La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2019 | CJUE | N°C-262/18

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 19 décembre 2019., Commission européenne et République slovaque contre Dôvera zdravotná poistʼovňa a.s., 19/12/2019, C-262/18


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 19 décembre 2019 ( 1 )

Affaires jointes C‑262/18 P et C‑271/18 P

Commission européenne

contre

Dôvera zdravotná poist'ovňa a.s. (C‑262/18 P)

et

République slovaque

contre

Dôvera zdravotná poist'ovňa a.s.,

(C‑271/18 P)

« Pourvoi – Aides d’État – Organismes d’assurance maladie – Notion d’“entreprise” – Appréciations économiques complexes – Portée du con

trôle juridictionnel du Tribunal – Notion d’“activité économique” – But lucratif poursuivi par d’autres entités opérant au sein du système de sécurité sociale – Concurrence sur la qua...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 19 décembre 2019 ( 1 )

Affaires jointes C‑262/18 P et C‑271/18 P

Commission européenne

contre

Dôvera zdravotná poist'ovňa a.s. (C‑262/18 P)

et

République slovaque

contre

Dôvera zdravotná poist'ovňa a.s.,

(C‑271/18 P)

« Pourvoi – Aides d’État – Organismes d’assurance maladie – Notion d’“entreprise” – Appréciations économiques complexes – Portée du contrôle juridictionnel du Tribunal – Notion d’“activité économique” – But lucratif poursuivi par d’autres entités opérant au sein du système de sécurité sociale – Concurrence sur la qualité et sur l’offre des prestations d’assurance maladie »

Table des matières

  I. Les antécédents du litige
  II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
  III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
  IV. Les pourvois principaux
  A. Sur le premier moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tiré de la violation des limites du pouvoir de contrôle juridictionnel du Tribunal
  1. Arguments des parties
  2. Appréciation
  3. Conclusion sur le premier moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P
  B. Sur le premier moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le quatrième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés d’une violation de l’obligation de motivation
  1. Arguments des parties
  2. Appréciation
  3. Conclusion sur le premier moyen dans l’affaire C‑262/18 P et le quatrième moyen dans l’affaire C‑271/18 P
  C. Sur le deuxième moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le troisième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’« entreprise » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
  1. Arguments des parties
  2. Appréciation
  a) Observations liminaires
  b) Sur la pertinence de la poursuite d’un but lucratif par les autres entités opérant au sein du système de sécurité sociale aux fins de la qualification d’activité économique
  c) Sur l’existence d’un degré de concurrence suffisant pour justifier la qualification d’activité économique
  3. Conclusion sur le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P et le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P
  D. Sur le troisième moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le deuxième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés de la dénaturation de certains éléments de preuve
  1. Arguments des parties
  2. Appréciation
  3. Conclusion sur le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P et le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P
  V. Les pourvois incidents
  A. Arguments des parties
  B. Appréciation
  C. Conclusion sur les pourvois incidents dans les affaires C‑262/18 P et C‑271/18 P
  VI. Sur le recours devant le Tribunal
  VII. Sur les dépens
  VIII. Conclusion

1.  Par les présents pourvois, la Commission européenne et la République slovaque demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 février 2018, Dôvera zdravotná poist'ovňa/Commission (T‑216/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:64), par lequel celui-ci a accueilli le recours introduit par Dôvera zdravotná poisťovňa a.s. (ci-après « Dôvera ») tendant à l’annulation de la décision de la Commission C(2014) 7277 final concernant une série de mesures de soutien
financier que cet État membre avait mis en œuvre en faveur de Spoločná zdravotná poisťovňa a.s. (ci-après « SZP ») et Všeobecná zdravotná poisťovňa a.s. (ci-après « VšZP ») (ci-après la « décision litigieuse ») ( 2 ).

2.  Si cette affaire s’inscrit dans le contexte d’une riche jurisprudence portant sur la qualification d’« entreprise », aux fins de l’application des règles de concurrence du traité, d’entités opérant dans un système de sécurité sociale, elle donne à la Cour la possibilité de fournir des éclaircissements particulièrement bienvenus concernant notamment l’incidence sur cette qualification de la présence d’autres opérateurs au sein de ce système poursuivant un but lucratif. De surcroît, la Cour est
appelée à se prononcer pour la première fois à propos de la portée du contrôle juridictionnel sur les appréciations émises par la Commission dans le cadre de l’examen de la question de savoir si une entité doit être considérée comme une entreprise.

I. Les antécédents du litige

3. En 1994, le système slovaque d’assurance maladie est passé d’un système unitaire, avec une seule société d’assurance maladie publique, à un modèle mixte, dans lequel organismes publics et privés coexistent. En 2005, une réforme du système a notamment changé la forme juridique de tous les prestataires d’assurance, passant d’entités juridiques sui generis à des sociétés à responsabilité limitée. En 2007, une législation a imposé aux sociétés d’assurance, à compter du 1er janvier 2008, une
interdiction absolue de distribuer leurs bénéfices sous forme de dividendes. À la suite d’un arrêt de la Cour constitutionnelle slovaque déclarant cette interdiction inconstitutionnelle, la législation a été modifiée en juillet 2011 de sorte à permettre à ces sociétés de distribuer leurs bénéfices sous certaines conditions.

4. À l’heure actuelle, les résidents slovaques ont le choix entre trois organismes d’assurance maladie :

– les sociétés d’assurance publiques SZP et VšZP, lesquelles ont fusionné le 1er janvier 2010 ;

– la société d’assurance privée Dôvera et

– la société d’assurance privée Union zdravotná poisťovňa a.s. (ci‑après « Union »).

5. À la suite d’une plainte de Dôvera au sujet d’aides d’État présumées octroyées par la République slovaque à SZP et VšZP, la Commission a engagé, en date du 2 juillet 2013, la procédure formelle d’examen.

6. Le 15 octobre 2014, la Commission a adopté la décision litigieuse, qui constate que les mesures en cause ne constituent pas une aide d’État, au motif que l’activité d’assurance maladie obligatoire organisée et exercée en Slovaquie ne saurait être considérée comme une activité économique et que, dès lors, SZP et VšZP, en tant que bénéficiaires de ces mesures, ne sauraient être qualifiées d’« entreprises » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2015, Dôvera a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, à l’appui duquel elle a soulevé deux moyens. Par le premier moyen, cette société a, en substance, fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’« entreprise », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à deux égards. Premièrement, elle n’avait pas examiné si SZP et VšZP pouvaient être considérées comme
exerçant une quelconque activité économique, que ce soit au sein ou en dehors du système slovaque d’assurance maladie obligatoire, auquel cas elles auraient dû être qualifiées d’entreprises. Deuxièmement, elle avait considéré que la qualification d’« économique » de l’activité exercée par les sociétés actives dans le système slovaque d’assurance maladie dépend d’une pondération des éléments économiques et non économiques, alors que, selon ladite société, la présence d’un élément économique, quel
qu’il soit, dans un système d’assurance maladie suffit pour qualifier cette activité d’économique. Par le second moyen, Dôvera a, en substance, fait valoir que la Commission a commis des erreurs de droit et d’appréciation en considérant que, dans le régime d’assurance maladie slovaque, les éléments non économiques primaient sur les éléments économiques.

8. Sans examiner le premier moyen, le Tribunal a accueilli le second moyen et a, sur ce fondement, annulé la décision litigieuse.

9. Après avoir rappelé la jurisprudence relative à la notion d’« entreprise » ( 3 ), notamment celle portant sur les régimes de sécurité sociale, le Tribunal a vérifié si la Commission avait commis une erreur de droit en concluant que les éléments économiques du système slovaque d’assurance maladie obligatoire ne remettaient pas en cause les éléments non économiques de ce système ( 4 ). Aux fins de cet examen, le Tribunal a, avant tout, reconnu que le système en cause affichait, pour l’essentiel,
les éléments non économiques suivants :

– les organismes d’assurance maladie sont légalement contraints d’affilier tout résident slovaque qui en fait la demande et ne peuvent pas refuser d’assurer une personne en raison de son âge, de son état de santé ou de son risque de maladie ;

– il s’agit d’un système de cotisations obligatoires dont les montants sont fixés par la loi, en proportion des revenus des assurés, mais indépendamment des prestations perçues ou de l’aléa résultant, notamment, de l’âge ou de l’état de santé de l’assuré ;

– tous les assurés ont droit au même niveau minimal de prestations ;

– il existe un dispositif d’égalisation des risques, par lequel les organismes assurant des personnes à haut risque reçoivent des fonds des organismes ayant un portefeuille composé de personnes présentant des risques moindres ;

– les organismes d’assurance maladie sont soumis à une réglementation spéciale ; outre un statut, des droits et des obligations identiques, chaque organisme est constitué dans le but de mettre en œuvre l’assurance maladie publique et ne peut exercer d’activités autres que celles prévues par la loi ;

– les activités des organismes d’assurance maladie font l’objet d’un contrôle par un office de régulation qui veille au respect, par ces organismes, du cadre législatif décrit ci-dessus et intervient en cas d’infraction.

10. Le Tribunal a dès lors considéré, au point 58 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait « lieu d’approuver la conclusion de la Commission selon laquelle, en substance, le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire présentait des aspects sociaux, solidaires et réglementaires importants ».

11. Par la suite, le Tribunal a continué son analyse en prenant en compte les éléments économiques de ce système ( 5 ). En particulier, le Tribunal a considéré, en premier lieu, que la possibilité pour les sociétés d’assurance maladie de réaliser, utiliser et distribuer une partie de leurs bénéfices était susceptible de remettre en cause le caractère non économique de leur activité. Dans ce contexte, le constat qu’une telle possibilité était subordonnée au respect d’exigences strictes destinées à
garantir la pérennité du régime et la réalisation des objectifs sociaux et solidaires qui le sous-tendent n’était pas pertinent, étant donné que, en tout état de cause, la possibilité pour les sociétés d’assurance maladie slovaques de rechercher et de réaliser librement des profits démontre qu’elles poursuivent un but lucratif et, partant, que les activités qu’elles exercent sur le marché relèvent de la sphère économique.

12. En second lieu, le Tribunal a constaté l’existence d’une « certaine » concurrence sur la qualité et l’étendue de l’offre entre les différentes sociétés d’assurance maladie. À cet égard, il a considéré que, même si la concurrence présente au sein du régime slovaque d’assurance maladie obligatoire ne portait ni sur les prestations légales obligatoires ni sur le montant des cotisations, cette concurrence restait néanmoins « intense et complexe », en raison du fait que lesdits organismes étaient en
droit de compléter les prestations légales obligatoires par des prestations connexes gratuites et que les assurés étaient libres de choisir leur prestataire d’assurance maladie et d’en changer une fois par an ( 6 ).

13. Partant, eu égard au but lucratif poursuivi par ces organismes d’assurance maladie et à l’existence d’une « intense » concurrence sur la qualité et l’offre de services, le Tribunal a qualifié l’activité de fourniture d’assurance maladie en Slovaquie d’activité économique ( 7 ).

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

14. Par son pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P, la Commission, soutenue par la République de Finlande, demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué,

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ou, à titre subsidiaire, de statuer définitivement sur le litige et

– de réserver les dépens ou de condamner Dôvera et Union aux dépens.

15. La République slovaque demande à la Cour :

– d’accueillir le pourvoi et

– de condamner Dôvera et Union aux dépens ou de réserver les dépens.

16. Dôvera demande :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la Commission aux dépens.

17. Par son pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P, la République slovaque, soutenue par la République de Finlande, demande :

– d’annuler l’arrêt attaqué,

– de rejeter le recours ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et

– de condamner Dôvera et Union aux dépens ou de réserver les dépens.

18. La Commission demande :

– d’annuler l’arrêt attaqué,

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ou, à titre subsidiaire, de statuer définitivement sur le litige et

– de réserver les dépens ou de condamner Dôvera et Union aux dépens.

19. Dôvera et Union demandent :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la République slovaque aux dépens.

20. Par ses pourvois incidents dans les affaires C‑262/18 P et C‑271/18 P, Dôvera demande :

– d’annuler le point 58 de l’arrêt attaqué en ce qu’il énonce que Dôvera n’avait pas contesté l’affirmation selon laquelle le régime slovaque d’assurance maladie présenterait des « aspects sociaux, solidaires et réglementaires importants ».

21. Union demande :

– d’annuler le point 58 de l’arrêt attaqué en ce qu’il énonce que Dôvera n’avait pas contesté l’affirmation selon laquelle le régime slovaque d’assurance maladie présenterait des « aspects sociaux, solidaires et réglementaires importants » et

– de condamner la Commission aux dépens.

22. La République slovaque demande :

– de rejeter le pourvoi incident comme irrecevable et

– de condamner Dôvera aux dépens.

23. La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi incident comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué,

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ou, à titre subsidiaire, de statuer définitivement sur le litige et

– de réserver les dépens ou de condamner Dôvera et Union aux dépens.

24. Par décision du président de la Cour du 19 novembre 2018, les affaires C‑262/18 P et C‑271/18 P ont été jointes aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt.

25. La Commission, la République slovaque, Dôvera et Union ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 1er octobre 2019.

IV. Les pourvois principaux

26. À l’appui de leurs pourvois, la Commission et la République slovaque, soutenues par la République de Finlande, soulèvent, respectivement, trois et quatre moyens. Les trois moyens soulevés par la Commission correspondant, en substance, aux deuxième, troisième et quatrième moyens soulevés par la République slovaque, je les traiterai de manière jointe dans les présentes conclusions, après l’examen du premier moyen avancé par la République slovaque.

A.   Sur le premier moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tiré de la violation des limites du pouvoir de contrôle juridictionnel du Tribunal

1. Arguments des parties

27. La République slovaque estime que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a excédé le pouvoir de contrôle juridictionnel dont il dispose sur les décisions de la Commission en matière d’aides d’État en ce qu’il a soumis la question de savoir si l’activité d’assurance maladie obligatoire en cause constituait une activité économique à un contrôle entier. En effet, selon la République slovaque, cette question impliquerait indubitablement des appréciations économiques complexes pour lesquelles la
jurisprudence constante de la Cour aurait reconnu l’existence d’une large marge d’appréciation de la Commission. Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas respecté cette marge d’appréciation, mais aurait substitué sa propre appréciation économique à celle de la Commission.

28. Dôvera et Union soutiennent que ce moyen n’est pas fondé. À l’appui de leurs conclusions, elles font valoir que la question de savoir si l’activité d’assurance maladie obligatoire en Slovaquie constitue une activité économique ne requiert pas d’appréciations économiques complexes, mais un simple examen des faits. De telles évaluations ne se révéleraient en effet nécessaires que s’il s’agissait d’apprécier la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur au sens de l’article 107,
paragraphe 3, TFUE. En tout état de cause, l’appréciation effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué reviendrait au constat d’une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où le Tribunal aurait conclu que les éléments de preuve retenus dans la décision litigieuse n’étayaient pas les conclusions tirées dans cette décision.

2. Appréciation

29. À titre liminaire, il me semble nécessaire, dans le but de déterminer si le Tribunal a effectivement excédé son pouvoir de contrôle juridictionnel, de formuler quelques observations concernant les principes régissant l’intensité dudit contrôle dans le domaine des aides d’État.

30. Dans ce domaine, deux types de contrôle de la légalité des décisions de la Commission sont généralement exercés par le juge de l’Union: un contrôle entier, par lequel il substitue son appréciation à celle de la Commission, ou un contrôle restreint, d’une portée plus réduite ( 8 ). Dans ce dernier cas, la juridiction se limite « à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur
manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir » ( 9 ).

31. Selon une jurisprudence classique, le facteur dont la présence conduit le juge de l’Union à exercer un simple contrôle restreint, au lieu d’un contrôle entier, réside dans le caractère économique ou technique complexe des appréciations portées par la Commission dans la décision concernée ( 10 ). C’est l’exigence de reconnaître à la Commission une marge d’appréciation induite par ce caractère qui impose un contrôle juridictionnel de portée plus limitée.

32. Par conséquent, la première étape de l’analyse visant à déterminer la portée du contrôle auquel le juge de l’Union doit se livrer consiste à vérifier si les appréciations soumises à son examen doivent être qualifiées d’appréciations économiques complexes.

33. À cet égard, en l’absence d’une définition générale de la notion d’« appréciation économique complexe », la jurisprudence nous invite à répondre, avant tout, à la question de savoir si les appréciations de la Commission auxquelles cet examen se rapporte ont été effectuées dans le cadre de la notion d’aide d’État ou de la compatibilité avec le marché intérieur.

34. Dans ce dernier cas, il ne sera pas nécessaire de poursuivre l’analyse, en raison du fait que, ainsi que la Cour l’a constamment affirmé, l’examen de la compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE comporte nécessairement des appréciations économiques complexes ( 11 ).

35. En revanche, l’examen requis par l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne laisse, en principe, pas de marge pour de telles appréciations, étant donné que, selon une jurisprudence bien consolidée, la notion d’aide d’État présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs ( 12 ). Toutefois, la Cour a reconnu que cette notion peut, dans certains cas, commander des appréciations économiques complexes.

36. C’est précisément la question de savoir si les appréciations de la Commission concernant la qualification d’entreprise dans le cadre de la notion d’aide d’État peuvent relever d’un de ces cas que la Cour sera appelée à examiner pour trancher le premier moyen avancé par la République slovaque.

37. Dans son pourvoi, la République slovaque se limite à affirmer que, lorsque la Commission a vérifié si les sociétés opérant au sein du régime slovaque d’assurance maladie obligatoire relèvent de la notion d’« entreprise », elle a indubitablement eu recours à des appréciations économiques complexes. À l’appui de son argument, la République slovaque cite plusieurs décisions dans lesquelles la Cour a considéré que des appréciations effectuées par la Commission présentaient effectivement un tel
caractère. Si la Cour a reconnu que ces appréciations affichent un caractère économique complexe, il n’y a aucune raison, selon la République slovaque, pour que ce même caractère soit nié aux appréciations en cause dans les présentes affaires.

38. Afin de pouvoir m’exprimer quant au bien-fondé de cet argument, il me semble nécessaire d’identifier l’objet des appréciations en cause dans lesdites décisions ( 13 ) :

– dans l’affaire DSG/Commission ( 14 ), l’appréciation en cause de la Commission concernait la question de savoir si un investisseur privé aurait augmenté ou prorogé la ligne de crédit accordée à une société privée aux mêmes conditions que le gouvernement allemand, au vu de la situation financière et des perspectives de rentabilité de cette société ;

– dans l’affaire Espagne/Lenzing ( 15 ), l’appréciation en cause portait sur le point de savoir si un créancier privé s’était comporté de la même manière que les deux organismes publics espagnols concernés en ce qu’il aurait conclu un accord de réaménagement de dettes avec une société privée et n’aurait pas procédé au recouvrement forcé de ces dettes à la suite de la violation dudit accord de la part de la société en question, au vu d’une série de facteurs et de circonstances, notamment les
garanties attachées à ses créances et les perspectives de viabilité et rentabilité de la société débitrice ;

– dans l’affaire Chronopost et La Poste/UFEX e.a. ( 16 ), l’appréciation en cause concernait la question de savoir si la rémunération de l’assistance logistique et commerciale fournie par l’opérateur public français du secteur du courrier postal ordinaire à la société gestionnaire du courrier exprès, qu’il contrôlait indirectement, durant une période de dix ans, correspondait au comportement qui aurait été adopté, dans les mêmes conditions, par un investisseur privé ;

– dans l’affaire Commission/Scott ( 17 ), l’appréciation en cause concernait la question de savoir si le prix payé par une société pour un terrain vendu par les autorités publiques françaises correspondait au prix de vente qu’un vendeur privé aurait accepté ;

– dans l’affaire Land Burgenland e.a./Commission ( 18 ), l’appréciation en cause portait sur le point de savoir si les autorités publiques autrichiennes avaient agi de la même manière qu’un vendeur privé lorsqu’elles avaient vendu une banque régionale, non pas au plus offrant, mais à une autre partie, pour un prix d’achat nettement inférieur, au vu de diverses circonstances, notamment le degré de certitude de l’opération et les risques financiers associés.

39. Or, il ne fait guère de doute, selon moi, que la simple référence à cette série de décisions de la Cour n’est pas en soi susceptible de justifier d’attribuer un caractère économique complexe aux appréciations portant sur la qualification d’entreprises de SZP et VšZP, dès lors qu’aucune des appréciations considérées comme étant économiques complexes dans ces décisions ne vise à déterminer si l’entité bénéficiaire du soutien public relève de la notion d’« entreprise ».

40. En revanche, l’objet de toutes les appréciations économiques complexes en cause dans les décisions citées par la République slovaque est la vérification de l’existence d’un avantage au moyen de l’application du critère de l’opérateur privé en économie de marché dans ses différentes déclinaisons, à savoir les critères de l’investisseur privé, du créancier privé et du vendeur privé (ci-après le « critère de l’opérateur privé ») ( 19 ), ce qui ne me paraît pas surprenant, étant donné que, dans le
cadre du contrôle qu’elle est appelée à effectuer afin de déterminer si les conditions de l’existence d’une aide d’État sont réunies, la Cour n’a, à ma connaissance, reconnu le caractère économique complexe qu’aux appréciations concernant l’application dudit critère ( 20 ), en allant jusqu’à affirmer que cette application implique invariablement un tel caractère ( 21 ).

41. Pour le cas où, dans son pourvoi, la République slovaque arguerait implicitement que la conclusion quant au critère de l’opérateur privé devrait être appliquée par analogie au cas d’espèce, il convient de se demander si les considérations ayant conduit la Cour à reconnaître un caractère économique complexe à la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé sont transposables aux appréciations effectuées par la Commission pour déterminer si SZP et VšZP relèvent de la notion d’« entreprise »,
ainsi que la République slovaque l’estime.

42. Il convient d’identifier de telles considérations. Premièrement, au regard du caractère économique des appréciations concernées, il ne fait aucun doute que, puisqu’un opérateur privé agit en fonction des possibilités de rentabilité prévisible, abstraction faite de toute autre considération ( 22 ), la mise en œuvre d’un test de conformité avec son comportement implique nécessairement une analyse portant sur des données économiques. Deuxièmement, quant au caractère complexe desdites appréciations,
il s’explique, à mon sens, par le fait que le critère de l’opérateur privé ne requiert pas de constater des données économiques avérées, mais purement hypothétiques, dans la mesure où il s’agit d’une analyse ex ante des perspectives de rentabilité d’un agissement sur le marché ( 23 ). C’est précisément cet élément de prospective, de prévision économique, qui fonde, me semble-t-il, le caractère économique complexe des appréciations entraînées par l’application du critère de l’opérateur privé. Ce
constat me paraît d’ailleurs corroboré par un passage de l’arrêt Commission/Scott, dans lequel la Cour déduit notamment du fait que le terrain litigieux avait été vendu à la société privée concernée en l’absence tant d’une procédure d’offre inconditionnelle que d’une évaluation par un expert indépendant que « la tâche de la Commission était dès lors complexe et ne pouvait qu’aboutir à une estimation approximative de la valeur du marché du terrain litigieux » ( 24 ).

43. En résumé, il apparaît que le caractère économique complexe des appréciations portées par la Commission lors de la mise en œuvre du critère de l’opérateur privé est dû au fait que l’aléa inhérent à tout pronostic économique rende nécessaire un effort d’interprétation pour lequel le juge de l’Union n’est pas équipé, ce qui justifie de consentir à la Commission une marge d’appréciation ( 25 ).

44. Il va de soi que ces considérations ne peuvent pas être appliquées par analogie à des appréciations de la Commission, telles que celles visant à déterminer si une entité bénéficiaire du soutien public doit être considérée comme une entreprise au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui ne comportent aucun élément de pronostic économique.

45. Il convient alors de se demander si, malgré cela, lesdites appréciations, et plus particulièrement celles se rapportant à la qualification d’entreprise d’une entité opérant au sein d’un système de sécurité sociale, peuvent être considérées comme affichant un caractère économique complexe sur la base de considérations différentes de celles ayant fondé la reconnaissance d’un tel caractère dans le cas de l’application du critère de l’opérateur privé.

46. La réponse doit, à mon sens, être négative.

47. En effet, j’estime que ces appréciations de la Commission n’ont pas, en tout état de cause, un caractère économique complexe pour les raisons exposées ci-dessous.

48. J’observe d’abord que, ainsi qu’il ressortira de l’examen des moyens tirés d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’« entreprise » ( 26 ), la question de savoir si l’activité effectuée par une entité opérant au sein d’un système de sécurité sociale revêt un caractère économique et permet ainsi de qualifier cette entité d’entreprise implique la vérification de l’existence de certains éléments, tels que le caractère obligatoire ou facultatif de l’affiliation au régime de sécurité
sociale, la liberté ou l’absence de liberté quant à la fixation du montant des cotisations ou le rapport de dépendance ou d’indépendance entre ce montant et les prestations versées, dans le régime juridique national régissant l’exercice de l’activité de prestation du service de sécurité sociale concerné.

49. Or, il ne me semble pas douteux, tout d’abord, que les appréciations portant sur l’existence de ces éléments, qui ont pour objet le contenu de la législation nationale, ont un caractère éminemment juridique, et non pas économique.

50. Quant au caractère complexe, même si, dans les régimes « mixtes », ces appréciations impliquent une pondération d’éléments économiques et non économiques, je ne crois pas qu’un tel exercice soit à ce point complexe qu’il justifie d’accorder une marge d’appréciation à la Commission, comme en atteste le fait que la Cour a effectué elle-même ces appréciations dans les affaires préjudicielles qui ont donné lieu aux arrêts mentionnés aux points 115 et 120 des présentes conclusions.

51. Au vu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire, à mon sens, de se pencher sur le développement de ce moyen, par le biais duquel la République slovaque reproche au Tribunal de ne pas avoir établi l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission. Ce développement me paraît en effet dépendre du constat selon lequel la notion d’« entreprise » implique que la Commission procède à des appréciations économiques complexes, ce que je suggère de réfuter en l’espèce.

52. Partant, je pense que, en substituant, dans l’arrêt attaqué, sa propre appréciation à celle de la Commission à propos de la qualification d’entreprises de SZP et VšZP, le Tribunal n’a pas excédé les limites de son contrôle juridictionnel, telles que fixées par la jurisprudence pertinente.

3. Conclusion sur le premier moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P

53. Compte tenu de ce qui précède, je suggère à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P comme étant non fondé.

B.   Sur le premier moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le quatrième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés d’une violation de l’obligation de motivation

1. Arguments des parties

54. La Commission et la République slovaque, soutenues par la République de Finlande, font valoir que la motivation de l’arrêt attaqué est à la fois contradictoire et insuffisante. En particulier, cette motivation ne permettrait pas de comprendre quel critère juridique a été appliqué dans l’arrêt attaqué. En effet, tandis que le Tribunal aurait annulé la décision litigieuse en accueillant le second moyen du recours, relatif à la pondération des éléments économiques et non économiques, il résulterait
des points 58 et 63 à 69 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en réalité, appliqué le critère juridique proposé dans le cadre du premier moyen du recours, selon lequel la présence d’un élément économique, quel qu’il soit, dans un système d’assurance maladie, suffit pour qualifier d’économique l’activité exercée par les organismes actifs dans ce système.

55. La République slovaque ajoute que la motivation de l’arrêt attaqué ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal s’est écarté de la jurisprudence de la Cour, ni l’importance accordée par le Tribunal à la possibilité pour les organismes d’assurance maladie d’utiliser et distribuer une partie de leurs bénéfices ainsi qu’au degré limité de concurrence existante. Concernant les bénéfices, le Tribunal aurait notamment omis de prendre en compte le fait que l’une des mesures
faisant l’objet de la décision litigieuse était d’application à une période où il était interdit aux organismes d’assurance de distribuer des bénéfices. Quant au degré de concurrence existante, l’arrêt attaqué serait contradictoire, le Tribunal ayant considéré, d’une part, que ces sociétés ne se faisaient qu’« une certaine concurrence » et, d’autre part, que cette concurrence était « intense et complexe ».

56. Dôvera et Union rétorquent que la motivation de l’arrêt attaqué est suffisamment claire et précise. En particulier, il découlerait du point 54 de cet arrêt que le Tribunal n’a pas appliqué le critère juridique proposé par Dôvera dans le cadre de son premier moyen, mais a procédé à une pondération des différents éléments incorporés dans le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire. Dans ce cadre, le point 69 de l’arrêt attaqué ne constituerait qu’un obiter dictum, et il ressortirait
clairement des points 63 à 68 de cet arrêt que la qualification d’économique de l’activité exercée par les sociétés actives dans le système d’assurance maladie obligatoire était fondée sur la présence de deux éléments cumulatifs, à savoir l’existence d’une concurrence entre eux et la poursuite d’un but lucratif par les organismes autres que SZP et VšZP. Quant à l’utilisation et à la distribution des bénéfices réalisés par ces sociétés d’assurance maladie, les restrictions légales existantes
seraient habituelles pour des activités d’assurance et ne signifieraient pas que les activités en cause sont dépourvues de caractère économique. Par ailleurs, les constatations du Tribunal relatives au degré de concurrence existante seraient parfaitement cohérentes.

2. Appréciation

57. Les griefs autour desquels le présent moyen s’articule visent le caractère prétendument insuffisant ainsi que contradictoire de la motivation de l’arrêt attaqué. Il y a lieu de les examiner un par un.

58. Premièrement, en ce qui concerne le grief selon lequel le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt attaqué ainsi que la conclusion atteinte par celui-ci démontrerait que, même s’il a annulé la décision litigieuse en accueillant le second moyen de recours, il aurait, en réalité, appliqué le critère juridique proposé par la partie requérante dans le cadre de son premier moyen de recours, j’observe que ce grief est fondé sur la lecture des points 58 et 63 à 69 de l’arrêt attaqué, rappelée ci‑dessous.

59. En examinant le second moyen du recours, le Tribunal aurait confirmé, au point 58 de l’arrêt attaqué, la conclusion de la Commission selon laquelle le régime slovaque était essentiellement fondé sur la solidarité, et aurait accepté, au point 64 de cet arrêt, l’explication ultérieure de la Commission selon laquelle les caractéristiques économiques du régime slovaque d’assurance maladie obligatoire ont été introduites pour garantir la réalisation de ses objectifs sociaux et solidaires. Cela aurait
dû conduire le Tribunal à rejeter ce moyen, étant donné que le critère juridique appliqué par la Commission dans sa décision et accepté par la requérante en première instance dans le cadre de son second moyen de recours consiste à savoir si le régime en cause est essentiellement fondé sur la solidarité ou s’il présente essentiellement un caractère économique, et les déclarations du Tribunal aux points susvisés indiqueraient clairement que l’option correcte est la première. En revanche, au
point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ce moyen, et annulé la décision litigieuse sur la base du constat que la présence d’autres opérateurs poursuivant un but lucratif et l’existence d’une situation de concurrence dans le système slovaque d’assurance maladie obligatoire démontreraient la nature économique de l’activité exercée au sein d’un tel système. Ces deux éléments économiques seraient donc, à eux seuls, de nature à transformer la fourniture d’assurance maladie obligatoire en
Slovaquie en une activité économique, en dépit des aspects sociaux, solidaires et réglementaires prédominants.

60. Ce grief me paraît fondé sur la prémisse que le Tribunal aurait considéré, au point 58 de l’arrêt attaqué, que le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire présente des aspects sociaux, solidaires et réglementaires « prédominants ».

61. À cet égard, je relève que dans la version en langue de procédure de l’arrêt attaqué, à savoir la version en langue anglaise, le Tribunal a d’abord rappelé, au point 54, que la Commission avait conclu que les caractéristiques sociales, solidaires et réglementaires dudit régime sont prédominantes (predominant). Par la suite, au point 55 de cet arrêt, il a observé, me semble-t-il, que ce qu’il ressort en réalité de l’exposé de ces caractéristiques dans la décision litigieuse est qu’elles sont
« importantes » (significant). Enfin, aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a vérifié, par l’identification desdites caractéristiques, l’exactitude de ce dernier constat, et est ainsi parvenu à une réponse positive au point 58 de cet arrêt.

62. Or, bien que le point 58 de l’arrêt attaqué qualifie les aspects sociaux, solidaires et réglementaires de « prédominants » (predominant), il ne fait guère de doute, à mon sens, que, puisqu’il vise à étayer le constat du point 55 dudit arrêt, il doit être compris comme qualifiant ces aspects d’« importants » (significant), ce qui est d’ailleurs corroboré par la version en langue française de l’arrêt attaqué. Au point 58 de cette version linguistique apparaît en effet le terme « importants »,
regrettablement traduit par le terme « predominant » (prédominants) dans la version en langue anglaise de l’arrêt.

63. En outre et surtout, la qualification de ces éléments de « prédominants » ne serait nullement compatible avec la dernière phrase du point 58 de l’arrêt attaqué lui-même (« that finding is not challenged by the applicant »), dès lors qu’il est constant qu’une telle caractérisation du régime slovaque d’assurance maladie obligatoire avait été expressément réfutée par Dôvera à maintes reprises au cours de la procédure de première instance.

64. Certes, le point 58 de l’arrêt attaqué se présente comme une approbation des conclusions de la décision litigieuse (« In the light of those various factors, it is necessary to uphold the Commission's conclusion that, in essence, the Slovak compulsory health insurance scheme had predominant social, solidarity and regulatory features » ( 27 )), décision dans laquelle la Commission avait à plusieurs reprises conclu au caractère prédominant des éléments non économiques en question. Cependant,
l’ajout, dans le texte de ce point, de l’expression « in essence » (en substance) fait apparaître, d’après moi, que cette conclusion est approuvée par le Tribunal dans la mesure où elle vise l’existence de ces éléments, et non pas les conséquences que cette existence entraîne pour le degré de solidarité du régime slovaque d’assurance maladie obligatoire aux fins de la caractérisation de l’activité exercée au sein de ce régime comme économique.

65. Partant, si l’on accepte que, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à relever que les éléments non économiques de ce régime étaient « importants », je ne vois pas comment la motivation qu’il a fournie pourrait être réputée comme étant contradictoire.

66. En effet, puisque le Tribunal n’a pas confirmé la conclusion de la Commission selon laquelle le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire était essentiellement fondé sur la solidarité, mais a simplement reconnu, dans le cadre de la mise en œuvre du critère juridique de la pondération des éléments économiques et non économiques du régime, que celui-ci présentait des éléments non économiques « importants », sa conclusion selon laquelle, eu égard aux éléments économiques examinés aux
points 63 à 67 de l’arrêt attaqué, l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire en Slovaquie était une activité économique, est, selon moi, pleinement cohérente avec sa prémisse.

67. Dans ces conditions, le présent grief doit, à mon avis, être rejeté.

68. Deuxièmement, concernant le grief, qui me paraît distinct du précédent, selon lequel le point 69 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où il stipule que la présence d’organismes d’assurance maladie poursuivant un but lucratif transforme SZP et VšZP « par effet de contagion » en entreprises, doit être lu en ce sens que cet élément est suffisant, à lui seul, pour conclure à la nature économique de l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire en Slovaquie, il n’emporte pas ma conviction.

69. Avant de commencer l’analyse, il convient de reproduire intégralement ledit point. Le Tribunal y déclare que « cette conclusion [selon laquelle l’activité en cause a une nature économique] ne saurait être remise en cause, quand bien même il serait soutenu que SZP et VšZP ne poursuivaient pas un but lucratif. Certes, lorsque les organismes dont l’activité est examinée sont dépourvus d’un tel but, mais disposent d’une marge de liberté pour se faire une certaine concurrence afin d’attirer les
assurés, cette concurrence n’est pas automatiquement de nature à remettre en cause la nature non économique de leur activité, notamment lorsque cet élément de concurrence a été introduit afin d’inciter les caisses de maladie à exercer leur activité selon les principes d’une bonne gestion (arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a., C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, point 56). Toutefois, il ressort de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus que la circonstance que
l’offre de biens et de services soit faite sans but lucratif ne fait pas obstacle à ce que l’entité qui effectue ces opérations sur le marché soit considérée comme une entreprise, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif. Il s’ensuit que ce n’est pas le seul fait de se trouver en situation de concurrence sur un marché donné qui détermine le caractère économique de l’activité, mais plutôt la présence, sur ledit marché,
d’opérateurs poursuivant un but lucratif. Or, tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où il est constant entre les parties que les autres opérateurs du marché en cause poursuivent effectivement un but lucratif, de sorte que SZP et VšZP devraient, par effet de contagion, être considérées comme des entreprises ».

70. Si l’on se limitait à un examen purement formel, on pourrait souscrire à l’interprétation de la Commission et de la République slovaque. J’observe, en effet, que le Tribunal a, d’une part, dressé les constats figurant au point 69 de l’arrêt attaqué après avoir jugé, au point 68 de cet arrêt, que la nature économique de l’activité en cause s’expliquait par l’existence d’une concurrence sur la qualité et sur l’offre de services et la présence d’autres opérateurs poursuivant un but lucratif, ce qui
pourrait être entendu comme témoignant de son intention de préciser une telle conclusion en ce sens que la seule poursuite d’un but lucratif par d’autres opérateurs, et non pas les deux éléments réunis, était nécessaire pour conclure à la nature économique de l’activité. D’autre part, il a utilisé à plusieurs reprises une formulation impliquant une hiérarchie entre les deux éléments en question (« mais plutôt la présence, sur ledit marché, d’opérateurs poursuivant un but lucratif » ( 28 )) ou le
caractère surabondant de l’existence d’une concurrence sur la qualité et sur l’offre des services (« dans la mesure où il est constant entre les parties que les autres opérateurs du marché en cause poursuivent effectivement un but lucratif, [...] SZP et VšZP devraient, par effet de contagion, être considérées comme des entreprises » ( 29 )).

71. Toutefois, lorsque l’on se penche sur le contenu substantiel du point 69 de l’arrêt attaqué, il apparaît évident qu’il ne vise pas à modifier la conclusion, figurant au point 68 de cet arrêt, selon laquelle le caractère économique de l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire en Slovaquie repose sur la présence concomitante, au sein de ce système de sécurité sociale, d’une situation de concurrence et d’autres opérateurs poursuivant un but lucratif. En effet, contrairement à ce qui
a été soutenu par la Commission et la République slovaque, l’inclusion de ce point est imputable, me semble-t-il, au fait que le Tribunal a simplement voulu préciser le fondement juridique de la prise en compte de la présence d’autres opérateurs poursuivant un but lucratif dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir si une activité telle que celle de l’espèce doit être considérée comme étant économique aux fins de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

72. Cela me paraît ressortir d’un exercice de paraphrase dudit point.

73. En effet, le raisonnement du Tribunal part d’une hypothèse – ce qui peut donner la fausse impression qu’il s’agit d’un obiter dictum ( 30 ) –, selon laquelle SZP et VšZP ne poursuivraient pas de but lucratif. Si tel était le cas, continue le Tribunal, le fait que les sociétés opérant au sein du système de sécurité sociale concernée disposent d’une marge de liberté pour se faire concurrence ne permettrait pas, à lui seul, de remettre en cause la nature non économique de leur activité. En
revanche, cette dernière revêtirait nécessairement un caractère économique, explique le Tribunal en se référant à une jurisprudence de la Cour, dans le cas où les opérateurs dont l’offre est en concurrence avec celle de SZP et VšZP poursuivraient un but lucratif. Par conséquent – et à ce point le Tribunal passe, sans le dire de manière explicite, de l’appréciation du cas d’espèce à l’énoncé d’un principe plus général –, la présence d’opérateurs poursuivant un but lucratif constitue,
conjointement à l’existence d’une situation de concurrence, l’un des éléments déterminant la nature économique d’une activité. Partant, selon le Tribunal, le fait que les autres sociétés opérant au sein du système slovaque d’assurance maladie obligatoire poursuivent un but lucratif étant incontesté, l’activité de SZP et VšZP devrait être considérée comme étant économique aux fins de leur qualification d’entreprises.

74. Par conséquent, ce deuxième grief doit, selon moi, également être rejeté.

75. Troisièmement, s’agissant du grief selon lequel le Tribunal n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles il s’est écarté de la jurisprudence de la Cour, qui avait toujours qualifié un système concret de sécurité sociale en fonction de ses aspects dominants, je relève qu’il est fondé sur une prétendue contradiction entre le constat que le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire présente des aspects sociaux, solidaires et réglementaires « prédominants » (point 58 de l’arrêt attaqué)
et la conclusion que l’activité exercée au sein de ce système est économique (point 68 de cet arrêt).

76. Dès lors que, ainsi que je l’ai déjà indiqué aux points 61 à 64 des présentes conclusions, le point 58 de l’arrêt attaqué ne caractérise pas ces aspects comme « prédominants », mais simplement comme « importants », ce grief ne peut, à mon avis, qu’être rejeté.

77. Quatrièmement, concernant le grief selon lequel le Tribunal n’aurait pas pris en compte les restrictions légales à l’utilisation et à la distribution des bénéfices prévues par la législation slovaque, il me paraît, au contraire, que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dûment motivé sa position en ce qu’il a déclaré que ce n’est pas le fait que les sociétés d’assurance maladie aient la possibilité d’utiliser et de distribuer des bénéfices qui importe aux fins de la qualification de
leur activité d’économique, mais bien qu’elles aient la possibilité de rechercher librement des bénéfices, cette dernière possibilité attestant du fait qu’une entité poursuit une finalité lucrative, et qu’elle opère ainsi dans la sphère économique.

78. Par conséquent, faute de lacunes entachant les affirmations du Tribunal dans ce passage de l’arrêt attaqué, je considère que ce grief doit être rejeté.

79. Cinquièmement, quant au grief par lequel il est reproché au Tribunal d’avoir omis de tenir compte du fait que l’une des mesures faisant l’objet de la décision litigieuse était d’application à une période où il était interdit aux organismes d’assurance maladie de verser des bénéfices, je suis d’avis que, contrairement à ce que fait valoir Dôvera dans son mémoire en réponse dans l’affaire C‑271/18 P, ce grief n’est pas invoqué pour la première fois au stade du pourvoi, et est donc recevable ( 31
). Cependant, quant au fond, je suis persuadé que le présent grief ne saurait prospérer, dès lors que, ainsi qu’Union l’a remarqué dans son mémoire en réponse, il est de jurisprudence constante que la question de savoir si une mesure de soutien étatique est une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être résolue sur la base d’éléments objectifs qui s’apprécient à la date à laquelle la Commission adopte sa décision ( 32 ). Par conséquent, le Tribunal était, en l’espèce,
tenu d’examiner si SZP et VšZP étaient des entreprises en fonction de la situation qui prévalait lorsque la Commission a adopté sa décision. Or, à cette époque, à savoir en octobre 2014, l’interdiction de verser des bénéfices avait été annulée par la Cour constitutionnelle slovaque depuis environ trois ans et demi, et n’était donc plus en vigueur. Le caractère insuffisant de la motivation ne pouvant partant être valablement reproché au Tribunal sur ce point, le présent grief doit, selon moi,
être rejeté.

80. Enfin, quant au grief concernant le caractère contradictoire de la motivation découlant du fait que le Tribunal a considéré, au point 65 de l’arrêt attaqué, que les organismes opérant au sein du système slovaque d’assurance maladie obligatoire ne se faisaient qu’« une certaine concurrence » et, au point 67 de cet arrêt, que cette concurrence était « intense et complexe », je partage l’argument de Dôvera et Union selon lequel la divergence en question repose sur la prémisse selon laquelle la
terminologie employée au point 65 de l’arrêt attaqué équivaudrait à « un degré limité » de concurrence ou à une concurrence exercée « dans une mesure limitée », alors que, en réalité, cette terminologie est neutre et ne peut être interprétée qu’en ce sens que le degré de concurrence n’est pas illimité. En effet, cette différence de qualification du degré de concurrence s’explique par le fait que, tandis que l’adjectif « certaine » est utilisé par le Tribunal pour définir in abstracto un des
éléments susceptibles d’influer sur la nature économique de l’activité, les adjectifs « intense et complexe » sont utilisés à l’issue d’une telle appréciation tendant à définir le degré de concurrence réellement existant entre les sociétés opérant au sein du système slovaque d’assurance maladie.

81. Dans ces conditions, je suis d’avis que ce grief doit également être rejeté.

3. Conclusion sur le premier moyen dans l’affaire C‑262/18 P et le quatrième moyen dans l’affaire C‑271/18 P

82. Au vu de ce qui précède, je suggère à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P ainsi que le quatrième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P dans leur intégralité comme étant non fondés.

C.   Sur le deuxième moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le troisième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’« entreprise » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

1. Arguments des parties

83. La Commission et la République slovaque, soutenues par la République de Finlande, font valoir que le Tribunal a interprété erronément la notion d’« entreprise », au sens de l’article 107 TFUE, et méconnu la jurisprudence de la Cour, notamment les arrêts AOK Bundesverband e.a. ( 33 ), Poucet et Pistre ( 34 ), Cisal ( 35 ), Kattner Stahlbau ( 36 ) et AG2R Prévoyance ( 37 ), en considérant, aux points 63 à 69 de l’arrêt attaqué, que la poursuite d’un but lucratif par les organismes actifs dans le
système d’assurance maladie slovaque ainsi que l’existence d’une certaine concurrence entre ces organismes suffisaient pour qualifier les activités exercées par ceux-ci d’« activité économique », en dépit de la présence d’éléments dominants non économiques. La République slovaque ajoute que l’approche du Tribunal est également contraire aux arrêts Fédération française des sociétés d'assurance e.a. ( 38 ), Albany ( 39 ), Brentjens' ( 40 ), Drijvende Bokken ( 41 ) et Pavlov e.a. ( 42 ).

84. Par ailleurs, le Tribunal aurait méconnu la jurisprudence de la Cour en considérant, au point 69 de l’arrêt attaqué, que la simple présence d’opérateurs poursuivant un but lucratif et exerçant la même activité que des opérateurs sans but lucratif transforme ces derniers, « par effet de contagion », en entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il ressortirait en effet de l’arrêt AOK Bundesverband e.a. ( 43 ) que, outre le fait que le régime d’assurance maladie slovaque présente
« des aspects sociaux, solidaires et réglementaires [prédominants] » ( 44 ), la circonstance que ses caractéristiques économiques visent à « garantir la pérennité du régime et la réalisation des objectifs sociaux et solidaires qui le sous-tendent » ( 45 ) auraient dû conduire le Tribunal à conclure que ledit régime a un caractère non économique. Quant aux bénéfices, le point 64 de l’arrêt attaqué reposerait sur une distinction artificielle entre, d’une part, la possibilité de les rechercher et
de les réaliser librement, et, d’autre part, la possibilité, strictement encadrée, de les utiliser et de les distribuer.

85. Dôvera et Union rétorquent que l’arrêt attaqué est conforme à la jurisprudence de la Cour. Cet arrêt aurait en effet procédé à l’analyse requise des différents éléments en question, de leur importance et de leur objet respectif. Quant à l’arrêt AOK Bundesverband e.a. ( 46 ), il existerait, selon elles, des différences factuelles très importantes entre le régime y examiné et le régime slovaque d’assurance maladie.

86. Elles estiment également que le grief selon lequel l’approche suivie par le Tribunal différerait fondamentalement de la jurisprudence de la Cour se fonderait sur une interprétation erronée du point 58 de l’arrêt attaqué vu que le Tribunal n’y aurait pas considéré que, dans le régime d’assurance maladie obligatoire slovaque, les éléments économiques sont « prédominants », mais uniquement que ces éléments sont « importants ».

87. Par ailleurs, Dôvera et Union considèrent que, à l’opposé de ce que la Commission fait valoir, le Tribunal n’aurait pas reconnu, au point 64 de l’arrêt attaqué, que les caractéristiques économiques de ce régime avaient été introduites pour assurer des objectifs sociaux et solidaires. Selon elles, les restrictions relatives à l’utilisation et à la distribution des bénéfices seraient habituelles et ne conduiraient pas à une limitation de la concurrence. En outre, « la possibilité d’utiliser et de
distribuer des bénéfices » ne serait pas indissociablement liée à la « possibilité de rechercher et de réaliser librement des bénéfices ».

88. Enfin, Dôvera et Union considèrent que la critique dirigée contre le point 69 de l’arrêt attaqué est inopérante, dans la mesure où ce point comporterait un obiter dictum.

2. Appréciation

a) Observations liminaires

89. En vue de déterminer si, comme le soutiennent la Commission et la République slovaque, le Tribunal a commis une erreur de droit portant sur l’interprétation de la notion d’« entreprise », telle que consacrée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il convient tout d’abord de rappeler une nouvelle fois que les éléments ayant conduit le Tribunal à conclure que, en dépit de la présence d’aspects importants de caractère social, solidaire et réglementaire, l’activité exercée au sein du système
d’assurance maladie obligatoire slovaque doit être qualifiée d’économique sont, premièrement, l’existence d’une concurrence entre les entités y opérant et, deuxièmement, la présence d’opérateurs poursuivant un but lucratif autres que l’entité faisant l’objet de l’examen.

90. En conséquence, j’estime nécessaire d’examiner en premier la question qui me semble a priori la plus controversée, c’est-à-dire celle de savoir si le fait que ces opérateurs poursuivent un but lucratif est un élément pertinent en vue de déterminer la nature économique ou non économique d’une activité donnée aux fins de la qualification d’entreprise au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE de l’entité l’exerçant (titre b).

91. Par la suite, une fois écartée la pertinence d’un tel élément, je vérifierai, à la lumière de la jurisprudence de la Cour sur la qualification d’entreprise des activités exercées au sein des systèmes de sécurité sociale, si la concurrence consentie par le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire permet de conclure que, en dépit des aspects sociaux, solidaires et réglementaires de ce régime, l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire doit être considérée comme ayant une
nature économique, comme conclu par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. À cet égard, je parviendrai à une réponse négative (titre c).

b) Sur la pertinence de la poursuite d’un but lucratif par les autres entités opérant au sein du système de sécurité sociale aux fins de la qualification d’activité économique

92. Comme je l’ai déjà mentionné ci-dessus, le point 68, ainsi que le point 69, de l’arrêt attaqué révèlent que la poursuite d’un but lucratif par les autres opérateurs fournissant une assurance maladie obligatoire en Slovaquie constitue, aux yeux du Tribunal, un élément indicatif de la nature économique de l’activité faisant l’objet de l’examen.

93. Ce faisant, le Tribunal a rejeté l’approche de la Commission, laquelle, en considérant qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre réalisation et utilisation ou distribution des bénéfices, avait apprécié la possibilité offerte aux opérateurs présents sur le marché en cause d’utiliser et de distribuer des bénéfices dans le cadre de l’examen de l’existence d’une concurrence entre ces opérateurs. Plus particulièrement, dans sa décision, la Commission avait estimé, comme le Tribunal l’a rappelé au
point 64 de l’arrêt attaqué, que la possibilité d’utiliser et de distribuer les bénéfices réalisés n’était pas de nature à remettre en question la nature non économique de l’activité exercée par SZP et VšZP, compte tenu du fait que cette possibilité était encadrée de manière plus stricte que dans les secteurs marchands classiques, et était subordonnée au respect d’exigences destinées à garantir la pérennité du régime et la réalisation des objectifs sociaux et solidaires du régime en cause. À cet
égard, tout en reconnaissant l’exactitude de ce constat, le Tribunal a indiqué qu’il était dépourvu de pertinence aux fins d’exclure la nature économique de l’activité en question « dès l’instant où les opérateurs du marché en cause s’inscrivent dans une logique de recherche de profits » ( 47 ).

94. Je ne peux pas souscrire à l’interprétation du Tribunal.

95. À cet égard, j’observe que, dans la jurisprudence de la Cour en matière de systèmes de sécurité sociale, cet élément n’a jamais été pris en compte lors de l’appréciation de la nature de l’activité exercée par les entités concernées.

96. On pourrait alors s’attendre à ce que le Tribunal nous indique une autre jurisprudence pouvant constituer le fondement juridique de la prise en compte de l’élément en cause. En effet, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal fait référence à « la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus », à savoir les arrêts rendus par la Cour dans les affaires Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 48 ) et MOTOE ( 49 ).

97. Cette double référence demande, à mon sens, un examen attentif.

98. En ce qui concerne l’arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 50 ), le Tribunal y vise la réponse donnée par la Cour à propos du caractère économique ou non économique de l’activité exercée par des fondations bancaires italiennes, lorsque ces dernières effectuaient des opérations commerciales, immobilières et mobilières nécessaires ou opportunes en vue de la réalisation des buts qui leur étaient fixés dans des domaines d’intérêt public et d’utilité sociale. En particulier, le Tribunal cite les
points 122 et 123 de cet arrêt, dans lesquels la Cour a jugé que l’activité desdites fondations devait être considérée comme étant à caractère économique, en dépit de la circonstance que leur offre de biens et services était faite sans but lucratif, « dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’opérateurs poursuivant un tel but ».

99. Quant à l’arrêt MOTOE ( 51 ), le Tribunal fait référence au point 27, dans lequel, au regard de la question concernant l’incidence que l’absence de poursuite d’un but lucratif par l’entité concernée devait avoir sur la nature économique d’une activité d’organisation de compétitions de motocycles et de conclusion dans ce cadre de contrats de parrainage, de publicité ainsi que d’assurance, la grande chambre de la Cour a rappelé le passage susvisé de l’arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 52
).

100. Il s’ensuit que le fondement juridique sur la base duquel le Tribunal a élevé la présence d’autres opérateurs, poursuivant un but lucratif au sein du système dans lequel est active une entité donnée, au rang d’élément déterminant, ensemble avec l’existence d’une situation de concurrence, du caractère économique de l’activité exercée par une telle entité, se retrouve au point 123 de l’arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 53 ), ainsi que confirmé par la grande chambre de la Cour dans
l’arrêt MOTOE ( 54 ).

101. Or, à l’instar de la République slovaque dans son pourvoi, j’estime que le Tribunal n’a pas compris de manière correcte l’articulation entre les deux arrêts en question, attendu que, dans l’arrêt MOTOE ( 55 ), la Cour n’envisageait pas d’accorder une valeur générale à la formule employée au point 123 de l’arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 56 ), mais visait plutôt à en préciser la portée.

102. En effet, s’il est vrai que la Cour a fait référence à ce dernier arrêt au point 27 de l’arrêt MOTOE ( 57 ), lorsqu’elle s’est prononcée sur l’incidence de l’absence de but lucratif du Club hellénique d’automobilisme et de tourisme (ci-après l’« ELPA ») pour qualifier d’économiques certaines de ses activités, il est également vrai que, au point suivant de l’arrêt MOTOE ( 58 ), la Cour a indiqué, en substance, que le fait que la Motosykletistiki Omospondia Ellados NPID (MOTOE), qui était active
dans le même secteur que l’ELPA, ne poursuivait pas non plus un but lucratif, n’avait aucune incidence sur la qualification de la nature de l’activité exercée par l’ELPA, pour des raisons qu’elle a développées de la manière suivante : « D’une part, il n’est pas exclu qu’il existe en Grèce, outre les associations dont l’activité consiste à organiser et à exploiter commercialement des compétitions de motocycles sans poursuivre un but lucratif, des associations qui exercent cette activité en
poursuivant un tel but et qui se trouvent ainsi en concurrence avec l’ELPA. D’autre part, des associations sans but lucratif, qui offrent des biens ou des services sur un marché donné, peuvent se trouver mutuellement en position de concurrence. En effet, le succès ou la survie économique de ces associations dépend, à long terme, de la capacité de ces dernières à imposer, sur le marché concerné, les prestations qu’elles offrent, au détriment de celles qui sont proposées par les autres
opérateurs. »

103. La Cour a ainsi considéré, à mon sens, qu’une activité peut être qualifiée d’économique même si la présence de concurrents poursuivant un but lucratif est purement hypothétique (« il n’est pas exclu qu’il existe ») ou si les concurrents ne poursuivent pas de but lucratif du tout (« des associations sans but lucratif [...] peuvent se trouver mutuellement en position de concurrence ») ( 59 ).

104. Ce faisant, loin d’envisager une application de la formule employée dans l’arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. ( 60 ) au-delà du cadre factuel qui y avait donné lieu, la Cour a, à mon sens, clarifié sa jurisprudence en indiquant que le but lucratif poursuivi par les concurrents de l’entité dont l’activité fait l’objet de l’examen n’est nullement un élément pertinent dans le cadre de l’appréciation de la nature d’une activité. Ce qui est pertinent, en revanche, est uniquement le fait que
les entités concernées se trouvent dans une situation de concurrence.

105. Au demeurant, il y a lieu d’observer que, dans un domaine différent, la Cour a déjà accepté que certaines activités peuvent présenter une nature non économique, nonobstant le fait que des opérateurs poursuivant un but lucratif les exercent ( 61 ). En effet, dans l’arrêt Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, elle a considéré que des établissements faisant partie d’un système d’enseignement public et financés par des fonds publics n’effectuaient pas une activité économique lorsqu’ils
offraient des services éducatifs, sans prendre en compte le fait que des établissements financés par des fonds privés fournissaient ces mêmes services contre rémunération ( 62 ).

106. Cette interprétation me paraît confortée par la jurisprudence classique portant sur la notion d’« entreprise ». En effet, la poursuite d’un but lucratif par une entité donnée est, en règle générale, tributaire de son statut juridique, et ce dernier n’est pas pertinent, selon une telle jurisprudence, aux fins de la qualification d’une entité d’entreprise ( 63 ).

107. J’estime, partant, que le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation de la notion d’« entreprise », telle que visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a considéré, au point 68 de l’arrêt attaqué, que la poursuite d’un but lucratif par les sociétés d’assurance privées était un élément indicatif de la nature économique de l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire exercée par SZP et VšZP.

c) Sur l’existence d’un degré de concurrence suffisant pour justifier la qualification d’activité économique

108. D’emblée, il y a lieu de rappeler brièvement les principes sur la base desquels la Cour a défini les contours de la notion d’« entreprise » dans le domaine du droit de l’Union de la concurrence.

109. Selon une jurisprudence itérative, cette notion s’entend dans son acception fonctionnelle et comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ( 64 ). À cet égard, la Cour définit une activité économique comme toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ( 65 ).

110. En d’autres termes, le fait qu’une activité soit qualifiée ou non d’économique comporte une conséquence majeure, étant donné que la question de savoir si les règles de concurrence du traité sont applicables à la situation factuelle examinée dépend précisément du résultat de cette appréciation. Il s’ensuit que, lorsque la Cour est appelée à porter une telle appréciation, elle entre nécessairement, ainsi que l’avait bien illustré l’avocat général Maduro dans ses conclusions dans l’affaire
FENIN/Commission ( 66 ), dans un « terrain périlleux » du fait qu’on lui demande de trouver un équilibre entre la protection d’une concurrence non faussée sur le marché intérieur et le respect des compétences des États membres.

111. C’est pourquoi ladite appréciation devient particulièrement délicate lorsqu’il s’agit d’évaluer le caractère économique ou non économique d’activités exercées dans des domaines relevant de la compétence exclusive des États membres, tels que, comme en l’espèce, l’organisation des systèmes de sécurité sociale.

112. Dans un tel domaine, l’équilibre mentionné ci-dessus a été atteint de la manière suivante. D’une part, la jurisprudence a constamment réaffirmé que les États membres sont, en principe, libres d’organiser leurs systèmes de sécurité sociale comme ils le souhaitent ( 67 ) et, d’autre part, elle a suggéré que les États membres doivent néanmoins respecter une exigence de cohérence, en ce sens qu’ils ne sont en droit de soustraire de l’application des règles de concurrence certaines activités qu’à
condition de mettre effectivement en œuvre le principe de solidarité ( 68 ).

113. L’objet de l’examen de la Cour est, en effet, le produit des règles nationales régissant le fonctionnement concret de chaque système de sécurité sociale. En d’autres termes, la Cour se pose la question suivante : le cadre juridique national a-t-il été conçu de telle sorte que l’on doit considérer que les entités opérant au sein du système concerné offrent des biens ou des services sur un marché ou, pour être plus précis, dans une situation de concurrence ? Ce n’est que dans le cas où la réponse
est négative que l’activité en question est qualifiée de non économique, et l’application des règles de concurrence est ainsi exclue.

114. Lorsque les régimes de sécurité sociale examinés sont de nature mixte, du fait qu’ils combinent des éléments non économiques et des éléments indicatifs de la présence d’un marché, la qualification de l’activité exercée au sein de ceux-ci dépend d’une analyse des différents éléments en question, de leur importance et de leur objet respectif. Leur qualification est, en d’autres termes, une « question de degré » ( 69 ).

115. Nonobstant l’approche casuistique retenue par la Cour dans ce domaine, un examen du premier groupe des décisions débattues dans les mémoires des parties, à savoir les arrêts Poucet et Pistre ( 70 ), Cisal ( 71 ), AOK Bundesverband e.a. ( 72 ), Kattner Stahlbau ( 73 ) et AG2R Prévoyance ( 74 ), permet de déceler une série de caractéristiques révélant qu’une activité est dépourvue de caractère économique, à savoir, premièrement, l’objectif social du système, deuxièmement, la mise en œuvre du
principe de solidarité et troisièmement, le contrôle de l’État.

116. Il ne fait guère de doute que le régime d’assurance maladie obligatoire en Slovaquie présente toutes ces caractéristiques, ainsi que le Tribunal l’a reconnu aux points 55 à 57 de l’arrêt attaqué. Premièrement, il poursuit un objectif social, dans la mesure où il vise à assurer à tous les ressortissants slovaques une couverture des risques de maladie, indépendamment de leur condition de fortune et de leur état de santé. Deuxièmement, il incorpore une grande partie des éléments qui, d’après la
jurisprudence, attestent de la mise en œuvre du principe de solidarité, en ce qu’il prévoit une affiliation obligatoire, des cotisations obligatoires dont le montant est fixé en proportion des revenus des assurés et indépendamment de l’aléa résultant, notamment, de l’âge ou de l’état de santé des assurés, une même gamme de prestations légales obligatoires pour tous les assurés, une absence de lien direct entre les prestations versées et le montant des cotisations acquittées, ainsi qu’un
dispositif d’égalisation des risques ( 75 ). Troisièmement, ce régime inclut les éléments que la jurisprudence considère comme révélateurs de la présence d’un contrôle étatique, à savoir le fait que chaque organisme d’assurance maladie est constitué dans le but de mettre en œuvre une telle assurance et ne peut pas exercer des activités autres que celles prévues par la loi, l’impossibilité, pour lesdits organismes, d’influer sur le montant des cotisations et la portée des prestations légales
obligatoires fixées par la loi ainsi qu’un contrôle du respect du cadre législatif assuré par un office de régulation (Autorité slovaque de surveillance sanitaire ou « HSA ») qui intervient en cas d’infraction ( 76 ).

117. Eu égard à ce degré de solidarité, la Cour est appelée, dans le cadre de l’examen des présents moyens, à prendre position sur la question de savoir si, comme l’a conclu le Tribunal à l’issue de l’analyse conduite aux points 65 à 68 de l’arrêt attaqué, la marge que le législateur slovaque a laissée aux sociétés d’assurance pour se faire concurrence est néanmoins suffisante pour que l’activité de fourniture d’assurance maladie en Slovaquie constitue une activité économique. À cet égard, je le
rappelle, le Tribunal fait référence aux éléments suivants : premièrement, la concurrence sur la qualité et l’efficacité du processus d’achat, deuxièmement, la concurrence sur la qualité et l’étendue de l’offre, dans la mesure où les organismes d’assurance maladie peuvent librement compléter les prestations obligatoires par des prestations connexes gratuites et troisièmement, la circonstance que les assurés sont en droit de choisir leur organisme d’assurance maladie et d’en changer une fois par
an.

118. Or, en ce qui concerne la concurrence sur la qualité et l’efficacité des processus d’achat, qui résulterait de la liberté de négocier et de conclure des contrats avec les prestataires de soins de santé, j’estime nécessaire de dire d’ores et déjà qu’elle ne peut pas être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère de l’activité de fourniture de l’assurance maladie obligatoire en Slovaquie.

119. En effet, dans l’arrêt FENIN/Commission ( 77 ), la Cour a déjà considéré que, dès lors que c’est l’activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné qui caractérise la notion d’« activité économique » et non pas l’activité d’achat en tant que telle, il n’y a pas lieu de dissocier l’activité d’achat du produit de son utilisation aux fins d’apprécier le caractère de celle-ci, ce qui signifie que le caractère économique ou non de l’utilisation ultérieure du produit acheté
détermine nécessairement le caractère de l’activité d’achat. Il s’ensuit que l’on ne peut pas considérer en l’espèce l’existence d’une concurrence dans l’acquisition des prestations de soins de santé comme étant indicative de la nature économique de l’activité de fourniture d’assurance maladie obligatoire, la nature d’une telle activité d’achat dépendant de celle de cette dernière ( 78 ).

120. Au regard de la concurrence sur la qualité et l’étendue de l’offre et de la liberté pour les assurés de choisir librement leur prestataire d’assurance maladie, j’observe tout d’abord que, contrairement à ce que la République slovaque fait valoir dans son pourvoi, le fait que les régimes de sécurité sociale que la Cour a jusqu’à présent considérés comme établissant un environnement économique, tels que ceux en cause dans les arrêts Fédération française des sociétés d'assurance e.a. ( 79 ),
Albany ( 80 ), Brentjens' ( 81 ), Drijvende Bokken ( 82 ), Pavlov e.a. ( 83 ), comportaient des éléments économiques bien plus importants qu’en l’espèce (affiliation facultative ou obligatoire avec une possibilité de dispense, régimes fondés sur le principe de capitalisation, détermination du montant des cotisations et de la portée des prestations laissée aux entités concernées) n’est pas en soi de nature à prouver que les éléments en question ne sont pas suffisants pour conclure à la nature
économique de l’activité en cause en l’espèce.

121. En revanche, ce qui me semble susceptible de nous amener à une telle conclusion sont les enseignements découlant de l’arrêt AOK Bundesverband e.a. ( 84 ), dans lequel la Cour a été interrogée à propos de la nature de l’activité exercée par les caisses allemandes d’assurance maladie.

122. Deux traits caractéristiques du régime en cause dans cette affaire le rendent, selon moi, comparable au régime slovaque d’assurance maladie obligatoire. Premièrement, il prévoyait un degré de solidarité équivalent à ce dernier en ce qu’il était caractérisé par une affiliation en principe obligatoire pour tous les salariés, un montant des cotisations dépendant principalement des revenus des assurés ( 85 ), des prestations identifiées par la loi et identiques pour tous les assurés s’agissant des
catégories de soins obligatoires, une absence de lien direct entre les cotisations versées et les prestations perçues ainsi qu’une forme de communauté réalisée par biais d’un mécanisme de péréquation des coûts et des risques entre les différentes caisses de maladie concernées ( 86 ). Deuxièmement, il incorporait les mêmes éléments de concurrence que le régime slovaque, dès lors que les caisses de maladie pouvaient compléter les prestations obligatoires prévues par la loi par des prestations
complémentaires facultatives et que les assurés avaient le droit de choisir librement leur caisse maladie ( 87 ).

123. Dans ce contexte, la Cour a jugé, en substance que, eu égard aux aspects solidaires du régime, les éléments de concurrence ne permettaient pas de qualifier d’économique l’activité de fourniture d’assurance maladie. Tandis que le droit des assurés n’était même pas pris en compte aux fins de cette appréciation, la circonstance qu’il était loisible aux caisses de maladie de fournir des prestations complémentaires facultatives ne conduisait pas à une telle qualification, d’après la Cour, dans la
mesure où les prestations obligatoires étaient « pour l’essentiel identiques » ( 88 ). Or, eu égard aux traits caractéristiques communs évoqués au point précèdent, je suis persuadé que la conclusion tirée par la Cour dans cet arrêt pourrait être transposée aux affaires qui nous occupent ( 89 ), d’autant plus que la gamme de prestations obligatoires et identiques pour tous les assurés offertes par les sociétés d’assurance maladie en Slovaquie est extrêmement large ( 90 ), les prestations
connexes gratuites étant limitées au remboursement des vaccins non obligatoires et aux différents horaires d’ouverture des centres d’appel de service à la clientèle.

124. Je suis d’avis que la nature non économique de l’activité en cause ne peut pas non plus être remise en cause par le fait que la législation slovaque permet aux sociétés d’assurance maladie d’utiliser et de distribuer les bénéfices résultant de l’exercice de leur activité.

125. Le fondement juridique de mon affirmation se trouve une nouvelle fois dans l’arrêt AOK Bundesverband e.a. ( 91 ).

126. Je rappelle, en effet, que, outre les éléments en commun avec le régime en cause en l’espèce, le régime allemand présentait un élément supplémentaire de concurrence censé avoir un poids considérable dans l’analyse de la nature de l’activité exercée au sein d’un régime mixte, tel que celui en cause dans l’affaire qui nous occupe, à savoir que ce régime permettait aux caisses de maladie de se faire concurrence sur le montant des cotisations en fixant de manière autonome le taux de celles-ci ( 92
).

127. Or, même l’existence d’une marge pour se faire concurrence sur les cotisations n’était pas susceptible, selon le point 56 de cet arrêt, de faire obstacle à la nature non économique de l’activité, au motif que cet élément avait été introduit « afin d’inciter les caisses de maladie à exercer leur activité selon les principes d’une bonne gestion, à savoir de la manière la plus efficace et la moins coûteuse possible, dans l’intérêt du bon fonctionnement du système de sécurité sociale allemand ». En
d’autres termes, même en présence d’une dose de concurrence indubitablement plus élevée que celle de l’espèce, la Cour a considéré que l’activité de fourniture d’assurance maladie en Allemagne n’était pas de nature économique, en raison du fait que, en incitant ainsi les organismes d’assurance à opérer de manière plus efficace, le législateur national entendait garantir la réalisation de l’objectif social du système.

128. Le même constat s’impose, me semble-t-il, dans les présentes affaires. En effet, ainsi que le Tribunal l’admet au point 64 de l’arrêt attaqué, la possibilité d’utiliser et de distribuer les bénéfices « est encadrée de manière plus stricte que dans les secteurs marchands classiques » au motif qu’elle est « subordonnée au respect d’exigences destinées à garantir la pérennité du régime et la réalisation des objectifs sociaux et solidaires qui le sous-tendent ». Ces exigences consistent en
l’obligation de constituer une réserve à hauteur de 20 % du capital social libéré, au lieu de 10 % requis pour d’autres sociétés, ainsi qu’une réserve technique destinée au paiement des soins programmés pour les assurés en liste d’attente ( 93 ). Or, la présence de ces exigences indique clairement, à mon sens, que la possibilité d’utiliser et de distribuer des bénéfices sert l’objectif d’assurer la viabilité et la continuité du système slovaque d’assurance maladie obligatoire, contribuant ainsi
à la réalisation de l’objectif social de ce dernier ( 94 ).

129. De manière plus générale, la Cour dispose, selon moi, de l’occasion, dans son arrêt à venir, d’expliciter le principe qui me semble découler de l’arrêt AOK Bundesverband e.a. ( 95 ), selon lequel une activité est considérée comme étant non économique, et est ainsi soustraite à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour autant que le régime national de sécurité sociale examiné fasse apparaître que le législateur national poursuit l’objectif social du système de manière cohérente (
96 ).

130. Au vu de l’ensemble de ces considérations, j’estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en surestimant l’incidence du degré de concurrence consenti par le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire et a ainsi conclu à tort, au point 70 de l’arrêt attaqué que, en exerçant une activité de nature économique, SZP et VšZP relèvent de la notion d’« entreprise », telle que consacrée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

3. Conclusion sur le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P et le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P

131. Compte tenu de ce qui précède, je suggère à la Cour d’accueillir le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P ainsi que le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P.

D.   Sur le troisième moyen soulevé par la Commission dans l’affaire C‑262/18 P et le deuxième moyen soulevé par la République slovaque dans l’affaire C‑271/18 P, tirés de la dénaturation de certains éléments de preuve

1. Arguments des parties

132. La Commission et la République slovaque, soutenues par la République de Finlande, font valoir que le Tribunal a commis plusieurs dénaturations des éléments du dossier. En particulier, la constatation, figurant au point 67 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il existe une concurrence « intense et complexe » résultant de la possibilité d’attirer les assurés et concernant la qualité des services, se fonderait sur une telle dénaturation. En effet, les éléments de concurrence identifiés par le
Tribunal aux points 65 et 66 de l’arrêt attaqué n’indiqueraient l’existence que d’une concurrence limitée sur la qualité de certains aspects marginaux de la fourniture de prestations d’assurance maladie.

133. La République slovaque ajoute que le Tribunal aurait commis une dénaturation des éléments de preuve en omettant de prendre en compte le fait que l’une des mesures faisant l’objet de la décision litigieuse était d’application à une période où il était interdit aux organismes d’assurances de distribuer des bénéfices. Le constat, figurant au point 64 de l’arrêt attaqué, selon lequel les organismes d’assurance en Slovaquie ont la possibilité de rechercher et de réaliser « librement » des bénéfices
constituerait également une dénaturation.

134. Dôvera et Union estiment que ces moyens sont irrecevables, dès lors que la Commission et la République slovaque n’indiqueraient pas les éléments de preuves qui auraient été dénaturés, mais se limiteraient à demander une nouvelle appréciation des faits par la Cour. En tout état de cause, les éléments de preuve présentés au Tribunal corroboreraient sa conclusion quant à l’existence d’une concurrence intense et complexe.

135. En outre, l’argument selon lequel le Tribunal aurait dû prendre en compte le fait que l’une des mesures faisant l’objet de la décision litigieuse était d’application à une période où il était interdit aux organismes d’assurance de distribuer des bénéfices serait irrecevable, dans la mesure où il aurait été invoqué pour la première fois au stade du pourvoi, et il serait, en tout état de cause, inopérant et non fondé. Le constat relatif à la possibilité de rechercher et de réaliser « librement »
des bénéfices ne serait pas en contradiction avec l’existence d’une réglementation concernant la réalisation de bénéfices.

2. Appréciation

136. À titre liminaire, j’estime utile d’énoncer certains principes fondamentaux découlant de la jurisprudence de la Cour au regard de la dénaturation des éléments de preuve.

137. Tout d’abord, je rappelle que, selon une jurisprudence classique, le caractère probant ou non des pièces de procédure relève de l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal, laquelle échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation ( 97 ).

138. Une dénaturation doit ressortir de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ( 98 ). Il ne suffit pas, afin de démontrer l’existence d’une dénaturation, de proposer une lecture desdits éléments de preuve différente de celle retenue par le Tribunal ( 99 ). À cet effet, un requérant doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui,
dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à une telle dénaturation ( 100 ).

139. En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du grief tiré de la dénaturation des éléments de preuve relatifs à l’existence temporaire d’une interdiction de distribuer des bénéfices aux organismes d’assurance maladie, j’observe d’emblée que, contrairement à ce que soutient Dôvera dans son mémoire en réponse, la République slovaque a déjà attiré l’attention sur cette circonstance au point 53 de son mémoire en intervention devant le Tribunal, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un argument invoqué pour
la première fois au stade du pourvoi. Toutefois, je relève également que, dans son pourvoi, la République slovaque se contente d’indiquer que l’interdiction de distribuer des bénéfices résulte de plusieurs pièces de procédure, mais ne mentionne aucun élément dont le Tribunal aurait fait une présentation manifestement erronée dans l’arrêt attaqué. D’après moi, ce grief vise, en réalité, à critiquer le fait que le Tribunal ne l’a pas pris en compte en considérant cet élément comme dépourvu de
pertinence aux fins de son évaluation. Cela constitue néanmoins une appréciation des éléments de preuve qui est, en tant que telle, soustraite au contrôle de la Cour au stade du pourvoi. J’estime que ce grief doit, par conséquent, être déclaré irrecevable.

140. En deuxième lieu, quant à la question de savoir si le constat opéré par le Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué, selon lequel les organismes d’assurance en Slovaquie ont la possibilité de rechercher et de réaliser « librement » des bénéfices, constituerait une dénaturation, j’observe que la République slovaque n’indique aucun élément spécifique qui aurait été dénaturé par le Tribunal, se bornant à une référence générique aux « pièces du dossier ». En substance, il me semble que, sous couvert
d’une allégation de dénaturation, ce que la République slovaque reproche au Tribunal est une erreur d’appréciation des faits. En effet, elle ne conteste pas que les restrictions posées par la loi slovaque ont été correctement comprises par le Tribunal, mais fait valoir que, contrairement à ce que ce dernier a considéré, les restrictions en question ne pèsent pas seulement sur la possibilité d’utiliser et de distribuer des bénéfices par les organismes d’assurance maladie, mais également sur la
possibilité de réaliser ces mêmes bénéfices. Le présent grief doit donc, selon moi, être déclaré irrecevable.

141. En troisième lieu, la Commission et la République slovaque allèguent une dénaturation des éléments de preuve en ce que le Tribunal, au point 67 de l’arrêt attaqué, a affirmé qu’il existe, au sein du système slovaque d’assurance maladie, une concurrence « intense et complexe ». Au regard de cela, j’estime que ce grief revient, en substance, à réitérer les arguments, développés dans le cadre du deuxième moyen avancé par la Commission et du troisième moyen soulevé par la République slovaque,
visant à la caractérisation d’une erreur de droit du Tribunal, que j’ai déjà proposé de rejeter pour les raisons exposées aux points 89 à 130 des présentes conclusions.

142. Pour autant que la Cour considère le présent moyen de la Commission et ce dernier grief de la République slovaque comme visant véritablement une dénaturation des éléments de preuve, il suffit de constater qu’à aucun moment la République slovaque n’indique les éléments de preuve dont le Tribunal aurait déformé le sens dans l’arrêt attaqué. Quant à la Commission, s’il est vrai qu’elle cite un de ces éléments, à savoir une table de couverture illustrant les différences entre les couvertures des
différents organismes d’assurance maladie, il est également vrai qu’elle n’identifie nullement les erreurs d’analyse ayant conduit le Tribunal à une telle dénaturation. Le moyen de la Commission et le grief de la République slovaque en question doivent donc, à mon avis, être déclarés irrecevables.

3. Conclusion sur le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P et le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P

143. À la lumière des considérations susvisées, je suggère à la Cour de déclarer le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑262/18 P ainsi que le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑271/18 P irrecevables dans leur intégralité.

V. Les pourvois incidents

A.   Arguments des parties

144. Par ses pourvois incidents, Dôvera avance un moyen unique, à savoir que le Tribunal a commis une erreur de procédure et a violé son obligation de motivation lorsqu’il a déclaré, au point 58 de l’arrêt attaqué, que Dôvera n’avait pas contesté la constatation selon laquelle le système slovaque d’assurance maladie présentait « des aspects sociaux, solidaires et réglementaires [prédominants] » ( 101 ). À l’appui de ce moyen, elle attire l’attention sur un certain nombre de passages dans les
mémoires qu’elle avait déposés en première instance, dans lesquels elle a expressément rejeté une telle constatation.

145. Toutefois, ce moyen a une nature contingente, selon Dôvera, en ce qu’il n’est nécessaire que dans l’hypothèse improbable où, en adoptant une interprétation stricte de la formulation dudit point de l’arrêt attaqué, la Cour ignorerait l’erreur de traduction dans la version en langue de procédure, c’est-à-dire la version en langue anglaise, de cet arrêt, qui définit les aspects sociaux, solidaires et réglementaires dudit système comme « predominant » (prédominants), alors qu’ils sont définis comme
« importants » dans la version en langue française.

146. Union se rallie aux conclusions de Dôvera.

147. La Commission rétorque que les pourvois incidents sont irrecevables, mais, à supposer que la Cour les considère comme recevables, elle devrait conclure, sur la base de la version en langue anglaise de l’arrêt attaqué, à leur bien-fondé. La République slovaque fait valoir que la version en langue anglaise de cet arrêt n’est entachée d’aucune erreur de traduction et, en tout état de cause, que les pourvois incidents sont irrecevables.

B.   Appréciation

148. Compte tenu des considérations que j’ai développées aux points 61 à 64 des présentes conclusions, je suis d’avis que le point 58 de la version en langue anglaise de l’arrêt attaqué recèle une erreur de traduction. Cette erreur pouvant, à mon sens, être corrigée par la voie d’une simple interprétation de l’arrêt attaqué, j’estime que la Cour ne devrait pas examiner les pourvois incidents.

149. Toutefois, dans le cas où la Cour considérerait qu’il y a lieu de procéder à un tel examen, il me paraît indubitable qu’elle sera amenée à conclure à l’irrecevabilité de ceux-ci en raison d’un défaut d’intérêt à agir de Dôvera.

150. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’un intérêt à agir suppose qu’un pourvoi incident soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté ( 102 ).

151. Or, en première instance, le Tribunal a fait droit au recours de Dôvera et a annulé la décision litigieuse. C’est pourquoi je ne vois pas quel bénéfice Dôvera pourrait tirer du fait que la Cour accueille ses pourvois incidents et annule le point 58 de l’arrêt attaqué dans la partie dans laquelle le Tribunal y a considéré que Dôvera n’avait pas contesté l’affirmation selon laquelle le régime slovaque d’assurance maladie obligatoire présentait des aspects sociaux, solidaires et réglementaires
prédominants. Quand bien même la Cour ferait droit aux présents pourvois incidents, cette modification viserait les motifs de l’arrêt attaqué et n’aurait aucune incidence sur son dispositif et, en tout état de cause, aucune modification du dispositif, dans lequel le Tribunal a accueilli son recours, ne pourrait procurer le moindre bénéfice à Dôvera.

C.   Conclusion sur les pourvois incidents dans les affaires C‑262/18 P et C‑271/18 P

152. Au vu de ces considérations, je propose à la Cour de s’abstenir d’examiner les pourvois incidents formés par Dôvera dans les affaires C‑262/18 P et C‑271/18 P.

VI. Sur le recours devant le Tribunal

153. En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé ou renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

154. En l’espèce, j’estime que la Cour est en mesure de statuer sur les moyens avancés par Dôvera devant le Tribunal.

155. S’agissant du deuxième moyen, je propose de le rejeter sur le fondement des points 89 à 130 des présentes conclusions.

156. Quant au premier moyen, tel qu’il est résumé au point 7 des présentes conclusions, je suggère également de le rejeter dans son intégralité. En effet, concernant le premier grief de ce moyen, il ressort de l’approche fonctionnelle de la notion d’« entreprise », telle que je l’ai évoquée au point 109 des présentes conclusions, que la qualification d’une entité en tant que telle est toujours liée à une activité bien précise. En d’autres termes, une entité exerçant à la fois des activités
économiques et des activités non économiques doit être considérée comme une entreprise uniquement en ce qui concerne les premières. Ce grief doit être, par conséquent, rejeté. Quant au second grief, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante rappelée aux points 114 et 115 des présentes conclusions, la qualification d’économique de l’activité exercée au sein des régimes de sécurité sociale mixtes dépend d’un exercice de pondération, consistant en l’analyse des différents éléments
économiques et non économiques du régime national, ainsi que de leur importance et de leur objet respectif. Il en découle logiquement que l’argument selon lequel tout élément économique est suffisant pour entraîner une telle qualification est juridiquement erroné. Le second grief doit également être, à mon sens, rejeté.

VII. Sur les dépens

157. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

158. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission et la République slovaque ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner Dôvera aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et au présent pourvoi.

159. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La République finlandaise, partie intervenante aux litiges, doit donc supporter ses propres dépens exposés dans le cadre du présent pourvoi.

160. Conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes précédents supportera ses propres dépens. Il y a lieu de décider qu’Union doit supporter ses propres dépens exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et du présent pourvoi.

VIII. Conclusion

161. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 février 2018, Dôvera zdravotná poist'ovňa/Commission (T‑216/15, non publié, EU:T:2018:64), est annulé.

2) Le recours introduit par Dôvera zdravotná poisťovňa a.s. devant le Tribunal de l’Union européenne doit être rejeté.

3) Les pourvois incidents sont rejetés.

4) Dôvera zdravotná poisťovňa est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et du présent pourvoi. En outre, elle est condamnée à supporter les dépens exposés par la République slovaque dans le cadre du présent pourvoi.

5) Union zdravotná poisťovňa a.s. supporte ses propres dépens exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et du présent pourvoi.

6) La République finlandaise supporte ses propres dépens exposés dans le cadre du présent pourvoi.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Décision (UE) 2015/248 de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant les mesures SA.23008 (2013/C) (ex 2013/NN) accordées par la République slovaque à Spoločná zdravotná poisťovňa, a.s. (SZP), et à Všeobecná zdravotná poisťovňa, a.s. (VšZP) (JO 2015, L 41, p. 25).

( 3 ) Arrêt attaqué, points 45 à 53.

( 4 ) Arrêt attaqué, point 54.

( 5 ) Arrêt attaqué, points 63 et 64.

( 6 ) Arrêt attaqué, points 65 à 67.

( 7 ) Arrêt attaqué, point 68.

( 8 ) Voir, en ce sens, arrêts du 29 février 1996, Belgique/Commission (C‑56/93, EU:C:1996:64, point 11) ; du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission (C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, point 39) ; du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 143), ainsi que du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 114).

( 9 ) Voir, notamment, arrêt du 29 février 1996, Belgique/Commission (C‑56/93, EU:C:1996:64, point 11).

( 10 ) Voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 97).

( 11 ) Arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, point 24), dans lequel la Cour a précisé, pour la première fois, que, lors de l’appréciation de la compatibilité, « la Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire ».

( 12 ) Il s’agit d’une formule constamment répétée par la Cour et que l’on retrouve, pour la première fois, dans l’arrêt du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 25).

( 13 ) Une des décisions évoquées par la République slovaque, à savoir l’arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2005:87), ne fera pas l’objet de mon analyse, en raison du fait qu’elle a été rendue dans le domaine antitrust, et non pas dans celui des aides d’État. Cet élément implique nécessairement, selon moi, que l’arrêt en cause n’est pas pertinent pour déterminer si les appréciations de la Commission relatives à la question de savoir si SZP et VšZP relèvent de la notion
d’« entreprise », figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constituent des appréciations économiques complexes, cette détermination étant fortement influencée par la nature objective de la notion d’aide d’État.

( 14 ) Ordonnance du 25 avril 2002 (C‑323/00 P, EU:C:2002:260).

( 15 ) Arrêt du 22 novembre 2007 (C‑525/04 P, EU:C:2007:698).

( 16 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375).

( 17 ) Arrêt du 2 septembre 2010 (C‑290/07 P, EU:C:2010:480).

( 18 ) Arrêt du 24 octobre 2013 (C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682).

( 19 ) Ces critères sont définis dans la Communication de la Commission relative à la notion d’aide d’État visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2016, C 262, p. 1), au point 74.

( 20 ) Outre les décisions citées par la République slovaque, voir, également, arrêts du 29 février 1996, Belgique/Commission (C‑56/93, EU:C:1996:64, points 10 et 11), ainsi que du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission (C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, points 38 et 39).

( 21 ) Voir arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing (C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 59) ; du 2 septembre 2010, Commission/Scott (C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 68) ; du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 74), ainsi que du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange (C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 90).

( 22 ) Voir, à cet égard, arrêt du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, EU:C:1986:302, point 14).

( 23 ) Voir, notamment, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 82 à 85, et 105).

( 24 ) Arrêt du 2 septembre 2010 (C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 70). Mise en italique par mes soins.

( 25 ) Voir Ritleng, D., « Le juge communautaire de la légalité et le pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires », AJDA, 1999, no 9, p. 645.

( 26 ) Voir titre C des présentes conclusions.

( 27 ) Mise en italique par mes soins.

( 28 ) Mise en italique par mes soins.

( 29 ) Mise en italique par mes soins.

( 30 ) Dans les mémoires en réponse qu’elles ont déposés dans les présentes affaires jointes, Dôvera et Union ont fait valoir, en effet, que, puisque ce grief est dirigé contre un obiter dictum, il devrait être considéré inopérant. L’interprétation que je développe au point 71 des présentes conclusions montre que cette lecture ne trouve pas mon accord.

( 31 ) Je rappelle que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence est limitée en matière de pourvoi, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission (C‑654/17 P, EU:C:2019:634).

( 32 ) Voir, notamment, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 50).

( 33 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 34 ) Arrêt du 17 février 1993 (C‑159/91 et C‑160/91, EU:C:1993:63).

( 35 ) Arrêt du 22 janvier 2002 (C‑218/00, EU:C:2002:36).

( 36 ) Arrêt du 5 mars 2009 (C‑350/07, EU:C:2009:127).

( 37 ) Arrêt du 3 mars 2011 (C‑437/09, EU:C:2011:112).

( 38 ) Arrêt du 16 novembre 1995 (C‑244/94, EU:C:1995:392).

( 39 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑67/96, EU:C:1999:430).

( 40 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑115/97 à C‑117/97, EU:C:1999:434).

( 41 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑219/97, EU:C:1999:437).

( 42 ) Arrêt du 12 septembre 2000 (C‑180/98 à C‑184/98, EU:C:2000:428).

( 43 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 44 ) Point 58 de l’arrêt attaqué.

( 45 ) Point 64 de l’arrêt attaqué.

( 46 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 47 ) Mise en italique par mes soins.

( 48 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 49 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 50 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 51 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 52 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 53 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 54 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 55 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 56 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 57 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 58 ) Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, EU:C:2008:376).

( 59 ) La Cour me paraît s’être fortement inspirée du passage pertinent des conclusions rendues dans cette affaire par l’avocate générale Kokott (C‑49/07, EU:C:2008:142, points 41 et 42), selon laquelle « [l]a thèse qu’il y a activité économique et donc entreprise n’est pas non plus invalidée lorsqu’une entité comme l’ELPA revêt la forme d’une association sans but lucratif, qui ne cherche donc pas à réaliser des bénéfices. Avec les prestations qu’elles offrent sur le marché, de telles entités
peuvent également faire concurrence aux autres opérateurs, peu importe que ces derniers poursuivent un but lucratif ou non. Cela est particulièrement bien illustré par la présente affaire, où deux associations grecques sans but lucratif – l’ELPA et la MOTOE – se sont données pour but d’organiser et de commercialiser des courses motocyclistes en Grèce. Le succès de tels organismes dépend à long terme de leur capacité d’imposer les prestations qu’elles offrent par rapport à celles d’autres opérateurs
et de garantir le financement de leur activité » (mise en italique par mes soins). La seule différence réside dans le fait que, contrairement à son avocate générale, la Cour tente de présenter cette conclusion comme une précision de la portée du point 123 de l’arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8), ce qui a généré, d’après moi, l’erreur d’interprétation commise par le Tribunal dans la présente affaire.

( 60 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C‑222/04, EU:C:2006:8).

( 61 ) Ainsi que la Commission l’a remarqué dans son pourvoi, le Tribunal a également accepté ce principe. En effet, dans l’arrêt du 28 septembre 2017, Aanbestedingskalender e.a./Commission (T‑138/15, non publié, EU:T:2017:675), il a confirmé une décision litigieuse constatant que l’exploitation d’une plateforme de passation électronique, établie pour garantir que les pouvoirs adjudicateurs répondent aux obligations légales leur incombant au titre de certaines directives de l’Union en matière de
passation des marchés publics, ne constituait pas une activité économique, en dépit du fait que des opérateurs poursuivant un but lucratif exploitaient également des plateformes analogues. Un pourvoi présenté à l’encontre de cet arrêt a été récemment rejeté par la Cour (arrêt du 7 novembre 2019, Aanbestedingskalender e.a./Commission (C‑687/17 P, non publié, EU:C:2019:932).

( 62 ) Arrêt du 27 juin 2017 (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 50). Il me semble opportun de noter que, au point 46 de cet arrêt, la Cour avait rappelé la formule du point 123 de l’arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8). Cependant, la conclusion qu’elle tire quant à la nature de l’activité examinée atteste, à mon avis, que la phrase « dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif » n’est pas
comprise comme exigeant la présence concomitante de ces deux éléments.

( 63 ) Cette jurisprudence constante remonte à l’arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21).

( 64 ) Il s’agit d’une jurisprudence qui remonte à l’arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21). Voir, plus récemment, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 103).

( 65 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 34 et jurisprudence citée).

( 66 ) Conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire FENIN/Commission (C‑205/03 P, EU:C:2005:666, point 26).

( 67 ) Arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission (C‑75/97, EU:C:1999:311, point 37).

( 68 ) Voir, en ce sens, les conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire FENIN/Commission (C‑205/03 P, EU:C:2005:666, point 27). Voir, également, les considérations que j’ai formulées à propos de l’arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150) aux points 125 à 127, et 129 des présentes conclusions.

( 69 ) Conclusions de l’avocat général Jacobs dans les affaires jointes AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2003:304, point 35).

( 70 ) Arrêt du 17 février 1993 (C‑159/91 et C‑160/91, EU:C:1993:63).

( 71 ) Arrêt du 22 janvier 2002 (C‑218/00, EU:C:2002:36).

( 72 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 73 ) Arrêt du 5 mars 2009 (C‑350/07, EU:C:2009:127).

( 74 ) Arrêt du 3 mars 2011 (C‑437/09, EU:C:2011:112).

( 75 ) Concernant les éléments énumérés jusqu’ici, voir arrêts du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C‑159/91 et C‑160/91, EU:C:1993:63, points 10, 12, 13 et 18) ; du 22 janvier 2002, Cisal (C‑218/00, EU:C:2002:36, points 39 à 44) ; du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, points 47 à 52) ; du 5 mars 2009, Kattner Stahlbau (C‑350/07, EU:C:2009:127, points 44 à 59), ainsi que du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance (C‑437/09, EU:C:2011:112, points 47
à 52).

( 76 ) Arrêts du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C‑159/91 et C‑160/91, EU:C:1993:63, points 14 et 18) ; du 22 janvier 2002, Cisal (C‑218/00, EU:C:2002:36, points 43 à 44) ; du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, points 48 à 52) ; du 5 mars 2009, Kattner Stahlbau (C‑350/07, EU:C:2009:127, points 60 à 65), ainsi que du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance (C‑437/09, EU:C:2011:112, points 53 à 65).

( 77 ) Arrêt du 11 juillet 2006 (C‑205/03 P, EU:C:2006:453, point 26).

( 78 ) Voir, également, point 93 de la décision litigieuse.

( 79 ) Arrêt du 16 novembre 1995 (C‑244/94, EU:C:1995:392).

( 80 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑67/96, EU:C:1999:430).

( 81 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑115/97 à C‑117/97, EU:C:1999:434).

( 82 ) Arrêt du 21 septembre 1999 (C‑219/97, EU:C:1999:437).

( 83 ) Arrêt du 12 septembre 2000 (C‑180/98 à C‑184/98, EU:C:2000:428).

( 84 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 85 ) Arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, points 6 et 7).

( 86 ) Arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, points 52 et 53).

( 87 ) Arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, points 8 et 9).

( 88 ) Arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, point 52).

( 89 ) Il convient de noter que Dôvera a soutenu, au cours de l’audience, que cela ne serait pas possible dès lors que ces deux affaires se distinguent à trois égards : premièrement, les organismes d’assurance maladie opérant sur le marché slovaque ne poursuivent pas de but lucratif ; deuxièmement, ils sont constitués sous forme de sociétés commerciales ; troisièmement, ils sont en droit de négocier directement et de conclure des contrats avec les prestataires de soins de santé. S’agissant de ce
dernier élément, j’ai déjà expliqué la raison pour laquelle il ne peut pas être pris en compte aux points 118 et 119 des présentes conclusions. Concernant la poursuite d’un but lucratif par les organismes d’assurance, l’absence de pertinence de cet élément aux fins de la qualification d’une entité en tant qu’entreprise est motivée aux points 92 à 107 des présentes conclusions. Enfin, quant au fait que ces organismes sont constitués sous forme de sociétés commerciales, je me borne à rappeler une
nouvelle fois la jurisprudence classique selon laquelle le statut juridique d’une entité, dont la poursuite d’un but lucratif est à l’évidence tributaire, n’est pas pertinent aux fins de ladite qualification. Voir, pour ce dernier point, arrêt du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering (C‑185/14, EU:C:2015:716, point 37 et jurisprudence citée).

( 90 ) Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas remis en question le constat figurant au point 87 de la décision litigieuse selon lequel la portée des prestations légales obligatoires était, en effet, très large puisqu’elle couvrait presque tous les actes médicaux prodigués en Slovaquie. Je note, à cet égard, que, dans son pourvoi, la République slovaque soutient que 98,9 % de l’ensemble des prestations médicales fournies sont totalement remboursés par les sociétés d’assurance maladie au titre de
l’assurance maladie obligatoire, de sorte que la possibilité de se faire concurrence ne porte que sur le 1,1 % des prestations médicales restantes.

( 91 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 92 ) Arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, point 7).

( 93 ) Voir note en bas de page 7, point 15, de la décision litigieuse.

( 94 ) Voir point 95 de la décision litigieuse.

( 95 ) Arrêt du 16 mars 2004 (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150).

( 96 ) Il s’agit de l’exigence de cohérence que j’ai évoquée au point 112 des présentes conclusions.

( 97 ) Arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance (C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 78 et jurisprudence citée).

( 98 ) Voir arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 83 et jurisprudence citée).

( 99 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, QuaMa Quality Management/EUIPO (C‑139/17 P, non publié, EU:C:2018:608, point 35 et jurisprudence citée).

( 100 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, Espagne/Commission (C‑588/17 P, non publié, EU:C:2018:607, point 35 et jurisprudence citée).

( 101 ) C’est la traduction française littérale du terme employé dans la version en langue anglaise de l’arrêt attaqué. Dans la version en langue française le terme utilisé est « importants ».

( 102 ) Voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2011, Iride/Commission (C‑329/09 P, non publié, EU:C:2011:859, points 48 à 51, et jurisprudence citée).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-262/18
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Pourvoi - fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE Système de sécurité sociale – Organismes d’assurance maladie – Notions d’“entreprise” et d’“activité économique” – Finalité sociale – Principe de solidarité – Contrôle de l’État – Appréciation globale – Possibilité de rechercher des bénéfices – Concurrence résiduelle sur la qualité et sur l’offre des prestations d’assurance maladie.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission européenne et République slovaque
Défendeurs : Dôvera zdravotná poistʼovňa a.s.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:1144

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award