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25/03/2021 | CJUE | N°C-22/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 25 mars 2021., Commission européenne contre Royaume de Suède., 25/03/2021, C-22/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 mars 2021 ( 1 )

Affaire C‑22/20

Commission européenne

contre

Royaume de Suède

« Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Traitement secondaire des eaux résiduaires – Traitement plus rigoureux des rejets dans les zones sensibles – Coopération loyale – Présentation d’informations »

I. Introduction

1. Par la directive 91/271/C

EE ( 2 ), l’Union européenne oblige les États membres à mettre en place et à exploiter, pour des agglomérations comprises dans des ordres de grande...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 mars 2021 ( 1 )

Affaire C‑22/20

Commission européenne

contre

Royaume de Suède

« Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Traitement secondaire des eaux résiduaires – Traitement plus rigoureux des rejets dans les zones sensibles – Coopération loyale – Présentation d’informations »

I. Introduction

1. Par la directive 91/271/CEE ( 2 ), l’Union européenne oblige les États membres à mettre en place et à exploiter, pour des agglomérations comprises dans des ordres de grandeur donnés, des stations d’épuration possédant une capacité de traitement déterminée. Dans la présente procédure, la Commission européenne fait grief au Royaume de Suède d’avoir méconnu cette obligation dans certaines agglomérations.

2. À cet égard, il convient de préciser, premièrement, si une exception prévue par la directive 91/271 pour les sites de haute montagne doit également être appliquée aux sites du Grand Nord, en raison de conditions environnementales similaires. Deuxièmement, les parties sont en désaccord sur les mesures qui sont utilisées pour déterminer la capacité de traitement d’une station d’épuration. Et, troisièmement, la Commission fait grief au Royaume de Suède de ne pas avoir fourni certaines mesures
nécessaires pour apprécier un moyen de défense, celui tenant à ce que l’on appelle la « réduction naturelle de l’azote ».

II. Le cadre juridique

3. L’article 4 de la directive 91/271 prévoit un traitement dit « secondaire » des eaux résiduaires :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes :

– au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un [équivalent habitant (EH)] de plus de 15000,

– au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10000 et 15000,

– au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2000 et 10000.

1 bis   [...]

2.   Les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux situées dans des régions de haute montagne (à une altitude supérieure à 1500 mètres), où il est difficile d’appliquer un traitement biologique efficace à cause des basses températures, peuvent faire l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui prescrit au paragraphe 1, à condition que des études approfondies indiquent que ces rejets n’altèrent pas l’environnement.

3.   Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B [...] »

4. L’article 5 de la directive 91/271 établit des exigences spécifiques pour les rejets dans des zones particulièrement sensibles :

« 1.   Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.   Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10000.

2 bis   [...]

3.   Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 répondent aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B [...] »

5. L’article 10 de la directive 91/271 concerne le climat local :

« Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations. »

6. Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 91/271, les autorités compétentes ou les organes appropriés surveillent les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, afin d’en vérifier la conformité avec les prescriptions de l’annexe I, point B, suivant les procédures de contrôle fixées à l’annexe I, point D.

7. L’annexe I, B.2., de la directive 91/271 (intitulé « Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices »), prévoit :

« Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1. »

8. Le tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271 est intitulé « Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de la présente directive » et se présente comme suit :

« Paramètres Concentration Pourcentage minimal de réduction [...] [...]
Demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20 °C) sans nitrification [...] 25 mg/l O2 70‑90 [...]

40 aux termes de l’article 4, paragraphe 2
Demande chimique en oxygène (DCO) 125 mg/l O2 75 [...]
[...] [...] [...] [...] »

9. Aux termes du point B.3. de l’annexe I de la directive 91/271, « [l]es rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles [...] répondent en outre aux prescriptions figurant au tableau 2 de la présente annexe. »

10. Le tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271 réglemente notamment la réduction de l’azote :

« Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et effectués dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles qu’identifiées à l’annexe II, point A, sous a). En fonction des conditions locales, on appliquera un seul paramètre ou les deux. La valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction seront appliqués.

Paramètres Concentration Pourcentage minimal de réduction [...] [...]
[...] [...] [...] [...]
Azote total [...] 15 mg/l (EH compris entre 10 000 et 100 000) [...] 70-80 [...]
  10 mg/l (EH de plus de 100 000) [...]   [...] »

11. Le point D de l’annexe I de la directive 91/271 établit des méthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats. En vertu du point 3, le nombre minimal d’échantillons à prélever à intervalles réguliers au cours d’une année entière est fixé en fonction de la taille de la station d’épuration et recueilli à intervalles réguliers au cours de l’année. Pour les stations d’épuration dont la capacité est comprise entre 2000 et 9999 EH, le nombre minimal d’échantillons est de douze au cours
de la première année. Les années suivantes, le nombre d’échantillons exigé est de quatre si les échantillons prélevés pendant la première année respectent la directive 91/271. Si l’un des quatre échantillons ne correspond pas aux normes, douze échantillons sont prélevés l’année suivante. Pour les stations d’épuration dont la capacité est comprise entre 10000 et 49999 EH, le nombre minimal d’échantillons est de douze.

12. Le point D.4. de l’annexe I de la directive 91/271 réglemente la relation entre les différents résultats de mesures et les normes :

« On considère que les eaux usées traitées respectent les valeurs fixées pour les différents paramètres si, pour chaque paramètre considéré individuellement, les échantillons prélevés montrent que les valeurs correspondantes sont respectées, en fonction des dispositions suivantes :

a) pour les paramètres figurant au tableau 1 [...], le nombre maximal d’échantillons qui peuvent ne pas correspondre aux valeurs en concentration et/ou aux pourcentages de réduction indiqués au tableau 1 [...] est précisé au tableau 3 ;

b) pour les paramètres figurant au tableau 1 et exprimés en valeurs de concentration, le nombre maximal d’échantillons prélevés dans des conditions d’exploitation normales ne doit pas s’écarter de plus de 100 % des valeurs paramétriques. [...]

c) pour les paramètres figurant au tableau 2, la moyenne annuelle des échantillons doit, pour chaque paramètre, respecter les valeurs correspondantes. »

13. Le tableau 3 de l’annexe I de la directive 91/271 réglemente le nombre d’échantillons et les écarts admissibles par rapport aux normes prévues à l’article 4 de cette directive.

Nombre d’échantillons prélevés au cours d’une année déterminée Nombre maximal d’échantillons pouvant ne pas être conformes
4 – 7 1
8 – 16 2
17 – 28 3
29 – 40 4
41 – 53 5
54 – 67 6
[...] [...]

III. La procédure précontentieuse et les conclusions des parties

14. En 2010, 2014 et 2017, la Commission a invité le Royaume de Suède à présenter des observations sur l’application de la directive 91/271. Sur cette base, elle lui a adressé le 8 novembre 2018 un avis motivé lui demandant de se conformer aux objections dans un délai de deux mois, c’est‑à‑dire avant le 8 janvier 2019.

15. La Commission, n’étant pas satisfaite des réponses du Royaume de Suède, a introduit le présent recours et conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– constater que, en ne lui communiquant pas les informations nécessaires pour évaluer l’exactitude des allégations selon lesquelles les agglomérations de Habo et de Töreboda satisfont aux exigences de la directive 91/271, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE ;

– constater que, en ne veillant pas à ce que, avant d’être rejetées, les eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations de Lycksele, de Malå, de Mockfjärd, de Pajala, de Robertsfors et de Tänndalen soient soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, conformément aux exigences de la directive 91/271, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de ladite directive, lu avec ses articles 10 et 15 ;

– constater que, en ne veillant pas à ce que, avant d’être rejetées, les eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations de Borås, de Skoghall, de Habo et de Töreboda fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271 et ce conformément aux exigences de celle‑ci, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de ladite directive, lu avec ses articles 10 et 15 ;

– condamner le Royaume de Suède aux dépens.

16. Le Royaume de Suède admet que les stations d’épuration des agglomérations de Lycksele, Pajala et Malå ne satisfont pas aux exigences de l’article 4 de la directive 91/271 et conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– rejeter le recours pour le surplus ;

– condamner la Commission aux dépens.

17. Les parties ont échangé des mémoires écrits.

IV. Analyse juridique

18. La procédure de manquement porte sur le respect de deux obligations imposées par la directive 91/271, à savoir le traitement secondaire prévu à l’article 4 (voir sous A) et le traitement plus rigoureux prévu à l’article 5 (voir sous B), dans dix agglomérations suédoises au total. En outre, la Commission fait valoir que le Royaume de Suède n’a pas coopéré loyalement avec elle en ne produisant pas certaines informations (voir sous C).

A.   L’article 4 de la directive 91/271 – Le traitement secondaire des eaux résiduaires

19. En ce qui concerne six agglomérations, Lycksele, Malå, Pajala, Mockfjärd, Robertsfors et Tänndalen, la Commission invoque une méconnaissance des articles 4, 10 et 15 de la directive 91/271.

20. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 91/271, les États membres veillent à ce que, pour les agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) compris entre 10000 et 15000, les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent. Dans la présente procédure, cette obligation concerne l’agglomération de Lycksele. En vertu de l’article 4, paragraphe 1,
troisième tiret, de la directive 91/271, la même obligation s’applique aux agglomérations ayant un EH compris entre 2000 et 10000 qui effectuent des rejets dans des eaux douces et des estuaires. En l’espèce, les agglomérations concernées sont Malå, Mockfjärd, Pajala, Robertsfors et Tänndalen.

21. L’article 4, paragraphe 3, de la directive 91/271 renvoie, pour préciser les exigences en matière de traitement des eaux résiduaires, à l’annexe I, point B, dont le point 2 renvoie à son tour au tableau 1 de cette annexe. Il en ressort que la « demande biochimique en oxygène » des rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de la directive 91/271 ne doit pas dépasser 25 mg/l d’oxygène ou qu’elle doit être réduite d’au moins 70 % par
rapport aux valeurs à l’entrée de ces stations ; la « demande chimique en oxygène » de ces rejets quant à elle ne doit pas dépasser 125 mg/l d’oxygène ou elle doit être réduite de 75 % par rapport aux valeurs à l’entrée desdites stations ( 3 ).

22. La Commission ne mentionne pas l’agglomération de Töreboda dans ses conclusions relatives aux articles 4, 10 et 15 de la directive 91/271 ; toutefois, dans le cadre de ses conclusions relatives aux articles 5, 10 et 15 de cette directive, elle conteste une demande biochimique en oxygène excessive pour cette agglomération également. En vertu du point B.2. de l’annexe I, les prescriptions figurant au tableau 1 de cette annexe s’appliquent également aux rejets traités conformément à l’article 5.
Compte tenu de la proximité des deux sujets en cause, j’examinerai cet argument de la Commission dans la présente section A.

23. En vertu de l’article 10 de la directive 91/271, les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences de l’article 4 de cette directive soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées.

24. Enfin, l’article 15, paragraphe 1, premier tiret, et l’annexe I, point D, de la directive 91/271 réglementent les procédures de contrôle. L’annexe I, point D 3, exige douze échantillons pour les agglomérations dont l’EH est compris entre 10000 et 49999, en l’occurrence pour les agglomérations de Lycksele et de Töreboda. Pour les agglomérations dont l’EH est compris entre 2000 et 9999, c’est‑à‑dire pour les cinq autres agglomérations, le nombre minimal d’échantillons à prélever au cours de la
première année d’exploitation de la station d’épuration est de douze. Pour les années suivantes, quatre échantillons suffisent, sauf si l’un des échantillons de l’année précédente ne satisfaisait pas aux exigences. Dans un tel cas, douze échantillons doivent être prélevés. En tout état de cause, les échantillons doivent être prélevés à intervalles réguliers. En outre, le tableau 3 de l’annexe I précise, en fonction du nombre d’échantillons, combien d’échantillons peuvent ne pas être conformes
aux normes.

1. Les agglomérations de Lycksele, Malå et Pajala – Les manquements non contestés

25. Les parties s’accordent sur le fait que la demande chimique en oxygène de l’eau rejetée par les stations d’épuration des agglomérations de Lycksele, Malå et Pajala est supérieure à celle autorisée par l’article 4, paragraphe 3, et l’annexe I, point B, de la directive 91/271. Dans le cas de l’agglomération de Lycksele, cela vaut également pour la demande biochimique en oxygène.

26. Ces violations en ce qui concerne la capacité de traitement prévue à l’article 4 de la directive 91/271 s’accompagnent inévitablement d’une violation de l’article 10 de cette directive, car il est évident que ces stations d’épuration n’ont pas été conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées, c’est‑à‑dire de manière à satisfaire aux exigences dudit article 4.

27. Le recours de la Commission est donc fondé sur ce point.

28. En revanche, la Commission n’a pas démontré que le prélèvement d’échantillons d’eaux résiduaires dans ces agglomérations était incompatible avec l’article 15 de la directive 91/271. Sur ce point, le recours est donc dépourvu de fondement.

2. Les agglomérations de Malå et de Pajala – La demande biochimique en oxygène

29. Il est également établi que la demande biochimique en oxygène de l’eau rejetée par les stations d’épuration des agglomérations de Malå et de Pajala dépasse les valeurs prévues à l’article 4, paragraphe 3, et à l’annexe I, point B, de la directive 91/271, que la capacité de traitement de la station d’épuration est donc trop faible à cet effet.

a) L’équivalence aux sites de haute montagne

30. Toutefois, pour justifier cette situation, le Royaume de Suède invoque l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271. En vertu de cette disposition, les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux situées dans des régions de haute montagne (à une altitude supérieure à 1500 mètres), où il est difficile d’appliquer un traitement biologique efficace à cause des basses températures, peuvent faire l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui prescrit au paragraphe 1 dudit article, à
condition que des études approfondies indiquent que ces rejets n’altèrent pas l’environnement.

31. Bien que les agglomérations de Malå et de Pajala ne soient pas situées dans une région de haute montagne, le Royaume de Suède soutient, sans que cela soit contesté, que les conditions climatiques de cette région septentrionale du pays rendent le traitement biologique efficace des eaux résiduaires tout aussi difficile que dans les régions de haute montagne d’autres régions de l’Union. Le Royaume de Suède en déduit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271 s’applique également aux
agglomérations susmentionnées.

32. Contrairement à ce que soutient le Royaume de Suède, ce résultat ne peut être obtenu en interprétant l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271, car le champ d’application de cette disposition, dans toutes les versions linguistiques, se limite sans ambiguïté à des régions de haute montagne clairement définies, situées à une altitude supérieure à 1500 mètres. Le point de vue du Royaume de Suède revient donc, de fait, à ignorer complètement l’exigence géographique énoncée à l’article 4,
paragraphe 2, de la directive 91/271. Partout où il est difficile d’appliquer un traitement biologique efficace à cause des basses températures, un traitement moins rigoureux devrait être autorisé, à condition que des études approfondies indiquent que ces rejets n’altèrent pas l’environnement. Le Royaume de Suède exige donc une interprétation contra legem, soulevant ainsi implicitement une exception tirée de la nullité partielle de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271 en ce qui
concerne l’exigence d’un site de haute montagne ( 4 ).

33. Bien que le droit de rang supérieur plaide en faveur de cette exception [voir sous b)], de tels arguments ne peuvent pas, dans le cadre de procédures de manquement, être utilisés par les États membres pour contester la validité du droit dérivé [voir sous c)].

b) Le droit de rang supérieur

34. La limitation du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271 aux zones de haute montagne pourrait être contraire au droit de rang supérieur. Ainsi, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, première phrase, TUE, l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités. En outre, il ressort de l’article 191, paragraphe 3, deuxième tiret, TFUE que, dans l’élaboration de sa politique dans le domaine de l’environnement, l’Union tient compte des conditions de
l’environnement dans ses diverses régions.

35. Bien que la Cour n’ait pas encore précisé comment l’égalité des États membres doit être interprétée, il faut partir du postulat que la jurisprudence relative au principe de l’égalité de traitement vaut également pour eux. Ce principe requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 5 ).

36. Une limitation du champ d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271 aux sites de haute montagne expressément mentionnés pourrait donner lieu à une inégalité de traitement entre les États membres incompatible avec ledit principe. Les sites de certains États membres seraient exemptés de prescriptions, mais ceux d’autres États membres ne le seraient pas, bien que les conditions environnementales à prendre en compte posent dans les deux cas des difficultés
similaires pour satisfaire à ces prescriptions et qu’une exception exige l’absence d’effets préjudiciables sur l’environnement.

37. Il n’y a pas lieu de se prononcer ici sur la question de savoir dans quelle mesure des particuliers, des entreprises ou des organisations non gouvernementales (ONG), qui sont soumis au droit de l’Union, peuvent, dans de tels cas, invoquer l’égalité des États ou le principe de l’égalité de traitement.

c) Sur les objections soulevées par des États membres

38. En tout état de cause, un État membre ne saurait critiquer, en dehors du délai d’introduction du recours en annulation, la légalité d’un acte adopté par le législateur de l’Union qui est devenu définitif à son égard. Il est donc de jurisprudence constante qu’il ne saurait utilement invoquer l’illégalité d’une directive comme moyen de défense à l’encontre d’un recours en manquement fondé sur la méconnaissance de cette directive ( 6 ). En outre, pour les mêmes raisons, la Commission ne peut pas
engager de procédure de manquement pour violation du droit primaire lorsque les mesures nationales sont conformes au droit secondaire qui n’a pas été contesté ( 7 ). Les autres parties ne peuvent pas non plus invoquer incidemment la nullité d’un acte du droit de l’Union lorsqu’elles avaient, sans aucun doute, qualité pour agir en annulation contre cet acte par voie de recours direct ( 8 ).

39. La Cour fonde cette jurisprudence sur le système de protection juridictionnelle prévu par les traités et, en particulier, sur la fonction que revêt le délai de recours pour créer une sécurité juridique. Toutefois, la limite qui est imposée à la faculté des États membres et de la Commission de soulever certains arguments est également justifiée par le fait que ceux‑ci jouent un rôle décisif dans l’élaboration du droit de l’Union et que, en vertu de l’article 263, paragraphe 2, TFUE, ils occupent
une position privilégiée en ce qui concerne son contrôle.

40. Il incombe donc aux États membres de prévenir dès le processus législatif les atteintes à l’égalité des États ou de contester celles‑ci devant la Cour immédiatement après celui‑ci. Si cela n’a pas lieu, il est contraire au système de protection juridictionnelle de l’Union que la Cour, à un stade ultérieur, dans le cadre de la procédure de manquement, corrige les obligations des États membres qui découlent du droit de l’Union en faisant, en faveur de ceux‑ci, une interprétation qui bouleverse le
libellé d’une disposition.

41. Le Royaume de Suède n’a certes pas participé au processus législatif qui a conduit à l’adoption de la directive 91/271, du fait qu’il a adhéré à l’Union ultérieurement. Toutefois, en adhérant à l’Union, il a expressément accepté la directive 91/271, y compris l’article 4, paragraphe 2, de celle‑ci, et il n’a pas fait en sorte que la réglementation soit adaptée aux conditions environnementales du Grand Nord ( 9 ). Le fait que de telles adaptations étaient possibles est démontré, par exemple, par
les exceptions territoriales qui sont faites pour la protection du castor (Castor fiber) et du loup (Canis lupus) dans le cadre de la directive « Habitats » ( 10 ).

42. En outre, bien qu’une telle adaptation fasse défaut, le Royaume de Suède, en tant que membre du Conseil de l’Union européenne, peut toujours prendre l’initiative afin que cette adaptation soit introduite. Le Royaume de Suède, outre les contacts informels qu’il entretient avec la Commission ( 11 ), peut notamment faire en sorte que le Conseil invite la Commission, conformément à l’article 241 TFUE, à procéder à toutes études qu’il juge opportunes et à lui soumettre toutes propositions
appropriées.

43. Dans un tel cadre, il est bien davantage possible que dans celui d’une procédure juridictionnelle d’apprécier quel serait l’impact environnemental de l’extension au Grand Nord de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271. En outre, les régions concernées pourraient ainsi être définies avec précision. En effet, la lecture que fait le Royaume de Suède de cette disposition donne lieu à des difficultés majeures pour délimiter les régions concernées. Quels sont les sites
nordiques qui correspondent aux régions situées à plus de 1500 mètres d’altitude ?

44. Ainsi, non seulement l’effet de blocage qu’a le délai de recours s’impose pour des raisons de sécurité juridique, mais il est également approprié. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument du Royaume de Suède tiré de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 91/271.

d) Conclusion intermédiaire

45. Par conséquent, le Royaume de Suède a également manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 10 de la directive 91/271, en ce qui concerne la demande biochimique en oxygène de l’eau rejetée par la station d’épuration des agglomérations de Malå et de Pajala.

3. L’agglomération de Mockfjärd – Le prélèvement d’échantillons à intervalles non réguliers

46. Pour l’agglomération de Mockfjärd, les résultats des échantillons sont conformes à l’article 4 et à l’annexe I de la directive 91/271. Certes, entre le 11 janvier et le 27 décembre 2018, trois des 19 échantillons présentaient une demande biochimique en oxygène excessive et l’un des 17 échantillons présentait une demande chimique en oxygène excessive ( 12 ). Toutefois, selon le tableau 3 de l’annexe I, jusqu’à trois échantillons non conformes sont autorisés pour 17 à 28 échantillons par an.

47. Cependant, aucun échantillon n’a été prélevé entre le 16 mai et le 18 octobre 2018. La Commission en déduit que les articles 4, 10 et 15 de la directive 91/271 ont été méconnus.

48. Cette période de lacune s’agissant du prélèvement d’échantillons est incompatible avec l’article 15 et avec l’annexe I, point D 3, de la directive 91/271, qui exigent que les échantillons soient recueillis à intervalles réguliers. Les intervalles ne sont en effet pas réguliers si tous les échantillons sont prélevés pendant une période de sept mois, alors qu’aucun échantillon n’est prélevé pendant cinq mois. Cela vaut également si l’obligation de régularité se voit limitée au nombre minimal de
quatre prélèvements obligatoires, qui, dans le cas de l’agglomération de Mockfjärd, devaient être effectués en 2018.

49. La Commission soutient qu’il en résulte nécessairement une violation des normes de traitement prévues aux articles 4 et 10 de la directive 91/271, car, en l’absence de prélèvements réguliers d’échantillons sur une année entière, elle ne dispose pas des informations nécessaires pour apprécier le respect des exigences en cause.

50. Cependant, cette position n’est pas convaincante. J’ai déjà expliqué que le prélèvement d’échantillons constitue non pas une condition requise aux fins du respect des articles 4 et 10 de la directive 91/271, mais un moyen de preuve pour établir que ces dispositions ont été observées ou qu’elles ne l’ont pas été ( 13 ). C’est aussi ce qui explique que la Cour, dans le cadre d’une procédure, s’est contentée d’un seul échantillon pour admettre que la station d’épuration en cause possédait une
capacité suffisante ( 14 ).

51. Le programme de prélèvements d’échantillons prévu à l’article 15 et à l’annexe I de la directive 91/271 revêt cependant une valeur indicative considérable pour apprécier si une station d’épuration donnée satisfait aux exigences des articles 4 et 10 de cette directive. Lorsque, par exemple, pendant certaines saisons, les échantillons prélevés dans une installation dépassent régulièrement les normes, en raison de conditions externes telles que le temps qu’il fait ou l’accueil de nombreux
touristes, il faudrait en déduire que la capacité de traitement ne répond pas aux exigences de traitement secondaire imposées par les articles 4 et 10 de ladite directive.

52. Le fait que des échantillons distincts prélevés au cours d’autres périodes soient conformes aux prescriptions ne suffirait pas à affaiblir la valeur que revêt cette indication. Pour que l’article 4 de la directive 91/271 soit respecté, il ne suffit pas, en effet, qu’une station d’épuration assure un traitement suffisant à certaines dates ou au cours de certaines périodes. Au contraire, sous réserve de certaines situations exceptionnelles qui sont très rares, l’installation doit toujours assurer
un traitement suffisant des eaux résiduaires. C’est précisément pour cette raison que l’article 10 de la directive 91/271 exige que les installations soient en mesure de faire face aux variations saisonnières de la charge et aux conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées.

53. En conséquence, la Cour a jugé que l’article 4 de la directive 91/271 est méconnu lorsque des stations d’épuration et des systèmes de collecte rejettent trop fréquemment dans les eaux réceptrices des eaux résiduaires non traitées provenant de pluies d’orage ( 15 ). Aux fins de cette question, il n’importe pas de savoir s’il existe des échantillons démontrant pour d’autres dates une capacité de traitement suffisante.

54. De ce point de vue, la période de lacune s’agissant du prélèvement d’échantillons constitue un élément qui tend à indiquer que, entre mai et octobre 2018, la station d’épuration de l’agglomération de Mockfjärd n’était pas conforme aux exigences imposées par les articles 4 et 10 de la directive 91/271. Un autre élément qui tend à indiquer que ces exigences ont été méconnues est que le Royaume de Suède explique cette période de lacune par l’existence de travaux de restructuration dans cette
station d’épuration. Il ne serait pas surprenant que la capacité de traitement de l’installation ait été réduite en raison de ceux‑ci.

55. Toutefois, la Commission ne conclut pas à ce qu’il soit constaté que, entre mai et octobre 2018, la capacité de traitement de la station d’épuration de l’agglomération de Mockfjärd n’était pas conforme aux exigences. De telles conclusions, bien qu’envisageables ( 16 ), seraient irrecevables en l’espèce, car cette période ne faisait pas l’objet de l’invitation à présenter des observations ou de l’avis motivé.

56. Les conclusions de la Commission ne visent pas non plus à faire constater une pratique présentant un certain degré de constance et de généralité, ou un manquement de nature générale et persistante ( 17 ). Il serait certes possible de les interpréter en ce sens, mais l’exposé de la Commission ne vise manifestement pas à établir un manquement sur une période plus longue. Cela apparaît notamment en raison du fait que la requête analyse uniquement les données de l’année 2018, sans aborder celles des
périodes antérieures ou postérieures.

57. Les conclusions visent plutôt à faire constater que la station d’épuration de l’agglomération de Mockfjärd n’est pas, en principe, conforme aux exigences imposées par les articles 4 et 10 ainsi que par l’annexe I de la directive 91/271. Dans ce contexte, la méconnaissance de l’article 15 de cette directive ne revêt pas de signification autonome, elle sert uniquement à établir le manquement.

58. Or l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé ( 18 ). En outre, un recours en manquement sur le fondement de l’article 258, second alinéa, TFUE ne peut être exercé que lorsque l’État membre en cause ne s’est pas conformé à l’avis motivé dans le délai imparti dans ce dernier ( 19 ).

59. En l’espèce, ce qui importe est donc la situation telle qu’elle se présentait le 8 janvier 2019.

60. Aux fins de l’évaluation de la capacité de traitement de la station d’épuration à cette date, les conclusions tirées quant à la capacité de traitement de cette station d’épuration au cours de la période de lacune s’agissant du prélèvement d’échantillons ne constituent qu’une indication dont la valeur est affaiblie par d’autres indications.

61. En effet, le 8 janvier 2019, onze échantillons sur la demande biochimique en oxygène étaient disponibles depuis la fin de la période de lacune s’agissant du prélèvement d’échantillons, c’est‑à‑dire depuis près de trois mois, et ils étaient tous conformes aux exigences imposées par les articles 4 et 10 de la directive 91/271.

62. S’agissant de la demande chimique en oxygène, huit échantillons étaient disponibles après la fin de cette période de lacune, dont l’un présente une demande chimique en oxygène (sensiblement) excessive ; mais, avant cette période, les valeurs relatives à cette demande étaient constamment conformes aux exigences. Or, avec un total de 17 échantillons, jusqu’à trois échantillons non conformes auraient été autorisés, en vertu du tableau 3 de l’annexe I de la directive 91/271.

63. En l’absence d’autres indications allant dans le sens d’une capacité de traitement insuffisante, ces résultats suffisent à dissiper les doutes, à l’expiration du délai de l’avis motivé, quant à la capacité de traitement de la station d’épuration de l’agglomération de Mockfjärd. Au contraire, il faut partir du postulat que, à cette date, peut-être aussi en raison des travaux de restructuration ( 20 ), l’installation était conforme aux exigences imposées par les articles 4 et 15 de la directive
91/271.

64. Par conséquent, le recours doit être rejeté en ce qui concerne l’agglomération de Mockfjärd.

4. L’agglomération de Robertsfors – La demande biochimique en oxygène

65. La situation de l’agglomération de Robertsfors semble être semblable à celle de l’agglomération de Mockfjärd. En 2018, bien que 11 des 24 échantillons aient présenté initialement une demande biochimique en oxygène excessive, depuis le 23 octobre 2018, les six échantillons ont tous présenté une réduction d’au moins 70 %, ce qui était conforme aux exigences ( 21 ). Toutefois, la Commission expose aussi que, en 2018, la situation était nettement moins bonne que ce qu’elle était encore en 2016. À
l’époque, seuls six des 24 échantillons présentaient une demande excessive ( 22 ).

66. Au vu de l’ensemble des circonstances exposées, cet élément qui tend à indiquer une détérioration de la capacité de traitement de l’installation n’est cependant pas suffisant pour conclure à un manquement à la date en cause. En effet, le Royaume de Suède a déjà précisé dans sa réponse à l’avis motivé que, en 2018, il existait des problèmes d’exploitation dans cette station d’épuration et que des mesures avaient été prises pour y remédier ( 23 ). Les valeurs des six derniers échantillons
constituent donc des éléments qui tendent à indiquer que, grâce à ces mesures, la station d’épuration présentait, le 8 janvier 2019, une capacité de traitement suffisante.

67. Par conséquent, le recours doit également être rejeté en ce qui concerne l’agglomération de Robertsfors.

5. L’agglomération de Tänndalen – La demande biochimique en oxygène

68. Pour l’agglomération de Tänndalen, six des 35 échantillons prélevés en 2018 ont présenté une demande biochimique en oxygène excessive, alors que seuls quatre dépassements auraient été autorisés.

69. Tous les résultats insuffisants ont été obtenus au cours de la période comprise entre fin février et mi-avril. En revanche, les 21 échantillons suivants, jusqu’à la fin du mois de décembre, présentent une très faible demande ( 24 ). Il pourrait en être déduit que la capacité de traitement de l’installation s’est améliorée.

70. Toutefois, le fait que les échantillons relatifs à l’année 2016 répondent à un schéma similaire suscite des réserves : il existe quatre échantillons présentant une demande excessive de janvier à avril, puis des échantillons présentant une demande très faible. Cela est confirmé par un courrier du 20 décembre 2018 émanant de l’autorité compétente de l’agglomération, auquel la Commission se réfère. Il y est indiqué que les mesures de mise à niveau prises en 2018 n’ont pas été suffisantes pour
satisfaire aux exigences de la directive 91/271 pendant la période de charge principale (« högbelastningssäsong ») ( 25 ).

71. Cependant, avec son mémoire en défense, le Royaume de Suède produit des données supplémentaires provenant d’échantillons recueillis jusqu’à mai 2019 et qui ne font plus état d’une demande biochimique en oxygène excessive.

72. Certes, la Commission rétorque que ces données proviennent (presque toutes) de la période postérieure à l’expiration, le 8 janvier 2019, du délai de l’avis motivé et qu’elles sont donc dépourvues de pertinence aux fins de l’appréciation du grief concerné. Cependant, la Commission méconnaît ainsi que des données recueillies postérieurement à la date en cause autorisent également à tirer des conclusions quant à la capacité de traitement de la station d’épuration à cette date ( 26 ). En effet, si
les normes avaient à nouveau été dépassées au cours de la période de charge principale lors des premiers mois de l’année, il aurait fallu déduire que l’installation continuait à être insuffisante. En revanche, en l’absence de tels dépassements, il faut retenir que, contrairement aux années précédentes, l’installation était, à la date concernée, conforme aux exigences, probablement en raison des mesures de mise à niveau prises dans l’intervalle.

73. Par conséquent, il convient également de rejeter le recours en ce qui concerne l’agglomération de Tänndalen.

6. L’agglomération de Töreboda – La demande biochimique en oxygène

74. Enfin, les parties s’opposent sur la question de savoir si la station d’épuration de l’agglomération de Töreboda réduit suffisamment la demande biochimique des eaux résiduaires rejetées.

75. Dans sa réponse à l’avis motivé, le Royaume de Suède a communiqué 50 échantillons pour la période comprise entre le 8 novembre 2017 et le 6 novembre 2018 ( 27 ). Bien que, dans sa duplique, le Royaume de Suède soumette des données supplémentaires pour les mois de novembre et de décembre 2018 ( 28 ), ce retard n’est assorti d’aucune motivation, contrairement à ce qu’exige l’article 128, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Dès lors, cette preuve est irrecevable ( 29 ).

76. Les parties s’opposent sur la question de savoir si neuf échantillons non conformes au cours du premier semestre montrent que la station d’épuration réduit insuffisamment la demande biochimique en oxygène. Or, cela est dépourvu de pertinence, en fin de compte.

77. En effet, selon la réponse à l’avis motivé, l’étape du traitement biologique de la station d’épuration a été restructurée au cours du premier semestre 2018 ( 30 ). Cette étape se situant au cœur du traitement secondaire ( 31 ), cette restructuration explique pourquoi, au cours du second semestre, la demande biochimique en oxygène est beaucoup plus faible qu’au cours du premier semestre et pourquoi les résultats des échantillons prélevés ultérieurement dépassent sensiblement les exigences
imposées par la directive 91/271.

78. Les données produites en temps utile pour le second semestre autorisent donc à conclure que, à la date pertinente, à savoir le 8 janvier 2019, l’installation était conforme aux articles 4 et 10 de la directive 91/271. À cet égard, il convient donc de rejeter le recours en ce qui concerne l’agglomération de Töreboda.

79. Dans l’hypothèse où la Cour souhaiterait néanmoins examiner les données relatives au premier semestre de l’année 2018, il convient de rappeler que, conformément à l’article 4 et au tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271, la demande biochimique en oxygène ne doit pas dépasser 25 mg/l ou être réduite d’au moins 70 % par rapport aux valeurs à l’entrée de la station d’épuration. Le titre de ce tableau indique que la valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction seront appliqués.

80. La Commission souligne que, bien que 18 des échantillons aient présenté une demande en oxygène supérieure à 25 mg/l, neuf d’entre eux présentaient une demande en oxygène réduite d’au moins 70 % par rapport aux valeurs à l’entrée de la station d’épuration. Ils étaient donc conformes aux exigences énoncées dans le tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271.

81. En revanche, pour les neuf échantillons restants, le pourcentage de réduction de la demande en oxygène n’a pas été déterminé. Ils ne sont donc pas conformes au tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271. Cependant, en vertu du tableau 3 de cette annexe, pour un nombre d’échantillons prélevés au cours d’une année qui est compris entre 41 et 53, cinq échantillons au maximum peuvent ne pas être conformes.

82. Toutefois, le Royaume de Suède considère que seuls les 23 échantillons pour lesquels le pourcentage de réduction de la demande en oxygène a été déterminé doivent être pris en compte. Parmi eux, un seul n’est pas conforme, alors que, pour ce nombre d’échantillons, jusqu’à 3 échantillons pourraient ne pas l’être.

83. Dès lors que, selon l’intitulé du tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271, c’est la valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction qui seront appliqués, la position du Royaume de Suède pourrait être comprise comme impliquant le choix de retenir le second critère d’appréciation. Toutefois, si l’on considère que les échantillons constituent un moyen de preuve afin d’établir que l’article 4 de cette directive est respecté, les neuf échantillons dont il est attesté qu’ils ne sont
pas conformes aux exigences ne sauraient être ignorés. Ils constituent donc des éléments qui tendent à indiquer l’existence d’une violation au cours du premier semestre de l’année 2018.

84. En outre, la Commission critique à bon droit le fait que ces données n’ont pas été prélevées avec une régularité suffisante, car les données produites de manière recevable dans le cadre de la présente procédure ( 32 ) ne couvrent pas, notamment, les mois de novembre et de décembre de l’année 2018.

85. Cependant, ces considérations ne remettent pas en cause l’appréciation de la capacité de traitement de la station d’épuration à la date du 8 janvier 2019, car, ainsi que je l’ai déjà constaté aux points 77 et 78 des présentes conclusions, celle‑ci est établie par les résultats des mesures du second semestre de l’année 2018, qui ont été produits en temps utile, et car les résultats moins bons du premier semestre peuvent être attribués aux travaux de restructuration.

86. En ce qui concerne l’agglomération de Töreboda, il ne peut donc pas être constaté dans la présente procédure que, à la date pertinente, à savoir le 8 janvier 2019, la station d’épuration a insuffisamment réduit la demande biochimique en oxygène.

7. Conclusion intermédiaire

87. Par conséquent, en ne veillant pas à ce que, avant d’être rejetées, les eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Lycksele, de Malå et de Pajala soient soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 de celle‑ci.

88. Pour le reste, ce moyen doit être rejeté.

B.   L’article 5 de la directive 91/271 – La réduction en azote

89. En ce qui concerne quatre agglomérations, Borås, Skoghall, Habo et Töreboda, la Commission critique une violation de l’obligation d’effectuer un traitement plus rigoureux imposée par les articles 5, 10 et 15 de la directive 91/271.

90. En vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271, les autorités compétentes sont tenues de prendre les mesures nécessaires afin que, pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10000, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de cette directive, et ce au plus tard le 31 décembre 1998.

91. Les règles auxquelles est soumis le traitement plus rigoureux des rejets dans de telles zones sensibles découlent de références en cascade : l’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/271 renvoie au point B de l’annexe I. Le point 3. dudit point B renvoie ensuite aux prescriptions figurant au tableau 2 de cette annexe.

92. Le Royaume de Suède a identifié les eaux côtières situées entre la frontière norvégienne et l’agglomération de Norrtälje comme étant sensibles à l’eutrophisation ou au risque d’eutrophisation du fait des rejets d’azote. Les agglomérations concernées rejettent indirectement leurs eaux résiduaires dans ces eaux. Elles doivent donc réduire l’azote dans le cadre du traitement des eaux résiduaires.

93. Le point D 4, sous c), et le tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271 exigent, pour l’azote, soit une réduction permettant de respecter une valeur moyenne annuelle de 15 mg/l pour les agglomérations dont l’EH est compris entre 10000 et 100000 et de 10 mg/l pour les agglomérations plus grandes, soit un pourcentage minimal de réduction compris entre 70 et 80 %.

94. En outre, l’article 10 de la directive 91/271 exige des États membres que, afin de satisfaire également aux exigences de l’article 5 de cette directive, ils conçoivent, construisent, exploitent et entretiennent les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires de manière à ce que ces stations aient un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées.

1. L’agglomération de Borås

95. Les eaux résiduaires de l’agglomération de Borås étaient initialement traitées par la station d’épuration de Gässlösa, laquelle cependant a été remplacée, à partir du 28 mai 2018, par la station d’épuration de Sobacken. Cette dernière a une capacité supérieure à 100000 EH ; elle doit donc, pour l’azote, produire une valeur inférieure à 10 mg/l ou un pourcentage minimal de réduction compris entre 70 % et 80 %.

96. Compte tenu de cette conversion, le Royaume de Suède n’a pas été en mesure de communiquer dès la réponse à l’avis motivé une valeur moyenne annuelle pour cette installation. Au lieu de cela, il a communiqué une valeur moyenne annuelle d’azote de 18 mg/l pour les deux installations, c’est‑à‑dire un dépassement ( 33 ).

97. Cependant, avec son mémoire en défense, le Royaume de Suède a produit des données supplémentaires provenant d’échantillons recueillis jusqu’au 5 septembre 2019 et qui, pour la station de Sobacken, établissent, pour l’azote, une moyenne annuelle de 9 mg/l et une réduction moyenne de 70 % ( 34 ).

98. Ces données, à la lumière des considérations qui ont été exposées dans le cadre des données relatives à l’agglomération de Tänndalen ( 35 ), autorisent à conclure que la station d’épuration de Sobacken, à la date concernée, c’est‑à‑dire le 8 janvier 2019, était conforme aux exigences imposées par les articles 5 et 10 de la directive 91/271.

99. En outre, cette conclusion se trouve renforcée également si l’on considère qu’il peut falloir un certain temps pour qu’une station d’épuration nouvellement construite fonctionne de manière optimale. Ainsi, les données produites présentent tout d’abord des valeurs sensiblement augmentées, qui s’améliorent cependant nettement par la suite et restent relativement stables.

100. Par conséquent, le recours doit être rejeté en ce qui concerne l’agglomération de Borås.

2. L’agglomération de Skoghall

101. L’agglomération de Skoghall dispose de deux stations d’épuration, à savoir Sättersviken, dont l’EH est de 5457, et Hammarö, dont l’EH est de 15000. Les parties s’accordent sur le fait que chacune des deux installations doit respecter la norme applicable aux installations dont l’EH est compris entre 10000 et 100000, c’est‑à‑dire, pour l’azote, une valeur maximale de 15 mg/l ou une réduction comprise entre 70 et 80 %. Ce point de vue est exact, car les exigences imposées aux grandes
agglomérations pourraient sinon être contournées en répartissant le traitement des eaux usées entre plusieurs petites stations d’épuration.

102. Toutefois, dans sa réponse à l’avis motivé, le Royaume de Suède a indiqué que l’installation de Sättersviken présentait, pour la période comprise entre le 9 novembre 2017 et le 6 novembre 2018, une valeur moyenne annuelle de 17 mg/l ( 36 ). La Commission considère donc que les articles 5 et 10 de la directive 91/271 ont été méconnus.

103. Dans son mémoire en défense, le Royaume de Suède fait valoir que le fonctionnement de cette station d’épuration a connu des problèmes auxquels il a été remédié. En outre, cet État membre produit des données supplémentaires provenant de prélèvements d’échantillons, de sorte que, pour la période allant du 6 avril 2018 au 15 mai 2019, une moyenne annuelle de 12 mg/l et une réduction moyenne de 73 % sont établies pour l’azote ( 37 ).

104. Cet exposé, en conjonction avec les nouvelles données, autorise à conclure, à la lumière des considérations qui ont été faites dans le cadre des données relatives à l’agglomération de Tänndalen ( 38 ), que la station d’épuration de Sättersviken de l’agglomération de Skoghall était, à la date concernée, c’est‑à‑dire le 8 janvier 2019, conforme aux exigences des articles 5 et 10 de la directive 91/271.

105. En conséquence, il convient de rejeter le recours sur ce point.

3. L’agglomération de Habo

106. La station d’épuration de l’agglomération de Habo possède une capacité de 17000 EH. Elle ne dispose d’aucun équipement particulier pour réduire l’azote dans les eaux usées et n’en élimine donc qu’environ 30 %, ce qui conduit à une moyenne annuelle de 40 mg/l. Cependant, le Royaume de Suède invoque le fait que la quantité d’azote rejetée dans les rivières et les lacs est réduite de 87 % grâce à des processus naturels ; que cette réduction résulte d’un modèle scientifiquement accepté, et que,
ainsi, en combinaison avec la réduction effectuée par la station d’épuration, 91 % de l’azote contenu à l’origine dans les eaux résiduaires est éliminé avant que l’eau n’atteigne les eaux côtières sensibles ( 39 ).

107. Cette installation, compte tenu de sa capacité, doit atteindre, pour l’azote, la norme de 15 mg/l ou une réduction comprise entre 70 % et 80 %. La Cour, dans le cadre de l’appréciation de la réduction, a déjà admis qu’une réduction naturelle est prise en compte ( 40 ). Toutefois, la Commission exige que l’efficacité de cette réduction soit démontrée par des mesures récentes. Cette objection est compréhensible, car ce n’est qu’au moyen de telles mesures que la Commission peut valider le modèle
en cause.

108. La défense du Royaume de Suède n’est pas entièrement exempte de contradictions. Le Royaume de Suède fait valoir, d’une part, qu’il n’est pas possible en pratique de mesurer de manière continue les apports et les rejets d’azote de toutes les eaux de Suède polluées par celui‑ci ( 41 ). Il fait cependant valoir, d’autre part, que des mesures plus récentes ont été effectuées afin de valider et de calibrer le modèle en cause ( 42 ), et que les données en question étaient librement accessibles sur
Internet ( 43 ).

109. Dans son mémoire en réplique, la Commission objecte à cet argument que le Royaume de Suède n’a pas produit les données demandées. Cette critique ne saurait être écartée d’un revers de main, car, en vertu de l’article 124, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, le mémoire en défense contient les preuves et les offres de preuve. Par conséquent, c’est avec le mémoire que, normalement, des données destinées à étayer l’argumentation juridique, c’est‑à‑dire des preuves, doivent
être présentées à la Cour.

110. Cependant, la Commission n’a indiqué précisément ni dans la procédure juridictionnelle ni dans l’avis motivé de quelles mesures elle avait besoin pour pouvoir valider le modèle de réduction naturelle de l’azote. Le Royaume de Suède n’était donc pas en mesure de produire précisément ces données. La référence aux données disponibles sur Internet doit donc plutôt être considérée comme une offre de preuve sur la base de laquelle la Commission aurait pu préciser sa critique portant sur l’utilisation
du modèle en cause.

111. Pour cela, la Commission aurait dû examiner le contenu des données disponibles sur Internet. Dans l’hypothèse dans laquelle l’examen des données aurait pris beaucoup de temps, elle aurait dû demander, si nécessaire, une prolongation de délai ou une suspension de la procédure.

112. Il n’en a rien été.

113. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’objection de la Commission selon laquelle le Royaume de Suède n’a pas produit les mesures nécessaires à la validation. Ainsi, le recours est également dépourvu de fondement en ce qui concerne l’agglomération de Habo.

4. L’agglomération de Töreboda

114. La station d’épuration de l’agglomération de Töreboda, compte tenu de sa capacité de 35500 EH, doit elle aussi atteindre, pour l’azote, la norme de 15 mg/l ou une réduction comprise entre 70 et 80 %.

115. Selon la réponse à l’avis motivé, cette station d’épuration ne dispose d’aucun équipement particulier pour réduire l’azote dans les eaux résiduaires et elle n’en éliminait donc qu’environ 43 %. Cependant, le Royaume de Suède a invoqué une réduction naturelle de 50 % supplémentaires, de sorte que l’azote présent dans les eaux résiduaires est réduit de 71 % au total avant d’atteindre les eaux côtières sensibles ( 44 ). À la lumière des considérations qui viennent d’être exposées concernant
l’agglomération de Habo, ces valeurs sont suffisantes pour démontrer une réduction suffisante de l’azote.

116. Avec son mémoire en défense, le Royaume de Suède produit également les résultats d’échantillons relatifs à la réduction de l’azote qui ont été prélevés entre le 4 janvier et le 30 décembre 2019. Il en résulte que, même sans tenir compte d’une réduction naturelle, l’installation a atteint en 2019 une valeur moyenne de 14 mg/l et une réduction moyenne de 73 % – probablement en raison des travaux de restructuration du premier semestre 2018 ( 45 ). Ces valeurs prouvent, a fortiori, que, à la date
en cause, la station d’épuration de l’agglomération de Töreboda réduisait suffisamment la charge en azote des eaux résiduaires.

117. Ainsi, le grief selon lequel le Royaume de Suède a enfreint, en ce qui concerne l’agglomération de Töreboda, les articles 5, 10 et 15 de la directive 91/271 est dépourvu de fondement.

5. Conclusion intermédiaire

118. Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

C.   L’article 4, paragraphe 3, TUE – La coopération loyale

119. Enfin, la Commission fait valoir que le Royaume de Suède a manqué à son devoir de coopération loyale au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE en ne produisant pas, dans le cadre de la procédure précontentieuse, toutes les données nécessaires concernant les agglomérations de Habo et de Töreboda. Selon la Commission, le Royaume de Suède ne lui a en particulier pas communiqué les informations qui lui étaient nécessaires pour évaluer l’exactitude de l’exposé de celle‑ci sur la portée de la
réduction naturelle de l’azote et sur le respect, qui en résulte, des exigences de la directive 91/271 en matière d’élimination de l’azote.

120. Certes, dans le cadre d’une procédure de manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est donc à elle qu’il appartient de fournir à la Cour les éléments nécessaires pour permettre à celle‑ci d’examiner l’existence du manquement et la Commission ne peut se fonder à cet effet sur aucune présomption. Les États membres sont cependant tenus, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à la Commission
l’accomplissement de sa mission, qui consiste, notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des dispositions du traité FUE ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui‑ci. En particulier, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres
d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné. Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui‑ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent ( 46 ).

121. Dans l’avis motivé, la Commission a déclaré que le Royaume de Suède ne s’était pas conformé à cette obligation, car il n’avait pas fourni de résultats de mesures plus récents concernant la réduction de l’azote qui se produit entre le rejet des eaux des stations d’épuration et les eaux côtières sensibles ( 47 ). Ainsi que je l’ai déjà dit ( 48 ), cette exigence est compréhensible, car un calcul modélisé ne peut être validé qu’au moyen de mesures effectives.

122. Le Royaume de Suède a répondu à ce grief notamment par un avis du Sveriges meteorologiska och hydrologiska institut (institut météorologique et hydrologique de Suède, ci‑après le « SMHI ») ( 49 ). À ce sujet, le SMHI indique explicitement que des mesures plus récentes de la teneur en azote des eaux ont certes été utilisées, mais que celles‑ci n’étaient pas disponibles sur son site Internet, car elles provenaient de la base de données d’une autre institution ( 50 ).

123. En fournissant ces informations incomplètes, le Royaume de Suède a violé le principe de coopération loyale et a fait obstacle à la présente procédure. Bien que la Commission ait contesté le manque de données, le SMHI n’a ni communiqué de telles données ni indiqué la source des données plus récentes ou leur référence sur Internet. Cette omission est d’autant plus grave que, ainsi que le montre le mémoire en défense, il aurait été aisé de fournir de telles indications. Dans le même temps, il
aurait été de bonne pratique scientifique de fournir la référence accessible de manière générale des données utilisées. Sur cette base, la Commission aurait pu beaucoup mieux préparer le présent recours et aurait même peut-être abandonné les griefs concernant les agglomérations de Habo et de Töreboda.

124. Étant donné l’importance desdites informations, il aurait également été conforme au principe de coopération loyale que la Commission sollicite à nouveau, au moins de manière informelle, que les mesures en cause soient communiquées. Cependant, elle ne pouvait pas savoir qu’il était aussi peu problématique d’y accéder. Par conséquent, l’absence de nouvelle demande faite par la Commission n’empêche pas de conclure que le Royaume de Suède a violé le principe de coopération loyale.

125. Le Royaume de Suède a donc manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, car, au cours de la procédure précontentieuse, il n’a pas fourni à la Commission les informations dont celle‑ci avait besoin pour apprécier si les stations d’épuration des agglomérations de Habo et de Töreboda étaient conformes aux exigences de la directive 91/271.

V. Sur les dépens

126. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens lorsque, comme en l’espèce, chacune obtient en partie gain de cause et succombe en partie.

VI. Conclusion

127. Je propose par conséquent à la Cour de statuer comme suit :

1) En ne veillant pas à ce que, avant d’être rejetées, les eaux résiduaires des agglomérations de Lycksele, de Malå et de Pajala soient soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 de celle‑ci.

2) En ne fournissant pas à la Commission européenne, au cours de la procédure précontentieuse, les informations dont elle aurait eu besoin pour apprécier si les stations d’épuration des agglomérations de Habo et de Töreboda satisfaisaient aux exigences de la directive 91/271, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) Directive du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO 1991, L 135, p. 40), telle que modifiée par la directive 2013/64/UE du Conseil, du 17 décembre 2013 (JO 2013, L 353, p. 8) (ci-après la « directive 91/271 ») applicable au litige.

( 3 ) Voir document de travail des services de la Commission « Évaluation de la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires », SWD(2019) 700 final, p. 3, entrées « Demande biochimique en oxygène » et « Demande chimique en oxygène ».

( 4 ) Voir arrêts du 1er octobre 2020, Entoma (C‑526/19, EU:C:2020:769, point 43), et du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE (C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, points 35 et 36). Voir également, sur la signification du libellé, arrêts du 24 novembre 2005, Deutsches Milch‑Kontor (C‑136/04, EU:C:2005:716, point 32), et du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission (C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 76).

( 5 ) Arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7) ; du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, EU:C:2007:261, point 56) ; du 12 mai 2011, Luxembourg/Parlement et Conseil (C‑176/09, EU:C:2011:290, point 31), et du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil (C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 93).

( 6 ) Arrêts du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C‑74/91, EU:C:1992:409, point 10) ; du 6 juillet 2006, Commission/Portugal (C‑53/05, EU:C:2006:448, point 30), et du 29 juillet 2010, Commission/Autriche (C‑189/09, non publié, EU:C:2010:455, point 15).

( 7 ) Arrêt du 5 octobre 2004, Commission/Grèce (C‑475/01, EU:C:2004:585, points 17 et suiv.).

( 8 ) Arrêts du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, EU:C:1994:90, point 17), et du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a. (C‑135/16, EU:C:2018:582, point 17).

( 9 ) S’agissant également de l’application de la directive 91/271 aux États de l’Espace économique européen (EEE), en particulier à la Norvège et à l’Islande, il n’y a manifestement pas eu lieu d’étendre l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive aux agglomérations du Grand Nord. Voir article 74 et annexe XX, point 13, de l’accord sur l’Espace économique européen (JO 1994, L 1, p. 496).

( 10 ) Annexe I, chapitre VIII., section E., point 4, sous d), 1), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 175).

( 11 ) Voir document de travail des services de la Commission « Évaluation de la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires », SWD (2019) 700 final, p. 167.

( 12 ) Annexe 8 de la requête, p. 1133.

( 13 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:119, points 29 à 31). Voir, également, arrêt du 14 septembre 2017, Commission/Grèce (C‑320/15, EU:C:2017:678, point 34), et conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Commission/Grèce (C‑320/15, EU:C:2017:246, point 57).

( 14 ) Arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal (C‑398/14, EU:C:2016:61, point 39).

( 15 ) Arrêts du 18 octobre 2012, Commission/Royaume‑Uni (C‑301/10, EU:C:2012:633, points 85, 86 et 93), et du 4 mai 2017, Commission/Royaume‑Uni (C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, points 44 à 46).

( 16 ) Voir, sur la qualité de l’air, arrêt du 10 mai 2011, Commission/Suède (C‑479/10, non publié, EU:C:2011:287).

( 17 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Bulgarie (C‑488/15, EU:C:2016:862, points 39 et suiv. ainsi que jurisprudence citée).

( 18 ) Arrêts du 16 décembre 1997, Commission/Italie (C‑316/96, EU:C:1997:614, point 14) ; du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne (C‑456/05, EU:C:2007:755), et du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires) (C‑209/18, EU:C:2019:632, point 48).

( 19 ) Arrêts du 31 mars 1992, Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:158, point 9) ; du 27 octobre 2005, Commission/Italie (C‑525/03, EU:C:2005:648, point 13), et du 18 mai 2006, Commission/Espagne (C‑221/04, EU:C:2006:329, points 22 et 23).

( 20 ) Voir courrier de Dala Vatten och Avfall AB du 21 décembre 2018, annexe 10 de la requête, p. 1175, et point 54 des présentes conclusions.

( 21 ) Annexe 10 de la requête, p. 1131.

( 22 ) Annexe 7 de la requête, p. 937.

( 23 ) Voir annexe 10 de la requête, p. 1085 et 1086 ainsi que 1173.

( 24 ) Annexe 10 de la requête, p. 1115.

( 25 ) Annexe 10 de la requête, p. 1167 et 1168.

( 26 ) Arrêt du 10 mars 2016, Commission/Espagne (C‑38/15, non publié, EU:C:2016:156, point 45).

( 27 ) Annexe 10 de la requête, p. 1150.

( 28 ) Mémoire en duplique, annexe 4.

( 29 ) Arrêt du 10 novembre 2016, Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:847, point 86), et, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Gaki‑Kakouri/Cour de justice (C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, point 33).

( 30 ) Annexe 10 de la requête, p. 991.

( 31 ) Voir définition de la notion de « traitement secondaire » dans le document de travail (p. 6) cité en note de bas de page 3 des présentes conclusions.

( 32 ) Sur les données produites tardivement qui combleraient cette lacune, voir point 75 des présentes conclusions.

( 33 ) Annexe 10 de la requête, p. 1153.

( 34 ) Annexe B 15.

( 35 ) Voir point 72 des présentes conclusions.

( 36 ) Annexe 10 de la requête, p. 1145.

( 37 ) Annexe B 16.

( 38 ) Voir point 72 des présentes conclusions.

( 39 ) Annexe 10 de la requête, p. 1139 et 1140.

( 40 ) Arrêt du 6 octobre 2009, Commission/Suède (C‑438/07, EU:C:2009:613, points 101 et 104).

( 41 ) Mémoire en défense, point 21.

( 42 ) Mémoire en défense, point 29.

( 43 ) Le Royaume de Suède fait référence au site Internet miljodata.slu.se/mvm/

( 44 ) Annexe 10 de la requête, p. 1149 et 1150.

( 45 ) Voir point 77 des présentes conclusions.

( 46 ) Arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande (C‑494/01, EU:C:2005:250, points 41 et 44), et du 18 octobre 2012, Commission/Royaume‑Uni (C‑301/10, EU:C:2012:633, points 70 à 72).

( 47 ) Voir, s’agissant de l’agglomération de Habo, point 95 et, s’agissant de l’agglomération de Töreboda, point 122 (annexe 9 de la requête, p. 1149 ainsi que 1152 et 1153).

( 48 ) Voir point 107 des présentes conclusions.

( 49 ) Annexe 10 de la requête, p. 1349 et suiv.

( 50 ) Annexe 10 de la requête, p. 1350.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-22/20
Date de la décision : 25/03/2021
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé, Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Articles 4, 5, 10 et 15 – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Traitement secondaire ou équivalent des eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations de certaines dimensions – Traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles – Article 4, paragraphe 3, TUE – Vérification des données communiquées par les États membres – Obligation de coopération loyale.

Pollution

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume de Suède.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:250

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