CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. ATHANASIOS RANTOS
présentées le 23 septembre 2021 ( 1 )
Affaires C‑128/20, C‑134/20 et C‑145/20
GSMB Invest GmbH & Co. KG
contre
Auto Krainer Gesellschaft mbH
[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt, Autriche)]
et
IR
contre
Volkswagen AG
[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt, Autriche)]
ainsi que
DS
contre
Porsche Inter Auto GmbH & Co. KG,
Volkswagen AG
[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Règlement (CE) no 715/2007 – Véhicules à moteur – Article 3, point 10 – Article 5, paragraphes 1 et 2 – Moteur diesel – Émissions de polluants – Logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur – Vanne pour le recyclage des gaz d’échappement – Réduction des émissions d’oxyde d’azote limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Autorisation d’un tel dispositif lorsque le besoin se justifie en termes de
protection du moteur contre des dégâts ou un accident – Dispositif installé dans le cadre d’une réparation du véhicule – Directive 1999/44/CE – Vente et garanties des biens de consommation – Bien conforme au contrat de vente – Article 2, paragraphe 2, sous d) – Présomption de conformité d’un bien qui présente la qualité et les prestations habituelles d’un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s’attendre – Réception CE par type en cours de validité – Article 3,
paragraphe 6 – Achat du véhicule concerné même si le consommateur avait eu connaissance de l’existence du dispositif d’invalidation au moment de la vente – Défaut de conformité mineur »
I. Introduction
1. Ainsi que l’énonce l’article 11 TFUE, « [l]es exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». La conscience accrue de l’importance de la protection de l’environnement se manifeste, notamment, par la volonté du législateur de l’Union européenne de limiter les émissions de polluants ( 2 ).
2. En ce sens, les véhicules à moteur ont fait l’objet d’une réglementation de plus en plus contraignante ( 3 ), notamment avec l’adoption du règlement (CE) no 715/2007 ( 4 ). Les constructeurs automobiles doivent impérativement s’adapter à de nouvelles exigences techniques communes concernant la réception de tels véhicules, ce qui peut être une source de litige avec les autorités publiques et les consommateurs.
3. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 décembre 2020, X (Dispositif d’invalidation sur moteur diesel) (C‑693/18, ci-après l’ arrêt X , EU:C:2020:1040), il était reproché au constructeur automobile concerné d’avoir mis en circulation des véhicules dotés d’un logiciel ayant pour objet de fausser les résultats des contrôles d’émission de gaz polluants, notamment de NOx ( 5 ). Dans cet arrêt, la Cour a interprété, pour la première fois, la notion de « dispositif d’invalidation », au
sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, et a déterminé dans quelle mesure un tel dispositif est illicite au regard de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, qui prévoit des exceptions à l’interdiction d’un dispositif d’invalidation, parmi lesquelles le besoin de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule.
4. Les trois présentes affaires s’inscrivent dans la suite de cette affaire en ce qu’elles portent sur des véhicules équipés d’un logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur qui, au regard de certaines conditions de température extérieure et d’altitude de circulation, limite la réduction des émissions de NOx, ce qui conduit à dépasser les valeurs limites fixées par le règlement no 715/2007. Les questions posées sont, en substance, les suivantes : un logiciel de ce type constitue-t-il un
« dispositif d’invalidation » au sens de l’article 3, point 10, de ce règlement ? Si tel est le cas, ce logiciel peut-il être autorisé sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, sous a), dudit règlement ? Dans l’hypothèse où ledit logiciel n’est pas autorisé, son utilisation peut-elle conduire à l’annulation de la vente pour défaut de conformité du véhicule par rapport au contrat, sur le fondement de la directive 1999/44/CE ( 6 ) ?
5. Eu égard aux liens existant entre les présentes affaires, notamment en ce que les questions juridiques qu’elles soulèvent se recoupent en grande partie, il est apparu opportun de présenter des conclusions communes à leur sujet, même si la Cour a décidé, compte tenu des traits particuliers à chacune d’entre elles, de ne pas procéder à leur jonction.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 1999/44
6. Aux termes des considérants 1 et 8 de la directive 1999/44 :
« (1) considérant que l’article 153, paragraphes 1 et 3, [CE], dispose que la Communauté doit assurer un niveau élevé de protection des consommateurs par le biais des mesures qu’elle adopte en application de l’article 95 [CE] ;
[...]
(8) considérant que, pour faciliter l’application du principe de conformité au contrat, il est utile d’introduire une présomption réfragable de conformité au contrat couvrant les situations les plus courantes ; que cette présomption ne restreint pas le principe de la liberté contractuelle ; que, par ailleurs, en l’absence de clauses contractuelles spécifiques de même qu’en cas d’application de la clause de protection minimale, les éléments mentionnés dans la présomption peuvent être utilisés pour
déterminer le défaut de conformité du bien par rapport au contrat ; que la qualité et les prestations auxquelles le consommateur peut raisonnablement s’attendre dépendront, entre autres, du fait que le bien est neuf ou d’occasion ; que les éléments mentionnés dans la présomption sont cumulatifs ; que, si les circonstances de l’affaire rendent un élément particulier manifestement inadéquat, les autres éléments de la présomption restent néanmoins applicables. »
7. L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application et définitions », énonce, à son paragraphe 1 :
« La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, en vue d’assurer une protection uniforme minimale des consommateurs dans le cadre du marché intérieur. »
8. L’article 2 de ladite directive, intitulé « Conformité au contrat », prévoit :
« 1. Le vendeur est tenu de livrer au consommateur un bien conforme au contrat de vente.
2. Le bien de consommation est présumé conforme au contrat :
a) s’il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités du bien que le vendeur a présenté sous forme d’échantillon ou modèle au consommateur ;
b) s’il est propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, que celui-ci a porté à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat et que le vendeur a accepté ;
c) s’il est propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type ;
d) s’il présente la qualité et les prestations habituelles d’un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s’attendre, eu égard à la nature du bien et, le cas échéant, compte tenu des déclarations publiques faites sur les caractéristiques concrètes du bien par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage.
3. Le défaut de conformité est réputé ne pas exister au sens du présent article si, au moment de la conclusion du contrat, le consommateur connaissait, ou ne pouvait raisonnablement ignorer, ce défaut, ou si le défaut de conformité a son origine dans les matériaux fournis par le consommateur.
[...] »
9. L’article 3 de la même directive, intitulé « Droits du consommateur », dispose :
« 1. Le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien.
2. En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit soit à la mise du bien dans un état conforme, sans frais, par réparation ou remplacement, conformément au paragraphe 3, soit à une réduction adéquate du prix ou à la résolution du contrat en ce qui concerne ce bien, conformément aux paragraphes 5 et 6.
3. Dans un premier temps, le consommateur a le droit d’exiger du vendeur la réparation du bien ou son remplacement, dans les deux cas sans frais, à moins que cela ne soit impossible ou disproportionné.
Un mode de dédommagement est considéré comme disproportionné s’il impose au vendeur des coûts qui, par rapport à l’autre mode, sont déraisonnables compte tenu :
– de la valeur qu’aurait le bien s’il n’y avait pas défaut de conformité,
– de l’importance du défaut de conformité
et
– de la question de savoir si l’autre mode de dédommagement peut être mis en œuvre sans inconvénient majeur pour le consommateur.
Toute réparation ou tout remplacement est effectué dans un délai raisonnable et sans inconvénient majeur pour le consommateur, compte tenu de la nature du bien et de l’usage recherché par le consommateur.
[...]
5. Le consommateur peut exiger une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat :
– s’il n’a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien
ou
– si le vendeur n’a pas mis en œuvre le mode de dédommagement dans un délai raisonnable
ou
– si le vendeur n’a pas mis en œuvre le mode de dédommagement sans inconvénient majeur pour le consommateur.
6. Le consommateur n’est pas autorisé à demander la résolution du contrat si le défaut de conformité est mineur. »
2. Le règlement no 715/2007
10. Aux termes des considérants 7 et 17 du règlement no 715/2007 :
« (7) En fixant des normes pour les émissions, il importe de prendre en compte les implications pour les marchés et la compétitivité des constructeurs, les coûts directs et indirects imposés aux entreprises et les avantages en termes de stimulation de l’innovation, d’amélioration de la qualité de l’air, de réduction des frais de santé tout comme des années de vie gagnées, ainsi que les implications pour le bilan total des émissions de CO2.
[...]
(17) Une méthode normalisée de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des véhicules est nécessaire pour garantir qu’il ne se dresse aucun obstacle technique aux échanges entre États membres. En outre, il est aussi nécessaire de veiller à ce que les consommateurs et les usagers reçoivent une information objective et précise. »
11. L’article 1er de ce règlement, intitulé « Objet », énonce, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement établit des exigences techniques communes concernant la réception des véhicules à moteur (ci-après dénommés “véhicules”) et de leurs pièces de rechange, comme les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution, au regard de leurs émissions. »
12. L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 10 et 13 :
« Aux fins du présent règlement et de ses mesures d’exécution, les définitions suivantes s’appliquent :
[...]
10) “dispositif d’invalidation” signifie tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du
fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules.
[...]
13) “dispositif de rechange de maîtrise de la pollution” signifie un dispositif de maîtrise de la pollution ou un montage de dispositifs de ce type destiné à remplacer un dispositif d’origine de maîtrise de la pollution et qui peut être réceptionné en tant qu’unité technique séparée suivant la définition de la directive 70/156/CEE [ ( 7 )]. »
13. L’article 4 du même règlement, intitulé « Obligations des constructeurs », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les constructeurs démontrent que tous les nouveaux véhicules vendus, immatriculés ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution. Ils démontrent aussi que tous les nouveaux dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution qui nécessitent une réception et sont vendus ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution.
Ces obligations comportent le respect des limites d’émission visées à l’annexe I et les mesures d’exécution visées à l’article 5.
2. Les constructeurs veillent à ce que les procédures de réception destinées à vérifier la conformité de la production, la durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution et la conformité en service soient respectées.
En outre, les mesures techniques adoptées par le constructeur doivent être telles qu’elles garantissent une limitation effective des émissions au tuyau arrière d’échappement et des émissions par évaporation, conformément au présent règlement, tout au long de la vie normale des véhicules, dans des conditions d’utilisation normales. [...] »
14. L’article 5 du règlement no 715/2007, intitulé « Exigences et essais », est libellé comme suit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d’exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, en utilisation normale, de se conformer au présent règlement et à ses mesures d’exécution.
2. L’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Cette interdiction ne s’applique pas lorsque :
a) le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ;
b) le dispositif ne fonctionne pas au-delà des exigences du démarrage du moteur ;
ou
c) les conditions sont substantiellement incluses dans les procédures d’essai pour vérifier les émissions par évaporation et les émissions moyennes au tuyau arrière d’échappement. »
15. L’annexe I de ce règlement, intitulée « Limites d’émission », prévoit les valeurs limites d’émissions de NOx, notamment pour les véhicules de génération Euro 5, qui font l’objet du tableau 1.
3. La directive 2007/46/CE
16. La directive 2007/46/CE ( 8 ) a été abrogée par le règlement (UE) 2018/858 ( 9 ), avec effet au 1er septembre 2020, en vertu de l’article 88 de ce dernier. Cependant, compte tenu de la date des faits en cause, cette directive demeure applicable aux litiges au principal.
17. Aux termes du considérant 3 de ladite directive :
« Les exigences techniques applicables aux systèmes, aux composants, aux entités techniques et aux véhicules devraient être harmonisées et définies dans des actes réglementaires. Ceux-ci devraient avoir pour objectif principal de garantir un niveau élevé de sécurité routière, de protection de la santé et de l’environnement, de rendement énergétique et de protection contre une utilisation non autorisée. »
18. L’article 1er de la même directive, intitulé « Objet », énonçait :
« La présente directive établit un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d’application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans la Communauté.
[...]
Les exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules sont fixées en application de la présente directive dans des actes réglementaires, dont la liste exhaustive figure à l’annexe IV. »
19. L’article 3 de la directive 2007/46, intitulé « Définitions », prévoyait, à ses points 5 et 36 :
« Aux fins de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, sauf dispositions contraires y figurant, on entend par :
[...]
5. “réception CE par type” : l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI ;
[...]
36. “certificat de conformité” : le document figurant à l’annexe IX, délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné en application de la présente directive satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production. »
20. L’article 4 de cette directive, intitulé « Obligations des États membres », disposait :
« 1. Les États membres veillent à ce que les constructeurs demandant une réception satisfassent aux obligations qui leur incombent en vertu de la présente directive.
2. Les États membres ne réceptionnent que les véhicules, les systèmes, les composants ou les entités techniques conformes aux exigences de la présente directive.
3. Les États membres n’immatriculent ou n’autorisent la vente ou la mise en service que pour des véhicules, des composants et des entités techniques conformes aux exigences de la présente directive.
[...] »
21. L’article 5 de ladite directive, intitulé « Obligations des constructeurs », était libellé comme suit, à son paragraphe 1 :
« Le constructeur est responsable, vis-à-vis de l’autorité compétente en matière de réception, de tous les aspects du processus de réception et de la conformité de la production, qu’il soit ou non directement associé à toutes les étapes de la construction d’un véhicule, d’un système, d’un composant ou d’une entité technique. »
22. L’article 18 de la même directive, intitulé « Certificat de conformité », énonçait, à son paragraphe 1 :
« Le constructeur délivre, en sa qualité de détenteur d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui est fabriqué conformément au type de véhicule réceptionné.
[...] »
23. L’article 26 de la directive 2007/46, intitulé « Immatriculation, vente et mise en service de véhicules », prévoyait, à son paragraphe 1 :
« Sans préjudice des dispositions des articles 29 et 30, les États membres n’immatriculent des véhicules et n’en permettent la vente ou la mise en service que si ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité délivré conformément à l’article 18.
[...] »
24. L’annexe IV de cette directive, intitulée « Exigences aux fins d’une réception CE par type de véhicules », visait, dans sa partie I, intitulée « Actes réglementaires applicables aux fins d’une réception CE par type des véhicules produits en séries illimitées », le règlement no 715/2007 en ce qui concerne les « [é]missions des véhicules utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6)/accès aux informations ».
25. L’annexe IX ( 10 ) de ladite directive, intitulée « Certificat de conformité CE », comprenait un point 0, intitulé « Objectifs », qui disposait que le certificat de conformité constitue une déclaration délivrée par le constructeur du véhicule à l’acheteur en vue de garantir à celui-ci que le véhicule qu’il a acquis est conforme à la législation en vigueur dans l’Union au moment de sa production.
4. Le règlement no 692/2008
26. L’article 1er du règlement no 692/2008, intitulé « Objet », énonce :
« Le présent règlement fixe les dispositions d’application des articles 4, 5 et 8 du règlement [no 715/2007]. »
27. L’article 2 du règlement no 692/2008, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 8 et 18 :
« Aux fins du présent règlement, en entend par :
[...]
8. “type de dispositif de maîtrise de la pollution”, des convertisseurs catalytiques et des filtres à particules qui ne diffèrent pas en ce qui concerne les aspects essentiels suivants :
[...]
18. “système de contrôle des émissions”, dans le contexte du système OBD [systèmes de diagnostic embarqués], le système de gestion électronique du moteur et tout composant relatif aux émissions du système d’échappement ou aux émissions par évaporation qui fournit des données en entrée à ce calculateur ou qui en reçoit des données en sortie. »
28. L’article 3 de ce règlement, intitulé « Exigences pour la réception », dispose, à son paragraphe 9 :
« L’essai du type 6 mesurant les émissions à basse température présenté à l’annexe VIII ne s’applique pas aux véhicules à moteur diesel.
Toutefois, lors de la demande de réception, les constructeurs communiquent à l’autorité compétente en matière de réception des données montrant que le dispositif de post-traitement du NOx atteint une température suffisamment élevée pour un fonctionnement efficient dans les 400 secondes après un démarrage à froid à – 7 °C tel que décrit dans l’essai du type 6.
Le constructeur fournit également à l’autorité compétente des informations sur la stratégie de fonctionnement du système de recyclage des gaz d’échappement (EGR), notamment sur son fonctionnement à basses températures.
[...] »
29. L’article 10 dudit règlement, intitulé « Mesures de lutte contre la pollution », est libellé comme suit, à son paragraphe 1 :
« Le constructeur s’assure que les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution destinés à équiper les véhicules ayant obtenu la réception CE et relevant du champ d’application du règlement [no 715/2007], ont obtenu la réception CE en tant qu’entité technique distincte au sens de l’article 10, paragraphe 2 de la directive [2007/46], conformément aux articles 12 et 13 et à l’annexe XIII du présent règlement.
Pour les besoins du présent règlement, les convertisseurs catalytiques et les filtres à particules sont considérés comme des dispositifs de maîtrise de la pollution. »
30. L’annexe I du même règlement, intitulée « Dispositions administratives en matière de réception CE par type », énonce, à son point 3.3, intitulé « Extensions relatives à la durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution (essai du type 5) » :
« 3.3.1. La réception est accordée à différents types de véhicules à condition que le véhicule, le moteur ou le système de maîtrise de la pollution soit identique ou reste dans les tolérances indiquées :
3.3.1.1. Véhicule :
[...]
3.3.1.2. Moteur
[...]
3.3.1.3. Paramètres du système de maîtrise de la pollution :
[...]
c) EGR (recyclage des gaz d’échappement) :
avec ou sans
type (refroidi ou non, commande active ou passive, haute ou basse pression).
[...] »
31. L’annexe XI du règlement no 692/2008, intitulée « Systèmes de diagnostic embarqués (OBD) pour les véhicules à moteur », prévoit, à son appendice 2, relatif aux « [c]aractéristiques principales de la famille de véhicules » :
« [...]
Moteur :
[...]
Système de contrôle des émissions :
[...]
– type de piège à particules ;
[...]
– recyclage des gaz d’échappement (avec/sans).
[...] »
5. Le règlement (UE) 2016/427
32. Aux termes des considérants 1, 2 et 4 du règlement (UE) 2016/427 ( 11 ) :
« (1) Le règlement [no 715/2007] impose à la Commission d’examiner régulièrement les procédures, essais et prescriptions pour la réception par type qui sont définis dans le règlement [no 692/2008] de la Commission et de les ajuster de façon à ce qu’ils reflètent correctement les émissions générées en conditions de conduite réelles sur route, si nécessaire.
(2) La Commission a effectué une analyse détaillée à ce sujet sur la base de ses propres recherches et d’informations externes et constaté que les émissions générées en conditions de conduite réelles sur route par les véhicules Euro 5/6 dépassaient sensiblement les émissions mesurées sur le nouveau cycle européen de conduite (NEDC) réglementaire, notamment en ce qui concerne les émissions de NOx des véhicules diesel.
[...]
(4) En janvier 2011, la Commission a constitué un groupe de travail associant tous les acteurs intéressés afin de développer une procédure d’essai des émissions en conditions de conduite réelles (RDE) reflétant mieux les émissions mesurées sur route. [...] »
33. L’article 1er du règlement 2016/427 énonce :
« Le règlement [no 692/2008] est modifié comme suit :
1) À l’article 2, les points 41 et 42 suivants sont ajoutés :
“41. ‘émissions en conditions de conduite réelles (RDE)’, les émissions d’un véhicule dans ses conditions d’utilisation normales ;
42. ‘système portable de mesure des émissions (PEMS)’, un système portable de mesure des émissions qui satisfait aux prescriptions figurant à l’appendice 1 de l’annexe IIIA.” »
6. Le règlement 2017/1151
34. Aux termes des considérants 1 à 3 du règlement 2017/1151 ( 12 ) :
« (1) Le règlement [no 692/2008] de la Commission portant application et modification du règlement [no 715/2007] prévoit que les véhicules légers soient soumis à des essais conformément au nouveau cycle européen de conduite (NEDC).
(2) Sur la base de l’évaluation continue des procédures concernées, des cycles d’essai et des résultats d’essais prévue à l’article 14, paragraphe 3, du règlement [no 715/2007], il apparaît que les informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 obtenues lors de l’essai des véhicules conformément au cycle NEDC ne sont plus adéquates et ne reflètent plus la réalité des émissions au niveau mondial.
(3) Dans ces circonstances, il convient de prévoir une nouvelle procédure d’essai réglementaire en mettant en œuvre le cycle d’essai WLTP (procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers) dans la législation de l’Union. »
35. L’article 1er du règlement 2017/1151, intitulé « Objet », énonce :
« Le présent règlement fixe des modalités d’application du règlement [no 715/2007]. »
36. L’annexe IIIA du règlement 2017/1151, intitulée « Vérification des émissions en conditions de conduite réelles », prévoit :
[...]
4.1. Les performances RDE doivent être démontrées en soumettant les véhicules à des essais sur route dans tous leurs modes de conduite et conditions de charge normaux. L’essai RDE doit être représentatif des véhicules conduits sur leurs parcours réels, avec leur charge normale.
[...]
5.2.1. L’essai doit être réalisé dans les conditions ambiantes définies ci-après. Les conditions ambiantes sont dites “étendues” lorsqu’au moins une des conditions de température et d’altitude est étendue. Le facteur de correction pour les conditions de température et d’altitude étendues ne doit être appliqué qu’une seule fois. Si une partie de l’essai ou l’ensemble de l’essai est réalisé(e) en dehors des conditions normales ou étendues, l’essai doit être invalidé.
5.2.2. Conditions d’altitude modérées : altitude inférieure ou égale à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer.
5.2.3. Conditions d’altitude étendues : altitude supérieure à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer et inférieure ou égale à 1300 mètres au-dessus du niveau de la mer.
5.2.4. Conditions de température modérées : température supérieure ou égale à 273,15 K (0 °C) et inférieure ou égale à 303,15 K (30 °C).
5.2.5. Conditions de température étendues : température supérieure ou égale à 266,15 K (– 7 °C) et inférieure à 273,15 K (0 °C) ou supérieure à 303,15 K (30 °C) et inférieure ou égale à 308,15 K (35 °C).
[...] »
7. La directive (UE) 2019/771
37. Aux termes de l’article 23 de la directive (UE) 2019/771 ( 13 ), la directive 1999/44 est abrogée avec effet au 1er janvier 2022.
38. L’article 1er de la directive 2019/771, intitulé « Objet et finalité », énonce :
« La présente directive vise à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs, en établissant des règles communes relatives à certaines exigences concernant les contrats de vente conclus entre vendeurs et consommateurs, en particulier des règles relatives à la conformité des biens avec le contrat, aux recours en cas de défaut de conformité, aux modalités d’exercice de ces recours et aux garanties commerciales. »
39. L’article 7 de cette directive, intitulé « Critères objectifs de conformité », prévoit, à son paragraphe 1 :
« En plus de satisfaire à toutes les exigences de conformité prévues dans le contrat, les biens doivent :
a) être adaptés aux finalités auxquelles serviraient normalement des biens de même type, compte tenu, s’il y a lieu, de toute disposition du droit de l’Union et du droit national en vigueur ainsi que de toutes les normes techniques existantes ou, en l’absence de telles normes techniques, des codes de conduite spécifiques applicables au secteur concerné ;
[...] »
B. Le droit autrichien
40. L’article 871, paragraphe 1, de l’Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch (code civil général, ci-après l’« ABGB ») énonce :
« Lorsque, dans la déclaration qu’elle a émise ou qui est parvenue à son cocontractant, une partie a commis une erreur touchant à l’objet même ou à une qualité essentielle de celui‑ci sur lesquels ils s’étaient entendus à titre principal et de manière explicite, elle ne contracte aucune obligation lorsque l’erreur a été suscitée par le cocontractant ou lorsque, en raison des circonstances, celui‑ci aurait à l’évidence dû s’en apercevoir ou encore lorsque cette erreur a été décelée à temps. »
41. L’article 879, paragraphe 1, de l’ABGB prévoit :
« Un contrat qui méconnaît une interdiction légale ou qui est contraire aux bonnes mœurs est nul. »
42. L’article 922, paragraphe 1, de l’ABGB dispose :
« Celui qui remet à autrui une chose à titre onéreux garantit que la chose est conforme au contrat. Il répond donc de ce que la chose possède les qualités stipulées ou habituellement attendues, qu’elle corresponde à sa description, à un échantillon ou à un modèle, et qu’elle soit propre à l’usage stipulé ou à l’usage qui correspond à la nature de l’acte juridique. »
43. L’article 932, paragraphes 1 et 4, de l’ABGB est libellé comme suit :
« (1) En cas de défaut, celui qui reçoit la chose peut exiger l’amélioration (réparation ou fourniture de ce qui manque), le remplacement de la chose, une réduction adéquate de la contrepartie (réduction du prix) ou la résolution du contrat (rédhibition).
[...]
(4) Si tant l’amélioration que le remplacement de la chose sont impossibles ou entraînent pour le remettant des coûts disproportionnés, celui qui reçoit la chose a droit à une réduction du prix ou, à moins qu’il ne s’agisse d’un défaut mineur, à la rédhibition. [...] »
C. Le droit allemand
44. Aux termes de l’article 25, paragraphe 2, de la Verordnung über die EG-Genehmigung für Kraftfahrzeuge und ihre Anhänger sowie für Systeme, Bauteile und selbstständige technische Einheiten für diese Fahrzeuge (EG-Fahrzeuggenehmigungsverordnung) [règlement sur la réception CE des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (règlement sur la réception CE des véhicules à moteur), ci‑après l’« EG‑FGV »] :
« Afin de remédier à des défauts apparus et de garantir la conformité de véhicules déjà mis en circulation, de composants ou d’entités techniques [le Kraftfahrt-Bundesamt (office fédéral pour la circulation des véhicules à moteur, Allemagne, ci‑après le « KBA »)], peut prendre a posteriori des dispositions complémentaires. »
III. Les litiges au principal, les questions préjudicielles et les procédures devant la Cour
A. Affaire C‑128/20
45. Le 9 janvier 2011, GSMB Invest GmbH & Co. KG a conclu avec Auto Krainer Gesellschaft mbH un contrat de vente portant sur un véhicule automobile de marque Volkswagen, modèle VW Caddy Maxi Confortline 4MOTION, équipé d’un moteur diesel de type EA 189 de génération Euro 5 et doté d’une cylindrée de 2 litres (ci-après le « véhicule 1 »). Ce véhicule dispose d’une vanne EGR.
46. Le 27 décembre 2017, GSMB Invest a introduit un recours devant le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt, Autriche), la juridiction de renvoi, en vue d’obtenir l’annulation de cette vente, sur le fondement de l’article 879, paragraphe 1, et de l’article 932, paragraphe 4, de l’ABGB, moyennant le versement d’une indemnité d’utilisation.
47. Devant cette juridiction, GSMB Invest a fait valoir que, à la date de ladite vente, elle avait cru acheter un véhicule neuf respectueux de l’environnement et dont, notamment, les gaz d’échappement répondent aux normes légales. Or, à la suite de la mise à jour du logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur équipant le véhicule 1 (ci-après le « logiciel en cause »), réalisée par Volkswagen, la purification des gaz d’échappement serait désactivée à une température extérieure inférieure
à 15 degrés Celsius et à une température extérieure supérieure à 33 degrés Celsius ainsi qu’à une altitude de circulation supérieure à 1000 mètres (ci-après la « fenêtre de températures »). Cette fenêtre constituerait un système illicite dès lors qu’aucune des dérogations à l’interdiction d’un dispositif d’invalidation, telles que prévues à l’article 5 du règlement no 715/2007, ne permettrait de justifier celle-ci. Ainsi, cette réduction de la purification des gaz d’échappement ne servirait pas
à protéger le moteur du véhicule 1 en l’absence de dégât direct audit moteur.
48. Auto Krainer a rétorqué qu’une fenêtre de températures est utilisée par l’ensemble des constructeurs de véhicules diesel relevant de la catégorie Euro 5. Le KBA, à savoir l’autorité de réception CE par type en Allemagne, aurait toujours considéré cette fenêtre comme un procédé licite, au sens du règlement no 715/2007. En outre, lors du contrôle du logiciel en cause, le KBA aurait constaté, après un examen approfondi, que la mise à jour n’avait eu aucune incidence négative sur la durabilité des
dispositifs de réduction de la pollution de l’air.
49. Selon la juridiction de renvoi, il découle de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007 que la fenêtre de températures est un dispositif d’invalidation illicite, au sens de ce règlement. En effet, dans la plupart des États membres de l’Union, en particulier en Autriche et en Allemagne, la température ambiante serait le plus souvent inférieure à 15 degrés Celsius au cours d’une année et, compte tenu du relief de ces États, les véhicules circuleraient très souvent à une altitude supérieure
à 1000 mètres, de sorte que ces conditions se produisent lors du « fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules », au sens dudit article 3, point 10. La dérogation relative à la protection du moteur prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de ce règlement ne pourrait dès lors éventuellement servir de fondement juridique à un dispositif d’invalidation qui est activé dans des conditions « normales » d’utilisation des véhicules.
50. La juridiction de renvoi ajoute que, selon l’article 3, point 9, du règlement no 692/2008, le dispositif de post-traitement du NOx doit atteindre une température suffisamment élevée pour un fonctionnement efficient dans les 400 secondes après un démarrage à froid à – 7 degrés Celsius tel que décrit dans l’essai du type 6. Les autorités compétentes ne pourraient délivrer une réception CE par type lorsque ces conditions ne sont pas établies à suffisance. Il découlerait de la charge de la preuve
ainsi établie que le législateur de l’Union a considéré qu’une fenêtre de températures ne peut être justifiée si elle ne répond pas à de telles conditions.
51. Partant, la fenêtre de températures, eu égard aux conditions de température et d’altitude retenues, ne serait pas pleinement opérationnelle dans des conditions normales de fonctionnement.
52. Dans ces circonstances, le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 715/2007] doit-il être interprété en ce sens qu’un équipement d’un véhicule, tel que visé à l’article 1er, paragraphe 1, [de ce règlement], est illicite lorsque la soupape de recyclage des gaz d’échappement, c’est‑à‑dire un composant susceptible d’exercer un effet sur les émissions, est conçue de telle manière que le taux de recyclage des gaz d’échappement, à savoir la quotité de gaz d’échappement redirigée dans le moteur, soit réglé de telle
sorte que cette soupape assure un mode de fonctionnement faiblement polluant uniquement entre 15 et 33 degrés Celsius et seulement à une altitude inférieure à 1000 mètres et que, en dehors de cette fenêtre de températures, dans une marge de 10 degrés Celsius, et au-dessus de 1000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, ce taux est réduit linéairement à 0, ce qui entraîne une augmentation des émissions de NOx au-dessus des valeurs limites fixées par le règlement no 715/2007 ?
2) L’expression “en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident” figurant à l’article 5, paragraphe 2, du règlement [no 715/2007] doit-elle être interprétée en ce sens qu’un traitement des gaz d’échappement servant principalement à ménager des pièces telles que la vanne [pour le recyclage des gaz d’échappement] [(Exhaust Gas Recirculation (EGR)] [ci-après la « vanne EGR » ( 14 )], l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel ne répond pas aux dispositions dérogatoires ?
3) L’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 715/2007] doit-il être interprété en ce sens qu’un traitement des gaz d’échappement qui ne garantit le fonctionnement pleinement efficient des dispositifs de réduction des émissions que dans une plage de températures de 15 à 33 degrés Celsius et au-dessous de 1000 mètres d’altitude (la “fenêtre de températures”) et n’est dès lors pas pleinement opérationnel en Europe, en particulier en Autriche, la plus grande partie de l’année ne répond pas aux
conditions requises par l’article 5, paragraphe 1, qui se “produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules” et constitue un dispositif illicite d’invalidation ? »
53. Des observations écrites ont été déposées par GSMB Invest, Auto Krainer, le gouvernement allemand et la Commission européenne. Les mêmes parties ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour.
B. Affaire C‑134/20
54. Au cours de l’année 2013, IR, un consommateur, a acheté un véhicule automobile de marque Volkswagen, modèle VW Touran Confortline BMT, équipé d’un moteur diesel de type EA 189 de génération Euro 5, doté d’une cylindrée de 1,6 litre et d’une puissance de 77 kW (ci-après le « véhicule 2 »). Ce véhicule dispose d’une vanne EGR.
55. Le véhicule 2 comprenait, à l’origine, un logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur comportant un « mode 0 » et un « mode 1 » (ci-après le « système de commutation »). Le mode 1 était utilisé pour le test d’homologation relatif aux émissions de polluants, appelé « New European Driving Cycle » (NEDC), qui s’effectue en laboratoire. En l’absence des conditions caractéristiques de ce test d’homologation, le mode 0 s’appliquait et, dans ce cas, le taux de recyclage des gaz
d’échappement diminuait et le moment ainsi que la durée de l’injection changeaient. En fonctionnement réel, le véhicule 2 se trouvait presque exclusivement en mode 0, avec la conséquence qu’il ne respectait pas les valeurs limites de NOx prévues par le règlement no 715/2007. Il ressort de la décision de renvoi que le système de commutation constituait, dès lors, un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.
56. Il résulte également de la décision de renvoi que le véhicule 2 est techniquement fiable et peut être utilisé dans le cadre de la circulation routière. Cependant, si IR avait été informé que ce véhicule n’était pas conforme aux exigences légales, en raison du logiciel l’équipant, il ne l’aurait pas acheté.
57. Par lettre du 8 octobre 2015, l’importateur général des véhicules de la marque Volkswagen en Autriche a informé IR que des modifications devaient être apportées au véhicule 2 et que le constructeur prendrait en charge tous les frais relatifs aux mesures de réparation requises à cet égard. Par la suite, IR a été invité à faire installer sur le véhicule 2 le logiciel en cause, ce qui a été effectué.
58. Cette mise à jour a visé à établir la fenêtre de températures. Le KBA a accordé une autorisation pour le logiciel en cause et n’a donc pas retiré la réception CE par type. À cet égard, il a notamment retenu l’absence d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens du règlement no 715/2007. Le KBA n’a disposé d’aucune information concernant ce logiciel, car il n’en a pas demandé communication.
59. IR a introduit un recours devant le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt, Autriche), la juridiction de renvoi, en vue d’obtenir l’annulation de la vente du véhicule 2 sur le fondement de l’article 871 de l’ABGB.
60. Selon la juridiction de renvoi, il n’est pas possible de déterminer si la fenêtre de températures est nécessaire pour protéger le moteur du véhicule 2 contre des dégâts ni de déterminer si le logiciel en cause détériore la consommation, la production de suie, la puissance et le kilométrage global de ce véhicule. Il ne serait pas davantage possible de déterminer si, dans le cas où la mise à jour de ce logiciel aurait été réalisée sans une fenêtre de températures, les exigences prévues par le
règlement no 715/2007 en matière de durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution, telle que visées à l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, seraient respectées, ni si la valeur sur le marché dudit véhicule a diminué après la réalisation de cette mise à jour.
61. La juridiction de renvoi ajoute que, selon le droit autrichien, le cocontractant de la personne dont le consentement a été entaché d’une erreur substantielle peut éviter les conséquences juridiques de cette erreur en maintenant l’opération telle que la personne dont le consentement a été vicié pensait la conclure. Cette dernière n’aurait alors plus d’intérêt à agir. Cette juridiction considère que le système de commutation, qui équipait le véhicule 2 à l’origine, n’est pas conforme au droit de
l’Union. Volkswagen soutient que l’installation du logiciel en cause sur ce véhicule a donné satisfaction à IR et a privé ce dernier de son intérêt à agir, ce que celui-ci conteste.
62. La juridiction de renvoi indique que, aux fins de statuer, il y a lieu de déterminer si le logiciel en cause constitue une solution technique conforme aux exigences prévues par le droit de l’Union, notamment par les règlements nos 715/2007 et 692/2008. Ce serait uniquement dans l’affirmative que le contrat de vente du véhicule 2 n’encourrait pas l’annulation et que, dès lors, le recours de IR devrait être rejeté.
63. Dans ces conditions, le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 715/2007] doit-il être interprété en ce sens qu’un équipement d’un véhicule, tel que visé à l’article 1er, paragraphe 1, [de ce règlement], est illicite lorsque la soupape de recyclage des gaz d’échappement, c’est‑à‑dire un composant susceptible d’exercer un effet sur les émissions, est conçue de telle manière que le taux de recyclage des gaz d’échappement, à savoir la quotité de gaz d’échappement redirigée dans le moteur, soit réglée de telle
sorte que cette soupape assure un mode de fonctionnement faiblement polluant uniquement entre 15 et 33 degrés Celsius et seulement à une altitude inférieure à 1000 mètres et que, en dehors de cette fenêtre de températures et d’altitude, dans une marge de 10 degrés Celsius, et au-dessus de 1000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, ce taux est réduit linéairement à 0, ce qui entraîne une augmentation des émissions de NOx au-dessus des valeurs limites fixées par le règlement
no 715/2007 ?
2) Le point de savoir si l’équipement du véhicule mentionné dans la première question est nécessaire pour protéger le moteur contre des dégâts a‑t‑il une incidence sur l’appréciation de la première question ?
3) Le point de savoir si la pièce du moteur à protéger contre des dégâts est la soupape de recyclage des gaz d’échappement a-t-il, en outre, une incidence sur l’appréciation de la deuxième question ?
4) Le point de savoir si l’équipement du véhicule mentionné dans la première question a été installé dès la fabrication du véhicule ou si le paramétrage de la soupape de recyclage des gaz d’échappement, décrit dans la première question, doit être réalisé sur le véhicule en tant que réparation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive [1999/44], a-t-il une incidence sur l’appréciation de la première question ? »
64. Des observations écrites ont été déposées par IR, Volkswagen, le gouvernement allemand et la Commission. Les mêmes parties ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour.
C. Affaire C‑145/20
65. Le 21 décembre 2013, DS, un consommateur, a acheté un véhicule automobile de marque Volkswagen, équipé d’un moteur diesel de type EA 189 de génération Euro 5, auprès de Porsche Inter Auto GmbH & Co. KG, un concessionnaire indépendant de Volkswagen (ci-après le « véhicule 3 »). Ce véhicule, qui dispose d’une vanne EGR, relève du champ d’application du règlement no 715/2007.
66. Ledit véhicule contenait un logiciel qui faisait fonctionner le système de recyclage des gaz d’échappement selon le système de commutation. Le type de véhicule en cause a été réceptionné par le KBA. La présence du système de commutation n’avait pas été révélée à cet organisme. Si ce dernier avait eu connaissance de ce système, il n’aurait pas procédé à la réception CE par type. Par ailleurs, DS aurait acheté le véhicule même s’il avait eu connaissance de la présence dudit système.
67. Le 15 octobre 2015, le KBA a adopté une décision, en application de l’article 25, paragraphe 2, de l’EG‑FGV, par laquelle il a notamment ordonné à Volkswagen d’assurer la conformité des moteurs de type EA 189 de génération Euro 5 à la réglementation nationale et de l’Union en vigueur. Par lettre du 20 décembre 2016, le KBA a informé Volkswagen qu’il confirmait que le logiciel en cause était propre à rétablir la conformité des véhicules concernés. La réception CE par type des véhicules tels que
le véhicule 3 n’a pas été révoquée ni retirée par la suite par le KBA.
68. Le 15 février 2017, DS a fait installer le logiciel en cause, tel que visé par la lettre du KBA du 20 décembre 2016, sur le véhicule 3. Cette mise à jour a remplacé le système de commutation par la mise en œuvre de la fenêtre de températures.
69. DS a introduit un recours devant le Landesgericht Linz (tribunal régional de Linz, Autriche) en demandant le remboursement du prix d’achat du véhicule 3 en contrepartie de la restitution de celui-ci, à titre subsidiaire, une réduction du prix de ce véhicule et, à titre plus subsidiaire, que soit constatée la responsabilité de Porsche Inter Auto et de Volkswagen au titre des dommages résultant de la présence d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du
règlement no 715/2007. Par un jugement du 12 décembre 2018, le Landesgericht Linz (tribunal régional de Linz) a rejeté le recours de DS.
70. Ce dernier ayant interjeté appel, l’Oberlandesgericht Linz (tribunal régional supérieur de Linz, Autriche) a confirmé ce jugement par un arrêt du 4 avril 2019. Cette juridiction a notamment estimé que, à supposer même que le véhicule 3 était affecté initialement d’un défaut, le logiciel en cause y avait remédié. En outre, le système réduisant le recyclage des gaz d’échappement lorsque la température extérieure était inférieure à 15 degrés Celsius ou supérieure à 33 degrés Celsius serait licite,
en application de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, dès lors qu’il serait nécessaire pour protéger le moteur contre des dégâts.
71. DS a introduit un pourvoi en Revision devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), la juridiction de renvoi. Devant cette juridiction, DS a fait valoir que le véhicule 3 présente un défaut au motif que le système de commutation constitue un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007. Le logiciel en cause n’aurait pas remédié à ce défaut. Une perte de valeur risquerait de se produire à l’avenir, tout comme des dommages subséquents
causés par l’installation de ce logiciel.
72. Porsche Inter Auto et Volkswagen ont reconnu devant la juridiction de renvoi que la fenêtre de températures constitue un dispositif d’invalidation, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007. Elles ont soutenu que ce dispositif est licite, en application de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, et que cette appréciation est partagée par le KBA.
73. La juridiction de renvoi indique qu’elle est appelée à se prononcer sur les points de savoir si le véhicule 3 présentait un défaut le jour de sa remise, s’il a été remédié à ce défaut et si DS a subi un préjudice qui aurait été causé par le constructeur automobile concerné.
74. Selon cette juridiction, le système de commutation constitue un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement. En tout état de cause, le véhicule 3 comporterait un défaut, au sens de l’article 922 de l’ABGB, du fait que la présence de ce dispositif d’invalidation n’avait pas été révélée au KBA.
75. Le logiciel en cause ayant été approuvé par celui-ci, la juridiction de renvoi se demande, tout d’abord, si cette approbation suffit, à elle seule, à réaliser l’amélioration de la chose achetée, au sens de l’article 932, paragraphe 1, de l’ABGB. Selon cette juridiction, il y a lieu de présumer que, s’agissant d’un produit tel qu’un véhicule à moteur, dont il est connu qu’il doit répondre à des exigences réglementaires, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé, s’attend à ce que ces exigences soient respectées. Le fait que les véhicules doivent faire l’objet d’une procédure de réception CE par type ne ferait pas nécessairement obstacle à cette lecture de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44. Une interprétation en ce sens aurait pour conséquence que le vendeur d’un véhicule à moteur devrait non seulement garantir l’existence de la réception CE par type nécessaire pour l’usage habituellement attendu, au sens de l’article 922
de l’ABGB, mais aussi que ce véhicule ne contient pas d’éléments de conception illicites.
76. Ensuite, dans l’hypothèse où la tentative d’amélioration entreprise par l’installation du logiciel en cause n’aurait pas réussi, même si le KBA n’a pas révoqué ni retiré la réception CE par type, il conviendrait d’examiner si le véhicule 3 est toujours équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007. Selon la juridiction de renvoi, l’objectif de protection de l’environnement plaide en faveur d’une interprétation stricte des
dérogations prévues à l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement. En outre, il serait notoire que, sur une partie du territoire de l’Union, notamment en Autriche, la température moyenne est inférieure à 15 degrés Celsius plusieurs mois par an. La température extérieure à laquelle le recyclage des gaz d’échappement d’un type de celui du véhicule 3 est pleinement efficace ne serait ainsi pas atteinte en moyenne pendant une grande partie de l’année. Dans ces conditions, il ne serait pas possible de
justifier un dispositif d’invalidation qui fonctionne de façon aussi fréquente par l’une des dérogations prévues à l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement.
77. Enfin, la juridiction de renvoi relève que, lors de l’examen de l’éventuelle qualification d’un défaut de « mineur », ce qui exclut la rédhibition en vertu de l’article 932, paragraphe 4, de l’ABGB, il convient de procéder à une mise en balance objective des intérêts des parties, au regard du contrat qu’elles ont conclu et des circonstances de l’espèce. Or, l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 ne serait pas si univoque que l’on soit en présence d’un acte clair.
78. C’est dans ces conditions que l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive [1999/44] en ce sens qu’un véhicule à moteur qui relève du champ d’application du règlement [no 715/2007] présente la qualité habituelle d’un bien de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre si ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite au sens de l’article 3, point 10, et de l’article 5, paragraphe 2, [de ce règlement], mais que le type de véhicule est néanmoins
couvert par une réception CE par type en vigueur et que le véhicule peut par conséquent être utilisé sur la route ?
2) Convient-il d’interpréter l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 en ce sens que peut être licite en application dudit article un dispositif d’invalidation au sens de l’article 3, point 10, dudit règlement, qui est conçu de telle manière que, en dehors des essais en conditions de laboratoire, et donc en conditions de conduite réelles, le recyclage des gaz d’échappement ne fonctionne pleinement que si la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius, ou
bien l’application de la disposition dérogatoire précitée est-elle en tout état de cause exclue du seul fait que la pleine efficacité du système de recyclage des gaz d’échappement est ainsi limitée à des conditions qui, sur une partie du territoire de l’Union, ne règnent qu’environ six mois par an ?
3) Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 en ce sens qu’un défaut de conformité consistant en la présence, dans le véhicule, d’un dispositif d’invalidation illicite en vertu de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, appliqué conjointement avec l’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement, est à qualifier de “mineur” au sens de ladite disposition si, à supposer qu’il eût connaissance de l’existence et du fonctionnement dudit dispositif,
l’acheteur avait néanmoins acheté le véhicule ? »
79. Des observations écrites ont été déposées par DS, Porsche Inter Auto, le gouvernement allemand et la Commission. Les mêmes parties ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour ( 15 ).
IV. Analyse
80. Les questions posées par les juridictions de renvoi portent, d’une part, sur l’interprétation du règlement no 715/2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions de polluants ( 16 ), et, d’autre part, sur celle de la directive 1999/44, qui vise à assurer une protection uniforme minimale des consommateurs dans le cadre du marché intérieur.
A. Sur les première et troisième questions dans l’affaire C‑128/20, la première question dans l’affaire C‑134/20, ainsi que sur la deuxième question, dans sa première partie, dans l’affaire C‑145/20
81. Par les première et troisième questions dans l’affaire C‑128/20, la première question dans l’affaire C‑134/20, ainsi que la deuxième question, dans sa première partie, dans l’affaire C‑145/20, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens que constitue un « dispositif d’invalidation » un dispositif qui,
dans des conditions de conduite réelles d’un véhicule à moteur, n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres, alors que, en dehors de cette fenêtre, dans une marge de 10 degrés Celsius, et au‑dessus de 1000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, le taux de recyclage des gaz d’échappement est réduit linéairement à 0, avec la conséquence
que les émissions de NOx augmentent au-delà des valeurs limites fixées par ledit règlement.
82. À cet égard, il convient de relever que l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007 définit un « dispositif d’invalidation » comme tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions
dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules.
83. Dans l’arrêt X, la Cour s’est prononcée pour la première fois sur l’interprétation de cette disposition. L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt portait sur des véhicules à moteur équipés d’une vanne EGR et dotés d’un logiciel pouvant détecter la phase d’homologation relative aux émissions de polluants, dans le cadre du NEDC et en vue de leur réception ( 17 ). Dans ledit arrêt, la Cour a jugé que constitue un « élément de conception », au sens de ladite disposition, un logiciel intégré dans le
calculateur de contrôle moteur ou agissant sur celui-ci, dès lors qu’il agit sur le fonctionnement du système de contrôle des émissions et qu’il en réduit l’efficacité ( 18 ). Dans le même arrêt, la Cour a considéré que relèvent de la notion de « système de contrôle des émissions », au sens de la même disposition, tant les technologies et la stratégie dite « de post-traitement des gaz d’échappement », qui réduisent les émissions en aval, à savoir après leur formation, que celles qui, à l’instar
du système EGR, réduisent les émissions en amont, à savoir lors de leur formation ( 19 ). Il ressort de l’arrêt X que constitue un « dispositif d’invalidation », au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, un dispositif qui détecte tout paramètre lié au déroulement des procédures d’homologation prévues par ce règlement, aux fins d’améliorer la performance, lors de ces procédures, du système de contrôle des émissions, et ainsi d’obtenir l’homologation du véhicule, même si une
telle amélioration peut également être observée, de manière ponctuelle, dans des conditions d’utilisation normales du véhicule ( 20 ). La Cour a ajouté qu’un tel dispositif ne pouvait relever de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, relative à la protection du moteur contre des dégâts ou un accident et au fonctionnement en toute sécurité du véhicule ( 21 ).
84. Les présentes affaires se situent dans le prolongement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt X en ce que, dans le cadre de la réception CE par type, elles concernent des véhicules de génération Euro 5 équipés d’une vanne EGR et dotés du logiciel en cause, qui agit sur le fonctionnement du système de contrôle des émissions de polluants et en réduit l’efficacité. En effet, ce logiciel a établi la fenêtre de températures, en vertu de laquelle, selon les juridictions de renvoi, le recyclage des
gaz d’échappement ne fonctionne pleinement que si la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres. En dehors de cette fenêtre, le taux de recyclage des gaz d’échappement est réduit linéairement à 0, ce qui, en l’occurrence, conduit au dépassement des valeurs limites d’émission fixées pour le NOx par le tableau 1 de l’annexe I du règlement no 715/2007.
85. Auto Krainer et Volkswagen soutiennent respectivement, dans leurs observations écrites dans les affaires C‑128/20 et C‑134/20, que, selon le fonctionnement du logiciel en cause, une réduction du taux de recyclage des gaz d’échappement est prévue lorsque la température de l’air d’admission est inférieure à 15 degrés Celsius, cette température étant un paramètre technique en moyenne supérieure de 5 degrés Celsius à la température ambiante. Par conséquent, l’intégralité des gaz d’échappement serait
recyclée tant que la température ambiante est supérieure ou égale à 10 degrés Celsius, c’est-à-dire dans la plage de la température annuelle moyenne en Allemagne, à savoir 10,4 degrés Celsius.
86. À cet égard, je rappelle que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national ( 22 ). Partant, en l’occurrence, la Cour est liée par la constatation et l’appréciation des faits auxquelles ont procédé les juridictions de renvoi, d’ailleurs de
façon concordante, de sorte qu’Auto Krainer et Volkswagen ne sauraient les remettre en cause dans le cadre des présentes demandes de décision préjudicielle. Par conséquent, je me référerai à la fenêtre de températures telle qu’elle a été déterminée par les juridictions de renvoi ( 23 ).
87. Compte tenu des considérations émises par la Cour dans l’arrêt X, le logiciel en cause doit être considéré comme étant un « élément de conception », au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, et la technologie utilisée, en l’occurrence la vanne EGR, relève de la notion de « système de contrôle des émissions », au sens de cette disposition ( 24 ). Par ailleurs, ce logiciel détecte la température de l’air ainsi qu’un autre paramètre, à savoir l’altitude de circulation, « aux fins
d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions », au sens de ladite disposition.
88. Dès lors, afin de déterminer si, au regard de la définition retenue à l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, le logiciel en cause constitue un « dispositif d’invalidation », il convient d’examiner si la réduction de l’efficacité du système de contrôle des émissions de polluants intervient « dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules ».
89. Dans leurs questions, les juridictions de renvoi se référent non pas à l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, mais à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, selon lequel le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d’exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, « en utilisation normale », de se conformer audit règlement et à ses mesures d’exécution. À cet égard, il me paraît clair
que ces deux dispositions se complètent et expriment la même idée, à savoir qu’il convient, en vue de vérifier si les exigences techniques communes concernant la réception des véhicules à moteur sont remplies, de se référer au fonctionnement du logiciel en cause lors de l’« utilisation normale » des véhicules concernés ( 25 ).
90. Le règlement no 715/2007 ne définit pas, dans ses dispositions, cette notion d’« utilisation normale ». Dans un tel cas, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union, qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en
tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause ( 26 ).
91. À cet égard, dans leurs observations écrites dans les affaires C‑128/20 et C‑134/20, Auto Krainer et Volkswagen font respectivement valoir que le respect des valeurs limites pour les polluants doit être déterminé exclusivement dans le cadre du NEDC ( 27 ), en vigueur à la date des faits au principal ( 28 ).
92. Je ne partage pas cette position. Selon moi, il ressort clairement des termes de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par ce règlement que l’« utilisation normale » renvoie non pas aux conditions prévues par le NEDC, mais aux conditions de conduite réelles ( 29 ).
93. En effet, premièrement, l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, ne se réfère pas aux seules émissions de polluants mesurées au cours de la procédure d’homologation. Dans le même sens, l’arrêt X a relevé que les « conditions d’utilisation normales des véhicules peuvent exceptionnellement [...] correspondre aux conditions de conduite appliquées lors des procédures d’homologation » et que « dans les conditions d’utilisation
normales des véhicules, l’objectif de réduction des émissions de NOx n’est habituellement pas atteint » ( 30 ). Par conséquent, cet arrêt a fait explicitement la distinction entre les conditions appliquées lors des procédures d’homologation et les « conditions d’utilisation normales », et a pris ces dernières comme référence pour évaluer les émissions de polluants.
94. Deuxièmement, certes, aux termes du considérant 17 du règlement no 715/2007, une « méthode normalisée de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des véhicules est nécessaire pour garantir qu’il ne se dresse aucun obstacle technique aux échanges entre États membres ». Cependant, les conditions appliquées lors des procédures d’homologation ne sauraient, pour ce qui concerne le NEDC, être l’équivalent des conditions de conduite réelles ( 31 ). En ce sens, le
considérant 2 du règlement 2016/427 énonce que « les émissions générées en conditions de conduite réelles sur route par les véhicules Euro 5/6 dépassaient sensiblement les émissions mesurées sur le [NEDC] réglementaire, notamment en ce qui concerne les émissions de NOx des véhicules diesel ». Cette situation a conduit à modifier le règlement no 692/2008, par le biais du règlement 2016/427, afin d’introduire la notion d’« émissions en conditions de conduite réelles (RDE) » ( 32 ), définies comme
les « émissions d’un véhicule dans ses conditions d’utilisation normales » ( 33 ).
95. Troisièmement, l’interprétation selon laquelle il y a lieu de se référer aux conditions de conduite réelles et non à celles prévues par le NEDC est corroborée par l’objectif poursuivi par le règlement no 715/2007, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement ( 34 ). Il convient ainsi d’assurer une limitation effective des émissions de NOx.
96. En l’occurrence, ainsi qu’il a été énoncé au point 84 des présentes conclusions, le logiciel en cause est conçu pour que le recyclage des gaz d’échappement ne fonctionne pleinement que si la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres. Dès lors que les émissions de NOx doivent être mesurées dans des conditions de conduite réelles, peut-on considérer que cette fenêtre de températures est représentative de telles
conditions de conduite en Europe ?
97. Je ne le pense pas. Certes, il existe de grandes différences de climat entre le nord et le sud de l’Europe. Cependant, une température minimale de 15 degrés Celsius ne correspond pas aux conditions climatiques moyennes pouvant exister en Europe. De même, le relief de l’Union est loin d’être uniforme.
98. En ce sens, la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑128/20 souligne que, en Autriche et en Allemagne (qui sont des États membres situés géographiquement au cœur de l’Union), la température ambiante est le plus souvent inférieure à 15 degrés Celsius tout au long de l’année et que, compte tenu du relief de ces États, les véhicules à moteur circulent très souvent au-dessus de 1000 mètres d’altitude ( 35 ). Cette juridiction en déduit, dans sa troisième question, que le traitement des gaz
d’échappement qui découle de la fenêtre de températures n’est pas pleinement opérationnel en Europe, en particulier en Autriche, la plus grande partie de l’année. Le même constat est établi par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑134/20.
99. Quant à la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑145/20, elle relève que, à Vienne (Autriche), au cours de l’année 2018, la température moyenne était inférieure à 15 degrés Celsius pendant six mois sur douze. Par ailleurs, les statistiques officielles de la ville de Vienne, auxquelles cette juridiction fait référence, indiquent que la température moyenne dans cette ville a été de 11,6 degrés Celsius au cours de l’année 2017 ainsi que de 12,4 degrés Celsius au cours des années 2018-2019 ( 36 ).
100. Je note également que, selon des données officielles, la température moyenne annuelle en Allemagne a été de 9,6 degrés Celsius au cours de l’année 2017, de 10,4 degrés Celsius au cours de l’année 2018 et de 10,2 degrés Celsius au cours de l’année 2019 ( 37 ). S’agissant d’autres États situés dans la partie centrale de l’Union, la température moyenne annuelle en France a été de 13,4 degrés Celsius au cours de l’année 2017, de 13,9 degrés Celsius au cours de l’année 2018 et de 13,7 degrés Celsius
au cours de l’année 2019 ( 38 ). Quant à la température annuelle moyenne en Pologne, elle a été de 9 degrés Celsius au cours de l’année 2017, de 9,8 degrés Celsius au cours de l’année 2018 et de 10,2 degrés Celsius au cours de l’année 2019 ( 39 ). Ces différentes températures sont nettement inférieures aux 15 degrés Celsius retenus comme valeur basse par la fenêtre de températures.
101. Il y a lieu d’ajouter que le règlement 2017/1151, qui fixe des modalités d’application du règlement no 715/2007, a énoncé, au point 4.1 de son annexe IIIA, intitulée « Vérification des émissions en conditions de conduite réelles », que les « performances RDE doivent être démontrées en soumettant les véhicules à des essais sur route dans tous leurs modes de conduite et conditions de charge normaux » et que l’« essai RDE doit être représentatif des véhicules conduits sur leurs parcours réels,
avec leur charge normale ». Le point 5.2 de cette annexe définit les conditions ambiantes pour la vérification des émissions en conditions de conduite réelles dans le cadre de cet essai.
102. Même si le règlement 2017/1151 est postérieur et n’est pas applicable ratione temporis aux litiges au principal, il constitue une référence pour les présentes affaires en ce qu’il vise à évaluer, de façon plus réaliste, les conditions de conduite réelles. Or, la plage des températures prises pour référence apparaît beaucoup plus large que celle fixées par la fenêtre de températures. Notamment, la température minimale prise en compte pour les « conditions de température modérées », au
point 5.2.4 de l’annexe IIIA de ce règlement, est de 0 degré Celsius, bien loin des 15 degrés Celsius de la fenêtre de températures. Par ailleurs, les « conditions d’altitude étendues », mentionnées au point 5.2.3 de cette annexe, correspondent à une altitude supérieure à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer et inférieure ou égale à 1300 mètres au-dessus du niveau de la mer ( 40 ).
103. Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que les valeurs de température et d’altitude retenues dans le cadre de la fenêtre de températures ne représentent pas une « utilisation normale », au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 715/2007, pour les véhicules à moteur dans l’Union. En d’autres termes, le logiciel en cause réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des « conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement
et de l’utilisation normaux des véhicules », avec la conséquence qu’il constitue un « dispositif d’invalidation », au sens de l’article 3, point 10, de ce règlement ( 41 ).
104. Dans ces conditions, je propose de répondre aux première et troisième questions dans l’affaire C‑128/20, à la première question dans l’affaire C‑134/20 ainsi qu’à la deuxième question, dans sa première partie, dans l’affaire C‑145/20 que l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens que constitue un « dispositif d’invalidation » un dispositif qui, dans des conditions de conduite réelles d’un
véhicule à moteur, n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres, alors que, en dehors de cette fenêtre, dans une marge de 10 degrés Celsius, et au‑dessus de 1000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, le taux de recyclage des gaz d’échappement est réduit linéairement à 0, avec la conséquence que les émissions de NOx augmentent au-delà
des valeurs limites fixées par ledit règlement.
B. Sur la deuxième question dans l’affaire C‑128/20, les deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑134/20, ainsi que sur la deuxième question, dans sa seconde partie, dans l’affaire C‑145/20
105. Par la deuxième question dans l’affaire C‑128/20, les deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑134/20, ainsi que la deuxième question, dans sa seconde partie, dans l’affaire C‑145/20, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 doit être interprété en ce sens qu’un dispositif d’invalidation qui n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température
extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres relève de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à cette disposition, relative à la protection du moteur contre des dégâts ou un accident et au fonctionnement en toute sécurité du véhicule, si ce dispositif sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel.
106. Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Toutefois, cette interdiction connaît trois exceptions ( 42 ), parmi lesquelles celle figurant au point a) de cette disposition, à savoir lorsque le « besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du
véhicule » ( 43 ).
107. Eu égard à ce libellé, et en réponse à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑134/20, je considère que le point de savoir si le dispositif d’invalidation en cause au principal est nécessaire pour protéger le moteur contre des dégâts et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule a une incidence sur l’appréciation de la licéité de ce dispositif. En effet, à mon sens, même un dispositif qui réduit l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions de
polluants pourrait être autorisé sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 si les conditions prévues à cette disposition sont réunies.
108. Dans l’arrêt X, la Cour a procédé, également pour la première fois, à l’interprétation de ladite disposition. À cet égard, elle a relevé que les notions de « dégât » et d’« accident » ne sont pas définies à l’article 5 du règlement no 715/2007 ni dans les autres articles de ce règlement et que, en l’absence de toute définition, la détermination de la signification et de la portée de ces termes doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément au sens habituel en
langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie ( 44 ). La Cour a considéré que, dans son sens habituel en langage courant, le terme « accident » vise un événement imprévu et soudain qui entraîne des dégâts ou des dangers, tels que des blessures ou la mort ( 45 ), et que le terme « dégât » vise, quant à lui, un dommage résultant généralement d’une cause violente ou soudaine ( 46 ).
En conséquence, un dispositif d’invalidation qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions est justifié dès lors que, en vertu dudit article 5, paragraphe 2, sous a), il permet de protéger le moteur contre des dommages soudains et exceptionnels ( 47 ). Or, l’encrassement et le vieillissement du moteur ne sauraient être considérés comme un « accident » ou un « dégât », au sens de cette disposition, dès lors que ces événements sont, en principe, prévisibles et inhérents au
fonctionnement normal du véhicule ( 48 ). Seuls les risques immédiats de dégâts qui génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule sont de nature à justifier l’utilisation d’un dispositif d’invalidation ( 49 ). La Cour en a conclu que l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 doit être interprété en ce sens qu’un dispositif d’invalidation qui améliore systématiquement, lors des procédures d’homologation, la performance du système de contrôle des émissions des
véhicules aux fins de respecter les limites d’émissions fixées par ce règlement, et ainsi d’obtenir l’homologation de ces véhicules, ne peut relever de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à cette disposition, même si ce dispositif contribue à prévenir le vieillissement ou l’encrassement du moteur ( 50 ).
109. Dans leurs observations écrites, Auto Krainer, Volkswagen, Porsche Inter Auto et le gouvernement allemand font valoir qu’ils ne partagent pas cette interprétation retenue par la Cour, en avançant deux types d’arguments ( 51 ).
110. D’une part, sur le plan juridique, ces intervenants soutiennent, en substance, qu’il convient de distinguer plus clairement les notions d’« accident » et de « dégât », au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007. Si le terme « accident » doit effectivement être entendu comme un « événement imprévu et soudain », en revanche, un « dégât » n’interviendrait pas nécessairement de manière imprévue et soudaine en ce qu’il serait susceptible de se produire à la suite
d’effets cumulés qui, à terme, pendant la durée normale de vie du véhicule et dans des conditions normales d’utilisation, pourraient endommager le moteur, sans pouvoir être éliminés par des travaux d’entretien effectués périodiquement et dans les règles de l’art.
111. D’autre part, d’un point de vue technique, un défaut de sécurité pourrait provenir de la vanne EGR, laquelle vise à contrôler et réduire les émissions de NOx générées par la combustion incomplète du carburant ( 52 ). En cas de températures extérieures trop élevées ou trop basses, c’est-à-dire lorsque les composants sont sollicités en dehors du cadre de leurs conditions de fonctionnement, des dépôts excessifs ou de la condensation, qualifiés de « vernissage » et d’« encrassement », pourraient se
former lors du recyclage des gaz d’échappement, ce qui serait susceptible de conduire à des défauts de positionnement de la vanne EGR, tels que le fait qu’elle se ferme ou qu’elle reste durablement sur une certaine position d’ouverture ( 53 ). Cette situation pourrait endommager le moteur ou certains de ses composants, sans qu’il soit prévisible de déterminer quand et de quelle manière la défaillance de la vanne EGR se produira, ni quelle en sera l’ampleur, car cela dépendrait de la manière de
conduire, des conditions ambiantes et sans que des entretiens réguliers et adéquats puissent toujours empêcher les endommagements progressifs. Il en résulterait que la sécurité de fonctionnement du véhicule concerné serait affectée de façon grave et importante, par exemple en cas de perte soudaine et abrupte de puissance lors d’une manœuvre de dépassement d’un autre véhicule. Une combustion du filtre à particules pourrait également se produire du fait d’une quantité excessive de gaz
d’échappement renvoyée dans la chambre de combustion, susceptible d’entraîner l’incendie du moteur, voire du véhicule.
112. Dès lors que ces arguments portent sur la sécurité d’un véhicule à moteur, il me paraît important de les examiner attentivement et de vérifier dans quelle mesure ils pourraient justifier un dispositif d’invalidation prenant la forme du logiciel en cause.
113. À cet égard, premièrement, je relève que, pour définir le terme « dégât », au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007, la Cour s’est référée aux conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt X ( 54 ). Selon l’avocate générale, ce terme désigne un dommage résultant généralement d’une cause violente ou soudaine, en vertu de la définition du dictionnaire Le Petit Robert, et le terme « damage », utilisé dans la version anglaise de
ce règlement, ne contredit pas cette acception ( 55 ).
114. Pour ma part, j’ajoute que le dictionnaire de l’Académie française définit un « dégât » de la façon suivante : « Dommage, détérioration, dévastation, qui résulte d’un accident ou d’une volonté de destruction » ( 56 ). Ainsi, cette définition établit un lien entre un « dégât » et un « accident », étant entendu que la volonté de destruction n’est pas présente dans les affaires au principal. De son côté, le Collins English Dictionary donne la définition suivante : « Damage is physical harm that is
caused to an object » ( 57 ). Quant à la définition du terme « dégât » en langue allemande (Beschädigung), elle peut être entendue comme tout impact sur un objet qui modifie sa composition matérielle ou altère, même légèrement, l’usage auquel il est destiné et qu’il n’est pas nécessaire que la substance soit endommagée ( 58 ).
115. Certes, toutes ces définitions du terme « dégât » ne font pas référence à un événement soudain. Néanmoins, dès lors qu’elles n’infirment pas l’interprétation de ce terme donnée par la Cour dans l’arrêt X, je ne vois pas de raison pour revenir sur cette interprétation, rendue récemment. Par conséquent, je qualifierai un « dégât », au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007, comme un dommage résultant généralement d’une cause violente ou soudaine. À la lumière de
cette qualification, il convient de vérifier si le besoin du dispositif d’invalidation en cause au principal se justifie en termes de protection du moteur contre un dégât.
116. La juridiction de renvoi dans l’affaire C‑134/20 soutient que la vanne EGR fait partie intégrante du moteur. Cependant, selon la Commission, le moteur et le « système de post-traitement des gaz d’échappement » forment des parties distinctes d’un véhicule. Par conséquent, le fonctionnement défectueux de la vanne EGR n’affecterait pas la protection du moteur.
117. À cet égard, je souligne que la Cour doit interpréter les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles s’appliquent aux affaires au principal. Or, même si cette conclusion est contestée par Auto Krainer, Volkswagen et Porsche Inter Auto en réponse aux questions écrites de la Cour, il ressort de la réglementation de l’Union pertinente, telle qu’elle est libellée, que le système EGR ne fait pas partie du moteur. Ainsi, l’article 2, point 18, du règlement no 692/2008 énonce que, par « système
de contrôle des émissions », on entend, « dans le contexte du système OBD [systèmes de diagnostic embarqués], le système de gestion électronique du moteur et tout composant relatif aux émissions du système d’échappement ou aux émissions par évaporation qui fournit des données en entrée à ce calculateur ou qui en reçoit des données en sortie » ( 59 ).
118. De même, l’annexe I du règlement no 692/2008, intitulée « Dispositions administratives en matière de réception CE par type », contient un point 3.3.1 qui énonce que la « réception est accordée à différents types de véhicules à condition que le véhicule, le moteur ou le système de maîtrise de la pollution soit identique ou reste dans les tolérances indiquées » ( 60 ). Cette annexe opère une différenciation explicite entre le « Moteur » (point 3.3.1.2) et les « Paramètres du système de maîtrise
de la pollution » (point 3.3.1.3). Ce dernier point contient un point c), qui mentionne « EGR (recyclage des gaz d’échappement) » ( 61 ).
119. Il découle de ces dispositions que, selon la réglementation pertinente, le législateur de l’Union a fait clairement la distinction entre, d’une part, le moteur, et, d’autre part, le système de maîtrise de la pollution, qui comprend le système EGR. En outre, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008, pour les besoins de ce règlement, les filtres à particules sont considérés comme des dispositifs de maîtrise de la pollution.
120. De surcroît, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt X, l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 constituant une exception à l’interdiction d’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, il doit faire l’objet d’une interprétation stricte ( 62 ).
121. Dans ces conditions, eu égard aux dispositions du droit de l’Union applicables, je suis d’avis qu’un dispositif d’invalidation qui sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel ne relève pas de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
122. Il en résulte que, en réponse à la troisième question posée par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑134/20, j’estime que le point de savoir si la pièce à protéger contre des dégâts est la vanne EGR n’a pas d’incidence sur la licéité du dispositif d’invalidation en cause au regard de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
123. Néanmoins, ainsi qu’il a été relevé au point 111 des présentes conclusions, plusieurs intervenants ont soutenu que le dysfonctionnement de la vanne EGR pourrait endommager le moteur ou certains des composants de celui-ci.
124. S’agissant de la situation dans laquelle le moteur du véhicule concerné subit un encrassement en raison du dysfonctionnement de la vanne EGR, ainsi qu’il a été déjà été relevé, il ressort de l’arrêt X que l’encrassement et le vieillissement du moteur ne sauraient être considérés comme un « accident » ou un « dégât », au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007, dès lors que ces événements sont, en principe, prévisibles et inhérents au fonctionnement normal du
véhicule ( 63 ). En d’autres termes, il s’agit d’une détérioration par l’usage habituel de ce véhicule. Par conséquent, lesdits événements ne sauraient relever de l’exception visée à cette disposition.
125. Toujours selon l’arrêt X, seuls les risques immédiats de dégâts qui génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule sont de nature à justifier l’utilisation d’un dispositif d’invalidation tel qu’une fenêtre de températures ( 64 ). À mon sens, cette situation pourrait se produire lorsque le dysfonctionnement de la vanne EGR a des conséquences soudaines sur le fonctionnement du moteur lui-même, sans qu’un entretien régulier et adéquat du véhicule puisse prévenir ces conséquences ( 65
).
126. C’est uniquement dans ce cas de figure que le dispositif d’invalidation en cause pourrait être autorisé sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007. Dès lors qu’il s’agit d’un examen revêtant un caractère factuel, il appartient aux juridictions de renvoi, seules compétentes pour constater et apprécier les faits des litiges au principal ( 66 ), de vérifier si le dysfonctionnement de la vanne EGR qui pourrait survenir pourrait créer des risques soudains et
immédiats de dégâts sur le moteur lui-même ( 67 ), générant un danger concret lors de la conduite du véhicule, même en présence d’un entretien régulier et adéquat de ce véhicule ( 68 ).
127. À cet égard, je relève que, dans l’affaire C‑134/20, la juridiction de renvoi soutient qu’il n’est pas possible de déterminer si le dispositif d’invalidation est nécessaire pour protéger le moteur du véhicule contre des dégâts. Dans l’hypothèse où cette détermination est effectivement impossible, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
128. J’ajoute que, dans leurs observations écrites, Auto Krainer, Volkswagen, Porsche Inter Auto et le gouvernement allemand font valoir que le règlement no 715/2007 est conçu de manière neutre sur le plan technologique et qu’il n’exige pas d’utiliser la meilleure technique possible. À cet égard, il ne serait pas contesté que l’utilisation d’un système EGR qui fonctionne selon une fenêtre de températures, dans une mesure différente selon la date d’homologation, correspond à l’état de la technique.
129. De telles affirmations ne sont pas, selon moi, de nature à autoriser un dispositif d’invalidation sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007. En effet, d’une part, ce règlement ne fait nulle part mention qu’une technologie particulière devrait être utilisée pour la réception CE par type. Seul un objectif en termes d’émission de polluants est fixé. D’autre part, ainsi qu’il est énoncé au considérant 7 dudit règlement, « [e]n fixant des normes pour les
émissions, il importe de prendre en compte les implications pour les marchés et la compétitivité des constructeurs, les coûts directs et indirects imposés aux entreprises et les avantages en termes de stimulation de l’innovation, d’amélioration de la qualité de l’air, de réduction des frais de santé tout comme des années de vie gagnées, ainsi que les implications pour le bilan total des émissions de CO2 ». Par conséquent, lorsque le législateur de l’Union a déterminé les valeurs limites
d’émission de polluants, il a déjà pris en compte les intérêts des constructeurs automobiles. C’est donc à ces derniers de s’adapter et d’appliquer des dispositifs techniques propres à respecter ces valeurs limites ( 69 ), sans que la technique utilisée soit nécessairement la meilleure possible ou soit imposée.
130. En outre, comme l’a relevé la Cour dans l’arrêt X, l’objectif visé par le règlement no 715/2007, consistant à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et à améliorer la qualité de l’air au sein de l’Union, implique de réduire effectivement les émissions de NOx tout au long de la vie normale des véhicules ( 70 ). Or, autoriser un dispositif d’invalidation au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de ce règlement au seul motif que, par exemple, les frais de recherche sont
élevés, le dispositif technique est coûteux ou que les opérations de maintenance du véhicule sont plus fréquentes et plus chères pour l’utilisateur, reviendrait à vider de sa substance ledit règlement ( 71 ).
131. Eu égard aux développements qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre à la deuxième question dans l’affaire C‑128/20, aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑134/20 ainsi qu’à la deuxième question, dans sa seconde partie, dans l’affaire C‑145/20 que l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 doit être interprété en ce sens qu’un dispositif d’invalidation qui n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température extérieure se situe
entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres ne relève pas de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à cette disposition, relative à la protection du moteur contre des dégâts ou un accident et au fonctionnement en toute sécurité du véhicule, si ce dispositif sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel.
C. Sur la quatrième question dans l’affaire C‑134/20
132. Par la quatrième question dans l’affaire C‑134/20, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007 doit être interprété en ce sens que la licéité d’un dispositif d’invalidation dépend de la question de savoir si ce dispositif équipait le véhicule dès la fabrication de ce dernier ou s’il n’a été installé qu’ultérieurement dans le cadre d’une réparation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44.
133. Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44, en cas de défaut de conformité du bien lors de sa délivrance, le consommateur a droit soit à la mise du bien dans un état conforme, sans frais, par réparation ou remplacement, conformément au paragraphe 3 de cet article, soit à une réduction adéquate du prix ou à la résolution du contrat en ce qui concerne ce bien, conformément aux paragraphes 5 et 6 dudit article.
134. En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑134/20 que l’installation du dispositif d’invalidation, sous la forme du logiciel en cause, avait pour but de remédier à l’illicéité du système de commutation et de se conformer aux dispositions du règlement no 715/2007 par le biais d’une réparation. La présente question repose sur la prémisse selon laquelle ce logiciel a permis au constructeur automobile concerné d’atteindre cet objectif. Il appartient à la juridiction de
renvoi de vérifier, eu égard aux réponses apportées aux questions précédemment examinées, si tel est le cas ( 72 ). Dans l’hypothèse d’une réponse négative, le dispositif d’invalidation serait, en tout état de cause, illicite sur le fondement de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.
135. À supposer que le dispositif d’invalidation en cause soit considéré par la juridiction de renvoi comme respectant les dispositions du règlement no 715/2007, je suis d’avis que la licéité d’un tel dispositif ne dépend pas de la question de savoir s’il équipait le véhicule concerné dès la fabrication de celui-ci.
136. En effet, tout d’abord, le libellé de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, ne fait pas de distinction selon que le dispositif d’invalidation équipait le véhicule dès l’origine ou s’il a été installé postérieurement, le moment de l’installation d’un tel dispositif n’étant pas mentionné par ces dispositions.
137. Ensuite, dans le contexte du règlement no 715/2007, l’article 4, paragraphe 1, de celui-ci énonce que les constructeurs démontrent que tous les nouveaux dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution qui nécessitent une réception et sont vendus ou mis en service dans l’Union ont été réceptionnés conformément à ce règlement et à ses mesures d’exécution et que ces obligations comportent le respect des limites d’émission visées à l’annexe I et les mesures d’exécution visées à l’article 5
dudit règlement. En outre, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 692/2008, « [l]e constructeur s’assure que les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution destinés à équiper les véhicules ayant obtenu la réception CE et relevant du champ d’application du règlement [no 715/2007] ont obtenu la réception CE en tant qu’entité technique distincte au sens de l’article 10, paragraphe 2 de la directive [2007/46], conformément aux articles 12 et 13 et à l’annexe XIII du
présent règlement ». Ainsi, il résulte de ces dispositions que tous les dispositifs de maîtrise de la pollution, qu’ils soient installés à l’origine ou ultérieurement, doivent respecter les obligations prévues par le règlement no 715/2007.
138. Enfin, comme il a déjà été énoncé, le règlement no 715/2007 a pour objectif de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement. Or, l’hypothèse selon laquelle il conviendrait de se placer uniquement à la date de la fabrication du véhicule signifierait que les constructeurs automobiles ne seraient pas tenus, après la mise en service d’un véhicule, d’installer un dispositif d’invalidation respectant les dispositions de ce règlement. Une telle hypothèse serait contraire à l’objectif
dudit règlement. En effet, il suffirait aux constructeurs, pour contourner les obligations énoncées par le même règlement, de remplacer le dispositif de maîtrise de la pollution d’origine, conforme au règlement no 715/2007, par un dispositif d’invalidation moins efficace et n’assurant pas le respect des valeurs limites prévues pour le NOx.
139. Par conséquent, je suis d’avis qu’il convient de répondre à la quatrième question dans l’affaire C‑134/20 que l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007 doit être interprété en ce sens que la licéité d’un dispositif d’invalidation ne dépend pas de la question de savoir si ce dispositif équipait le véhicule dès la fabrication de ce dernier ou s’il n’a été installé qu’ultérieurement dans le cadre d’une réparation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44.
D. Sur la première question dans l’affaire C‑145/20
140. Par la première question dans l’affaire C‑145/20, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un véhicule à moteur qui relève du champ d’application du règlement no 715/2007 présente la qualité habituelle d’un bien de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre dans la situation où ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3,
point 10, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement, ledit véhicule étant couvert par une réception CE par type en cours de validité.
141. À titre liminaire, je souligne que cette question repose sur la prémisse selon laquelle le véhicule concerné est doté d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement. Comme je l’ai indiqué ( 73 ), il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas.
142. Dans l’affirmative, il importe de rappeler que la finalité de la directive 1999/44 est, ainsi que l’indique le considérant 1 de celle-ci, de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs. En particulier, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive fait obligation au vendeur de livrer au consommateur un bien conforme au contrat de vente ( 74 ). Le considérant 8 de ladite directive précise que, pour faciliter l’application du principe de conformité au contrat, il est utile
d’introduire une présomption réfragable de conformité au contrat couvrant les situations les plus courantes et que, en l’absence de clauses contractuelles spécifiques de même qu’en cas d’application de la clause de protection minimale, les éléments mentionnés dans la présomption peuvent être utilisés pour déterminer le défaut de conformité du bien par rapport au contrat.
143. S’agissant en particulier des véhicules à moteur, je relève que, aux termes du considérant 3 de la directive 2007/46, les actes réglementaires définissant les exigences techniques « devraient avoir pour objectif principal de garantir un niveau élevé de sécurité routière, de protection de la santé et de l’environnement, de rendement énergétique et de protection contre une utilisation non autorisée » ( 75 ). En ce sens, l’article 3, point 5, de cette directive définit la « réception CE par type »
comme l’« acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI ». Ladite annexe IV, intitulée « Exigences aux fins d’une réception CE par type de véhicules », vise, dans sa partie I, intitulée « Actes réglementaires applicables aux fins d’une réception CE par type
des véhicules produits en séries illimitées », le règlement no 715/2007 en ce qui concerne les « [é]missions des véhicules utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6)/accès aux informations ». Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite directive énonce que les États membres n’immatriculent ou n’autorisent la vente ou la mise en service que pour des véhicules conformes aux exigences de la même directive.
144. Il découle de ces dispositions que, dans le cadre d’une réception CE par type, les véhicules concernés doivent respecter les exigences visées à l’annexe IV de la directive 2007/46, notamment celles relatives aux dispositifs d’invalidation. Si ce n’est pas le cas, ces véhicules ne disposent pas d’un certificat de conformité exact, tel que visé à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive et défini à l’article 3, point 36, de ladite directive comme le « document figurant à l’annexe IX [ ( 76
)], délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné en application de la présente directive satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production ». Ce document est obligatoire pour l’immatriculation ou la vente, en application de l’article 26, paragraphe 1, de la même directive.
145. Dans ses observations écrites, Porsche Inter Auto soutient que le consommateur attend d’un véhicule uniquement qu’il puisse rouler avec celui-ci et qu’il puisse le faire en toute sécurité, sans que l’absolue conformité de ce véhicule à toutes les exigences réglementaires présente un intérêt pour lui. Il convient cependant de souligner que cette position ne correspond pas au libellé de l’article 3, point 36, de la directive 2007/46, qui vise le respect de tous les actes réglementaires au moment
de la production pour la délivrance du certificat de conformité.
146. Dès lors qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé peut s’attendre à ce que les exigences réglementaires aux fins d’une réception CE par type de véhicules soient respectées, même en l’absence de clauses contractuelles spécifiques, il me paraît clair que le véhicule concerné, si toutes ces exigences ne sont pas remplies, n’est pas conforme au contrat de vente, au sens de la directive 1999/44 ( 77 ).
147. En effet, selon moi, en l’absence d’un certificat de conformité exact, le véhicule concerné ne correspond pas « à la description donnée par le vendeur », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 1999/44. De même, ce véhicule n’est pas « propre à tout usage spécial recherché par le consommateur » et n’est pas « propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b) et c) de cette directive. De la même façon,
s’agissant de l’interrogation de la juridiction de renvoi, ledit véhicule ne présente pas la « qualité et les prestations habituelles d’un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s’attendre, eu égard à la nature du bien », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de ladite directive.
148. Comme le souligne la Commission, cette interprétation est corroborée par l’article 7 de la directive 2019/771, intitulé « Critères objectifs de conformité », lequel énonce, à son paragraphe 1, sous a), que, en plus de satisfaire à toutes les exigences de conformité prévues dans le contrat, les biens doivent être adaptés aux finalités auxquelles serviraient normalement des biens de même type, compte tenu, s’il y a lieu, de toute disposition du droit de l’Union et du droit national en vigueur
ainsi que de toutes les normes techniques existantes ou, en l’absence de telles normes techniques, des codes de conduite spécifiques applicables au secteur concerné.
149. À mon avis, le fait que le type de véhicule concerné est couvert par une réception CE par type, permettant à celui-ci de circuler sur route, n’est pas de nature à modifier la réponse à donner à la question posée ( 78 ). En effet, cette réception peut, notamment, avoir été obtenue alors que l’organisme de réception ne connaissait pas la présence d’un dispositif illicite. Ainsi, dans l’affaire C‑145/20, la juridiction de renvoi indique que le type de véhicule concerné a été, à l’origine,
réceptionné par le KBA alors que la présence du système de commutation n’avait pas été révélée à cet organisme et que, si ce dernier avait eu connaissance de ce système, il n’aurait pas procédé à la réception CE par type.
150. Par conséquent, si le véhicule concerné est couvert par une réception CE par type, délivrée par l’organisme national compétent, il n’en reste pas moins que ce véhicule n’est pas conforme au contrat de vente, au sens de la directive 1999/44.
151. Partant, je propose de répondre à la première question dans l’affaire C‑145/20 que l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un véhicule à moteur qui relève du champ d’application du règlement no 715/2007 ne présente pas la qualité habituelle d’un bien de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre dans la situation où ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, de
ce règlement, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement, même si ledit véhicule est couvert par une réception CE par type en cours de validité.
E. Sur la troisième question dans l’affaire C‑145/20
152. Par la troisième question dans l’affaire C‑145/20, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un défaut de conformité consistant en la présence, dans le véhicule concerné, d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, peut être qualifié de « mineur » dans le cas où, à supposer
que le consommateur eût connaissance de l’existence et du fonctionnement de ce dispositif, il aurait néanmoins acheté ce véhicule.
153. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 1999/44 fait obligation au vendeur de livrer au consommateur un bien conforme au contrat de vente. Dans cette perspective, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, le vendeur répond, vis-à-vis du consommateur, de tout défaut de conformité existant lors de la délivrance du bien. Cet article 3 énumère, à son paragraphe 2, les droits que le consommateur peut faire valoir à l’encontre
du vendeur en cas de défaut de conformité du bien livré. Dans un premier temps, conformément au paragraphe 3 dudit article, le consommateur a le droit d’exiger la mise du bien dans un état conforme. À défaut de pouvoir obtenir cette mise en conformité, il peut exiger, dans un second temps, conformément au paragraphe 5 du même article, une réduction du prix ou la résolution du contrat. Toutefois, ainsi qu’il ressort du paragraphe 6 de cet article 3, dès lors que le défaut de conformité du bien
livré est mineur, le consommateur n’est pas autorisé à demander une telle résolution et, dans ce cas, il dispose uniquement du droit de demander une réduction adéquate du prix de vente du bien en cause ( 79 ).
154. Il découle ainsi de l’article 3, paragraphes 3 et 5, de la directive 1999/44, lu à la lumière du considérant 10 de celle-ci, que cette directive privilégie, dans l’intérêt des deux parties au contrat, l’exécution de ce dernier, au moyen des deux modes de dédommagement prévus en premier lieu, par rapport à la résolution du contrat ( 80 ).
155. En l’occurrence, la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑145/20 indique que DS, qui a agi contre Porsche Inter Auto pour demander la résolution du contrat de vente du véhicule 3, aurait acheté ce dernier, fût-ce à d’autres conditions, s’il avait eu connaissance du fait qu’il était équipé du système de commutation, à savoir un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.
Cette juridiction pose la présente question en considérant que ce véhicule est toujours équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de ces dispositions, après l’installation du logiciel en cause ( 81 ).
156. À titre liminaire, je relève que cette question repose sur l’hypothèse que DS pourrait demander la résolution du contrat de vente du véhicule 3. Or, c’est seulement si le consommateur n’a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien non conforme ou si le vendeur n’a pas mis en œuvre un de ces modes de dédommagement dans un délai raisonnable ou sans inconvénient majeur pour le consommateur, que ce dernier peut, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 1999/44, exiger la
résolution du contrat, sauf si, conformément à l’article 3, paragraphe 6, de cette directive, le défaut de conformité du bien est mineur ( 82 ). Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard de ces conditions, DS n’a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien non conforme ou si Porsche Inter Auto n’a pas mis en œuvre un des modes de dédommagement visés.
157. Par ailleurs, aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 1999/44, le défaut de conformité est réputé ne pas exister au sens de cet article si, au moment de la conclusion du contrat, le consommateur connaissait, ou ne pouvait raisonnablement ignorer, ce défaut ou si le défaut de conformité a son origine dans les matériaux fournis par le consommateur ( 83 ). Compte tenu de ce libellé, je suis d’avis que la connaissance du défaut de conformité par le consommateur revêt un caractère
objectif. Cette condition est remplie, par exemple, lorsque le vendeur informe le consommateur du défaut de conformité au moment de la vente et que celui-ci achète par conséquent le bien en toute connaissance de cause. Logiquement, ce consommateur ne peut plus ensuite se prévaloir de l’existence de ce défaut de conformité.
158. À mon sens, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 1999/44 ne peut trouver application dans l’affaire au principal. En effet, il n’est pas contesté que, au moment de la vente du véhicule 3, DS ne connaissait pas le défaut de conformité allégué et ne pouvait raisonnablement connaître ce défaut. Ainsi, la question posée par la juridiction de renvoi repose uniquement sur la disposition hypothétique de DS à acquérir ce véhicule même en ayant eu connaissance dudit défaut. Il s’agit d’un élément
subjectif, qui ne peut être prouvé et qui pourrait d’ailleurs évoluer dans le temps, notamment en fonction des informations dont dispose le consommateur quant à la gravité du défaut de conformité ( 84 ).
159. La directive 1999/44 ne définit pas la notion de « défaut de conformité “mineur” » ( 85 ). Par ailleurs, la Cour ne s’est pas prononcée directement sur la portée de cette notion ( 86 ). Il est difficile de donner une définition générale d’une telle notion, en ce qu’un défaut de conformité dépend de la situation concrète et doit être déterminé au cas par cas, en fonction du contrat conclu entre les parties. En tout état de cause, je suis d’avis qu’un défaut de conformité qui porte atteinte à la
sécurité et au bon fonctionnement du bien ne revêt pas un caractère « mineur », au sens de l’article 2, paragraphe 3, de cette directive ( 87 ). De même, un défaut n’est pas « mineur » lorsque le bien ne correspond pas aux stipulations du contrat. Par exemple, lorsqu’un consommateur commande une voiture qu’il spécifie de couleur rouge et que lui est délivrée une voiture de couleur bleue, le défaut de conformité ne peut être considéré comme « mineur », ce qui pourrait conduire, en application de
l’article 3, paragraphes 3 et 5, de ladite directive, à la résolution du contrat.
160. Certes, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, l’article 3 de la directive 1999/44 vise à établir un juste équilibre entre les intérêts du consommateur et ceux du vendeur, en garantissant à ce premier, en tant que partie faible au contrat, une protection complète et efficace contre une mauvaise exécution par le vendeur de ses obligations contractuelles, tout en permettant de tenir compte de considérations d’ordre économique invoquées par ce dernier ( 88 ). Par conséquent, la
résolution du contrat, qui constitue le mode de dédommagement le plus lourd dont dispose le consommateur, ne peut être demandée que lorsque le défaut de conformité présente une importance suffisante.
161. Cependant, ainsi qu’il a été énoncé au point 146 des présentes conclusions, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé peut s’attendre à ce que les exigences réglementaires aux fins d’une réception CE par type de véhicules soient respectées, même en l’absence de clauses contractuelles spécifiques. En présence d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007, le certificat de conformité n’est pas
exact ( 89 ). Or, en application de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2007/46, les États membres n’immatriculent des véhicules et n’en permettent la vente ou la mise en service que si ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité délivré conformément à l’article 18 de cette directive.
162. Dès lors, comme indiqué en réponse à la première question posée dans l’affaire C‑145/20, un véhicule, notamment, ne présente pas la qualité habituelle d’un bien de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44 dans la situation où ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007.
163. Dans ces conditions, je suis d’avis que le défaut de conformité dudit véhicule par rapport au contrat résultant de l’utilisation d’un tel dispositif ne peut être considéré comme étant « mineur », au sens de l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44.
164. Sur la base des considérations qui précèdent, je suggère de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑145/20 que l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un défaut de conformité consistant en la présence, dans le véhicule concerné, d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, ne peut être qualifié de « mineur »,
même dans le cas où, à supposer que le consommateur eût connaissance de l’existence et du fonctionnement de ce dispositif, il aurait néanmoins acheté ce véhicule.
V. Conclusion
165. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt, Autriche), le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt, Autriche) et l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) de la manière suivante :
1) L’article 3, point 10, du règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, tel que modifié par le règlement (CE) no 692/2008 de la Commission, du 18 juillet 2008, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce
sens que constitue un « dispositif d’invalidation » un dispositif qui, dans des conditions de conduite réelles d’un véhicule à moteur, n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres, alors que, en dehors de cette fenêtre, dans une marge de 10 degrés Celsius, et au-dessus de 1000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, le taux de
recyclage des gaz d’échappement est réduit linéairement à 0, avec la conséquence que les émissions d’oxyde d’azote (NOx) augmentent au-delà des valeurs limites fixées par ledit règlement.
2) L’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007, tel que modifié, doit être interprété en ce sens qu’un dispositif d’invalidation qui n’assure pleinement le recyclage des gaz d’échappement que lorsque la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres ne relève pas de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue à cette disposition, relative à la protection du moteur contre des dégâts ou un
accident et au fonctionnement en toute sécurité du véhicule, si ce dispositif sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel.
3) L’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007, tel que modifié, doit être interprété en ce sens que la licéité d’un dispositif d’invalidation ne dépend pas de la question de savoir si ce dispositif équipait le véhicule dès la fabrication de ce dernier ou s’il n’a été installé qu’ultérieurement dans le cadre d’une réparation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des
garanties des biens de consommation.
4) L’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un véhicule à moteur qui relève du champ d’application du règlement no 715/2007, tel que modifié, ne présente pas la qualité habituelle d’un bien de même type à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre dans la situation où ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 5,
paragraphe 2, dudit règlement, même si ledit véhicule est couvert par une réception CE par type en cours de validité.
5) L’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 doit être interprété en ce sens qu’un défaut de conformité consistant en la présence, dans le véhicule concerné, d’un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, tel que modifié, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, ne peut être qualifié de « mineur », même dans le cas où, à supposer que le consommateur eût connaissance de l’existence et du fonctionnement
de ce dispositif, il aurait néanmoins acheté ce véhicule.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l’air représente le principal risque environnemental pour la santé. Voir rapport de celle-ci intitulé « Ambient air pollution : A global assessment of exposure and burden of disease », 13 mai 2016, p. 15.
( 3 ) Sur les normes Euro successives en matière d’émissions d’oxyde d’azote (NOx), voir document d’information de la Cour des comptes européenne intitulé « La réaction de l’UE au scandale du “dieselgate” », février 2019, p. 9.
( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO 2007, L 171, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 692/2008 de la Commission, du 18 juillet 2008 (JO 2008, L 199, p. 1) (ci-après le « règlement no 715/2007 »).
( 5 ) Voir arrêt X, point 27.
( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO 1999, L 171, p. 12).
( 7 ) Directive du Conseil du 6 février 1970 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO 1970, L 42, p. 1).
( 8 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO 2007, L 263, p. 1), telle que modifiée par le règlement (UE) no 214/2014 de la Commission, du 25 février 2014 (JO 2014, L 69, p. 3) (ci-après la « directive 2007/46 »).
( 9 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE (JO 2018, L 151, p. 1).
( 10 ) Le libellé de cette annexe résulte du règlement (UE) 2017/1151 de la Commission, du 1er juin 2017, complétant le règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, modifiant la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 692/2008 de la
Commission et le règlement (UE) no 1230/2012 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) no 692/2008 (JO 2017, L 175, p. 1).
( 11 ) Règlement de la Commission du 10 mars 2016 portant modification du règlement (CE) no 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) (JO 2016, L 82, p. 1).
( 12 ) Tel que modifié par le règlement (UE) 2017/1154 de la Commission du 7 juin 2017 (JO 2017, L 175, p. 708) (ci-après le « règlement 2017/1151 »).
( 13 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44 (JO 2019, L 136, p. 28).
( 14 ) La vanne EGR est également appelée « soupape pour le recyclage des gaz d’échappement ».
( 15 ) Dans les trois présentes affaires, la Cour a décidé de statuer sans tenir d’audience, en raison des risques sanitaires liés à la pandémie de coronavirus.
( 16 ) Pour une présentation générale du cadre réglementaire relatif à la réception des véhicules à moteur, voir conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire CLCV e.a. (Dispositif d’invalidation sur moteur diesel) (C‑693/18, EU:C:2020:323, points 45 à 54).
( 17 ) Voir arrêt X, points 27 et 31.
( 18 ) Arrêt X, point 68.
( 19 ) Arrêt X, point 90.
( 20 ) Arrêt X, point 102.
( 21 ) Voir arrêt X, point 115.
( 22 ) Arrêt du 29 avril 2021, Bank BPH (C‑19/20, EU:C:2021:341, point 37 et jurisprudence citée).
( 23 ) Voir point 47 des présentes conclusions.
( 24 ) Voir point 83 des présentes conclusions.
( 25 ) De même, l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 715/2007 énonce que les « mesures techniques adoptées par le constructeur doivent être telles qu’elles garantissent une limitation effective des émissions au tuyau arrière d’échappement et des émissions par évaporation, conformément au présent règlement, tout au long de la vie normale des véhicules, dans des conditions d’utilisation normales ». (Mise en italique par mes soins)
( 26 ) Voir arrêt du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem) (C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 69 et jurisprudence citée).
( 27 ) Le NEDC s’effectue en laboratoire et consiste en la répétition de quatre cycles urbains, suivis d’un cycle extra-urbain. Je relève que, aux termes du point 6.1.1 de l’annexe 4, intitulée « Essai de type I », du règlement no 83 de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) – Prescriptions uniformes relatives à l’homologation des véhicules en ce qui concerne l’émission de polluants selon les exigences du moteur en matière de carburant (JO 2006, L 375, p. 242),
« [p]endant l’essai, la température de la chambre d’essai doit être comprise entre [...] (20 et 30 [degrés Celsius]) ».
( 28 ) Ainsi que l’indiquent les considérants 1 à 3 du règlement 2017/1151, le NEDC a été remplacé par le cycle d’essai WLTP (procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers).
( 29 ) En ce sens, le gouvernement allemand, dans ses observations écrites, souligne que, de l’avis actuellement unanime des autorités chargées de la réception par type en Europe, il faut entendre par « conditions normales de fonctionnement et d’utilisation » les conditions réelles telles qu’elles existent habituellement en Europe.
( 30 ) Voir arrêt X, point 101.
( 31 ) Sur les écarts entre les émissions de NOx mesurées dans le cadre du processus de réception par type et celles enregistrées sur route, voir document d’information de la Cour des comptes européenne, intitulé « La réaction de l’UE au scandale du “dieselgate” », février 2019, p. 15.
( 32 ) Voir considérant 4 du règlement 2016/427. La procédure d’essai RDE fait l’objet des affaires jointes Allemagne et Hongrie/Commission et Commission/Ville de Paris e.a. (C‑177/19 P à C‑179/19 P). L’avocat général Bobek a présenté ses conclusions dans ces affaires le 10 juin 2021 (EU:C:2021:476).
( 33 ) Voir article 1er, point 1, du règlement 2016/427.
( 34 ) Voir arrêt X, point 86.
( 35 ) À cet égard, je relève que l’altitude moyenne de l’Autriche est d’environ 900 mètres.
( 36 ) https://www.wien.gv.at/statistik/lebensraum/tabellen/temperatur-zr.html
( 37 ) Le Deutscher Wetterdienst est le service météorologique en Allemagne. Voir, respectivement, https://www.dwd.de/DE/presse/pressemitteilungen/DE/2017/20171229_deutschlandwetter_jahr2017_news.html#:~:text=Mit%209%2C6%20Grad%20Celsius,Abweichung%20%2B0%2C7%20Grad ; https://www.dwd.de/DE/presse/pressemitteilungen/DE/2018/20181228_deutschlandwetter_jahr2018_news.html#:~:text=Die%20Temperatur%20lag%20im%20Jahr,den%20w%C3%A4rmsten%20Regionen%20in%20Deutschland ;
https://www.dwd.de/DE/presse/pressemitteilungen/DE/2019/20191230_deutschlandwetter_jahr2019.pdf?__blob=publicationFile&v=3.
( 38 ) Météo-France est le service officiel de la météorologie et de la climatologie en France. Voir, respectivement, http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2017/bilan-climatique-de-l-annee-2017 ; http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2018/bilan-climatique-de-l-annee-2018 ; http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bilan-2019/bilan-climatique-de-l-annee-2019.
( 39 ) L’IMGW est l’institut de météorologie et de gestion de l’eau en Pologne. Voir https://www.imgw.pl/sites/default/files/2021-04/imgw-pib-klimat-polski-2020-opracowanie-final-pojedyncze-min.pdf (p. 12).
( 40 ) Aux termes du point 9.5 de l’annexe IIIA du règlement 2017/1151, « [s]i, durant un intervalle de temps particulier, les conditions ambiantes sont étendues conformément au point 5.2, les émissions de polluants au cours de cet intervalle de temps particulier, calculées conformément à l’appendice 4, sont divisées par une valeur de 1,6 avant d’être évaluées pour déterminer leur conformité aux prescriptions de la présente annexe ».
( 41 ) Dans ses observations écrites, le gouvernement allemand souligne qu’un dispositif d’invalidation conçu de telle sorte que le taux de recyclage des gaz d’échappement ne fonctionne à 100 % que dans une fenêtre de températures se situant entre 15 et 33 degrés Celsius est, en l’état actuel du développement technique, illicite, étant donné que cette fenêtre se situe nettement au-dessus de la température moyenne annuelle en Allemagne et qu’une modification de ladite fenêtre permettant de couvrir
une plage de températures plus étendue, notamment vers le bas, est techniquement possible. Ce gouvernement ajoute que, pour les années passées, une décision de l’autorité chargée de la réception par type, au cas par cas, se rapportant à un type déterminé de véhicule et dans laquelle les particularités de la motorisation en cause doivent être prises en compte, est nécessaire.
( 42 ) Les deux autres exceptions prévues respectivement à l’article 5, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 715/2007 ne sont pas applicables dans les affaires au principal.
( 43 ) Avec l’emploi de la conjonction « et », je comprends cette disposition en ce sens que les conditions prévues sont cumulatives. Ainsi, le critère du « fonctionnement en toute sécurité du véhicule » n’est pas indépendant de l’existence de « dégâts » ou d’un « accident » et l’un de ces derniers doit, en tout état de cause, être présent.
( 44 ) Arrêt X, points 106 et 107.
( 45 ) Arrêt X, point 108. Dans l’arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt (C‑532/18, EU:C:2019:1127, point 35), la Cour a considéré, dans le même sens, que le sens ordinaire donné à la notion d’« accident » se comprend comme un « événement involontaire dommageable imprévu ». Voir, également, arrêt du 12 mai 2021, Altenrhein Luftfahrt (C‑70/20, EU:C:2021:379, point 33).
( 46 ) Arrêt X, point 108.
( 47 ) Arrêt X, point 109.
( 48 ) Arrêt X, point 110.
( 49 ) Arrêt X, point 114.
( 50 ) Arrêt X, point 115.
( 51 ) L’arrêt X a été prononcé après la fin de la procédure écrite dans les présentes affaires. Cependant, les conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire X, quant à elles, ont pu être commentées par les intervenants. Ces derniers ont notamment été interrogés, dans le cadre des questions pour réponse écrite posées par la Cour, sur les conséquences à tirer de l’arrêt X dans les présentes affaires.
( 52 ) Ainsi que le relève la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑134/20, la vanne EGR redirige les gaz d’échappement depuis la sortie du moteur dans le collecteur d’admission, pour y remplacer une partie de l’air frais, ce qui réduit la température et ralentit le processus de combustion, entraînant une limitation des émissions de NOx. Par ailleurs, l’échangeur EGR a pour fonction de refroidir les gaz brûlés (voir également, sur le fonctionnement de la vanne EGR, point 33 de l’arrêt X).
( 53 ) Le gouvernement allemand indique que, s’agissant des moteurs diesel de génération Euro 6 les plus modernes, les fenêtres de températures jouent un rôle mineur du fait de l’utilisation de radiateurs d’air d’admission, le système RGE continuant néanmoins à être nécessaire à des températures extérieures extrêmes, par exemple lorsqu’il fait – 10 degrés Celsius.
( 54 ) Conclusions dans l’affaire CLCV e.a. (Dispositif d’invalidation sur moteur diesel) (C‑693/18, EU:C:2020:323).
( 55 ) Point 135 de ces conclusions.
( 56 ) https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9D0864.
( 57 ) « Un dommage est un préjudice physique causé à un objet » (traduction libre). Voir https://www.collinsdictionary.com/dictionary/english/damage.
( 58 ) « Eine Beschädigung ist jede Einwirkung auf eine Sache, die ihre stoffliche Zusammensetzung verändert oder ihre bestimmungsgemäße Brauchbarkeit nicht nur geringfügig beeinträchtigt. Eine Substanzverletzung ist nicht erforderlich » (traduction libre). Voir https://www.rechtswoerterbuch.de/recht/b/beschaedigung/.
( 59 ) Mise en italique par mes soins. La même définition est reprise à l’article 2, point 18, du règlement 2017/1151.
( 60 ) Mise en italique par mes soins.
( 61 ) Les mêmes éléments sont mentionnés au point 3.3 de l’annexe I du règlement 2017/1151. Par ailleurs, l’annexe XI du règlement no 692/2008, intitulée « Systèmes de diagnostic embarqués (OBD) pour les véhicules à moteur », reprend, à son appendice 2, la séparation entre le moteur et le système de contrôle des émissions. Cette distinction est également établie à l’annexe XI, appendice 2, du règlement 2017/1151.
( 62 ) Arrêt X, point 112.
( 63 ) Arrêt X, point 110.
( 64 ) Arrêt X, point 114.
( 65 ) Dans l’hypothèse où un entretien régulier et adéquat du véhicule permet d’éviter le dysfonctionnement de la vanne EGR, les risques immédiats de dégâts qui génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule sont parfaitement évitables. Il n’y a alors, à mon sens, pas de problème de fonctionnement du moteur et de sécurité du véhicule.
( 66 ) Voir jurisprudence citée au point 86 des présentes conclusions.
( 67 ) La Commission soutient que, lorsqu’il est invoqué pour justifier une stratégie auxiliaire de limitation des émissions, le risque de dommage soudain et irréparable du moteur devrait être dûment démontré et documenté [voir la communication de la Commission du 26 janvier 2017 intitulée « Orientations pour l’évaluation des stratégies auxiliaires de limitation des émissions et de la présence de dispositifs d’invalidation en ce qui concerne l’application du règlement (CE) no 715/2007 relatif à la
réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) », C(2017) 352 final, point 2.2, p. 8].
( 68 ) Dans l’affirmative, je suis d’avis que la condition selon laquelle le besoin du dispositif doit se justifier pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule, prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007, serait alors également remplie.
( 69 ) Dans son rapport sur l’enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l’automobile, du 2 mars 2017, p. 44, le Parlement européen a relevé que la « conduite à des températures ambiantes très faibles (ou à des altitudes très élevées, où la pression de l’air est faible) peut poser des difficultés aux systèmes [EGR], du fait de l’éventuelle création de suie, d’hydrocarbures et de produits de condensation qui peuvent obstruer la vanne [EGR] ou l’échangeur intermédiaire de chaleur et
causer, par exemple, une augmentation des émissions de particules ou de polluants d’hydrocarbure [...] Cependant, les constructeurs semblent couper les systèmes [EGR] d’une manière injustifiablement rapide et à une proximité injustifiable de la fourchette de températures utilisée dans le cycle d’essais ».
( 70 ) Arrêt X, point 113.
( 71 ) En ce sens, la Cour fait référence dans sa jurisprudence au principe général selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée).
( 72 ) Voir, notamment, point 126 des présentes conclusions.
( 73 ) Voir point 126 des présentes conclusions.
( 74 ) Arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:637, points 25 et 26).
( 75 ) Voir, sur les principes du droit dérivé de l’Union en matière d’immatriculation de véhicules, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire RDW e.a. (C‑326/17, EU:C:2018:760, points 29 à 38).
( 76 ) Le point 0 de l’annexe IX de la directive 2007/46 énonce que « [l]e certificat de conformité constitue une déclaration délivrée par le constructeur du véhicule à l’acheteur en vue de garantir à celui-ci que le véhicule qu’il a acquis est conforme à la législation en vigueur dans l’Union européenne au moment de sa production ».
( 77 ) En ce sens, la Cour a jugé que la personne qui a acquis un véhicule peut légitimement estimer que ce véhicule serait conforme aux prescriptions légales qui s’imposent au constructeur automobile (arrêt du 9 juillet 2020, Verein für Konsumenteninformation, C‑343/19, EU:C:2020:534, point 37). Sur l’analyse selon laquelle, dans les relations entre les professionnels et les consommateurs, les produits et les services doivent être conformes à l’attente légitime des consommateurs, voir Calais-Auloy,
J., Temple, H., et Depincé, M., Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, Paris, 2020, p. 225 et suiv.
( 78 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Commission/Allemagne (C‑668/16, EU:C:2018:802, points 85 à 89).
( 79 ) Arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:637, points 26 à 28).
( 80 ) Arrêt du 23 mai 2019, Fülla (C‑52/18, EU:C:2019:447, point 61).
( 81 ) Je rappelle qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas, ainsi qu’il a été relevé au point 126 des présentes conclusions.
( 82 ) Arrêt du 23 mai 2019, Fülla (C‑52/18, EU:C:2019:447, point 60).
( 83 ) La dernière hypothèse n’est pas applicable dans l’affaire au principal.
( 84 ) À cet égard, notamment, il ne peut être demandé au consommateur d’anticiper le résultat de l’analyse relative à la qualification juridique du défaut de conformité du bien (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros, C‑32/12, EU:C:2013:637, point 40).
( 85 ) La notion de « défaut de conformité “mineur” » est déjà présente dans la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la vente et les garanties des biens de consommation, du 18 juin 1996 [COM(95) 520 final, p. 1]. L’exposé des motifs de cette proposition énonce que, « dans un esprit de compromis, et afin de permettre une transposition de la directive adaptée aux différentes traditions nationales, il est admis que les États membres limitent le choix du consommateur pour les
cas de défauts de conformité mineurs » (p. 14). Par ailleurs, la directive 1999/44 est abrogée avec effet au 1er janvier 2022 par la directive 2019/771, laquelle ne définit pas davantage la notion de « défaut de conformité “mineur” ».
( 86 ) Je relève que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:637, points 17, 18 et 20), un consommateur avait acheté une voiture équipée d’un toit coulissant et, en cas de pluie, de l’eau s’infiltrait par le toit à l’intérieur de ce véhicule. Ce consommateur ayant demandé la résolution du contrat de vente, la juridiction de renvoi a considéré que le défaut à l’origine du litige dont il était saisi était « mineur », au sens de l’article 3,
paragraphe 6, de la directive 1999/44. Dans ses conclusions dans cette affaire Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:128, point 57), l’avocate générale Kokott a indiqué que, dans des affaires comparables, d’autres juridictions européennes, dont des Cours suprêmes, ont déclaré que l’infiltration d’eau ne saurait être considérée comme un défaut mineur et que ces décisions n’ont tenu aucun compte du fait que, malgré l’infiltration d’eau, le véhicule restait utilisable comme moyen de transport.
( 87 ) Voir, en ce sens, Durovic, M., « Consumer sales law in the European Union », Comparative Consumer Sales Law, 2018, p. 1 à 182, spéc. p. 41.
( 88 ) Arrêt du 23 mai 2019, Fülla (C‑52/18, EU:C:2019:447, point 41 et jurisprudence citée).
( 89 ) Voir également point 144 des présentes conclusions.