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16/07/2020 | CJUE | N°C-427/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 16 juillet 2020., Bulstrad Vienna Insurance Group АD contre Olympic Insurance Company Ltd., 16/07/2020, C-427/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN,

présentées le 16 juillet 2020 ( 1 )

Affaire C‑427/19

Bulstrad Vienna Insurance Group АD

contre

Olympic Insurance Company Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Décision d’ouverture d’une procédure de liquidation d’une société d’assurance – Définition – Compétence pour identifier l’existence

d’une telle décision – Retrait de l’agrément d’une société d’assurance – Nomination d’un liquidateur provisoire – Absence de procédure judiciai...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN,

présentées le 16 juillet 2020 ( 1 )

Affaire C‑427/19

Bulstrad Vienna Insurance Group АD

contre

Olympic Insurance Company Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Décision d’ouverture d’une procédure de liquidation d’une société d’assurance – Définition – Compétence pour identifier l’existence d’une telle décision – Retrait de l’agrément d’une société d’assurance – Nomination d’un liquidateur provisoire – Absence de procédure judiciaire de liquidation – Suspension de toutes les procédures judiciaires intentées contre la société d’assurance »

I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant une société d’assurance par actions, Bulstrad Vienna Insurance Group AD (ci-après « Bulstrad »), à une entreprise d’assurance de droit chypriote, Olympic Insurance Company Ltd (ci-après « Olympic »). Le litige porte sur le paiement d’une indemnité d’assurance, dont Bulstrad allègue qu’Olympic, en tant que société mère d’une filiale bulgare, est débitrice.

2. En substance, le présent renvoi porte sur l’interprétation de l’article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) ( 2 ), dans sa version en vigueur à l’époque des faits au principal. Plus précisément, la juridiction de renvoi demande s’il découle de cet article qu’une loi chypriote prévoyant la suspension de toutes les procédures judiciaires une fois que
l’agrément d’une société d’assurance a été retiré et qu’un liquidateur provisoire est nommé doit également être appliquée par les juridictions bulgares, devant lesquelles ces procédures se déroulent. Avant de procéder à l’examen de ces questions, il convient toutefois de présenter les textes législatifs pertinents.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3. Les considérants 117 à 130 de la directive 2009/138 prévoient :

« (117) Étant donné que les législations nationales concernant les mesures d’assainissement et les procédures de liquidation ne sont pas harmonisées, il convient, dans le cadre du marché intérieur, d’assurer la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de la législation des États membres applicable à la liquidation en ce qui concerne les entreprises d’assurance, ainsi que la coopération nécessaire, en tenant compte des impératifs d’unité, d’universalité, de coordination et de
publicité de ces mesures ainsi que d’égalité de traitement et de protection des créanciers d’assurance.

[...]

(119) Il convient de distinguer les autorités compétentes aux fins des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation, des autorités de contrôle des entreprises d’assurance.

[...]

(121) Il convient de fixer les conditions dans lesquelles les procédures de liquidation qui, sans être fondées sur l’insolvabilité, impliquent un ordre de priorité pour le paiement des créances d’assurance entrent dans le champ d’application de la présente directive. Un système national de garantie du paiement des salaires devrait pouvoir être subrogé dans les droits des membres du personnel d’une entreprise d’assurance découlant du contrat ou de la relation de travail. Le sort des créances
faisant l’objet d’une telle subrogation devrait être régi par le droit de l’État membre d’origine (lex concursus).

(122) Les mesures d’assainissement n’empêchent pas l’ouverture de procédures de liquidation. De telles procédures devraient donc pouvoir être ouvertes en l’absence ou à la suite de l’adoption de mesures d’assainissement, puis être clôturées par un concordat ou d’autres mesures analogues, y compris des mesures d’assainissement.

(123) Les autorités compétentes de l’État membre d’origine devraient être seules habilitées à prendre des décisions concernant les procédures de liquidation des entreprises d’assurance. Ces décisions devraient produire leurs effets dans toute la Communauté et être reconnues par l’ensemble des États membres. Elles devraient être publiées conformément aux procédures de l’État membre d’origine ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne. L’information devrait être aussi communiquée aux
créanciers connus résidant dans la Communauté, qui devraient avoir le droit de produire des créances et de présenter des observations.

[...]

(125) Toutes les conditions relatives à l’ouverture, à la conduite et à la clôture des procédures de liquidation devraient relever de la loi de l’État membre d’origine.

(126) Pour assurer la coordination de l’action entre les États membres, les autorités de contrôle de l’État membre d’origine et celles de l’ensemble des autres États membres devraient être informées, de toute urgence, de l’ouverture d’une procédure de liquidation.

[...]

(128) L’ouverture de procédures de liquidation devrait impliquer le retrait de l’agrément accordé à l’entreprise d’assurance pour l’exercice de ses activités, à moins que cet agrément ne lui ait déjà été retiré auparavant.

[...]

(130) Afin de protéger la confiance légitime et la sécurité de certaines transactions dans les États membres autres que l’État membre d’origine, il est nécessaire de déterminer la loi applicable aux effets des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation sur les instances en cours et sur les actions en exécution forcée individuelles découlant de ces instances. »

4. Aux termes de l’article 14, intitulé « Principe d’agrément », de cette directive :

« 1.   L’accès aux activités d’assurance directe ou de réassurance relevant de la présente directive est subordonné à l’octroi d’un agrément préalable.

2.   L’agrément visé au paragraphe 1 est sollicité auprès des autorités de contrôle de l’État membre d’origine par les entités suivantes :

a) toute entreprise qui établit son siège social sur le territoire de cet État membre ; ou

b) toute entreprise d’assurance qui, après avoir reçu un agrément conformément au paragraphe 1, souhaite étendre ses activités à une branche d’assurance entière ou à d’autres branches d’assurance que celles pour lesquelles elle est déjà agréée. »

5. L’article 15, paragraphe 2, de la directive 2009/138, intitulé « Champ d’application de l’agrément », prévoit :

« Sous réserve de l’article 14, l’agrément est donné par branche d’assurance directe, telle que mentionnée à l’annexe I, partie A, ou à l’annexe II. Il couvre la branche entière, sauf si le demandeur ne désire garantir qu’une partie des risques relevant de cette branche. »

6. L’article 144 de cette directive, intitulé « Retrait de l’agrément », précise, à son paragraphe 1 :

« 1.   [...]

L’autorité de contrôle de l’État membre d’origine retire l’agrément accordé à une entreprise d’assurance ou de réassurance lorsque l’entreprise concernée ne dispose plus du minimum de capital requis et que l’autorité de contrôle considère que le plan de financement présenté est manifestement insuffisant ou que l’entreprise concernée ne se conforme pas au plan approuvé dans les trois mois qui suivent la constatation de la non-conformité du minimum de capital requis. »

7. La directive 2009/138 comporte un titre IV, intitulé « Assainissement et liquidation des entreprises d’assurance », où figurent les articles 267 à 296.

8. L’article 267 de cette directive, intitulé « Champ d’application du présent titre », prévoit :

« Le présent titre s’applique aux mesures d’assainissement et aux procédures de liquidation concernant :

a) les entreprises d’assurance ;

b) les succursales établies sur le territoire de la Communauté d’entreprises d’assurance d’un pays tiers. »

9. L’article 268 de ladite directive, intitulé « Définitions », énonce :

« 1.   Aux fins du présent titre, on entend par :

a) “autorités compétentes” : les autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour les mesures d’assainissement ou les procédures de liquidation ;

[...]

d) “procédure de liquidation” : une procédure collective entraînant la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre les créanciers, les actionnaires ou les associés, selon le cas, qui implique nécessairement une intervention des autorités compétentes, y compris lorsque cette procédure collective est clôturée par un concordat ou une autre mesure analogue, que la procédure soit ou non fondée sur l’insolvabilité et qu’elle soit volontaire ou obligatoire ;

[...] »

10. L’article 269 de la même directive, intitulé « Adoption de mesures d’assainissement – Droit applicable », précise :

« 1.   Seules les autorités compétentes de l’État membre d’origine sont habilitées à décider de mesures d’assainissement concernant une entreprise d’assurance, y compris pour ses succursales.

2.   Les mesures d’assainissement n’empêchent pas l’ouverture d’une procédure de liquidation par l’État membre d’origine.

3.   Les mesures d’assainissement sont régies par les lois, règlements et procédures applicables dans l’État membre d’origine, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292.

4.   Les mesures d’assainissement prises selon la législation de l’État membre d’origine produisent leurs pleins effets dans toute la Communauté sans aucune autre formalité, y compris à l’égard des tiers dans les autres États membres, même lorsque la législation de ces autres États membres ne prévoit pas de telles mesures d’assainissement ou bien soumet leur mise en œuvre à des conditions qui ne sont pas remplies.

5.   Les mesures d’assainissement produisent leurs effets dans toute la Communauté dès qu’elles produisent leurs effets dans l’État membre d’origine. »

11. L’article 270 de la directive 2009/138, intitulé « Information des autorités de contrôle », dispose :

« Les autorités compétentes de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de cet État membre de leurs décisions relatives à des mesures d’assainissement, si possible avant leur adoption ou, à défaut, immédiatement après.

Les autorités de contrôle de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de tous les autres États membres de la décision d’adoption de mesures d’assainissement, y compris des effets concrets que pourraient avoir ces mesures. »

12. L’article 271 de cette directive, intitulé « Publication des décisions relatives aux mesures d’assainissement », précise à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’un recours est possible dans l’État membre d’origine contre une mesure d’assainissement, les autorités compétentes de l’État membre d’origine, l’administrateur ou toute personne habilitée à cet effet dans l’État membre d’origine assurent la publication de la décision relative à une mesure d’assainissement conformément aux modalités prévues dans l’État membre d’origine en matière de publication et, en outre, publient dès que possible au Journal officiel de l’Union européenne un extrait
du document établissant la mesure d’assainissement.

Les autorités de contrôle des autres États membres qui ont été informées de la décision relative à une mesure d’assainissement conformément à l’article 270 peuvent assurer la publication de cette décision sur leur territoire de la manière qu’elles jugent appropriée. »

13. Conformément à l’article 273 de ladite directive, intitulé « Ouverture de la procédure de liquidation et information des autorités de contrôle » :

« 1.   Seules les autorités compétentes de l’État membre d’origine sont habilitées à prendre une décision concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation à l’égard d’une entreprise d’assurance, y compris pour ses succursales dans d’autres États membres. Cette décision peut être prise en l’absence ou à la suite de l’adoption de mesures d’assainissement.

2.   Une décision concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, y compris de ses succursales dans d’autres États membres, adoptée conformément à la législation de l’État membre d’origine, est reconnue, sans aucune autre formalité, dans toute la Communauté et y produit ses effets dès que la décision produit ses effets dans l’État membre d’ouverture de la procédure.

3.   Les autorités compétentes de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de cet État membre de la décision d’ouvrir une procédure de liquidation, si possible avant l’ouverture de cette procédure ou, à défaut, immédiatement après.

Les autorités de contrôle de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de tous les autres États membres de la décision d’ouvrir une procédure de liquidation, y compris des effets concrets que pourrait avoir cette procédure. »

14. L’article 274 de cette même directive, intitulé « Droit applicable », énonce :

« 1.   La décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l’État membre d’origine, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292.

2.   Le droit de l’État membre d’origine détermine au moins :

a) les actifs qui font l’objet du dessaisissement et le sort des actifs acquis par l’entreprise d’assurance ou dont la propriété lui a été transférée après l’ouverture de la procédure de liquidation ;

b) les pouvoirs respectifs de l’entreprise d’assurance et du liquidateur ;

c) les conditions d’opposabilité d’une compensation ;

d) les effets de la procédure de liquidation sur les contrats en cours auxquels l’entreprise d’assurance est partie ;

e) les effets de la procédure de liquidation sur les poursuites individuelles par les créanciers, à l’exception des instances en cours visées à l’article 292 ;

f) les créances à produire au passif de l’entreprise d’assurance et le sort des créances nées après l’ouverture de la procédure de liquidation ;

g) les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances ;

h) les règles de distribution du produit de la réalisation des actifs, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l’ouverture de la procédure de liquidation en vertu d’un droit réel ou par l’effet d’une compensation ;

i) les conditions et les effets de la clôture de la procédure de liquidation, notamment par concordat ;

j) les droits des créanciers après la clôture de la procédure de liquidation ;

k) la partie devant supporter les frais et dépens de la procédure de liquidation ; et

l) les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes juridiques préjudiciables à l’ensemble des créanciers. »

15. L’article 280 de la directive 2009/138, intitulé « Publication des décisions relatives aux mesures de liquidation », précise, à son paragraphe 1 :

« L’autorité compétente, le liquidateur ou toute personne désignée à cet effet par l’autorité compétente assurent la publicité de la décision d’ouverture de la procédure de liquidation conformément aux modalités prévues dans l’État membre d’origine en matière de publication et, en outre, publient au Journal officiel de l’Union européenne un extrait de la décision de liquidation.

Les autorités de contrôle de tous les autres États membres qui ont été informées de la décision d’ouverture de la procédure de liquidation conformément à l’article 273, paragraphe 3, peuvent assurer la publication de cette décision sur leur territoire de la manière qu’elles jugent appropriée. »

16. L’article 292 de cette directive, intitulé « Instances en cours », prévoit :

« Les effets des mesures d’assainissement ou de la procédure de liquidation sur une instance en cours concernant un actif ou un droit dont l’entreprise d’assurance est dessaisie sont régis exclusivement par le droit de l’État membre dans lequel l’instance est en cours. »

B.   Le droit chypriote

17. Le droit chypriote prévoit qu’un liquidateur provisoire peut être nommé en justice après la présentation d’une demande de décision de liquidation, mais avant qu’une telle décision ait été rendue. Le fondement sur lequel une telle nomination est habituellement invoquée est la mise en péril des actifs de l’entreprise, à savoir le risque que ceux‑ci disparaissent avant que la décision de liquidation soit rendue, ce qui empêcherait leur récupération et leur répartition proportionnelle entre les
créanciers de l’entreprise ( 3 ). Le rôle du liquidateur provisoire est essentiellement de préserver les actifs et de protéger la situation existante de l’entreprise ( 4 ). La portée exacte des pouvoirs d’un liquidateur provisoire est déterminée par la décision de nomination. Toutefois, en principe, un liquidateur provisoire n’a pas le pouvoir d’administrer et de diriger les affaires de la société, cela restant la responsabilité de ses administrateurs ( 5 ). En outre, en vertu de la
jurisprudence de cet État membre, un liquidateur n’a pas le pouvoir de distribuer les actifs de l’entreprise ( 6 ).

18. En particulier, selon l’article 215 de la loi sur les sociétés, intitulé « Pouvoir de suspendre ou de limiter les procédures contre une société » :

« À tout moment après la publication de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité et avant que soit rendue l’ordonnance d’ouverture de cette procédure, la société ou tout créancier peut :

a) lorsqu’une affaire ou une procédure contre la compagnie est pendante devant un tribunal d’arrondissement ou devant la Cour suprême, demander à la juridiction saisie de cette affaire de suspendre les actes de procédure ;

b) lorsqu’une autre affaire ou procédure est pendante contre la compagnie, demander à la juridiction compétente pour liquider la compagnie de limiter les actes procéduraux ultérieurs dans cette affaire ou cette procédure,

et la juridiction saisie de cette demande peut, selon les cas, faire cesser ou limiter les actes procéduraux de la manière qui lui paraît adéquate. »

19. L’article 220 de cette loi, intitulé « Cessation d’une procédure contre la société lors de l’émission d’une décision de liquidation », est libellé comme suit :

« Lorsqu’a été rendue une décision d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ou qu’un liquidateur provisoire a été nommé, il est impossible de présenter une demande ou d’engager ou de poursuivre une procédure, à moins que la juridiction compétente pour la procédure d’insolvabilité l’autorise et dans les conditions fixées par cette juridiction. »

20. L’article 227 de ladite loi, intitulé « Nomination et pouvoirs d’un liquidateur provisoire », énonce :

1)   Sous réserve des dispositions du présent article, la juridiction compétente peut désigner un syndic agréé en vertu de la loi sur les syndics de faillites en tant que liquidateur provisoire, à tout moment après la présentation d’une demande de liquidation, dans le but de protéger les actifs de la société et de fournir un élément de stabilité en ce qui concerne l’état de la société.

2)   Un liquidateur provisoire peut être nommé à tout moment avant l’émission d’une décision de liquidation. L’administrateur judiciaire ou toute autre personne appropriée peut être désigné en tant que liquidateur provisoire.

2A)   Le liquidateur provisoire exerce les pouvoirs qui lui ont été attribués par la juridiction compétente.

3)   Les pouvoirs du liquidateur provisoire peuvent être limités et restreints par la juridiction compétente dans la décision de nomination. »

C.   Le droit bulgare

21. L’article 624, paragraphe 2, du Kodeks za zastrahovaneto (code des assurances) dispose :

« Lorsque la [Komisia za finansov nadzor (commission de contrôle financier)] est informée de l’ouverture d’une procédure de liquidation ou d’insolvabilité par l’autorité compétente d’un autre État membre, elle prend des mesures d’information du public. »

22. L’article 44 du Kodeks na mezhdunarodnoto chastno (code de droit international privé) énonce :

« 1)   Le droit étranger est interprété et appliqué tel qu’il est interprété et appliqué dans l’État qui l’a adopté.

2)   La non-application d’un droit étranger ainsi que l’interprétation et l’application erronées de celui-ci constituent un motif de recours. »

III. Les faits au principal et la demande de décision préjudicielle

23. Bulstrad, société d’assurance enregistrée en Bulgarie, a saisi le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) d’un recours. Par ce recours, Bulstrad a demandé qu’Olympic, une société d’assurance immatriculée à Chypre, soit condamnée à lui payer la somme de 7603,63 leva bulgares (BGN) (environ 3887 euros), majorée des frais de liquidation de 25 BGN (environ 13 euros), au titre d’une indemnité d’assurance liée à un accident de la route.

24. La requérante fait valoir que, le 5 janvier 2018, dans la ville de Bansko (Bulgarie), le conducteur d’un véhicule assuré par Olympic a causé des dommages matériels à un autre véhicule assuré par Bulstrad. Le conducteur de ce dernier véhicule étant couvert par une assurance tous risques, une indemnité d’assurance d’un montant de 7603,63 BGN (environ 3887 euros) lui a été payée par la requérante. En payant l’indemnité d’assurance, Bulstrad a été subrogée dans les droits de la victime à l’égard
tant de la personne ayant causé le dommage que de sa compagnie d’assurance. Bulstrad a adressé à Olympic une demande de paiement de l’indemnité d’assurance, mais, bien qu’ayant reçu celle-ci le 6 juillet 2018, la défenderesse n’a toujours pas effectué ce paiement. En conséquence, Bulstrad a intenté une action contre la défenderesse par l’intermédiaire de sa succursale située en Bulgarie, en demandant que la défenderesse soit condamnée au paiement des sommes réclamées ainsi qu’à celui des dépens.

25. La juridiction de renvoi s’est estimée compétente sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 11 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1). Toutefois, durant la procédure, la juridiction nationale a été informée du fait que les autorités chypriotes compétentes avaient retiré
à Olympic son agrément en tant qu’entreprise d’assurance au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions de solvabilité et qu’un liquidateur provisoire, qui prend en charge et contrôle tous les droits économiques et immatériels auxquels la société a droit ou apparaît avoir droit, avait été nommé. Cette juridiction a considéré que ces actions entreprises par les autorités chypriotes équivalent à une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation et, par ordonnance du 26 septembre 2018,
elle a suspendu la procédure contre Olympic, conformément aux dispositions du code des assurances bulgare transposant la directive 2009/138.

26. Bulstrad a demandé la reprise de la procédure au motif que, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions pertinentes par le Varhoven Kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), la procédure avait été indûment suspendue. Conformément à cette interprétation, les deux actions susmentionnées des autorités chypriotes ne pouvaient pas être considérées comme équivalentes à une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation par l’État membre d’origine au sens de la législation
bulgare transposant l’article 274 de la directive 2009/138.

27. En réponse, la juridiction de renvoi a demandé à la commission de contrôle financier bulgare de déclarer si elle disposait d’informations relatives à l’ouverture d’une procédure de liquidation ou d’insolvabilité concernant Olympic devant la juridiction compétente à Chypre, et si une telle procédure avait été ouverte, de déclarer à quelle étape elle se trouvait et si un liquidateur ou un syndic avait été nommé. Dans sa lettre du 19 mars 2019, cette commission a indiqué qu’à cette date, elle
n’avait reçu de l’autorité chypriote compétente aucune information sur l’ouverture de la procédure de liquidation d’Olympic.

28. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Lors de l’interprétation de l’article 630 du [code des assurances], lu à la lumière de l’article 274 de la [directive 2009/138], convient-il de considérer que la décision d’une autorité d’un État membre de retirer l’agrément à un assureur et de nommer un liquidateur provisoire de cet assureur, sans que soit ouverte la procédure judiciaire de liquidation, constitue une “décision d’ouverture de la procédure de liquidation” ?

2) Lorsque le droit de l’État membre où a son siège l’assureur dont l’agrément a été retiré et pour lequel a été nommé un liquidateur provisoire prévoit que, en cas de nomination d’un liquidateur provisoire, toutes les procédures judiciaires contre cette société sont suspendues, ces règles doivent-elles être appliquées par les juridictions des autres États membres si cela n’est pas prévu expressément par leur droit national, en vertu de l’article 274 de la [directive 2009/138] ? »

29. Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par le gouvernement bulgare ainsi que par la Commission européenne.

IV. Analyse

A.   Sur la recevabilité des questions préjudicielles

30. Selon une jurisprudence constante, les questions préjudicielles relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’elle ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore s’il
apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ( 7 ).

31. Dans la présente affaire, après avoir présenté une demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a signalé que les autorités de contrôle bulgares l’avaient informée que, par décision du 30 juillet 2019, une procédure de liquidation avait été ouverte contre Olympic et que cette décision avait été publiée au Episimi Efimerida tis Kypriakis Dimokratias le 23 août 2019. Subséquemment, par lettre du 4 février 2020, la Cour a demandé à la juridiction de renvoi si elle souhaitait
maintenir ses questions.

32. Par ordonnance du 21 février 2020, la juridiction de renvoi a répondu qu’elle souhaitait maintenir sa demande.

33. Étant donné que, dans la présente affaire, premièrement, la Cour dispose de tous les éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre aux questions qui lui sont posées, deuxièmement, le dossier de la Cour ne contient aucun élément montrant que la question est hypothétique et, troisièmement, il n’est pas manifeste que l’interprétation demandée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, le renvoi préjudiciel ne saurait être déclaré irrecevable.
En effet, en matière d’insolvabilité, le moment précis où d’éventuelles procédures pendantes devant les juridictions des autres États membres doivent être suspendues revêt très souvent une importance particulière.

B.   Sur le fond

1. Sur la première question préjudicielle

34. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 274 de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la décision, par une autorité de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, de retirer l’agrément d’une société d’assurance et de désigner un liquidateur provisoire pour celle-ci, sans qu’une décision judiciaire d’ouverture d’une procédure de liquidation ait été formellement prise, constitue une « décision d’ouverture d’une procédure
de liquidation » au sens de cet article.

35. Aux termes de l’article 274, paragraphe 1, de la directive 2009/138, la décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l’État membre d’origine.

36. L’article 268, paragraphe 1, sous d), de cette directive prévoit toutefois que, aux fins du titre IV de cette directive, intitulé « Assainissement et liquidation des entreprises d’assurance », lequel comprend l’article 274, la notion de « procédure de liquidation » renvoie à « une procédure collective entraînant la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre les créanciers, les actionnaires ou les associés, selon le cas, qui implique nécessairement une
intervention des autorités compétentes, y compris lorsque cette procédure collective est clôturée par un concordat ou une autre mesure analogue, que la procédure soit ou non fondée sur l’insolvabilité et qu’elle soit volontaire ou obligatoire » ( 8 ). Il s’ensuit que, s’il appartient à l’État d’origine de décider dans quelles conditions une décision d’ouvrir une procédure de liquidation peut être prise, ainsi que les modalités et les effets de cette procédure, la signification des termes
« procédure de liquidation » au sens de la directive 2009/138 ne dépend pas du droit national : elle suppose plutôt que la procédure en cause réponde à la définition de cette notion donnée à l’article 268, paragraphe 1, sous d), de ladite directive.

37. En ce qui concerne la compétence pour déterminer si une décision particulière devrait ou non être considérée comme ayant été adoptée suivant une procédure qui répond à cette définition et, par conséquent, comme une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation, la directive 2009/138 ne contient aucune disposition conférant aux juridictions de l’État membre d’origine une compétence exclusive pour apprécier la nature juridique de la décision que les autorités compétentes de cet État membre
adoptent. Elle ne prévoit pas non plus que les autorités compétentes, lorsqu’elles adoptent une décision d’ouvrir une procédure de liquidation, doivent respecter un certain formalisme afin que cette décision puisse être immédiatement identifiée comme ayant une telle nature. Elle ne contient pas non plus de liste des procédures existant dans les différents États membres et devant être considérées comme des procédures de liquidation, afin que les juridictions des autres États membres puissent les
identifier aisément. Au contraire, l’article 273, paragraphe 2, se borne à prévoir que les décisions d’ouvrir une procédure judiciaire sont reconnues dans l’ensemble de l’Union sans aucune autre formalité que celles requises par la législation des États membres d’origine ( 9 ).

38. Certes, l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 pose un principe de reconnaissance mutuelle des décisions relatives à l’ouverture d’une procédure de liquidation. Toutefois, ainsi que le précise l’article 267, le champ d’application du titre IV – et, partant, le principe de reconnaissance mutuelle énoncé à l’article 273 – ne s’applique qu’aux décisions dont il a été établi qu’elles se rapportent à une procédure de liquidation au sens de cette directive ( 10 ).

39. Il découle donc tant du contexte que des objectifs poursuivis par la directive 2009/138 que les juridictions d’autres États membres ont compétence pour déterminer si une décision prise par les autorités de l’État membre d’origine doit ou non être qualifiée de décision d’ouverture d’une procédure de liquidation au sens de la directive 2009/138. Lorsque tel est le cas, ces juridictions sont en revanche tenues de lui permettre de déployer ses effets.

40. Il ressort clairement du libellé de l’article 268, paragraphe 1, sous d), de la directive 2009/138 que, pour qu’une décision soit qualifiée de décision d’ouvrir une procédure de liquidation, elle doit remplir deux conditions. Premièrement, la procédure doit avoir pour objet la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre les créanciers, les actionnaires ou les associés, selon le cas. Secondement, elle doit impliquer les autorités compétentes, à savoir,
conformément à l’article 268, paragraphe 1, sous a), de cette directive, les « autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour les mesures d’assainissement ou les procédures de liquidation ».

41. Dans la présente affaire, le problème est, comme nous l’avons vu, de savoir si une décision de retirer l’agrément d’une entreprise d’assurance et de nommer un liquidateur provisoire devrait être considérée comme une décision d’ouverture d’une procédure d’agrément ou comme une décision supposant l’existence d’une telle procédure au sens de la directive 2009/138.

42. En ce qui concerne la nomination d’un liquidateur provisoire, étant donné que cette nomination n’est que temporaire, l’adoption d’une telle décision implique nécessairement qu’un liquidateur sera ensuite définitivement nommé, avec la responsabilité de réaliser les actifs d’une entreprise d’assurance.

43. Bien que la Cour ne soit pas compétente pour interpréter le droit national, pour appliquer une règle de droit de l’Union à une espèce particulière, ou pour apprécier une disposition de droit national à la lumière d’une telle règle, elle peut néanmoins extraire du dossier devant elle toutes les informations nécessaires pour clarifier la situation envisagée par la juridiction de renvoi dans ses questions afin d’apporter à la juridiction nationale une interprétation d’une disposition de l’Union qui
pourrait lui être utile dans son appréciation des effets de cette disposition ( 11 ).

44. Dans le cas présent, il ressort clairement du dossier de la Cour que, conformément à la législation nationale en cause, la décision de nommer un liquidateur provisoire est prise après une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation, mais avant que toute décision judiciaire soit rendue sur une telle demande ( 12 ). En outre, en vertu de la même législation nationale, un liquidateur provisoire n’est en principe pas habilité à réaliser les actifs de l’entreprise d’assurance ou à
désintéresser les créanciers avec les dividendes ( 13 ). Or, le fait qu’un liquidateur provisoire n’ait pas ces prérogatives, ce qu’il appartient certes à la juridiction de renvoi de vérifier, exclut qu’une telle décision puisse impliquer l’ouverture ou l’existence d’une procédure de liquidation au sens de la directive 2009/138, précisément parce que ce sont ces caractéristiques qui sont considérées comme essentielles pour qu’une décision puisse être considérée comme étant une décision d’ouvrir
une procédure de liquidation aux fins de l’article 268, paragraphe 1, sous d), de cette directive.

45. En ce qui concerne le retrait de l’agrément, il convient d’observer que la directive 2009/138 établit une distinction entre une telle décision et l’adoption d’une décision d’ouvrir une procédure de liquidation.

46. Premièrement, les conséquences attachées à chaque décision sont définies sous des titres différents de la directive, respectivement le titre I et le titre IV. Conformément à l’article 144, lu en combinaison avec l’article 14 de la directive 2009/138, le retrait de l’agrément vise à interdire à l’entreprise concernée d’exercer toute activité liée à la branche d’assurance pour laquelle cet agrément préalable a été donné. En revanche, en vertu de l’article 273 de la même directive, l’adoption d’une
décision d’ouverture d’une procédure de liquidation a les effets juridiques que le droit de l’État membre d’origine confère à de telles procédures.

47. Deuxièmement, alors même que, conformément à l’article 144, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 10, de la directive 2009/138, la décision de retrait d’un agrément est prise par la ou les autorités nationales habilitées par la loi ou la réglementation pour contrôler les entreprises d’assurance ou de réassurance, en vertu de l’article 268, sous d), lu en combinaison avec l’article 268, sous a), de ladite directive, la décision d’ouverture de la procédure de liquidation est prise par
les autorités administratives ou judiciaires des États membres qui sont compétentes aux fins des mesures d’assainissement ou de liquidation ( 14 ). Ces autorités peuvent certes être les mêmes, mais cela n’est pas nécessairement le cas ( 15 ).

48. Troisièmement, il s’agit de décisions de nature différente qui poursuivent des objectifs différents. Conformément aux articles 15 et suivants de la directive 2009/138 et au libellé de ses considérants 8 et 11, la procédure d’agrément vise à garantir que toute entreprise exerçant des activités d’assurance ou de réassurance respecte différentes règles et que ces entreprises sont en mesure d’exercer leurs activités dans toute l’Union. Pour ce qui est des décisions d’ouverture d’une procédure de
liquidation, il découle de l’article 268, paragraphe 1, sous d), de la directive 2009/138 que ces décisions visent à préparer la réalisation des actifs de l’entreprise d’assurance et la distribution du produit entre les créanciers, même si celle-ci pourrait en définitive ne pas avoir lieu ( 16 ). Il découle du considérant 121 de la directive 2009/138 que l’adoption d’une telle décision peut ne pas être fondée sur l’insolvabilité.

49. Quatrièmement, si, dans l’hypothèse du retrait d’un agrément, l’article 144, paragraphe 2, de la directive 2009/138 prévoit que l’autorité de contrôle de l’État membre se borne à informer les autorités de contrôle des autres États membres, en revanche, en cas de décision d’ouverture d’une procédure de liquidation, l’article 273, paragraphe 3, de cette directive précise que les autorités compétentes doivent informer les autres autorités non seulement de leur décision, mais également des effets
concrets qu’une telle procédure pourrait avoir. En outre, dans la mesure où une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation est concernée, l’article 280 de la même directive exige que l’autorité compétente, le liquidateur ou toute personne désignée à cet effet par l’autorité compétente assure la publicité de la décision d’ouverture de la procédure de liquidation, conformément aux modalités de publication prévues dans l’État membre d’origine et, en outre, publie au Journal officiel de
l’Union européenne un extrait de la décision de liquidation.

50. Il s’ensuit que, comme le souligne le gouvernement bulgare, les notions de « décision de retrait de l’agrément », d’une part, et de « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation », d’autre part, désignent des décisions différentes. Dès lors que la directive 2009/138 ne contient aucune disposition imposant aux États membres de considérer que le retrait de l’agrément comporte ou équivaut à l’ouverture d’une procédure de liquidation, l’existence d’une « décision d’ouverture d’une procédure
de liquidation » au sens de ladite directive ne saurait être déduite du simple retrait de l’agrément d’une entreprise d’assurance. D’ailleurs, il est tout à fait possible, par exemple, qu’il soit décidé de retirer un agrément donné pour des raisons autres que l’insolvabilité de l’entreprise d’assurance.

51. Certes, l’article 279 de la directive 2009/138 prévoit que l’ouverture d’une procédure de liquidation entraîne, selon la procédure prévue à l’article 144 de cette directive, le retrait de l’agrément. L’inverse n’est cependant pas vrai, ladite directive n’exigeant pas que, en cas de retrait d’un agrément, l’État membre d’origine ouvre automatiquement une procédure de liquidation en raison de ce seul fait. Au contraire, le considérant 128 de la même directive indique que « [l]’ouverture de
procédures de liquidation devrait impliquer le retrait de l’agrément accordé à l’entreprise d’assurance pour l’exercice de ses activités, à moins que cet agrément ne lui ait déjà été retiré auparavant » ( 17 ), ce qui suppose que l’ouverture d’une procédure de liquidation n’entraîne pas automatiquement le retrait de l’agrément ( 18 ).

52. Bien que la directive 2009/138 n’impose nullement aux États membres de prévoir que le retrait de tous les agréments donnés à une entreprise d’assurance entraîne automatiquement l’ouverture d’une procédure de liquidation contre elle au sens de l’article 268, paragraphe 1), sous d), de cette directive sans qu’il soit même nécessaire d’adopter une décision séparée, elle n’interdit toutefois pas aux États membres de prévoir une telle règle. Ce n’est donc que si la législation de l’État membre
d’origine prévoit une telle règle, ce qui suppose que des organismes ont été désignés en tant qu’autorités compétentes au sens de l’article 268, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138 et en tant qu’autorités de contrôle au sens de l’article 13, point 10, de cette directive, que les juridictions des autres États membres doivent déduire de l’existence d’une décision de retirer l’agrément qu’il existe une procédure de liquidation.

53. Dans l’affaire au principal, il ne ressort pas du dossier de la Cour que la législation nationale en cause prévoit que le retrait de l’agrément entraîne automatiquement l’ouverture d’une procédure de liquidation. Au contraire, selon le gouvernement bulgare, dans la décision d’ouvrir une procédure de liquidation à l’égard d’Olympic, du 30 juillet 2019, le tribunal d’arrondissement de Nicosie a relevé que la décision de l’autorité compétente de retirer l’agrément lui permettant d’exercer
l’activité d’assureur n’impliquait pas une liquidation simultanée et automatique de cette société.

54. Il découle de ce qui précède que la décision de l’autorité compétente de retirer l’agrément et de nommer un liquidateur provisoire ne constitue pas une « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation » au sens de l’article 268, paragraphe 1, sous d), de la directive 2009/138, sauf lorsque (comme prévu par cette dernière disposition) la législation nationale prévoit soit que le liquidateur provisoire est habilité à réaliser les actifs de l’entreprise d’assurance concernée et à distribuer le
produit parmi les créanciers, soit que le retrait de l’agrément a l’effet d’ouvrir automatiquement la procédure de liquidation, sans qu’une décision séparée à cette fin et provenant d’une autre autorité soit nécessaire.

55. Bien que la question posée par la juridiction nationale ne porte que sur l’ouverture d’une procédure de liquidation, il convient également de souligner que, conformément à l’article 268, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/138, la notion de « mesures d’assainissement » renvoie à des « mesures comportant une intervention des autorités compétentes, qui sont destinées à préserver ou à rétablir la situation financière d’une entreprise d’assurance et qui affectent les droits préexistants de
parties autres que l’entreprise d’assurance elle‑même, y compris, mais pas uniquement, les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances ». Il s’ensuit donc qu’une décision qui remplit les trois conditions suivantes doit être considérée comme une mesure d’assainissement au sens du titre IV de la directive 2009/138, à savoir :

– cette décision a été adoptée par les autorités compétentes, à savoir, conformément à l’article 268, paragraphe 1, sous a), de cette directive, les autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour les mesures d’assainissement ou les procédures de liquidation ;

– elle vise à préserver ou à rétablir la situation financière de l’entreprise d’assurance ;

– elle affecte des droits préexistants des parties autres que l’entreprise d’assurance elle-même.

56. Dans l’affaire au principal, certains éléments du dossier de la Cour laissent entendre que, premièrement, la décision de nomination d’un liquidateur provisoire a été adoptée par une autorité qui est également compétente pour adopter des mesures d’assainissement. Deuxièmement, une telle décision vise à garantir le maintien des actifs de la société. Troisièmement, cette décision affecte non seulement la gestion des affaires de l’entité, mais également les droits préexistants de parties autres que
l’entreprise d’assurance elle-même. En effet, selon l’article 220 de la loi sur les sociétés, aucune action ne peut être intentée ou maintenue contre la société après la désignation d’un liquidateur provisoire, sauf en cas d’autorisation de la juridiction compétente. Par conséquent, la décision de nommer un liquidateur provisoire pourrait tout à fait constituer une mesure d’assainissement au sens de l’article 268, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/138. Il appartient toutefois à la
seule juridiction de renvoi de procéder à cette appréciation.

57. Si tel est le cas, l’article 269, paragraphe 4, de la directive 2009/138 prévoit que les autres États membres et, par extension, leurs autorités judiciaires, reconnaissent les effets produits par une telle mesure en vertu de la législation de l’État membre d’origine, même si ses autorités compétentes n’ont informé les autorités des autres États membres ni de l’adoption de cette mesure ni de ses effets, comme l’exige l’article 270 de cette directive.

58. Si la décision en cause au principal de retirer l’agrément d’une entreprise d’assurance et de désigner un liquidateur provisoire devait être qualifiée, eu égard à l’effet que la législation de l’État membre d’origine attache à celle-ci, de mesure d’assainissement ou de décision d’ouverture d’une procédure de liquidation, les autres États membres seraient alors tenus, conformément, respectivement, à l’article 269, paragraphe 4, et à l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138, de
reconnaître les effets que la loi de l’État membre d’origine attache à de telles décisions.

59. Certes, l’article 292 de la directive 2009/138 prévoit que « [l]es effets des mesures d’assainissement ou de la procédure de liquidation sur une instance en cours concernant un actif ou un droit dont l’entreprise d’assurance est dessaisie sont régis exclusivement par le droit de l’État membre dans lequel l’instance est en cours ». Toutefois, dans la présente affaire, la procédure au principal ne porte pas sur un actif ou sur un droit dont l’entreprise d’assurance a déjà été dessaisie ( 19 ).

60. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre à la première question que l’article 274 de la directive 2009/138 devrait être interprété en ce sens qu’une décision d’une autorité d’un État membre de retirer l’agrément d’une entreprise d’assurance et de désigner un liquidateur provisoire ne constitue pas une « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation » au sens de cette directive, sauf si la législation nationale prévoit que ce liquidateur provisoire est en droit de
réaliser les actifs de cette entreprise et de répartir le produit entre les créanciers ou que le retrait de l’agrément entraîne automatiquement l’ouverture d’une procédure de liquidation, sans que l’adoption d’une autre décision soit nécessaire à cette fin.

61. Si une telle décision ne peut être qualifiée de décision d’ouvrir une procédure de liquidation, mais que son adoption vise à garantir le maintien des actifs de la société et exclut l’introduction ou le maintien de toute action ou procédure contre l’entreprise d’assurance, sauf sur autorisation de la juridiction compétente, une telle décision doit être qualifiée de mesure d’assainissement au sens du titre IV de la directive 2009/138.

62. Si une décision peut être considérée comme une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation ou comme une mesure d’assainissement au sens du titre IV de la directive 2009/138, cette décision est reconnue sans autre formalité dans l’ensemble de l’Union.

2. Sur la seconde question préjudicielle

63. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la loi de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, qui prévoit la suspension de toute procédure judiciaire à l’encontre de cette société en cas de retrait de son agrément et de désignation d’un liquidateur provisoire, doit être appliquée par les juridictions des autres États membres, même si leur propre législation ne contient pas une telle règle.

64. Il découle de la réponse à la première question que, pour que les autres États membres soient tenus, en vertu de la directive 2009/138, de suspendre leur procédure judiciaire en raison de l’adoption d’une décision par l’État membre d’origine, il est nécessaire, d’une part, que cette décision constitue soit une mesure d’assainissement, soit une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation au sens du titre IV de cette directive et, d’autre part, que la législation de l’État membre d’origine
prévoie la suspension, en cas d’adoption d’une telle décision, de toute procédure judiciaire contre l’entreprise concernée. En effet, conformément à l’article 269, paragraphe 4, et à l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138, les États membres sont tenus de reconnaître les effets attachés par la législation de l’État membre d’origine à ces deux types de décisions. Ainsi, bien que la juridiction de renvoi n’ait pas précisé les dispositions dont elle demande l’interprétation, le
dossier de la Cour permet de déduire que ces dispositions sont l’article 269, paragraphe 4, et l’article 273, paragraphe 2, de cette directive.

65. Dans ce cadre, je comprends que la seconde question a été posée à la Cour parce que la procédure au principal porte sur un litige entre deux particuliers ( 20 ). En effet, une directive étant un acte qui s’adresse aux États membres et qui doit être transposé par ceux-ci dans leur droit national, les dispositions d’une directive ne sauraient avoir d’effet direct que si elles sont claires, précises et inconditionnelles et si l’État membre n’a pas correctement transposé ces dispositions dans les
délais. Même lorsque ces conditions sont remplies, une directive ne peut, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci ( 21 ). En effet, étendre l’invocabilité d’une disposition d’une directive non transposée, ou incorrectement transposée, au domaine des rapports entre les particuliers reviendrait à reconnaître à l’Union le pouvoir d’édicter avec effet immédiat des obligations à la charge des
particuliers alors qu’elle ne détient cette compétence que là où lui est attribué le pouvoir d’adopter des règlements ( 22 ).

66. Dès lors, même une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive visant à conférer des droits ou à imposer des obligations aux particuliers ne saurait trouver application en tant que telle dans le cadre d’un litige qui oppose exclusivement des particuliers ( 23 ).

67. La Cour a toutefois admis des situations qui, sans constituer des exceptions, ne relèvent tout simplement pas de ce principe, soit parce que le litige en cause ne constitue pas, à proprement parler, un litige entre particuliers, soit en raison de l’interposition d’une règle nationale ou de l’Union qui est dotée d’effet direct et dont les particuliers peuvent se prévaloir.

68. Premièrement, une disposition d’une directive est susceptible de s’appliquer dans le cadre d’un litige entre personnes privées lorsque l’une de ces personnes, qui est soumise à l’autorité de l’État, exerce une mission d’intérêt général et est investie de pouvoirs exorbitants par rapport au droit commun ( 24 ). En effet, dans la mesure où, dans cette situation, une telle personne ne saurait être assimilée à une personne physique ordinaire, la directive peut lui imposer des obligations. Or, en
l’espèce, cette situation ne se présente pas, puisque les compagnies d’assurance ne sont, en principe, investies d’aucune prérogative de puissance publique et ne peuvent donc être considérées comme des organismes publics à cet effet.

69. Deuxièmement, ainsi que l’illustre le récent arrêt de la Cour dans l’affaire Smith, une disposition d’une directive peut être prise en considération dans un litige entre particuliers lorsqu’elle concrétise les conditions d’application d’un principe général du droit de l’Union ou d’un droit fondamental pouvant être directement invoqué ( 25 ). De fait, dans une telle situation, selon la jurisprudence de la Cour, ce n’est pas la directive elle-même qui impose des obligations aux particuliers, mais
le principe général ou ce droit fondamental, tel que concrétisé par cette directive.

70. Pour ce qui nous intéresse ici, il n’est pas nécessaire d’examiner cette ligne de jurisprudence ni, dans les affaires où la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») est invoquée, la mesure dans laquelle celle-ci est conforme aux restrictions spécifiques imposées à son champ d’application par l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Même si cette ligne de jurisprudence est correcte en ce qu’elle suggère que certains principes généraux ou certains droits
fondamentaux du droit de l’Union pourraient conduire à imposer ce qui est en substance une forme d’effet direct horizontal des directives, le seul argument susceptible d’être soulevé dans la présente affaire en ce sens est celui selon lequel l’article 269, paragraphe 4, ou l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 pourraient concrétiser l’exigence de coopération loyale entre États membres, énoncée au premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, TUE ( 26 ). Ce dernier principe ne fait
toutefois pas naître d’obligation à la charge des États membres ( 27 ). Par conséquent, même si la Cour renvoie parfois au principe de coopération loyale pour souligner l’importance du respect d’une disposition du droit de l’Union ( 28 ), ce principe ne saurait servir à justifier l’application des dispositions d’une directive non transposée dans un litige entre particuliers. S’il en allait autrement, l’article 4, paragraphe 3, TUE pourrait être invoqué dans presque tous les cas pour imposer ce
qui pourrait constituer en pratique une forme d’effet direct horizontal.

71. En toute hypothèse, le principe de coopération qui pourrait ainsi être soulevé dans la présente affaire est celui relatif non pas aux relations entre un État membre et l’Union, mais aux relations entre les États membres. Or, dans ce cas de figure, le principe de coopération n’a pas pour objet de poser une règle juridique opérante comme telle, mais se borne à tracer le cadre d’une négociation que les États membres engageront entre eux « en tant que de besoin » ( 29 ).

72. Troisièmement, même si une directive ne peut jamais, par elle-même, créer d’obligations à la charge d’un particulier, le caractère contraignant que celle-ci acquiert après l’expiration du délai de mise en œuvre entraîne pour les autorités nationales l’obligation d’interpréter leur droit interne d’une manière qui soit conforme avec ladite directive ( 30 ). Dès lors, afin d’assurer la protection juridique découlant, pour les particuliers, des dispositions du droit de l’Union, en appliquant le
droit national, les juridictions nationales appelées à l’interpréter sont tenues de prendre en considération l’ensemble des règles de ce droit et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues afin de l’interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat fixé par celle-ci ( 31 ).

73. Ici, bien entendu, l’expression « dans toute la mesure du possible » est cruciale. Le principe voulant que le droit national soit interprété conformément au droit de l’Union est limité par certains autres principes généraux du droit, notamment celui de la sécurité juridique. L’obligation pour le juge national de se référer au droit de l’Union lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de
fondement à une interprétation contra legem du droit national.

74. Il convient également de rappeler que les particuliers et les entités privées ont le droit de régler leurs affaires par référence à la législation nationale en vigueur dans chaque État membre. Ils ne devraient pas être tenus responsables du fait, le cas échéant, qu’un État membre donné n’a pas satisfait à son obligation de transposer une directive déterminée de la manière que celle-ci impose, ni subir les conséquences juridiques d’un tel manquement. Un principe essentiel de tout système
juridique ordonné, comme celui de l’Union, est qu’il devrait exister un lien entre la responsabilité personnelle et la responsabilité juridique. C’est également une autre des raisons pour lesquelles, en vertu des principes fondamentaux et d’une justice élémentaire, une directive ne devrait pas se voir reconnaître un effet direct horizontal à l’encontre d’une entité privée et non étatique, précisément parce que les manquements d’un État membre en matière de transposition d’une directive ne
devraient pas avoir de conséquences pour un tiers innocent qui n’a aucune responsabilité à cet égard.

75. Tout cela signifie qu’une juridiction nationale ne saurait et ne devrait pas, en pratique, réécrire un texte législatif national par le truchement d’une interprétation conforme, car cela porterait atteinte au processus législatif national. Le fait que la loi n’émane que des représentants élus des États membres de l’Union dans leurs propres systèmes parlementaires et législatifs est, bien entendu, un pilier de la nature démocratique de ces États. Ainsi, une directive ne saurait être invoquée dans
un litige entre particuliers afin d’écarter la législation d’un État membre contraire à cette directive ( 32 ).

76. En l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si sa législation nationale peut être interprétée, à la lumière de ces principes, comme prévoyant la suspension de toute procédure judiciaire contre cette société en cas de retrait de son agrément et de nomination d’un liquidateur provisoire.

77. Je propose donc de répondre à la seconde question que l’article 269, paragraphe 4, et l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 doivent être interprétés en ce sens que, dans un litige opposant deux particuliers, la loi de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, qui prévoit la suspension de toute procédure judiciaire contre cette société en cas de retrait de son agrément et de nomination d’un liquidateur provisoire, ne doit pas être appliquée par les juridictions des
autres États membres si leur législation ne contient pas une telle règle, sauf, premièrement, si ce retrait ou cette nomination constituent soit une mesure d’assainissement, soit une décision d’ouvrir une procédure de liquidation au sens du titre IV de ladite directive et, secondement, si la législation de ces autres États membres peut légitimement être interprétée comme autorisant cette suspension, ce qui nécessite qu’une telle interprétation ne soit pas contra legem.

V. Conclusion

78. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) de la manière suivante :

1) L’article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) devrait être interprété en ce sens qu’une décision d’une autorité d’un État membre de retirer l’agrément d’une entreprise d’assurance et de nommer un liquidateur provisoire ne constitue pas une « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation » au sens de cette directive, sauf si la législation
nationale prévoit que ce liquidateur provisoire est en droit de réaliser les actifs de cette entreprise et de répartir le produit entre les créanciers ou que le retrait de l’agrément entraîne automatiquement l’ouverture d’une procédure de liquidation, sans que l’adoption d’une autre décision soit nécessaire à cette fin.

Si une telle décision ne peut être qualifiée de décision d’ouvrir une procédure de liquidation, mais que son adoption vise à garantir le maintien des actifs de la société et exclut l’introduction ou le maintien de toute action ou procédure contre l’entreprise d’assurance, sauf sur autorisation de la juridiction compétente, une telle décision doit être qualifiée de mesure d’assainissement au sens du titre IV de la directive 2009/138.

Si une décision peut être considérée comme une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation ou comme une mesure d’assainissement au sens du titre IV de la directive 2009/138, cette décision est reconnue sans autre formalité dans l’ensemble de l’Union.

2) L’article 269, paragraphe 4, et l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 devraient être interprétés en ce sens que, dans un litige opposant deux particuliers, la loi de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, qui prévoit la suspension de toute procédure judiciaire contre cette société en cas de retrait de son agrément et de nomination d’un liquidateur provisoire, ne doit pas être appliquée par les juridictions des autres États membres si leur législation ne contient
pas une telle règle, sauf, premièrement, si ce retrait ou cette nomination constituent soit une mesure d’assainissement, soit une décision d’ouvrir une procédure de liquidation au sens du titre IV de ladite directive et, secondement, si la législation de ces autres États membres peut légitimement être interprétée comme autorisant cette suspension, ce qui nécessite qu’une telle interprétation ne soit pas contra legem.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2009, L 335, p. 1.

( 3 ) Voir, à cet égard, jugements rendus par le tribunal d’arrondissement de Nicosie, Unibrand Secretarial Services Limited v. Εταιρεία Tricor Limited (HE9769), demande no 310/13, 9 juillet 2015 (CY:EDLEF:2015:A282), et par le tribunal d’arrondissement de Limassol, AZOVMASHINVEST HOLDING LTD, demande no 380/14, 18 janvier 2017 (CY:EDLEM:2017:A18).

( 4 ) Voir, à cet égard, jugement rendu par le tribunal d’arrondissement de Nicosie, Tricor Limited, demande no 310/13, 13 janvier 2016 (CY:EDLEF:2016:A16).

( 5 ) Voir, à cet égard, jugement rendu par le tribunal d’arrondissement de Larnaca, Nίκο Κυριακίδη, Προσωρινό Παραλήπτη v. Assofit Holdings Limited, demande no 26/2012, 28 mai 2013 (CY:EDLAR:2013:A90).

( 6 ) Voir, à cet égard, jugements rendus par le tribunal d’arrondissement de Nicosie, Unibrand Secretarial Services Limited v. Εταιρεία Tricor Limited (HE9769), demande no 310/13, 9 juillet 2015 (CY:EDLEF:2015:A282), et Tricor Limited, demande no 310/13, 13 janvier 2016 (CY:EDLEF:2016:A16). Voir également, à cet égard, article 233 de la Peri Etairion Nomos (loi sur les sociétés).

( 7 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 20 mai 2010, Ioannis Katsivardas – Nikolaos Tsitsikas (C‑160/09, EU:C:2010:293, point 27).

( 8 ) Mise en italique par mes soins.

( 9 ) La jurisprudence a donné une portée assez large à la notion de « formalité » utilisée à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15) et dont le libellé est similaire à celui de l’article 269, paragraphe 4, et de l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138. Voir arrêt du 24 octobre 2013, LBI
(C‑85/12, EU:C:2013:697, point 40).

( 10 ) Voir, par analogie, en ce qui concerne la portée du principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale, arrêt du 6 décembre 2018, IK (Exécution d’une peine complémentaire) (C‑551/18 PPU, EU:C:2018:991, point 51). Si certains instruments de l’Union concernant la reconnaissance des décisions de justice confèrent aux juridictions de l’État membre d’origine une compétence matérielle exclusive dans certains domaines ou lient les juridictions saisies de la demande en ce qui concerne les
constatations de fait pour lesquelles le juge d’origine a établi sa compétence, le juge de l’État d’accueil reste néanmoins compétent pour apprécier si une situation relève ou non du champ d’application de ces instruments.

( 11 ) Voir, à cet égard, arrêts du 20 mai 2010, Ioannis Katsivardas – Nikolaos Tsitsikas (C‑160/09, EU:C:2010:293, point 24), et du 16 juillet 2015, Abcur (C‑544/13 et C‑545/13, EU:C:2015:481, point 34).

( 12 ) Voir article 227, paragraphe 2, de la loi sur les sociétés.

( 13 ) Voir, à cet égard, jugements rendus par le tribunal d’arrondissement de Nicosie, Unibrand Secretarial Services Limited v. Εταιρεία Tricor Limited (HE9769), demande no 310/13, 9 juillet 2015 (CY:EDLEF:2015:A282), et Tricor Limited, demande no 310/13, 13 janvier 2016 (CY:EDLEF:2016:A16), ainsi que Poiitis, A., Η εκκαθάριση Εταιρειών, 2e éd., Larnaca, 2015, p. 89.

( 14 ) Pour cette raison, l’article 273, paragraphe 3, de la directive 2009/138 prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation, les autorités de l’État membre d’origine compétentes aux fins d’une telle procédure doivent, avant l’ouverture de cette procédure, en informer, lorsque cela est possible, les autorités de contrôle de cet État membre, c’est-à-dire les autorités compétentes pour retirer l’agrément.

( 15 ) Voir, à cet égard, considérant 119 de la directive 2009/138.

( 16 ) En outre, conformément à ces dispositions, les conditions d’adoption de la première sont harmonisées, alors que les conditions d’adoption des secondes relèvent de la compétence des États membres.

( 17 ) Mise en italique par mes soins.

( 18 ) À cet égard, conformément à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2009/138, l’agrément est donné pour une branche particulière d’assurance directe ou même pour une partie des risques relevant de cette branche. Étant donné que la même compagnie d’assurance peut avoir reçu plusieurs agréments, le retrait d’un agrément pour une branche donnée ne signifie pas nécessairement qu’elle ne peut plus réaliser son objet social. Certes, lorsque l’agrément est retiré pour la raison particulière que
l’entreprise d’assurance n’a pas satisfait aux exigences de solvabilité, un retrait de l’agrément qui ne serait pas suivi de l’ouverture d’une procédure de liquidation pourrait paraître illogique de prime abord. En effet, ainsi qu’il découle des articles 101 et 129 de la directive 2009/138, les exigences de solvabilité sont calculées globalement au regard de toutes les branches d’activité de l’entreprise d’assurance. Par conséquent, lorsque l’entreprise ne satisfait pas à l’exigence de solvabilité
prévue par cette directive, cela entraîne en principe le retrait de tous les agréments qui lui ont été donnés. Étant donné que, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, les activités des entreprises d’assurance sont, en principe, limitées aux activités d’assurance et aux opérations qui en découlent directement, l’entreprise concernée pourrait alors ne plus être en mesure de répondre à son objet social. Néanmoins, comme le souligne le considérant 128 de la même
directive, il est clair que le législateur de l’Union a délibérément choisi de ne pas exiger des États membres qu’ils prévoient que le retrait de tous les agréments donnés à une société d’assurance entraîne automatiquement sa liquidation, peut-être parce que l’on ne saurait exclure que la société soit renflouée par la suite.

( 19 ) À cet égard, il est intéressant d’observer que, en particulier dans l’arrêt du 24 octobre 2013, LBI (C‑85/12, EU:C:2013:697, point 53), la jurisprudence a interprété l’article 32 de la directive 2001/24, qui est formulé de manière identique à l’article 292 de la directive 2009/138, en se fondant sur le considérant 30 de la directive 2001/24. Toutefois, si l’article 32 de la directive 2001/24 est exactement formulé comme l’article 292 de la directive 2009/138, le considérant 130 de la
directive 2009/138, à la différence du considérant 30 de la directive 2001/24, n’établit pas de distinction entre les instances en cours et les actions en exécution forcée individuelles découlant de ces instances, mais semble, au contraire, les prendre en considération ensemble. Au vu de ce considérant et du libellé de l’article 292 de la directive 2009/138, il apparaît que, sous l’empire de cette directive, le critère décisif est celui de savoir si la procédure actuelle porte sur un actif que
l’entreprise a déjà cédé matériellement.

( 20 ) Dans la présente affaire, je relève que la juridiction de renvoi a suspendu la procédure au principal à l’encontre du défendeur. Toutefois, on ne saurait déduire de cette seule circonstance que la seconde question est hypothétique. En effet, cette suspension a été décidée au motif qu’une procédure de liquidation avait été ouverte à l’encontre de la partie défenderesse et non que la désignation d’un liquidateur provisoire constitue, en vertu du droit chypriote, une mesure d’assainissement.
Étant donné la réponse qu’il est proposé de donner à la première question et dans la mesure où il ne saurait être exclu que le droit bulgare, tel qu’interprété par les juridictions de cet État membre, ne permet pas de suspendre une procédure engagée contre une compagnie d’assurance en cas de mesures d’assainissement au sens de l’article 268, paragraphe 1, sous c), de la directive 2009/138, il apparaît nécessaire de répondre à la seconde question.

( 21 ) Voir, notamment, arrêts du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, point 31), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 42). Étant donné que, conformément à l’article 309, paragraphe 1, de la directive 2009/138, le délai de transposition de celle-ci était fixé au 31 mars 2015, ces conditions peuvent être considérées comme remplies en l’espèce.

( 22 ) Voir, notamment, arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 66). Lorsque l’Union peut choisir entre adopter une directive et adopter un règlement, le fait que le législateur ait choisi d’adopter une directive implique nécessairement que celui-ci a entendu ainsi exclure que les dispositions mises en œuvre puissent produire un effet direct horizontal.

( 23 ) Voir arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 43).

( 24 ) Voir arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 45).

( 25 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, points 46 à 48).

( 26 ) Certes, les mesures d’assainissement ou de liquidation visent à protéger l’entreprise concernée contre un risque de faillite et à désintéresser ses créanciers dans toute la mesure du possible. Toutefois, on ne saurait en déduire que des dispositions telles que l’article 269, paragraphe 4, ou l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 concrétisent des droits fondamentaux tels que la liberté d’entreprise, prévue à l’article 16 de la Charte, ou le droit de propriété, auquel
l’article 17 de ladite Charte renvoie. En effet, ainsi qu’il ressort clairement de ses articles 269, 273 et 274, la directive 2009/138 vise à assurer la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation, sans harmoniser les règles de fond relatives à l’une ou à l’autre de ces deux procédures. Par conséquent, ce n’est pas la directive 2009/138 qui est susceptible de concrétiser ces droits, mais le droit des États membres.

( 27 ) Voir, notamment, arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 57 et jurisprudence citée).

( 28 ) Voir, notamment, arrêt du 3 mars 2016, Commission/Malte (C‑12/14, EU:C:2016:135, point 37). Toutefois, le principe de coopération loyale n’autorise pas un État membre à contourner les obligations qui lui sont imposées par le droit de l’Union [arrêt du 18 octobre 2016, Nikiforidis (C‑135/15, EU:C:2016:774, point 54)], notamment le fait que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’une directive impose des obligations juridiques à une personne privée.

( 29 ) Voir, par analogie, arrêt du 26 mai 2016, NN (L) International (C‑48/15, EU:C:2016:356, point 38).

( 30 ) Cette obligation n’est pas non plus une exception au principe selon lequel une directive ne peut pas imposer d’obligations aux particuliers. En effet, dans une telle situation, l’obligation sera imposée aux particuliers en raison non pas de cette directive en tant que telle, mais de la législation nationale, puisque c’est par cette dernière que la directive est appliquée.

( 31 ) Arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 39).

( 32 ) Voir, à cet égard, arrêts du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 32), et du 22 janvier 2019, Cresco Investigation (C‑193/17, EU:C:2019:43, point 73).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-427/19
Date de la décision : 16/07/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sofiyski rayonen sad.

Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Article 274 – Droit applicable à la procédure de liquidation des entreprises d’assurance – Retrait de l’agrément d’une compagnie d’assurance – Désignation d’un liquidateur provisoire – Notion de “décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance” – Absence de décision juridictionnelle d’ouvrir la procédure de liquidation dans l’État membre d’origine – Suspension des procédures juridictionnelles à l’égard de l’entreprise d’assurance concernée dans les autres États membres que l’État membre d’origine de celle-ci.

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Parties
Demandeurs : Bulstrad Vienna Insurance Group АD
Défendeurs : Olympic Insurance Company Ltd.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:589

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