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24/09/2020 | CJUE | N°C-398/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 24 septembre 2020., Procédure relative à l'extradition de BY., 24/09/2020, C-398/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 24 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑398/19

BY

en présence de

Generalstaatsanwaltschaft Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Extradition vers un pays tiers d’un ressortissant d’un État membre – Personne recherchée n’ayant obtenu la citoyenneté de l’Union qu’après avoir tra

nsféré le centre de ses intérêts dans l’État membre requis – Protection des ressortissants contre l’extradition – Obligations de l’État requis...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 24 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑398/19

BY

en présence de

Generalstaatsanwaltschaft Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Extradition vers un pays tiers d’un ressortissant d’un État membre – Personne recherchée n’ayant obtenu la citoyenneté de l’Union qu’après avoir transféré le centre de ses intérêts dans l’État membre requis – Protection des ressortissants contre l’extradition – Obligations de l’État requis et de l’État membre d’origine du citoyen de l’Union – Objectif de prévention du risque d’impunité dans les procédures pénales »

I. Introduction

1. La décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ) a grandement simplifié le régime de remise des personnes suspectées entre les États membres. Comme le montre toutefois clairement la présente affaire, des difficultés ne s’en présentent pas moins en relation avec les demandes d’extradition qui émanent de pays tiers.

2. On pourrait certes penser que ces demandes émanant de pays tiers ne devraient pas, en principe, relever du champ d’application du droit de l’Union, mais la question particulière qui se pose dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle découle du fait que la plupart des États membres ( 3 ) excluent l’extradition de leurs ressortissants vers des pays tiers ( 4 ) et privilégient plutôt, en pareil cas, l’application de la partie « aut judicare » du principe « aut dedere, aut
judicare » (extrader ou poursuivre) ( 5 ). Étant donné que les États membres qui refusent d’extrader leurs ressortissants vers des pays tiers prévoient aussi systématiquement dans leur législation nationale que le fait pour leurs citoyens de commettre pareilles infractions où que ce soit dans le monde est passible de poursuites dans leur propre État, conformément à un principe de compétence extraterritoriale dans les affaires pénales largement admis en droit international (c’est‑à‑dire
conformément au principe dit de la « personnalité active ») ( 6 ), cette restriction en matière d’extradition pose en pratique moins de problèmes qu’elle n’en poserait à défaut de telles dispositions.

3. C’est sur ce point que se présentent les difficultés qu’ont soulevées pour la première fois les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin ( 7 ). Quelle est la situation qui se présente lorsqu’un citoyen de l’un des États membres exerce ses droits à la libre circulation pour se déplacer vers un autre État membre qui refuse d’extrader ses ressortissants vers des États tiers et se prévaut du principe « aut dedere, aut judicare » ? Les principes de non‑discrimination sur la base
de la nationalité (article 18TFUE) et du droit à la libre circulation (article 21 TFUE) impliquent-ils que l’État membre d’accueil est également tenu en principe d’étendre d’une façon ou d’une autre la règle interdisant l’extradition de ses propres ressortissants aux citoyens des autres États membres qui ont exercé leurs droits à la libre circulation ?

4. Une réponse affirmative – quoique assortie de multiples réserves – a été donnée à ces questions par la Cour dans son arrêt Petruhhin. Ce faisant, la Cour a toutefois également admis que la situation de la personne exerçant son droit à la libre circulation dans cet exemple ne peut pas être totalement assimilée à celle du citoyen de l’État membre d’accueil, et ce précisément parce que les législations nationales des États membres ne prévoient normalement pas l’exercice d’une compétence à l’égard
des infractions extraterritoriales commises à l’étranger par d’autres que leurs citoyens, à tout le moins pas sans que certaines conditions soient réunies. Comme l’indique la Cour :

« [...] si [...] la non‑extradition des ressortissants nationaux est généralement compensée par la possibilité pour l’État membre requis de poursuivre ses propres ressortissants pour des infractions graves commises hors de son territoire, cet État membre est, en règle générale, incompétent pour juger de tels faits lorsque ni l’auteur ni la victime de l’infraction supposée n’ont la nationalité dudit État membre » ( 8 ).

C’est ce dilemme qui est au cœur de la jurisprudence Petruhhin.

5. Cela nous amène directement à la présente demande de décision préjudicielle. Par ses questions, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) voudrait obtenir des précisions en ce qui concerne les obligations, au titre du TFUE, d’un État membre dont le droit national interdit l’extradition de ses citoyens vers un pays tiers aux fins d’une procédure pénale, s’agissant des demandes d’extradition concernant des citoyens d’autres États membres qui séjournent ou résident
effectivement sur son territoire.

6. La Cour est donc invitée, une nouvelle fois, à préciser les obligations des États membres qui découlent des principes décrits dans l’arrêt Petruhhin ( 9 ). On peut mesurer le caractère novateur de la solution proposée dans cet arrêt au fait qu’il semble n’avoir peut-être pas bénéficié d’une reconnaissance universelle de la part des États membres. Certains ont souligné les difficultés d’ordre juridique et pratique qu’elle pose à ces derniers quant à son application. Avant d’examiner ces questions,
il est toutefois nécessaire, tout d’abord, d’exposer les dispositions légales pertinentes en cause puis de résumer les faits de la présente affaire.

II. Le cadre juridique

A.   La convention européenne d’extradition de 1957 ( 10 )

7. L’article 1er de la convention européenne d’extradition de 1957 est libellé comme suit :

« Les Parties contractantes s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles suivants, les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la Partie requérante. »

8. L’article 6 de la convention européenne d’extradition de 1957 prévoit :

« 1   

a Toute Partie contractante aura la faculté de refuser l’extradition de ses ressortissants.

b Chaque Partie contractante pourra, par une déclaration faite au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, définir, en ce qui la concerne, le terme “ressortissants” au sens de la présente Convention.

c La qualité de ressortissant sera appréciée au moment de la décision sur l’extradition. Toutefois, si cette qualité n’est reconnue qu’entre l’époque de la décision et la date envisagée pour la remise, la Partie requise pourra également se prévaloir de la disposition de l’alinéa a du présent paragraphe.

2   Si la Partie requise n’extrade pas son ressortissant, elle devra, sur la demande de la Partie requérante, soumettre l’affaire aux autorités compétentes afin que des poursuites judiciaires puissent être exercées s’il y a lieu. À cet effet, les dossiers, informations et objets relatifs à l’infraction seront adressés gratuitement par la voie prévue au paragraphe 1 de l’article 12. La Partie requérante sera informée de la suite qui aura été donnée à sa demande. »

9. L’article 12 de la convention européenne d’extradition de 1957 [tel qu’amendé par le deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition de 1957 ( 11 )) prévoit désormais :

« 1   La requête sera formulée par écrit et adressée par le ministère de la Justice de la Partie requérante au ministère de la Justice de la Partie requise ; toutefois, la voie diplomatique n’est pas exclue. Une autre voie pourra être convenue par arrangement direct entre deux ou plusieurs Parties [ ( 12 )].

2   Il sera produit à l’appui de la requête :

a l’original ou l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante ;

b un exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiqués le plus exactement possible ; et

c une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n’est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l’individu réclamé et tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité. »

10. L’article 17 de la convention européenne d’extradition de 1957, intitulé « Concours de requêtes », prévoit :

« Si l’extradition est demandée concurremment par plusieurs États, soit pour le même fait, soit pour des faits différents, la Partie requise statuera compte tenu de toutes circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de l’individu réclamé et de la possibilité d’une extradition ultérieure à un autre État. »

11. La République fédérale d’Allemagne a fait la déclaration suivante au moment du dépôt de l’instrument de ratification, le 2 octobre 1976, en relation avec l’article 6 de la convention européenne d’extradition de 1957 :

« L’extradition de ressortissants allemands, de la République fédérale d’Allemagne vers un pays étranger, est interdite par l’article 16, paragraphe 2, 1re phrase, de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne et devra en conséquence être refusée dans tous les cas. Le terme “ressortissants” au sens de l’article 6, paragraphe 1 b. de la convention européenne d’extradition de 1957, englobe tous les Allemands au sens de l’article 116, paragraphe 1, de la loi fondamentale de la
République fédérale d’Allemagne. »

À la suite de l’entrée en vigueur de la législation nationale donnant effet à la décision-cadre 2002/584 et d’une décision de la Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne) portant sur cette question, la République fédérale d’Allemagne a fait une déclaration supplémentaire en vue de donner la préséance à cette décision‑cadre dans la relation réciproque entre l’Allemagne et les autres États membres de l’Union ( 13 ).

B.   Le droit de l’Union

12. L’article 8 de la décision-cadre 2002/584, qui traite du contenu et de la forme du mandat d’arrêt européen, prévoit :

« 1.   Le mandat d’arrêt européen contient les informations suivantes, présentées conformément au formulaire figurant en annexe :

a) l’identité et la nationalité de la personne recherchée ;

b) le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et de télécopieur et l’adresse électronique de l’autorité judiciaire d’émission ;

c) l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force entrant dans le champ d’application des articles 1er et 2 ;

d) la nature et la qualification légale de l’infraction, notamment au regard de l’article 2 ;

e) la description des circonstances de la commission de l’infraction, y compris le moment, le lieu et le degré de participation de la personne recherchée à l’infraction ;

f) la peine prononcée, s’il s’agit d’un jugement définitif, ou l’échelle de peines prévue pour l’infraction par la loi de l’État membre d’émission ;

g) dans la mesure du possible, les autres conséquences de l’infraction.

[...] »

13. Les premier et troisième paragraphes de l’article 16 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Décision en cas de concours de demandes », sont libellés comme suit :

« 1.   Si plusieurs États membres ont émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de la même personne, le choix du mandat d’arrêt européen à exécuter est opéré par l’autorité judiciaire d’exécution en tenant dûment compte de toutes les circonstances et, en particulier, de la gravité relative et du lieu de commission des infractions, des dates respectives des mandats d’arrêt européens, ainsi que du fait que le mandat a été émis pour la poursuite ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de
sûreté privatives de liberté.

[...]

3.   En cas de conflit entre un mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition présentée par un pays tiers, la décision sur la priorité à donner au mandat d’arrêt européen ou à la demande d’extradition est prise par l’autorité compétente de l’État membre d’exécution, en tenant dûment compte de toutes les circonstances, en particulier celles visées au paragraphe 1, ainsi que de celles mentionnées dans la convention applicable.

[...] »

C.   Le droit allemand

14. L’article 16, paragraphe 2, du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne) du 23 mai 1949 ( 14 ) dispose :

« Aucun allemand ne peut être extradé à l’étranger. Une réglementation dérogatoire peut être prise par la loi pour l’extradition à un État membre de l’Union européenne ou à une Cour internationale à condition que les principes de l’État de droit soient garantis. »

15. Le paragraphe 7 du Strafgesetzbuch (code pénal allemand) ( 15 ) dispose :

« (1) Le droit pénal allemand est applicable aux faits commis à l’étranger au préjudice d’un Allemand […]

(2) Pour les autres faits commis à l’étranger, le droit pénal allemand est applicable lorsque ceux‑ci sont sanctionnés au lieu de leur commission ou que ledit lieu ne relève d’aucune juridiction pénale, et lorsque l’auteur

1. était allemand [...], ou

2. était étranger au moment des faits, est présent sur le territoire national et que, bien que la loi en matière d’extradition autorise son extradition au vu de la nature des faits, il n’est pas extradé aux motifs qu’une demande d’extradition n’a pas été adressée dans un délai raisonnable, qu’elle est refusée, ou que l’extradition ne peut être exécutée. »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

16. La personne recherchée dans la présente affaire, BY, est un ressortissant ukrainien. En 2012, il a déménagé de l’Ukraine vers l’Allemagne (que je propose de designer, par souci de commodité, comme l’« État membre d’accueil » ou l’« État requis »). En 2014, il a également obtenu la nationalité roumaine en tant que descendant de ressortissants roumains ayant autrefois vécu en ex-Bucovine roumaine. Il n’a toutefois jamais eu le centre de ses intérêts en Roumanie (qui est, dans cette affaire,
l’« État membre d’origine »).

17. BY fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par le tribunal de district de Zastavna (Ukraine) le 26 février 2016. Le mandat invoque des faits de détournement de fonds d’une entreprise publique ukrainienne au cours des années 2010 et 2011. Le 15 mars 2016, le parquet général d’Ukraine (que je propose de designer comme le « pays tiers » ou l’« État requérant ») a émis une demande formelle d’extradition de BY transmise à la République fédérale d’Allemagne par l’intermédiaire des ministères de la
Justice respectifs de ces deux pays, conformément à l’article 5 du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition de 1957. Il est important de souligner, pour éviter de perdre de vue cet aspect, que BY bénéficie naturellement de la présomption d’innocence. Les présentes conclusions partiront donc de cette prémisse.

18. À la suite de la demande d’extradition transmise à la République fédérale d’Allemagne, BY a été placé en détention provisoire le 26 juillet 2016, conformément au paragraphe 19 du Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen ( 16 ). Le 28 novembre 2016, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin) a ordonné la remise en liberté de BY, dans l’attente de l’extradition, moyennant le paiement d’une caution et sous certaines conditions. BY a été remis en liberté après
le dépôt de la caution, le 2 décembre 2016.

19. Compte tenu du fait que BY a la nationalité roumaine et de l’arrêt Petruhhin, le Generalstaatsanwaltschaft Berlin (parquet général de Berlin, Allemagne) a informé le ministère de la Justice de Roumanie de la demande d’extradition, par courrier du 9 novembre 2016, en joignant une copie de l’ordonnance de la juridiction de renvoi du 1er août 2016 dans laquelle BY avait été placé sous écrou extraditionnel. parquet général de Berlin a également demandé si les autorités roumaines envisageaient
d’exercer les poursuites pénales à l’encontre de BY.

20. Cette demande a initialement fait l’objet d’une réponse négative et le ministère de la Justice de Roumanie a répondu qu’il considérait comme nécessaire une demande en ce sens des autorités ukrainiennes. Le parquet général de Berlin a alors demandé si le droit pénal roumain permettait d’exercer de telles poursuites pour les faits à charge de BY, indépendamment d’une demande des autorités ukrainiennes tendant à l’exercice de poursuites (au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la convention
européenne d’extradition de 1957). Le ministère de la Justice de Roumanie a répondu au parquet général que l’émission d’un mandat d’arrêt national, en tant que condition à l’émission d’un mandat d’arrêt européen, était soumise à la preuve suffisante de la culpabilité de l’individu réclamé et a demandé au parquet général de Berlin de lui fournir des documents et copies des preuves en provenance d’Ukraine.

21. La juridiction de renvoi déduit de cet échange de courriers que le droit roumain permet en principe les poursuites à l’encontre d’un citoyen roumain pour les infractions commises dans un pays tiers.

22. La juridiction de renvoi considère que l’extradition de BY vers l’Ukraine, réclamée par le parquet général de Berlin, est en principe autorisée par le droit allemand. Elle estime toutefois ne pas pouvoir se prononcer sans réserves, du fait de l’arrêt Petruhhin, en ce que, jusqu’à présent, les autorités judiciaires roumaines ne se sont prononcées ni pour ni contre des poursuites à l’encontre de BY pour les infractions supposées qui font l’objet de la demande d’extradition. La juridiction de
renvoi souligne cependant, premièrement, les différences factuelles de la présente affaire, dans laquelle BY n’avait pas la nationalité roumaine au moment où il a déplacé le centre de ses intérêts de l’Ukraine l’Allemagne. Il a ainsi été fait valoir que lorsque BY a établi sa résidence en Allemagne, il ne l’a pas fait dans le cadre de l’exercice de ses droits à la libre circulation qui découlent de l’article 21, paragraphe 1, TFUE.

23. Deuxièmement, la juridiction de renvoi souligne des difficultés pratiques dans l’application des principes exposés dans l’arrêt Petruhhin. Les autorités roumaines ont demandé à la République fédérale d’Allemagne les éléments de preuve à l’encontre de BY afin d’examiner les infractions qui lui sont reprochées. Ces éléments de preuve leur permettraient de statuer sur la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt national sur la base duquel un mandat d’arrêt européen pourrait être délivré. Les
autorités allemandes ne disposent toutefois pas de ces informations, ce qui n’a rien de surprenant, puisque l’Ukraine a fondé sa demande sur la convention européenne d’extradition de 1957. L’article 12, paragraphe 2, de cette convention n’exige pas de l’État requérant qu’il fournisse pareils documents et l’Ukraine ne les a donc pas fournis.

24. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi se demande si l’État membre d’origine est lui‑même tenu de réclamer à l’État requérant les dossiers qui lui permettraient de décider d’engager ou non des poursuites. La juridiction de renvoi souligne par ailleurs que, même si les autorités allemandes étaient en possession de documents fournis par l’État requérant, on ne peut déterminer clairement s’ils pourraient être envoyés d’office par l’État requis à l’État membre d’origine du ressortissant de
l’Union dont l’extradition a été réclamée ou si le consentement de l’État requérant est nécessaire à cette fin.

25. S’il fallait considérer que les informations de base concernant la demande d’extradition ne suffisent pas à l’État membre d’origine pour déterminer s’il doit engager des poursuites et que ce dernier doit demander le dossier de l’affaire à l’État requérant, il en découlerait un retard important dans la procédure. Ce retard serait le résultat de la communication par les canaux diplomatiques ainsi que de la nécessité de procéder à la traduction des pièces. Le juge de renvoi note que tout cela pose
des problèmes particuliers lorsque l’individu réclamé est détenu.

26. La juridiction de renvoi souligne par ailleurs qu’il serait en pratique difficile pour l’État requis de demander le dossier dès lors qu’il n’est pas dans une position lui permettant de déterminer s’il est possible pour l’État membre d’origine d’engager des poursuites au titre du droit national de ce dernier. Le même problème d’absence de familiarité de l’État membre d’accueil avec le droit de l’État membre d’origine, avec les inévitables retards qui s’ensuivent, se poserait également si l’État
membre requis devait demander à l’État requérant d’envoyer à l’État membre d’origine une demande tendant à engager des poursuites.

27. Troisièmement, dès lors que le code pénal allemand prévoit, en son paragraphe 7, alinéa 2, point 2, une compétence subsidiaire pour les poursuites concernant des faits commis à l’étranger, même par des ressortissants étrangers, la juridiction de renvoi se demande si elle est tenue, en vue de satisfaire au principe de non‑discrimination consacré à l’article 18 TFUE, de déclarer l’extradition illégale. Les autorités pénales allemandes devraient alors exercer les poursuites.

28. La juridiction de renvoi considère qu’une telle approche compromettrait l’effectivité des poursuites. Elle impliquerait que l’extradition d’un ressortissant d’un État membre serait d’emblée illicite du fait de la possibilité pour les autorités allemandes d’exercer les poursuites. Une telle conséquence rendrait en effet à son tour impossible, en droit allemand, que ce soit l’émission d’un mandat d’arrêt aux fins de l’extradition ( 17 ) ou dans le cadre de poursuites en Allemagne ( 18 ). Le retard
que cela entraînerait permettrait à la personne mise en cause (de nouveau) d’échapper aux poursuites.

29. Compte tenu de ces circonstances, le 23 mai 2019, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les principes dégagés par la [Cour] dans son arrêt [Petruhhin] quant à l’application des articles 18 et 21 TFUE dans le cas d’une demande d’extradition d’un citoyen de l’Union, formulée par un pays tiers, s’appliquent-ils également lorsque l’individu réclamé a transféré le centre de ses intérêts dans l’État membre requis alors qu’il n’était pas encore citoyen de l’Union ?

2) L’État membre d’origine informé d’une demande d’extradition est-il tenu, sur la base de l’arrêt [Petruhhin], de demander la transmission du dossier au pays tiers requérant, aux fins d’apprécier la possibilité d’exercer lui‑même les poursuites ?

3) L’État membre saisi d’une demande d’extradition d’un citoyen de l’Union par un pays tiers est-il tenu, sur la base de l’arrêt [Petruhhin], de refuser l’extradition et d’exercer lui‑même les poursuites pénales lorsque son droit national le lui permet ? »

30. Des observations écrites ont été présentées par BY, le gouvernement allemand, l’Irlande, les gouvernements grec, letton, hongrois, autrichien, polonais et roumain ainsi que la Commission européenne. L’audience elle‑même s’est tenue durant la pandémie de COVID-19 et les représentants de BY, du gouvernement allemand et de la Commission ont présenté des observations orales lors de cette audience, qui s’est tenue le 16 juin 2020. Avec l’autorisation de la Cour, l’Irlande est intervenue à distance et
des observations écrites faites par les gouvernements letton et polonais ont été lues en présence des membres de la Cour et des représentants des parties présents.

IV. Analyse

A.   Le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Petruhhin

31. Dès lors que c’est l’application des conclusions de la Cour dans l’arrêt Petruhhin – confirmées par cette dernière dans des arrêts ultérieurs comme les arrêts Pisciotti ( 19 ) et Raugevicius ( 20 ) – aux faits de la présente affaire qui est au cœur des questions de la juridiction de renvoi, il s’impose d’examiner tant les faits que le raisonnement de la Cour dans l’affaire Petruhhin.

32. Dans l’affaire en question, le requérant était un ressortissant estonien qui avait déménagé en Lettonie. Les autorités lettones avaient ultérieurement été saisies d’une demande d’extradition émanant du procureur général de la Fédération de Russie dans laquelle il était allégué que M. Petruhhin était recherché pour trafic, en bande organisée, d’une grande quantité de stupéfiants. Le droit letton excluait cependant l’extradition des ressortissants de ce pays et M. Petruhhin faisait valoir en
substance que ne pas lui permettre de bénéficier de ce droit en tant que ressortissant d’un autre État de l’Union ayant exercé ses droits à la libre circulation constituerait une discrimination injustifiée au regard de l’article 18 TFUE.

33. Dans ses conclusions dans l’affaire Petruhhin, présentées le 10 mai 2016, l’avocat général Bot partageait la position selon laquelle il était exact que les ressortissants lettons jouissaient, en vertu de la loi, d’une protection qui ne s’étendait pas aux ressortissants d’autres États ( 21 ). Dans cette mesure, les citoyens des autres États membres étaient traités de manière différente à cet égard. L’avocat général Bot estimait toutefois que cette différence de traitement était objectivement
justifiée par le fait que, si la Lettonie dispose d’une compétence extraterritoriale pour les infractions commises à l’étranger par ses ressortissants, le droit letton ne prévoyait pas de façon générale un tel droit s’agissant des ressortissants d’autres États, tels que M. Petruhhin (qui ne disposait pas d’un droit de séjour permanent en Lettonie ( 22 )) ( 23 ). Arrivé à la conclusion que M. Petruhhin ne pouvait « pas faire l’objet de poursuites pénales en Lettonie pour une infraction qu’il est
soupçonné d’avoir commis en Russie », l’avocat général Bot considérait que :

« [...] au regard de l’objectif visant à éviter l’impunité des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction dans un État tiers, ce ressortissant ne se trouve pas dans une situation comparable à celle des ressortissants lettons.

Dès lors, la différence de traitement entre les citoyens de l’Union non‑ressortissants lettons qui séjournent en Lettonie et les ressortissants lettons ne constitue pas une discrimination prohibée par l’article 18, premier alinéa, TFUE, dans la mesure où elle est justifiée par l’objectif visant à lutter contre l’impunité des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction dans un État tiers. » ( 24 )

34. Il s’avère cependant que la Cour n’a pas suivi les conclusions de l’avocat général Bot sur ce point, comme nous allons le voir à présent. La Cour a au contraire considéré que, si le droit national d’un État membre exclut l’extradition de ses propres ressortissants, le principe de l’égalité de traitement consacré à l’article 18TFUE implique que cette règle de non‑extradition doit aussi s’étendre aux non‑ressortissants. Ne pas étendre cette règle impliquerait en outre une restriction à la libre
circulation au sens de l’article 21 TFUE ( 25 ).

35. La Cour a en outre considéré qu’une telle restriction, pour être justifiée, doit être fondée sur des considérations objectives et doit être proportionnée à l’objectif légitime poursuivi. La Cour notait que les États qui n’extradent pas leurs citoyens sont généralement en mesure d’exercer les poursuites contre ces derniers alors que tel n’est normalement pas le cas à l’égard des citoyens des pays tiers. Il existait donc un risque que les infractions supposées restent impunies. Réduire ce risque
est un objectif légitime en droit de l’Union ( 26 ).

36. Au vu de ces difficultés, la Cour a proposé une mesure qu’elle considère satisfaire aux exigences du critère de proportionnalité. Cette mesure est fondée sur le principe de la coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE. La Cour indiquait ensuite qu’en l’absence de règles du droit de l’Union régissant l’extradition ce principe contraint les États membres à mettre en œuvre tous les mécanismes de coopération et d’assistance mutuelle existant en matière pénale en
vertu du droit de l’Union ( 27 ). La Cour a ainsi considéré que :

« [...] les articles 18 et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre dans lequel un citoyen de l’Union, ressortissant d’un autre État membre, s’est déplacé, se voit adresser une demande d’extradition par un État tiers avec lequel le premier État membre a conclu un accord d’extradition, il est tenu d’informer l’État membre dont ledit citoyen a la nationalité et, le cas échéant, à la demande de ce dernier État membre, de lui remettre ce citoyen, conformément aux
dispositions de la [décision-cadre 2002/584], pourvu que cet État membre soit compétent, en vertu de son droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national. » ( 28 )

B.   La convention européenne d’extradition de 1957

37. Je reviendrai un peu plus loin sur l’arrêt Petruhhin et ses implications dans la présente affaire. Il convient toutefois à cet endroit de dire quelques mots supplémentaires sur la convention européenne d’extradition de 1957. Comme le souligne la Commission dans ses observations écrites, il n’existe pas de convention internationale en vigueur entre l’Union européenne et l’Ukraine en ce qui concerne l’extradition. Dans ces conditions, les règles relatives à l’extradition relèvent de la compétence
des États membres. Dans la présente affaire, l’ordonnance de renvoi fait apparaître que la convention internationale en vertu de laquelle l’extradition est demandée par l’Ukraine est la convention européenne d’extradition de 1957. Cette convention est une convention du Conseil de l’Europe à laquelle l’Allemagne et l’Ukraine, ainsi que la Roumanie, sont parties contractantes. Avant d’aller plus loin, je propose d’examiner quelle serait l’incidence de l’application des principes exposés dans
l’arrêt Petruhhin ( 29 ) sur l’application de cette convention.

38. L’article 1er de la convention européenne d’extradition de 1957 prévoit une obligation d’extrader dès lors que la personne recherchée se voit reprocher un fait donnant lieu à extradition. Il ne semble faire aucun doute que l’infraction reprochée à BY satisfait aux critères des « faits donnant lieu à extradition » prévus à l’article 2 de cette convention. Cette dernière contient un certain nombre d’exceptions dans le cas desquelles l’extradition peut ou doit être refusée (comme, par exemple, pour
les infractions politiques visées à l’article 3 ou dans les cas visés à l’article 7 de ladite convention, dans lesquels l’infraction a été commise sur le territoire de l’État requis), qui sont manifestement dépourvues de pertinence dans la présente affaire. L’article 6 de la convention européenne d’extradition de 1957 accorde également le droit à une partie contractante de refuser l’extradition de ses ressortissants. Cette hypothèse n’est manifestement pas en cause ici puisque, si BY a à la fois
la nationalité roumaine et la nationalité ukrainienne, il n’est pas un citoyen allemand.

39. La question qui se pose est donc de savoir si, et si oui, comment, l’État requis peut satisfaire à ses obligations au titre des articles 18 et 21, paragraphe 1, TFUE dans le cas où l’État membre d’origine délivre un mandat d’arrêt européen (ce qui implique l’obligation de remettre la personne recherchée à son État membre d’origine conformément aux dispositions de la décision-cadre 2002/584) ( 30 ), tout en satisfaisant à ses obligations au titre de la convention.

40. C’est précisément pour cette raison que l’Allemagne a fait référence tant à l’article 17 de la convention européenne d’extradition de 1957, qui traite des concours de requêtes, qu’à l’article 16, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, qui traite du conflit entre un mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition présentée par un pays tiers. L’une et l’autre disposition traitent des concours de demandes, mais elles ne donnent en aucune façon la priorité à la demande formulée par l’État
membre d’origine. Étant donné toutefois que la convention européenne d’extradition de 1957 est une convention internationale à laquelle l’Union n’est pas partie, il n’appartient pas à la Cour de l’interpréter, contrairement à la décision-cadre. Il n’en est pas moins utile de se référer aux dispositions de cette convention dans la mesure où elles représentent le contexte de la demande d’extradition de l’Ukraine.

41. Dès lors que la déclaration consignée dans une note verbale de la représentation permanente de l’Allemagne, en date du 8 novembre 2010, enregistrée au secrétariat général du Bureau des traités le 9 novembre 2010, ne couvre que les relations avec les autres États membres, l’article 17 de la convention européenne d’extradition de 1957 reste applicable à l’Allemagne dans ses rapports avec l’Ukraine. Quelle que soit la façon dont la Cour interpréterait l’article 16, paragraphe 3, de la
décision-cadre 2002/584, elle ne résoudrait donc pas la question que soulève l’article 17 de la convention européenne d’extradition de 1957. Je me propose de revenir sur ce point à un stade ultérieur.

C.   Quelques remarques préalables : la décision prise dans l’arrêt Petruhhin était-elle correcte ?

42. Dès lors que je m’apprête à examiner les trois questions posées, je pense qu’il est tout d’abord nécessaire d’aborder la question de savoir si la décision prise dans l’arrêt Petruhhin était correcte, même si, comme l’a confirmé l’audience, l’Irlande est actuellement la seule à presser la Cour de s’écarter de cette décision. Je pense cependant pour ma part que l’analyse de la question de l’article 18 TFUE faite par l’avocat général Bot était parfaitement correcte. Comme il le soulignait, la règle
qui exclut l’extradition des ressortissants de l’État membre est étroitement liée à la notion de souveraineté de l’État sur ses ressortissants et à l’obligation correspondante pour cet État de protéger lesdits ressortissants « contre l’application d’un système pénal étranger, dont ils ne connaissent pas la procédure ni la langue et dans le cadre duquel ils peuvent difficilement se défendre » ( 31 ).

43. Même s’il se peut que la règle relative à la non‑extradition des propres ressortissants reflète un sentiment habituel de méfiance à l’égard des ordres juridiques étrangers et que ce sentiment trouve ses origines dans un monde moins globalisé, la question qui se pose n’est pas vraiment là. La véritable clé de la pratique des États consistant dans l’application de l’adage « aut dedere, aut judicare » était que l’une des options de l’État dont la personne recherchée avait la nationalité était
d’exercer des poursuites à l’encontre de cette personne, au titre de son propre droit, pour des faits commis à l’étranger. Il bénéficiait de cette compétence extraterritoriale en vertu de l’exercice de sa souveraineté sur ses propres ressortissants. Il est vrai que – comme le montre la décision fondamentale de la Cour permanente de justice internationale dans l’affaire du « Lotus » ( 32 ) – il existe des circonstances dans lesquelles un État peut aussi faire exercice de sa compétence à l’égard
de faits commis à l’étranger par des personnes autres que ses propres ressortissants. Il n’en est pas moins vrai que, en l’absence d’instruments internationaux spécifiques conférant une compétence universelle concernant certaines infractions, cette compétence se limite généralement à des circonstances dans lesquelles les événements, les actes et les personnes auxquels la mise à exécution s’applique avec un effet extraterritorial ont une incidence sur l’ordre, la sécurité et le bon gouvernement
de l’État en cause ou, à tout le moins, sur les intérêts d’un ressortissant de cet État, en sorte qu’il existe un lien réel entre l’exercice de la compétence extraterritoriale à l’égard des non‑ressortissants et l’État qui fait exercice de cette compétence ( 33 ).

44. Même si la logique et le raisonnement de la Cour permanente de justice internationale dans sa décision dans l’affaire du « Lotus » ( 34 ) a fait l’objet d’une analyse approfondie depuis qu’elle a été prononcée il y a plus de quatre-vingt-dix ans et que les limites et même la pertinence de cet arrêt pour le monde contemporain ont fait l’objet de débats ( 35 ), je ne peux que faire mienne la déclaration suivante en matière de droit et de pratique internationaux contemporains contenue dans
l’opinion individuelle du président Guillaume dans l’arrêt « mandat d’arrêt » de la Cour internationale de justice :

« Les États exercent avant tout leur compétence juridictionnelle pénale sur leur territoire. Dans le droit international classique, ils ne peuvent normalement connaître d’une infraction commise à l’étranger que si le délinquant ou, à la rigueur, la victime a leur nationalité ou si le crime porte atteinte à leur sûreté intérieure ou extérieure. Ils le peuvent en outre en cas de piraterie et dans les hypothèses de compétence universelle subsidiaire prévues par diverses conventions si l’auteur de
l’infraction se trouve sur leur territoire. Mais, en dehors de ces cas, le droit international n’admet pas la compétence universelle [...] » ( 36 )

45. Ce passage trouve un écho dans ce que la Cour a admis dans l’arrêt Petruhhin, à savoir, qu’un État membre « est, en règle générale, incompétent pour juger » des faits constitutifs d’infractions graves « commis […] hors de son territoire » lorsque « ni l’auteur ni la victime de l’infraction supposée n’ont la nationalité dudit État membre » ( 37 ).

46. Tout cela suffit à démontrer qu’il existe effectivement une différence importante entre la situation des citoyens d’un État qui n’extrade pas ses ressortissants, d’une part, et la situation de ceux qui n’en sont pas des citoyens, d’autre part, s’agissant de l’application extraterritoriale du droit pénal de l’État concerné. Comme l’avocat général Bot le notait dans ses conclusions dans l’affaire Petruhhin ( 38 ), il existe, en ce qui concerne les derniers, un risque d’impunité, dans de telles
circonstances, qui ne se présente pas dans le cas des premiers.

47. Alors que l’État en cause peut choisir de poursuivre ses ressortissants pour des infractions supposées commises à l’étranger, la situation n’est normalement pas la même s’agissant d’infractions supposées commises à l’étranger par des non‑ressortissants. Même si l’étendue de la compétence extraterritoriale d’un État dans ce dernier cas peut être sujet à débat, ce qui n’est pas contesté, c’est que le droit et la pratique internationaux imposent certaines limites à la capacité d’un État à légiférer
avec un effet extraterritorial concernant des faits commis par des non‑résidents en dehors de son propre territoire, qui sont différentes de celles applicables en ce qui concerne ses propres ressortissants. Les faits de l’affaire Petruhhin en témoignent à leur manière puisque, en vertu du droit letton, un ressortissant estonien ne disposant pas d’un droit de séjour permanent en Lettonie ne pourrait y être poursuivi pour sa participation supposée à des activités de trafic de stupéfiants dans la
Fédération de Russie ( 39 ).

48. Tout cela démontre que les ressortissants de leur propre État membre, d’une part, et les autres citoyens de l’Union, d’autre part, ne se trouvent pas dans une situation comparable aux fins de la règle en vertu de laquelle l’État membre d’accueil refuse d’extrader ses propres ressortissants. Au vu de cette différence fondamentale, je considère qu’il n’existait – et n’existe – en fait aucune discrimination aux fins de l’article 18 TFUE s’agissant de l’application de l’exception de nationalité, du
fait de règles différentes concernant l’exercice de la compétence extraterritoriale à l’égard de faits commis à l’étranger selon que la personne concernée est un citoyen de l’État membre concerné ou non. Répétons en effet qu’en de telles circonstances il existe un risque d’impunité pénale dans le cas de ce dernier qui ne se présente pas dans le cas du premier. C’est cette différence importante entre les deux groupes de circonstances qui implique une application de règles différentes relatives à
l’extradition en fonction de la nationalité de la personne recherchée qui ne représente pas, selon moi, une discrimination aux fins de l’article 18 TFUE.

49. Il est vrai que l’arrêt Petruhhin est une décision relativement récente prise par la Cour en grande chambre. Et pourtant, même dans le relativement bref laps de temps qui s’est écoulé depuis qu’il a été prononcé, il a donné lieu à une série d’affaires d’une complexité croissante, qui toutes, à leur façon, ont montré à quel point l’application des principes de l’arrêt Petruhhin ( 40 ) était difficile en pratique.

50. C’est ce qu’illustre l’arrêt de la Cour dans l’affaire Raugevicius ( 41 ), dans laquelle la Fédération de Russie avait demandé l’extradition par la Finlande d’un citoyen lituanien qui avait également la nationalité russe aux fins de mettre à exécution une peine d’emprisonnement prononcée par une juridiction russe. Le droit finlandais interdisait l’extradition des ressortissants finlandais vers des pays tiers, mais il prévoyait un mécanisme par lequel une condamnation prononcée dans des pays
tiers à l’encontre d’un citoyen finlandais ou d’un « ressortissant étranger résidant de manière permanente en Finlande » pouvait être exécutée sur son propre territoire. La question qui se posait dès lors était de savoir si les principes de l’arrêt Petruhhin pouvaient trouver à s’appliquer dans de telles circonstances.

51. Dans ses conclusions dans l’affaire Raugevicius ( 42 ), l’avocat général Bot attirait l’attention sur certaines difficultés potentielles. On ne pouvait concevoir que les autorités judiciaires lituaniennes se voient donner la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt européen aux fins d’engager de nouvelles poursuites, puisque cela aurait été contraire au principe « ne bis in idem » ( 43 ). L’avocat général Bot notait dès lors ceci :

« Il ne nous paraît pas non plus envisageable d’échafauder un mécanisme par lequel les autorités judiciaires lituaniennes auraient la possibilité d’émettre un mandat d’arrêt européen aux fins d’exécution de la peine sur le territoire lituanien. Outre l’obstacle juridique que constitue le fait que la peine à exécuter a été prononcée par une juridiction d’un État tiers, nous relevons que, dans une telle hypothèse, les autorités finlandaises seraient fondées à invoquer le motif de non‑exécution
facultative du mandat d’arrêt européen, figurant à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, en vertu duquel l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un tel mandat délivré aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté lorsque la personne recherchée “demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside” et que cet État s’engage à faire exécuter cette peine conformément à son droit interne. » ( 44 )

52. La Cour a cependant adopté une approche différente. Elle a indiqué que l’exception de la nationalité finlandaise était d’emblée discriminatoire aux fins de l’article 18 TFUE et elle a en outre considéré que, en application des principes de l’arrêt Petruhhin ( 45 ), une telle règle ne pouvait se justifier que « si elle se fonde sur des considérations objectives et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national » ( 46 ).

53. La Cour a ensuite abordé la question de savoir si les principes de l’arrêt Petruhhin trouvaient à s’appliquer dans le contexte d’une demande d’extradition d’un pays tiers aux fins de l’exécution d’une condamnation. La Cour a admis que de nouvelles poursuites à l’encontre d’une personne déjà jugée et condamnée dans l’État requérant pourrait heurter le principe « ne bis in idem ». La Cour a ainsi poursuivi en indiquant :

« […] si le principe ne bis in idem, tel qu’il est garanti par le droit national, peut constituer un obstacle à la poursuite, par un État membre, de personnes visées par une demande d’extradition aux fins de l’exécution d’une peine, il n’en demeure pas moins que, afin d’éviter le risque de voir de telles personnes demeurer impunies, des mécanismes existent dans le droit national et/ou dans le droit international, permettant que ces personnes purgent leurs peines, notamment, dans l’État dont
elles sont les ressortissantes et, ce faisant, augmentent leurs chances de réintégration sociale après l’accomplissement de leurs peines. » ( 47 )

54. La Cour s’est ensuite référée à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 ( 48 ) à laquelle tous les États membres ainsi que la Fédération de Russie sont parties. Cette convention permet, dans certaines circonstances, le transfèrement de personnes qui exécutent leur peine dans des prisons étrangères en vue de l’exécuter dans les prisons de leur État membre d’origine.

55. La Cour notait ensuite que la Finlande permettait tant à ses ressortissants qu’à ses non‑ressortissants qui résidaient de manière permanente en Finlande de bénéficier de cette convention. Il était donc possible que M. Raugevicius soit considéré comme résidant de manière permanente en Finlande et donc purge, en Finlande, la peine à laquelle il avait été condamné, pour autant que tant lui‑même que la Fédération de Russie y consentent.

56. La Cour avait alors conclu :

« [...] les articles 18 et 21 TFUE requièrent que des ressortissants d’autres États membres qui résident de manière permanente en Finlande et font l’objet d’une demande d’extradition par un pays tiers, aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté, bénéficient de la règle interdisant l’extradition appliquée aux ressortissants finlandais, et puissent, dans les mêmes conditions que ces derniers, purger leur peine sur le territoire finlandais. Si, en revanche, un citoyen tel que
M. Raugevicius ne peut être considéré comme résidant de manière permanente dans l’État membre requis, la question de son extradition est réglée sur la base du droit national ou du droit international applicable » ( 49 ).

57. Même s’il est exact que l’arrêt Raugevicius ( 50 ) concernait une situation légèrement différente, dans laquelle l’extradition était demandée aux fins de l’exécution d’une condamnation, il n’en souligne pas moins à sa façon les limites de l’arrêt Petruhhin, précisément parce que, de façon générale, il existe des différences aux fins de l’extradition entre la situation des ressortissants de l’État membre d’origine, d’une part, et ceux des autres États membres, d’autre part.

58. En fin de compte, à la suite de l’arrêt Raugevicius ( 51 ), la Cour a admis que, si le droit finlandais n’assimilait pas la situation de la personne recherchée à celle de ses propres citoyens ( 52 ) en sorte que la convention sur le transfèrement des personnes condamnées de 1983 puisse lui être appliquée, l’arrêt Petruhhin aurait été impossible à appliquer aux faits de cette affaire.

59. Je crains en outre que si l’arrêt Petruhhin est de nature à susciter des difficultés pratiques, c’est en substance parce que tant la législation que la pratique qui touchent à la remise et à l’extradition – qu’elles se reflètent dans la décision-cadre 2002/584 ou dans la convention européenne d’extradition de 1957 – ne sont pas nécessairement bien adaptées aux demandes adressées par l’État membre d’accueil aux autorités des États membres d’origine chargées des poursuites en relation avec
l’exercice de poursuites par l’État membre d’origine à l’encontre de ses ressortissants pour des faits commis dans un pays tiers ou, même, de ce fait, les demandes adressées par l’État membre d’origine ou l’État membre d’accueil au pays tiers dans lequel les faits ont été commis.

60. Certains des problèmes pratiques soulevés par l’arrêt Petruhhin ont été abordés par la juridiction de renvoi et ont également été soulevés lors de l’audience par les représentants de différents États membres. Ces problèmes pratiques soulèvent tous des questions qui tournent autour du risque d’impunité pénale. Combien de temps, par exemple, l’État membre d’accueil doit-il attendre avant qu’une décision soit prise par l’État membre d’origine ? On peut noter en passant que ces délais peuvent être
particulièrement problématiques lorsque la personne recherchée est en détention dans l’État membre d’accueil. Si l’État en cause n’est pas désireux de faire subir à la personne recherchée une longue période de détention en attendant l’issue de la demande adressée à l’État membre d’origine, la décision de libérer provisoirement cette personne peut aussi être problématique, en particulier si l’intéressé est considéré comme risquant de s’enfuir.

61. Dans ce contexte, il existe un consensus entre tous les États membres parties à la présente procédure en ce sens que l’État membre d’origine ne dispose pas d’informations suffisantes pour émettre un mandat d’arrêt européen si l’État membre d’accueil s’adresse à lui pour l’informer qu’un pays tiers demande l’extradition de l’un de ses citoyens présent dans cet État membre d’accueil et pour se prononcer sur la question de savoir s’il souhaite obtenir la remise de son ressortissant en vue d’exercer
des poursuites.

62. Il existe également un consensus entre tous les États membres en ce sens qu’aucun délai particulier ne peut trouver à s’appliquer dans les cas où l’État membre d’accueil est susceptible d’attendre une réponse de l’État membre d’origine sur la question de savoir si ce dernier entend délivrer un mandat d’arrêt européen ou même dans quel délai il doit avoir émis un tel mandat s’il entend le faire. Même si cette question n’a pas été posée par la juridiction de renvoi, la question de ces délais a été
posée aux parties en vue de l’audience et elle a fait l’objet d’une réponse écrite de la Commission à une question posée par la Cour en vue d’obtenir un aperçu de l’application des principes de l’arrêt Petruhhin ( 53 ) dans la pratique des États membres. Il semble donc exister un consensus entre les États membres (comme le montrent tant les déclarations de ceux qui étaient présents à l’audience que les documents fournis par la Commission dans le cadre de l’examen de l’application pratique de
l’arrêt Petruhhin) en ce sens que l’État membre d’origine doit se prononcer aussi vite que possible sur la question de savoir s’il entend émettre un mandat d’arrêt européen, mais que ce délai dépend des particularités de l’affaire en cause. L’un des principaux éléments à prendre en considération est de savoir si la personne concernée est en détention aux fins de l’extradition.

63. Il ressort néanmoins des réponses aux questions posées par la Commission aux États membres ( 54 ) que ces délais iraient de dix à quarante-cinq jours, des délais plus longs n’étant envisagés que par un petit nombre d’États ou dans des cas exceptionnels ( 55 ). Seul un petit nombre d’États n’ont donné aucun délai. Cela n’en entraîne pas moins une très grande incertitude.

64. Il est difficile d’éviter l’impression que le délai fixé, quel qu’il soit, sera trop court pour permettre soit à l’État membre d’origine, soit à l’État membre d’accueil de contacter l’État requérant au moyen d’une demande d’entraide judiciaire et de recevoir, de traduire et d’examiner un dossier susceptible de contenir des centaines de pages. Le délai est extrêmement serré et sera sans aucun doute trop court dans de nombreux cas, même lorsqu’existe des conventions d’entraide judiciaire. Dans
toutes les situations où ce n’est pas le cas et où les canaux diplomatiques doivent être utilisés, il s’avère nécessairement impossible pour l’État membre d’origine d’émettre un mandat d’arrêt européen dans un tel délai. Lors de l’audience, l’agent de la Commission a souligné qu’il ne pourrait en être autrement que dans le cas exceptionnel où l’État membre d’origine a entamé, parallèlement, une enquête sur la personne en cause.

65. D’autres problèmes, supplémentaires, risquent de se poser. L’État membre d’accueil est-il libre de transmettre à l’État membre d’origine les documents que lui a transmis le pays tiers ou le consentement de ce pays tiers est-il nécessaire à cette fin ? Et si, dans le cas présent, la Roumanie devait accepter d’exercer les poursuites et qu’un mandat d’arrêt européen était délivré à cet effet, il se poserait à tout le moins la question – sous réserve de l’article 17 de la convention européenne
d’extradition de 1957 – de savoir si l’Allemagne s’est acquittée de ses obligations au titre de l’article 1er de cette convention, parce que cela impliquerait nécessairement le refus d’extrader le suspect vers l’Ukraine pour des motifs qui n’ont pas été prévus dans les différentes déclarations faites par l’Allemagne aux fins de l’article 6 de ladite convention ( 56 ). La question se pose également de savoir ce qui se passerait si la personne recherchée ne souhaitait pas que les poursuites à son
égard soient exercées par son État membre d’origine.

66. La pratique et l’expérience ont donc montré que la situation des ressortissants et celle des non‑ressortissants ne sont en fait pas comparables aux fins de l’application des principes d’égalité de l’article 18 TFUE. Ces problèmes pratiques relatifs à une impunité pénale potentielle sont exacerbés par l’absence d’une structure légale de l’Union appropriée. Je voudrais par conséquent inviter la Cour à s’écarter de la jurisprudence de l’arrêt Petruhhin pour les motifs que je viens d’exprimer.

67. Pour le cas où la Cour ne pourrait faire sienne cette analyse, je voudrais cependant poursuivre en répondant aux trois questions posées par la juridiction de renvoi. Ce faisant, je supposerai que (contrairement à ce que j’ai exprimé) la décision prise dans l’arrêt Petruhhin était correcte.

D.   La première question

68. Par sa première question, la juridiction de renvoi voudrait déterminer si les principes exposés ci‑dessus en ce qui concerne l’application des articles 18 et 21 TFUE trouvent également à s’appliquer lorsque la personne concernée n’a obtenu la citoyenneté de l’Union qu’après avoir établi sa résidence dans un État membre autre que son État membre d’origine. Dès lors que la motivation de la Cour dans l’arrêt Petruhhin est, clairement, fondée sur le fait qu’une restriction de la libre circulation
d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 21 TFUE, est en jeu, la question se pose de savoir si l’article en question est concerné dans la présente affaire.

69. L’Irlande relève que, pour pouvoir faire valoir d’autres droits de l’Union liés à l’exercice de la libre circulation, la personne qui revendique ces droits doit, premièrement, exercer le droit à la libre circulation et, deuxièmement, le faire au moment où elle possède la citoyenneté. Il est constant que BY n’était pas un citoyen de l’Union au moment où il a établi sa résidence en Allemagne. L’Irlande fait par conséquent valoir que, précisément pour cette raison, il n’a exercé aucun droit à la
libre circulation en ne faisant que résider en Allemagne.

70. Comme le souligne la Commission dans ses observations écrites, il n’existe aucune convention internationale concernant l’extradition entre l’Union européenne et l’Ukraine. Dans ces circonstances, les règles en matière d’extradition relèvent de la compétence des États membres. Dans la présente affaire, l’ordonnance de renvoi fait apparaître que la convention internationale en vertu de laquelle l’extradition est demandée par l’Ukraine est la convention européenne d’extradition de 1957 à laquelle
l’Allemagne, l’Ukraine et la Roumanie sont parties. Les obligations contractées au titre de cette convention ont été ratifiées en droit national. Les règles nationales doivent, bien sûr, tenir compte du droit de l’Union dans les situations couvertes par ce dernier ( 57 ). En effet, même si la loi pénale et les règles de procédure pénale sont en principe, dans une large mesure, des questions dont les États membres sont responsables, la Cour a toujours considéré que le droit de l’Union imposait
certaines limites à leur compétence. En effet, cette compétence des États membres doit s’exercer dans le respect non seulement des libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union mais aussi de l’ensemble du droit de l’Union, en particulier du droit primaire ( 58 ). De telles dispositions ne peuvent dès lors opérer une discrimination à l’égard des personnes auxquelles le droit de l’Union confère le droit à l’égalité de traitement ni restreindre les libertés fondamentales garanties par le
droit de l’Union ( 59 ).

71. Selon une jurisprudence constante de la Cour ( 60 ), le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres et à permettre à ceux d’entre eux se trouvant dans la même situation d’obtenir dans le domaine d’application ratione materiae du droit de l’Union, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique. Parmi les situations relevant du domaine d’application
ratione materiae du droit de l’Union figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 21, paragraphe 1, TFUE.

72. D’un autre côté, la citoyenneté de l’Union, établie par l’article 20 TFUE, n’est pas destinée à étendre le champ d’application ratione materiae à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre ( 61 ).

73. Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, « [t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ». La Cour a toujours considéré dans ce contexte que les dispositions consacrant un principe fondamental tel que celui de la libre circulation des personnes doivent être interprétées largement, tandis que les dérogations à ce principe doivent être, au contraire, d’interprétation stricte ( 62 ).

74. Je ne pense pas que ces considérations puissent être affectées par l’arrêt McCarthy ( 63 ). Cette affaire concernait la situation de Mme McCarthy, qui disposait d’une double nationalité, dont celle du pays où elle résidait. La Cour est arrivée à la conclusion qu’aucun élément de sa situation ne faisait apparaître que la mesure nationale en cause aurait pour effet de la priver de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés à son statut de citoyenne de l’Union ( 64 ). La Cour n’en a
pas moins considéré que la situation d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage du droit de libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne ( 65 ).

75. De manière semblable, dans l’arrêt Schempp, l’exercice du droit à la libre circulation, non pas par M. Schempp lui‑même mais par son ex-épouse, a été considéré comme faisant sortir la situation d’une situation purement interne ( 66 ). La Cour n’a pas non plus considéré, dans son arrêt Zhu et Chen, que la situation du ressortissant d’un État membre qui est né dans l’État membre d’accueil et qui n’a pas fait usage du droit à la libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une
situation purement interne privant ledit ressortissant du bénéfice dans l’État membre d’accueil des dispositions du droit de l’Union en matière de libre circulation et de séjour des personnes ( 67 ). Et dans l’arrêt Garcia Avello, la Cour a expressément indiqué qu’un rattachement au droit de l’Union existe à l’égard de personnes qui sont des ressortissants d’un État membre séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre ( 68 ).

76. Un raisonnement semblable peut être appliqué à BY. Il avait sa résidence en Allemagne au moment où il a obtenu la citoyenneté roumaine et, par extension, la citoyenneté de l’Union. Dans ces conditions, la question de savoir quand un citoyen de l’Union a obtenu cette citoyenneté est dépourvue de pertinence. Il n’est pas non plus nécessaire que le citoyen de l’Union franchisse une frontière pour que l’article 21 TFUE trouve à s’appliquer.

77. Par souci d’exhaustivité, je voudrais ajouter que le fait que BY soit titulaire d’une double nationalité, dont l’une n’est pas la nationalité d’un État membre de l’Union, ne le prive pas non plus des libertés dont il jouit en tant que citoyen d’un État membre au titre du droit de l’Union ( 69 ). À cet égard, la présente affaire est bel et bien différente de l’affaire McCarthy ( 70 ) en ce que, contrairement à ce qui était le cas dans cette affaire, rien n’indique dans la présente affaire que le
droit dont bénéficie actuellement BY de séjourner en Allemagne découle d’autre chose que du droit de l’Union : BY jouit de ce droit en vertu du fait que, en tant que citoyen roumain, il a le droit de séjourner et de résider en Allemagne, et cela même si ce n’était pas le cas au moment où il s’y est installé la première fois, en 2012.

78. Le raisonnement qui sous-tend l’invocation par l’Irlande de l’arrêt Lounes ( 71 ), et plus particulièrement son point 55 où la Cour considère qu’« un État membre ne saurait restreindre les effets découlant de la possession de la nationalité d’un autre État membre, notamment les droits qui sont attachés à celle‑ci en vertu du droit de l’Union, et qui résultent de l’exercice, par un citoyen, de sa liberté de circulation », semble être que l’exercice des droits conférés par l’article 21,
paragraphe 1, TFUE implique toujours le franchissement d’une frontière. Tel n’est cependant pas nécessairement le cas, comme nous l’avons vu plus haut.

79. Au vu de ces considérations, je considère que les articles 18 et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne font pas obstacle à ce qu’un citoyen de l’Union se prévale des droits découlant de ces dispositions pour le simple fait qu’il n’a obtenu la citoyenneté de l’Union qu’après avoir établi sa résidence dans un État membre différent de celui dont il a obtenu la nationalité a posteriori et qu’il n’a donc pas exercé ses droits à la libre circulation après être devenu citoyen de
l’Union. Lorsque (comme dans la présente affaire) le droit de séjourner dans un État membre en tant que citoyen de l’Union découle du droit de l’Union, le citoyen a le droit d’invoquer les droits garantis par les articles 18 et 21 TFUE.

E.   La deuxième question

80. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’étendue des obligations de l’État membre d’origine lorsque ce dernier a été informé d’une demande d’extradition adressée par un pays tiers à un autre État membre concernant un ressortissant de cet État membre d’origine. La question posée est plus particulièrement de savoir si l’État membre d’origine est tenu de demander la transmission du dossier au pays tiers requérant.

81. À l’exception du gouvernement grec, les observations de tous les États membres vont en ce sens que l’État membre d’origine n’est tenu de prendre aucune mesure en vertu du droit de l’Union. C’est aussi la position de la Commission. Les États membres s’accordent aussi pour dire que l’État membre d’origine ne dispose pas de suffisamment d’informations pour décider s’il doit ou non émettre un mandat d’arrêt européen si les seules informations qui lui sont fournies sont celles que doit contenir une
demande d’extradition conformément à l’article 12 de la convention européenne d’extradition de 1957. Cela implique – selon les États membres – qu’il est virtuellement impossible pour l’État membre d’origine de décider s’il doit ou non émettre un mandat d’arrêt européen.

1. L’arrêt Petruhhin et l’État membre d’origine

82. En dehors des points introductifs exposant les faits, il est assez frappant de constater que, à l’exception peut-être de ses points 48 et 49, l’arrêt Petruhhin contient assez peu d’éléments en ce qui concerne les obligations et les droits de l’État membre d’origine. Alors que ces points abordent la question de l’obligation de l’État membre d’accueil d’échanger des informations avec l’État membre d’origine, rien n’est dit quant aux éventuelles obligations de l’État membre d’origine.

83. Il apparaît donc que l’arrêt Petruhhin ne traite pas expressément des obligations de l’État membre d’origine et, pour ce qui nous intéresse, ne le fait pas non plus implicitement. La deuxième question posée par la juridiction de renvoi nous oblige donc à nous demander si le principe sous‑jacent dans cette affaire est de nature à contraindre l’État membre d’origine à adopter des mesures de cette nature.

84. Comme nous l’avons exposé plus haut, la Cour a jugé, dans l’arrêt Petruhhin ( 72 ), que l’État membre d’accueil dont l’exception de la nationalité enfreint les articles 18 et 21 TFUE est tenu, en vertu de l’obligation de coopération loyale de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de coopérer avec l’État membre d’origine.

85. La situation de l’État membre d’origine est cependant toute différente. Ce dernier doit prendre une décision sur la question de savoir s’il doit se charger d’exercer des poursuites contre la personne recherchée qui est l’un de ses citoyens. Cette décision est nécessaire pour qu’il soit satisfait aux exigences concernant le contenu du mandat d’arrêt européen, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous c) à f), de la décision-cadre 2002/584. La seule exigence qui soit d’une nature autre que
simplement formelle est celle de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de ladite décision-cadre, qui impose à l’État membre d’émettre le mandat conformément aux exigences de son droit national.

86. C’est bien sûr entièrement en vertu du droit national de chaque État membre qu’il convient de déterminer si une procédure pénale sera entamée, tout comme c’est ce même droit national qui permet de déterminer quelles sont les mesures administratives ou autres que doit prendre cet État membre pour apprécier les faits qui lui permettent de prendre une telle décision. Dès lors que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans les situations couvertes par le droit de l’Union, les règles
nationales concernées doivent tenir compte de ce droit de l’Union, BY, qui a fait usage de son droit à la libre circulation, ne doit pas faire l’objet de discriminations pour cette raison. Il n’a toutefois été fait valoir par aucune des parties que la Roumanie, dans le cadre de son appréciation, traiterait BY différemment des (autres) citoyens qui n’ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation et rien n’indique que tel serait le cas ( 73 ).

87. Contrairement à l’État membre d’accueil, la Roumanie ne se trouve donc pas dans une situation dans laquelle l’application qu’elle fait de ses règles nationales serait constitutive d’une violation des articles 18 et 21 TFUE qui exigerait une justification. C’est donc dans le contexte des règles discriminatoires d’un autre État membre entraînant une violation de la libre circulation des citoyens de l’Union que naîtrait l’obligation à charge de l’État membre d’origine.

2. Obligations de l’État membre d’accueil ?

88. Plusieurs États membres ont également fait des observations sur la question de savoir si ce n’est pas à l’État membre requis qu’il incomberait de fournir à l’État membre d’origine des informations supplémentaires et si, à cette fin, l’État membre requis est tenu de demander au pays tiers les informations que l’État membre d’origine exige de l’État requérant en vue de se prononcer sur la question de savoir s’il doit engager des poursuites. Ces informations, une fois reçues, devraient évidemment
être fournies à l’État membre d’origine pour pouvoir être utilisées à cette fin.

89. La République de Lettonie a en fait modifié son droit national sur la base de l’arrêt Petruhhin en vue de se conformer à cet arrêt. Elle a ajouté un deuxième paragraphe à l’article 704 du Kriminālprocesa likums (code de procédure pénale) ( 74 ) traitant de la situation dans laquelle l’extradition d’un citoyen de l’Union est demandée. En pareil cas, le ministère public est tenu d’informer le pays dont la personne recherchée est un citoyen sur la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt européen,
en fixant un délai pour la délivrance de ce mandat.

90. De nombreuses parties ont fait valoir que, dans son arrêt Pisciotti, la Cour s’est en fait déjà prononcée sur cette question. Dans cette affaire, la Cour a jugé qu’à l’égard de la demande d’extradition d’un citoyen d’un autre État membre émanant d’un pays tiers il est satisfait aux exigences des articles 18 et 21 TFUE si l’État membre requis qui n’extrade pas ses citoyens « [met] à même les autorités compétentes de l’État membre dont ce citoyen est ressortissant de réclamer celui‑ci dans le
cadre d’un mandat d’arrêt européen et que ce dernier État membre n’a pris aucune mesure en ce sens » avant l’extradition de cette personne ( 75 ).

91. Dans l’affaire Pisciotti, un ressortissant italien avait été arrêté lors d’une escale à l’aéroport de Francfort (Allemagne) sur la base d’une demande d’extradition adressée par les États‑Unis d’Amérique à la République fédérale d’Allemagne. Dans cette affaire, cependant, des membres du personnel consulaire italien avait été tenus informés de la situation de M. Pisciotti avant que les juridictions allemandes délivrent l’ordre d’extradition en cause et les autorités italiennes n’avaient pas émis
de mandat d’arrêt européen. La Cour a, dès lors, décidé qu’il avait été satisfait aux obligations imposées par l’arrêt Petruhhin ( 76 ) dans cette affaire parce que l’État membre d’origine – à savoir, dans cet exemple, l’Italie – avait été pleinement tenue informé à propos du cas d’espèce et avait été mis à même par l’État membre d’accueil – à savoir, dans cet exemple, l’Allemagne – « de réclamer [le ressortissant en cause] dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen et que [l’État membre
d’origine] n’a[vait] pris aucune mesure en ce sens » ( 77 ). Cette lecture de l’arrêt Petruhhin semble être également celle qu’en a faite le législateur letton.

92. Selon moi, l’arrêt Pisciotti ( 78 ) donne plus ou moins la réponse à la question qui nous occupe. Comme le montre cet arrêt, l’arrêt Petruhhin ( 79 ) n’impose pas à l’État membre d’accueil d’autres obligations que de placer l’État membre d’origine dans une situation dans laquelle il peut à son tour décider de demander la remise de son propre citoyen et de le poursuivre dans ce ressort pour les faits précisés dans la demande d’extradition du pays tiers. Dans la présente affaire, il suffirait donc
à l’Allemagne de transférer la demande de l’Ukraine à la Roumanie de telle façon que les autorités chargées des poursuites dans cet État puissent décider d’émettre ou non un mandat d’arrêt européen en vue de la remise de BY par l’Allemagne aux fins d’exercer des poursuites. L’arrêt Pisciotti ( 80 ) montre clairement que l’Allemagne n’a pas d’autres obligations à cet égard.

93. Il en découle donc, en réponse à la deuxième question, que je considère que ni l’État membre d’origine ni l’État membre d’accueil ne sont tenus, sur la base de l’arrêt Petruhhin, de demander à l’État requérant la transmission du dossier aux fins d’apprécier la possibilité d’exercer les poursuites.

F.   La troisième question

94. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’État membre saisi d’une demande d’extradition d’un citoyen de l’Union par un pays tiers est tenu, sur la base de l’arrêt Petruhhin, de refuser l’extradition et d’exercer lui‑même les poursuites pénales lorsque son droit national le lui permet.

95. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la
Cour est, en principe, tenue de statuer ( 81 ). La Cour examinera toutefois, le cas échéant, les conditions dans lesquelles elle est saisie par une juridiction nationale, en vue de vérifier sa propre compétence et, en particulier, de déterminer si l’interprétation du droit de l’Union qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal, de telle sorte que la Cour ne soit pas amenée à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou
hypothétiques ( 82 ).

96. La juridiction de renvoi invoque le paragraphe 7, alinéa 2, point 2), du code pénal allemand et fait valoir qu’il serait possible, pour prendre en compte l’interdiction de toute discrimination consacrée à l’article 18 TFUE, de déclarer illégale l’extradition d’un citoyen de l’Union vers un pays tiers, les poursuites pénales étant alors exercées par les autorités allemandes chargées de telles poursuites. Toutefois, selon le gouvernement allemand, qui cite à cet égard une décision récente du
Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) ( 83 ), la compétence des juridictions allemandes fondée sur la paragraphe 7, alinéa 2, point 2), du code pénal allemand est de nature purement subsidiaire. Cela signifie que cette compétence n’appartient aux juridictions allemandes en vertu de cette disposition que si aucun État étranger ne peut ou veut exercer les poursuites. Tel n’est pas le cas dans la présente affaire, puisque l’Ukraine est manifestement compétente pour exercer des
poursuites contre BY et souhaite exercer cette compétence ( 84 ). La troisième question, telle que posée par la juridiction de renvoi, apparaît donc, pour ce motif, dépourvue de pertinence pour l’issue du litige et, dès lors, irrecevable.

97. Il convient, bien sûr, de se rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation et l’applicabilité de dispositions nationales ou d’établir les faits pertinents pour la solution du litige au principal. Il incombe au contraire à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insère la question préjudicielle, tel qu’il est défini par la
décision de renvoi ( 85 ).

98. Dès lors que cette question semble litigieuse entre les parties ( 86 ) et que la prémisse qui sous-tend la troisième question démontre que la juridiction de renvoi n’est pas arrivée à une conclusion divergente, ou à tout le moins pas encore, la question ne peut être considérée comme étant manifestement dépourvue de pertinence. Il convient donc d’examiner la troisième question dans le contexte législatif décrit, ou plutôt celui qui sous-tend le renvoi par la juridiction de renvoi.

99. L’un des éléments que présume la Cour dans l’arrêt Petruhhin est, comme nous l’avons vu, que les États membres, en règle générale, ne sont pas compétents pour exercer des poursuites lorsque les faits n’ont été commis ni sur leur territoire ni par leurs ressortissants ou que la victime des faits supposés n’est pas un ressortissant de cet État membre ( 87 ). Partant de cette prémisse, la Cour a conclu que l’impunité pouvait être évitée sans procéder à l’extradition dès lors que l’État membre
d’origine est compétent, conformément à son droit national, pour poursuivre la personne recherchée pour les faits commis en dehors de son territoire national. La situation que la Cour avait à l’esprit était la situation qui prévalait dans de nombreux États membres dont le droit national leur interdit d’extrader leurs ressortissants.

100. Dans l’arrêt Petruhhin, contrairement à ce qu’il en est dans la présente affaire, si l’on suit l’interprétation du paragraphe 7, alinéa 2, point 2), du code pénal allemand que semble faire la juridiction de renvoi, le droit letton ne prévoyait pas de compétence extraterritoriale dans les cas dans lesquels ni l’auteur ni la victime n’étaient des ressortissants lettons ou, dans le premier cas, des titulaires d’autorisation de séjour permanent en Lettonie. Dans ce contexte, la Cour s’est néanmoins
efforcée d’assurer l’égalité de traitement pour ceux qui exercent leur droit à la libre circulation dans l’Union lorsqu’une règle de l’État membre d’accueil interdit l’extradition de ses ressortissants vers des pays tiers. Comme nous l’avons vu, la solution à ce problème a été d’informer les autorités de l’État membre d’origine de la demande d’extradition et de faciliter, le cas échéant, la délivrance d’un mandat d’arrêt européen en vue de la remise de la personne recherchée aux fins de
poursuites dans l’État membre d’origine. Tel est l’étendue de l’obligation qui pèse sur l’État membre d’accueil qui, en adoptant de telles mesures, assure l’égalité à la manière de l’arrêt Petruhhin.

101. À cet égard, je partage les arguments de la Commission, présentés lors de l’audience, selon lesquels, dans son arrêt Petruhhin, la Cour a trouvé une solution nouvelle à la question de l’égalité de traitement dans ce contexte et a imposé un éventail limité d’obligations à l’État membre d’accueil qui n’extrade pas ses ressortissants. Cette solution sert l’intérêt de la sécurité juridique, qui est de la plus haute importance pour les parties qui évoluent dans le domaine du droit pénal. En termes
de droit de l’Union, l’État membre d’accueil n’a aucune obligation d’aller au-delà. Pour être plus précis, conclure que l’État membre d’accueil devrait d’office décider de refuser d’extrader un citoyen de l’Union d’un autre État membre et exercer les poursuites lui‑même semble, une fois de plus, une solution très contraignante, en contradiction avec l’indépendance et l’autonomie générale des autorités de l’État membre d’accueil chargées des poursuites.

102. La Cour, dans l’arrêt Petruhhin, n’a pas envisagé d’autres mesures, moins restrictives que l’extradition, que l’État membre d’accueil serait susceptible d’adopter pour satisfaire à ses obligations au titre des articles 18 et 21 TFUE.

103. Ce n’est pas la première fois que la Cour est confrontée à la disposition allemande ici en cause et à la thèse selon laquelle un État membre devrait, s’il est compétent à cet effet, exercer lui‑même les poursuites à l’encontre d’un ressortissant d’un autre État membre, à titre de mesure moins restrictive que l’extradition vers un pays tiers. Cette thèse présuppose, évidemment, que cet État membre n’extrade pas ses ressortissants, puisque toute restriction à l’extradition au titre du droit de
l’Union découle de cette règle et non d’un droit inhérent à la citoyenneté de l’Union.

104. On notera que, dans l’arrêt Pisciotti ( 88 ), la partie requérante avait également fait valoir cet argument. À cet égard, l’avocat général Bot s’était référé aux explications du gouvernement allemand selon lesquelles le paragraphe 7, alinéa 2, du code pénal allemand ne pouvait trouver à s’appliquer dès lors que l’une des conditions posées par cet article, à savoir que l’extradition demandée ne puisse pas être mise en œuvre, n’était pas remplie ( 89 ) La Cour, d’autre part, avait souligné que
« la question se pos[ait] uniquement de savoir si la République fédérale d’Allemagne pouvait agir à l’égard de M. Pisciotti de manière moins attentatoire à l’exercice de son droit à la libre circulation en envisageant de le remettre à la République italienne plutôt que de l’extrader vers les États‑Unis d’Amérique » ( 90 ).

105. Par-dessus tout, obliger un État membre à exercer lui‑même les poursuites à l’encontre d’un ressortissant étranger plutôt que de l’extrader serait dans de nombreux cas en contradiction avec les obligations qui pèsent sur cet État membre en vertu des conventions internationales d’extradition. L’article 6 de la convention européenne d’extradition de 1957 permet aux parties contractantes de refuser l’extradition de leurs ressortissants pour autant que, sur la demande de l’État requérant, ils
soumettent l’affaire aux autorités compétentes afin que des poursuites judiciaires puissent être exercées s’il y a lieu. Aucune disposition comparable n’existe pour permettre à une partie contractante d’exercer des poursuites contre un ressortissant étranger. Comme l’ont souligné plusieurs parties à la présente procédure, l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, et en particulier dans le domaine de l’extradition, dépend de la confiance que les différentes parties contractantes
ont les unes envers les autres. Toute restriction supplémentaire à l’extradition d’auteurs de faits pénaux supposés pourrait entraîner la réticence d’autres parties contractantes à conclure des conventions avec des États membres de l’Union. Tel ne peut cependant pas être l’intérêt de l’Union dont les États membres sont, comme l’indiquent clairement les considérants du traité sur l’Union européenne, « RÉSOLUS à faciliter la libre circulation des personnes, tout en assurant la sûreté et la
sécurité de leurs peuples, en établissant un espace de liberté, de sécurité et de justice [...] ».

106. En tout état de cause, après cette longue discussion, il suffit d’indiquer, en réponse à la troisième question, que l’arrêt Petruhhin n’impose à l’État requis aucune obligation d’exercer lui‑même les poursuites à l’encontre d’un non‑ressortissant qui fait l’objet d’une demande d’extradition d’un pays tiers.

V. Conclusion

107. Je voudrais, en résumé, conclure de la manière suivante.

108. L’arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630), était incorrect et ne devrait pas être suivi par la Cour. La pratique et l’expérience ont montré que la situation des citoyens d’un État membre qui n’extrade pas ses ressortissants et celle des citoyens d’autres États membres ne sont pas comparables en fait aux fins de l’application de l’article 18 TFUE. Les problèmes pratiques relatifs à l’impunité pénale potentielle sont aggravés par l’absence d’une structure législative
de l’Union appropriée. Je voudrais donc inviter la Cour à s’écarter de l’arrêt Petruhhin pour l’ensemble des raisons exposées dans les présentes conclusions.

109. Que la Cour partage cette analyse ou non, je suis arrivé à la conclusion que la Cour devrait répondre aux questions posées par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur, Berlin, Allemagne) de la manière suivante :

1) Les articles 18 et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne font pas obstacle à ce qu’un citoyen de l’Union se prévale des droits découlant de ces dispositions pour le simple fait que ce dernier n’a obtenu la citoyenneté de l’Union qu’après qu’il a établi sa résidence dans un État membre différent de celui dont il a obtenu la nationalité a posteriori et qu’il n’a donc pas exercé ses droits à la libre circulation après être devenu citoyen de l’Union. Lorsque (comme dans la
présente affaire) le droit de séjourner dans un État membre en tant que citoyen de l’Union découle du droit de l’Union, le citoyen a le droit d’invoquer les droits garantis par les articles 18 et 21 TFUE.

2) L’État membre d’origine n’est pas tenu, en vertu du droit de l’Union, de demander au pays tiers requérant la transmission du dossier aux fins d’apprécier la possibilité d’exercer les poursuites.

3) Le droit de l’Union n’impose à l’État requis aucune obligation d’exercer lui‑même les poursuites à l’encontre d’un non‑ressortissant qui fait l’objet d’une demande d’extradition d’un pays tiers.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2002, L 190, p. 1, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24 ; ci‑après la « décision-cadre 2002/584 »).

( 3 ) Vingt et un États membres de l’Union européenne ont joint une déclaration à la convention européenne d’extradition du Conseil de l’Europe signée à Paris le 13 décembre 1957 (STE no 24 ; ci-après la « convention européenne d’extradition de 1957 ») selon laquelle ils n’extraderaient pas leurs ressortissants ou contenant une définition de la notion de « ressortissants » aux fins de cette convention, assortie parfois de restrictions ou d’extensions. C’est ainsi par exemple que le Danemark, la
Finlande et la Suède ont étendu l’exception aux ressortissants de ces pays ainsi qu’à ceux de la Norvège et de l’Islande et aux personnes domiciliées dans l’un de ces pays. La Pologne et la Roumanie ont pour leur part étendu l’exception aux personnes qui se sont vu accorder l’asile dans leur pays. Les déclarations et les réserves peuvent être consultées en ligne sur le site Internet du Conseil de l’Europe,
https://www.coe.int/fr/web/conventions/search-on-treaties/-/conventions/treaty/024/declarations ?p_auth=nQgwv713 (dernier accès le 11 septembre 2020). Ces déclarations et réserves montrent bien la prépondérance de l’exception de la nationalité. Pour ce qui est des déclarations de l’Allemagne, voir point 11 des présentes conclusions.

( 4 ) Ci‑après l’« exception de la nationalité ». On notera à cet égard les commentaires de Z. Deen-Ryacsmány et du juge R. Blekxtoon dans « The Decline of the Nationality Exception in European Extradition ? », European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, vol. 13(3), Brill/Nijhof, janvier 2005, p. 317 à 364, dans lequel les auteurs soulignent, à la page 322, que « l’histoire de la non‑extradition des ressortissants en Europe remonte au moins aux 18e et 19e siècles. La prépondérance
des ordres juridiques de tradition civiliste a fait de l’exception de la nationalité une règle reconnue, consacrées par les dispositions constitutionnelles, les lois nationales et les conventions d’extradition. Même les traités conclus avec les États dont l’ordre juridique est fondé sur la common law – qui ne sont pas opposés à l’extradition de leurs ressortissants – préservent généralement la liberté des parties de ne pas extrader leurs citoyens ».

( 5 ) Comme l’a déjà souligné l’avocat général Bot dans ses conclusions dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, note en bas de page 25), l’« obligation de poursuivre » est l’expression la plus fréquemment employée dans ce contexte. En pratique, cette obligation se limite toutefois en réalité à soumettre l’affaire aux autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale. Elle n’implique pas une obligation effective d’entamer des poursuites. La question de savoir si des poursuites
seront engagées dépend des éléments de preuve : voir, de façon générale, « The obligation to extradite or prosecute (aut dedere aut judicare) », rapport final des Nations unies de 2014, point 21.

( 6 ) Voir, par exemple, décision de la Cour permanente de justice internationale, 7 septembre 1927, affaire du « Lotus » (France c. Turquie) (CPJI, série A, no 10).

( 7 ) Arrêt du 6 septembre 2016 (C‑182/15, ci‑après l’« arrêt Petruhhin , EU:C:2016:630).

( 8 ) Point 39 de l’arrêt Petruhhin.

( 9 ) Point 50 de l’arrêt Petruhhin.

( 10 ) Entrée en vigueur en Allemagne le 1er janvier 1977 et en Ukraine le 9 juin 1998. La convention européenne d’extradition de 1957 est également en vigueur en Roumanie depuis le 9 décembre 1997.

( 11 ) STE no 98, en vigueur pour la République fédérale d’Allemagne depuis le 6 juin 1991, pour la Roumanie depuis le 9 décembre 1997 et pour l’Ukraine depuis le 9 juin 1998. Le quatrième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition, STE no 212, qui contient d’autres changements à l’article 12 de cette convention, ne trouve pas à s’appliquer dans la présente affaire, dès lors qu’il n’a jusqu’à présent pas été ratifié par la République fédérale d’Allemagne, et qu’il ne s’applique
donc pas entre l’Allemagne et l’Ukraine.

( 12 ) Conformément à l’article 5 du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition de 1957 du 17 mars 1978, STE no 98.

( 13 ) Déclaration consignée dans une note verbale de la représentation permanente de l’Allemagne, en date du 8 novembre 2010, enregistrée au secrétariat général du Bureau des traités le 9 novembre 2010.

( 14 ) BGBl. 1949 I, p. 1, tel que modifié par le Gesetz zur Änderung des Grundgesetzes (article 16) [loi modifiant la loi fondamentale (article 16)] du 29 novembre 2000, BGBl. 2000 I, p. 1633.

( 15 ) Dans la version publiée le 13 novembre 1998 (BGBl. I, p. 3322), modifiée la dernière fois par l’article 62 de la loi du 20 novembre 2019 (BGBl. I, p. 1626).

( 16 ) Loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale dans la version publiée le 27 juin 1994, BGBl. I S. 1537, telle qu’amendée ultérieurement (ci‑après l’« IRG »).

( 17 ) Le paragraphe 15, alinéa 2, de l’IRG prévoit que le placement de l’individu réclamé sous écrou extraditionnel ne peut être ordonné en attente de l’extradition si celle‑ci apparaît d’emblée illicite.

( 18 ) Le paragraphe 112, alinéa 1, de la Strafprozeßordnung (code de procédure pénale) prévoit que l’émission d’un mandat d’arrêt national suppose l’existence d’« indices graves de culpabilité » qui ne peut être confirmée que par l’examen des éléments de preuve existants. Comme nous l’avons vu plus haut, l’État membre requis n’est généralement pas en possession du dossier qui lui permettrait de procéder à cet examen.

( 19 ) Arrêt du 10 avril 2018 (C‑191/16, EU:C:2018:222).

( 20 ) Arrêt du 13 novembre 2018 (C‑247/17, EU:C:2018:898).

( 21 ) C‑182/15, EU:C:2016:330.

( 22 ) La détention d’un titre de séjour permanent en Lettonie constituait un fondement supplémentaire d’une compétence extraterritoriale au titre du droit pénal letton, voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, point 65).

( 23 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, points 49 à 70).

( 24 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, points 68 et 69).

( 25 ) Point 33 de l’arrêt Petruhhin.

( 26 ) Point 37 de l’arrêt Petruhhin. Voir, également, arrêt du 10 avril 2018, Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2018:222, points 46 et 47 et jurisprudence citée).

( 27 ) Points 42 et 47 de l’arrêt Petruhhin.

( 28 ) Point 50 de l’arrêt Petruhhin.

( 29 ) Point 50 de cet arrêt.

( 30 ) Cela implique que les juridictions de l’État membre d’origine soient compétentes, en vertu de leur droit national, pour exercer des poursuites à l’encontre de cette personne pour des faits commis en dehors du territoire de cet État.

( 31 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, point 51).

( 32 ) Décision de la Cour permanente de justice internationale du 7 septembre 1927, affaire du « Lotus » (France c. Turquie) (CPJI, série A, no 10).

( 33 ) Voir O’Connell, D. P., International Law, 2e éd., vol. 2, Stevens, 1970, p. 602 ; Crawford, J. R., Brownlie’s Principles of Public International Law, 8e éd., Oxford University Press, 2012, p. 457 ; Ipsen, K., Völkerrecht, 6e éd., points 71 à 74 ; voir également Combacau, J., et Sur, S., Droit international public, 13e éd., p. 390, qui soulignent que l’exercice d’un pouvoir normatif extraterritorial, lorsqu’il n’y a ni lien territorial ni lien de nationalité, présente un caractère très
subsidiaire et limité à très peu de cas. L’application de ce principe de compétence contraignant est bien illustrée par l’article 4, paragraphe 3, du code pénal letton en cause dans l’affaire Petruhhin, qui permet l’exercice de poursuites contre des non‑résidents pour des « infractions graves ou très graves dirigées contre les intérêts de la République de Lettonie ou de ses habitants » : voir point 67 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330).

( 34 ) Décision de la Cour permanente de justice internationale du 7 septembre 1927, affaire du « Lotus » (France c. Turquie) (CPJI, série A, no 10).

( 35 ) Voir, par exemple, Ryngaert, C., Jurisdiction in International Law, 2e éd., Oxford University Press, 2015, p. 30 à 48 ; Beaulac, S., « The Lotus Case in Context », dans Allen, S., e.a., Oxford Handbook of Jurisdiction in International Law, Oxford University Press, 2019, p. 40 à 58.

( 36 ) Décision de la Cour internationale de justice du 14 février 2002, affaire du mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) [2002], Recueil 2002, point 16 de l’opinion individuelle du président Guillaume.

( 37 ) Voir, à cet égard, point 39 de cet arrêt.

( 38 ) C‑182/15, EU:C:2016:330, points 68 et 69.

( 39 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:330, point 68).

( 40 ) Point 50 de cet arrêt.

( 41 ) Arrêt du 13 novembre 2018 (C‑247/17, EU:C:2018:898).

( 42 ) C‑247/17, EU:C:2018:616.

( 43 ) C‑247/17, EU:C:2018:616, point 55.

( 44 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:616, point 56).

( 45 ) Point 50 de cet arrêt.

( 46 ) Voir arrêt du 13 novembre 2018, Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:898, point 31).

( 47 ) Voir arrêt du 13 novembre 2018, Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:898, point 36).

( 48 ) STE no 112 « convention sur le transfèrement des personnes condamnées » signée à Strasbourg le 21 mars 1983).

( 49 ) Voir arrêt du 13 novembre 2018, Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:898, points 47 et 48).

( 50 ) Arrêt du 13 novembre 2018 (C‑247/17, EU:C:2018:898).

( 51 ) Arrêt du 13 novembre 2018 (C‑247/17, EU:C:2018:898).

( 52 ) C’est-à-dire par le constat (pour autant que tel soit le cas) que M. Raugevicius était résident de longue durée en Finlande et qu’il avait donc droit à être traité comme s’il était un citoyen finlandais.

( 53 ) Point 50 de cet arrêt.

( 54 ) La Commission souligne que le délai pour répondre à ces questions était court et qu’elles n’ont été posées qu’au niveau des services, ce qui implique que les États membres peuvent à tout moment compléter ces réponses et donner davantage de détails.

( 55 ) Des délais plus longs posent moins de problèmes lorsque la personne recherchée est déjà détenue pour un fait autre que celui pour lequel elle est recherchée.

( 56 ) Même s’il ne s’agit pas d’un élément décisif du fait de la prépondérance du droit de l’Union sur les traités internationaux auxquels l’Union européenne n’est pas elle‑même partie. Voir également point 107 des présentes conclusions.

( 57 ) Voir arrêts du 20 mars 1997, Hayes (C‑323/95, EU:C:1997:169, point 13) et arrêt Petruhhin, point 27, ainsi que jurisprudence citée.

( 58 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 57).

( 59 ) Voir, en ce sens, arrêts du 2 février 1989, Cowan (186/87, EU:C:1989:47, point 19) ; du 24 novembre 1998, Bickel et Franz (C‑274/96, EU:C:1998:563, point 17), ainsi que du 28 avril 2011, El Dridi (C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, points 53 et 54).

( 60 ) Voir arrêts du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, points 22 à 24), et du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 28 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija (C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262, point 40).

( 61 ) Voir arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C‑434/09, EU:C:2011:277, point 45 et jurisprudence citée).

( 62 ) Arrêt du 9 novembre 2000, Yiadom (C‑357/98, EU:C:2000:604, point 24 et jurisprudence citée), et, pour la première partie de ces considérations, arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 31).

( 63 ) Arrêt du 5 mai 2011 (C‑434/09, EU:C:2011:277).

( 64 ) Arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C‑434/09, EU:C:2011:277, point 49).

( 65 ) Arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C‑434/09, EU:C:2011:277, point 46).

( 66 ) Arrêt du 12 juillet 2005, Schempp (C‑403/03, EU:C:2005:446, point 25).

( 67 ) Arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 19).

( 68 ) Arrêt du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, point 27).

( 69 ) Arrêt du 13 novembre 2018, Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:898, point 29) ; voir, également, arrêt du 7 juillet 1992, Micheletti e.a. (C‑369/90, EU:C:1992:295, point 19).

( 70 ) Arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C‑434/09, EU:C:2011:277).

( 71 ) Arrêt du 14 novembre 2017 (C‑165/16, EU:C:2017:862).

( 72 ) Voir, à cet égard, point 42 de cet arrêt.

( 73 ) Étant donné que la personne recherchée est un ressortissant de l’État membre d’origine, seule une discrimination à rebours pourrait faire relever l’affaire des articles 18 et 21 TFUE. Dans son arrêt du 11 juillet 2002, D’Hoop (C‑224/98, EU:C:2002:432, point 30), la Cour considère qu’« il serait incompatible avec le droit de la libre circulation [qu’un citoyen] puisse se voir appliquer dans l’État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait
s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation ». Ce type d’affaires concerne les ressortissants qui retournent dans leur pays d’origine après avoir fait usage de leurs droits de libre circulation et qui sont traités différemment des ressortissants qui sont restés dans leur pays d’origine. Tel n’est pas le cas en ce qui concerne BY. Voir, également, à cet égard, arrêt du 7 juillet 1992, Singh (C‑370/90, EU:C:1992:296, point 23).

( 74 ) Latvijas Vēstnesis, 11 mai 2005, no 74 (3232). Disponible sur le site Internet https://likumi.lv/doc.php ?id=107820 (dernier accès le 11 septembre 2020). Selon la réponse écrite de la Commission à une question posée par la Cour, la République d’Autriche a également modifié sa loi de manière semblable en ajoutant un nouvel alinea 1a) au paragraphe 31 du Bundesgesetz über die Auslieferung und die Rechtshilfe in Strafsachen (loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire), publié au BGBl. I.
no 20/2020, entré en vigueur le 1er juin 2020.

( 75 ) Arrêt du 10 avril 2018, Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2018:222, point 56).

( 76 ) Point 50 de cet arrêt.

( 77 ) Arrêt du 10 avril 2018, Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2018:222, point 56).

( 78 ) Arrêt du 10 avril 2018 (C‑191/16, EU:C:2018:222).

( 79 ) Point 50 de cet arrêt.

( 80 ) Arrêt du 10 avril 2018 (C‑191/16, EU:C:2018:222).

( 81 ) Voir arrêt du 28 juin 2018, Crespo Rey (C‑2/17, EU:C:2018:511, point 34 et jurisprudence citée).

( 82 ) Voir arrêt du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693, point 38 et jurisprudence citée).

( 83 ) Bundesgerichtshof, ordonnance du 23 avril 2019 (4StR 41/19), disponible sur le site Internet du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) : https://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=en&sid=09ff6a4c826bba36ff9531132f1210e7&nr=96151&pos=0&anz=1 (dernier accès le 11 septembre 2020).

( 84 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2017:878, point 48) et arrêt du 10 avril 2018, Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2018:222, point 49), qui se réfère à la même lecture de cette disposition.

( 85 ) Voir arrêt du 13 juin 2013, Kostov (C‑62/12, EU:C:2013:391, points 24 et 25 et jurisprudence citée).

( 86 ) Le conseil de BY fait valoir que cette disposition a vocation à s’appliquer dans la présente affaire.

( 87 ) Point 39 de l’arrêt Petruhhin.

( 88 ) Arrêt du 10 avril 2018 (C‑191/16, EU:C:2018:222).

( 89 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2017:878, point 48).

( 90 ) Arrêt du 10 avril 2018, Pisciotti (C‑191/16, EU:C:2018:222, point 50).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-398/19
Date de la décision : 24/09/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Kammergericht Berlin.

Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union européenne – Articles 18 et 21 TFUE – Extradition vers un État tiers d’un citoyen de l’Union – Personne ayant acquis la citoyenneté de l’Union après avoir transféré le centre de ses intérêts dans l’État membre requis – Champ d’application du droit de l’Union – Interdiction d’extrader appliquée aux seuls ressortissants nationaux – Restriction à la libre circulation – Justification fondée sur la prévention de l’impunité – Proportionnalité – Information de l’État membre dont la personne réclamée a la nationalité – Obligation pour les États membres requis et d’origine de demander à l’État tiers requérant la transmission du dossier répressif – Absence.

Non-discrimination en raison de la nationalité

Droit d'entrée et de séjour

Citoyenneté de l'Union

Non-discrimination


Parties
Demandeurs : Procédure relative à l'extradition de BY.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:748

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