La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2021 | CJUE | N°C-836/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 20 mai 2021., Toropet Ltd contre Landkreis Greiz., 20/05/2021, C-836/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 20 mai 2021 ( 1 )

Affaire C‑836/19

Toropet Ltd

contre

Landkreis Greiz

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Santé publique – Règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine – Règlement (CE) no 1069/2009 – Article 7, paragraphe 1 – Classement reflétant

le niveau de risque pour la santé publique et animale – Article 10, sous a) et f) – Matières de catégorie 3 – Décomposition, détérioration...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 20 mai 2021 ( 1 )

Affaire C‑836/19

Toropet Ltd

contre

Landkreis Greiz

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Santé publique – Règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine – Règlement (CE) no 1069/2009 – Article 7, paragraphe 1 – Classement reflétant le niveau de risque pour la santé publique et animale – Article 10, sous a) et f) – Matières de catégorie 3 – Décomposition, détérioration et présence de corps étrangers dans la matière – Obligation de reclassement en matières de catégorie 2 – Article 9, sous h) – Article 4, paragraphes 1
et 2 – Obligation de contrôle des exploitants de la collecte à l’utilisation ou l’élimination des sous-produits animaux »

I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne) porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 1069/2009 ( 2 ) en matière de sous-produits animaux, plus particulièrement sur le reclassement dans une catégorie inférieure de sous-produits animaux qui ne répondent plus aux exigences de la catégorie dans laquelle ils ont été classés initialement.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Toropet Ltd au Landkreis Greiz (district de Greiz, Allemagne) concernant la décision de ce dernier d’avoir reclassé puis éliminé certains sous-produits animaux de catégorie 3 en catégorie 2 au motif qu’ils avaient été altérés par des moisissures, de la pourriture et des corps étrangers.

3. Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que des sous-produits animaux initialement classés en catégorie 3, qui ne respectent plus le niveau de risque associé à cette catégorie à la suite d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration, ou d’un mélange avec des corps étrangers, doivent faire l’objet d’un reclassement en catégorie inférieure ( 3 ).

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 1069/2009

4. Les considérants 11, 29 et 38 du règlement no 1069/2009 sont rédigés comme suit :

« (11) [...] Il convient d’énoncer clairement les objectifs clefs de la réglementation relative aux sous-produits animaux, à savoir maîtriser les risques pour la santé publique et animale et protéger la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Les dispositions du présent règlement devraient permettre d’atteindre ces objectifs.

[...]

(29) Il convient d’établir un classement des sous-produits animaux et des produits dérivés en trois catégories selon le degré de risque qu’ils présentent pour la santé publique et animale, sur la base d’évaluations des risques. Les sous-produits animaux et les produits dérivés à haut risque ne devraient être utilisés qu’en dehors de la chaîne alimentaire animale, tandis que l’utilisation des sous-produits et produits dérivés à plus faible risque devrait être autorisée sous certaines conditions de
sécurité.

[...]

(38) L’utilisation de sous-produits animaux ne devrait être autorisée que si les risques pour la santé publique et animale sont réduits au minimum au cours de leur transformation et de la mise sur le marché de produits dérivés à base de sous-produits animaux. Lorsque cela n’est pas possible, il y a lieu d’éliminer les sous-produits animaux en respectant certaines conditions de sécurité. [...] D’une manière générale, les possibilités d’utilisation applicables à une catégorie à haut risque
devraient également s’appliquer aux catégories à risque faible, sauf considérations spéciales applicables compte tenu des dangers inhérents à certains sous-produits animaux. »

5. L’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement est rédigé comme suit :

« 1.   Le présent règlement s’applique :

a) aux sous-produits animaux et aux produits dérivés qui sont exclus de la consommation humaine en vertu de la législation communautaire ; [...] »

6. L’article 4 dudit règlement, intitulé « Point de départ de la chaîne de fabrication et obligations », dispose à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les exploitants qui génèrent des sous-produits animaux ou des produits dérivés qui relèvent du champ d’application du présent règlement les identifient comme tels et veillent à ce qu’ils soient traités conformément au présent règlement (point de départ).

2.   À tous les stades de la collecte, du transport, de la manipulation, du traitement, de la conversion, de la transformation, de l’entreposage, de la mise sur le marché, de la distribution, de l’utilisation et de l’élimination des sous-produits animaux et des produits dérivés dans des entreprises sous leur contrôle, les exploitants veillent à ce que lesdits sous-produits et produits dérivés respectent les prescriptions du présent règlement qui s’appliquent à leurs activités. »

7. L’article 7 du même règlement, intitulé « Classement des sous-produits animaux et des produits dérivés », prévoit à son paragraphe 1 :

« Les sous-produits animaux sont classés en catégories spécifiques reflétant leur niveau de risque pour la santé publique et animale, selon les listes établies aux articles 8, 9 et 10. »

8. L’article 9 du règlement no 1069/2009, intitulé « Matières de catégorie 2 », dispose à ses points d) et h) :

« Les matières de catégorie 2 comprennent les sous-produits animaux suivants :

[...]

d) les produits d’origine animale qui ont été déclarés impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers dans ces produits ;

[...]

h) les sous-produits animaux autres que les matières de catégorie 1 ou 3. »

9. L’article 10 de ce règlement, intitulé « Matières de catégorie 3 », prévoit à ses points a) et f) :

« Les matières de catégorie 3 comprennent les sous-produits animaux suivants :

a) les carcasses et parties d’animaux abattus ou, dans le cas du gibier, les corps ou parties d’animaux mis à mort, qui sont propres à la consommation humaine en vertu de la législation communautaire, mais qui, pour des raisons commerciales, ne sont pas destinés à une telle consommation ;

[...]

f) les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits, qui ne sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou en raison de défauts de fabrication ou d’emballage ou d’autres défauts n’entraînant aucun risque pour la santé humaine ou animale ;

[...] »

10. L’article 14 dudit règlement, intitulé « Élimination et utilisation des matières de catégorie 3 », est ainsi libellé :

« Les matières de catégorie 3 :

a) sont éliminées comme déchets, par incinération, avec ou sans transformation préalable ;

b) si elles constituent des déchets, sont éliminées ou valorisées par coïncinération, avec ou sans transformation préalable ;

c) sont éliminées dans une décharge autorisée, après transformation ;

d) sont transformées, sauf dans le cas de matières de catégorie 3 altérées par un phénomène de décomposition ou par une détérioration, de sorte qu’elles comportent, du fait de ce produit, un risque inacceptable pour la santé publique et animale [...]

[...] »

11. L’article 15, paragraphe 1, du même règlement prévoit :

« 1.   Des mesures d’application de la présente section peuvent être arrêtées en ce qui concerne :

[...]

k) le niveau de risque que présentent certaines matières pour la santé publique ou animale et qui est considéré comme inacceptable, tel que visé à l’article 14, point d).

[...] »

12. L’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1069/2009 prévoit :

« 1.   Les exploitants veillent à ce que les établissements ou les usines sous leur contrôle qui effectuent les activités visées à l’article 24, paragraphe 1, points a) et h) :

[...]

e) soient pourvus de dispositifs appropriés pour le nettoyage et la désinfection des conteneurs et des véhicules, de façon à éviter les risques de contamination. »

13. L’article 28 de ce règlement, intitulé « Autocontrôles », dispose :

« Les exploitants mettent en place, appliquent et maintiennent des autocontrôles dans leurs établissements ou leurs usines afin de surveiller le respect du présent règlement. Ils veillent à ce qu’aucun sous-produit animal ou produit dérivé non conforme au présent règlement ou suspecté de non-conformité avec ce dernier ne sorte de l’établissement ou de l’usine, hormis à des fins d’élimination. »

2. Le règlement (UE) no 142/2011

14. L’annexe IV, chapitre 1, section 4, point 3, du règlement (UE) no 142/2011 ( 4 ) prévoit ce qui suit :

« Les usines de transformation de matières de catégorie 3 doivent être dotées d’une installation permettant de détecter la présence de corps étrangers, tels des matériaux d’emballage et des pièces métalliques, dans les sous-produits animaux ou les produits dérivés, si elles transforment des matières destinées à l’alimentation des animaux. Ces corps étrangers doivent être enlevés avant ou pendant la transformation. »

3. Le règlement (CE) no 178/2002

15. Le règlement (CE) no 178/2002 ( 5 ) prévoit à son article 14, paragraphe 5 :

« Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l’utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d’origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition. »

B.   Le droit allemand

16. La Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (loi sur l’élimination des sous-produits animaux) du 25 janvier 2004 (BGBl. 2004 I, p. 82), dans sa version du 4 août 2016 (BGBl. 2016 I, 1966)(ci-après la « TierNebG »), prévoit à son article 1er, intitulé « Champ d’application » :

« La présente loi vise à mettre en œuvre le règlement [no 1069/2009] modifié en dernier lieu par le règlement (UE) no 1385/2013 [du Conseil, du 17 décembre 2013] (JO 2013, L 354, p. 86), ainsi que les actes juridiques de la Communauté ou de l’Union européenne d’application directe, adoptés en vertu ou en exécution de ce règlement. »

17. L’article 3 de la TierNebG prévoit l’obligation d’éliminer certains sous-produits animaux tandis que l’article 12 de cette dernière porte sur le contrôle par les autorités compétentes du respect des règles nationales et du droit de l’Union dans le domaine couvert par le règlement no 1069/2009.

18. La Thüringer Ausführungsgesetz zum Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (loi du Land de Thuringe portant application de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux) du 10 juin 2005 (Thür GVBl. 2005, p. 224) ainsi que la Thüringer Verordnung über die Einzugsbereiche nach dem Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (règlement du Land de Thuringe relatif aux zones d’intervention adopté en vertu de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux) du 11 octobre
2005 (Thür GVBl. 2005, p. 355) établissent respectivement des dispositions concernant les organismes responsables de l’élimination des sous-produits animaux de catégories 1 et 2 et les zones d’intervention à l’intérieur desquelles ces organismes doivent récupérer, collecter, transporter, entreposer, traiter, transformer ou éliminer les sous-produits précités ( 6 ).

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

19. La société Toropet transforme et commercialise des sous-produits animaux entre autres auprès de fabricants d’aliments pour animaux, de recycleurs de graisses animales et d’usines de production de biogaz. Elle exploite en Allemagne un établissement agréé en vertu du règlement no 1069/2009 en tant qu’établissement intermédiaire pour les matières de catégorie 3. Elle est également enregistrée comme transporteur de sous-produits animaux.

20. Le 23 janvier 2018, lors d’un contrôle administratif effectué dans cet établissement intermédiaire, le Landkreis Greiz a constaté la présence de moisissures, de pourritures et de corps étrangers dans 38 grandes caisses (plus communément appelées « palox ») contenant des sous-produits animaux de catégorie 3. En raison de la présence de ces moisissures, pourritures et corps étrangers, le Landkreis Greiz a reclassé les matières en catégorie 2 et a ordonné l’élimination immédiate des 38 palox par la
voie d’une exécution forcée qui a été réalisée le jour même. Les frais liés à ces opérations, d’un montant de 2346,17 euros, ont été mis à la charge de Toropet.

21. Cette injonction a été confirmée par décision du 25 janvier 2018, par laquelle le Landkreis Greiz a expliqué qu’en raison des défauts que constituent la moisissure, la pourriture et les corps étrangers, les matières en cause ne pouvaient plus être classées dans la catégorie 3, mais uniquement dans la catégorie 2. Or, ni Toropet ni son partenaire commercial, qui devait se charger de la transformation de ces matières, ne seraient autorisés à manipuler des matières de catégorie 2. De plus, en
l’absence d’une chambre froide séparée, les matières en cause n’auraient pas pu être entreposées sur place jusqu’à ce qu’une solution à l’amiable soit trouvée.

22. Le 9 octobre 2018, Toropet a formé un recours auprès du Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera) tendant à obtenir une décision déclaratoire visant à l’annulation de la décision administrative du 25 janvier 2018.

23. Dans le cadre de son recours, Toropet reproche au Landkreis Greiz d’avoir commis une erreur en reclassant les matières en cause en catégorie 2 sans effectuer d’examen scientifique. Elle conteste le bien-fondé de l’appréciation des matières en cause selon laquelle elles seraient avariées, pourries ou moisies. Toropet est d’avis que le critère utilisé par les vétérinaires et le Landkreis Greiz, à savoir celui de la comestibilité, selon lequel les produits sont propres à la consommation humaine,
irait au-delà des dispositions de l’article 10 du règlement no 1069/2009.

24. Toropet relève qu’il ressortirait de l’article 14, sous d), de ce règlement que la décomposition et la détérioration des sous-produits animaux ne justifieraient pas un reclassement dans une catégorie inférieure, car une valorisation conformément à l’article 14, sous b), dudit règlement serait possible et qu’une élimination ne serait pas toujours nécessaire. De plus, de l’avis de cette société, les sous-produits animaux en cause pouvaient relever de l’article 10, sous f), du même règlement, car
cette disposition n’exclurait que des produits présentant des risques majeurs causés par les maladies animales. Or, selon Toropet, la viande altérée par de la moisissure ou de la pourriture ne constituerait pas un tel risque.

25. Cette société fait valoir, en particulier, que, puisque les matières de catégorie 3 ne sont pas destinées à l’alimentation humaine ( 7 ), le fait que les matières en cause soient ou non propres à la consommation humaine n’est pas pertinent. En ce qui concerne la présence de corps étrangers dans les matières concernées, elle ne saurait conduire à un reclassement, pour autant qu’une simple séparation mécanique soit possible.

26. La juridiction de renvoi relève que les sous-produits animaux en cause concernaient principalement des matières classées initialement en catégorie 3 en vertu soit de l’article 10, sous a), du règlement no 1069/2009, qui couvre les carcasses et parties d’animaux abattus propres à la consommation humaine, mais qui ne sont pas destinées à une telle consommation, soit de l’article 10, sous f), de ce règlement, couvrant les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits, qui ne
sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou d’autres raisons n’entraînant pas de risque pour la santé humaine ou animale. Les sous-produits animaux relevant du point a) comprenaient des caillettes ou des oreilles. Ceux relevant du point f) portaient, en particulier, sur de la saucisse hachée ou des nerfs de bœuf.

27. Cette juridiction note que la décomposition et la détérioration des matières de catégorie 3 rendent celles-ci, en principe, impropres à la consommation humaine et entraînent un risque pour la santé humaine et animale. Elle se demande, par conséquent, si de tels changements doivent conduire à un reclassement des matières dans une catégorie différente.

28. La juridiction de renvoi relève que l’objectif principal du règlement no 1069/2009, comme il ressort de son considérant 11 ainsi que de son article 1er, est de maîtriser les risques pour la santé publique et animale et de protéger la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Dès lors, la dangerosité ne serait pas limitée à la santé humaine. L’article 14, sous d), de ce règlement soulignerait d’ailleurs que la décomposition et la détérioration entraînent des risques pour la santé
publique et animale.

29. La juridiction de renvoi estime toutefois que l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 pourrait s’opposer à la modification ultérieure du classement initial, à la suite d’une décomposition ou d’une détérioration des matières concernées. En effet, selon elle, il pourrait être déduit de cette disposition que la décomposition et la détérioration affectent, en principe, non pas le classement, mais uniquement l’utilisation des matières de catégorie 3. Selon cette juridiction, si l’utilisation
de ces matières à des fins de fabrication d’aliments pour animaux est exclue en vertu de l’article 14, sous d), de ce règlement, il semblerait, en revanche, possible d’utiliser ces matières à d’autres fins, par exemple en les valorisant par coïncinération, conformément à l’article 14, sous b), dudit règlement.

30. La juridiction de renvoi s’interroge également sur l’interprétation de l’article 9, sous d), du règlement no 1069/2009. En effet, en vertu de cette disposition, les matières déclarées impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers doivent être classées dans la catégorie 2. Toutefois, il ressortirait de l’annexe IV, chapitre I, section 4, point 3, du règlement no 142/2011 que la présence de corps étrangers ne suffit pas à entraîner le classement dans la
catégorie 2, dès lors qu’il est possible d’enlever ces derniers au moyen d’installations permettant de les détecter, conformément aux règles applicables aux usines de transformation de matières de catégorie 3. De plus, la juridiction de renvoi se demande si la prévention du risque de la présence de corps étrangers est pertinente lorsque les matières de catégorie 3 sont destinées non pas à être transformées en alimentation animale, mais à être incinérées ou à servir à la fabrication de biodiesel.

31. Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 10, sous a), du [règlement no 1069/2009] doit-il être interprété en ce sens que le bénéfice du classement initial en tant que matières de catégorie 3 est perdu lorsque ces matières deviennent impropres à la consommation humaine en raison d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration ?

2) L’article 10, sous f), du [règlement no 1069/2009] doit-il être interprété en ce sens que le bénéfice du classement initial en tant que matières de catégorie 3 pour les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits est perdu lorsque des processus de décomposition ou de détérioration ultérieurs de ces matières présentent un risque pour la santé publique et animale ?

3) La réglementation de l’article 9, sous d), du [règlement no 1069/2009] doit-elle être interprétée de manière restrictive en ce sens que les matières qui ont été mélangées avec des corps étrangers tels que des sciures de bois ne doivent être classées en tant que matières de catégorie 2 que s’il s’agit de matières à transformer et qu’elles sont destinées à l’alimentation animale ? »

32. La demande de décision préjudicielle, en date du 14 novembre 2019, a été enregistrée au greffe de la Cour le 18 novembre 2019.

33. Le Landkreis Greiz et la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Ces derniers, ainsi que Toropet, ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour le 2 décembre 2020.

IV. Analyse

34. Par ses trois questions préjudicielles qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si des matières initialement classées comme des matières de catégorie 3 au sens de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 perdent le bénéfice de ce classement à la suite d’un phénomène de décomposition ou de détérioration (première et deuxième questions) ou d’un mélange avec des corps étrangers (troisième question) de sorte qu’il y a lieu de les
reclasser dans une catégorie inférieure.

35. Il convient de relever que le classement initial, c’est-à-dire dès la collecte, des sous-produits animaux en cause au principal en catégorie 3, n’est pas contesté. En revanche, la question se pose de savoir s’il existe une obligation de reclasser de tels sous-produits animaux, qui, ultérieurement dans leur cycle de vie, présentent des défauts tels que des moisissures, des pourritures ou des corps étrangers ( 8 ).

36. Alors que Toropet estime que le classement de sous-produits animaux relevant de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 et présentant de tels défauts doit être maintenu en catégorie 3, le Landkreis Greiz et la Commission considèrent, au contraire, qu’un reclassement de ces sous-produits animaux en catégorie 2 est obligatoire.

37. Dans la suite des présentes conclusions, je formulerai, tout d’abord, quelques observations sur le cas particulier des mélanges de sous-produits animaux avec des corps étrangers (section A), puis, j’expliquerai pourquoi, selon moi, il existe une obligation de reclasser en catégorie 2 des matières telles que celles en cause au principal lorsqu’elles ne correspondent plus au niveau de risque associé à leur classement initial (section B), en me fondant sur une analyse des dispositions suivantes du
règlement no 1069/2009, à savoir, les articles 7 à 10 pris dans leur ensemble, l’article 9, sous h), l’article 10, sous a) et f), l’article 4, paragraphe 2, et l’article 14, sous d).

A.   Considérations liminaires : sur l’application du règlement no 1069/2009 aux mélanges de sous-produits animaux et de corps étrangers

38. J’estime utile de rappeler, à titre liminaire, les enseignements du récent arrêt P. F. Kamstra Recycling e.a. ( 9 ) avant d’en tirer des conséquences quant à la nature des corps étrangers et à l’incidence de ces derniers sur le classement des sous-produits animaux auxquels ils sont mélangés.

39. Pour rappel, étaient en cause dans les affaires à l’origine de cet arrêt des mélanges de sous-produits animaux relevant de la catégorie 3 au sens de l’article 10 du règlement no 1069/2009, avec des déchets non dangereux au sens du règlement (CE) no 1013/2006 ( 10 ). La question portait sur le point de savoir si le transfert de ces mélanges était soumis au règlement no 1069/2009 ou au règlement no 1013/2006.

40. La Cour a jugé, après une analyse des travaux préparatoires relatifs au règlement no 1069/2009, de la finalité poursuivie par ce règlement, ainsi que de l’économie de ses dispositions, que lesdits mélanges et, partant, leurs transferts relevaient du champ d’application de ce dernier règlement ( 11 ).

41. Je souligne que la Cour a jugé que le règlement no 1069/2009 couvre les mélanges de sous-produits animaux avec des déchets non dangereux, mais qu’elle ne s’est pas prononcée sur les types de déchets non dangereux autorisés à être mélangés à des sous-produits animaux ni sur la catégorie de matières à laquelle les mélanges concernés étaient susceptibles d’appartenir.

42. En l’occurrence, il est constant que le mélange en cause dans le litige au principal contient des corps étrangers qui, au vu de leur nature ( 12 ), ont été considérés comme étant des déchets non dangereux au sens du règlement no 1013/2006.

43. Par conséquent, ce mélange est, en principe ( 13 ), au vu de l’arrêt Kamstra Recycling, soumis à l’application du règlement no 1069/2009.

44. Je tiens toutefois à attirer l’attention sur deux points.

45. En premier lieu, il convient de partir de la prémisse selon laquelle les déchets non dangereux au principal, en particulier les morceaux de plâtre, ne sont pas des corps étrangers que l’on peut extraire facilement, tels que des emballages plastiques ou des pièces métalliques au sens de l’annexe IV, chapitre I, section 4, point 3, du règlement no 142/2011 ( 14 ).

46. En second lieu, je souligne que, bien que tout mélange de sous-produits animaux de catégorie 3 avec des déchets non dangereux relève du règlement no 1069/2009, la question se pose de savoir si un tel mélange doit faire l’objet d’un reclassement en catégorie inférieure, à tout le moins dans certains cas, au regard des dispositions de ce règlement. Cette question, qui n’est pas traitée dans l’arrêt Kamstra Recycling ( 15 ), est au cœur de la présente affaire.

B.   Sur l’obligation de reclassement en catégorie inférieure des matières de catégorie 3 « contaminées » par des moisissures, de la pourriture ou des corps étrangers

47. À titre liminaire, il convient de souligner que ne figure dans le règlement no 1069/2009 aucune disposition expresse concernant le « reclassement » en catégorie inférieure de matières qui ont été initialement classées en catégorie 3.

48. Ainsi que je vais le démontrer dans la suite des présentes conclusions, l’obligation de reclassement que je propose obéit à la logique inhérente au classement des matières de catégorie 3, laquelle dépend du risque pour la santé publique et animale que présentent les corps étrangers et l’altération par moisissure et pourriture des sous-produits animaux concernés. Je démontrerai également que cette appréciation du risque s’applique à tout moment de la vie d’un sous-produit animal.

1. Sur le classement des matières en catégories en fonction de leur niveau de risque (articles 7 à 10 du règlement no 1069/2009)

49. La section 4 du titre I, chapitre 1, du règlement no 1069/2009, qui comprend les articles 7 à 10, est consacrée au classement des sous-produits animaux et des produits dérivés.

50. Selon l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement qui régit le classement des sous-produits animaux, ces derniers sont classés en catégories spécifiques en fonction du niveau de risque qu’ils présentent pour la santé publique et animale.

51. Cette disposition établit ainsi deux données pertinentes qui sont liées entre elles aux fins du classement : les catégories spécifiques et le niveau de risque.

52. Concernant la catégorisation, les sous-produits animaux entrant dans le champ d’application du règlement no 1069/2009 sont classés dans l’une des trois catégories prévues par les articles 8, 9 et 10 de ce règlement ( 16 ) couvrant, respectivement, les listes des matières de catégorie 1, 2, et 3. Cette classification ne souffre aucune dérogation, les sous-produits animaux devant nécessairement entrer dans l’une de ces trois catégories ( 17 ).

53. S’agissant du niveau de risque, il constitue l’unique critère qui différencie les trois catégories en ce sens que les matières de catégorie 3 sont des matières jugées à faible risque ( 18 ) tandis que les matières de catégories 1 et 2 sont des matières à haut risque pour la santé publique et animale, les matières de catégorie 1 étant celles qui présentent le risque le plus élevé ( 19 ). C’est sur la base d’une évaluation de ces risques que le législateur a établi une liste détaillée de matières
au sein de chaque catégorie.

54. Il convient de souligner que ce niveau de risque dont dépend le classement en catégorie 1, 2, ou 3 constitue également le critère pertinent pour l’utilisation finale des sous-produits animaux. En effet, le règlement no 1069/2009 a instauré à ses articles 12, 13, et 14, lus à la lumière de son considérant 38, des listes d’utilisations et d’éliminations possibles pour chaque catégorie de matières ainsi que les règles applicables à chacune d’elles afin que ce niveau de risque soit réduit au
minimum.

55. Il est vrai que les possibilités d’utilisations et d’éliminations applicables à une catégorie à haut risque s’étendent également à des matières à faible risque ( 20 ). Ces utilisations et éliminations obéissent néanmoins à des règles différentes et parfois même plus contraignantes en fonction de la catégorie dans laquelle les matières sont classées ( 21 ).

56. Ce classement en fonction du risque trouve également une justification au considérant 29 du règlement no 1069/2009, aux termes duquel les sous-produits animaux jugés comme étant à haut risque ne devraient pas être utilisés à l’intérieur de la chaîne alimentaire animale, tandis que l’utilisation de matières présentant un faible risque devrait être autorisée sous conditions.

57. Je constate, à cet égard, que les listes de matières de catégories 1 et 3 ont un caractère exhaustif ( 22 ). Partant, elles doivent être interprétées de manière stricte en ce que, d’une part, elles comprennent uniquement les matières qu’elles mentionnent expressément et, d’autre part, ces matières doivent respecter, ainsi que je l’ai expliqué ci-avant, le niveau de risque attaché à la catégorie concernée. Ce caractère exhaustif peut être déduit de l’existence de la sous-catégorie visée à
l’article 9, sous h), du règlement no 1069/2009, laquelle recouvre, au sein de la catégorie 2, les matières ne relevant ni de la catégorie 1 ni de la catégorie 3.

58. Or, il existe des cas où des défauts tels que ceux liés à la présence de moisissure, de pourriture ou de corps étrangers ( 23 ) peuvent changer le niveau de risque des matières qu’ils ont affectées ( 24 ). Si tel est le cas, un changement du niveau de risque entraîne, à mon sens, un changement de classement.

59. Dans le cadre d’un litige tel que celui au principal, il convient donc de déterminer si des corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, ainsi que des moisissures et de la pourriture sont de nature à modifier le niveau de risque que présentent des matières classées initialement comme des matières de catégorie 3, au sens de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 ( 25 ).

60. Si de telles matières ne peuvent plus être classées dans la catégorie 3 dans laquelle elles ont été classées initialement parce qu’elles présentent un risque plus élevé et que les exigences à respecter pour cette catégorie ne sont pas remplies, dans ce cas, il conviendra de chercher une catégorie qui puisse couvrir ces matières « contaminées ». Ainsi que je l’explique dans la sous-section qui suit, cette catégorie n’est autre que la catégorie 2 résultant principalement de la sous-catégorie
résiduelle visée à l’article 9, sous h), du règlement no 1069/2009.

2. Sur l’existence d’une sous-catégorie par défaut [article 9, sous h), du règlement no 1069/2009]

61. Comme je l’indique au point 57 des présentes conclusions, à l’inverse des articles 8 et 10 du règlement no 1069/2009 qui établissent une liste fermée de matières respectivement de catégories 1 et 3, l’article 9 de ce règlement établit une liste non exhaustive de matières de catégorie 2 en vertu de sa position sous h). Cette sous-catégorie par défaut englobe, conformément à son libellé, les sous-produits animaux autres que les matières de catégorie 1 ou 3.

62. Il convient, en outre, par souci de précaution, d’appliquer ce classement par défaut, ainsi qu’il ressort de la dernière phrase du considérant 35 du règlement no 1069/2009, à « tout autre sous-produit animal ne relevant d’aucune des trois catégories ». L’article 9, sous h), de ce règlement devrait, à la lumière de cette expression, être interprété de manière large en ce sens qu’il couvre tout sous-produit animal n’ayant pas été spécifiquement classé ( 26 ).

63. Ainsi, l’existence de cette sous-catégorie par défaut exprime, selon moi, l’intention du législateur de veiller à ce qu’aucun sous-produit animal ne souffre de « vide juridique » concernant son classement, de sorte que des matières initialement classées en catégorie 3, qui ne comportent pas de matières de catégorie 1, mais qui ne peuvent pas ou plus être classées comme matières de catégorie 3 en raison du niveau de risque qu’elles présentent, soient, par défaut, automatiquement classées en
matières de catégorie 2 au sens de l’article 9, sous h), du règlement no 1069/2009.

64. Dès lors, cette dernière disposition devrait s’appliquer à des sous-produits animaux de catégorie 3, altérés par des moisissures, de la pourriture ou par des corps étrangers, qui, tout en ne comportant pas de matières de catégorie 1, présentent un niveau de risque trop élevé pour répondre aux exigences des matières de catégorie 3 ( 27 ).

65. Quelles sont alors les exigences concernant les matières de catégorie 3 visées à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 dont le non-respect devrait aboutir à ce déclassement en catégorie 2 par défaut ?

3. Sur le niveau de risque pertinent au vu des exigences sanitaires prévues à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009

66. L’article 10 du règlement no 1069/2009 établit une liste exhaustive des matières relevant de la catégorie 3 ( 28 ). Il ressort de cette liste que les matières de cette catégorie comprennent uniquement des sous-produits animaux issus d’animaux sains jugés aptes à l’abattage à l’issue d’une inspection ante mortem ou, à tout le moins, des sous-produits animaux qui ne sont vecteurs d’aucune maladie transmissible à l’homme ou à l’animal ( 29 ). Seules ces matières peuvent être transformées pour la
fabrication d’aliments pour animaux ( 30 ).

67. L’article 10, sous a), de ce règlement établit que relèvent de cette catégorie les carcasses et parties d’animaux abattus, qui sont propres à la consommation humaine, mais qui ne sont pas destinées à une telle consommation pour des raisons commerciales. Le niveau de risque pertinent de ces matières réside donc dans l’exigence d’être propres à la consommation humaine ( 31 ).

68. L’article 10, sous f), dudit règlement concerne les produits d’origine animale qui ne sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou en raison de défauts n’entraînant aucun risque pour la santé humaine et animale ( 32 ).

69. Le règlement no 178/2002 nous fournit quelques indices aux fins de la détermination du caractère « propre à la consommation humaine » concernant les denrées alimentaires. En effet, son article 14, paragraphe 5, prévoit qu’une denrée impropre à la consommation humaine est « inacceptable » pour une telle consommation en raison de contaminations d’origine externe ou autre ou d’un phénomène de putréfaction, de détérioration ou de décomposition.

70. L’adjectif « inacceptable », employé à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 pour qualifier le niveau de risque pour la santé publique et animale de matières de catégorie 3 destinées à servir à la fabrication d’aliments pour animaux ou d’engrais organiques ou d’amendements et altérées par un phénomène de décomposition ou de détérioration, doit être compris dans le même sens ( 33 ). Une altération de ces matières par de la moisissure ou de la pourriture, de sorte que lesdites matières
ne sont pas propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvues de tout risque pour la santé humaine ou animale, doit ainsi conduire de tels sous-produits animaux classés initialement en catégorie 3 en vertu de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 à un reclassement en catégorie 2, au sens de l’article 9, sous h), de ce règlement, pour autant que les matières concernées ne comportent pas de matières de catégorie 1.

71. Quant au point, soulevé par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa troisième question préjudicielle, de savoir si, malgré la présence de corps étrangers rendant les matières « impropres à la consommation humaine » au sens de l’article 9, sous d), du règlement no 1069/2009, les matières concernées pourraient néanmoins demeurer classées en catégorie 3, soit parce que ces corps étrangers peuvent facilement être enlevés, soit parce que ces matières peuvent être utilisées à des fins autres que
l’alimentation animale, en étant incinérées ou transformées en biogaz, je ferai les remarques suivantes.

72. Premièrement, comme je l’ai indiqué au point 45 des présentes conclusions, je me fonde sur la prémisse selon laquelle les corps étrangers en cause ne peuvent pas être facilement enlevés.

73. Deuxièmement, au vu des informations fournies par la juridiction de renvoi, je note que l’article 9, sous d), du règlement no 1069/2009 ne semble pas avoir été invoqué par le Landkreis Greiz ni par Toropet devant cette dernière. Cette disposition qui est expressément énoncée à la troisième question préjudicielle me semble néanmoins pertinente.

74. En effet, si des corps étrangers tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois ont altéré des sous-produits animaux de catégorie 3, en l’occurrence des matières relevant de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, au point de les rendre impropres à la consommation humaine, il paraîtrait inconcevable de maintenir ce mélange en catégorie 3, alors qu’il présente les mêmes caractéristiques et le même niveau de risque que les matières de catégorie 2 visées à l’article 9,
sous d), de ce règlement. Il devrait, partant, être classé dans cette catégorie 2, soit en vertu de cet article 9, sous d), s’agissant de produits d’origine animale au sens de cette disposition, soit de la disposition par défaut visée à l’article 9, sous h), dudit règlement, s’agissant d’autres sous-produits animaux.

75. Je souligne qu’il n’y a pas de raison de traiter différemment, d’un côté, des matières dont le niveau de risque a changé et correspond désormais à celui de la catégorie 2 définie par le règlement no 1069/2009 et, d’un autre côté, des matières qui auraient été initialement classées dans cette catégorie ( 34 ). La même logique s’applique aux matières qui ont ultérieurement fait l’objet d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration et qui auraient été initialement classées en catégorie 2
conformément à l’article 9, sous h), de ce règlement.

76. J’ajoute, troisièmement, que la circonstance que l’exploitant envisage de changer la destination initiale des matières en les éliminant ou en les transformant en biogaz au lieu de les transformer en alimentation animale ne saurait avoir pour conséquence que des matières qui, au vu de leurs risques pour la santé humaine et animale, devraient être classées en catégorie 2 puissent demeurer classées en catégorie 3.

77. Une interprétation contraire irait à l’encontre tant de la logique inhérente au classement mis en place par le législateur aux articles 8 à 10 du règlement no 1069/2009 qui a pour seul critère pertinent le niveau de risque, que de l’un des objectifs principaux de ce règlement, à savoir, maîtriser les risques pour la santé publique et animale, énoncé au considérant 11 dudit règlement.

78. L’interprétation que je propose est corroborée par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1069/2009.

4. Sur l’obligation des exploitants de veiller au maintien du classement initial à tout moment (article 4, paragraphe 2, du règlement no 1069/2009)

79. L’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1069/2009 impose clairement une obligation pour tous les exploitants ( 35 ) de veiller à ce que les sous-produits animaux respectent les règles de ce règlement « [à] tous les stades de la collecte, du transport, de la manipulation, du traitement, de la conversion, de la transformation, de l’entreposage, de la mise sur le marché, de la distribution, de l’utilisation et de l’élimination » de ces sous-produits animaux.

80. Le classement d’un sous-produit animal dans une catégorie vaut, en principe, pour toutes les opérations auxquelles le sous-produit est soumis, de sa collecte à son utilisation ou élimination. En effet, ainsi que je l’ai déjà indiqué au point 99 de mes conclusions dans les affaires jointes P. F. Kamstra Recycling e.a. ( 36 ), le règlement no 1069/2009 ne prévoit pas de classement différencié en fonction de l’opération à laquelle les matières concernées sont soumises. Ainsi, le classement ne
change pas simplement au motif que les sous-produits animaux concernés se trouvent au stade de la collecte, du transport ou sont destinés à être éliminés ou valorisés. En revanche, le classement n’est pas immuable si le facteur de risque pour la santé publique ou animale augmente à la suite de certaines altérations.

81. Je souligne à cet égard, en premier lieu, comme je l’indique également à ce point 99, que le seul critère pertinent pour le classement des sous-produits animaux est le degré de risque. Cette constatation est étayée par le considérant 29 et l’article 7 du règlement no 1069/2009 ( 37 ).

82. Il découle ainsi du contexte dans lequel s’inscrit l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, en ce qui concerne le classement des matières, que l’exploitant doit veiller à ce que, dès la collecte des sous-produits animaux à l’abattoir jusqu’à leur destination finale, telle que leur valorisation ou leur élimination, ledit classement soit maintenu ( 38 ). Cette obligation doit être entendue en ce sens que le maintien du classement dans une catégorie dépend du maintien du niveau de risque qui lui
est associé.

83. En deuxième lieu, cette conclusion est de nature à sauvegarder l’effet utile de l’article 7, paragraphe 1, et des articles 8 à 10 du règlement no 1069/2009 établissant les listes de matières aux fins du classement de ces dernières, lus à la lumière de l’objectif poursuivi par ce règlement.

84. En effet, ledit règlement tend, d’une part, à instituer un cadre cohérent et complet de règles sanitaires et, d’autre part, à ce que ces règles soient proportionnées aux risques sanitaires que pose la manipulation de ces sous-produits par des exploitants aux différents stades de la chaîne. Ces considérations qui ressortent clairement des considérants 5 et 6 du même règlement soulignent, à mon sens, que le degré de risque est pertinent à tout moment.

85. D’autre part, il convient de souligner que le règlement no 1069/2009 impose aux exploitants une série d’obligations en lien avec celle prévue à son article 4, paragraphe 2. En effet, ceux-ci doivent, entre autres, veiller à ce que les usines ou les établissements sous leur contrôle respectent des règles générales d’hygiène strictes afin d’éviter tout risque de contamination ( 39 ). De même, tant les États membres, au moyen de contrôles officiels ( 40 ), que les exploitants eux-mêmes, par
l’application d’autocontrôles dans leurs établissements ( 41 ), sont tenus à une obligation de surveillance tout au long de la chaîne d’opérations.

86. Ces dispositions de nature préventive expliquent, en grande partie, pourquoi des altérations telles que celles en cause dans le litige au principal devraient avoir un caractère exceptionnel. Par ailleurs, dans le cas où de telles altérations se produisent, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1069/2009 devrait jouer un rôle majeur en conduisant à un reclassement. En effet, tout en rappelant que le législateur n’a pas formellement prévu le reclassement des matières ( 42 ), quelle serait la
raison d’être de cette disposition si elle ne pouvait pas être prise en compte lorsque les exploitants sont confrontés à de telles altérations qui impliquent le non-respect de la logique de classement instituée par le législateur ?

87. En troisième lieu, alors qu’une disposition similaire n’existait pas dans le règlement (CE) no 1774/2002 ( 43 ) précédant l’actuel règlement, le législateur a, dans sa proposition de règlement no 1069/2009, afin d’élaborer une méthode davantage fondée sur les risques, souhaité renforcer la responsabilité principale des exploitants quant aux exigences que prévoit ce règlement en matière d’hygiène des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ( 44 ).

88. Par conséquent, le classement initial de matières en une catégorie spécifique doit toujours être contrôlé et, au besoin, ajusté au risque sanitaire que peuvent comporter ces matières en raison, notamment, soit de la présence de corps étrangers, soit d’un phénomène de décomposition ou de détérioration, voire des deux.

89. Les considérations invoquées par Toropet et reprises par la juridiction de renvoi, relatives à l’utilisation finale des sous-produits animaux en tant que matières de catégorie 3, n’infirment pas cette conclusion.

5. Sur la non-pertinence de l’utilisation des matières aux fins du classement [article 14, sous d), du règlement no 1069/2009]

90. La juridiction de renvoi mentionne, tant pour des matières mélangées avec des corps étrangers que pour des matières ayant subi un phénomène de décomposition ou de détérioration, l’argument selon lequel le bénéfice du classement initial des matières en catégorie 3 pourrait être maintenu eu égard à leur destination finale en catégorie 3 (valorisation ou élimination) notamment à des fins autres que celles de la fabrication d’aliments pour animaux ( 45 ). Dès lors, la restriction relative à
l’absence de décomposition ou de détérioration prévue à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 ne s’imposerait que dans le cadre de l’utilisation des matières.

91. Je reconnais qu’une telle interprétation n’est, à première vue, pas totalement dénuée de sens. Néanmoins, à l’instar de la Commission, j’estime que cette interprétation irait à l’encontre tant de l’objectif que de la structure du règlement no 1069/2009.

92. En effet, cette restriction prévue à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 ne signifie pas que des matières telles que celles en cause au principal doivent être maintenues en catégorie 3. À cet égard, les articles 12, 13 et 14 de ce règlement ne se prononcent pas sur les exigences à remplir aux fins du classement des matières en catégories ( 46 ), lesquelles sont exclusivement définies aux articles 8 à 10 dudit règlement.

93. D’ailleurs, la prise en compte de l’utilisation finale des matières reviendrait à ajouter une exigence supplémentaire pour leur classement qui n’est ni prévue ni voulue par le législateur ( 47 ). L’utilisation finale d’un sous-produit animal est fonction de son classement et non l’inverse.

94. Ainsi, la restriction ajoutée à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 selon laquelle les matières de catégorie 3 ne doivent pas être altérées par un phénomène de décomposition ou de détérioration, si elles sont destinées à être transformées et utilisées, en particulier pour la fabrication d’aliments pour animaux, ne fait que rappeler la nécessité que ces matières ne présentent pas un risque inacceptable pour la santé publique et animale.

95. Par conséquent, l’article 14 du règlement no 1069/2009 ne porte pas atteinte à la logique inhérente au classement instauré par le législateur aux articles 7 à 10 de ce règlement et exposée tout au long des présentes conclusions.

V. Conclusion

96. Compte tenu de l’analyse qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne) de la manière suivante :

L’article 7, paragraphe 1, l’article 9, sous h), et l’article 10, sous a) et f), du règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) no 1774/2002, lus à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1069/2009, doivent être interprétés en ce sens que des sous-produits animaux initialement
classés comme des matières de catégorie 3, au sens de l’article 10, sous a) et f), de ce dernier, altérés par un phénomène de décomposition ou de détérioration, tel que la moisissure ou la pourriture, ou mélangés avec des corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, de sorte que lesdites matières ne sont plus propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvues de tout risque pour la santé humaine ou animale, ne respectent pas le niveau de risque associé à
ce classement et doivent, partant, être reclassés en catégorie inférieure.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) no 1774/2002 (règlement relatif aux sous-produits animaux) (JO 2009, L 300, p. 1).

( 3 ) Les catégories inférieures sont les catégories 1 et 2, qui comprennent des matières dites à haut risque et répondent à des exigences plus strictes. Il ressort de la décision de renvoi que les matières en cause au principal ne comportent pas de matières de catégorie 1, celles présentant les plus hauts risques, de sorte que le reclassement a été effectué en catégorie 2.

( 4 ) Règlement de la Commission du 25 février 2011 portant application du règlement no 1069/2009 et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières en vertu de cette directive (JO 2011, L 54, p. 1).

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1).

( 6 ) Toropet conteste la compétence du Landkreis Greiz pour l’élimination des matières en cause dans le litige au principal. Il convient de souligner, à cet égard, que les questions préjudicielles portent uniquement sur le reclassement des matières en cause et non sur leur élimination par cette autorité, telle que celle-ci est prévue par le droit allemand.

( 7 ) Toropet cite, à cet égard, les matières de catégorie 3 visées à l’article 10, sous h) (comprenant notamment le sang, le placenta, la laine et les plumes) et p) (comprenant des déchets de cuisine et de table), du règlement no 1069/2009 qui, selon elle, pourraient présenter des risques pour la santé et dont le classement serait pourtant maintenu en catégorie 3.

( 8 ) À titre complémentaire, j’observe que, en dehors des altérations en cause au principal, la juridiction de renvoi indique qu’une partie des matières de catégorie 3 contrôlées contenait des matières de catégorie 2 au sens de l’article 9, sous a), du règlement no 1069/2009. Ce type de mélange (matières de catégorie 2 et de catégorie 3) relève expressément du régime associé à la catégorie la plus stricte, à savoir la catégorie 2 en vertu de l’article 9, sous g), de ce règlement.

( 9 ) Arrêt du 3 septembre 2020 (C‑21/19 à C‑23/19, ci-après l’« arrêt Kamstra Recycling », EU:C:2020:636).

( 10 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1).

( 11 ) Voir arrêt Kamstra Recycling, points 52, 53 et 55.

( 12 ) D’après les informations fournies par le Landkreis Greiz à la juridiction de renvoi, ces corps étrangers sont constitués de résidus de plâtre ou de mur, de composants plastiques broyés et de résidus de bois. Il ressort de la réponse de Toropet aux questions de la Cour que certains des corps étrangers étaient, outre des résidus de plâtre, de la sciure d’os d’animaux qui était déjà intégrée aux matières dès le début.

( 13 ) La seule exception identifiée concerne le mélange de sous-produits animaux avec des déchets dangereux ou contaminés par de tels déchets (voir arrêt Kamstra Recycling, point 50).

( 14 ) L’annexe IV du règlement no 142/2011 s’applique aux usines de transformation de matières de catégorie 3, dont le classement reste, en principe, inchangé après retrait des corps étrangers tels que des anneaux nasaux et des marques auriculaires. Ainsi, dans ce cas, la question de l’obligation de reclassement ne se pose pas.

( 15 ) Certes, cette question a fait l’objet de débats lors de l’audience de plaidoiries dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt ; néanmoins, étant donné que la question principale portait sur l’interaction entre le règlement no 1069/2009 et le règlement no 1013/2006, la Cour a indiqué au point 44 de l’arrêt Kamstra Recycling, « qu’aux fins de l’interprétation [...] et, par conséquent, de l’applicabilité du règlement no 1069/2009, l’appartenance de la matière concernée à la catégorie 1, à la
catégorie 2 ou à la catégorie 3 est dénuée d’importance ».

( 16 ) Ce classement en catégories fait partie des obligations incombant aux exploitants qui collectent et identifient les sous-produits animaux « dans des conditions écartant les risques pour la santé publique et animale » conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1069/2009.

( 17 ) Voir également point 57, dernière phrase, des présentes conclusions.

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, ReFood (C‑634/17, EU:C:2019:443, point 50), qui désigne les matières de catégorie 3 comme présentant un « degré de dangerosité moindre ».

( 19 ) Voir note en bas de page 3 des présentes conclusions. J’ajoute que les considérants 8 et 29 du règlement no 1069/2009 évoquent le classement en fonction du « degré de risque ».

( 20 ) Voir, en ce sens, dernière phrase du considérant 38 du règlement no 1069/2009. A contrario, cela signifie, selon moi, que les utilisations spécifiquement prévues pour la catégorie à faible risque, à savoir la catégorie 3, comme celles inscrites à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009, ne peuvent pas être applicables aux catégories à haut risque, à savoir les catégories 1 et 2.

( 21 ) Voir, par exemple, la conversion des sous-produits animaux en compost ou en biogaz, qui est une utilisation possible à la fois pour les matières de catégorie 2 et les matières de catégorie 3. Toutefois, les règles pour cette utilisation en catégorie 2 sont plus contraignantes qu’en catégorie 3 en ce que les matières devraient faire l’objet d’une stérilisation sous pression avant d’être transformées dans le cadre de cette utilisation.

( 22 ) Il convient également de préciser que l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 1069/2009 prévoit que les listes de matières de catégories 1, 2 et 3 peuvent être modifiées à la suite d’une évaluation des risques compte tenu des progrès de la science.

( 23 ) Je souligne qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les sous-produits animaux concernés ont bien été affectés par la présence de moisissure, de pourriture et de corps étrangers tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois.

( 24 ) Je souligne que la présence de moisissure ne conduit pas nécessairement à un tel changement, encore faut-il que cette moisissure entraîne un risque « inacceptable » pour la santé publique et animale ainsi que je le développerai au point 70 des présentes conclusions.

( 25 ) Les exigences attachées au niveau de risque peuvent différer au sein d’une même catégorie. J’évoquerai les modalités d’appréciation du risque et les exigences attachées aux matières de catégorie 3, notamment celles visées à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, qui font l’objet du litige en cause au principal dans la sous-section 3 des présentes conclusions.

( 26 ) Voir, en ce sens, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine, présentée le 10 juin 2008 [COM(2008) 345 final, ci-après la « proposition de règlement no 1069/2009 », point 6, sous ii), de l’exposé des motifs].

( 27 ) Sur ce point, j’estime utile d’indiquer que le point 64 des présentes conclusions nuance les considérations évoquées au point 97, notamment à la dernière phrase, de mes conclusions dans les affaires jointes P. F. Kamstra Recycling e.a. (C‑21/19 à C‑23/19, EU:C:2020:226), en ce sens que lorsqu’une altération des sous-produits concernés augmente leur niveau de risque, la catégorie 2, voire la catégorie 1, a vocation à s’appliquer. Pour autant, tout mélange de sous-produits animaux de
catégorie 3 avec des déchets non dangereux ne doit pas, à mon sens et contrairement à ce que la Commission semble préconiser, être automatiquement classé en catégorie 2. Il convient toujours d’analyser le niveau de risque que crée le mélange avec le déchet non dangereux. Il me semble que le règlement no 1069/2009 n’empêche pas que certains mélanges issus, par exemple, d’invendus de supermarchés pour des raisons autres que sanitaires comprenant des sous-produits animaux de catégorie 3 tels que des
barquettes de viande ou des yaourts mélangés à des fruits ou légumes puissent demeurer classés en catégorie 3, s’ils ne comportent pas de risque pour la santé publique et animale.

( 28 ) Voir point 57 des présentes conclusions.

( 29 ) Les seize sous-catégories visées à l’article 10, sous a) à p), du règlement no 1069/2009 évoquent, notamment, des animaux « propres à la consommation humaine », des produits ou sous-produits ne présentant « aucun signe de maladie transmissible » ou « aucun risque pour la santé humaine ou animale ».

( 30 ) Par dérogation, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1069/2009 prévoit l’utilisation de matières de catégorie 2 pour l’alimentation de certains animaux, dans des conditions qui garantissent la maîtrise des risques pour la santé publique et animale.

( 31 ) À cet égard, l’argument de Toropet mentionné au point 24 des présentes conclusions est dénué de pertinence. En effet, conformément à la définition de « sous-produits animaux » énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1069/2009, tous les sous-produits animaux sont in fine non destinés à la consommation humaine. En revanche, le critère « propre à la consommation humaine » est pertinent pour le classement des sous-produits animaux en catégorie 3 et relevant de l’article 10, sous a),
de ce règlement.

( 32 ) À la différence de ce que prévoit l’article 10, sous a), du règlement no 1069/2009, ces sous-produits étaient initialement destinés à la consommation humaine. Il s’agit, notamment, d’anciennes denrées alimentaires, c’est-à-dire de produits d’origine animale propres à la consommation humaine, mais qui ont été retirés de la distribution, car ils ne pouvaient trouver un débouché commercial (par exemple, en raison d’une date limite de consommation jugée trop courte, d’un défaut d’étiquetage ou
d’emballage, ou encore d’une mauvaise présentation).

( 33 ) À cet égard, je précise que le niveau de risque que présentent certaines matières pour la santé publique ou animale et qui est considéré comme étant inacceptable, tel que visé à l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009, peut faire l’objet de mesures d’application en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous k), de ce règlement.

( 34 ) Qui plus est, si des matières in fine identiques quant au risque qu’elles présentent, mais contrôlées à des moments différents de la chaîne des sous-produits animaux, pouvaient être classées différemment et obéir ainsi à un régime plus favorable ou plus strict, cela créerait, de facto, une inégalité de traitement entre les opérateurs économiques du secteur des sous-produits animaux.

( 35 ) Le règlement no 1069/2009 définit à son article 3, paragraphe 11, un « exploitant » comme « toute personne physique ou morale, y compris le transporteur, le négociant ou l’utilisateur, qui exerce son contrôle sur un sous-produit animal ou un produit dérivé ».

( 36 ) C‑21/19 à C‑23/19, EU:C:2020:226.

( 37 ) Voir également points 50 et 56 des présentes conclusions.

( 38 ) Ce qui signifie, en principe, que la vie d’un sous-produit animal qui débute par un classement en catégorie 3 doit, si toutes les prescriptions du règlement no 1069/2009 ont été respectées, notamment celles relatives au risque, se finir dans cette catégorie.

( 39 ) Les exploitants, à ce titre, doivent mettre en place des dispositifs appropriés de nettoyage et de désinfection de leurs conteneurs et de leurs véhicules et maintenir leurs installations en bon état [voir, notamment, article 25, paragraphe 1, sous d) et e), du règlement no 1069/2009].

( 40 ) Voir article 4, paragraphe 3, et article 45 du règlement no 1069/2009 ainsi qu’article 32 du règlement no 142/2011.

( 41 ) Voir article 28 du règlement no 1069/2009.

( 42 ) Voir point 47 des présentes conclusions.

( 43 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2002 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (JO 2002, L 273, p. 1).

( 44 ) Voir proposition de règlement no 1069/2009, point 6, sous ii), de l’exposé des motifs.

( 45 ) Voir point 29 des présentes conclusions.

( 46 ) Ainsi que je l’ai rappelé aux points 54 et 55 des présentes conclusions, les articles 12, 13 et 14 du règlement no 1069/2009 se contentent d’établir des listes d’utilisations possibles pour les matières de catégories 1 à 3 respectivement visées aux articles 8, 9 et 10 de ce règlement, mais toujours en suivant le degré de risque que comportent les différentes catégories.

( 47 ) En effet, cela aboutirait à des situations contraires dans lesquelles des matières moisies ou mélangées à des corps étrangers devraient être reclassées en catégorie 2 parce qu’elles sont destinées à l’alimentation animale, mais seraient maintenues en catégorie 3 parce qu’elles peuvent être utilisées à d’autres fins.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-836/19
Date de la décision : 20/05/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Gera.

Renvoi préjudiciel – Santé publique – Règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine – Règlement (CE) n° 1069/2009 – Article 9, sous d), et article 10, sous a) et f) – Classement des produits – Décomposition, détérioration et présence de corps étrangers dans la matière – Incidence sur la classification initiale.

Santé publique


Parties
Demandeurs : Toropet Ltd
Défendeurs : Landkreis Greiz.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:415

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award