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09/09/2020 | CJUE | N°C-152/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 9 septembre 2020., Deutsche Telekom AG contre Commission européenne., 09/09/2020, C-152/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 9 septembre 2020 ( 1 )

Affaires C‑152/19 P et C-165/19 P

Deutsche Telekom AG (C-152/19 P),

Slovak Telekom a.s. (C-165/19 P)

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Abus de position dominante – Marché slovaque des services Internet à haut débit – Conditions fixées par l’opérateur historique pour l’accès dégroupé d’autres opérateurs à la boucle locale – Décision constatant une infrac

tion à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Obligation d’accès imposée par le cadre réglementaire – Jurisprudence Bronner –...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 9 septembre 2020 ( 1 )

Affaires C‑152/19 P et C-165/19 P

Deutsche Telekom AG (C-152/19 P),

Slovak Telekom a.s. (C-165/19 P)

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Abus de position dominante – Marché slovaque des services Internet à haut débit – Conditions fixées par l’opérateur historique pour l’accès dégroupé d’autres opérateurs à la boucle locale – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Obligation d’accès imposée par le cadre réglementaire – Jurisprudence Bronner – Inapplicabilité – Imputabilité du comportement de la filiale à la société mère – Notion d’“unité économique” –
Influence déterminante – Exercice effectif – Faisceau d’éléments concordants »

I. Introduction

1. Les présentes affaires invitent la Cour à préciser à nouveau la portée de l’arrêt Bronner ( 2 ) au sein du paysage normatif de l’article 102 TFUE. Cette affaire concernait le refus, par une entreprise dominante, de mettre une infrastructure dont elle est propriétaire à la disposition d’entreprises concurrentes.

2. En substance, les requérantes, Deutsche Telekom AG (ci-après « DT ») dans l’affaire C-152/19 P et Slovak Telekom, a.s. (ci-après « ST ») dans l’affaire C-165/19 P, suggèrent d’appliquer les conditions établies au point 41 de cet arrêt, notamment celle relative au caractère indispensable, aux refus implicites d’accès qui résulteraient non plus d’un refus explicite de la part de l’entreprise dominante, mais de termes contractuels inéquitables.

3. Pour les motifs que j’exposerai ci-après, je proposerai à la Cour de rejeter cette notion de « refus implicite d’accès » et de souligner la portée limitée de l’arrêt Bronner. À mes yeux, l’arrêt Bronner est, et doit rester, un cas particulier dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE.

4. Je proposerai également à la Cour de rejeter les deuxième et troisième moyens soulevés par DT dans l’affaire C-152/19 P. L’examen de ces moyens permettra à la Cour de rappeler les principes relatifs à l’imputabilité du comportement d’une filiale (ST) à la société mère (DT), étant entendu que la participation de cette société mère au capital de la filiale est trop faible pour être couverte par la présomption « Akzo Nobel » ( 3 ).

II. Le contexte factuel et réglementaire des litiges

5. Le contexte factuel des litiges a été exposé aux points 1 à 11 de l’arrêt du Tribunal, Deutsche Telekom/Commission (ci-après l’« arrêt DT ») ( 4 ), ainsi qu’aux points 1 à 11 de l’arrêt du Tribunal, Slovak Telekom/Commission (ci-après l’« arrêt ST ») ( 5 ). Il peut être résumé comme suit.

6. DT et ST sont, respectivement, les opérateurs de télécommunications historiques en Allemagne et en Slovaquie. À compter du 4 août 2000 et durant toute la période envisagée dans la décision litigieuse, à savoir du 12 août 2005 au 31 décembre 2010, DT a détenu une participation de 51 % dans le capital de ST.

7. Dans le contexte de la fourniture d’accès à Internet, la boucle locale désigne le circuit physique à paire torsadée métallique (également appelé « ligne ») qui relie, d’une part, le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné et, d’autre part, le répartiteur principal ou toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe.

8. L’accès dégroupé à la boucle locale permet à de nouveaux entrants, habituellement dénommés « opérateurs alternatifs », d’utiliser l’infrastructure de télécommunications déjà existante et appartenant aux opérateurs historiques en vue d’offrir divers services aux utilisateurs finals, et ce en concurrence avec les opérateurs historiques.

9. Le dégroupage de la boucle locale a été organisé au niveau de l’Union européenne, notamment par le règlement (CE) no 2887/2000 ( 6 ) et par la directive 2002/21/CE ( 7 ).

10. En substance, ce cadre réglementaire obligeait l’opérateur « doté d’une puissance significative sur le marché », tel qu’identifié par l’autorité réglementaire nationale, à accorder aux opérateurs alternatifs l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires, ainsi qu’à tenir à jour une offre de référence pour un tel accès dégroupé.

11. Au terme d’une analyse de son marché national, l’autorité réglementaire slovaque en matière de télécommunications a adopté, le 8 mars 2005, une décision désignant ST comme opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché de gros pour l’accès dégroupé à la boucle locale, au sens du règlement no 2887/2000. Cette décision, contestée par ST, a été confirmée par le président de cette autorité le 14 juin 2005.

12. En exécution de cette décision, ST a publié son offre de référence en matière de dégroupage le 12 août 2005. Ce document, qui a été modifié à neuf reprises entre cette date et la fin de l’année 2010, définissait les conditions contractuelles et techniques pour un accès dégroupé à la boucle locale de ST.

13. L’offre de ST couvrait 75,7 % des ménages slovaques ainsi que toutes les boucles locales pouvant être utilisées pour transmettre un signal à haut débit. Toutefois, au cours de la période comprise entre les années 2005 et 2010, seules quelques rares boucles locales de ST ont vu leur accès dégroupé à partir du 18 décembre 2009, et celles-ci ont été utilisées par un seul opérateur alternatif en vue de fournir des services de détail à très haut débit à des entreprises.

III. La décision litigieuse

14. Le 15 octobre 2014, la Commission européenne a adopté une décision sanctionnant DT et ST pour infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE (ci-après la « décision litigieuse ») sur le marché slovaque des services Internet à haut débit ( 8 ).

15. Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que l’entreprise que forment DT et ST a commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE, durant la période comprise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, portant sur les conditions dans lesquelles ST a offert un accès dégroupé à sa boucle locale.

16. Plus précisément, l’infraction constatée par la Commission a consisté dans les pratiques suivantes :

– dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ;

– réduction du champ d’application des obligations de ST concernant le dégroupage des boucles locales ;

– fixation de modalités et conditions inéquitables dans l’offre de référence de ST en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires, et

– application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de ST de reproduire les services de détail offerts par ST sans encourir de perte.

17. La Commission a infligé une amende de 38838000 euros solidairement à DT et à ST, ainsi qu’une amende de 31070000 euros à DT.

IV. Les procédures devant le Tribunal et les arrêts attaqués

A.   L’arrêt DT

18. À l’appui de son recours devant le Tribunal, DT a invoqué cinq moyens respectivement tirés :

– d’erreurs de droit et de fait dans l’application de l’article 102 TFUE en ce qui concerne le comportement abusif de ST ainsi que d’une violation des droits de la défense ;

– d’erreurs de droit et de fait s’agissant de la durée du comportement abusif de ST ;

– d’erreurs de droit et de fait dans l’imputation à DT du comportement abusif de ST, dans la mesure où la Commission n’aurait pas prouvé l’exercice effectif d’une influence déterminante de DT sur ST ;

– d’une violation de la notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union et du principe d’individualisation des peines ainsi que d’un défaut de motivation, et

– d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée à DT et à ST.

19. Par l’arrêt DT, le Tribunal a partiellement annulé la décision litigieuse. Il a ensuite fixé le montant de l’amende à laquelle est tenue solidairement DT à 38061963 euros et le montant de l’amende à laquelle est tenue uniquement DT à 19030981 euros. Il a rejeté le recours de DT pour le surplus.

B.   L’arrêt ST

20. À l’appui de son recours devant le Tribunal, ST a invoqué cinq moyens respectivement tirés :

– d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit dans l’application de l’article 102 TFUE ;

– d’une violation de ses droits de la défense en ce qui concerne l’appréciation de la pratique aboutissant à la compression des marges ;

– d’erreurs commises dans la constatation de la compression des marges ;

– d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit lorsque la Commission a conclu qu’elle et DT faisaient partie d’une entreprise unique et qu’elles étaient toutes deux responsables de l’infraction en cause ;

– à titre subsidiaire, d’erreurs dans la détermination du montant de l’amende.

21. Par l’arrêt ST, le Tribunal a partiellement annulé la décision litigieuse. Il a ensuite fixé le montant de l’amende à laquelle est tenue solidairement ST à 38061963 euros. Il a rejeté le recours de ST pour le surplus.

V. Sur les pourvois introduits devant la Cour

A.   Le pourvoi introduit par DT contre l’arrêt DT

22. Au soutien de son pourvoi contre l’arrêt DT dans l’affaire C‑152/19 P, DT soulève quatre moyens respectivement tirés :

– de l’interprétation et de l’application erronées du principe selon lequel le refus d’accès suppose, pour être constitutif d’une infraction à l’article 102 TFUE, que l’accès demandé soit indispensable à l’activité exercée sur un marché en aval ;

– de l’interprétation et de l’application erronées du principe selon lequel l’influence déterminante d’une société mère sur sa filiale doit avoir été réellement exercée pour pouvoir imputer à la société mère une infraction à l’article 102 TFUE commise par la filiale ;

– de l’application erronée du principe selon lequel la filiale doit avoir appliqué pour l’essentiel les instructions données par la société mère pour pouvoir imputer à la société mère une infraction à l’article 102 TFUE commise par la filiale, et

– d’une violation du droit d’être entendu au cours de la procédure administrative.

23. En outre, DT demande à bénéficier de l’accueil éventuel, par la Cour, d’un moyen soulevé par ST dans l’affaire C-165/19 P, dont l’objet serait identique à celui de la troisième branche du premier moyen soulevé par DT devant le Tribunal, à savoir le cadre de calcul des coûts marginaux moyens à long terme en tant que fondement de la constatation de l’existence d’un ciseau tarifaire abusif.

24. En conclusion de son pourvoi, DT demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a rejeté son recours ;

– d’annuler, dans son intégralité ou en partie, pour autant qu’elle la concerne, la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire les amendes qui lui ont été infligées ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’elle y soit rejugée, et

– de condamner la Commission à l’ensemble des dépens afférents à la présente procédure et à la procédure devant le Tribunal.

25. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de DT aux dépens.

B.   Le pourvoi introduit par ST contre l’arrêt ST

26. Au soutien de son pourvoi contre l’arrêt ST dans l’affaire C‑165/19 P, ST soulève trois moyens respectivement tirés :

– d’erreurs de droit dans la constatation d’un abus au sens de l’article 102 TFUE consistant en un refus de contracter ;

– d’une violation des droits de la défense dans l’appréciation de la compression des marges, et

– d’erreurs de droit dans l’appréciation de l’existence d’une compression des marges.

27. En outre, ST demande à bénéficier de l’accueil éventuel, par la Cour, d’un moyen soulevé par DT dans l’affaire C-152/19 P, dont l’objet serait identique à celui du quatrième moyen soulevé par ST devant le Tribunal, à savoir le constat par la Commission que DT et ST formaient une entreprise unique et étaient toutes deux responsables de l’infraction alléguée de ST.

28. En conclusion de son pourvoi, ST demande à la Cour :

– d’annuler en tout ou en partie l’arrêt attaqué ;

– d’annuler en tout ou en partie la décision litigieuse ;

– à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire davantage le montant de l’amende qui lui a été infligée, et

– de condamner la Commission aux dépens de la présente procédure et de celle devant le Tribunal.

29. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de ST aux dépens.

VI. Sur les procédures devant la Cour

30. Dans l’affaire C-152/19 P, DT a introduit son pourvoi contre l’arrêt DT le 21 février 2019. La Commission a présenté des observations écrites.

31. Dans l’affaire C-165/19 P, ST a introduit son pourvoi contre l’arrêt ST le 22 février 2019. La Commission a présenté des observations écrites.

32. La Commission, DT et ST ont comparu à l’audience de plaidoiries du 17 juin 2020, commune aux deux affaires, pour y être entendues en leurs observations.

VII. Analyse

33. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur les trois premiers moyens soulevés par DT dans l’affaire C-152/19 P et sur le premier moyen soulevé par ST dans l’affaire C-165/19 P.

A.   Sur le premier moyen de DT et le premier moyen de ST

34. Le premier moyen de DT et le premier moyen de ST sont tous deux tirés d’erreurs de droit supposément commises par le Tribunal en ce qui concerne la condition relative au caractère indispensable établie dans l’arrêt Bronner aux fins d’apprécier l’existence d’une pratique abusive au sens de l’article 102 TFUE.

35. Ces deux moyens se recoupent largement, tout comme les passages pertinents de l’arrêt DT (points 86 à 116) et de l’arrêt ST (points 92 à 154), de sorte qu’ils peuvent utilement être traités conjointement.

36. Avant d’entamer l’examen des arguments invoqués par DT et ST, je crois utile de rappeler la teneur des pratiques concernées.

37. Il ressort des points 92 à 94 de l’arrêt DT, ainsi que des points 113 et 114 de l’arrêt ST, que DT et ST n’ont pas contesté l’existence des comportements constatés par la Commission dans la septième partie de la décision litigieuse (ci-après les « pratiques en cause »), à savoir :

– la dissimulation aux opérateurs alternatifs d’informations relatives au réseau de ST et nécessaires au dégroupage de la boucle locale de cet opérateur ;

– la réduction par ST de ses obligations relatives au dégroupage découlant du cadre réglementaire applicable, et

– la fixation par ST de plusieurs clauses et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage.

38. Ces éléments factuels n’ont pas été contestés devant le Tribunal et doivent donc être considérés comme définitivement établis dans le cadre de la présente procédure.

1. Résumé des arguments invoqués par DT et ST

39. DT et ST font valoir, en substance, que le Tribunal a erronément jugé que la Commission n’était pas tenue, pour qualifier les pratiques en cause d’« infraction unique et continue » à l’article 102 TFUE, de prouver que l’accès à la boucle locale était indispensable, au sens de l’arrêt Bronner, à l’exercice de l’activité des fournisseurs concurrents sur le marché de détail de masse, eu égard à l’existence d’une obligation d’octroi réglementaire.

40. Par souci de clarté, je suivrai la structure du premier moyen soulevé par ST, lequel se subdivise en cinq branches.

41. Dans le cadre de la première branche de son premier moyen, ST allègue, d’une part, que le Tribunal a erronément conclu, aux points 151 et 152 de l’arrêt ST, que les conditions posées par l’arrêt Bronner, aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, ne s’appliquent pas lorsqu’il existe une obligation réglementaire d’accès ex ante. Cette conclusion ne tiendrait pas compte du fait que le contrôle ex post au titre de l’article 102 TFUE est fondamentalement différent des contrôles réglementaires
réalisés ex ante par l’autorité réglementaire slovaque en matière de télécommunications ( 9 ).

42. ST fait valoir, d’autre part, que le Tribunal a erronément considéré, au point 121 de l’arrêt ST, qu’il n’était pas nécessaire, pour la Commission, de vérifier si la condition de l’arrêt Bronner relative au « caractère indispensable » était satisfaite, au motif qu’un règlement ex ante avait déjà reconnu la « nécessité » d’un accès à la boucle locale de la requérante. En effet, l’appréciation de la « nécessité » effectuée au titre du cadre réglementaire serait fondamentalement différente de
l’appréciation du « caractère indispensable » réalisée au titre de l’article 102 TFUE.

43. De manière similaire, DT fait valoir que le Tribunal a erronément jugé, au point 101 de l’arrêt DT, que l’obligation d’accès réglementaire remplace le caractère indispensable de l’accès au sens de l’arrêt Bronner. Or une obligation d’accès réglementaire, imposée ex ante, et l’exigence d’un caractère indispensable au sens de l’arrêt Bronner, examinée ex post, répondraient à des considérations fondamentalement différentes.

44. DT critique encore la référence, au point 97 de l’arrêt DT, à l’arrêt Deutsche Telekom/Commission ( 10 ), étant donné que ce dernier arrêt ne concernerait pas le rapport entre l’obligation d’accès réglementaire et le caractère indispensable au sens de l’arrêt Bronner.

45. Par la deuxième branche, ST affirme que le Tribunal a erronément déduit de l’arrêt TeliaSonera Sverige ( 11 ), aux points 126 et 127 de l’arrêt ST, que les conditions Bronner n’étaient pas applicables. ST souligne que les points 55 à 58 de l’arrêt TeliaSonera Sverige concernaient une pratique de compression des marges, alors que cette société est accusée d’un refus de contracter avec les opérateurs alternatifs. Selon ST, un tel refus doit être apprécié au regard de la jurisprudence relative au
refus de contracter, dont fait partie l’arrêt Bronner.

46. DT a avancé un argument similaire pour alléguer l’existence d’une erreur de droit au point 109 de l’arrêt DT.

47. Par la troisième branche, ST prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 138 et 139 de l’arrêt ST, en jugeant que l’arrêt du Tribunal, Clearstream/Commission ( 12 ), n’était pas pertinent pour apprécier le comportement de ST au motif que, dans cette dernière affaire, il n’existait pas d’obligation réglementaire de fournir le service en cause et l’entreprise dominante n’avait pas développé sa position commerciale dans le cadre d’un monopole légal.

48. Par la quatrième branche, ST fait valoir que le Tribunal a erronément confirmé, aux points 133 et 134 de l’arrêt ST, qu’un refus explicite ou catégorique de contracter devait, pour être qualifié d’« abusif » au sens de l’article 102 TFUE, répondre aux conditions strictes de l’arrêt Bronner, alors même que ces conditions ne sont pas applicables en cas de refus implicite de contracter. Cette position du Tribunal conduirait à traiter un comportement plus grave (le refus explicite de contracter)
plus favorablement qu’un comportement moins grave (le refus implicite de contracter). Selon ST, le jugement du Tribunal est également entaché d’un défaut de motivation à cet égard.

49. DT a invoqué un argument similaire en ce qui concerne le point 111 de l’arrêt DT, critiquant la différence de traitement entre le refus explicite d’accès, tel que celui en cause dans l’arrêt Bronner, et le refus implicite d’accès, tel que celui en cause dans la présente affaire.

50. Par la cinquième et dernière branche, ST avance que le Tribunal a erronément estimé, aux points 153 et 154 de l’arrêt ST, que l’ancien monopole d’État détenu par ST constituait un fondement juridique pour la non-application des conditions Bronner. ST affirme que le seul arrêt cité par le Tribunal à cet égard, à savoir l’arrêt Post Danmark ( 13 ), n’étaye en rien cette position. ST ajoute que l’arrêt Bronner exige une appréciation du caractère indispensable au moment de l’abus allégué, de sorte
que l’existence d’un monopole légal dans le passé serait dénuée de pertinence.

2. Réponse aux arguments invoqués par DT et ST

51. L’ensemble des arguments invoqués par DT et ST reposent sur une prémisse, à savoir que le caractère abusif des pratiques en cause ne pouvait pas être constaté sans que ne soit vérifié le caractère indispensable au sens de l’arrêt Bronner.

52. En d’autres termes, si l’arrêt Bronner ne constitue pas une autorité pertinente pour apprécier le caractère abusif de ces pratiques, l’ensemble des arguments de DT et ST devront être rejetés comme étant non fondés ou inopérants.

53. Or je suis effectivement convaincu que l’arrêt Bronner n’est pas pertinent en l’espèce, pour les motifs décrits ci-après.

54. De manière plus générale, cette affaire représente une opportunité pour la Cour de clarifier la portée de l’arrêt Bronner, laquelle a été l’objet de nombreuses interrogations lors de l’audience de plaidoiries.

55. En substance, je montrerai ci-après que l’arrêt Bronner représente un cas particulier dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE. La portée de ce cas de figure doit être interprétée de manière stricte afin de préserver l’effet utile de l’article 102 TFUE ( 14 ). En d’autres termes, le principe est que les conditions Bronner ne sont pas applicables pour apprécier l’existence d’une infraction à l’article 102 TFUE.

a) Sur le cas de figure envisagé et les conditions établies dans l’arrêt Bronner

56. Le cas de figure envisagé par la Cour dans l’arrêt Bronner a été clairement identifié au point 37 de cet arrêt : en substance, la Cour a examiné si pouvait être qualifié de « pratique abusive », au sens de l’article 102 TFUE, « le fait, pour le propriétaire de l’unique système de portage à domicile existant à l’échelle nationale sur le territoire d’un État membre, qui utilise ce système pour la distribution de ses propres quotidiens, d’en refuser l’accès à l’éditeur d’un quotidien concurrent. »

57. En d’autres termes, le cas de figure envisagé dans l’arrêt Bronner est celui d’un refus, par une entreprise dominante, de mettre une infrastructure dont elle est propriétaire — en l’occurrence un système de portage à domicile — à la disposition d’une ou plusieurs entreprises concurrentes. Par simplicité, j’utiliserai, dans la suite des présentes conclusions, l’expression « refus de mise à disposition » pour me référer à ce cas de figure.

58. Cette question de principe ne diffère pas fondamentalement de celle relative aux limites pouvant être apportées, au titre de l’article 102 TFUE, à l’exercice, par le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, de son droit exclusif. C’est ce qui explique les multiples références à l’arrêt RTE et ITP/Commission, dit « arrêt Magill » ( 15 ), dans l’arrêt Bronner.

59. Au point 41 de l’arrêt Bronner, la Cour a établi plusieurs conditions devant être satisfaites pour qu’un refus de mise à disposition puisse constituer une pratique abusive au sens de l’article 102 TFUE. Pour reprendre les termes utilisés par la Cour, il faut, à cette fin, « non seulement que le refus du service que constitue le portage à domicile soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché des quotidiens de la part du demandeur du service et ne puisse être objectivement justifié,
mais également que le service en lui-même soit indispensable à l’exercice de l’activité de celui-ci, en ce sens qu’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel audit système de portage à domicile. »

60. De la lecture du point 41 de l’arrêt Bronner, je déduis trois conditions devant être satisfaites pour qu’un refus de mise à disposition puisse être qualifié d’« abusif » (ci-après les « conditions Bronner ») :

– le refus de mise à disposition doit être de nature à éliminer toute concurrence sur le marché pertinent de la part de l’entreprise concurrente ;

– ce refus n’est pas objectivement justifié ;

– l’infrastructure en cause doit être indispensable à l’exercice de l’activité de l’entreprise concurrente, en ce sens qu’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel.

b) Sur les enjeux de la présente affaire pour la politique de la concurrence au sein de l’Union

61. Selon DT et ST, les pratiques en cause ne peuvent être qualifiées d’« abusives », au sens de l’article 102 TFUE, que si les conditions Bronner sont cumulativement satisfaites. À l’inverse, la Commission fait valoir que la jurisprudence Bronner n’est pas applicable à de tels comportements.

62. Je souhaite souligner, à ce stade, les enjeux de la présente affaire, lesquels dépassent largement le simple litige entre ces parties.

63. Les conditions Bronner subordonnent le constat d’une pratique abusive à un standard juridique particulièrement élevé. Elles représentent, en quelque sorte, un « sommet » dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE.

64. Partant, toute extension de la portée de la jurisprudence Bronner implique, logiquement, une diminution de l’effet utile de l’article 102 TFUE ainsi que, dans le même temps, un affaiblissement du pouvoir de la Commission de lutter contre les pratiques abusives. En pratique, la Commission sera tenue d’apporter des éléments de preuve sensiblement plus lourds afin de constater l’existence d’une pratique abusive. Corrélativement, les entreprises en position dominante jouiront d’une marge de manœuvre
accrue, leur comportement n’étant plus sanctionné que dans l’hypothèse où toutes les conditions Bronner sont satisfaites.

65. De manière plus imagée, toute extension de la jurisprudence Bronner conduit à la seule prohibition de « super-abus » de position dominante, à savoir les pratiques abusives remplissant les conditions Bronner. À l’inverse, ne sera plus sanctionnée toute pratique d’une entreprise en position dominante qui tombe dans l’un des trois cas de figure suivants :

– elle n’élimine pas toute concurrence sur le marché pertinent de la part de l’entreprise concurrente (première condition Bronner inversée) ;

– elle est objectivement justifiée (deuxième condition Bronner inversée), ou

– elle ne concerne pas des biens ou des services indispensables à l’exercice de l’activité de l’entreprise concurrente (troisième condition Bronner inversée).

c) Sur la raison d’être des conditions Bronner

66. Les enjeux de la présente affaire ayant été exposés, il convient de s’interroger à présent sur la raison d’être des conditions Bronner, lesquelles ne sont pas prévues, en tant que telles, par le texte de l’article 102 TFUE.

67. Pourquoi la Cour a-t-elle établi un standard juridique plus élevé pour apprécier le caractère abusif d’un refus de mise à disposition, alors que les autres pratiques des entreprises dominantes – telles que l’établissement d’un prix non équitable ( 16 ), d’un ciseau tarifaire ( 17 ) ou d’autres conditions contractuelles inéquitables ( 18 ) – sont examinées sans jamais appliquer les conditions Bronner ?

68. À mes yeux, la réponse à cette question se trouve clairement exposée dans les conclusions présentées par M. l’avocat général Jacobs dans l’affaire Bronner ( 19 ). En substance, il existe une différence fondamentale entre, d’une part, le fait de sanctionner les termes d’un accord, notamment le prix convenu, au motif qu’ils avantagent une entreprise n’étant pas, en raison de sa position dominante, soumise à la discipline de marché et, d’autre part, le fait de sanctionner un refus de mise à
disposition. Sanctionner un refus de mise à disposition, ce qui revient à obliger une entreprise à conclure un accord, est sensiblement plus attentatoire à la liberté des entreprises.

69. C’est cette différence de nature qui justifie le standard juridique plus élevé établi dans l’arrêt Bronner. C’est également la raison d’être de la doctrine des infrastructures essentielles (essential facilities) en droit de la concurrence des États-Unis, qui avait été exposée en détail par M. l’avocat général Jacobs aux points 45 et suivants de ses conclusions dans l’affaire Bronner. Celui-ci a, en outre, clarifié cette différence de nature en soulignant l’existence d’une double mise en balance.

70. La première mise en balance oppose droits fondamentaux et libre concurrence.

71. Au point 56 de ses conclusions, M. l’avocat général Jacobs expliquait ainsi que « le droit de choisir ses partenaires contractuels et de disposer librement de sa propriété sont des principes universellement consacrés dans les systèmes juridiques des États membres, en revêtant parfois un caractère constitutionnel. Les atteintes à ces droits exigent d’être soigneusement justifiées ».

72. Depuis lors, les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne sont venus consacrer, respectivement, la liberté d’entreprise, laquelle inclut la liberté contractuelle ( 20 ), et le droit de propriété.

73. L’obligation pouvant être imposée à l’entreprise en position dominante en vertu de l’article 102 TFUE, consistant à mettre une infrastructure dont elle est propriétaire à la disposition d’entreprises concurrentes, implique une atteinte grave et spécifique à la liberté contractuelle et au droit de propriété de cette entreprise.

74. C’est en raison de cette atteinte grave et spécifique aux droits fondamentaux susmentionnés que la Cour a, à juste titre, imposé des conditions supplémentaires à l’application de l’article 102 TFUE dans un tel cas de figure. Ce faisant, la Cour a procédé à une mise en balance entre, d’une part, l’atteinte – plus grave – aux droits fondamentaux de l’entreprise en position dominante consistant dans une obligation de mise à disposition de sa propriété et, d’autre part, les conditions d’application
– plus strictes – de l’article 102 TFUE dans un tel cas de figure, à savoir les conditions Bronner.

75. La seconde mise en balance oppose bénéfices à court terme et bénéfices à long terme pour la concurrence ainsi que, in fine, pour les consommateurs.

76. Au point 57 de ses conclusions, M. l’avocat général Jacobs relève, à cet égard, que « la justification, sur le plan de la politique de la concurrence, d’une immixtion dans la liberté de contracter d’une entreprise dominante exige souvent de procéder à une soigneuse mise en balance de considérations divergentes. Sur le long terme, il est généralement favorable à la concurrence, et dans l’intérêt des consommateurs, de permettre à une société de réserver à son propre usage les installations qu’elle
a développées pour les besoins de son activité […] De surcroît, une entreprise dominante serait moins encouragée à investir dans des installations efficaces si ses concurrents pouvaient, sur demande, en partager les bénéfices. »

77. Au point 62 de ses conclusions, M. l’avocat général Jacobs exprime des considérations similaires en ce qui concerne le refus de consentir une licence portant sur des droits de propriété intellectuelle : « [a]ccorder de tels droits exclusifs pour une période limitée implique, en soi, de mettre en balance l’intérêt que présente la libre concurrence et celui qu’il y a à stimuler la recherche et le développement ainsi que la créativité. C’est donc à juste titre que la Cour a jugé que, en l’absence
d’autres facteurs, le refus de consentir une licence ne constituait pas en soi un abus ».

78. Ainsi, l’imposition d’un standard juridique plus élevé, pour apprécier le caractère abusif du refus de mise à disposition, se justifie également par des considérations économiques, visant à préserver les bénéfices à long terme du jeu de la concurrence en termes d’investissements et de créativité.

79. Pour résumer, cette double mise en balance, la première entre droits fondamentaux et libre concurrence, la seconde entre bénéfices à court terme et bénéfices à long terme du jeu de la concurrence, éclaire la différence de nature entre le fait de sanctionner les termes d’un accord et le fait de sanctionner un refus de mise à disposition. C’est cette différence de nature qui explique l’imposition dans l’arrêt Bronner d’un standard juridique plus élevé pour apprécier le caractère abusif d’un refus
de mise à disposition.

d) Sur le caractère fallacieux de la notion de « refus implicite d’accès »

80. L’un des arguments avancés par DT et ST en faveur de l’application des conditions Bronner aux pratiques en cause s’articule autour de la notion de « refus implicite d’accès ». Selon DT et ST, la jurisprudence Bronner devrait trouver à s’appliquer non seulement dans l’hypothèse d’un refus explicite d’accès tel qu’envisagé par la Cour au point 37 de l’arrêt Bronner, mais également en présence de termes contractuels inéquitables imposés par l’entreprise en position dominante et qui aboutiraient de
facto au même résultat, soit un refus implicite d’accès.

81. Je peux comprendre l’attrait que présente la notion de « refus implicite d’accès », dans la mesure où certains termes contractuels inéquitables peuvent, dans certains cas, exclure la conclusion d’un accord. Cependant, je souligne immédiatement que le fait de se concentrer artificiellement sur cet effet de certains termes contractuels conduirait à ignorer le cadre d’analyse plus large sur lequel se fonde l’arrêt Bronner, et en particulier la double mise en balance dont je viens de rappeler la
teneur.

82. L’intérêt stratégique d’une entreprise en position dominante, telle que celle formée par DT et ST, à avancer une telle argumentation autour de la notion de « refus implicite » est évident. Comme je l’ai expliqué aux points 62 à 65 des présentes conclusions, l’extension des conditions Bronner à de nouvelles pratiques permettrait tout à la fois de réduire l’effet utile de l’article 102 TFUE, de diminuer le pouvoir de la Commission et d’accroître la marge de manœuvre des entreprises en position
dominante.

83. En revanche, j’ai plus de mal à comprendre l’insistance de la Commission à utiliser cette distinction, que ce soit sous cette forme ou sous une terminologie différente opposant refus catégorique et refus implicite d’accès. Interrogée à plusieurs reprises à ce sujet lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a éprouvé des difficultés à expliquer pour quelles raisons les pratiques en cause ne pourraient pas être qualifiées de « refus implicite d’accès ».

84. En réalité, ces difficultés trouvent leur source dans le caractère fallacieux de la notion même de « refus implicite d’accès ». En effet, cette notion, qui ne trouve aucun soutien ni dans l’arrêt Bronner ni dans les conclusions de M. l’avocat général Jacobs dans cette affaire, a une portée élastique potentiellement illimitée. À titre d’illustration, l’imposition d’un prix inéquitable ne constitue-t-elle pas un refus implicite d’accès ?

85. À l’extrême, l’on pourrait se demander si toute pratique abusive ne constitue pas, d’une certaine façon, un refus implicite d’accès, puisque tout désavantage imposé par l’entreprise dominante est susceptible de décourager les clients potentiels d’avoir recours aux biens et services qu’elle offre.

86. Pourtant, il faut bien constater que la Cour n’a jamais appliqué les conditions Bronner, ou un critère juridique équivalent, à des termes contractuels inéquitables. Cette absence de pertinence des conditions Bronner est particulièrement frappante en ce qui concerne les pratiques tarifaires, lesquelles constitueraient – si une telle notion existait – des refus implicites d’accès par excellence, en raison du caractère déterminant du prix dans le jeu de la concurrence. Or, dans sa jurisprudence
très ancienne sur les prix inéquitables, la Cour n’a pas eu recours à un critère juridique équivalent aux conditions Bronner ( 21 ).

87. Plus récemment, la Cour n’a pas non plus appliqué les conditions Bronner dans deux arrêts concernant les pratiques tarifaires d’organismes de gestion collective des droits d’auteur, alors qu’il peut raisonnablement être présumé que leurs services étaient indispensables à certaines activités en aval ( 22 ). La Cour a également rejeté la pertinence de l’arrêt Bronner en ce qui concerne la compression de marges, qui constitue une catégorie spécifique de pratique tarifaire abusive, dans les arrêts
TeliaSonera Sverige ( 23 ) ainsi que Telefónica et Telefónica de España/Commission ( 24 ).

88. Pour résumer, la Cour n’a jamais appliqué les conditions Bronner aux pratiques tarifaires abusives alors même que ces pratiques constitueraient des refus implicites d’accès par excellence.

89. Par conséquent, assimiler aujourd’hui de telles pratiques à des refus implicites d’accès aboutirait à renverser des pans entiers de la jurisprudence relative aux pratiques abusives et à inscrire les conditions Bronner au cœur même de l’article 102 TFUE. L’arrêt Bronner deviendrait le principe, et non plus un cas particulier, ce qui irait à l’encontre du libellé même de l’article 102 TFUE, dont la portée n’est pas limitée aux pratiques abusives portant sur des biens ou services « indispensables »
au sens de cet arrêt.

90. Afin de limiter la portée de cette notion de « refus implicite », d’aucuns pourraient trouver opportun de la limiter aux pratiques abusives les plus graves. À titre d’illustration, seul un prix très inéquitable serait qualifié de « refus implicite d’accès », entraînant l’application des conditions Bronner, les prix légèrement inéquitables restant de « simples » abus.

91. Emprunter cette voie constituerait, à mes yeux, une grave erreur. Celle-ci conduirait à introduire une source considérable d’arbitraire au cœur même du droit de la concurrence, un domaine où la sécurité juridique est primordiale pour les entreprises. En effet, la ligne de démarcation entre refus implicite d’accès et simple abus ne peut qu’être arbitraire ( 25 ).

92. En outre, cette requalification des pratiques abusives les plus graves en tant que « refus implicites d’accès » aboutirait à une situation pour le moins paradoxale. En effet, elle conduirait à appliquer les conditions Bronner aux pratiques abusives les plus graves — qualifiées de « refus implicites d’accès » — et, partant, à rendre plus difficile leur sanction. En d’autres termes, les abus les plus graves (par exemple un prix très inéquitable) seraient soumis à un régime juridique moins strict
que les abus les moins graves (par exemple un prix légèrement inéquitable).

93. Ainsi, contrairement à l’argumentation des requérantes résumée aux points 48 et 49 des présentes conclusions, c’est la notion même de « refus implicite d’accès » qui conduirait à traiter plus favorablement les comportements les plus graves.

94. Je rappelle, à cet égard, que la gravité du comportement de l’entreprise dominante n’est pas un critère pertinent pour apprécier l’existence d’une infraction à l’article 102 TFUE, comme l’a relevé à juste titre la Commission. La gravité intervient seulement au stade de la fixation du montant de l’amende, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1/2003 ( 26 ).

95. En définitive, la raison d’être des conditions Bronner, rappelée aux points 66 à 79 des présentes conclusions, réside dans la différence de nature entre le fait de sanctionner les termes d’un accord et le fait de sanctionner un refus de mise à disposition. À la lumière de cette raison d’être, il ne fait guère de doute, à mes yeux, que les conditions Bronner n’ont pas vocation à s’appliquer à des termes contractuels inéquitables.

96. Au regard de ce qui précède, il me semble impératif de rejeter la notion de « refus implicite d’accès » dans le cadre de l’article 102 TFUE, que ce soit dans l’arrêt à intervenir ou dans tout autre contexte.

e) Sur l’inapplicabilité des conditions Bronner aux pratiques en cause

97. Après avoir souligné les enjeux de la présente affaire, la raison d’être des conditions Bronner et le caractère fallacieux de la notion de « refus implicite d’accès », il me reste à examiner si les pratiques en cause relèvent du cas de figure envisagé dans l’arrêt Bronner, tel que rappelé aux points 56 et 57 des présentes conclusions.

98. Ce cas de figure est celui d’un refus, par une entreprise dominante, de mettre une infrastructure dont elle est propriétaire à la disposition d’une ou plusieurs entreprises concurrentes.

99. Or les pratiques en cause, décrites au point 37 des présentes conclusions, ne relèvent pas de ce cas de figure, comme l’a relevé le Tribunal, sans commettre d’erreur, aux points 98 et 99 de l’arrêt DT, ainsi qu’aux points 118 et 119 de l’arrêt ST.

100. En effet, ST n’a pas refusé l’accès dégroupé à la boucle locale dont elle est propriétaire, mais a imposé des conditions inéquitables aux entreprises souhaitant y avoir accès, comme l’a souligné à juste titre la Commission.

101. Il est sans pertinence, à cet égard, que ST ait été contrainte de donner accès à la boucle locale en raison d’obligations réglementaires. La conclusion serait identique si ST avait choisi librement de donner accès à la boucle locale. Le seul élément qui importe, pour exclure la pertinence de l’arrêt Bronner, est que ST n’a pas refusé l’accès à une infrastructure dont elle est propriétaire.

102. Contrairement à ce que prétendent DT et ST, cette interprétation est corroborée par l’arrêt TeliaSonera Sverige ( 27 ), comme l’a relevé à juste titre le Tribunal aux points 106 à 110 de l’arrêt DT, ainsi qu’aux points 123 à 127 de l’arrêt ST.

103. Au point 55 de l’arrêt TeliaSonera Sverige ( 28 ), la Cour a rappelé, en substance, que les conditions Bronner, et en particulier l’exigence de nécessité, n’étaient pas applicables pour apprécier le « caractère abusif d’un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l’acheteur pourrait ne pas être intéressé ».

104. En outre, au point 58 de cet arrêt, la Cour a relevé qu’étendre la portée de l’arrêt Bronner à tout comportement d’une entreprise dominante en rapport avec ses conditions commerciales reviendrait à « exiger […] que soient toujours remplies les conditions [Bronner], ce qui réduirait indûment l’effet utile de l’article 102 TFUE ».

105. Ce faisant, la Cour a refusé de suivre l’avis de M. l’avocat général Mazák dans cette affaire. Celui-ci, en effet, avait plaidé en faveur de la théorie du refus de livrer implicite et de l’obligation corrélative de vérifier le caractère indispensable des intrants, conformément à l’argumentation soutenue par TeliaSonera Sverige, finalement rejetée, à juste titre, par la Cour ( 29 ).

106. De même, au point 96 de l’arrêt Telefónica et Telefónica de España/Commission ( 30 ), la Cour a rappelé que le ciseau tarifaire constitue une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture, auquel ne sont pas applicables les conditions Bronner.

107. Ainsi, ces deux arrêts ont confirmé la portée limitée de l’arrêt Bronner, lequel représente un cas particulier dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE.

108. Cela étant précisé, les critiques de DT et ST portant sur les références, dans les arrêts DT et ST, aux arrêts Deutsche Telekom/Commission ( 31 ) et Post Danmark ( 32 ) ainsi qu’à l’arrêt du Tribunal, Clearstream/Commission ( 33 ), doivent être rejetées comme étant non fondées. En effet, ces arguments visent à critiquer le raisonnement ayant conduit le Tribunal à exclure la pertinence de l’arrêt Bronner dans les circonstances des présentes affaires. Or, comme je viens de le préciser, le
Tribunal n’a commis aucune erreur de droit à cet égard.

109. J’en arrive, enfin, à l’examen du dernier argument invoqué par DT et ST, résumé aux points 41 à 44 des présentes conclusions. Cet argument vise, en particulier, le point 101 de l’arrêt DT et le point 121 de l’arrêt ST, lesquels sont libellés de manière identique :

« Ainsi, étant donné que le cadre réglementaire pertinent reconnaissait clairement la nécessité d’un accès à la boucle locale de [ST], en vue de permettre l’émergence et le développement d’une concurrence efficace sur le marché slovaque des services Internet à haut débit, la démonstration, par la Commission, qu’un tel accès présentait bien un caractère indispensable au sens de la dernière condition édictée au point 41 de l’arrêt [Bronner], n’était pas requise. »

110. Selon DT et ST, le Tribunal aurait erronément considéré comme étant équivalents, d’une part, l’examen de la nécessité effectué ex ante par l’autorité réglementaire nationale au titre du cadre réglementaire et, d’autre part, l’examen du caractère indispensable incombant à la Commission ex post en application de l’article 102 TFUE tel qu’interprété par l’arrêt Bronner.

111. J’admets volontiers qu’il me paraît difficile d’assimiler ces deux types d’examen, conformément à ce qu’ont soutenu DT et ST. Cependant, leur argument est inopérant dès lors qu’il procède d’une lecture erronée des arrêts attaqués.

112. En effet, contrairement aux allégations de DT et ST, le Tribunal n’a pas assimilé ces deux types d’examen, mais a jugé, à juste titre, que les conditions Bronner ne sont pas applicables dans les circonstances des présentes affaires.

113. Cette lecture ressort, d’une part, des mots utilisés au point 101 de l’arrêt DT et au point 121 de l’arrêt ST, dont le texte est reproduit ci-avant, lesquels n’établissent pas d’équivalence entre ces deux types d’examen. D’autre part, ces points s’insèrent dans un raisonnement plus large, développé aux points 97 à 105 de l’arrêt DT et aux points 117 à 122 de l’arrêt ST, au terme duquel le Tribunal a conclu, à juste titre, que les conditions Bronner ne sont tout simplement pas applicables dans
ces circonstances.

114. Ce faisant, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. Comme je l’ai rappelé au point 101 des présentes conclusions, l’élément déterminant, pour exclure la pertinence de l’arrêt Bronner, est que ST n’a pas refusé l’accès à une infrastructure dont elle est propriétaire.

115. En outre, au point 97 de l’arrêt DT et au point 117 de l’arrêt ST, le Tribunal a rappelé à juste titre que, lorsque la réglementation relative au secteur des télécommunications définit le cadre juridique applicable à celui-ci et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles une entreprise exerce ses activités sur les marchés concernés, elle constitue un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE aux comportements adoptés par cette
entreprise, que ce soit pour définir les marchés concernés, pour apprécier le caractère abusif de tels comportements ou encore pour fixer le montant des amendes ( 34 ).

116. En l’espèce, il n’est pas contesté que le cadre réglementaire imposait une obligation d’accès à ST, comme l’a relevé le Tribunal aux points 99 et 100 de l’arrêt DT, ainsi qu’aux points 119 et 120 de l’arrêt ST.

117. Il résulte de ce qui précède que le premier moyen de DT et le premier moyen de ST doivent être rejetés comme non fondés.

B.   Sur le deuxième moyen de DT

1. Résumé des arguments invoqués par DT

118. Par son deuxième moyen, DT fait valoir que l’arrêt DT est entaché d’erreurs de droit en ce qui concerne l’application du principe selon lequel l’influence déterminante sur la filiale doit avoir été effectivement exercée par la société mère. En effet, DT relève que le Tribunal a correctement rappelé, au point 230 de l’arrêt DT, ce principe, mais qu’il aurait cependant commis deux types d’erreur dans l’application dudit principe.

119. Par la première branche de son deuxième moyen, DT allègue que le Tribunal a erronément estimé que des faits dont résulte une possibilité d’exercer une influence déterminante peuvent également être utilisés en tant qu’indices d’un exercice effectif de cette influence déterminante.

120. Selon DT, des faits dont résulte uniquement une possibilité d’exercer une influence déterminante ne peuvent pas être utilisés pour établir l’exercice effectif d’une influence déterminante. Toute autre interprétation supprimerait la distinction entre possibilité d’exercice et exercice effectif, et conduirait à une extension illégale de la présomption applicable aux filiales détenues à 100 % ( 35 ).

121. Selon DT, le Tribunal a commis cette erreur à plusieurs endroits de l’arrêt DT, en considérant que des indices établissant une simple possibilité d’exercer une influence déterminante prouvaient l’exercice effectif d’une telle influence :

– au point 233, en ce qui concerne le cumul de fonctions auprès de la filiale et auprès de la société mère ;

– aux points 249 et suivants, en ce qui concerne la présence de cadres supérieurs de la requérante au sein du conseil d’administration de ST ;

– aux points 280 et suivants, en ce qui concerne la mise à disposition par DT de collaborateurs en vue de l’accomplissement de certaines activités auprès de ST, et

– au point 294, en ce qui concerne la transmission par ST de rapports relatifs à sa politique commerciale.

122. Par la seconde branche de son deuxième moyen, DT fait valoir que, dans le cadre de la qualification juridique des faits sur lesquels la Commission s’est fondée, le Tribunal a erronément appliqué le principe selon lequel une influence déterminante doit effectivement avoir été exercée.

123. Ainsi, le Tribunal aurait conclu, aux points 262, 273, 274 et 278 de l’arrêt attaqué, à l’existence d’un exercice effectif d’une influence déterminante à partir de la simple possibilité d’un tel exercice et en omettant d’examiner de manière distincte l’existence dudit exercice effectif.

2. Réponse aux arguments invoqués par DT

124. Je rappelle, à titre liminaire, que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour ( 36 ).

125. En l’espèce, DT n’a pas allégué l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve examinés par le Tribunal. Partant, il n’appartient pas à la Cour, statuant au stade du pourvoi, de réexaminer la valeur probante des indices factuels mentionnés par DT dans le cadre de son deuxième moyen.

126. Afin d’identifier avec précision la portée de l’argumentation de DT, je crois utile de la replacer dans le contexte de la jurisprudence de la Cour relative à l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère, étant entendu que la participation de cette société mère au capital de la filiale est trop faible pour être couverte par la présomption « Akzo Nobel » ( 37 ). Durant la période pertinente pour les présentes affaires, en effet, DT détenait 51 % du capital de ST ( 38 ).

127. Selon une jurisprudence constante, la notion d’« entreprise » désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Sur ce point, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’« entreprise », placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales, et, d’autre part, que,
lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction ( 39 ).

128. Ainsi, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques ( 40 ).

129. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence rappelée ci-avant. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction ( 41 ).

130. Dans le contexte de cette articulation du droit de la concurrence autour de la notion économique d’« entreprise », la Cour a précisé que, aux fins de déterminer si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité
économique ( 42 ).

131. La Cour a ajouté, à cet égard, que la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée ( 43 ).

132. En d’autres termes, il appartient à la Commission de démontrer, sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, au nombre desquels figure, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entités à l’égard de l’autre, que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale ( 44 ).

133. En ce qui concerne le mode de preuve, la Cour a précisé que l’exercice effectif d’une influence déterminante peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence ( 45 ).

134. C’est à ce stade que vient s’insérer l’argumentation présentée par DT dans le cadre de son deuxième moyen.

135. DT prétend que le Tribunal a erronément jugé que des faits dont résulte une simple possibilité d’exercer une influence déterminante peuvent également être utilisés en tant qu’indices d’un exercice effectif de cette influence déterminante.

136. En d’autres termes, DT cherche à exclure une catégorie entière d’indices factuels, à savoir ceux dont résulte une possibilité d’exercer une influence déterminante, des éléments de preuve pouvant être utilisés par la Commission pour établir l’exercice effectif d’une telle influence.

137. Cette argumentation me semble dénuée de tout fondement, pour au moins trois motifs.

138. Premièrement, une telle limitation ne résulte aucunement de la jurisprudence de la Cour relative à l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère, que j’ai résumée ci-avant.

139. De manière plus spécifique, il ressort expressément de cette jurisprudence que l’exercice effectif d’une influence déterminante peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence ( 46 ). La Cour n’a, à cet égard, établi aucune limitation ni aucun critère quant aux éléments concordants pouvant être utilisés par la Commission.

140. Deuxièmement, je ne vois aucune raison logique justifiant d’exclure qu’un même indice factuel puisse, à la fois, contribuer à démontrer la possibilité d’une influence déterminante, d’une part, et l’exercice effectif de cette influence, d’autre part.

141. Bien entendu, un faisceau d’indices établissant l’exercice effectif doit être plus robuste, plus circonstancié, qu’un faisceau d’indices établissant une simple possibilité. Il n’en reste pas moins qu’un même indice factuel peut valablement être exploité dans l’un et l’autre contextes.

142. Troisièmement, il me semble que l’argumentation de DT aboutirait, en pratique, à restreindre les éléments factuels pouvant être utilisés par la Commission aux seules preuves « flagrantes » ( 47 ) telles que, par exemple, un message écrit contenant une instruction de la société mère ordonnant à la filiale de modifier sa politique de prix.

143. Or la Commission n’a que rarement de telles preuves flagrantes à sa disposition. Il est donc impératif, pour garantir l’effectivité de l’action de la Commission en matière de concurrence, que celle-ci puisse se fonder sur tout indice factuel, quel qu’il soit, étant entendu que le faisceau de ces indices factuels, considérés dans leur ensemble, doit établir l’exercice effectif d’une influence déterminante.

144. Comme l’a souligné la Commission, si l’on suivait le raisonnement de DT, le caractère utilisable de certains faits et indices dépendrait de critères formels et inadaptés à la réalité économique des entreprises.

145. Il résulte de ce qui précède que la prémisse sur laquelle se fonde le deuxième moyen de DT est erronée, de sorte que ce moyen doit être rejeté dans son intégralité.

C.   Sur le troisième moyen de DT

1. Résumé des arguments invoqués par DT

146. Par son troisième moyen, DT soutient que l’arrêt DT est entaché d’erreurs de droit en ce qui concerne l’application du principe selon lequel la filiale doit avoir appliqué pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère.

147. Selon DT, il ressort d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt Imperial Chemical Industries/Commission ( 48 ) que l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère est subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives :

– la société mère devait être en mesure d’exercer une influence déterminante ;

– la société mère a effectivement exercé une telle influence déterminante ;

– la filiale n’a, pour cette raison, pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, et

– la filiale a appliqué pour l’essentiel les instructions données par la société mère.

148. La quatrième condition, qui suppose que la filiale ait suivi pour l’essentiel les instructions données par la société mère, servirait à vérifier le caractère pertinent de l’influence déterminante exercée par la société mère.

149. Selon DT, le Tribunal s’est contenté, à cet égard, de constater, d’une part, que l’existence d’une certaine autonomie de la filiale n’est pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère (point 470 de l’arrêt DT) et, d’autre part, que la stratégie générale de ST sur le marché était définie par DT (point 471 de l’arrêt DT).

150. En ce qui concerne ce second constat, DT précise qu’il n’est pas étayé par les points 237 à 464 de l’arrêt DT auxquels le Tribunal s’est référé au point 471 dudit arrêt. Selon DT, le Tribunal a énuméré, auxdits points, plusieurs indices de l’exercice par DT d’une influence déterminante sur ST, sans pour autant constater l’existence d’instructions concrètes données par DT à ST.

151. Partant, et a fortiori, le Tribunal n’aurait pas pu constater que ST a suivi pour l’essentiel les instructions de DT. DT ajoute que l’arrêt DT est entaché d’un défaut de motivation à cet égard.

2. Réponse aux arguments invoqués par DT

152. Le troisième moyen de DT est affecté du même vice irrémédiable que celui affectant ses premier et deuxième moyens, à savoir celui d’une prémisse erronée.

153. En effet, contrairement à ce que soutient DT, la Cour n’a jamais jugé que l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère est subordonnée à la réunion des quatre conditions mentionnées au point 147 des présentes conclusions.

154. Il existe, en réalité, un seul critère pertinent à cet égard, à savoir celui de l’existence d’une unité économique, autrement dit d’une entreprise, formée par la société mère et la filiale, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission. C’est uniquement dans ce cas de figure que la Commission se voit autorisée à imputer le comportement de la filiale à la société mère ou, en d’autres termes, à « lever le voile social » entre des structures juridiques distinctes en vue d’accroître
l’effectivité du droit de la concurrence ( 49 ).

155. C’est au regard de ces principes que doit être compris le statut des quatre conditions mentionnées par DT.

156. Il me semble que la Cour a identifié, à ce stade du développement de sa jurisprudence, deux voies probatoires permettant à la Commission d’établir concrètement l’existence d’une unité économique entre une société mère et sa filiale :

– la Commission peut, d’une part, établir que la société mère a la capacité d’exercer une influence déterminante sur le comportement de la filiale et qu’elle a en outre effectivement exercé cette influence ( 50 ) ;

– elle peut, d’autre part, prouver que cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais qu’elle applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques ( 51 ).

157. L’argumentation de DT revient, en substance, à fusionner ces deux voies probatoires, en exigeant de la Commission qu’elle apporte une double preuve : elle devrait établir tout à la fois l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère et l’existence d’instructions appliquées pour l’essentiel par la filiale.

158. Il ne fait guère de doute, à mes yeux, que cette argumentation est dénuée de tout fondement, tant sur le plan jurisprudentiel que sur le plan logique.

159. Sur le plan jurisprudentiel, il ne ressort d’aucun arrêt de la Cour que la Commission serait tenue d’apporter une telle double preuve.

160. Sur le plan logique, ces deux voies probatoires ont le même objet, à savoir celui d’établir l’existence d’une unité économique (ou d’une entreprise) formée par la société mère et la filiale. Il serait, par conséquent, redondant d’exiger de la Commission qu’elle suive simultanément ces deux voies. Comme l’a précisé la Commission, ces deux voies probatoires doivent être considérées comme équivalentes.

161. Au point 471 de l’arrêt DT, le Tribunal a souligné que, eu égard aux éléments figurant aux points 237 à 464 dudit arrêt et établissant l’influence déterminante que DT avait effectivement exercée sur ST, la Commission avait conclu à juste titre que ces deux entités juridiques formaient une seule unité économique.

162. Partant, et contrairement à ce que prétend DT, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue d’établir, au surplus, que ST avait suivi pour l’essentiel les instructions de DT.

163. Je précise encore que, conformément aux exigences d’une jurisprudence constante ( 52 ), la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.

164. Or les points 237 à 473 de l’arrêt DT font effectivement apparaître, de façon claire, non équivoque et circonstanciée, les motifs pour lesquels le Tribunal a considéré que DT et ST formaient une seule unité économique.

165. Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen de DT doit également être rejeté dans son intégralité.

VIII. Conclusion

166. Au vu des considérations qui précèdent, et sans préjuger du bien-fondé des autres moyens des pourvois, je propose à la Cour de rejeter les trois premiers moyens soulevés par Deutsche Telekom AG dans l’affaire C-152/19 P, ainsi que le premier moyen soulevé par Slovak Telekom, a.s. dans l’affaire C-165/19 P.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Arrêt du 26 novembre 1998 (C‑7/97, ci-après l’« arrêt Bronner », EU:C:1998:569).

( 3 ) Voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 60 et 63), et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 54).

( 4 ) Arrêt du 13 décembre 2018 (T‑827/14, EU:T:2018:930).

( 5 ) Arrêt du 13 décembre 2018 (T‑851/14, EU:T:2018:929).

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO 2000, L 336, p. 4). Ce règlement a été abrogé par l’article 4 de la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux
ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques.

( 7 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 33).

( 8 ) Décision C(2014) 7465 final (Affaire AT.39523 – Slovak Telekom). Cette décision a été rectifiée par la décision C(2014) 10119 final de la Commission, du 16 décembre 2014, et la décision C(2015) 2484 final de la Commission, du 17 avril 2015.

( 9 ) Voir point 11 des présentes conclusions.

( 10 ) Arrêt du 14 octobre 2010 (C‑280/08 P, EU:C:2010:603).

( 11 ) Arrêt du 17 février 2011 (C‑52/09, EU:C:2011:83).

( 12 ) Arrêt du 9 septembre 2009 (T‑301/04, EU:T:2009:317).

( 13 ) Arrêt du 27 mars 2012 (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23).

( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 58).

( 15 ) Arrêt du 6 avril 1995 (C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98).

( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150, points 11 et 12) ; du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 27 à 30) ; du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 38) ; du 17 mai 2001, TNT Traco (C‑340/99, EU:C:2001:281, points 46 et 47) ; du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (C‑52/07, EU:C:2008:703, points 28 et 29) ; du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System
Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 141 et 142) ; du 27 février 2014, OSA (C‑351/12, EU:C:2014:110, points 87 et 88), et du 14 septembre 2017, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība (C‑177/16, EU:C:2017:689, points 35 à 51).

( 17 ) Arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, points 54 et 55), et du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 75).

( 18 ) Voir, notamment, arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, AAMS/Commission (T‑139/98, EU:T:2001:272, point 76), et ordonnance du 28 septembre 2006, Unilever Bestfoods/Commission (C‑552/03 P, EU:C:2006:607, point 137).

( 19 ) C‑7/97, EU:C:1998:264.

( 20 ) Selon les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), l’article 16 de la charte des droits fondamentaux se fonde notamment sur la jurisprudence de la Cour relative à la liberté contractuelle.

( 21 ) Voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150, points 11 et 12) ; du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 27 à 30) ; du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 38) ; du 17 mai 2001, TNT Traco (C‑340/99, EU:C:2001:281, points 46 et 47) ; du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (C‑52/07, EU:C:2008:703, points 28 et 29), et du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System
Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 141 et 142).

( 22 ) Voir arrêts du 27 février 2014, OSA (C‑351/12, EU:C:2014:110, points 87 et 88), et du 14 septembre 2017, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība (C‑177/16, EU:C:2017:689, points 35 à 51).

( 23 ) Arrêt du 17 février 2011 (C‑52/09, EU:C:2011:83, points 55 à 58).

( 24 ) Arrêt du 10 juillet 2014 (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 96).

( 25 ) À titre d’illustration, à partir de quel seuil un prix inéquitable deviendrait-il un refus implicite d’accès ? Lorsque ce prix est supérieur à 200 % des coûts encourus par l’entreprise dominante ? Ou bien 175 % de ces coûts ? À moins que ce ne soit 150 % du prix moyen pratiqué sur des marchés identifiés comme étant équivalents ? Je souligne que cette démarcation me semble encore plus difficile à établir en ce qui concerne les conditions non tarifaires.

( 26 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1). Aux termes de son article 23, paragraphe 3, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ».

( 27 ) Arrêt du 17 février 2011 (C‑52/09, EU:C:2011:83).

( 28 ) Arrêt du 17 février 2011 (C‑52/09, EU:C:2011:83).

( 29 ) Voir conclusions dans l’affaire TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2010:483, points 11 à 32 et, en particulier, points 11 et 16).

( 30 ) Arrêt du 10 juillet 2014 (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062).

( 31 ) Arrêt du 14 octobre 2010 (C‑280/08 P, EU:C:2010:603).

( 32 ) Arrêt du 27 mars 2012 (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23).

( 33 ) Arrêt du 9 septembre 2009 (T‑301/04, EU:T:2009:317).

( 34 ) Arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 224).

( 35 ) Voir, notamment, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 29) ; du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, points 60 et 63), et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 54).

( 36 ) Voir, par exemple, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 84 et jurisprudence citée).

( 37 ) Voir jurisprudence citée à la note 3.

( 38 ) Voir point 6 des présentes conclusions.

( 39 ) Voir, notamment, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 95) ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 53), et du 26 octobre 2017, Global Steel Wire e.a./Commission (C‑457/16 P et C‑459/16 P à C‑461/16 P, non publié, EU:C:2017:819, points 81 et 82).

( 40 ) Voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 58) ; du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 30), et du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 75).

( 41 ) Voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 59) ; du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission (C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 53), et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 53).

( 42 ) Voir, notamment, arrêts du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 76), et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 46).

( 43 ) Voir, notamment, arrêts du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission (C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 55) ; du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission (C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 44). Cette exigence a également été régulièrement affirmée par le Tribunal : voir, notamment, arrêts du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission (T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 200) ; du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission
(T‑104/13, EU:T:2015:610, point 95), et du 12 juillet 2018, The Goldman Sachs Group/Commission (T‑419/14, EU:T:2018:445, point 84).

( 44 ) Voir, notamment, arrêts du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission (C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 47) ; du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission (C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 67), et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 48).

( 45 ) Voir, notamment, arrêts du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 77), et du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission (C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 47).

( 46 ) Voir point 133 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 47 ) « Flagrant » est un emprunt au latin classique flagrans (brûlant, enflammé), utilisé au figuré (visible et immédiat comme le feu) en bas latin juridique dans la locution flagranti crimine (en flagrant délit). L’adjectif s’applique à ce qui est commis sous les yeux de la personne qui le constate, en parlant d’un délit, d’où « flagrant délit ». Voir Rey, A., Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, 2016.

( 48 ) Arrêt du 14 juillet 1972 (48/69, EU:C:1972:70, point 137).

( 49 ) Voir point 127 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 50 ) Voir points 130 à 132 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 51 ) Voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 57) ; du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 52), et du 26 octobre 2017, Global Steel Wire e.a./Commission (C‑457/16 P et C‑459/16 P à C‑461/16 P, non publié, EU:C:2017:819, point 83).

( 52 ) Voir, notamment, arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 81) ; du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA (C‑650/15 P, EU:C:2017:802, point 44), et du 19 décembre 2019, HK/Commission (C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 38).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-152/19
Date de la décision : 09/09/2020
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Marché slovaque des services d’accès à Internet à haut débit – Obligation d’accès réglementaire à la boucle locale pour les opérateurs disposant d’une puissance significative – Conditions fixées par l’opérateur historique pour l’accès dégroupé d’autres opérateurs à la boucle locale – Caractère indispensable de l’accès – Imputabilité du comportement de la filiale à la société mère – Droits de la défense.

Position dominante

Concurrence


Parties
Demandeurs : Deutsche Telekom AG
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:678

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