans les conditions prévues audit article, consister en une information donnée avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol.
7) L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 impose au transporteur aérien effectif d’informer le passager de la dénomination exacte de l’entreprise et de l’adresse auprès desquelles un passager peut déposer son éventuelle demande d’indemnisation et, le cas échéant, de préciser quels documents il doit joindre à sa demande. En ce qui concerne l’étendue du droit à indemnisation, il suffit, pour que les dispositions de l’article 14, paragraphe 2, soient respectées, que les informations
écrites exposent les règles prévues par ledit règlement à cet égard ; il n’est pas nécessaire qu’un montant concret soit calculé en fonction du cas individuel.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) JO 2004, L 46, p. 1.
( 3 ) JO 2015, L 326, p. 1.
( 4 ) Voir point 48 et suiv. des présentes conclusions.
( 5 ) Voir point 80 et suiv. des présentes conclusions.
( 6 ) Voir point 124 et suiv. des présentes conclusions.
( 7 ) Mise en italique par mes soins.
( 8 ) Voir section III, point 3, paragraphe 3, de la décision de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair.
( 9 ) Mise en italique par mes soins.
( 10 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman (C‑302/16, EU:C:2017:359, point 29), dont il ressort que « les obligations acquittées par le transporteur aérien effectif en vertu du règlement no 261/2004 le sont sans préjudice pour celui‑ci de son droit de demander réparation, conformément au droit national applicable, à toute personne étant à l’origine du manquement de ce transporteur à ses obligations, y compris des tiers, ainsi que le prévoit l’article 13 de ce règlement ».
( 11 ) Voir arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia (C‑215/18, EU:C:2020:235, points 48 et 49).
( 12 ) Voir section III, point 3, paragraphe 3, de la décision de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair.
( 13 ) Arrêt du 26 février 2013 (C‑11/11, EU:C:2013:106).
( 14 ) Arrêt du 26 février 2013 (C‑11/11, EU:C:2013:106).
( 15 ) Voir section II, point 3, et section IV, point 3, de la décision de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair.
( 16 ) Voir arrêt du 10 juillet 2008, Emirates Airlines (C‑173/07, EU:C:2008:400, point 40).
( 17 ) Voir arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C 402/07 et C 432/07, EU:C:2009:716, point 30), et du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a. (C‑83/10, EU:C:2011:652, point 27).
( 18 ) Voir arrêt du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a. (C‑83/10, EU:C:2011:652, points 33 et suiv.).
( 19 ) Mise en italique par mes soins.
( 20 ) Voir, à cet égard, Arnold, K., « EU Air Passenger Rights : Assessment of the Proposal of the European Commission for the Amendment of Regulation (EC) 261/2004 and of Regulation (EC) 2027/97 », Air and Space Law, 2013, no 6, p. 418, qui regrette que le règlement no 261/2004 ne contienne pas de dispositions qui visent expressément cette situation et, en particulier, qui établissent les obligations des transporteurs aériens envers les passagers ainsi que le droit de ces derniers à une prise en
charge. L’auteur se prononce en faveur d’une réforme dudit règlement.
( 21 ) Voir, en ce sens, Hopperdietzel, H., Fluggastrechte-Verordnung, 18e édition, Munich, 2021, article 6, point 29, qui fait valoir que l’avancement d’un vol (tout comme le « retard important ») porte une atteinte considérable au droit d’une personne de régler ses propres affaires librement et sans perturbation provenant de tiers. Selon l’auteur, le désagrément est même plus sérieux que celui qui est occasionné par la prolongation de la durée du trajet en raison d’un retard du vol.
( 22 ) Voir points 85 et 86 des présentes conclusions.
( 23 ) Voir point 83 des présentes conclusions.
( 24 ) Arrêt du 19 novembre 2009 (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716).
( 25 ) Voir, à cet égard, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, points 48 et suiv.), dans lequel la Cour a établi que les préjudices subis par les passagers aériens en cas d’« annulation » ou de « retard important » étaient analogues. La Cour a conclu que, conformément au principe de l’égalité de traitement, les passagers de vols « retardés » et ceux de vols « annulés » ne pouvaient pas être traités d’une manière différente. Par conséquent, la Cour a décidé
que les passagers de vols « retardés » pouvaient invoquer le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement no 261/2004 lorsqu’ils subissent, en raison de tels vols, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures, c’est‑à‑dire lorsqu’ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue par le transporteur aérien.
( 26 ) Voir point 89 des présentes conclusions.
( 27 ) Voir arrêts du 22 juin 2016, Mennens (C‑255/15, EU:C:2016:472, point 26), et du 22 avril 2021, Austrian Airlines (C‑826/19, EU:C:2021:318, point 26).
( 28 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 44), dans lequel la Cour a établi la corrélation qui existe entre le cas de figure du « retard important » et le droit à indemnisation.
( 29 ) Voir points 85 et 86 des présentes conclusions.
( 30 ) Voir, en ce sens, Hopperdietzel, H., Fluggastrechte-Verordnung, 18e édition, Munich, 2021, article 6, point 29, qui considère que tout avancement supérieur à trois heures devrait être considéré comme « important » et donnant ainsi lieu à une indemnisation. L’auteur est favorable à une application analogue du seuil de trois heures caractérisant le cas de figure du « retard important ». Voir, également, Maruhn, J., Fluggastrechte-Verordnung, 1re édition, Berlin, 2016, remarques préliminaires à
l’article 5 et à l’article 6, point 9, qui estime que l’avancement d’un vol de plusieurs heures devrait être considéré comme une annulation du vol.
( 31 ) Voir section I, point 2, de la décision de renvoi dans l’affaire C‑188/20, Azurair.
( 32 ) Mise en italique par mes soins.
( 33 ) Arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 63).
( 34 ) Voir points 85 et 86 des présentes conclusions.
( 35 ) Voir point 97 des présentes conclusions.
( 36 ) Arrêt du 29 juillet 2019 (C‑354/18, EU:C:2019:637).
( 37 ) Arrêt du 29 juillet 2019, Rusu (C‑354/18, EU:C:2019:637, points 53 à 55).
( 38 ) Voir point 85 et suiv. des présentes conclusions.
( 39 ) Voir arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 45), et du 22 avril 2021, Austrian Airlines (C‑826/19, EU:C:2021:318, point 61).
( 40 ) Arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman (C‑302/16, EU:C:2017:359, point 28).
( 41 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 juillet 2019, České aerolinie (C‑502/18, EU:C:2019:604).
( 42 ) Drake, S., « Delays, cancellations and compensation : Why are air passengers still finding it difficult to enforce their EU rights under Regulation 261/2004 ? », Maastricht journal of European and comparative law, 4/2020, vol. 27, no 2, p. 233 et 241, considère que la complexité des dispositions du règlement no 261/2004 est susceptible de faire obstacle à leur mise en œuvre effective. Selon l’auteur, les consommateurs devraient être munis des moyens nécessaires afin d’être mis en mesure de
faire valoir leurs droits d’une manière rapide, moins formelle et onéreuse, sans l’intervention d’avocats. L’auteur estime que le règlement (CE) no 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (JO 2007, L 199, p. 1) établit une procédure idéale à cette fin.
( 43 ) Voir arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 69).
( 44 ) Voir point 89 des présentes conclusions.