CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 24 octobre 2019 ( 1 )
Affaire C‑244/18 P
Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE
contre
Commission européenne
« Pourvoi – Mesures de soutien prises par les autorités grecques en faveur de la requérante dans le cadre d’un programme de privatisation de l’entreprise – Garanties d’État – Décision de la Commission déclarant que ces mesures constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’“avantage économique” au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE – Entreprise en difficulté – Lignes directrices relative au sauvetage et à la restructuration – Récupération des aides d’État –
Fixation des somme d’aides à récupérer – Circonstances exceptionnelles »
I. Introduction
1. Par le présent pourvoi, Larko Geniki Metalleftiki kai Metallourgiki AE (ci-après « Larko » ou « la requérante ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er février 2018, Larko/Commission ( 2 ) (ci‑après « l’arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2014/539/UE de la Commission européenne, du 27 mars 2014, concernant l’aide d’État SA.34572 (13/C) (ex 13/NN) accordée par la Grèce à Larco General Mining &
Metallurgical Company SA ( 3 ) (ci-après la « décision litigieuse »).
2. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de la première branche du deuxième moyen tirée, principalement, d’une interprétation erronée de la notion d’“avantage économique” au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et du quatrième moyen du pourvoi, tiré, principalement, d’une violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] ( 4 ), relative à
la récupération de l’aide.
3. À l’issue de mon analyse, je proposerai à la Cour de rejeter la première branche du deuxième moyen et le quatrième moyen comme étant non fondés.
II. Le cadre juridique
A. Le règlement no 659/1999
4. L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, intitulé « Récupération de l’aide », énonce :
« En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...]. »
B. Les lignes directrices relatives au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté
5. La section 2.1, intitulée « Notion d’“entreprise en difficulté” », des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (ci-après les « lignes directrices relatives au sauvetage et à la restructuration ») ( 5 ) prévoit à ses points 9 à 11 :
« 9. Il n’existe pas de définition communautaire de ce qui constitue une entreprise en difficulté. Toutefois, aux fins des présentes lignes directrices, la Commission considère qu’une entreprise est en difficulté lorsqu’elle est incapable, avec ses ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires ou ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi
certaine à court ou moyen terme.
10. Concrètement, une entreprise est, en principe et quelle que soit sa taille, considérée comme étant en difficulté aux fins des présentes lignes directrices dans les circonstances suivantes :
[...]
11. Même si aucune des conditions énoncées au point 10 n’est remplie, une entreprise peut néanmoins être considérée comme étant en difficulté, en particulier si l’on est en présence des indices habituels d’une entreprise en situation de difficulté, tels que le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d’affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d’autofinancement, l’endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que
l’affaiblissement ou la disparition de la valeur de l’actif net [...]. »
C. La communication relative aux garanties
6. La communication de la Commission du 20 juin 2008 sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (ci-après la « communication relative aux garanties ») ( 6 ) énonce à son point 2.1, relatif à l’article 107 TFUE et intitulé « Remarques générales », troisième alinéa :
« Afin de dissiper les doutes à ce sujet, il conviendrait de clarifier la notion de ressources d’État à l’égard des garanties d’État. Cette forme de garantie présente l’avantage de faire supporter par l’État le risque qui y est associé. Or cette prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime appropriée. Lorsque l’État renonce à tout ou partie de cette prime, il y a à la fois avantage pour l’entreprise et ponction sur les ressources publiques. Par conséquent, même si, finalement,
l’État n’est pas amené à faire des paiements au titre de la garantie accordée, il peut néanmoins y avoir aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité. L’aide est accordée au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements. C’est donc au moment où la garantie est donnée qu’il y a lieu de déterminer si elle constitue ou non une aide d’État et, dans l’affirmative, d’en calculer le montant. »
7. Le point 3.2 de cette communication, intitulé « Garanties individuelles » prévoit :
« Dans le cas d’une garantie publique individuelle, la Commission considère que les conditions énoncées aux points a) à d) seront suffisantes pour exclure la présence d’une aide d’État.
a) L’emprunteur n’est pas en difficulté financière.
Afin de décider si l’emprunteur doit être considéré comme en difficulté financière, il y a lieu d’appliquer la définition figurant dans les lignes directrices communautaires concernant les aides au sauvetage et à la restructuration [...].
[...]
d) La garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché.
Ainsi qu’il est indiqué au point 2.1, la prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie ou une contre-garantie. Lorsque le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide.
S’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti.
[...] »
8. Le point 4.1 de ladite communication portant sur les généralités des garanties contenant un élément d’aide expose :
« Lorsqu’une garantie individuelle ou un régime de garanties ne sont pas conformes au principe de l’investisseur en économie de marché, ils sont réputés contenir une aide d’État. Cet élément d’aide d’État doit donc être quantifié afin de pouvoir vérifier si l’aide peut être considérée comme compatible en vertu d’une exemption spécifique. Par principe, l’élément d’aide d’État sera réputé être égal à la différence entre le prix de marché adéquat de la garantie octroyée individuellement ou au titre
d’un régime et le prix réel payé pour cette mesure.
Les équivalents-subventions annuels qui en résultent devraient être actualisés à leur valeur présente en utilisant le taux de référence, puis être additionnés pour obtenir l’équivalent-subvention total.
En calculant l’élément d’aide d’une garantie, la Commission s’attachera tout particulièrement aux éléments suivants :
a) dans le cas des garanties individuelles : l’emprunteur est-il en difficulté financière ? Dans le cas des régimes de garanties, les critères d’admissibilité du régime prévoient-ils l’exclusion de ces entreprises ? [voir le détail au point 3.2 a)]
La Commission observe que, pour les entreprises en difficulté, un garant sur le marché, s’il existe, exigerait une prime élevée au moment de l’octroi de la garantie, eu égard au taux de défaillance attendu. Si la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas et, dans des circonstances exceptionnelles, l’élément d’aide de la garantie peut se révéler aussi élevé que le montant effectivement couvert
par cette garantie ;
[...] »
III. Les faits à l’origine du litige, le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
A. Les faits à l’origine du litige
9. Les antécédents du litige ont été exposés en détail dans l’arrêt attaqué, auquel il est renvoyé à cet égard ( 7 ). Les éléments essentiels et nécessaires pour la compréhension des présentes conclusions peuvent être résumés comme suit.
10. Larko est une entreprise spécialisée dans l’extraction et la transformation du minerai de latérite, l’extraction de lignite et la production de ferronickel et de sous-produits.
11. Elle a été créée en 1989, sous la forme d’une nouvelle entreprise, à la suite de la liquidation de Hellenic Mining and Metallurgical SA. À l’époque des faits qui sous-tendent le litige, elle avait trois actionnaires : l’État grec, qui détenait 55,2 % des actions par l’intermédiaire du Hellenic Republic Asset Development Fund, un établissement financier privé, la National Bank of Greece SA, qui détenait 33,4 % des actions, et la Public Power Corporation (le principal producteur d’électricité en
Grèce, dont l’État est l’actionnaire majoritaire), qui détenait 11,4 % des actions.
12. En mars 2012, le Hellenic Republic Asset Development Fund a informé la Commission d’un programme de privatisation de Larko.
13. En avril 2012, la Commission a lancé, d’office, un examen préliminaire sur ladite privatisation, conformément aux règles en matière d’aides d’État.
14. L’examen avait pour objet six mesures, dont uniquement les deuxième, quatrième et sixième mesures reproduites ci-dessous sont pertinentes aux fins des présentes conclusions dès lors que seules ces trois mesures font l’objet de la première branche du deuxième moyen et du quatrième moyen du pourvoi :
– la deuxième concernait une garantie relative à un prêt de 30 millions d’euros consenti par ATE Bank à Larko, garantie accordée par l’État grec en 2008 (ci-après la « mesure no 2 » ou la « garantie de 2008 »). Cette garantie couvrait 100 % du prêt pendant une durée maximale de trois ans et prévoyait une prime de garantie de 1 % par an ;
– la quatrième concernait une garantie accordée par l’État en 2010, d’une durée indéterminée, pour couvrir entièrement une lettre de garantie que la National Bank of Greece devait fournir à Larko pour un montant d’environ 10,8 millions d’euros et prévoyant une prime de garantie de 2 % par an (ci‑après la « mesure no 4 ») ;
– la sixième concernait deux garanties accordées par l’État en 2011 pour deux prêts, respectivement de 30 millions d’euros et de 20 millions d’euros, consentis par ATE Bank, garanties qui couvraient 100 % de ces prêts et prévoyaient une prime de 1 % par an (ci‑après la « mesure no 6) ».
15. Au cours de cet examen, la Commission a demandé aux autorités grecques des informations supplémentaires, qui lui ont été fournies en 2012 et en 2013. Des réunions entre les services de la Commission et les représentants des autorités grecques ont également eu lieu.
16. Par décision du 6 mars 2013 ( 8 ) (ci-après « la décision d’ouverture »), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
17. Au cours de ladite procédure, la Commission a invité les autorités grecques et les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les mesures mentionnées au point 14 des présentes conclusions. La Commission a reçu des observations des autorités grecques le 30 avril 2013 ; elle n’a reçu aucune observation de la part de Larko.
18. Le 27 mars 2014, la Commission a adopté la décision litigieuse. Par cette décision et pour ce qui est des mesures no os2, 4, et 6, dont l’analyse est seule pertinente pour les présentes conclusions, la Commission a considéré que, à l’époque où ces trois mesures avaient été accordées, Larko était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices relatives au sauvetage et à la restructuration ( 9 ).
19. En outre, la Commission a considéré que ces mesures constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que ces mesures avaient été accordées en violation des obligations de notification et d’interdiction de mise à exécution établies à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et que lesdites mesures constituaient des aides incompatibles avec le marché intérieur et soumises à récupération au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. Enfin, la Commission a
fixé les sommes à récupérer en vertu de ces aides à hauteur du montant entier couvert par les garanties ( 10 ).
B. Le recours devant le Tribunal
20. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2014, Larko a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’au remboursement, assorti d’intérêts, de toute somme éventuellement récupérée, directement ou indirectement, auprès d’elle en exécution de cette décision.
21. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné Larko aux dépens.
C. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
22. Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 avril 2018, Larko demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.
23. La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Larko aux dépens.
IV. Analyse
A. Sur la première branche du deuxième moyen relative à la mesure no 2
24. La première branche du deuxième moyen soulève la question de la qualification de la mesure no 2 comme étant une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et plus précisément, de l’appréciation de cette mesure comme conférant un « avantage économique » à Larko.
25. En qualifiant ladite mesure d’aide d’État dans la décision litigieuse, la Commission s’est fondée sur le point 3.2, sous a) et d), de sa communication relative aux garanties. Larko faisant valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit en appliquant ce point à l’aide octroyée, j’estime utile, tout d’abord, de formuler quelques observations liminaires concernant cette communication (section 1), avant de procéder à l’analyse de la première branche du deuxième moyen
(section 2).
1. Observations liminaires sur la communication relative aux garanties
26. La communication relative aux garanties présente l’approche retenue par la Commission à l’égard des aides d’État accordées sous forme de garanties et les principes selon lesquels la Commission entend fonder son interprétation des articles 107 et 108 TFUE ainsi que l’application de ces articles aux garanties publiques.
27. Pour déterminer si une garantie accorde un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission devrait, selon le point 3.1 de cette communication, fonder son appréciation sur le principe de l’investisseur dans une économie de marché. Il convient donc de tenir compte des possibilités effectives d’une entreprise bénéficiaire d’obtenir des ressources financières équivalentes en ayant recours au marché des capitaux ( 11 ).
28. Afin de pouvoir apprécier plus aisément si une garantie donnée respecte ledit principe, la Commission requiert, au point 3.2 de ladite communication, l’accomplissement d’un certain nombre de conditions pour exclure la présence d’une aide d’État, parmi lesquelles figurent, en ce qui concerne les garanties individuelles, d’une part, la condition que l’emprunteur ne soit pas en difficulté financière [point 3.2, sous a)] et, d’autre part, la condition que la garantie donne lieu au paiement d’une
prime conforme au prix du marché [point 3.2, sous d)] ( 12 ).
29. Conformément à la jurisprudence de la Cour, aux fins de l’application de ces deux conditions, il convient de prendre en compte le contexte de l’époque au cours de laquelle les mesures de soutien financier ont été prises, ce qui implique de s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (ci-après « le critère temporel ») ( 13 ).
30. Pour déterminer si la garantie ne contient pas d’aide, le point 3.2, premier alinéa, sous d), de la communication relative aux garanties établit comme critère que la prise de risque devrait être rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie ou une contre-garantie (ci-après « le critère de rémunération »). En effet, lorsque le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la
garantie ne contient pas d’aide. D’ailleurs, le point 3.2 formule deux méthodes pour déterminer si une garantie donnée satisfait à ce critère : il y a lieu soit de comparer le prix payé pour la garantie avec la prime de garantie de référence offerte sur les marchés financiers, soit de comparer le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée avec le prix de marché d’un prêt similaire non garanti.
2. L’analyse
31. Larko soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsque ce dernier a considéré que la mesure no 2 conférait à Larko un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le Tribunal aurait erronément appliqué, d’une part, le critère temporel en qualifiant Larko d’« entreprise en difficulté » lors de l’octroi de la mesure no 2 (section a) et, d’autre part, le critère de rémunération en jugeant que la prime de 1 % ne reflétait pas le risque de défaut pour les prêts garantis tel
que prévu au point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties (section b).
a) Sur le critère temporel
32. Le grief concernant le critère temporel est dirigé contre les points 77 à 80 de l’arrêt attaqué et est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
33. À titre liminaire, j’observe que pour conclure, au point 90 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a qualifié Larko d’« entreprise en difficulté » lors de l’octroi de la mesure no 2, le Tribunal procède en deux temps. Tout d’abord, aux points 75 à 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal établit que, sur la base des éléments dont la Commission disposait, celle-ci a pu conclure à juste titre que Larko était une entreprise en difficulté. Ensuite, aux points 83
à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal considère que la Commission n’a pas commis d’erreurs de droit en estimant que, au moment de l’octroi de la garantie de 2008, l’État grec, en tant qu’actionnaire de Larko, était censé avoir connaissance de la situation de difficulté de celle-ci.
34. Larko allègue que l’appréciation du Tribunal aux points 77 à 80 de l’arrêt attaqué est erronée étant donné que les éléments de fait sur lesquels cette appréciation est fondée sont postérieurs à l’octroi de la garantie survenue le 22 décembre 2008, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence de la Cour ( 14 ). À cet égard, Larko s’appuie sur les trois arguments suivants.
35. Premièrement, les résultats financiers évoqués auxdits points s’étendent jusqu’à l’année 2012 et, en tout état de cause, aux résultats négatifs de l’année 2009. Deuxièmement, les résultats financiers de l’année 2008 étaient aussi postérieurs à l’octroi de la garantie de 2008 dès lors que l’exercice comptable n’était pas encore achevé, que les états financiers n’étaient même pas encore établis et qu’ils n’avaient donc pas été portés à la connaissance de l’État grec lors de l’octroi de cette
garantie. Partant, le Tribunal aurait omis de se replacer dans le contexte de l’époque, ainsi que l’exigerait la jurisprudence de la Cour. Troisièmement, en tout état de cause, à supposer même que les données de 2008 n’étaient pas postérieures à l’octroi de la garantie de 2008, elles étaient à ce stade des données à court terme. À cet égard, Larko allègue qu’il résulterait des points 9 à 11 des lignes directrices relatives au sauvetage et à la restructuration que l’analyse de la situation
patrimoniale de l’entreprise doit être fondée sur des données d’une durée suffisante, et non sur l’image d’un instant.
36. La Commission estime qu’il convient de rejeter ce grief.
37. D’emblée, je relève que, étant donné que la garantie concernée a été allouée le 22 décembre 2008, il convient, conformément à la jurisprudence de la Cour, de prendre en compte les éléments qui sont intervenus jusqu’à cette date afin d’apprécier si Larko était une entreprise en difficulté lors de l’octroi de la garantie.
38. À cet égard, concernant le premier argument avancé par Larko, je relève que le fait que le Tribunal mentionne, au point 77 de l’arrêt attaqué, les résultats financiers s’étendant jusqu’à l’année 2012 ne signifie pas, en soi, que le Tribunal s’est fondé sur de tels résultats postérieurs pour l’appréciation de la situation financière de Larko au moment où la garantie de 2008 a été octroyée.
39. En effet, la mention de tels résultats financiers par le Tribunal doit être lue à la lumière du fait que la Commission s’est livrée, dans la décision litigieuse, à une appréciation de la situation financière de Larko pour la période durant laquelle toutes les mesures contestées ont été prises, c’est-à-dire sa situation financière des années 2007 à 2012. Ainsi, avant de rappeler ces résultats financiers au point 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal renvoie à la décision de la Commission selon
laquelle « [e]n l’espèce, aux considérants 56 à 66 de la décision [litigieuse], la Commission a qualifié Larko d’“entreprise en difficulté” lors de l’octroi des mesures [no 2, no 4 et no 6], y inclus la garantie de 2008 » ( 15 ).
40. Cela étant dit, je constate que, aux fins de l’appréciation de la situation financière de Larko aux points 78 à 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se fonde sur des faits survenus en 2008, à savoir les fonds propres négatifs de Larko, la diminution considérable du chiffre d’affaires et les pertes importantes accumulées par cette dernière en 2008 ( 16 ).
41. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le premier argument avancé par Larko.
42. S’agissant du deuxième argument présenté par Larko, celui-ci comporte, selon moi, deux éléments : d’une part l’allégation selon laquelle les résultats financiers de l’année 2008 étaient postérieurs à l’octroi de la garantie de 2008 dès lors que l’exercice comptable n’était pas encore achevé et, d’autre part, le fait que l’État grec n’avait pas connaissance des informations contenues dans les résultats financiers de l’année 2008.
43. En ce qui concerne le premier élément, il convient de constater que, comme le fait valoir la Commission, les états financiers de 2008 décrivent les données financières de Larko pour la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2008, lesquelles sont pour la plupart antérieures à l’attribution de la garantie octroyée le 22 décembre 2008. À cet égard, je souligne que les faits survenus au cours d’une période donnée peuvent, en général, aussi être prouvés par des documents
ultérieurs fondés sur ces faits antérieurs ( 17 ). Pour cette raison, les informations contenues dans les résultats financiers de l’année 2008 ne peuvent pas être considérées comme postérieures à l’octroi de la garantie de 2008.
44. S’agissant du deuxième élément, le Tribunal constate, au point 85 de l’arrêt attaqué, qu’« [i]l n’y a aucun élément versé au dossier de l’affaire qui démontre de manière certaine que l’État membre avait connaissance de la situation de difficulté de Larko au moment de l’octroi de la garantie de 2008 » et que « [l]a question qui se pose est donc de savoir si la Commission a satisfait à sa charge de la preuve en s’appuyant, en substance, sur la présomption selon laquelle l’État grec aurait dû
connaître la situation de difficulté de Larko à la fin de l’année 2008, lors de l’octroi de la garantie ».
45. Alors que la formulation utilisée à ce point pourrait donner l’impression que la Commission s’est appuyée, principalement, sur l’omission par les autorités grecques de se renseigner sur la situation financière de Larko, il est clair, à mon sens, que le Tribunal a voulu indiquer que la Commission s’est appuyée sur la présomption selon laquelle l’État grec aurait, à tout le moins, dû connaître la situation de difficulté de Larko lors de l’octroi de la garantie.
46. En effet, une telle lecture s’impose au vu du point 89 de l’arrêt attaqué où le Tribunal conclut qu’il était raisonnable de la part de la Commission de considérer qu’un actionnaire avisé se serait, à tout le moins, renseigné sur la situation économique et financière actuelle de l’entreprise avant de lui accorder une garantie telle que celle de 2008 ( 18 ).
47. Cela étant précisé, je rappelle que dans la mesure où Larko, par le second élément de son deuxième argument, remet en question la connaissance par les autorités grecques de la situation financière de Larko en 2008, ce qui a trait aux faits du litige ( 19 ), le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits.
48. La Cour est toutefois compétente pour apprécier si le Tribunal a dénaturé la portée d’une décision litigieuse. Il importe de rappeler qu’une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ( 20 ).
49. En l’espèce, alors que la question de la connaissance (ou non) par les autorités grecques de la situation financière de Larko en 2008 concerne l’établissement des faits qui relève de la seule compétence du Tribunal, la Cour peut toutefois contrôler si le Tribunal a dénaturé la portée de la décision litigieuse sur ce point.
50. Si cette dernière question peut être soulevée dès lors qu’à première vue aucun élément dans la décision litigieuse ne permet de considérer que la Commission a également adopté le même raisonnement que celui développé par le Tribunal sur ce point ( 21 ), je constate toutefois qu’une telle dénaturation n’a pas été invoquée par Larko et que, en tout état de cause, le contenu de la décision litigieuse n’a, selon moi, pas été dénaturé par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.
51. Il est en effet constant que la connaissance par les autorités grecques de la situation financière de Larko en 2008 n’a pas été contestée au cours de la procédure administrative par l’État grec lui‑même ( 22 ), ce qu’indique également le Tribunal au point 88 de l’arrêt attaqué ( 23 ) et ce qui explique vraisemblablement pourquoi la Commission ne s’est pas prononcée sur cette question dans la décision litigieuse ( 24 ).
52. Ainsi, c’est à la lumière de ces considérations que le Tribunal a jugé, en substance, que dans les circonstances de l’espèce, afin d’apprécier si Larko était en difficulté financière au sens du point 3.2, sous a) de la communication relative aux garanties, la Commission a pu, à juste titre, se baser sur la prémisse selon laquelle l’État grec, en tant qu’actionnaire majoritaire de Larko, avait connaissance de la situation financière de cette dernière, ou à tout le moins aurait dû en avoir
connaissance lors de l’octroi de la garantie de 2008.
53. Cette appréciation opérée par le Tribunal me paraît d’ailleurs tout à fait logique. En effet, ainsi que le Tribunal l’a exposé, en substance, aux points 86 à 89 de l’arrêt attaqué, un investisseur privé avisé ( 25 ) qui aurait accordé une garantie telle que celle en cause se serait évidemment renseigné sur la situation financière de Larko au moment de l’octroi de cette garantie. Partant, pour agir en tant qu’investisseur privé avisé, les autorités grecques devaient, en tout état de cause, avoir
pris connaissance de la situation financière de l’entreprise. Sur ce point, je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il incombe à l’État membre lui-même d’établir qu’il a agi en tant qu’investisseur privé avisé ( 26 ).
54. Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième argument de Larko.
55. De même, il y a lieu de rejeter le troisième argument avancé par la requérante, selon lequel les données de 2008 portaient sur le court terme. En effet, il est constant que l’aggravation de la situation financière de Larko a commencé à se manifester vers le milieu de l’année 2008 ( 27 ) et aucun élément ne permet d’indiquer que le Tribunal a fondé son appréciation sur l’image d’un instant, telle qu’invoquée par Larko.
56. Il en résulte que le grief concernant le critère temporel dans le cadre de la notion d’« entreprise en difficulté » doit être rejeté.
b) Sur le critère de la rémunération
57. Le grief relatif au critère de la rémunération est dirigé contre les points 94 à 98 de l’arrêt attaqué et est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 296, paragraphe 2, TFUE.
58. Aux points susvisés, le Tribunal a jugé que la Commission pouvait, à bon droit, conclure que la prime de garantie annuelle de 1 % ne pouvait être considérée comme reflétant le risque de défaut pour les prêts garantis et que la condition énoncée au point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties n’était donc pas remplie.
59. Larko allègue que le Tribunal a erronément appliqué cette condition dans la mesure où le Tribunal a constaté lui-même, au point 95 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a utilisé aucune des deux méthodes établies par ladite condition, à savoir soit la comparaison avec la prime garantie de référence offerte sur les marchés financiers, soit la comparaison du coût financier total du prêt garanti avec le prix de marché d’un prêt similaire non garanti.
60. Partant, lorsque le Tribunal a néanmoins jugé que la décision litigieuse n’était pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de la situation de difficulté économique et financière de Larko et du manque d’apport au cours de la procédure administrative, il aurait, à la fois, écarté l’application du point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties et imposé à Larko et à l’État grec la charge de prouver le montant adéquat de cette prime, dispensant ainsi la Commission
de son obligation d’examiner elle-même le montant adéquat de la prime. Par ailleurs, le Tribunal aurait aussi violé l’article 296, paragraphe 2, TFUE, en ce qu’il n’a pas annulé la décision litigieuse alors même qu’elle était dépourvue de motivation.
61. La Commission estime qu’il convient de rejeter ce grief. Je partage cette position pour les raisons suivantes.
62. Premièrement, ainsi que la Commission l’estime à juste titre, le Tribunal ne s’est pas écarté du point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties et n’a pas imposé à Larko la charge de la preuve à cet égard. En effet, ce point exige comme unique critère que la garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché. Ainsi qu’il est exposé aux points 96 à 98 de l’arrêt attaqué, eu égard à la situation de difficulté économique de Larko et au fait que ni la requérante
ni les autorités grecques n’ont apporté, au cours de la procédure formelle d’examen, d’éléments de nature à démontrer que la prime en question correspondait à une prime qui était offerte sur les marchés financiers ou au prix de marché d’un prêt similaire non garanti, il n’était pas nécessaire que la Commission applique l’une des deux méthodes visant à établir le montant précis d’une telle prime pour établir si la garantie avait satisfait à ce critère.
63. Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 296, paragraphe 2, TFUE, il convient de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte ( 28 ). À cet égard, l’obligation de
motivation doit être distinguée de la question du bien‑fondé des motifs ( 29 ).
64. En l’occurrence, ainsi que le fait valoir la Commission, il y a lieu de constater que la décision litigieuse était pleinement motivée. D’ailleurs, je constate que, en demandant l’annulation de cette décision, Larko était pleinement en mesure de contester le bien-fondé des motifs sur lesquels s’est basée la Commission dans la décision litigieuse. Le Tribunal n’a donc pas méconnu l’obligation incombant à cette dernière en vertu de l’article 296, paragraphe 2, TFUE.
65. Il résulte de ce qui précède que le grief concernant le critère de rémunération et, partant, la première branche du deuxième moyen relative à la mesure no 2 doivent être rejetés comme étant non fondés.
B. Sur le quatrième moyen relatif aux mesures no os2, 4 et 6
66. Le quatrième moyen est dirigé contre les points 180 à 195 de l’arrêt attaqué et concerne la quantification des aides d’État allouées au titre des mesures no os2, 4 et 6 ; il vise plus précisément l’appréciation du Tribunal selon laquelle la Commission pouvait, à juste titre, conclure, en vertu du point 4.1 de la communication relative aux garanties, que le montant de ces aides d’État était égal au montant entier des prêts garantis.
67. À titre liminaire, j’observe que, s’agissant de la quantification des aides, le premier alinéa de ce point 4.1 énonce que, « [p]ar principe, l’élément d’aide d’État sera réputé être égal à la différence entre le prix de marché adéquat de la garantie octroyée et le prix réel payé pour cette mesure ».
68. Il ressort du troisième alinéa, sous a) dudit point 4.1, que, pour calculer l’élément d’aide d’une garantie, la Commission s’attachera tout particulièrement à déterminer si l’emprunteur est en difficulté financière. À cet égard, pour les entreprises en difficulté, un garant sur le marché, s’il existe, exigera une prime élevée au moment de l’octroi de la garantie, eu égard au taux de défaillance attendu. Si la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient
particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas et que, dans des circonstances exceptionnelles, l’élément d’aide de la garantie puisse se révéler aussi élevé que le montant effectivement couvert par cette garantie ( 30 ).
69. En substance, Larko fait valoir que, en ayant considéré que la quantification dans la décision litigieuse du montant des aides à récupérer était conforme à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 et au point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, le Tribunal a violé ledit article 14, paragraphe 1, ainsi que l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et l’article 296, paragraphe 2, TFUE.
70. À l’appui de ce moyen, Larko avance plusieurs arguments qui, à mon sens, apparaissent peu structurés et manquent de clarté. Tels que je les comprends, ces arguments portent en substance sur deux éléments : d’une part, l’appréciation de la question de l’existence de « circonstances exceptionnelles » au sens du point 4.1 de la communication relative aux garanties et, d’autre part, l’appréciation selon laquelle l’élément d’aide des garanties était égal au montant couvert par ces garanties, malgré
le fait que l’État grec n’aurait pas été amené à faire des paiements au titre de ces garanties.
71. S’agissant du premier élément, Larko allègue que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en considérant, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la Commission se trouvait en présence de « circonstances exceptionnelles » au sens du point 4.1 de la communication relative aux garanties ( 31 ).
72. Le Tribunal aurait, d’une part, remplacé la motivation de la décision litigieuse, qui était en soi inexistante ou à tout le moins insuffisante, ce défaut ayant été relevé par le Tribunal aussi bien au point 189 qu’aux points 192 et 194 de l’arrêt attaqué. La motivation du Tribunal à cet égard serait également contradictoire et insuffisante, et le Tribunal aurait violé l’article 296, paragraphe 2, TFUE en ce qu’il n’a pas annulé la décision litigieuse malgré le fait qu’elle était erronée en droit
et dépourvue de motivation ( 32 ).
73. D’autre part, le Tribunal aurait imposé à Larko la charge de la preuve quant à la question de l’existence de « circonstances exceptionnelles ». L’appréciation de l’existence de telles circonstances devrait être pleinement et spécialement motivée par la Commission, sur laquelle repose la charge de la preuve, et ne peut être fondée sur les « doutes » de la Commission quant au point de savoir si le bénéficiaire de l’aide aurait pu, sans les garanties, obtenir un financement sur le marché. Ainsi, en
considérant aux points 186 à 188 de l’arrêt attaqué que la motivation précitée de la Commission était suffisante, le Tribunal aurait commis une erreur de droit concernant le niveau de preuve requis ( 33 ).
74. S’agissant de la recevabilité de ces arguments, je n’estime pas, contrairement à ce que fait valoir, en substance, la Commission, qu’il convienne de les rejeter comme étant irrecevables. En effet, à mes yeux, ceux-ci ne portent pas sur l’établissement des faits ( 34 ), mais soulèvent des questions de droit sur lesquelles la Cour est compétente pour statuer.
75. Toutefois, il conviendrait selon moi de rejeter lesdits arguments comme non fondés, ainsi que le propose également la Commission.
76. À mon sens, le Tribunal n’a ni rajouté ni substitué des éléments qui ne ressortent pas de la décision litigieuse elle-même au point 193 de l’arrêt attaqué ( 35 ). En effet, audit point, le Tribunal a, à juste titre, fait une lecture globale de cette décision en jugeant, en substance, que, en dépit d’une formulation non irréprochable de certains considérants de ladite décision, il ressort de l’ensemble de cette même décision, et notamment de ses considérants 56 à 66, que, à l’époque où les
mesures litigieuses ont été accordées, Larko était dans une situation extrêmement délicate. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur en concluant à l’existence de « circonstances exceptionnelles »se traduisant par une impossibilité pour Larko de rembourser la totalité de l’emprunt par ses propres moyens.
77. À cet égard et comme l’expose également, en substance, le point 191 de l’arrêt attaqué, je rappelle que l’existence de circonstances exceptionnelles au sens du point 4.1 de la communication relative aux garanties se traduit précisément par l’impossibilité pour l’emprunteur de pouvoir rembourser l’emprunt couvert par la garantie par ses propres moyens.
78. S’agissant des prétendus « doutes » de la Commission quant à la possibilité de Larko de se financer sur le marché en l’absence de garanties, le Tribunal a, à bon droit, rejeté cet argument de la requérante et considéré aux points 187 et 188 de l’arrêt attaqué que, en vertu d’une lecture globale de la décision litigieuse, il ressort d’une façon suffisamment claire que la Commission considérait comme étant, à tout le moins, peu probable que Larko fût en mesure d’obtenir un prêt sur le marché sans
l’intervention de l’État grec.
79. Ainsi que la Commission l’a répété devant la Cour, une lecture globale de la décision litigieuse témoigne de cette position de la Commission. S’agissant de la mesure no 2, la phrase qui suit immédiatement celle qui contient le mot « douteux » (« doubtful ») précise que, « en d’autres termes » (« in other words »), la Commission considère que Larko a reçu un avantage égal au montant du prêt garanti puisque, sans la garantie de l’État, elle n’aurait pas été en mesure de recevoir une quelconque
autre garantie de la part du marché. Pour ce qui est de la mesure no 6, la phrase qui contient le mot « douteux » renvoie au même raisonnement adopté pour la mesure no 2.
80. Par ailleurs, ainsi que l’indique le Tribunal au point 193 de l’arrêt attaqué, il convient de souligner que l’appréciation de la Commission concernant l’existence de circonstances exceptionnelles n’a été aucunement contredite ni par les autorités grecques, ni par la requérante, au cours de la procédure administrative.
81. Pour les raisons exposées ci-dessus, il est clair, à mon sens, que le Tribunal n’a ni remplacé la motivation de la Commission, ni imposé à la requérante la charge de la preuve concernant l’existence de « circonstances exceptionnelles ». D’ailleurs, la motivation du Tribunal sur ce point n’est pas contradictoire. En effet, le fait que le Tribunal évoque certaines formulations non irréprochables ou laconiques dans la motivation de la Commission n’est pas en contradiction avec la conclusion du
Tribunal selon laquelle ladite motivation n’était pas entachée d’erreurs de droit, et ce nonobstant de telles formulations.
82. S’agissant de l’article 296, paragraphe 2, TFUE, force est de constater que la décision litigieuse était pleinement motivée ( 36 ). De même, s’agissant de la motivation du Tribunal dans l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater que ce dernier était pleinement motivé, ce qui ressort d’ailleurs clairement des nombreux arguments avancés par Larko concernant le bien-fondé des motifs du Tribunal. Sur ce point, le fait que le Tribunal soit, sur le fond, parvenu à une conclusion différente de celle de
la requérante ne saurait en soi entacher l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation ( 37 ).
83. En ce qui concerne le second élément, Larko avance, en substance, trois arguments portant sur l’arrêt attaqué ( 38 ).
84. Premièrement, alors qu’il aurait été clair au moment de l’adoption de la décision litigieuse qu’aucune de ces garanties n’avait été mobilisée, le Tribunal aurait entériné l’approche de la Commission qui, sans s’adresser aux autorités grecques, se serait bornée à constater qu’elle ne disposait pas d’éléments indiquant que lesdites garanties avaient été mobilisées ( 39 ). Il aurait ainsi méconnu l’obligation incombant à la Commission relative à un examen diligent et impartial d’un dossier dans le
cadre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
85. Contrairement à ce qu’estime la Commission, je ne considère pas que cet argument soit irrecevable. Certes, il repose sur l’établissement des faits, ce sur quoi le Tribunal est seul compétent pour statuer ( 40 ). Toutefois, la question de savoir si le Tribunal aurait dû prendre en considération de telles informations est une question de droit.
86. Cela étant, j’estime, à l’instar de la Commission, qu’il convient de rejeter l’argument comme étant non fondé.
87. En effet, l’appel (ou non) des garanties et le remboursement (ou non) des prêts ont trait à des faits postérieurs à l’octroi des mesures litigieuses et ne peuvent donc être pris en considération, ni pour qualifier d’aides les mesures, ni pour quantifier l’élément d’aide que celles-ci conféraient. Le Tribunal a correctement abouti à cette conclusion en rappelant la jurisprudence pertinente aux points 181 et 182 de l’arrêt attaqué.
88. D’ailleurs, je constate que les preuves invoquées par la requérante concernant le remboursement des prêts et l’absence d’appel des garanties n’avaient pas été présentées à la Commission au cours de la procédure administrative. À cet égard, je rappelle que la légalité d’une décision de la Commission doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont cette dernière disposait au moment où elle a arrêté la décision litigieuse ( 41 ).
89. Deuxièmement, l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation, dès lors que le Tribunal aurait omis d’examiner les observations de la requérante relatives, d’une part, au caractère pleinement contraignant de la décision litigieuse en ce qui concerne le montant à récupérer sur la base de l’arrêt Mediaset ( 42 ) et, d’autre part, au fait que la Commission elle‑même aurait admis l’existence d’erreurs à cet égard dans sa décision.
90. Sur ce point, je relève que si, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant qu’il soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie ( 43 ), ce qui est, à mon avis, le cas en l’espèce.
91. Troisièmement, les conséquences découlant de la fixation du montant d’aides comme correspondant à la valeur intégrale du prêt garanti lorsqu’il n’a pas été fait appel des garanties seraient en contradiction avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle les décisions de la Commission ordonnant la récupération des aides d’État visent à rétablir la situation antérieure et ne sauraient constituer une sanction allant au‑delà de l’avantage effectivement reçu ( 44 ).
92. Sur ce point, je relève à titre surabondant que, outre les arguments que j’ai déjà exposés aux points 87 et 88 des présentes conclusions et qui suffisent pour rejeter le troisième argument avancé par Larko, il me semble que l’allégation de la requérante selon laquelle celle-ci est soi‑disant obligée de payer deux fois l’aide est erronée. En effet, comme l’invoque la Commission, il apparaît que Larko confond deux obligations de paiement différentes qui incombent à une entreprise ayant reçu une
aide sous la forme d’une garantie de l’État. D’une part, l’entreprise bénéficiaire est tenue de rembourser à l’État le montant de l’aide qu’elle a reçue. D’autre part, il subsiste naturellement l’obligation pour cette entreprise de rembourser à la banque le prêt qu’elle a obtenu grâce à cette garantie de l’État.
93. Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de rejeter le quatrième moyen du pourvoi comme étant non fondé.
V. Conclusion
94. Au vu des considérations qui précèdent, et sans préjuger du bien‑fondé des autres moyens du pourvoi, je propose à la Cour de rejeter la première branche du deuxième moyen ainsi que le quatrième moyen comme étant non fondés. Les dépens sont réservés.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) T‑423/14, EU:T:2018:57.
( 3 ) JO 2014, L 254, p. 24.
( 4 ) JO 1999, L 83, p. 1.
( 5 ) JO 2004, C 244, p. 2.
( 6 ) JO 2008, C 155, p. 10.
( 7 ) Voir points 1 à 14 de l’arrêt attaqué.
( 8 ) JO 2013, C 136, p. 27 concernant l’aide d’État SA.34572 (13/C) (ex 13/NN).
( 9 ) Sur la signification de la notion d’« entreprise en difficulté » aux fins de la qualification d’une aide d’État, voir points 26 à 28 des présentes conclusions.
( 10 ) Ce montant est de 30 millions d’euros pour la mesure no 2, d’environ 10,8 millions d’euros pour la mesure no 4, et de 30 et 20 millions d’euros pour la mesure no 6. Voir point 14 des présentes conclusions.
( 11 ) Voir point 3.1, deuxième alinéa, de la communication relative aux garanties.
( 12 ) Voir point 3.1, troisième alinéa, de la communication relative aux garanties.
( 13 ) Voir, notamment, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 71) ainsi que du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission (C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 50).
( 14 ) Voir, sur cette jurisprudence, point 29 et note en bas de page 13 des présentes conclusions.
( 15 ) Souligné par mes soins.
( 16 ) Il peut être déduit du point 56 de la décision litigieuse et du point 77 de l’arrêt attaqué que de telles informations concernent l’année 2008.
( 17 ) Voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission (T‑507/12, non publié, EU:T:2016:35, point 180).
( 18 ) Une telle lecture est également évidente au vu des observations de la Commission devant le Tribunal. En effet, il ressort de ces observations que la Commission y fait valoir comme argument principal que les autorités grecques n’ont jamais prétendu qu’elles ignoraient les difficultés de Larko en décembre 2008. C’est seulement à titre subsidiaire que la Commission considère que, même à supposer que l’État grec ignorait, à l’époque, les difficultés financières de Larko (ce qui n’était pas le cas
selon la Commission), il aurait dû vérifier qu’elle n’était pas une entreprise en difficulté.
( 19 ) Je précise que, dans la mesure où il attaque les points 77 à 80 de l’arrêt attaqué, l’argument de Larko relatif à la connaissance par les autorités grecques de sa situation ne peut être compris comme étant dirigé contre l’appréciation du Tribunal relative à la charge de la preuve incombant à la Commission issue des points 83 à 89 de l’arrêt attaqué.
( 20 ) Voir, notamment, arrêts du 21 décembre 2011, Iride/Commission (C‑329/09 P, non publié, EU:C:2011:859, point 36 et jurisprudence citée), ainsi que du 19 septembre 2019, Pologne/Commission (C‑358/18 P, non publié, EU:C:2019:763, points 44 et 45).
( 21 ) Voir point 44 des présentes conclusions.
( 22 ) En effet, au cours de la procédure administrative, la Commission, estimant que Larko était une entreprise en difficulté le 22 décembre 2008 et que le critère de l’investisseur privé pourrait être applicable à la mesure concernée, a demandé aux autorités grecques de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si tel était effectivement le cas (voir sections 5.1, 5.2.2 et 6 de la décision d’ouverture). Par la suite, les autorités grecques ont envoyé des
observations, le 30 avril 2013 (voir point 17 des présentes conclusions et point 6 de la décision d’ouverture), desquelles il ressort que ces autorités ont contesté que Larko était une entreprise en difficulté au cours des années 2008 et 2009, car la situation de difficulté avait été provoquée par une chute inattendue du prix du ferronickel (voir point 24 de la décision litigieuse). Partant, alors que lesdites autorités ont contesté la qualification de Larko comme étant une « entreprise en
difficulté », elles n’ont toutefois contesté ni la connaissance de la situation financière de l’entreprise en tant que telle, ni les résultats financiers de Larko de l’année 2008 citées dans la décision d’ouverture.
( 23 ) Il ressort de ce point, en substance, que, au cours de la procédure administrative, les autorités grecques n’ont pas démontré qu’elles ne pouvaient pas connaître la situation de difficulté financière à laquelle la requérante était confrontée.
( 24 ) À cet égard, je rappelle que Larko n’a pas fourni d’observations au cours de la phase administrative et que la question de la connaissance par les autorités grecques de la situation financière de Larko en 2008 semble donc avoir été soulevée seulement devant le Tribunal.
( 25 ) Ainsi qu’il ressort du point 56 de l’arrêt attaqué, je rappelle que l’application du critère de l’investisseur privé se fonde sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel et avisé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir avant de procéder audit investissement (voir, notamment, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 71),
et du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 82 à 84).
( 26 ) Voir, notamment, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 82 à 84).
( 27 ) Voir, en ce sens, point 77 de l’arrêt attaqué.
( 28 ) Voir, notamment, arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba (C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49), et du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C‑176/13 P, EU:C:2016:96, point 74).
( 29 ) Voir, notamment, arrêts du 22 mars 2001, France/Commission (C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35), du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil (C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37), ainsi que du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) (C‑611/17, EU:C:2019:332, point 48).
( 30 ) De même, je note que la Cour a jugé que, lorsque – compte tenu de la situation financière précaire d’une entreprise, – aucune institution financière n’accepterait de lui prêter de l’argent sans une garantie de l’État, le montant total du prêt garanti qu’elle obtient doit être considéré comme une aide (voir arrêt du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, EU:C:2000:537, point 31).
( 31 ) Ainsi, Larko ne conteste pas le point 4.1 de ladite communication en tant que tel, mais l’application de ce point aux faits de l’espèce.
( 32 ) Ainsi que je comprends ces arguments, Larko invoque, en effet, une violation tant de l’obligation de motivation incombant à la Commission et au Tribunal, qui constitue une formalité substantielle, que du bien-fondé de la motivation retenue par le Tribunal et la Commission (voir, sur cette distinction, point 63 des présentes conclusions). Je tiens à préciser que, alors que l’obligation de motivation d’un acte est prévue à l’article 296, paragraphe 2, TFUE, l’obligation de motiver les arrêts
est prévue à l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu applicable au Tribunal par l’article 53 de ce statut.
( 33 ) Je comprends cet argument relatif au niveau de preuve en ce sens qu’il porte, en substance, sur l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait imposé à Larko la charge de la preuve concernant la question de l’existence de « circonstances exceptionnelles ».
( 34 ) Plus précisément, selon la Commission, le Tribunal considère aux points 192 à 194 de l’arrêt attaqué que la décision litigieuseavait démontré que, lors de l’octroi des mesures litigieuses, Larko se trouvait dans une « situation extrêmement délicate » à cause de la diminution constante de son chiffre d’affaires et de l’existence de fonds propres négatifs, ce qui laissait penser que l’ensemble du capital social de l’entreprise était perdu. Cette position extrêmement délicate de l’entreprise se
traduisait par « une impossibilité pour Larko de rembourser la totalité de l’emprunt par ses propres moyens ». En contestant ces observations, la requérante remet en cause, selon la Commission, l’établissement des faits par le Tribunal.
( 35 ) Je rappelle que le juge de l’Union est tenu, dans le cadre d’un recours en annulation introduit au titre de l’article 263 TFUE, de se limiter à un contrôle de la légalité de l’acte attaqué. En conséquence, il n’appartient pas au Tribunal de pallier l’éventuelle absence de motivation ou de compléter ladite motivation de la Commission en y rajoutant ou en y substituant des éléments qui ne ressortent pas de la décision qui est attaquée elle-même (voir, également, arrêts du 7 juin 2006, UFEX
e.a./Commission (T‑613/97, EU:T:2006:150, point 70), ainsi que du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, point 182).
( 36 ) Voir, en ce qui concerne la portée de l’article 296, paragraphe 2, TFUE, point 63 des présentes conclusions.
( 37 ) Voir, notamment, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 35 et 36).
( 38 ) Je précise que Larko avance également divers arguments dirigés contre la décision litigieuse, sans toutefois préciser dans quelle mesure l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, ce qui ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel.
( 39 ) En effet, il ressortirait du contrat de prêt de 2008 (mesure no 2) dont disposait la Commission que le remboursement de ce prêt devait s’achever le 31 mars 2012, soit bien avant l’adoption de la décision litigieuse le 27 mars 2014. La Commission aurait donc eu à sa disposition l’ensemble des éléments lui permettant de conclure que ledit prêt avait déjà été remboursé. Quant au remboursement du prêt au titre du contrat de prêt de 2010 (mesure no 4), il devait s’achever quarante-cinq jours après
l’adoption de la décision litigieuse. À ladite date, la Commission aurait pu constater que les prêts au titre du contrat de prêt de 2011 (mesure no 6) étaient déjà partiellement remboursés.
( 40 ) Voir, notamment, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 49).
( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 168).
( 42 ) Arrêt du 13 février 2014 (C‑69/13, EU:C:2014:71).
( 43 ) Voir, notamment, arrêt du 11 septembre 2003, Belgique/Commission (C‑197/99 P, EU:C:2003:444, point 81).
( 44 ) Larko renvoie notamment à l’arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission (C‑75/97, EU:C:1999:311, point 65).