La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2021 | CJUE | N°C-315/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 17 juin 2021., Regione Veneto contre Plan Eco S.r.l., 17/06/2021, C-315/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 17 juin 2021 ( 1 )

Affaire C‑315/20

Regione Veneto

contre

Plan Eco Srl,

en présence de

Futura Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2008/98/CE – Gestion des déchets – Article 16 – Principes d’autosuffisance et de proximité – Règlement (CE) no 1013/2006 – Transferts de déc

hets – Article 3, paragraphe 5, et article 11 – Déchets municipaux en mélange soumis à un traitement mécanique ne modifiant pas leur nature – Catalogue europé...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 17 juin 2021 ( 1 )

Affaire C‑315/20

Regione Veneto

contre

Plan Eco Srl,

en présence de

Futura Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2008/98/CE – Gestion des déchets – Article 16 – Principes d’autosuffisance et de proximité – Règlement (CE) no 1013/2006 – Transferts de déchets – Article 3, paragraphe 5, et article 11 – Déchets municipaux en mélange soumis à un traitement mécanique ne modifiant pas leur nature – Catalogue européen des déchets (CED) – Encodage sous le code CED de déchets spéciaux »

I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Regione Veneto (Région de la Vénétie, Italie, ci-après la « Région ») à Plan Eco Srl au sujet de l’opposition de la Région au transport de déchets vers un autre État membre.

2. Cette demande porte, en substance, sur l’interprétation du règlement (CE) no 1013/2006 ( 2 ), lu en combinaison avec la directive 2008/98/CE ( 3 ), et concerne, pour l’essentiel, la question de savoir si le classement donné, dans un État membre, à des déchets municipaux en mélange au sens du catalogue européen des déchets (CED), à la suite d’un traitement mécanique qui n’a pas substantiellement modifié les propriétés initiales de ces déchets, interfère ou non avec l’application de la
réglementation de l’Union européenne relative au transfert desdits déchets dans un autre État membre.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2008/98

3. Conformément à son article 41, la directive 2008/98 a abrogé et remplacé, à compter du 12 décembre 2010, la directive 2006/12/CE ( 4 ), et les références faites à la seconde directive doivent s’entendre comme étant faites à la première.

4. Le considérant 33 de la directive 2008/98 est ainsi libellé :

« Aux fins de l’application du [règlement no 1013/2006], les déchets municipaux en mélange visés à l’article 3, paragraphe 5, dudit règlement restent des déchets municipaux en mélange même lorsqu’ils ont fait l’objet d’une opération de traitement des déchets qui n’a pas substantiellement modifié leurs propriétés. »

5. Aux termes de l’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application » :

« La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation. »

6. L’article 3 de ladite directive, intitulé « Définitions », donne, aux fins de celle-ci, notamment les définitions suivantes :

« [...]

9) “gestion des déchets” : la collecte, le transport, la valorisation et l’élimination des déchets [...] ;

[...]

14) “traitement” : toute opération de valorisation ou d’élimination, y compris la préparation qui précède la valorisation ou l’élimination ;

15) “valorisation” : toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d’autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l’usine ou dans l’ensemble de l’économie. [...] ;

[...]

19) “élimination” : toute opération qui n’est pas de la valorisation même lorsque ladite opération a comme conséquence secondaire la récupération de substances ou d’énergie. [...] ;

[...] »

7. L’article 7 de la même directive, intitulé « Liste de déchets », prévoit, à son paragraphe 1 :

« [...] La liste de déchets comprend des déchets dangereux et tient compte de l’origine et de la composition des déchets et, le cas échéant, des valeurs limites de concentration de substances dangereuses. La liste de déchets est obligatoire en ce qui concerne la détermination des déchets qui sont à considérer comme des déchets dangereux. La présence d’une substance ou d’un objet dans la liste ne signifie pas forcément qu’il soit un déchet dans tous les cas. Une substance ou un objet n’est
considéré comme un déchet que lorsqu’il répond à la définition visée à l’article 3, point 1. »

8. L’article 13 de la directive 2008/98, intitulé « Protection de la santé humaine et de l’environnement », est libellé comme suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :

a) sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;

b) sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et

c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »

9. Le chapitre III de cette directive, qui comporte les articles 15 à 22 de celle-ci, est intitulé « Gestion des déchets ». Aux termes de l’article 16, intitulé « Principes d’autosuffisance et de proximité » :

« 1.   Les États membres prennent les mesures appropriées, en coopération avec d’autres États membres lorsque cela s’avère nécessaire ou opportun, en vue de l’établissement d’un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination des déchets et d’installations de valorisation des déchets municipaux en mélange collectés auprès des ménages privés, y compris lorsque cette collecte concerne également de tels déchets provenant d’autres producteurs, en tenant compte des meilleures techniques
disponibles.

Par dérogation au [règlement no 1013/2006], les États membres peuvent, en vue de protéger leur réseau, limiter les importations de déchets destinés aux incinérateurs et relevant de la valorisation, lorsqu’il a été établi que de telles importations auraient pour conséquence de devoir éliminer des déchets nationaux ou que ces déchets devraient être traités d’une manière qui n’est pas conforme à leurs plans nationaux de gestion des déchets. Les États membres notifient toute décision de ce type à la
Commission. Les États membres peuvent également limiter les exportations de déchets pour des motifs environnementaux énoncés dans le [règlement no 1013/2006].

2.   Le réseau est conçu de manière à permettre à [l’Union] dans son ensemble d’assurer elle-même l’élimination de ses déchets, ainsi que la valorisation des déchets visés au paragraphe 1, et à permettre aux États membres de tendre individuellement vers ce but, en tenant compte des conditions géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets.

3.   Le réseau permet l’élimination des déchets ou la valorisation des déchets visés au paragraphe 1 dans l’une des installations appropriées les plus proches, grâce à l’utilisation des méthodes et technologies les plus appropriées, pour garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé publique.

[...] »

10. L’annexe II de ladite directive, intitulée « Opérations de valorisation », inclut, au point R 1, la définition suivante : « [u]tilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l’énergie » ( 5 ).

2. Le règlement no 1013/2006

11. Le règlement no 1013/2006 énonce, à ses considérants 7 et 20 :

« (7) Il est important d’organiser et de réglementer la surveillance et le contrôle des transferts de déchets d’une manière qui tienne compte de la nécessité de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et la santé humaine et qui favorise une application plus uniforme du règlement dans l’ensemble de [l’Union].

[...]

(20) Dans le cas de transferts de déchets destinés à être éliminés, les États membres devraient tenir compte des principes de proximité, de priorité à la valorisation et d’autosuffisance aux niveaux [de l’Union] et national, conformément à la directive [2006/12], en prenant, conformément au [traité FUE], des mesures d’interdiction générale ou partielle des transferts ou d’objection systématique à l’encontre de ces transferts. Il faut en outre tenir compte de l’exigence prévue par la directive
[2006/12] en vertu de laquelle les États membres doivent établir un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination des déchets, afin de permettre à [l’Union] dans son ensemble d’être autosuffisante en matière d’élimination des déchets et aux États membres de tendre individuellement vers ce but, en tenant compte des circonstances géographiques ou du besoin d’installations spécialisées pour certains types de déchets. [...] »

12. Aux termes de l’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application » :

« 1.   Le présent règlement établit les procédures et les régimes de contrôle applicables au transfert de déchets, en fonction de l’origine, de la destination et de l’itinéraire du transfert, du type de déchets transférés et du type de traitement à appliquer aux déchets sur leur lieu de destination.

2.   Le présent règlement s’applique aux transferts de déchets :

a) entre États membres à l’intérieur de [l’Union] ou transitant par des pays tiers ;

[...] »

13. Le titre II dudit règlement, intitulé « Transferts à l’intérieur de [l’Union] transitant ou non par des pays tiers », inclut les articles 3 à 32. L’article 3 du même règlement, intitulé « Cadre de procédure général », prévoit, à son paragraphe 5 :

« Les transferts de déchets municipaux en mélange (déchets correspondant à la rubrique 20 03 01) collectés auprès des ménages privés, y compris lorsque cette collecte concerne également ce type de déchets provenant d’autres producteurs, vers des installations de valorisation ou d’élimination sont, conformément au présent règlement, soumis aux mêmes dispositions que les transferts de déchets destinés à être éliminés. »

14. L’article 4 du règlement no 1013/2006, intitulé « Notification », dispose, à son premier alinéa :

« Lorsque le notifiant a l’intention de transférer des déchets visés à l’article 3, paragraphe 1, point a) ou b), il adresse une notification écrite préalable à l’autorité compétente d’expédition, qui la relaie et, s’il procède à une notification générale, il se conforme à l’article 13. »

15. L’article 11 de ce règlement, intitulé « Objections aux transferts de déchets destinés à être éliminés », énonce, à son paragraphe 1 :

« En cas de notification concernant un transfert envisagé de déchets destinés à être éliminés, les autorités compétentes de destination et d’expédition peuvent, dans les trente jours suivant la date de transmission de l’accusé de réception par l’autorité compétente de destination conformément à l’article 8, formuler des objections motivées en se fondant sur l’un au moins des motifs suivants, conformément au traité :

a) le transfert ou l’élimination prévu serait incompatible avec les mesures d’interdiction générale ou partielle des transferts ou d’objection systématique concernant les transferts de déchets, adoptées pour mettre en œuvre les principes de proximité, de priorité à la valorisation et d’autosuffisance aux niveaux [de l’Union] et national, conformément à la directive [2006/12] ; ou

[...]

i) les déchets concernés sont des déchets municipaux en mélange provenant de ménages privés (code 20 03 01) ; [...]

[...] »

16. L’article 12 dudit règlement, intitulé « Objections aux transferts de déchets destinés à être valorisés », prévoit, à son paragraphe 1 :

« En cas de notification concernant un transfert envisagé de déchets destinés à être valorisés, les autorités compétentes de destination et d’expédition peuvent, dans les trente jours suivant la date de transmission de l’accusé de réception par l’autorité compétente de destination conformément à l’article 8, formuler des objections motivées en se fondant sur l’un ou plusieurs des motifs suivants, conformément au traité :

[...]

b) le transfert ou la valorisation prévu ne serait pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de l’environnement, d’ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé en ce qui concerne des actions qui ont lieu dans le pays à l’origine de l’objection ; ou

[...]

g) le rapport entre les déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée des matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l’élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d’un point de vue économique et/ou écologique ; [...]

[...] »

3. La liste des déchets et le CED

17. La décision 94/3/CE ( 6 ) a établi une liste des déchets en application de l’article 1er, sous a), second alinéa, de la directive 75/442/CEE ( 7 ). Cette liste est annexée à cette décision.

18. Le point 2 de l’annexe de la décision 94/3 prévoit que la liste des déchets est communément dénommée « catalogue européen des déchets (CED) ».

19. Le point 3 de cette annexe précise que « [l]e CED est une liste de déchets harmonisée et non exhaustive, c’est-à-dire une liste qui fera l’objet d’un réexamen périodique ».

20. La décision 94/3 a été remplacée par la décision 2000/532/CE ( 8 ), qui a modifié le CED.

21. Au chapitre 19 de la liste des déchets annexée à cette décision, intitulé « Déchets provenant des installations de gestion des déchets [...] », sous la section 19 12, intitulée « déchets provenant du traitement mécanique des déchets (par exemple, tri, broyage, compactage, granulation) non spécifiés ailleurs », figure la rubrique 19 12 12 : « autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets autres que ceux visés à la rubrique 19 12 11 [ ( 9 )] ».

22. Au chapitre 20 de cette liste, intitulé « Déchets municipaux (déchets ménagers et déchets assimilés provenant des commerces, des industries et des administrations), y compris les fractions collectées séparément », sous la section 20 03, intitulée « autres déchets municipaux », figure la rubrique 20 03 01 : « déchets municipaux en mélange ».

B.   Le droit italien

23. L’article 182 bis, paragraphe 1, du decreto legislativo n. 152 – Norme in materia ambientale (décret législatif no 152, relatif aux règles en matière environnementale), du 3 avril 2006 ( 10 ), prévoit :

« L’élimination des déchets et la valorisation des déchets municipaux en mélange sont réalisées par un réseau intégré et adéquat d’installations, en tenant compte des meilleures techniques disponibles et du rapport coûts/bénéfices globaux, afin de :

a) parvenir à l’autosuffisance dans l’élimination des déchets municipaux non dangereux et des déchets résultant de leur traitement dans des zones géographiques optimales ;

b) permettre l’élimination des déchets et la valorisation des déchets municipaux en mélange dans l’une des installations adéquates les plus proches des lieux de production ou de collecte, en vue de réduire les mouvements des déchets, compte tenu du contexte géographique ou de la nécessité d’installations spécialisées pour certains types de déchets ;

[...] »

24. L’annexe D du décret législatif no 152/2006 reprend les codes à attribuer aux différents types de déchets tels qu’établis par le CED.

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

25. Plan Eco, une société de transport, a présenté à la Région une demande de consentement préalable relative à l’exportation vers une cimenterie située en Slovénie, en vue de l’utilisation en cocombustion, de 2000 tonnes de déchets municipaux en mélange, traités mécaniquement par la société Futura et classés par cette dernière, après ce traitement, sous la rubrique 19 12 12 du CED (ci-après les « déchets en cause »).

26. Par décision du 22 avril 2016, la Région s’est opposée au transfert envisagé, sur le fondement notamment de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et g), du règlement no 1013/2016, au motif, premièrement, que les déchets en cause étaient, à l’origine, des déchets municipaux en mélange et que les opérations de traitement effectuées par Futura n’avaient pas changé leur nature, l’attribution de la rubrique 19 12 12 du CED n’étant pas décisive à cet égard ; deuxièmement, que le décret législatif
no 152/2006 imposait que ces déchets municipaux en mélange soient valorisés dans l’une des installations adéquates les plus proches du lieu de production ou de collecte ; troisièmement, qu’il existait sur son territoire un réseau d’installations capable de répondre aux besoins de Plan Eco et que, en l’occurrence, une installation de la Région avait déclaré être en mesure d’accueillir lesdits déchets municipaux en mélange.

27. Plan Eco a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto (tribunal administratif régional pour la Vénétie, Italie), lequel, par jugement du 15 novembre 2016, a annulé la décision au motif, notamment, que le transfert à l’étranger concernait des déchets spéciaux classés sous la rubrique 19 12 12 du CED et que, partant, les principes d’autosuffisance, de proximité et de restriction territoriale prévus pour le traitement des déchets municipaux
ne s’appliquaient pas.

28. La Région a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), lequel, après avoir notamment vérifié que les déchets en cause avaient fait l’objet d’un traitement n’ayant pas substantiellement modifié leurs propriétés initiales en tant que déchets municipaux, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans le cadre d’une affaire où des déchets municipaux en mélange ne contenant pas de déchets dangereux ont été traités mécaniquement par une installation en vue de leur valorisation énergétique (opération R1/R12 visée à l’annexe C du [décret législatif no 152/2006]) et où, au terme de cette opération de traitement, il apparaît que le traitement n’a pas substantiellement modifié les propriétés initiales des déchets municipaux en mélange mais que ceux-ci se voient attribuer [la rubrique] – non
contesté[e] par les parties – 19 12 12 dans le cadre du classement établi par le CED ;

en vue de statuer sur la légalité des objections que l’autorité compétente du pays d’origine a soulevées dans le cadre de la procédure de demande de consentement préalable au transfert des déchets traités vers une installation de production d’un autre pays européen en vue de leur utilisation en cocombustion ou, en tout état de cause, comme moyen pour produire de l’énergie, en se fondant sur les principes de la directive 2008/98 et, plus précisément, d’objections telles que celles soulevées en
l’espèce, fondées :

sur le principe de protection de la santé humaine et de l’environnement (article 13 de la directive 2008/98) ;

sur les principes d’autosuffisance et de proximité consacrés à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98 [...] ;

sur le principe consacré par ce même article 16, paragraphe 1, deuxième alinéa, dernière phrase [...] ;

sur le considérant 33 de la directive 2008/98 [...],

le [CED] (en l’occurrence, [la rubrique] 19 12 12 [de ce catalogue] désignant des déchets produits par des installations de traitement mécanique des déchets pour des opérations de valorisation R1/R12) et le classement qu’il établit interfèrent-ils – et, si oui, dans quelle mesure – avec la réglementation [de l’Union] en matière de transfert de déchets qui, avant de faire l’objet d’un traitement mécanique, étaient des déchets municipaux en mélange ?

Plus précisément, s’agissant du transfert de déchets résultant du traitement des déchets municipaux en mélange, les dispositions de l’article 16 et du considérant 33 de la directive 2008/98, qui portent expressément sur le transfert de déchets, prévalent-elles ou non sur la classification établie par le [CED] ?

Dans le cas où la Cour estimerait cette question opportune et utile, ledit catalogue a-t-il un caractère normatif ou constitue-t-il une simple certification technique permettant d’assurer une traçabilité homogène de tous les déchets ? »

29. Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement italien et par la Commission européenne.

IV. Analyse

A.   Considérations liminaires

30. La question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi se compose, en substance, de deux questions, que je vais examiner ci-après :

– la première concerne le point de savoir si le considérant 33 et l’article 16 de la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à l’autorité compétente d’expédition de s’opposer au transfert de déchets municipaux en mélange vers un autre État membre, en vue de leur utilisation en cocombustion, bien que ces déchets aient été classifiés sous la rubrique 19 12 12 du [CED], à la suite d’un traitement mécanique n’ayant pas toutefois substantiellement modifié leurs
propriétés initiales ;

– la seconde, accessoire, concerne le point de savoir si le CED revêt un caractère normatif ou, au contraire, constitue « une simple certification technique permettant d’assurer une traçabilité homogène de tous les déchets ».

31. Au cours de la procédure devant la juridiction de renvoi, la Région a soutenu, pour l’essentiel, que les déchets en cause, qui restent des déchets municipaux bien qu’ils aient fait l’objet d’un traitement mécanique, sont soumis aux principes d’autosuffisance et de proximité énoncés à l’article 182 bis, paragraphe 1, du décret législatif no 152/2006 et que le CED désigne une certification technique mais ne constitue pas un dispositif normatif.

32. En revanche, Plan Eco a fait valoir, en substance, que les déchets en cause sont des déchets « spéciaux », à savoir des déchets ayant fait l’objet d’un traitement mécanique qui a comporté l’attribution de la rubrique 19 12 12 du CED.

33. Devant la Cour, le gouvernement italien soutient que les déchets en cause, en dépit du traitement reçu et bien que l’attribution de la rubrique 19 12 12 du CED à la suite de ce traitement soit correcte, ont conservé leur nature de déchets municipaux en mélange non dangereux, au sens du considérant 33 de la directive 2008/98. Partant, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006, ces déchets seraient soumis aux dispositions relatives aux transferts de déchets destinés à être
éliminés et notamment à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ainsi qu’au principe de proximité visé à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive.

34. Pour sa part, la Commission estime que, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006, le transfert des déchets en cause, qui n’ont pas perdu leur nature de déchets municipaux en mélange même s’ils sont destinés à une opération de valorisation et non d’élimination, est soumis aux mêmes dispositions que le transfert de déchets destinés à être éliminés et, par conséquent, à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, qui permet aux autorités compétentes de formuler des
objections motivées au transfert, fondées notamment sur les principes de proximité et d’autosuffisance. Cette conclusion ne serait pas remise en question par la référence au code 20 du CED, figurant à l’article 3, paragraphe 5, dudit règlement, puisque cette dernière disposition s’appliquerait à des déchets municipaux incluant des déchets de nature différente. Ladite conclusion serait confirmée par le considérant 33 de la directive 2008/98, qui réaffirme que les déchets municipaux en mélange
restent des déchets municipaux en mélange même lorsqu’ils ont fait l’objet d’une opération de traitement qui n’a pas substantiellement modifié leurs propriétés, ainsi que par l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, selon lequel la liste de déchets n’est obligatoire qu’en ce qui concerne la détermination des déchets qui sont à considérer comme dangereux. Au final, ce qui serait décisif afin de déterminer la nature des déchets en cause ne serait pas l’attribution du code du CED, mais le
fait que ces déchets restent des déchets municipaux en mélange malgré l’opération de traitement.

35. Eu égard à la nature technique des questions posées, il me semble utile, avant d’entamer mon analyse, de présenter un aperçu du cadre réglementaire relatif aux transferts de déchets ainsi que de la classification des déchets en cause.

1. Le cadre réglementaire relatif aux transferts de déchets

36. Tout d’abord, je constate que, conformément à l’article 1er de la directive 2008/98, celle-ci établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine, d’une part par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, d’autre part par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation.

37. En vertu de l’article 16 de cette directive, les États membres sont tenus d’établir un réseau intégré et adéquat d’installations de traitement des déchets destinés à être éliminés et des déchets municipaux en mélange qui sont collectés, en tenant compte des meilleures techniques disponibles et en concevant ce réseau de telle manière, notamment, qu’ils tendent individuellement vers l’autosuffisance pour le traitement de ces déchets et que ce traitement puisse intervenir dans l’une des
installations appropriées les plus proches du lieu de production de ceux‑ci. Cet article prévoit notamment que les États membres peuvent limiter les exportations de déchets pour des motifs environnementaux énoncés dans le règlement no 1013/2006.

38. Ensuite, j’observe que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1013/2006, celui-ci établit les procédures et les régimes de contrôle applicables au transfert de déchets, en fonction de l’origine, de la destination et de l’itinéraire du transfert, du type de déchets transférés et du type de traitement à appliquer aux déchets sur leur lieu de destination, et que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, celui-ci est applicable aux transferts de déchets
ayant lieu, notamment, entre États membres, à l’exception des transferts de déchets relevant des cas particuliers ou des réglementations spéciales mentionnés au paragraphe 3 de cet article, qui ne sont pas applicables à l’affaire en cause au principal.

39. En vertu de l’article 3 dudit règlement, les transferts de déchets entre États membres sont soumis soit à la procédure de notification et de consentement écrits préalables régie par les articles 4 à 17 du même règlement, qui sont applicables aux déchets destinés à être éliminés et aux déchets dangereux destinés à être valorisés, soit à des exigences générales d’information fixées à l’article 18 de celui-ci, qui ne concerne, en principe, que les déchets non dangereux destinés à être valorisés (
11 ).

40. En outre, il découle des articles 11, 12 et 18 du règlement no 1013/2006 que les États membres ont des prérogatives ou des obligations différentes en ce qui concerne, d’une part, les transferts entre États membres de déchets destinés à être éliminés et, d’autre part, les transferts de déchets destinés à être valorisés. Par ailleurs, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement, les transferts de déchets municipaux en mélange collectés auprès des ménages privés ainsi que des autres
producteurs vers des installations de valorisation ou d’élimination sont soumis aux mêmes dispositions que les transferts de déchets destinés à être éliminés ( 12 ).

41. S’agissant, plus particulièrement, des déchets destinés à être éliminés et des déchets municipaux en mélange, il résulte de l’article 11, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu à la lumière du considérant 20 de celui-ci, ainsi que de l’article 16 de la directive 2008/98, que les États membres peuvent adopter des mesures de portée générale restreignant les transferts de ces déchets entre États membres, sous la forme d’interdictions générales ou partielles de transferts, en vue de mettre en
œuvre les principes de proximité, de priorité à la valorisation et d’autosuffisance conformément à cette directive ( 13 ).

2. La classification des déchets en cause

42. En l’espèce, tout d’abord, je rappelle que les déchets en cause, qui ont fait l’objet d’une demande de consentement préalable relative à l’exportation, étaient, à l’origine, des déchets municipaux en mélange ne contenant pas de déchets dangereux.

43. Ensuite, il est constant que les déchets en cause ont été traités mécaniquement en vue de leur valorisation énergétique et que ce traitement a entraîné une modification de leur classement selon le CED. Ces déchets ont donc été classés sous la rubrique 19 12 12 de ce catalogue, qui correspond à la définition suivante : « autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets autres que ceux visés à la rubrique 19 12 11 », tandis que les « déchets municipaux en mélange »
proprement dits sont classifiés par ledit catalogue sous la rubrique 20 03 01. La juridiction de renvoi a toutefois vérifié que ledit traitement n’a pas substantiellement modifié les propriétés initiales desdits déchets, qui restaient des déchets municipaux en mélange.

44. Enfin, il est également constant que le transfert envisagé concernait des déchets destinés à être « valorisés », c’est-à-dire destinés à être utilisés comme moyen de production d’énergie ( 14 ), et qu’il existait, sur le territoire régional, un réseau d’installations capable d’accueillir ces déchets.

B.   Sur la première question préjudicielle

45. Par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’application, au cas d’espèce, du considérant 33 et de l’article 16 de la directive 2008/98 ainsi que sur les effets de la classification des déchets en cause selon le CED sur l’application de ces dispositions.

46. À cet égard, il me paraît important de relever d’emblée qu’un transfert de déchets tel que celui en cause au principal entre dans le champ d’application du règlement no 1013/2006, qui, ainsi qu’il ressort de son titre, s’applique spécifiquement aux transferts de déchets ( 15 ). Plus particulièrement, l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement concerne précisément les transferts de déchets municipaux en mélange et établit que ces transferts sont soumis aux mêmes dispositions que les transferts de
déchets destinés à être éliminés, et partant, pour ce qui est des objections à leur transfert, à l’article 11 dudit règlement. Par ailleurs, le considérant 33 et l’article 16 de la directive 2008/98, évoqués par la juridiction de renvoi, renvoient également au même règlement.

47. J’estime donc que, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, la première question préjudicielle doit être comprise en ce qu’elle vise, outre la directive 2008/98, également et principalement les dispositions pertinentes du règlement no 1013/2006.

48. Partant, la question se pose de savoir si le transfert des déchets en cause est soumis au régime juridique prévu à l’article 11 du règlement no 1013/2006, en vertu du renvoi opéré par l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement, bien que cette dernière disposition évoque la rubrique 20 03 01 du CED ( 16 ), tandis que ces déchets ont été classés différemment, à savoir sous la rubrique 19 12 12 ( 17 ) de ce catalogue.

49. J’estime qu’il convient de répondre par l’affirmative à cette question, puisqu’il me semble que, dans les circonstances de l’espèce, la classification des déchets en cause selon le CED ne saurait interférer avec l’application des règles relatives au transfert des déchets entre États membres.

50. Ci-après, je détaillerai cette position en examinant, en premier lieu, les effets juridiques de la classification selon le CED et, en second lieu, la référence que l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006 fait à la rubrique 20 03 01 de ce catalogue.

51. En premier lieu, s’agissant des effets juridiques de la classification des déchets, je constate que, selon une jurisprudence constante, la liste des déchets incluse dans ledit catalogue n’a qu’un caractère indicatif ( 18 ). Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/98 énonce que la liste des déchets est obligatoire en ce qui concerne la détermination des déchets qui sont à considérer comme des déchets dangereux ( 19 ), ce qui n’est pas le cas en l’espèce ( 20 ).

52. D’ailleurs, il ressort notamment du point 3 de la note préliminaire à la liste des déchets qui figure à l’annexe de la décision 94/3 que le CED, introduit par cette décision, est une liste de déchets harmonisée et non exhaustive et que le fait qu’une matière y figure ne signifie pas qu’elle soit un déchet dans tous les cas, l’inscription sur cette liste n’ayant d’effet que si cette matière répond à la définition des déchets. Le point 5 de cette note préliminaire précise notamment que ce
catalogue « est destiné à servir de nomenclature de référence fournissant une terminologie commune valable dans toute [l’Union] en vue d’améliorer l’efficacité des activités de gestion des déchets ».

53. Partant, il me semble que la classification des déchets en cause conformément au CED n’est pas contraignante en ce qui concerne les règles applicables au transfert en cause au principal.

54. En second lieu, quant au fait que l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006 fait explicitement mention de la rubrique 20 03 01, il me semble que cette mention n’est effectuée qu’à titre indicatif.

55. En effet, il convient de rappeler que, conformément au considérant 7 du règlement no 1013/2006, la surveillance et le contrôle des transferts de déchets sont organisés et réglementés d’une manière qui tient compte, notamment, de la nécessité de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et la santé humaine et que, ainsi que l’a confirmé la Cour, ce règlement vise à fournir un système harmonisé de procédures par lesquelles la circulation des déchets peut être limitée afin
d’assurer la protection de l’environnement ( 21 ). À ces fins, ledit règlement soumet à des régimes différents, d’une part, les transferts entre États membres des déchets destinés à être éliminés et des déchets municipaux en mélange et, d’autre part, les transferts des déchets destinés à être valorisés ( 22 ). En ce qui concerne plus particulièrement les déchets municipaux en mélange, il ressort des travaux préparatoires à l’adoption du même règlement que le législateur de l’Union a souhaité
poursuivre l’objectif de limiter au strict nécessaire les transferts de déchets provenant des ménages privés, qui composent les déchets municipaux en mélange, et d’encourager les États membres, qui devaient se charger de ces déchets non homogènes, à résoudre de manière autonome leurs problèmes de déchets ménagers, leur donnant ainsi la possibilité de s’opposer à des transferts de déchets ménagers en application des dispositions relatives aux déchets destinés à l’élimination, sans exclure la
coopération avec des pays voisins ( 23 ).

56. Je tire de ces considérations la conclusion que le régime juridique appliqué aux transferts de déchets dépend de la nature substantielle de ces derniers et non de leur classification formelle conformément au CED.

57. En outre, le considérant 33 de la directive 2008/98 énonce, de façon claire et sans équivoque, que les déchets municipaux en mélange visés par cette disposition maintiennent cette classification, peu importe qu’ils aient fait l’objet d’une opération de traitement des déchets, si celle-ci n’a pas « substantiellement modifié » leurs propriétés. Or, si les considérants d’un acte de l’Union sont dépourvus de valeur juridique ou de caractère normatif à eux seuls, ils peuvent servir d’auxiliaires
d’interprétation permettant de déduire la volonté du législateur de l’Union ( 24 ). En l’espèce, ce considérant, bien qu’il ne fasse pas partie du règlement no 1013/2006, vise explicitement l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement et constitue donc une aide à l’interprétation de cette disposition, en confirmant, implicitement, que la référence à la rubrique 20 03 01 n’est effectuée qu’à titre indicatif, puisque l’article 3, paragraphe 5, dudit règlement s’applique en fonction de la nature, en
l’espèce inchangée, des déchets.

58. Dans ces circonstances, j’estime que le transfert des déchets en cause, indépendamment de leur classification conformément au CED, entre dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006 et est donc soumis aux dispositions de l’article 11 de ce règlement, qui permet aux autorités compétentes d’expédition de s’opposer au transfert de ces déchets en se fondant notamment sur les principes de proximité et d’autosuffisance, conformément à la directive 2008/98 ( 25 ).

59. Quant à l’article 16 de cette directive, invoqué par la Région et par le gouvernement italien, il convient de préciser que le paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, de cet article permet aux États membres de limiter les exportations de déchets « pour des motifs environnementaux énoncés dans le [règlement no 1013/2006] » et donc que, pour ce qui relève de la présente affaire, cette disposition renvoie elle-même à ce règlement. Ladite disposition constitue néanmoins un outil pour
l’interprétation de l’article 11, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, en ce qu’elle explicite les principes d’autosuffisance et de proximité auxquels renvoie cette dernière disposition ( 26 ).

60. En outre, il me semble utile de préciser que, en vertu du renvoi explicite opéré par l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006, c’est l’article 11 de ce règlement, relatif aux transferts de déchets destinés à être éliminés, qui s’applique en l’espèce et non l’article 12 dudit règlement, évoqué par le gouvernement italien, qui concerne les transferts de déchets destinés à être valorisés. Il est donc indifférent que les déchets en cause aient été destinés à être utilisés comme moyen de
production d’énergie et donc « valorisés » ( 27 ).

61. Par ailleurs, l’article 13 de la directive 2008/98, cité sans autre explication par la juridiction de renvoi, n’est pas pertinent en l’espèce, dès lors qu’il se limite à établir, de manière générale, que les États membres prennent des mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets ne met pas en danger la santé humaine et ne nuit pas à l’environnement.

62. Partant, il me semble que le transfert des déchets en cause est soumis, au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006, aux dispositions relatives aux transferts de déchets destinés à être éliminés, à savoir à l’article 11, paragraphe 1, de ce règlement ( 28 ), lu à la lumière de l’article 16 de la directive 2008/98, malgré le fait que ces déchets ont fait l’objet d’un traitement qui, sans modifier substantiellement leurs propriétés initiales, a comporté un changement de
rubrique au sens du CED. À cet égard, j’estime que ce catalogue et le classement qu’il établit n’interfèrent pas avec la réglementation de l’Union en matière de transfert de déchets applicable en l’espèce.

C.   Sur la seconde question préjudicielle

63. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si le CED a un caractère normatif ou s’il constitue une simple certification technique permettant d’assurer une traçabilité homogène de tous les déchets.

64. La réponse à cette question ressort de l’analyse qui précède, et notamment des points 51 à 53 des présentes conclusions.

65. Force est donc de conclure que la liste des déchets incluse dans le CED n’a pas un caractère normatif ni obligatoire mais, ainsi que précisé au point 5 de la note préliminaire à la liste des déchets, lorsque celle-ci a été introduite, qu’elle est destinée à servir de nomenclature de référence fournissant une terminologie commune valable dans toute l’Union en vue d’améliorer l’efficacité des activités de gestion des déchets ( 29 ).

V. Conclusion

66. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) de la manière suivante :

Le catalogue européen des déchets (CED) et le classement qu’il établit, tels que visés par la décision de la Commission 2000/532/CE, du 3 mai 2000, remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets
dangereux, doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’interfèrent pas avec l’article 3, paragraphe 5, et l’article 11 du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets, lu à la lumière de l’article 16 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, applicable au transfert de déchets municipaux en mélange ayant fait l’objet d’un
traitement mécanique qui n’a pas substantiellement modifié les propriétés initiales de ces déchets, indépendamment de la classification de ces derniers au sens du CED.

La classification au sens du CED n’a pas d’effet contraignant à cet égard.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9).

( 5 ) La note en bas de page précise que l’opération de valorisation inclut les installations d’incinération dont l’activité principale consiste à traiter les déchets municipaux solides pour autant que leur rendement énergétique atteigne le seuil calculé selon une formule relative à l’efficacité énergétique.

( 6 ) Décision de la Commission du 20 décembre 1993 établissant une liste de déchets en application de l’article 1er,point a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets (JO 1994, L 5, p. 15).

( 7 ) Directive du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets (JO 1975, L 194, p. 39).

( 8 ) Décision de la Commission du 3 mai 2000 remplaçant la [décision 94/3] et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (JO 2000, L 226, p. 3). Cette décision a été modifiée, en dernier lieu, par la décision 2014/955/UE de la Commission, du 18 décembre 2014, modifiant la décision 2000/532 (JO 2014, L 370, p. 44).

( 9 ) La rubrique 19 12 11 concerne les « autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets contenant des substances dangereuses ».

( 10 ) Supplément ordinaire à la GURI no 88, du 14 avril 2006, ci-après le « décret législatif no 152/2006 ». L’article 182 bis a été ajouté par l’article 9 du decreto legislativo n. 205 – Disposizioni di attuazione della direttiva [2008/98] (décret législatif no 205, dispositions d’application de la directive 2008/98), du 3 décembre 2010 (supplément ordinaire à la GURI no 288, du 10 décembre 2010).

( 11 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells (C‑292/12, EU:C:2013:820, point 52).

( 12 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells (C‑292/12, EU:C:2013:820, point 53).

( 13 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells (C‑292/12, EU:C:2013:820, point 56).

( 14 ) Pour la définition de « valorisation », voir points 6 et 10 des présentes conclusions.

( 15 ) Voir point 38 des présentes conclusions. Pour rappel, conformément à son article 1er, le règlement no 1013/2006 « établit les procédures et les régimes de contrôle applicables au transfert de déchets, en fonction de l’origine, de la destination et de l’itinéraire du transfert, du type de déchets transférés et du type de traitement à appliquer aux déchets sur leur lieu de destination ». Le titre II de ce règlement porte sur les transferts de déchets à l’intérieur de l’Union. À la différence
dudit règlement, la directive 2008/98 a un champ d’application plus large puisque, aux termes de son article 1er, celle-ci « établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation ».

( 16 ) Pour rappel, l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1013/2006 est formulé comme suit : « Les transferts de déchets municipaux en mélange (déchets correspondant à la rubrique 20 03 01) collectés auprès des ménages privés, y compris lorsque cette collecte concerne également ce type de déchets provenant d’autres producteurs, vers des installations de valorisation ou d’élimination sont, conformément au présent règlement, soumis aux mêmes dispositions que les transferts de déchets destinés à
être éliminés » (italique ajouté par mes soins). La rubrique 20 03 01 correspond à la définition de « déchets municipaux en mélange ».

( 17 ) Pour rappel, cette rubrique correspond à la définition suivante : « autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets autres que ceux visés à la rubrique 19 12 11 ».

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Brady (C‑113/12, EU:C:2013:627, point 36 et jurisprudence citée).

( 19 ) En outre, même en ce qui concerne les déchets qui sont classés comme « dangereux », l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/98 précise que la présence d’une substance ou d’un objet dans la liste ne signifie pas forcément qu’il soit un déchet dans tous les cas, une substance ou un objet n’étant considéré comme un déchet que lorsqu’il répond à la définition visée à l’article 3, point 1), de cette directive (à savoir lorsqu’il s’agit d’une substance ou d’un objet dont le détenteur se
défait ou a l’intention ou l’obligation de se défaire) et les paragraphes 2 et 3 de cette disposition permettent aux États membres, compte tenu des propriétés énumérées à l’annexe III de ladite directive, de considérer comme dangereux des déchets qui ne figurent pas comme tels sur la liste de déchets ou de déclasser des déchets dangereux en déchets non dangereux.

( 20 ) Voir point 42 des présentes conclusions.

( 21 ) Voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells (C‑292/12, EU:C:2013:820, point 49).

( 22 ) Voir point 40 des présentes conclusions.

( 23 ) Voir, à titre d’exemple, recommandation du Parlement européen A6-0287/2005, du 10 octobre 2005, relative à la position commune du Conseil en vue de l’adoption du règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les transferts de déchets, notamment la justification aux amendements nos 28 et 33.

( 24 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Szpunar dans les affaires jointes X et Visser (C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2017:397, point 132), et de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Airhelp (C‑28/20, EU:C:2021:203, point 38). Voir également, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 43 et 44, ainsi que jurisprudence citée).

( 25 ) Je remarque, par ailleurs, que si, au titre de l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1013/2006, les autorités compétentes peuvent formuler des objections au transfert de déchets en application notamment des principes de proximité et d’autosuffisance, évoqués par la Région en l’espèce (voir point 26 des présentes conclusions), l’article 11, paragraphe 1, sous i) de ce règlement permet également à ces autorités de s’opposer, tout court, au transfert de « déchets municipaux en
mélange provenant de ménages privés (code 20 03 01) ».

( 26 ) Plus précisément, par un renvoi mutuel entre les deux normes, d’une part, l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1013/2006 permet aux autorités compétentes de formuler des objections motivées aux transferts de déchets destinés à être éliminés (ainsi que, en vertu du renvoi opéré par l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement, des déchets municipaux en mélange), en vue de « mettre en œuvre les principes de proximité, de priorité à la valorisation et d’autosuffisance aux niveaux
[de l’Union] et national, conformément à la directive [2008/98] », et, d’autre part, l’article 16 de cette directive, qui énonce les principes d’autosuffisance et de proximité, permet aux États membres de limiter les exportations de déchets « pour des motifs environnementaux énoncés dans le [règlement no 1013/2006] » (italique ajouté par mes soins).

( 27 ) Sur la notion de « valorisation », voir points 6 et 10 des présentes conclusions.

( 28 ) L’autorité compétente pouvant s’opposer au transfert dans l’un des cas de figure prévus par cette disposition.

( 29 ) Voir point 51 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-315/20
Date de la décision : 17/06/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.

Renvoi préjudiciel – Environnement – Règlement (CE) no 1013/2006 – Transferts de déchets – Article 3, paragraphe 5, et article 11, paragraphe 1, sous i) – Directive 2008/98/CE – Gestion des déchets – Article 16 – Principes d’autosuffisance et de proximité – Décision 2000/532/CE – Catalogue européen des déchets (CED) – Déchets municipaux en mélange soumis à un traitement mécanique ne modifiant pas leur nature.

Environnement

Déchets


Parties
Demandeurs : Regione Veneto
Défendeurs : Plan Eco S.r.l.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:499

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award