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15/07/2021 | CJUE | N°C-693/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 15 juillet 2021., SPV Project 1503 Srl et Dobank SpA contre YB et Banco di Desio e della Brianza SpA e.a. contre YX et ZW., 15/07/2021, C-693/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 15 juillet 2021 ( 1 )

Affaires jointes C‑693/19 et C‑831/19

SPV Project 1503 Srl,

Dobank SpA

contre

YB (C‑693/19)

et

Banco di Desio e della Brianza SpA,

Banca di Credito Cooperativo di Carugate e Inzago sc,

Intesa Sanpaolo SpA,

Banca Popolare di Sondrio s.c.p.a,

Cerved Credit Management SpA

contre

YX,

ZW (C‑831/19)

[demande de décision préjud

icielle formée par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec le...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 15 juillet 2021 ( 1 )

Affaires jointes C‑693/19 et C‑831/19

SPV Project 1503 Srl,

Dobank SpA

contre

YB (C‑693/19)

et

Banco di Desio e della Brianza SpA,

Banca di Credito Cooperativo di Carugate e Inzago sc,

Intesa Sanpaolo SpA,

Banca Popolare di Sondrio s.c.p.a,

Cerved Credit Management SpA

contre

YX,

ZW (C‑831/19)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1 – Principe d’effectivité – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Procédure d’injonction de payer – Procédure d’exécution forcée – Injonction de payer ayant acquis force de chose jugée – Pouvoir du juge de l’exécution d’examiner le caractère abusif d’une clause – Principe de l’autorité de la chose jugée –
Forclusion »

I. Introduction

1. Ces deux demandes de décision préjudicielle introduites par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) portent sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ) et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Elles ont été formées dans le cadre de procédures d’exécution forcée en vue d’obtenir le recouvrement de créances,
procédures qui n’ont pas été contestées et sont donc devenues définitives.

2. Le principal problème soulevé par les présentes affaires est essentiellement de savoir si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que l’article 47 de la Charte s’opposent à une réglementation nationale qui n’autorise pas le juge de l’exécution à procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses contenues dans le contrat sur le fondement duquel l’injonction de payer a été obtenue, en raison de l’autorité de la chose jugée acquise par
cette injonction.

3. Les présentes affaires sont entendues par la Cour en parallèle avec trois autres affaires (C‑600/19, C‑725/19 et C‑869/19) dans lesquelles mes conclusions sont présentées ce jour. Ces affaires sont fondées sur des demandes de décision préjudicielle espagnoles et roumaine et touchent également à des questions similaires et potentiellement sensibles relatives à l’étendue de l’obligation pour la juridiction nationale d’examiner d’office le caractère abusif de clauses contractuelles conformément à la
jurisprudence de la Cour qui interprète la directive 93/13 et la relation avec certains principes procéduraux nationaux, y compris le principe de l’autorité de la chose jugée.

4. Par conséquent, les présentes affaires donnent à la Cour la possibilité de développer sa jurisprudence sur la directive 93/13, et en particulier de préciser des questions relatives au principe de l’autorité de la chose jugée en lien avec le contrôle juridictionnel des clauses abusives en vertu de cette directive. Les présentes affaires soulèvent également des questions relatives à la relation entre le principe d’effectivité et l’article 47 de la Charte dans ce contexte.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

5. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

6. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

B.   Le droit italien

7. Le decreto legislativo n. 206 recante Codice del consumo (décret législatif no 206 portant code de la consommation), du 6 septembre 2005 (supplément ordinaire à la GURI no 235, du 8 octobre 2005, ci-après le « code de la consommation »), a transposé en droit italien la directive 93/13.

8. L’article 633 du Codice di procedura civile (ci-après le « code de procédure civile ») dispose :

« À la demande de tout créancier d’une somme d’argent ou d’une quantité déterminée de biens fongibles, ou de tout ayant droit à la fourniture d’un bien meuble précis, le juge compétent prononce une injonction de payer ou de remise :

1) s’il existe une preuve écrite du droit invoqué ;

[...] »

9. L’article 641 du code de procédure civile dispose :

« Si les conditions prévues à l’article 633 sont remplies, le juge, par décret motivé à adopter dans les 30 jours du dépôt du recours, enjoint l’autre partie de payer la somme ou de livrer le bien ou la quantité de biens demandés ou, à leur place, la somme prévue à l’article 639, dans le délai de 40 jours, avec l’avertissement express que, dans le même délai, il peut être fait opposition en vertu des articles suivants et que, à défaut d’opposition, il sera procédé à l’exécution forcée.

[...] »

10. L’article 647 du code de procédure civile dispose :

« S’il n’est pas fait opposition dans le délai prescrit, ou si l’opposant ne s’est pas constitué en justice, le juge qui a émis l’injonction, à la demande, même verbale, du requérant, déclare celle-ci exécutoire. Dans la première hypothèse, le juge doit ordonner une nouvelle notification s’il sait, ou s’il lui paraît probable, que le défendeur n’a pas eu connaissance de l’injonction.

Lorsque l’injonction a été déclarée exécutoire en vertu du présent article, l’opposition ne peut plus être formée ni poursuivie, sans préjudice des dispositions de l’article 650, et la garantie éventuellement constituée est libérée. »

11. L’article 650 du code de procédure civile dispose :

« Le défendeur peut faire opposition même après l’expiration du délai fixé dans l’injonction s’il prouve ne pas en avoir eu connaissance à temps en raison d’irrégularités de la notification, ou en raison d’un cas fortuit ou de force majeure.

[...]

L’opposition n’est plus admise une fois écoulé le délai de 10 jours à compter du premier acte d’exécution. »

12. L’article 2909 du Codice civile (ci-après le « code civil ») dispose :

« Les constatations contenues dans le jugement passé en force de chose jugée produisent tous leurs effets entre les parties, leurs héritiers ou ayant cause. »

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

A.   Affaire C‑693/19, SPV Project 1503

13. Il ressort de la décision de renvoi que YB, en tant que consommateur, a conclu avec Findomestic Banca SpA trois contrats de financement d’un montant total de 18200 euros. Cette société a ensuite cédé sa créance à Activa Factor SpA qui, à son tour, a cédé cette créance à SPV Project 1503 Srl (ci-après « SPV »). Aux termes de ces contrats, en cas de retard de paiement, une pénalité et des intérêts moratoires devaient être appliqués.

14. Par décision du 10 juillet 2012, la juridiction compétente a émis une injonction de payer à l’encontre de YB, correspondant à la somme de 16290,52 euros au titre des sommes dues en vertu des contrats de financement, majorée des intérêts de retard en application de ces clauses. YB ne s’est pas opposé à l’injonction de payer, qui est donc devenue définitive.

15. Par la suite, SPV a notifié à YB un commandement de payer, daté du 21 septembre 2016, pour des créances qu’YB détenait sur des tiers pour un montant de 31332 euros, correspondant à 16290,52 euros en capital et à 13539,27 euros d’intérêts tels que visés dans l’injonction de payer, le solde étant constitué de frais et d’indemnités.

16. SPV et un autre créancier ont alors engagé une procédure d’exécution forcée contre YB devant la juridiction de renvoi.

17. Dans le cadre de cette procédure, la juridiction de renvoi a considéré que la clause relative au calcul du taux des intérêts moratoires, qui était supérieur à 14 % par an, pouvait être considérée comme étant abusive. Il a ordonné à SPV de produire les contrats de financement sur le fondement desquels l’injonction de payer avait été émise et a invité YB à faire connaître son intention d’invoquer le caractère abusif des clauses contractuelles relatives à l’intérêt moratoire qui, s’il était établi,
pouvait entraîner une réduction de la créance de SPV. En réponse, YB a invoqué le caractère abusif de la clause relative au calcul des intérêts moratoires. La juridiction de renvoi a relevé la possibilité d’examiner d’office le caractère abusif de cette clause et a fixé une audience pour permettre aux parties de prendre position à ce sujet. À cet égard, SPV a notamment allégué que l’autorité de la chose jugée acquise par l’injonction de payer ne pouvait pas être écartée.

18. La juridiction de renvoi explique que, selon la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique non seulement au prononcé même de la décision, mais également aux motifs qui constituent, même implicitement, son fondement logique et juridique. Cette approche s’applique à une injonction de payer exigeant le paiement d’une somme d’argent qui, si elle n’est pas contestée, devient définitive à l’égard de la créance
faisant l’objet du recours ainsi qu’au titre exécutoire émis en ce qui concerne cette créance, ce qui exclut ainsi tout examen supplémentaire des motifs invoqués pour justifier cette demande. Ainsi, le principe, issu de la jurisprudence nationale et dit de l’autorité de la chose jugée implicite, est fondé sur le raisonnement logique selon lequel, si le juge s’est prononcé sur une question déterminée, il a nécessairement résolu de façon concluante toutes les autres questions venant en amont de la
question effectivement tranchée et a conclu que celles-ci ne font pas obstacle à sa décision.

19. La juridiction de renvoi souligne que, comme en l’espèce, une fois l’injonction de payer obtenue, le créancier peut, après notification du commandement de payer, au moyen d’une notification de la saisie, engager une procédure d’exécution, appelée procédure d’expropriation forcée en droit national et que, dans le cas d’une expropriation de tiers, le créancier exécute l’expropriation forcée sur le fondement de l’injonction de payer en tant que titre exécutoire à l’égard des dettes que le débiteur
détient à l’encontre de tiers. Dans le cadre de la procédure d’exécution, le juge peut exercer des pouvoirs d’office en vue de vérifier l’existence du titre exécutoire et la quantification correcte de la créance, mais ceux-ci ne s’étendent pas à la vérification du contenu intrinsèque de ce titre.

20. La juridiction de renvoi doute que les clauses qui quantifient l’intérêt moratoire et prévoient une pénalité soient conformes au code de la consommation et à la directive 93/13. Selon la juridiction de renvoi, le juge qui a émis l’injonction de payer n’a pas contrôlé si ces clauses présentaient un caractère abusif. Toutefois, en vertu du droit national, du fait de l’absence d’opposition de la part de YB, l’injonction de payer est devenue définitive et la question de savoir si des clauses
figurant dans le contrat de financement sont abusives est couverte par l’autorité de la chose jugée implicite. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi, en tant que juge de l’exécution, ne saurait constater le caractère abusif des clauses, dès lors qu’elle est empêchée, en vertu du droit national, d’apprécier le contenu de l’injonction de payer et que cette injonction est passée en force de chose jugée.

21. La juridiction de renvoi observe que, selon la jurisprudence de la Cour relative à la directive 93/13, le principe de l’autorité de la chose jugée peut être écarté sous certaines conditions. La juridiction de renvoi s’interroge donc sur le point de savoir si la nécessité de substituer à l’équilibre formel entre les parties contractantes un équilibre réel, de nature à rétablir l’égalité entre elles, permet au juge de l’exécution d’informer le consommateur du caractère éventuellement abusif de
clauses contractuelles dont la nature abusive n’a pas été expressément exclue par la décision devenue définitive et si, en cas de volonté manifestée par le consommateur de se prévaloir du caractère abusif des clauses, ce même juge peut procéder à un tel examen, dans la mesure où, s’il ne le faisait pas, cela pourrait rendre incomplète et insuffisante la protection du consommateur. La juridiction de renvoi relève que, s’agissant de l’article 47 de la Charte, l’initiative du juge d’informer le
consommateur d’une éventuelle violation des règles relatives à la protection des consommateurs ne porte pas atteinte à son impartialité et que la Cour a accordé une importance particulière à cette disposition au regard de l’effectivité des droits tirés de la directive 93/13.

22. C’est dans ces circonstances que le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 6 et 7 de la directive [93/13] ainsi que l’article 47 de la [Charte] s’opposent-ils, et à quelles conditions, à une réglementation nationale telle que décrite qui empêche le juge de l’exécution de procéder à un contrôle intrinsèque du titre exécutoire passé en force de chose jugée et qui empêche le même juge, en cas de manifestation de volonté du consommateur de se prévaloir du caractère abusif de la clause contenue dans le contrat sur la base duquel le titre exécutoire a été
obtenu, d’écarter les effets de l’autorité de la chose jugée implicite ? »

B.   Affaire C‑831/19, Banco di Desio e della Brianza e.a.

23. Il ressort de la décision de renvoi que, le 18 novembre 2005, Banco di Desio e della Brianza SpA (ci-après « BDB ») a conclu avec YX et ZW des contrats de cautionnement constituant la sûreté des emprunts contractés par la société commerciale Bimecar Trade Srl.

24. Par décision du 20 décembre 2012, le Tribunale di Monza (tribunal de Monza, Italie) a émis une injonction de payer en faveur de BDB contre YX et ZW notamment. Cette injonction n’a pas été frappée d’opposition et est donc devenue définitive.

25. BDB a, par la suite, engagé une procédure d’exécution forcée devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) en vue d’obtenir l’expropriation de biens détenus pour moitié par YX et ZW, qui sont mariés. Bimecar Trade et d’autres créanciers de YX et ZW se sont joints à cette procédure.

26. YX et ZW ont comparu à la procédure d’exécution forcée. À la demande de la juridiction de renvoi, BDB a produit les contrats de cautionnement. La juridiction de renvoi a considéré que, s’il était exclu que YX ait la qualité de consommateur, puisqu’il était le représentant légal de Bimecar Trade et qu’il détenait 51 % de son capital, ZW pouvait avoir la qualité de consommatrice, puisqu’elle détenait 22 % du capital de cette société et que, apparemment, elle n’avait jamais occupé de position de
responsabilité en son sein. Pour établir sa qualité de consommatrice, ZW a produit l’acte de cession, daté du 29 janvier 2013, par lequel elle est devenue associée dans Bimecar Trade, ainsi que des documents établissant qu’elle avait été salariée d’une autre société depuis l’année 1976. ZW a également exprimé son intention de se prévaloir du caractère abusif de plusieurs clauses contenues dans les contrats conclus avec l’ensemble des créanciers sur le fondement du code de la consommation. BDB et
les autres créanciers ont notamment allégué que ZW n’était pas une consommatrice et que l’autorité de la chose jugée acquise par l’injonction de payer ne pouvait pas être écartée.

27. La juridiction de renvoi explique, dans des termes similaires à ceux exposés dans le cadre de l’affaire C‑693/19, que, en vertu de la loi et de la jurisprudence nationales, l’autorité de la chose jugée implicite se fonde sur le raisonnement logique selon lequel, si le juge s’est prononcé sur une question déterminée, il a nécessairement résolu de façon concluante toutes les autres questions venant en amont de la question explicitement tranchée, et que cette approche s’applique aux injonctions de
payer. Une fois que le créancier a obtenu une injonction de payer, il entame la procédure d’exécution forcée et, dans le cadre de l’expropriation de biens, comme en l’espèce, sur le fondement de cette injonction en tant que titre exécutoire, le créancier notifie un commandement de payer et peut saisir le bien dont le débiteur est propriétaire.

28. La juridiction de renvoi indique que, puisque ZW peut être considérée comme étant une consommatrice, elle doute que la clause figurant dans le contrat de cautionnement entre BDB et ZW respecte le code de la consommation et la directive 93/13, puisqu’elle désigne une juridiction dont le ressort géographique n’est pas celui du domicile de la consommatrice. Étant donné que ZW ne s’est pas opposée à l’injonction de payer, cette injonction est passée en force de chose jugée et la question relative au
caractère abusif des clauses du contrat de cautionnement est couverte par l’autorité de la chose jugée implicite. Si les créanciers excluent que la juridiction de renvoi puisse contrôler si ces clauses ont un caractère abusif, notamment à la lumière de l’arrêt du6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones ( 3 ), cette juridiction se demande si cet arrêt est applicable, compte tenu des différences entre les systèmes nationaux concernés et des circonstances de l’espèce.

29. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que ZW a joué un rôle actif dans la procédure d’exécution forcée et que, lorsque l’injonction de payer a été émise, la Cour ( 4 ) n’avait pas encore rendu sa jurisprudence établissant les critères qui permettent de qualifier un garant tel que ZW de « consommateur ». La jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) n’avait pas encore non plus adopté une approche similaire ( 5 ), mais, à l’époque, elle avait exclu qu’une personne
physique agissant en tant que garant pour une société commerciale soit un consommateur ( 6 ). Par conséquent, ZW n’était pas en mesure d’invoquer le caractère abusif des clauses dans le cadre d’une opposition à l’injonction de payer, étant donné que cela n’est devenu possible qu’après le début de la procédure d’exécution, à un moment où cette injonction ne pouvait plus être renversée en vertu du droit national. La juridiction de renvoi demande si, dans une telle situation, la réglementation
nationale rend impossible ou excessivement difficile pour les consommateurs d’exercer les droits que leur confère la directive 93/13.

30. La juridiction de renvoi observe que, dans l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus ( 7 ), la Cour a exclu la possibilité d’écarter l’autorité de la chose jugée explicite, mais qu’elle n’a pas encore examiné la compatibilité de l’autorité de la chose jugée implicite avec les articles 6 et 7 de la directive 93/13 et l’article 47 de la Charte. Selon la juridiction de renvoi, il est probable que, lorsqu’il a émis l’injonction de payer, le juge n’ait pas examiné le caractère abusif des clauses du
contrat, puisque la possibilité de qualifier ZW en tant que « consommatrice » était exclue. La juridiction de renvoi se demande donc si les articles 6 et 7 de la directive 93/13 et l’article 47 de la Charte permettent d’écarter l’autorité de la chose jugée implicite lorsqu’il ressort que le consommateur a été privé du droit à un recours effectif et des droits qui découlent de cette directive.

31. C’est dans ces circonstances que le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les articles 6 et 7 de la directive [93/13] ainsi que l’article 47 de la [Charte] s’opposent-ils, et à quelles conditions, à une réglementation nationale telle que celle décrite qui empêche le juge de l’exécution de procéder à un contrôle intrinsèque du titre judiciaire passé en force de chose jugée, alors que c’est un consommateur qui vient de prendre conscience de sa qualité de consommateur [ou de consommatrice] (le droit positif antérieur ayant exclu une telle prise de conscience) qui
demande qu’il soit procédé à ce contrôle ?

2) Les articles 6 et 7 de la directive [93/13] ainsi que l’article 47 de la [Charte] s’opposent-ils, et à quelles conditions, à une réglementation nationale telle que celle décrite qui, en raison de la chose jugée implicite acquise quant à l’absence de caractère abusif d’une clause contractuelle, empêche le juge de l’exécution, appelé à statuer sur une opposition à l’exécution formée par le consommateur, de relever un tel caractère abusif ; et un tel empêchement peut-il se justifier également
dans le cas où, au regard du droit positif en vigueur au moment de la formation de la chose jugée, il n’y avait pas lieu d’apprécier le caractère abusif de la clause parce que le garant ne pouvait alors pas être qualifié de “consommateur” ? »

IV. La procédure devant la Cour

32. Des observations écrites ont été déposées devant la Cour dans l’affaire C‑693/19 par les gouvernements italien, espagnol et hongrois ainsi que par la Commission européenne et, dans l’affaire C‑831/19, par BDB, ZW ( 8 ), les gouvernements italien et espagnol ainsi que par la Commission.

33. Une audience de plaidoiries commune s’est tenue le 27 avril 2021, lors de laquelle BDB, ZW, les gouvernements italien, allemand et espagnol ainsi que la Commission ont présenté leurs observations orales.

V. Synthèse des observations des parties

34. BDB soutient que les questions posées dans l’affaire C‑831/19 sont irrecevables parce que ZW n’a pas la qualité de consommatrice et que la directive 93/13 n’est donc pas applicable. En toute hypothèse, elle affirme que la décision sur la validité des clauses contractuelles est devenue définitive, sans que ZW ait jamais formé opposition ni invoqué sa qualité de consommatrice. Selon la jurisprudence de la Cour, l’autorité de la chose jugée ne saurait être écartée, même en présence de violations du
droit de l’Union et, comme elle l’a souligné lors de l’audience, la protection accordée aux consommateurs par la directive 93/13 ne l’emporte pas sur la sécurité juridique.

35. ZW prétend qu’il ressort à l’évidence de l’affaire C‑831/19 qu’elle a la qualité de consommatrice en vertu de la directive 93/13. ZW explique qu’elle n’a pas contesté l’injonction de payer en raison de la jurisprudence nationale, qui excluait que les personnes dans sa situation aient la qualité de consommateur, mais que cette jurisprudence a ensuite évolué conformément à la jurisprudence de la Cour. Comme ZW l’a argumenté lors de l’audience, refuser que le juge de l’exécution puisse examiner les
clauses dont le caractère abusif n’a pas été examiné lorsque l’injonction a été émise pourrait priver les consommateurs d’une protection effective en vertu de la directive 93/13.

36. Le gouvernement allemand soutient que la répartition des tâches entre le juge du fond et le juge de l’exécution se fonde sur le principe de l’autonomie procédurale nationale, et que la directive 93/13 ne requiert pas de contrôle substantiel dans le cadre de la procédure d’exécution, sous réserve que la première procédure donne au consommateur suffisamment de possibilités d’exercer les droits qui lui sont conférés par cette directive. Dès lors si, ainsi qu’il ressort des présentes affaires, le
système national prévoit le contrôle juridictionnel des clauses abusives pendant la phase de délivrance de l’injonction de payer, il n’est pas nécessaire qu’un second examen soit effectué pendant la phase exécutoire.

37. Le gouvernement espagnol estime que les articles 6 et 7 de la directive 93/13 ne s’opposent pas à la réglementation nationale en cause. En matière de clauses abusives, l’ordre juridique de l’Union n’impose pas au juge national de réexaminer indéfiniment une créance qui a fait l’objet d’une décision juridictionnelle définitive, qui s’applique lorsque le consommateur n’a pas fait usage en temps utile des moyens de protection prévus par le droit national ; la possibilité d’examiner le caractère
abusif de clauses contractuelles en dehors de la procédure spécifiquement prévue à cet effet entraînerait une perte d’efficacité de la procédure d’exécution. Comme le gouvernement espagnol l’a allégué à l’audience, le principe d’effectivité requiert que la réglementation nationale soit analysée au regard du système procédural national dans son ensemble et, contrairement à ce que la Commission prétend, les présentes affaires portent sur l’autorité de la chose jugée. Ce gouvernement ajoute que, en
ce qui concerne l’affaire C‑831/19, le fait que, lorsque l’injonction de payer est passée en force de chose jugée, la Cour ne s’était pas encore prononcée sur les critères permettant à un garant d’être considéré comme étant un consommateur ne change rien à sa position.

38. Le gouvernement italien allègue que les articles 6 et 7 de la directive 93/13 ne s’opposent pas à la réglementation nationale en cause. Les présentes affaires diffèrent de celles concernées par la jurisprudence antérieure de la Cour et cette réglementation respecte le principe d’équivalence, étant donné que le juge de l’exécution ne peut réexaminer d’office l’existence des conditions d’émission d’une injonction de payer passée en force de chose jugée, même lorsqu’il s’agit d’une violation
éventuelle de règles d’ordre public. Comme le gouvernement italien l’a souligné à l’audience, le juge qui se prononce sur l’injonction de payer peut examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles et le consommateur dispose de remèdes juridictionnels l’empêchant d’être lié par de telles clauses, toutefois, si le juge ne l’a pas fait et que le consommateur n’a pas recouru à ces remèdes, le juge de l’exécution ne saurait éviter d’exécuter la décision fondée sur l’injonction ;
cette décision exclut implicitement le caractère abusif des clauses contractuelles, puisque dans le cas contraire, elle n’aurait pas pu être émise. Contrairement à ce que prétend la Commission dans l’affaire C‑693/19, quelle que soit la cause de nullité de la clause sur laquelle le droit du créancier est fondé, à partir du moment où ce droit est établi, même implicitement, par une décision passée en force de chose jugée, cette nullité ne peut plus être prononcée par le juge qui doit l’exécuter,
et cela vaut également dans les cas où des intérêts excessifs sont en cause. Le gouvernement italien ajoute que, en ce qui concerne l’affaire C‑831/19, peu importe que la jurisprudence de l’Union et la jurisprudence nationale reconnaissant au garant le statut de consommateur n’aient pas encore existé au moment de l’adoption de la décision passée en force de chose jugée, puisque le juge aurait pu recourir à la procédure préjudicielle.

39. Le gouvernement hongrois prétend que, en ce qui concerne l’affaire C‑693/19, les articles 6 et 7 de la directive 93/13 et l’article 47 de la Charte ne s’opposent pas à la réglementation nationale en cause. Il affirme que l’autorité de la chose jugée acquise en l’absence d’objection du débiteur ne peut être écartée, et qu’autoriser le juge de l’exécution à examiner le caractère abusif de clauses du contrat sur lequel se fonde l’injonction de payer viderait de son sens la procédure d’injonction de
payer.

40. La Commission allègue que, en ce qui concerne l’affaire C‑693/19, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une réglementation telle que celle en cause au principal, sous réserve que celle-ci permette au juge national de vérifier si une clause relative au versement d’intérêts en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution d’une obligation contractuelle présente un caractère potentiellement abusif et d’écarter en conséquence
l’application de cette clause. Tel peut être le cas si cette réglementation nationale permet de constater l’inexistence juridique d’un titre exécutoire uniquement en ce qui concerne la créance correspondant à ces intérêts ou si elle permet au juge de limiter l’exécution, au stade de l’attribution des sommes, à la créance résultant de la suppression des intérêts considérés comme étant excessifs. Toutefois, si cette réglementation devait être interprétée dans le sens qu’elle n’autorise pas le juge
à établir l’existence de clauses abusives, elle ne serait pas conforme aux articles 6 et 7 de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité. Elle affirme que l’autorité de la chose jugée ne couvre pas une injonction de payer en ce qui concerne les intérêts relatifs à une créance, lorsque le taux de ces intérêts se révèle être excessivement élevé ( 9 ), et que s’il relève des compétences du juge de l’exécution de vérifier que l’exécution est effectuée en vertu d’un titre valable,
alors, conformément au principe d’équivalence, ces mêmes compétences comprennent également le pouvoir de constater l’absence de violations de règles d’ordre public, telles que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13.

41. La Commission prétend que, en ce qui concerne l’affaire C‑831/19, il convient de répondre en même temps aux deux questions en ce sens que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une réglementation telle que celle en cause au principal, pourvu que cette réglementation permette au juge national de l’exécution de vérifier si une clause contractuelle est abusive et d’écarter l’application de cette clause en conséquence. Dans le cas
contraire, ladite réglementation n’est pas conforme à ces dispositions, lues à la lumière du principe d’effectivité. Selon la Commission, les contrats conclus avec ZW relèvent du champ d’application de la directive 93/13, et le caractère tardif de la prise de conscience de sa qualité de consommatrice par ZW n’est pas pertinente. Dans cette affaire, comme dans l’affaire C‑693/19, l’article 47 de la Charte devrait être considéré comme une disposition à la lumière de laquelle interpréter la portée
de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive, et la nature définitive de l’injonction de payer découle d’une forclusion et non de l’autorité de la chose jugée. La Commission argumente que l’examen du caractère abusif d’une clause contractuelle doit faire l’objet d’une appréciation expresse et dûment motivée par le juge national. Comme elle l’a souligné à l’audience, les juges qui ont émis les injonctions dans les présentes affaires n’ont pas examiné le caractère abusif des clauses
contractuelles, et il n’est pas suffisant qu’ils disposent du pouvoir d’établir l’existence d’une clause abusive, il faut qu’ils le fassent.

VI. Analyse

42. Par sa question dans l’affaire C‑693/19, laquelle correspond en substance à la première question dans l’affaire C‑831/19, la juridiction de renvoi demande essentiellement à la Cour si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que l’article 47 de la Charte s’opposent à une réglementation nationale qui empêche le juge de l’exécution de procéder à un contrôle intrinsèque de l’injonction de payer passée en force de chose jugée et qui empêche le même juge,
en cas de manifestation de volonté du consommateur de se prévaloir du caractère abusif de la clause contenue dans le contrat sur le fondement duquel l’injonction de payer a été obtenue, d’écarter les effets de l’autorité de la chose jugée implicite.

43. Par sa seconde question dans l’affaire C‑831/19, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que l’article 47 de la Charte s’opposent à une réglementation nationale qui, en raison de l’autorité de la chose jugée implicite acquise, empêche le juge de l’exécution, appelé à statuer sur une opposition à l’exécution formée par le consommateur, de relever le caractère abusif d’une clause contractuelle, compte
tenu du fait que, au regard du droit national en vigueur au moment de la formation de la chose jugée, il n’y avait pas lieu d’apprécier le caractère abusif de la clause parce que le garant ne pouvait alors pas être qualifié de « consommateur ».

44. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi et des observations du gouvernement italien, ces deux questions trouvent leur origine dans la structure de la procédure d’exécution des injonctions de payer telle qu’elle est prévue dans le droit italien, en vertu de laquelle une ordonnance qui sert de fondement à la procédure d’exécution ultérieure et à la saisie de biens par les créanciers devient définitive et passe en force de chose jugée lorsque le consommateur, en tant que débiteur, ne forme pas
d’opposition dans le délai imparti. Dans le cas d’une injonction de payer incontestée, le caractère abusif des clauses du contrat sur le fondement duquel cette injonction de payer a été émise est donc considéré comme étant couvert par la chose jugée implicite, à savoir l’autorité de la chose jugée par déduction. En outre, le droit national prévoit que la juridiction qui émet l’injonction peut examiner d’office le caractère abusif éventuel d’une clause du contrat et, si le consommateur forme
opposition, la juridiction saisie de cette opposition peut également contrôler d’office le caractère abusif de cette clause. Toutefois, il semble établi que, dans les présentes affaires, les juridictions ont émis des injonctions de payer qui n’ont pas été contestées par les consommateurs et sans qu’il y ait aucune indication, à ce stade, d’un quelconque examen relatif à l’existence d’une clause abusive.

45. Par conséquent, il me semble possible de répondre ensemble à ces deux questions, dès lors qu’elles portent sur un point essentiel, à savoir la conformité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale qui ne permet pas au juge de l’exécution de contrôler si les clauses du contrat servant de fondement à l’injonction de payer sont abusives, en raison de l’autorité de la chose jugée implicite acquise par cette injonction.

46. En vue de répondre à ces questions, j’aborderai tout d’abord les arguments de BDB relatifs à la recevabilité de la question posée dans l’affaire C‑831/19 (section A). Je me pencherai ensuite sur la substance des affaires C‑693/19 et C‑831/19, puis je formulerai des observations liminaires quant à la prise de conscience tardive, par ZW, de sa qualité de consommatrice dans l’affaire C‑831/19 et à la pertinence éventuelle de l’article 47 de la Charte dans ce contexte (section B). Je prendrai alors
en considération la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne l’examen d’office des clauses abusives par les juridictions nationales en vertu de la directive 93/13 (section C) et l’application des principes développés dans cette jurisprudence aux circonstances des présentes affaires (section D).

47. Sur le fondement de cette analyse, je conclus que la question posée à titre préjudiciel dans l’affaire C‑831/19 est recevable et que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause dans la présente affaire.

A.   Sur la recevabilité des questions posées dans l’affaire C‑831/19

48. Selon les arguments de BDB, les questions posées dans l’affaire C‑831/19 sont irrecevables parce que ZW n’a pas la qualité de consommatrice, ce qui rend inapplicable la directive 93/13.

49. À mon sens, il y a lieu de rejeter ces arguments.

50. Il est manifeste que ZW peut être qualifiée de « consommatrice » par la juridiction de renvoi, à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

51. Il convient de rappeler que, ainsi que l’énonce le dixième considérant de la directive 93/13, les règles uniformes concernant les clauses abusives doivent s’appliquer à « tout contrat » conclu entre un consommateur et un professionnel, tels que définis, respectivement, à l’article 2, sous b) et c), de cette directive ( 10 ). En vertu de l’article 2, sous b), de ladite directive, un consommateur est toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la même directive, agit à des fins qui
n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ( 11 ). C’est donc en référence à la capacité des parties contractantes que la directive 93/13 définit les contrats auxquels elle est applicable ( 12 ). La définition large du « consommateur » permet d’assurer la protection conférée par cette directive à toutes les personnes physiques qui sont dans une position plus faible que le vendeur ou le fournisseur ( 13 ).

52. À cet égard, dans les ordonnances du 19 novembre 2015, Tarcău ( 14 ), et du 14 septembre 2016, Dumitraş ( 15 ), la Cour a jugé que la directive 93/13 est applicable à un contrat de cautionnement conclu entre une personne physique et un établissement de crédit en vue de garantir les obligations contractées par une société commerciale envers cet établissement dans le cadre d’un contrat de crédit, lorsque cette personne a agi à des fins ne s’inscrivant pas dans le cadre de son activité commerciale
ou professionnelle et qu’elle n’a aucun lien fonctionnel avec cette société. Il appartient donc à la juridiction de renvoi, en tenant compte de l’ensemble des circonstances et des éléments de preuve, d’établir si cette personne a agi à des fins s’inscrivant dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle ou en raison de liens fonctionnels qu’elle entretient avec cette société, tels qu’une gérance ou une participation non négligeable à son capital social, ou si elle a agi à des fins
de nature privée.

53. Dans la présente affaire, comme l’a indiqué la juridiction de renvoi, ZW peut être considérée comme étant une consommatrice, dans la mesure où, au moment où elle a conclu les contrats de cautionnement avec BDB et les autres créanciers, elle agissait en dehors du cadre de son activité professionnelle et n’entretenait pas de liens fonctionnels avec Bimecar Trade. En effet, la juridiction de renvoi a relevé que, au vu des documents produits par ZW au cours de la procédure d’exécution tels que
mentionnés au point 26 des présentes conclusions, ZW a acquis une participation de 22 % dans le capital de Bimecar Trade le 31 janvier 2013, alors que les contrats de cautionnement entre ZW et tous les créanciers portent une date antérieure, et que l’injonction de payer obtenue par BDB est également antérieure à l’acquisition de ces parts par ZW. En outre, selon la juridiction de renvoi, ZW était liée à une autre société par une relation de travail depuis l’année 1976 et lorsque les contrats de
cautionnement ont été conclus, ZW n’occupait aucune fonction d’encadrement dans Bimecar Trade.

54. Dès lors, il convient de considérer que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, ZW a la qualité de consommatrice en vertu de la directive 93/13 et, par conséquent, que cette directive est applicable à la procédure au principal.

55. Dès lors, je suis d’avis que la question posée à titre préjudiciel dans l’affaire C‑831/19 est recevable.

B.   Observations liminaires

1. Prise de conscience tardive de la qualité de consommateur dans l’affaire C‑831/19

56. Je relève qu’il existe un élément supplémentaire dans la seconde question préjudicielle dans l’affaire C‑831/19, qui tient au fait que, au moment où l’injonction de payer faisant l’objet de la procédure d’exécution a acquis force de chose jugée, ZW, en tant que garante, ne pouvait apparemment pas avoir connaissance de sa qualité de consommatrice et n’était donc pas en mesure d’invoquer le caractère abusif des clauses contractuelles pendant le délai d’opposition à cette injonction. À cet égard,
le fait que, comme l’indiquent la juridiction de renvoi et ZW (voir points 29 et 35 des présentes conclusions), la jurisprudence de l’Union et la jurisprudence nationale reconnaissant les garants en tant que consommateurs au sens de la directive 93/13 n’avaient pas encore été rendues au moment où l’injonction de payer a été émise, et que la consommatrice aurait pu former opposition à cette injonction, ne me semble pas pertinent en l’espèce.

57. Il découle de la jurisprudence constante de la Cour (voir point 63 des présentes conclusions) que la directive 93/13 exige que les juridictions nationales effectuent un examen d’office des clauses abusives et, comme l’indique la Commission, une demande d’une partie, telle que le consommateur, ne saurait, à elle seule, se substituer au contrôle juridictionnel des clauses abusives en vertu de cette directive. En effet, la prise de conscience tardive par le consommateur de sa qualité est la raison
qui sous-tend l’existence de cette obligation dans la jurisprudence de la Cour. En outre, ainsi que l’indiquent les gouvernements italien et espagnol ainsi que la Commission, il ressort clairement de la directive 93/13, et en particulier de son dixième considérant, qu’elle est applicable à « tout contrat » (voir point 51 des présentes conclusions), et que rien ne s’opposait à l’examen du caractère abusif des clauses contractuelles par la juridiction compétente, qui pouvait introduire une demande
de décision préjudicielle.

2. Pertinence éventuelle de l’article 47 de la Charte

58. Par ses questions, la juridiction de renvoi demande également si la réglementation nationale en cause est conforme à l’article 47 de la Charte. Il convient de rappeler que cette disposition, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective, consacre le droit à un recours effectif devant un tribunal pour toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés ( 16 ). Il est incontesté que l’article 47 de la Charte est
applicable aux présentes affaires. Il me semble que, comme l’indique le gouvernement italien, la réglementation nationale en cause relève du champ d’application de la directive 93/13 et constitue donc une mise en œuvre du droit de l’Union aux fins de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte ( 17 ).

59. Je relève que, dans la jurisprudence de la Cour concernant la directive 93/13, il existe une relation particulière entre l’article 47 de la Charte et le principe d’effectivité, qui consacre également une obligation pour les États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits fondés sur le droit de l’Union (voir point 65 des présentes conclusions) ( 18 ). À cet égard, la Cour a considéré que l’obligation pour les États membres d’assurer l’effectivité des droits que les particuliers
tirent de la directive 93/13 implique une exigence de protection juridictionnelle effective, garantie également par l’article 47 de la Charte, qui vaut, entre autres, en ce qui concerne la définition des modalités procédurales relatives aux recours fondés sur de tels droits ( 19 ).

60. En outre, ainsi que l’illustre la jurisprudence de la Cour relative à la directive 93/13 jusqu’à présent, l’article 47 de la Charte semble jouer, dans une large mesure, un rôle de soutien ou de complémentarité par rapport au principe d’effectivité dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité des règles de procédure nationales avec les exigences de cette directive. Par exemple, l’article 47 de la Charte intervient dans ce contexte en ce qui concerne les questions relatives à l’accès à un
recours effectif afin que les parties puissent exercer leurs droits fondés sur ladite directive ( 20 ), ainsi que les questions relatives à un procès équitable, telles que le respect des principes d’égalité des armes et du contradictoire dans le cadre d’une procédure juridictionnelle où est en cause la légalité des clauses au regard de la même directive ( 21 ).

61. Dans les présentes affaires, il est incontesté que, comme indiqué par le gouvernement italien, les parties ont eu accès à des voies de recours effectives qui leur permettaient de faire valoir leurs droits en vertu de la directive 93/13. En outre, comme l’indique la Commission, les questions ne portent pas sur l’impartialité du juge de l’exécution ( 22 ), mais plutôt sur la possibilité pour cette juridiction d’examiner le caractère abusif de clauses contractuelles sur lesquelles on pourrait
considérer qu’un juge s’est implicitement prononcé par une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée. Dès lors, dans ces conditions, nonobstant la prise en considération de l’article 47 de la Charte lorsque cela se justifie, il y a lieu de considérer que ces affaires s’articulent autour de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité.

C.   Jurisprudence pertinente de la Cour concernant l’examen d’office des clauses abusives par les juridictions nationales

62. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 exige des États membres qu’ils prévoient que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs ( 23 ). L’article 7, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 24 ). Ces dispositions ont donné lieu à un important corpus de
jurisprudence et je donnerai un aperçu des principes applicables dégagés de cette jurisprudence, concernant l’existence et l’étendue de l’obligation des juridictions nationales d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles, principes qui sont les plus pertinents pour mon analyse des présentes affaires.

1. Existence d’une obligation pour les juridictions nationales de procéder à un examen d’office

63. Selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux clauses rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci ( 25 ). Afin d’assurer la protection voulue par cette
directive, la situation d’inégalité entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat ( 26 ). Par conséquent, au vu de la nature et de l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que ladite directive assure aux consommateurs, le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le
consommateur et le professionnel, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ( 27 ).

2. Étendue de l’obligation du juge national de procéder à un examen d’office

64. En vertu d’une jurisprudence également constante, la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif ( 28 ). En outre, la Cour a mis en exergue le fait que les caractéristiques spécifiques des procédures qui se déroulent dans le cadre national entre les professionnels et les consommateurs ne sauraient constituer
un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier les consommateurs en vertu des dispositions de la directive 93/13 ( 29 ).

65. Si la Cour a encadré, à plusieurs égards et en tenant compte des exigences de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, la manière selon laquelle le juge national doit assurer la protection des droits que les consommateurs tirent de cette directive, il n’en demeure pas moins que, en l’absence d’harmonisation du droit de l’Union, les procédures applicables à l’examen du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle relèvent de l’ordre juridique
interne des États membres, à la condition de ne pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et de ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par le droit de l’Union (principe d’effectivité) ( 30 ).

66. En ce qui concerne le principe d’effectivité, il résulte de la jurisprudence de la Cour que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, ainsi que, le cas échéant, des principes qui sont au fondement du système juridictionnel national,
tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure ( 31 ). Dans cette perspective, la Cour a estimé que le respect du principe d’effectivité ne saurait aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné ( 32 ).

67. En particulier, la Cour a jugé qu’une protection effective des droits conférés au consommateur par la directive 93/13 ne saurait être garantie qu’à la condition que le système procédural national permette, dans le cadre de la procédure d’injonction de payer ou dans celui de la procédure d’exécution de l’injonction de payer, un contrôle d’office de la nature potentiellement abusive des clauses contenues dans le contrat concerné ( 33 ). Ainsi, dans l’hypothèse où aucun contrôle d’office par le
juge national de la nature potentiellement abusive des clauses contenues dans le contrat concerné n’est prévu au stade de l’exécution de l’injonction de payer, une réglementation nationale doit être considérée comme étant de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13, si elle ne prévoit pas un tel contrôle au stade de la délivrance de l’injonction ou, lorsqu’un tel contrôle est prévu uniquement au stade de l’opposition contre l’injonction délivrée,
s’il existe un risque non négligeable que le consommateur concerné ne forme pas l’opposition requise ( 34 ). Par conséquent, la directive 93/13 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale permette qu’une injonction de payer soit délivrée sans que le consommateur soit en mesure de bénéficier, à un moment quelconque de la procédure, de la garantie qu’un contrôle de l’absence de clause abusive sera opéré par un juge ( 35 ).

68. La Cour a de plus reconnu que la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu et que le droit de l’Union n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant, notamment, l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition, quelle qu’en soit la nature, contenue dans la directive 93/13 ( 36 ). La Cour a, en effet, souligné l’importance du principe de l’autorité de
la chose jugée tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux et le fait que, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne peuvent plus être remises en cause ( 37 ). De même, dans l’intérêt de la sécurité juridique, la fixation
de délais raisonnables de recours à peine de forclusion est compatible avec le droit de l’Union ( 38 ). Toutefois, la réglementation nationale ne saurait porter atteinte à la substance du droit que les consommateurs tirent de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 de ne pas être liés par des clauses abusives ( 39 ).

69. Il convient d’observer que, dans l’arrêt du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones ( 40 ), la Cour a jugé, plus particulièrement, que les règles nationales fixant un délai de deux mois, à l’expiration duquel, en l’absence d’un recours en annulation, une sentence arbitrale devient définitive et acquiert ainsi l’autorité de la chose jugée, sont conformes au principe d’effectivité, en soulignant que ce principe ne saurait être étendu jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale d’un
consommateur concerné qui n’a introduit aucune action pour faire valoir ses droits.

70. À l’inverse, dans l’arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC ( 41 ), la Cour a jugé que la réglementation nationale mettant en œuvre le principe de l’autorité de la chose jugée dans le contexte de la procédure d’injonction de payer allait à l’encontre du principe d’effectivité, étant donné que la décision de l’autorité clôturant la procédure d’injonction de payer acquérait l’autorité de la chose jugée, ce qui rendait impossible le contrôle des clauses abusives du contrat au stade de l’exécution
d’une injonction, du seul fait que le consommateur n’avait pas formé opposition à l’injonction dans le délai prévu à cet effet, et qu’il existait un risque non négligeable qu’il ne le fasse pas.

71. Il convient également de préciser que, dans l’arrêt Banco Primus ( 42 ), qui s’inscrivait dans le contexte d’une opposition formée par un consommateur à une procédure d’exécution hypothécaire, la Cour a dit pour droit que la directive 93/13 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit au juge national d’examiner d’office le caractère abusif de clauses dès lors qu’il a déjà été statué sur la légalité de l’ensemble des clauses du contrat au regard de cette directive par une décision
revêtue de l’autorité de la chose jugée. Toutefois, selon la Cour, si, lors d’un précédent examen d’un contrat litigieux ayant abouti à l’adoption d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, le caractère abusif d’une ou de plusieurs clauses n’a pas été examiné, ladite directive impose au juge national, régulièrement saisi par le consommateur par voie d’opposition, d’apprécier d’office ou à la demande d’une partie, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à
cet effet, le caractère éventuellement abusif de ces clauses. En effet, en l’absence d’un tel contrôle, la protection du consommateur se révélerait incomplète et insuffisante.

72. Il découle donc de la jurisprudence que je viens de rappeler que la directive 93/13 n’impose pas aux États membres d’adopter un système procédural particulier en vue du contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause, pour autant qu’ils respectent leurs obligations au titre du droit de l’Union, y compris les principes d’équivalence et d’effectivité et, partant, qu’ils assurent le contrôle par une juridiction nationale du caractère abusif de toute clause contractuelle, quelle que soit la
procédure. Il doit y avoir un contrôle d’office par la première juridiction dans la procédure, ou par la deuxième juridiction, qu’elle soit saisie de l’exécution forcée ou du fond, et ce contrôle doit pouvoir être déclenché par le consommateur pour autant qu’il n’y ait pas de risque significatif que ce dernier ne recourt pas à la voie procédurale particulière, condamnant de la sorte la possibilité d’un contrôle juridictionnel des clauses abusives au titre de la directive 93/13.

73. En outre, selon la jurisprudence de la Cour, bien que la protection du consommateur ne soit pas absolue, il en va de même pour le principe de l’autorité de la chose jugée. Comme le montrent les arrêts mentionnés aux points 69 à 71 des présentes conclusions, la Cour adopte une approche équilibrée en ce qui concerne l’interaction entre les règles nationales mettant en œuvre l’autorité de la chose jugée et les exigences de la directive 93/13, tout en s’assurant que ces règles ne sapent pas le
système de protection des consommateurs établi par cette directive. En particulier, si l’arrêt Banco Primus n’aborde pas directement la question de l’autorité de la chose jugée implicite, la mise en exergue par la Cour de la nécessité d’une appréciation définitive du caractère abusif de clauses contractuelles dans une décision ayant l’autorité de la chose jugée tend à conforter le point de vue selon lequel une réglementation nationale comme celle en cause en l’espèce est contraire à ladite
directive. Je reviendrai sur cette appréciation plus loin dans mon analyse (voir point 81 des présentes conclusions).

74. C’est à la lumière des principes ainsi développés dans la jurisprudence de la Cour qu’il convient d’examiner les circonstances des présentes affaires.

D.   Application des principes développés dans la jurisprudence de la Cour aux circonstances des présentes affaires

75. Il convient de rappeler ce qui a été exposé aux points 42 et 44 des présentes conclusions, à savoir que, dans les présentes affaires, la réglementation nationale en cause prévoit que, dans le cadre de la procédure d’exécution des injonctions de payer incontestées, qui sont donc passées en force de chose jugée, le juge de l’exécution n’est pas autorisé à examiner le contenu de l’injonction de payer ni à contrôler, que ce soit d’office ou à la demande du consommateur, le caractère abusif des
clauses contractuelles, à cause de l’autorité de la chose jugée implicite acquise par cette injonction.

76. Il convient de noter d’emblée que, contrairement aux arguments avancés par la Commission, selon lesquels les présentes affaires concernent la forclusion et non le principe de l’autorité de la chose jugée, il ressort des décisions de renvoi que la juridiction de renvoi considère que les injonctions de payer qui font l’objet de la procédure d’exécution sont passées en force de chose jugée. Selon une jurisprudence constante, le juge national est seul compétent pour interpréter et appliquer le droit
national ( 43 ).

77. En outre, il ne semble pas exister, dans les présentes affaires, d’indications qui pourraient faire naître des doutes en ce qui concerne le principe d’équivalence. Il apparaît que, comme l’indique le gouvernement italien, le droit national ne permet pas au juge de l’exécution d’examiner une injonction de payer revêtue de l’autorité de la chose jugée, même en présence d’une éventuelle violation des règles d’ordre public nationales (voir point 38 des présentes conclusions).

78. Il convient également de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, le gouvernement italien rejette la possibilité que, dans l’affaire C‑693/19, la réglementation nationale en cause puisse faire l’objet d’une interprétation conforme à la directive 93/13, afin que le juge de l’exécution puisse examiner le caractère abusif de la clause prévoyant des intérêts excessifs (voir points 38 et 40 des présentes conclusions). Dès lors, cette question est soumise à un examen par la
juridiction de renvoi au regard de l’exigence d’interprétation conforme établie par la jurisprudence de la Cour ( 44 ).

79. Pour en venir au cœur de la question, selon moi, il existe des raisons fortes de penser, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour, que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, s’opposent à la réglementation nationale en cause.

80. À cet égard, il me semble que l’examen du caractère potentiellement abusif des clauses contractuelles en vertu de la directive 93/13 doit faire l’objet d’une appréciation explicite et suffisamment motivée par la juridiction nationale. Comme les circonstances des présentes affaires l’illustrent, la réglementation nationale en cause a pour conséquence que la question du caractère abusif des clauses contractuelles est considérée comme ayant été tranchée sur le fond, même si elle n’a nullement été
discutée par la juridiction nationale. Il me semble, ainsi que la Commission l’a indiqué, que si l’examen du caractère abusif des clauses contractuelles n’est pas motivé dans la décision contenant l’injonction de payer, le consommateur ne sera pas en mesure de comprendre ou d’analyser les motifs de cette décision ou, lorsque cela se révèle approprié, de former efficacement opposition à l’exécution. Un juge national qui pourrait être saisi d’un recours en appel ne serait de même pas en mesure de
statuer. La Cour a précisé à cet égard que, en l’absence de contrôle efficace du caractère potentiellement abusif des clauses du contrat concerné, le respect des droits conférés par la directive 93/13 ne saurait être garanti ( 45 ).

81. Des arguments supplémentaires au soutien de cette approche peuvent être déduits de l’arrêt Banco Primus ( 46 ). Comme mentionné au point 71 des présentes conclusions, la Cour a jugé incompatible avec la directive 93/13 une réglementation nationale qui étend les effets de l’autorité de la chose jugée aux clauses au sujet desquelles le juge national n’avait pas rendu une décision définitive. La Cour présume par conséquent que si le juge national n’a pas examiné le caractère abusif des clauses
contractuelles spécifiquement en cause, il est difficile de considérer que le principe de l’autorité de la chose jugée était affecté ( 47 ).

82. Cette approche répond également aux objectifs poursuivis par la directive 93/13, tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour. Il y a lieu de rappeler, renvoyant au point 63 des présentes conclusions, que l’obligation du juge national de procéder à un examen d’office des clauses abusives est justifiée par la nature et l’importance de l’intérêt public sous-tendant la protection que cette directive confère aux consommateurs. Le juge de l’exécution doit donc assurer l’effectivité de cette
protection si cela n’a pas été fait à une étape antérieure de la procédure. Dans le cas contraire, cette obligation incombant au juge national en vertu de ladite directive pourrait être vidée de sa substance.

83. Cela est confirmé par les circonstances des présentes affaires, dans lesquelles il apparaît qu’aucun examen d’office des clauses abusives n’a été effectué par la juridiction nationale qui a émis les injonctions de payer. Il est vrai, comme l’indique le gouvernement allemand, que, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 67 des présentes conclusions, il relève des compétences des États membres de décider si un tel examen doit être effectué au stade de l’injonction de payer ou
au stade de son exécution, mais la directive 93/13 n’impose pas qu’il soit effectué à ces deux stades. Néanmoins, un tel examen doit avoir lieu à un stade ou à l’autre. Ainsi, empêcher le juge de l’exécution d’effectuer, pour la première fois, l’appréciation des clauses abusives uniquement en raison de l’autorité de la chose jugée implicite de l’injonction rend impossible l’examen du caractère abusif à quelque stade de la procédure que ce soit.

84. Il faut encore ajouter que cette approche semble être conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la réglementation nationale mettant en œuvre l’autorité de la chose jugée en dehors du contexte de la directive 93/13. Dans certains arrêts ( 48 ), la Cour a objecté à ce qu’une protection excessive soit accordée aux décisions définitives à travers l’autorité de la chose jugée d’une manière qui entraverait significativement l’application effective du droit de l’Union ( 49 ). Il faut de plus
noter que, dans l’arrêt du 17 octobre 2018, Klohn ( 50 ), la Cour a indiqué que l’autorité de la chose jugée s’étend uniquement aux prétentions juridiques sur lesquelles le juge a statué et qu’elle ne fait donc pas obstacle à ce que le juge, dans un litige ultérieur, statue sur des points de droit sur lesquels il n’y a pas de jugement dans cette décision définitive. De même, dans sa jurisprudence relative à l’application de l’autorité de la chose jugée en droit de l’Union, la Cour a considéré de
manière constante que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause ( 51 ).

85. Il convient donc de considérer que la réglementation nationale en cause est contraire au principe d’effectivité étant donné qu’elle rend impossible ou excessivement difficile d’assurer la protection conférée aux consommateurs par la directive 93/13.

86. Je conclus par conséquent que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, s’opposent à une réglementation nationale comme celle en cause au principal.

VII. Conclusion

87. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) :

L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doivent être interprétés, à la lumière du principe d’effectivité, dans le sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui ne permet pas au juge de l’exécution d’examiner, d’office ou à la demande d’une partie, le caractère abusif des clauses d’un contrat sur lequel est fondée une injonction de
payer passée en force de chose jugée, lorsque ces clauses n’ont pas fait l’objet d’une appréciation explicite et suffisamment motivée au regard de cette directive.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 1993, L 95, p. 29.

( 3 ) C‑40/08, EU:C:2009:615.

( 4 ) La juridiction de renvoi mentionne à cet égard les ordonnances du 19 novembre 2015, Tarcău (C‑74/15, EU:C:2015:772), et du 14 septembre 2016, Dumitraș (C‑534/15, EU:C:2016:700).

( 5 ) La juridiction de renvoi mentionne à cet égard l’arrêt du 13 décembre 2018 (no 32225).

( 6 ) La juridiction de renvoi mentionne notamment les arrêts du 13 mai 2005 (no 10107) et du 9 août 2016 (no 16827).

( 7 ) C‑421/14, ci-après l’« arrêt Banco Primus », EU:C:2017:60.

( 8 ) Je note que YX a déposé des observations écrites dans l’intérêt de ZW.

( 9 ) La Commission renvoie, à cet égard, à l’ordonnance rendue par le Tribunale di Macerata (tribunal de Macerata, Italie) le 1er mars 2019.

( 10 ) Voir arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 29), et ordonnance du 27 avril 2017, Bachman (C‑535/16, non publiée, EU:C:2017:321, point 32).

( 11 ) Voir arrêts du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda (C‑329/19, EU:C:2020:263, point 24), et du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale (C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 70).

( 12 ) Voir arrêts du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 30), et du 3 septembre 2015, Costea (C‑110/14, EU:C:2015:538, point 17).

( 13 ) Voir arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux (C‑590/17, EU:C:2019:232, point 28).

( 14 ) C‑74/15, EU:C:2015:772, en particulier points 26 à 30.

( 15 ) C‑534/15, EU:C:2016:700, en particulier points 31 à 34.

( 16 ) Voir arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, point 40).

( 17 ) Voir, à cet égard, arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 47) ; voir également conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2015:746, points 83 et 84).

( 18 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2015:746, points 85 à 97). Voir également, par exemple, van Duin, A., « Metamorphosis ? The Role of Article 47 of the EU Charter of Fundamental Rights in Cases Concerning National Remedies and Procedures under Directive 93/13/EEC », Journal of European Consumer and Market Law, vol. 6, 2017, p. 190 à 198.

( 19 ) Voir arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance (C‑776/19 à C‑782/19, EU:C:2021:470, point 29).

( 20 ) Voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, en particulier point 59) ; du 10 septembre 2014, Kušionová (C‑34/13, EU:C:2014:2189, en particulier points 45, 47 et 66), ainsi que du 21 décembre 2016, Biuro podróży « Partner » (C‑119/15, EU:C:2016:987, points 23 à 47) ; comparer avec arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, points 36 à 57).

( 21 ) Voir, notamment, arrêts du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, points 29 à 36) ; du 17 juillet 2014, Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099, points 21 à 51), et du 29 avril 2021, Bank BPH (C‑19/20, EU:C:2021:341, points 91 à 99) ; comparer avec ordonnance du 16 juillet 2015, Sánchez Morcillo et Abril García (C‑539/14, EU:C:2015:508, points 23 à 50).

( 22 ) Il est utile d’observer que le fait qu’une juridiction nationale examine d’office le caractère abusif éventuel de clauses et informe le consommateur ou la consommatrice de la possibilité d’invoquer ses droits en vertu de la directive 93/13 n’apparaît pas en soi compromettre l’impartialité de cette juridiction, étant donné que la juridiction ne prend pas « parti », mais exerce des fonctions qui lui incombent en vertu du droit national et du droit de l’Union. Voir, à cet égard, Beka, A., The
Active Role of Courts in Consumer Litigation : Applying EU Law of the National Courts’ Own Motion, Intersentia, 2018, p. 140 et 141.

( 23 ) Voir arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland (C‑229/19 et C‑289/19, EU:C:2021:68, point 57). Voir aussi vingt et unième considérant de la directive 93/13. Comme la Cour l’a reconnu, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 est une disposition impérative et tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers. Voir arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17,
EU:C:2020:188, point 24).

( 24 ) Voir arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale (C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 52).

( 25 ) Voir arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 25), et du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia (C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 49).

( 26 ) Voir arrêts du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing (C‑137/08, EU:C:2010:659, point 48), et du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 25).

( 27 ) Voir arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM (C‑243/08, EU:C:2009:350, points 31 et 32), ainsi que du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, EU:C:2020:431, point 37).

( 28 ) Voir arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C‑125/18, EU:C:2020:138, point 44).

( 29 ) Voir arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 50).

( 30 ) Voir arrêt du 26 juin 2019, Addiko Bank (C‑407/18, EU:C:2019:537, points 45 et 46).

( 31 ) Voir arrêt du 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia (C‑485/19, EU:C:2021:313, point 53).

( 32 ) Voir arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary (C‑32/14, EU:C:2015:637, point 62).

( 33 ) Voir arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska (C‑176/17, EU:C:2018:711, point 44).

( 34 ) Voir arrêt du 20 septembre 2018, EOS KSI Slovensko (C‑448/17, EU:C:2018:745, point 46 et point 2 du dispositif).

( 35 ) Voir arrêt du 20 septembre 2018, EOS KSI Slovensko (C‑448/17, EU:C:2018:745, point 49).

( 36 ) Voir arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a. (C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 68).

( 37 ) Voir arrêt Banco Primus, point 46.

( 38 ) Voir arrêt du 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia (C‑485/19, EU:C:2021:313, point 57).

( 39 ) Voir arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a. (C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 71).

( 40 ) C‑40/08, EU:C:2009:615, points 34 à 48.

( 41 ) C‑49/14, EU:C:2016:98, points 45 à 55.

( 42 ) Voir points 49 à 54.

( 43 ) Voir arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale (C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 46).

( 44 ) Voir arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, EU:C:2020:431, points 49 à 51).

( 45 ) Voir arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, EU:C:2020:431, point 35).

( 46 ) Voir points 49 à 54.

( 47 ) Voir, à cet égard, García-Valdecasas Dorrego, M. J., Dialogue Between the Spanish Courts and the European Court of Justice Regarding the Judicial Protection of Consumers under Directive 93/13/EEC, Association of Property and Business Registrars of Spain, 2018, p. 98 et 99.

( 48 ) Voir, notamment, arrêts du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, points 29 à 32) ; du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines (C‑370/17 et C‑37/18, EU:C:2020:260, points 94 à 96), et du 16 juillet 2020, UR (Assujettissement des avocats à la TVA) (C‑424/19, EU:C:2020:581, points 31 à 34).

( 49 ) Voir, à cet égard, Turmo, A., « National Res Judicata in the European Union : Revisiting the Tension Between the Temptation of Effectiveness and the Acknowledgement of Domestic Procedural Law », Common Market Law Review, vol. 58, 2021, p. 361 à 390, en particulier p. 375.

( 50 ) C‑167/17, EU:C:2018:833, point 69.

( 51 ) Voir arrêts du 29 juin 2010, Commission/Luxembourg (C‑526/08, EU:C:2010:379, point 27), et du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 47).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-693/19
Date de la décision : 15/07/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Tribunale di Milano.

Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Principe d’équivalence – Principe d’effectivité – Procédures d’injonction de payer et de saisie-arrêt auprès des tiers – Autorité de la chose jugée couvrant implicitement la validité des clauses du titre exécutoire – Pouvoir du juge de l’exécution d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause.

Charte des droits fondamentaux

Rapprochement des législations

Droits fondamentaux

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : SPV Project 1503 Srl et Dobank SpA
Défendeurs : YB et Banco di Desio e della Brianza SpA e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tanchev

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:615

Source

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