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02/09/2021 | CJUE | N°C-86/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 2 septembre 2021., Vinařství U Kapličky s.r.o. contre Státní zemědělská a potravinářská inspekce., 02/09/2021, C-86/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 2 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑86/20

Vinařství U Kapličky s.r.o.

contre

Státní zemědělská a potravinářská inspekce, ústřední inspektorát

[demande de décision préjudicielle formée par le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque)]

« Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Vin – Règlement (UE) no 1308/2013 – Règles relatives à la comm

ercialisation – Article 80 – Pratiques œnologiques – Article 90 – Importations de vin – Règlement (CE) no 555/2008 – Article 43 – Document V I 1 – Att...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 2 septembre 2021 ( 1 )

Affaire C‑86/20

Vinařství U Kapličky s.r.o.

contre

Státní zemědělská a potravinářská inspekce, ústřední inspektorát

[demande de décision préjudicielle formée par le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque)]

« Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Vin – Règlement (UE) no 1308/2013 – Règles relatives à la commercialisation – Article 80 – Pratiques œnologiques – Article 90 – Importations de vin – Règlement (CE) no 555/2008 – Article 43 – Document V I 1 – Attestation – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 89 – Sanctions – Commercialisation de vin en provenance d’un pays tiers – Vin élaboré selon des pratiques œnologiques non autorisées – Exonération de
responsabilité – Sanctions effectives et dissuasives »

I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vinařství U Kapličky s.r.o., une société tchèque, à la Státní zemědělská a potravinářská inspekce, ústřední inspektorát (inspection centrale de l’autorité nationale de contrôle agroalimentaire, République tchèque, ci-après l’« inspection centrale ») au sujet de l’amende qui a été infligée à cette société en raison de la mise en circulation de lots de vin en provenance de Moldavie élaborés selon des pratiques
œnologiques non autorisées par le droit de l’Union européenne.

2. Cette demande porte, en substance, sur l’interprétation du règlement (UE) no 1308/2013 ( 2 ) ainsi que du règlement (CE) no 555/2008 ( 3 ) et concerne, d’une part, la question de la pertinence des documents, établis par un organisme du pays tiers de provenance des lots de vin susmentionnés, attestant la conformité de ceux-ci aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union lors de leur importation, aux fins de l’examen de la responsabilité d’un commerçant en vin qui ne respecte pas
ces pratiques œnologiques, et, d’autre part, la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle une personne peut se libérer de sa responsabilité pour la mise en circulation de lots de vin importés d’un pays tiers et élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées par le droit de l’Union, dès lors que les autorités nationales ne parviennent pas à renverser la « présomption de conformité » de ces lots de vin aux pratiques œnologiques
autorisées par le droit de l’Union, conférée par un document V I 1.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Les règles sur les pratiques œnologiques : le règlement no 1308/2013

3. Le règlement no 1308/2013, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles et, notamment, pour le vin ( 4 ).

4. Les considérants 4 et 71 du règlement no 1308/2013 énoncent :

« (4) Il y a lieu de préciser que le règlement (UE) no 1306/2013 ( 5 ) [...] et les dispositions adoptées en application dudit règlement devraient en principe s’appliquer aux mesures prévues par le présent règlement. En particulier, le règlement [no 1306/2013] arrête les dispositions permettant de garantir le respect des obligations prévues par les dispositions relatives à la [politique agricole commune (PAC)], et notamment les contrôles et l’application de mesures administratives et de sanctions
administratives en cas de non-respect, ainsi que les règles relatives à la constitution et à la libération des garanties ainsi qu’au recouvrement des paiements indus.

[...]

(71) Les normes de commercialisation devraient permettre au marché d’être facilement approvisionné en produits de qualité normalisée et satisfaisante et porter, en particulier, sur les définitions techniques, les classements, la présentation, le marquage et l’étiquetage, le conditionnement, la méthode de production, la conservation, le stockage, le transport, les documents administratifs s’y rapportant, la certification et les échéances, les restrictions concernant l’usage et l’écoulement. »

5. Le titre II du règlement no 1308/2013 inclut, dans son chapitre I qui comprend les articles 73 à 123, les règles relatives à la commercialisation. Aux termes de l’article 80, intitulé « Pratiques œnologiques et méthodes d’analyse » :

« 1.   Seules les pratiques œnologiques autorisées conformément à l’annexe VIII et prévues à l’article 75, paragraphe 3, [sous] g), et à l’article 83, paragraphes 2 et 3, sont utilisées pour la production et la conservation dans l’Union de produits énumérés à l’annexe VII, partie II [ ( 6 )].

[...]

Les pratiques œnologiques autorisées ne sont utilisées qu’aux fins d’une bonne vinification, d’une bonne conservation ou d’un bon élevage du produit.

Les produits énumérés à l’annexe VII, partie II, sont élaborés dans l’Union conformément aux règles énoncées à l’annexe VIII [ ( 7 )].

2.   Les produits énumérés à l’annexe VII, partie II, ne sont pas commercialisables dans l’Union, si :

a) ils sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées à l’échelle de l’Union ;

b) ils sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées à l’échelon national ; ou

c) ils ne respectent pas les règles établies à l’annexe VIII.

[...] »

6. L’article 90 du règlement no 1308/2013, intitulé « Dispositions particulières relatives aux importations de vin », est libellé comme suit :

« 1.   Sauf dispositions contraires, contenues notamment dans les accords internationaux conclus en conformité avec le traité [FUE], les dispositions relatives aux appellations d’origine et aux indications géographiques et à l’étiquetage du vin figurant à la section 2 du présent chapitre, ainsi que les définitions, dénominations et dénominations de vente visées à l’article 78 du présent règlement, s’appliquent aux produits relevant des codes NC 200961, 200969 et 2204 [ ( 8 )] qui sont importés
dans l’Union.

2.   Sauf dispositions contraires contenues dans les accords internationaux conclus en conformité avec le traité [FUE], les produits visés au paragraphe 1 du présent article sont produits selon les pratiques œnologiques autorisées par l’Union sur la base du présent règlement ou, avant l’autorisation prévue à l’article 80, paragraphe 3, selon les pratiques œnologiques recommandées et publiées par l’[Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV)].

3.   L’importation des produits visés au paragraphe 1 est soumise à la présentation :

a) d’une attestation confirmant le respect des dispositions visées aux paragraphes 1 et 2, établie par un organisme compétent, figurant sur une liste rendue publique par la Commission, dans le pays d’origine du produit ;

b) d’un rapport d’analyse établi par un organisme ou service désigné par le pays d’origine du produit, si le produit est destiné à la consommation humaine directe. »

2. Les règles sur la documentation relative à l’importation de vin dans l’Union

a) Le règlement no 555/2008

7. Le règlement no 555/2008 ( 9 ), ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, établit les modalités d’application des dispositions du règlement (CE) no 479/2008 ( 10 ), relatif à l’organisation commune du marché vitivinicole, notamment en ce qui concerne les échanges avec les pays tiers (titre IV).

8. Le considérant 40 du règlement no 555/2008 énonce :

« Afin d’éviter les fraudes, il est nécessaire de contrôler l’attestation et, le cas échéant, le bulletin d’analyse concernant chaque lot du produit importé. À cet effet, il y a lieu que ce ou ces documents accompagnent chacun des lots jusqu’à ce qu’il soit placé sous le régime de contrôle communautaire. »

9. Le titre III de ce règlement, qui comprend les articles 38 à 54, règle les échanges avec les pays tiers. L’article 40 dudit règlement, intitulé « Documents exigés », qui figure au chapitre II de ce titre, intitulé « Attestations et rapports d’analyse des vins, jus de raisins et moûts de raisins à l’importation », dispose :

« L’attestation et le rapport d’analyse visés respectivement aux points a) et b) de l’article 82, paragraphe 3, du [règlement no 479/2008 ( 11 )] font l’objet d’un même document dont :

a) le volet “attestation” est établi par un organisme du pays tiers de provenance des produits ;

b) le volet “rapport d’analyse” est établi par un laboratoire officiel reconnu par le pays tiers de provenance des produits. »

10. L’article 41 du règlement no 555/2008, intitulé « Contenu du rapport d’analyse », prévoit :

« Le rapport d’analyse comporte les indications suivantes :

a) en ce qui concerne les vins et les moûts de raisins partiellement fermentés :

i) le titre alcoométrique volumique total ;

ii) le titre alcoométrique volumique acquis ;

b) en ce qui concerne les moûts de raisins et les jus de raisins, la densité ;

c) en ce qui concerne les vins, les moûts de raisins et les jus de raisins :

i) l’extrait sec total ;

ii) l’acidité totale ;

iii) l’acidité volatile ;

iv) l’acidité citrique ;

v) l’anhydride sulfureux total ;

[...] »

11. L’article 43 de ce règlement, intitulé « Document V I 1 », qui figure à la section 2 du titre III, chapitre II, intitulée « Conditions à remplir, modalités d’établissement et utilisation de l’attestation et du rapport d’analyse prévus à l’importation des vins, jus de raisins et moûts de raisins », énonce, à son paragraphe 1 :

« L’attestation et le rapport d’analyse sont établis sur un même document V I 1 pour chaque lot destiné à être importé dans la Communauté.

Le document visé au premier alinéa est établi sur un formulaire V I 1 correspondant au modèle présenté à l’annexe IX ; il est signé par un fonctionnaire d’un organisme officiel et par un fonctionnaire d’un laboratoire reconnu visé à l’article 48. »

12. L’article 44 dudit règlement, intitulé « Description des documents », est libellé comme suit :

« 1.   Les formulaires V I 1 sont composés, dans l’ordre, d’un original dactylographié ou manuscrit et d’une copie obtenue simultanément lors de la frappe ou de la rédaction.

2.   Le formulaire V I 2 est un extrait établi conformément au modèle figurant à l’annexe X à partir des données figurant sur un document V I 1 ou un autre extrait V I 2, et visé par un bureau de douane dans la Communauté. Les formulaires V I 2 sont composés, dans l’ordre, d’un original et de deux copies.

3.   Les documents V I 1 et les extraits V I 2 répondent aux exigences techniques énoncées à l’annexe XI.

4.   L’original et la copie accompagnent le produit. Les formulaires V I 1 et V I 2 doivent être remplis à la machine ou à la main ou à l’aide de moyens techniques équivalents reconnus par un organisme officiel. En cas de rédaction manuscrite, les formulaires sont remplis à l’encre et en caractères d’imprimerie. Les formulaires ne comportent ni grattages ni surcharges. Les modifications qui y sont apportées sont effectuées en biffant les indications erronées et en ajoutant, le cas échéant, les
indications voulues. Toute modification ainsi réalisée doit être approuvée par son auteur et visée, selon ce qui convient, par l’organisme officiel, le laboratoire ou les autorités douanières.

[...] »

13. L’article 47 du même règlement, intitulé « Prescriptions d’utilisation », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’original et la copie du document V I 1 ou de l’extrait V I 2 sont remis, lors de l’accomplissement des formalités douanières requises pour la mise en libre pratique du lot auquel ils se rapportent, aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel cette opération est effectuée.

[...] »

14. L’article 48 du règlement no 555/2008, intitulé « Liste des organismes compétents », énonce :

« 1.   La Commission établit et tient à jour des listes rassemblant les noms et les adresses des organismes et des laboratoires, ainsi que des producteurs de vin habilités à établir des documents V I 1, sur la base des informations notifiées par les autorités compétentes des pays tiers. La Commission publie sur Internet les noms et les adresses desdits organismes et laboratoires.

2.   Les notifications des autorités compétentes des pays tiers visées au paragraphe 1 contiennent :

a) les noms et les adresses des organismes et des laboratoires officiels reconnus ou désignés aux fins de l’établissement des documents V I 1 ;

b) les noms, les adresses et les numéros d’enregistrement officiels des producteurs de vin autorisés à établir eux-mêmes les documents V I 1.

Ne sont retenus sur les listes visées au paragraphe 1 que des organismes et des laboratoires visés au premier alinéa, [sous] a), qui ont été habilités par les autorités compétentes du pays tiers concerné à fournir à la Commission et aux États membres, sur demande, tout renseignement utile pour permettre l’appréciation des données figurant sur le document.

3.   Les listes sont actualisées, notamment pour tenir compte des modifications résultant des changements d’adresse et/ou de dénomination des organismes ou des laboratoires. »

15. Le titre VI de ce règlement, qui comprend les articles 96 à 104, concerne les dispositions générales, transitoires et finales. Aux termes de l’article 98, intitulé « Sanctions nationales » :

« Sans préjudice des sanctions décrites dans le [règlement no 479/2008] ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l’application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées dans le [règlement no 479/2008] et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. »

16. Les points 9 et 10 du formulaire figurant à l’annexe IX du règlement no 555/2008, intitulé « Document V I 1 prévu à l’article 43, paragraphe 1 », sont libellés comme suit :

« 9. ATTESTATION

Le produit ci-dessus désigné [...]☐ est/☐ n’est pas destiné à la consommation humaine directe, répond à la définition communautaire des catégories de produits vitivinicoles et a été élaboré conformément aux pratiques œnologiques [...] ☐ recommandées et publiées par l’OIV/ ☐ autorisées par la Communauté.

[...]

10. RAPPORT D’ANALYSE (décrivant les caractéristiques analytiques du produit désigné ci-dessus)

[...]

POUR LES VINS [...]

– Titre alcoométrique total : – Titre alcoométrique acquis :

[...] »

b) Le règlement (CE) no 607/2009

17. Le règlement (CE) no 607/2009 ( 12 ), ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, intitulé « Objet », fixe les modalités d’application du titre III du règlement no 479/2008 en ce qui concerne, notamment, les dispositions figurant au chapitre VI de ce titre, relatives à l’étiquetage et à la présentation de certains produits du secteur vitivinicole.

18. L’article 56 du règlement no 607/2009, intitulé « Indication de l’embouteilleur, du producteur, de l’importateur et du vendeur » ( 13 ), prévoit, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de l’application de l’article 59, paragraphe 1, [sous] e) et f), du règlement [no 479/2008] [ ( 14 )] et du présent article, on entend par :

[...]

d) “importateur” : la personne physique ou morale, ou le groupement de ces personnes, établie dans la Communauté qui assume la responsabilité de la mise en libre pratique des marchandises non communautaires au sens de l’article 4, paragraphe 8, du règlement (CEE) no 2913/92 ( 15 ) [...] ;

[...] »

3. Les règles relatives aux sanctions

a) Le règlement (CE) no 178/2002

19. Le règlement (CE) no 178/2002 ( 16 ), ainsi qu’il ressort de son article 1er, contient les dispositions de base concernant notamment la sécurité des aliments, au niveau de l’Union et au niveau national.

20. L’article 17 de ce règlement, intitulé « Responsabilités », prévoit :

« 1.   Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions.

2.   Les États membres assurent l’application de la législation alimentaire ; ils contrôlent et vérifient le respect par les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale des prescriptions applicables de la législation alimentaire à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution.

[...]

Les États membres fixent également les règles relatives aux mesures et sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. Les mesures et sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

b) Le règlement no 1306/2013

21. Le règlement no 1306/2013, ainsi qu’il ressort de son article 1er, établit les règles régissant notamment le financement des dépenses au titre de la PAC et les systèmes de gestion et de contrôle à mettre en place par les États membres.

22. Le considérant 39 de ce règlement énonce :

« [...] En cas d’infraction à la législation agricole sectorielle, si des actes juridiques de l’Union n’ont pas fixé de règles précises en matière de sanctions administratives, les États membres devraient imposer des sanctions nationales qui doivent être effectives, dissuasives et proportionnées. »

23. Le titre V dudit règlement, intitulé « Systèmes de contrôle et sanctions », prévoit, à son article 64, intitulé « Application de sanctions administratives » :

« [...]

2. Il n’est imposé aucune sanction administrative :

[...]

d) lorsque la personne concernée peut démontrer, d’une manière jugée convaincante par l’autorité compétente, qu’elle n’a pas commis de faute en ne respectant pas les obligations visées au paragraphe 1 ou que l’autorité compétente a acquis d’une autre manière la conviction que la personne concernée n’a pas commis de faute ;

[...] »

24. L’article 89 du même règlement, intitulé « Autres contrôles et sanctions relatifs aux règles de mise sur le marché », dispose, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3.   Les États membres effectuent des contrôles, sur la base d’une analyse de risque, afin de vérifier que les produits visés à l’annexe I du [règlement no 1308/2013] respectent les règles établies à la partie II, titre II, chapitre I, section I, [de ce] règlement et, le cas échéant, appliquent des sanctions administratives.

4.   Sans préjudice des actes concernant le secteur du vin qui sont adoptés sur la base de l’article 64, les États membres appliquent, en cas d’infraction aux règles de l’Union dans le secteur du vin, des sanctions administratives proportionnées, effectives et dissuasives. Ces sanctions ne s’appliquent pas dans les cas décrits à l’article 64, paragraphe 2, [sous] a) à d), ni lorsque le non-respect est d’ordre mineur. »

B.   Le droit tchèque

25. L’article 39, paragraphe 1, sous ff), du zákon č. 321/2004 Sb., o vinohradnictví a vinařství (loi no 321/2004 relative à la viticulture et à la viniculture, ci-après la « loi no 321/2004 »), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 mars 2017, dispose :

« Une personne morale ou une personne physique, en sa qualité de producteur ou de personne commercialisant un produit, commet une infraction administrative en ce qu’elle [...] enfreint une obligation édictée par une disposition de l’[Union] régissant la viticulture, le secteur vitivinicole ou le commerce du vin. »

26. L’article 40, paragraphe 1, de la loi no 321/2004 est libellé comme suit :

« Une personne morale n’est pas tenue responsable d’une infraction administrative si elle démontre n’avoir négligé aucun effort exigible de sa part pour empêcher la violation de l’obligation. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

27. Par une décision du 14 janvier 2016, le Státní zemědělská a potravinářská inspekce, Inspektorát v Brně (autorité nationale de contrôle agroalimentaire, section de Brno, République tchèque) a reconnu Vinařství U Kapličky, commerçant en vin, coupable d’infractions administratives au sens de l’article 39, paragraphe 1, sous ff), de la loi no 321/2004, lui a infligé une amende d’un montant de 2100000 couronnes tchèques (CZK) (environ 80000 euros) et lui a enjoint le remboursement de frais d’analyse
de laboratoire pour un montant de 86420 CZK (environ 3000 euros), en raison de la mise en circulation par cette société, en République tchèque, de lots de vin importés de Moldavie (ci-après les « produits en question ») qui avaient été élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées, en violation de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, ou qui ne respectaient pas les règles concernant les augmentations du titre alcoométrique volumique naturel, en violation de
l’article 80, paragraphe 2, sous c), de ce règlement (ci-après les « infractions litigieuses »).

28. À la suite de plusieurs procédures administratives et juridictionnelles dans lesquelles les recours de Vinařství U Kapličky ont été soit accueillis, au motif qu’il n’était, en principe, pas exclu que cette société puisse se libérer de sa responsabilité au titre des infractions litigieuses sur le fondement des documents V I 1 établis par les autorités moldaves compétentes, en application du règlement no 555/2008, soit rejetés, au motif que les documents V I 1 constituaient une simple formalité
administrative aux fins de l’entrée des produits en question dans l’Union et ne suffisaient pas pour exonérer ladite société de sa responsabilité au titre des infractions litigieuses, l’Ústavní soud (Cour constitutionnelle, République tchèque), par décision du 5 septembre 2019, a constaté une violation du droit de Vinařství U Kapličky à un procès équitable en raison du fait que le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) avait rejeté l’argument fondé sur le
caractère contraignant de l’attestation figurant dans le document V I 1 sans saisir préalablement la Cour d’une question préjudicielle sur le fondement de l’article 267 TFUE.

29. Dans ce contexte, le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le document V I 1, délivré en application du [règlement no 555/2008], qui contient une attestation d’un organisme agréé d’un pays tiers certifiant que le produit a été élaboré selon des pratiques œnologiques recommandées et publiées par l’OIV ou approuvées par la Communauté, constitue-t-il une simple condition administrative aux fins de l’entrée du vin sur le territoire de l’[Union] ?

2) Le droit de l’Union s’oppose-t-il à une règle nationale qui permet à un commerçant en vin importé de Moldavie de se libérer de sa responsabilité au titre de l’infraction consistant à mettre en circulation du vin élaboré selon des pratiques œnologiques non autorisées au niveau de l’[Union] dès lors que les autorités nationales ne réfutent pas la supposition selon laquelle le vin a été élaboré selon des pratiques œnologiques approuvées par [l’Union], que ce commerçant aurait pu déduire du
document V I 1 délivré par les organismes moldaves en application du [règlement no 555/2008] ? »

30. Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement tchèque et par la Commission européenne. Les mêmes parties ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour. Le gouvernement italien, qui n’avait pas déposé d’observations écrites, a également répondu à ces questions. La Cour a décidé de statuer sans audience de plaidoiries, conformément à l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure.

IV. Analyse

A.   Sur la première question préjudicielle

1. Considérations liminaires

31. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’attestation prévue à l’article 90, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1308/2013, qui figure dans le document V I 1 établi au sens de l’article 43 du règlement no 555/2008 et selon laquelle les produits en question ont été élaborés selon des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, constitue une simple « condition administrative » aux fins de l’entrée de ces produits sur le
territoire de l’Union ou si, en revanche, elle est pertinente afin d’établir la responsabilité d’un commerçant du fait de la commercialisation desdits produits lorsqu’ils ne sont pas conformes à ces pratiques au sens de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

32. En l’occurrence, lorsqu’elle a examiné la responsabilité de Vinařství U Kapličky pour les infractions litigieuses, l’inspection centrale a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les documents V I 1 relatifs aux produits en question, au motif que ces documents n’auraient pas permis à cette société de se libérer de sa responsabilité au titre de ces infractions, tandis que, selon la juridiction de renvoi, la réglementation de l’Union reconnaît d’emblée les attestations établies par les
organismes habilités à établir des documents V I 1, sauf dans l’hypothèse d’un abus de confiance. Partant, l’attestation figurant dans le document V I 1 ne constituerait pas une simple formalité administrative à des fins douanières, mais pourrait faire naître chez le commerçant en vin l’impression que le vin importé respecte certains standards de qualité.

33. À cet égard, le gouvernement tchèque soutient que le document V I 1 sert uniquement à l’accomplissement des formalités douanières nécessaires à la mise en libre pratique des produits en question et n’est pas pertinent aux fins de la commercialisation subséquente de ces produits sur le territoire de l’Union, tandis que la Commission considère qu’un tel document présente une certaine pertinence pour établir les caractéristiques desdits produits, bien qu’il ne garantisse pas automatiquement la
conformité du vin importé aux règles de l’Union, laquelle devrait être vérifiée au moyen de contrôles supplémentaires effectués par l’État membre concerné ou par l’importateur. Le gouvernement italien se rallie également, en substance, à cette dernière position.

34. Dans les points suivants des présentes conclusions, il me semble utile de présenter un aperçu du cadre réglementaire applicable, pour ensuite examiner la pertinence du document V I 1 dans le cadre de l’examen de la responsabilité d’un commerçant telle que soulevée dans l’affaire au principal.

2. Sur le cadre réglementaire applicable

35. En premier lieu, le règlement no 1308/2013 établit notamment les règles relatives aux pratiques œnologiques et aux méthodes d’analyse ainsi que les conditions pour l’importation des produits de la vigne. L’article 80, paragraphe 2, de ce règlement dispose, en substance, que ces produits ne sont pas commercialisables dans l’Union s’ils sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées. L’article 90, paragraphe 3, sous a) et b), dudit règlement établit que l’importation desdits produits
est soumise à la présentation des deux éléments suivants :

– d’une part, une attestation confirmant le respect des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union ou recommandées et publiées par l’OIV, établie par un organisme compétent du pays tiers de provenance du produit, figurant sur une liste rendue publique par la Commission, dans le pays d’origine de ce produit ;

– d’autre part, un rapport d’analyse, établi par un organisme ou un service désigné par le pays d’origine dudit produit.

36. En second lieu, le règlement no 555/2008 prévoit notamment les documents exigés lors de l’importation des produits en cause. L’article 40 de ce règlement précise que l’attestation et le rapport d’analyse susvisés font l’objet d’un même document, qui est défini par l’article 43 dudit règlement comme le « document V I 1 ». Cette dernière disposition prévoit également, en son paragraphe 1, second alinéa, que ce document est établi, pour chaque lot destiné à être importé dans l’Union, sur un
« formulaire V I 1 » correspondant au modèle présenté à l’annexe IX du même règlement. Ce formulaire, qui est reproduit au point 16 des présentes conclusions, contient, d’une part, un modèle prérempli d’attestation, par lequel l’organisme compétent certifie notamment que les produits examinés ont été élaborés conformément aux pratiques œnologiques recommandées et publiées par l’OIV ou autorisées par l’Union et, d’autre part, un modèle prérempli de rapport d’analyse à compléter avec l’indication
du titre alcoométrique volumique total et du titre alcoométrique volumique acquis.

37. Au sens de l’article 47 du règlement no 555/2008, le document V I 1 est remis aux autorités douanières compétentes du pays d’importation, lors de l’accomplissement des formalités douanières requises pour la mise en libre pratique des produits.

3. Sur la pertinence du document V I 1

38. S’agissant de la pertinence du document V I 1 dans le cadre de l’examen de la responsabilité d’un commerçant du fait de la commercialisation de vin qui n’est pas conforme aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, il faut, à mon avis, distinguer entre, d’une part, les règles relatives à l’importation et à la mise en libre pratique des produits en question dans l’Union ( 17 ) et, d’autre part, celles relatives à la commercialisation de ces produits sur le marché de l’Union. Si,
aux fins de l’importation et de la mise en libre pratique desdits produits, il est suffisant d’en vérifier l’origine, l’authenticité et les caractéristiques qualitatives au moment de l’importation, notamment au moyen de documents établis par des organismes habilités selon la réglementation de l’Union, pour la commercialisation des mêmes produits, il est notamment nécessaire qu’ils soient conformes auxdites pratiques œnologiques à tout moment.

39. Or, si la présentation du document V I 1 aux autorités compétentes de l’État membre dans lequel sont accomplies les formalités douanières permet la mise en libre pratique des produits en cause, elle ne suffit pas en soi pour conclure que ces produits satisfont à tout moment aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union et requises pour leur commercialisation sur le marché de l’Union. Ainsi que le souligne la Commission, le vin étant un produit complexe et sensible à plusieurs
conditions externes, y compris pendant son transport, la non-conformité de ce produit aux normes de l’Union pourrait également résulter d’une intervention ayant lieu après la délivrance de ce document. C’est la raison pour laquelle des contrôles périodiques supplémentaires, à la charge de l’importateur ( 18 ), sont nécessaires pour en assurer la qualité.

40. En d’autres termes, il me semble évident que, en principe, le respect des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union aux fins de l’importation et de la mise en libre pratique du vin, dont relèvent l’attestation et le rapport d’analyse qui font l’objet du document V I 1, ne suffit pas, à lui seul, à garantir le respect de ces pratiques lors de la commercialisation de ce vin au sens de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

41. Cela étant, dans la mesure où le document V I 1 atteste, au moment de l’importation, la conformité d’un lot de vin aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, il ne saurait être conclu que ce document constitue une simple « formalité administrative » dépourvue de toute pertinence aux fins de l’appréciation de la responsabilité du commerçant liée à la commercialisation de ce vin. À mon avis, ledit document peut être pris en compte par les autorités nationales compétentes parmi
les éléments pertinents aux fins d’examiner la diligence dont le commerçant en vin a fait preuve et, par conséquent, aux fins d’écarter la responsabilité de celui-ci pour des infractions telles que celles visées dans l’affaire au principal.

42. Certes, la pertinence du document V I 1 devra être appréciée à la lumière des circonstances de l’espèce, par exemple en fonction du temps écoulé après la délivrance de ce document, des déplacements et des autres interventions éventuelles subis par les produits en cause ainsi que de toute autre circonstance susceptible d’affecter la qualité de ces produits ( 19 ). À cet égard, sans vouloir empiéter sur les compétences de la juridiction de renvoi, je me limiterai à souligner que les circonstances
mises en exergue par le gouvernement tchèque, qui démontrent que Vinařství U Kapličky devait avoir conscience du caractère problématique des vins qu’elle importait ( 20 ), dès lors qu’elles seraient confirmées par la juridiction de renvoi, font que la pertinence dudit document en l’espèce est très limitée.

43. En conclusion, je propose de répondre à la première question préjudicielle que l’article 90, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que l’attestation qui figure dans un document V I 1, établi au sens de l’article 43 du règlement no 555/2008, selon laquelle les produits en cause ont été élaborés selon des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, ne constitue pas une simple « condition administrative » aux fins de l’entrée du vin sur le
territoire de l’Union et peut être prise en compte parmi les éléments pertinents pour établir la responsabilité d’un commerçant pour la commercialisation de vin non conforme à ces pratiques au sens de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

B.   Sur la seconde question préjudicielle

1. Considérations liminaires

44. Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle une personne peut se libérer de sa responsabilité au titre des infractions litigieuses si les autorités nationales ne renversent pas la présomption, conférée par l’attestation figurant dans le document V I 1, selon laquelle les produits en cause ont été élaborés conformément aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de
l’Union.

45. À cet égard, la juridiction de renvoi interprète l’article 40, paragraphe 1, de la loi no 321/2004, à la lumière de la jurisprudence de l’Ústavní soud (Cour constitutionnelle), en ce sens que l’attestation figurant dans le document V I 1 crée une présomption (réfragable) de conformité du lot de vin certifié aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union. Cette « présomption de conformité » s’appliquerait, me semble-t-il, non seulement au moment de l’importation du produit en
question, mais aussi tout au long de la commercialisation de celui-ci dans l’Union.

46. Le gouvernement tchèque estime que le droit de l’Union ne permet pas à une société telle que Vinařství U Kapličky de s’exonérer de sa responsabilité au titre des infractions litigieuses en se fondant uniquement sur le document V I 1, tandis que la Commission considère que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une règle nationale qui permet à un commerçant en vin importé de Moldavie de se libérer de sa responsabilité au titre des infractions litigieuses s’il prouve qu’il a déployé tous les
efforts qui pouvaient être exigés de sa part pour empêcher une telle violation, à condition qu’une telle règle nationale ne soit pas interprétée en ce sens que la simple présentation, par ce commerçant, du document V I 1 délivré par les autorités compétentes moldaves suffit pour le libérer de sa responsabilité au titre de ces infractions.

47. Avant d’entamer mon analyse sur la compatibilité d’une présomption telle que celle évoquée par la juridiction de renvoi avec le droit de l’Union, il me semble utile de présenter un aperçu du cadre réglementaire applicable.

2. Sur le cadre réglementaire applicable

48. Ainsi que le rappelle le considérant 4 du règlement no 1308/2013, les sanctions relatives aux violations des règles établies par ce règlement sont arrêtées par le règlement no 1306/2013, qui établit notamment les règles régissant les systèmes de gestion et de contrôle des États membres en ce qui concerne le financement des dépenses au titre de la PAC. L’article 89 de ce dernier règlement prévoit, en son paragraphe 4, que les États membres appliquent, en cas d’infraction aux règles de l’Union
dans le secteur du vin, parmi lesquelles l’article 80 du règlement no 1308/2013, des sanctions administratives « proportionnées, effectives et dissuasives ». Cette même disposition énonce que ces sanctions ne s’appliquent pas, en outre, au cas décrit à l’article 64, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1306/2013, à savoir lorsque la personne concernée peut démontrer, d’une manière jugée convaincante par l’autorité compétente, qu’elle n’a pas commis de faute en ne respectant pas les obligations
découlant de l’application de la législation agricole sectorielle ou que l’autorité compétente a acquis d’une autre manière la conviction que cette personne n’a pas commis de faute.

49. Je relève que des règles relatives à la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire et des États membres ainsi qu’aux sanctions s’y rapportant sont également prévues à l’article 17 du règlement no 178/2002 ( 21 ), ainsi qu’à l’article 98 du règlement no 555/2008 ( 22 ), qui ne sont pas directement applicables dans la présente affaire ( 23 ).

50. En tout état de cause, l’article 89 du règlement no 1306/2013, l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002 et l’article 98 du règlement no 555/2008 énoncent les mêmes exigences juridiques, en laissant aux États membres, conformément au principe d’autonomie procédurale, la faculté de prévoir des sanctions administratives pour la violation des règles, notamment, en matière de pratiques œnologiques et en exigeant que les sanctions de droit national à appliquer en cas de violation du droit
de l’Union soient proportionnées, effectives et dissuasives ( 24 ).

51. S’agissant de la réglementation nationale pertinente, l’article 40, paragraphe 1, de la loi no 321/2004 dispose qu’une personne morale n’est pas tenue responsable d’une infraction administrative si elle démontre n’avoir négligé aucun effort exigible de sa part pour empêcher la violation de l’obligation en cause.

3. Sur l’interprétation de la réglementation pertinente de l’Union

52. Ainsi que je l’ai relevé aux points 48 à 50 des présentes conclusions, la réglementation pertinente de l’Union attribue aux États membres la compétence d’adopter des sanctions administratives au titre de la violation des règles concernant le respect des pratiques œnologiques, tout en imposant que ces sanctions soient « proportionnées, effectives et dissuasives ». En outre, la seconde question préjudicielle ne vise pas les sanctions elles-mêmes, mais une règle de procédure qui, en substance,
lorsqu’un commerçant en vin dispose d’un document V I 1, renverse la charge de la preuve quant à l’établissement de la responsabilité de ce commerçant pour la commercialisation d’un produit élaboré selon des pratiques œnologiques non autorisées par le droit de l’Union.

53. À cet égard, je rappelle que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de les établir, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile
l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) ( 25 ).

54. S’agissant du principe d’effectivité, qui est en cause dans l’affaire au principal, je rappelle que, selon l’article 89, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013, les États membres appliquent, en cas d’infraction aux règles de l’Union dans le secteur du vin, des sanctions qui soient notamment « effectives et dissuasives » ( 26 ) ; conformément au droit de l’Union, il est nécessaire de vérifier que leurs modalités d’application, y compris toute règle de procédure pertinente, n’aillent pas à
l’encontre de ce principe, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’établir. En effet, à première vue, une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en rendant particulièrement difficile, voire impossible, l’établissement de la responsabilité d’un commerçant en vin au titre de la violation des règles concernant les pratiques œnologiques de l’Union ( 27 ), est à même d’affecter l’effectivité des sanctions prévues par cette réglementation, en
application du droit de l’Union.

55. Aux fins de fournir à la juridiction de renvoi des éléments d’interprétation utiles, relevant du droit de l’Union, qui lui permettront de statuer elle-même sur la compatibilité de la réglementation nationale pertinente avec le droit de l’Union, je relèverai tout d’abord que, aux termes de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement no 607/2009, l’importateur est la personne, physique ou morale, ou le groupement de ces personnes, établie dans l’Union, qui assume la responsabilité de la mise
en libre pratique des marchandises importées et est responsable notamment de leur conformité avec les pratiques œnologiques de l’Union conformément à l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

56. Ensuite, je constate que l’interprétation envisagée par la juridiction de renvoi de l’article 40, paragraphe 1, de la loi no 321/2004 comporte, en substance, une inversion de la charge de la preuve quant à l’établissement de la responsabilité du commerçant en vin pour la commercialisation de produits qui sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées par le droit de l’Union au sens de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, inversion qui se fonde
exclusivement sur l’attestation figurant dans le document V I 1 ( 28 ).

57. Enfin, je rappelle que, aux termes de l’article 90, paragraphe 3, du règlement no 1308/2013, cette attestation est présentée aux fins de l’importation des produits en question et que, selon l’article 47 du règlement no 555/2008, ce document est remis aux autorités compétentes lors de l’accomplissement des formalités douanières requises pour la mise en libre pratique de ces produits. Ainsi que je l’ai relevé en réponse à la première question préjudicielle ( 29 ), ladite attestation n’est donc pas
conçue pour attester le respect des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union tout au long de la commercialisation desdits produits, ainsi que le prévoit l’article 80, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013.

58. Dans ces circonstances, je doute qu’une inversion de la charge de la preuve quant à la responsabilité de la personne commercialisant les produits en question, qui fait basculer la charge du contrôle de la qualité de ces produits sur les autorités nationales compétentes et rend particulièrement difficile, voire impossible, l’établissement de la responsabilité de cette personne, puisse être fondée sur une attestation, telle que celle figurant dans le document V I 1, qui certifie le respect des
pratiques œnologiques de l’Union au moment de l’importation d’un produit tel que le vin, qui est complexe et sensible à plusieurs conditions externes intervenant au moment de son transport ou d’autres manipulations ou interventions ultérieures. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires.

59. En conclusion, je propose de répondre à la seconde question préjudicielle que l’article 89 du règlement no 1306/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle un commerçant qui importe du vin d’un pays tiers n’est pas responsable de la non-conformité de lots de vin faisant l’objet de l’attestation figurant dans un document V I 1 aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, dès lors que les autorités nationales ne parviennent pas
à renverser la « présomption de conformité » conférée par ce document, lorsque cette présomption rend particulièrement difficile, voire impossible, l’établissement de la responsabilité de ce commerçant, compte tenu notamment de ce que :

– aux termes de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement no 607/2009, l’importateur est la personne, physique ou morale, ou le groupement de ces personnes, établie dans l’Union qui assume la responsabilité de la mise en libre pratique des marchandises importées ;

– l’interprétation envisagée par la juridiction de renvoi de la réglementation nationale comporte, en substance, une inversion de la charge de la preuve quant à l’établissement de la responsabilité du commerçant en vin pour la commercialisation de produits qui sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées par le droit de l’Union, qui se fonde exclusivement sur l’attestation figurant dans le document V I 1 ;

– cette attestation n’est pas spécialement conçue pour garantir le respect des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union tout au long de la commercialisation de ces produits, ainsi que le prévoit l’article 80, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013.

V. Conclusion

60. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque) de la manière suivante :

1) L’article 90, paragraphe 3, sous a), du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, doit être interprété en ce sens que l’attestation qui figure dans les documents V I 1, établis au sens de l’article 43 du règlement (CE) no 555/2008 de la Commission, du 27 juin 2008, fixant les
modalités d’application du règlement (CE) no 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d’aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole, selon laquelle des lots de vin importés dans l’Union européenne ont été élaborés selon des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union ne constitue pas une simple « condition administrative » aux fins de l’entrée du
vin sur le territoire de l’Union et peut être prise en compte parmi les éléments pertinents pour établir la responsabilité d’un commerçant pour la commercialisation de vin qui n’est pas conforme aux pratiques œnologiques autorisées au sens de l’article 80, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

2) L’article 89 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle un commerçant qui importe du vin d’un pays tiers n’est pas responsable de
la non-conformité de lots de vin faisant l’objet de l’attestation figurant dans un document V I 1 aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, dès lors que les autorités nationales ne parviennent pas à renverser la « présomption de conformité » conférée par ce document, lorsque cette présomption rend particulièrement difficile, voire impossible, d’établir la responsabilité de ce commerçant, compte tenu notamment de ce que :

– aux termes de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement no 607/2009, l’importateur est la personne, physique ou morale, ou le groupement de ces personnes, établie dans l’Union qui assume la responsabilité de la mise en libre pratique des marchandises importées ;

– l’interprétation envisagée par la juridiction de renvoi de la réglementation nationale comporte, en substance, une inversion de la charge de la preuve quant à l’établissement de la responsabilité du commerçant en vin pour la commercialisation de produits qui sont élaborés selon des pratiques œnologiques non autorisées par le droit de l’Union, fondée exclusivement sur l’attestation figurant dans le document V I 1 ;

– cette attestation n’est pas spécialement conçue pour garantir le respect des pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union tout au long de la commercialisation de ces produits, ainsi que le prévoit l’article 80, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).

( 3 ) Règlement de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d’aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole (JO 2008, L 170, p. 1).

( 4 ) Ce règlement a abrogé le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1).

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13).

( 6 ) Cette partie concerne les « catégories de produits de la vigne », parmi lesquelles figure le « vin », défini comme « le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins ».

( 7 ) Cette annexe concerne les « [p]ratiques œnologiques visées à l’article 80 ».

( 8 ) Ces codes incluent notamment les moûts de raisins et les vins.

( 9 ) Ce règlement a été modifié par l’article 52 du règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission, du 11 décembre 2017, complétant le [règlement no 1308/2013] en ce qui concerne le régime d’autorisations de plantations de vigne, le casier viticole, les documents d’accompagnement et la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations obligatoires, les notifications et la publication des informations notifiées, complétant le [règlement no 1306/2013] en ce qui concerne les
contrôles et les sanctions applicables, modifiant les règlements [no 555/2008], (CE) no 606/2009 et (CE) no 607/2009 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) no 436/2009 de la Commission et le règlement délégué (UE) 2015/560 de la Commission (JO 2018, L 58, p. 1). Cette disposition a abrogé toutes les dispositions du règlement no 555/2008 citées ci-après, qui toutefois demeurent applicables ratione temporis dans l’affaire au principal.

( 10 ) Règlement du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) no 1493/1999, (CE) no 1782/2003, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) no 2392/86 et (CE) no 1493/1999 (JO 2008, L 148, p. 1). Ce règlement a été abrogé par le règlement (CE) no 491/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, modifiant le règlement no 1234/2007 (JO 2009, L 154, p. 1). Selon l’article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement
no 491/2009, les références faites au règlement no 479/2008 s’entendaient comme faites au règlement no 1234/2007, qui a été à son tour abrogé par le règlement no 1308/2013.

( 11 ) L’article 82 du règlement no 479/2008 a été remplacé par l’article 158 bis du règlement no 1234/2007, qui a été à son tour remplacé par l’article 90 du règlement no 1308/2013.

( 12 ) Règlement de la Commission du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d’application du règlement no 479/2008 en ce qui concerne les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l’étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole (JO 2009, L 193, p. 60). Ce règlement a été abrogé par le règlement délégué (UE) 2019/33 de la Commission, du 17 octobre 2018, complétant le règlement no 1308/2013 en ce qui
concerne les demandes de protection des appellations d’origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d’opposition, les restrictions d’utilisation, les modifications du cahier des charges, l’annulation de la protection, l’étiquetage et la présentation (JO 2019, L 9, p. 2). Néanmoins, compte tenu de la date des faits en cause dans l’affaire au principal, le règlement no 607/2009 demeure applicable à cette affaire.

( 13 ) Cette disposition fait partie du chapitre IV de ce règlement, intitulé « Étiquetage et présentation », dans sa section 1, intitulée « Indications obligatoires ».

( 14 ) L’article 59 de ce règlement, intitulé « Indications obligatoires », prévoyait, à son paragraphe 1, sous e) et f), notamment, que l’étiquetage et la présentation du vin commercialisé dans l’Union ou destiné à l’exportation comportaient l’indication obligatoire, d’une part, de l’identité de l’embouteilleur ou, dans le cas des vins mousseux, des vins mousseux gazéifiés, des vins mousseux de qualité ou des vins mousseux de qualité de type aromatique, le nom du producteur ou du vendeur, ainsi
que, d’autre part, l’identité de l’importateur dans le cas des vins importés. L’article 59 dudit règlement a été remplacé, sans être modifié, par l’article 118 sexvicies du règlement no 1234/2007, qui a été à son tour remplacé par l’article 119 du règlement no 1308/2013.

( 15 ) Règlement du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), abrogé par le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1), à son tour abrogé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).

( 16 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1).

( 17 ) Je relève que la réglementation de l’Union concernant le document V I 1 n’opère pas une distinction claire entre l’utilisation de ce document aux fins, d’une part, de l’importation des produits en question et, d’autre part, de leur mise en libre pratique. Si l’article 90, paragraphe 3, du règlement no 1308/2013 prévoit notamment que l’importation des vins est soumise à la présentation de l’attestation et du rapport d’analyse qui, selon les articles 40 et 43 du règlement no 555/2008, font
l’objet du document V I 1, l’article 47 de ce règlement précise que ce document est remis aux autorités compétentes lors de l’accomplissement des formalités douanières requises pour la mise en libre pratique du lot auquel il se rapporte.

( 18 ) Aux termes de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement no 607/2009, aux fins notamment de l’application de l’article 59, paragraphe 1, sous f), du règlement no 479/2008 [qui correspond actuellement à l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1308/2013 – voir note en bas de page 14 des présentes conclusions], l’« importateur » est « la personne physique ou morale, ou le groupement de ces personnes, établie dans [l’Union] qui assume la responsabilité de la mise en libre
pratique des marchandises [importées] » (mise en italique par mes soins).

( 19 ) Par exemple, il me semble que, si l’attestation figurant dans ce document peut avoir une certaine pertinence pour vérifier si l’importateur a fait preuve d’une diligence raisonnable au moment de la mise en libre pratique du lot de vin concerné par cette attestation, tel n’est plus le cas une fois que ce produit a été transféré ou manipulé, ou même lorsqu’un certain temps s’est écoulé depuis l’importation de celui-ci.

( 20 ) Le gouvernement tchèque se réfère notamment à une sanction encourue par cette société au cours de l’année 2014 pour des vins importés et au fait que l’inspection centrale avait exprimé des doutes quant à la qualité de certains vins importés, au prix d’achat extrêmement bas des produits en question et aux modalités « opaques » de vente, lors du passage, avant la vente en détail, de ces produits entre deux sociétés gérées par les mêmes personnes.

( 21 ) Cet article prévoit, d’une part, en son paragraphe 1, que les exploitants du secteur alimentaire veillent au respect des prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions et, d’autre part, en son paragraphe 2, que les États membres, entre autres, contrôlent et vérifient le respect par les exploitants des prescriptions qui leur sont applicables et fixent les règles relatives aux mesures et aux sanctions applicables en cas de
violation de ces règles, précisant que les mesures et les sanctions prévues doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives ».

( 22 ) Cet article impose notamment aux États membres de prévoir l’application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées par le règlement no 479/2008, remplacé actuellement par le règlement no 1308/2013 (voir note en bas de page 10 des présentes conclusions), qui soient « effectives, proportionnées et dissuasives », de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers de l’Union.

( 23 ) S’agissant de l’article 17 du règlement no 178/2002, la Cour a déjà jugé que cet article constitue une règle générale dans le domaine des denrées alimentaires qui s’applique uniquement dans la mesure où le droit de l’Union ne prévoit pas de règles spécifiques pour certaines catégories de denrées alimentaires (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, C‑211/03, C‑299/03 et C‑316/03 à C‑318/03, EU:C:2005:370, points 36 à 39). Or, l’article 89 du règlement
no 1306/2013 constitue, à mon avis, une telle règle. S’agissant du règlement no 555/2008, ainsi qu’il ressort de son article 1er, il établit les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 479/2008, parmi lesquelles ne figure pas l’article 27, paragraphe 4, de ce règlement, qui a été remplacé, en substance, par l’article 80, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 (voir note en bas de page 10 des présentes conclusions).

( 24 ) Je cite également le considérant 39 du règlement no 1306/2013, qui énonce notamment que, en cas d’infraction à la législation agricole sectorielle, si des actes juridiques de l’Union n’ont pas fixé de règles précises en matière de sanctions administratives, les États membres devraient imposer des sanctions nationales qui doivent être effectives, dissuasives et proportionnées.

( 25 ) Voir arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a. (C‑74/14, EU:C:2016:42, point 32 et jurisprudence citée).

( 26 ) Je précise que l’exigence selon laquelle ces sanctions soient également « proportionnées » au sens de cette disposition n’est pas en cause en l’espèce.

( 27 ) En effet, la « présomption de conformité » conférée par un document V I 1 pourrait être interprétée dans le sens que, selon l’article 40, paragraphe 1, de la loi no 321/2004, une personne morale qui détient ce document n’a négligé aucun effort exigible de sa part pour empêcher la violation de l’article 80, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 et n’est donc pas responsable d’une infraction à cette disposition. Dans une telle situation, s’il n’est pas impossible, en principe, pour l’autorité
compétente d’effectuer elle-même des analyses pour vérifier la conformité du vin aux pratiques œnologiques autorisées par le droit de l’Union, il serait presque impossible pour cette autorité de démontrer la responsabilité du commerçant en vin lorsque ce dernier ne s’est pas conformé à ces pratiques.

( 28 ) Cela pourrait avoir comme conséquence que la personne commercialisant le produit ayant obtenu une telle attestation ne serait pas tenue de procéder à des contrôles, qui resteraient exclusivement à la charge des autorités nationales.

( 29 ) Voir points 38 à 42 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-86/20
Date de la décision : 02/09/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Krajský soud v Brně.

Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Vin – Règlement (UE) no 1308/2013 – Règles relatives à la commercialisation – Article 80 – Pratiques œnologiques – Interdiction de commercialisation – Article 90 – Importations de vin – Règlement (CE) no 555/2008 – Article 43 – Document V I 1 – Attestation d’élaboration de lots de vin conformément aux pratiques œnologiques recommandées ou autorisées – Valeur probante – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 89, paragraphe 4 – Sanctions – Commercialisation de vin en provenance d’un pays tiers – Vin élaboré selon des pratiques œnologiques non autorisées – Exonération de responsabilité – Charge de la preuve.

Agriculture et Pêche

Vin


Parties
Demandeurs : Vinařství U Kapličky s.r.o.
Défendeurs : Státní zemědělská a potravinářská inspekce.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:682

Source

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