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19/09/2019 | CJUE | N°C-544/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Her Majesty's Revenue and Customs contre Henrika Dakneviciute., 19/09/2019, C-544/18


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Activité non salariée – Ressortissante d’un État membre ayant cessé d’exercer son activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades d’une grossesse et aux suites de l’accouchement – Maintien de la qualité de personne exerçant une activité non salariée »

Dans l’affaire C‑544/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre

de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appe...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 septembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Activité non salariée – Ressortissante d’un État membre ayant cessé d’exercer son activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades d’une grossesse et aux suites de l’accouchement – Maintien de la qualité de personne exerçant une activité non salariée »

Dans l’affaire C‑544/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs), Royaume-Uni], par décision du 7 août 2018, parvenue à la Cour le 20 août 2018, dans la procédure

Her Majesty’s Revenue and Customs

contre

Henrika Dakneviciute,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. D. Šváby, S. Rodin et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2019,

considérant les observations présentées :

– pour Mme Dakneviciute, par M. T. Holdcroft, advocate, ainsi que par MM. D. Rutledge et A. Berry, barristers,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon et Mme Z. Lavery, en qualité d’agents, assistés de Mme G. Ward, barrister,

– pour la Commission européenne, par Mmes E. Montaguti et L. Armati ainsi que par M. J. Tomkin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière, Royaume-Uni) à Mme Henrika Dakneviciute au sujet du refus de cette administration de lui accorder une allocation hebdomadaire pour enfant à charge.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2004/38/CE

3 Aux termes de l’article 1er, sous a), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229,
p. 35, ainsi que JO 2005, L 197, p. 34) :

« La présente directive concerne :

a) les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ».

4 L’article 7 de cette directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a) s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil [...]

[...]

3.   Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de [travailleur] non salarié dans les cas suivants :

a) s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident ;

b) s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistré en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ;

c) s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois ;

[...] »

5 L’article 16, paragraphes 1 et 3, de ladite directive dispose :

« 1.   Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. [...]

[...]

3.   La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers. »

La directive 2010/41/UE

6 Aux termes du considérant 18 de la directive 2010/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 7 juillet 2010, concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, et abrogeant la directive 86/613/CEE du Conseil (JO 2010, L 180, p. 1) :

« En raison de la vulnérabilité économique et physique, durant la grossesse, des travailleuses indépendantes [...] il est nécessaire de leur accorder le droit à des prestations de maternité [...] »

7 L’article 8, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les femmes exerçant une activité indépendante [...] puissent, conformément au droit national, avoir droit à une allocation de maternité suffisante leur permettant d’interrompre leur activité professionnelle pour raison de grossesse ou de maternité pendant au moins quatorze semaines. »

Le droit du Royaume-Uni

Le règlement de 2006 relatif à l’immigration (Espace économique européen)

8 L’article 14, paragraphe 1, de l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 relatif à l’immigration (Espace économique européen)], dans sa version applicable aux faits au principal, accordait un droit de séjour au Royaume-Uni de plus de trois mois à toute « personne qualifiée ».

9 Conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement, relevaient de la notion de « personne qualifiée » les travailleurs salariés et les travailleurs non salariés.

10 L’article 6, paragraphe 2, dudit règlement prévoyait que la qualité de « travailleur salarié » est conservée si la personne concernée se trouve dans l’incapacité temporaire d’exercer un emploi en raison d’une maladie ou d’un accident, ou (sous certaines conditions) si elle se trouve involontairement au chômage ou encore si elle a cessé de travailler volontairement et a repris une formation professionnelle liée à son emploi antérieur.

11 En ce qui concerne la qualité de « travailleur non salarié », l’article 6, paragraphe 3, du même règlement prévoyait que celle-ci est conservée si la personne concernée se trouve dans l’incapacité temporaire d’exercer un emploi en raison d’une maladie ou d’un accident.

La loi de 1992 relative aux cotisations et prestations de sécurité sociale

12 Aux termes de l’article 146, paragraphes 2 et 3, de la Social Security Contributions and Benefits Act 1992 (loi de 1992 relative aux cotisations et prestations de sécurité sociale) :

« 2)   Nul ne peut prétendre à une prestation hebdomadaire d’allocations familiales à moins de se trouver en Grande-Bretagne durant la semaine concernée.

3)   Des circonstances peuvent être déterminées dans lesquelles toute personne doit être traitée aux fins [du paragraphe 2] comme se trouvant, ou ne se trouvant pas, en Grande-Bretagne. »

Le règlement (général) de 2006 en matière d’allocations familiales

13 La règle no 23, paragraphe 4, du Child Benefit (General) Regulations 2006 [règlement (général) de 2006 en matière d’allocations familiales] dispose :

« Une personne doit être considérée comme ne se trouvant pas en Grande-Bretagne aux fins de l’article 146, paragraphe 2, de la [loi de 1992 relative aux cotisations et prestations de sécurité sociale] lorsqu’elle demande à bénéficier d’allocations familiales à compter du 1er mai 2004 et

a) qu’elle n’a pas le droit de séjourner au Royaume-Uni ; [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Mme Dakneviciute est une ressortissante lituanienne qui travaillait de nuit, en tant que salariée, au Royaume-Uni depuis l’année 2011. Après avoir appris qu’elle était enceinte au mois de décembre 2013, elle a décidé d’exercer, à compter du 25 décembre 2013, une activité non salariée, en tant qu’esthéticienne.

15 À partir du 11 mai 2014, elle a bénéficié d’une allocation de maternité. Son enfant est né le 8 août 2014.

16 Après avoir connu une période d’inactivité entre le 22 juillet 2014 et la fin du mois d’octobre 2014, Mme Dakneviciute a maintenu une activité marginale d’esthéticienne non salariée avant de cesser cette activité, les revenus de celle-ci étant devenus insuffisants. Elle a alors introduit, le 10 février 2015, une demande d’allocation de demandeur d’emploi, avant de reprendre une activité salariée au mois d’avril 2015.

17 Entre-temps, le 27 août 2014, Mme Dakneviciute a introduit une demande d’allocation hebdomadaire pour enfant à charge. Par décision du 1er février 2015, cette demande a été rejetée au motif que, au regard de la réglementation nationale applicable, elle ne disposait pas d’un droit de séjour suffisamment établi pour satisfaire aux conditions requises afin de pouvoir bénéficier de cette prestation sociale.

18 Cette décision a été annulée le 29 septembre 2015 par le First-tier Tribunal (tribunal de première instance, Royaume-Uni). L’administration fiscale et douanière, en sa qualité de gestionnaire des allocations familiales, a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs), Royaume-Uni].

19 Par décision interlocutoire du 12 janvier 2017, la juridiction de renvoi a annulé le jugement du First-tier Tribunal (tribunal de première instance) comme étant entaché d’une erreur de droit. La juridiction de renvoi a en effet considéré que, du 22 juillet 2014 au 9 février 2015, l’activité économique exercée par Mme Dakneviciute était marginale, de telle sorte que celle-ci avait cessé d’être économiquement active durant cette période. Selon cette juridiction, il n’est pas contesté, d’une part,
que la cessation de toute activité par Mme Dakneviciute était due aux contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement et, d’autre part, que son retour à une activité économique, d’abord en tant que demandeuse d’emploi, puis par l’exercice d’une activité salariée, est intervenu dans une période de temps raisonnable suivant la naissance de son enfant.

20 Après avoir rappelé que, dans l’arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007), la Cour a jugé qu’une femme qui cesse de travailler ou de chercher un emploi en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement conserve la qualité de « travailleur », au sens de l’article 45 TFUE, pourvu qu’elle reprenne son travail ou trouve un autre emploi dans une période de temps raisonnable suivant la naissance de son enfant, la
juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si cette solution peut être transposée aux personnes ayant exercé leur liberté d’établissement en vertu de l’article 49 TFUE.

21 À cet égard, la juridiction de renvoi indique que, à la suite du prononcé de l’arrêt du 20 décembre 2017, Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:1004), les parties au principal lui ont communiqué des observations supplémentaires, dans lesquelles elles ont soutenu des positions opposées quant à l’application de la solution dégagée dans cet arrêt. Selon l’administration fiscale et douanière, cette solution n’est pas transposable à la situation en cause dans l’affaire au principal, dans la mesure où, notamment,
une personne exerçant une activité non salariée n’est pas obligée d’accomplir personnellement son travail et a la faculté de poursuivre son activité par d’autres moyens, y compris en se faisant remplacer par une autre personne. Selon Mme Dakneviciute, les considérations exposées aux points 36 et 40 à 44 de l’arrêt du 20 décembre 2017, Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:1004), corroborent, en revanche, la thèse selon laquelle l’interprétation du droit de l’Union résultant de l’arrêt du 19 juin 2014, Saint
Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007), est transposable aux personnes exerçant une activité non salariée.

22 C’est dans ces circonstances que l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Lorsqu’une citoyenne de l’Union, ressortissante d’un État membre :

1) est présente [sur le territoire] d’un autre État membre (l’État membre d’accueil) ;

2) a exercé une activité dans l’État membre d’accueil en tant que travailleuse non salariée, au sens de l’article 49 TFUE ;

3) a bénéficié d’une allocation de maternité à partir du mois de mai 2014 (à un moment ou la personne concernée s’estimait moins apte à travailler en raison de son état de grossesse) ;

4) pour laquelle il a été constaté qu’elle a cessé effectivement et réellement d’exercer une activité non salariée à partir du mois de juillet 2014 ;

5) a accouché au mois d’août 2014, et

6) n’a pas repris une activité non salariée effective et réelle au cours de la période suivant l’accouchement et précédant sa demande au bénéfice d’allocation de demandeur d’emploi au mois de février 2015 en qualité de demandeur d’emploi ;

l’article 49 TFUE doit-il être interprété en ce sens que cette personne, qui a cessé d’exercer une activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement, conserve la qualité de travailleur non salarié, au sens de cet article, pourvu qu’elle reprenne une activité économique ou cherche un emploi dans une période de temps raisonnable suivant la naissance de son enfant ? »

Sur la question préjudicielle

23 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une femme, qui cesse d’exercer une activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement, conserve sa qualité de personne exerçant une activité non salariée, pourvu qu’elle reprenne cette activité ou trouve une autre activité non salariée ou un emploi dans une période de temps raisonnable suivant la
naissance de son enfant.

24 À titre liminaire, il convient de relever que, afin d’établir si, en l’occurrence, Mme Dakneviciute peut bénéficier du droit à l’allocation hebdomadaire pour enfant à charge prévue par le règlement (général) de 2006 en matière d’allocations familiales, il importe, pour la juridiction de renvoi, de savoir si, pendant la période allant du 22 juillet 2014 au 9 février 2015, durant laquelle, selon les faits constatés par la juridiction de renvoi, Mme Dakneviciute a cessé, puis repris une activité
marginale non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement, elle disposait, en vertu du droit de l’Union, du droit de séjourner au Royaume-Uni.

25 À cet égard, il y a lieu de relever que la directive 2004/38 constitue un acte législatif unique, qui codifie et révise les instruments du droit de l’Union antérieurs, aux fins de faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007, point 25 et jurisprudence citée).

26 Il ressort ainsi de l’article 1er, sous a), de la directive 2004/38 que cette dernière vise à préciser les conditions de l’exercice dudit droit, parmi lesquelles figure, s’agissant des séjours d’une durée de plus de trois mois, notamment celle énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de cette directive. Selon ladite condition, les citoyens de l’Union doivent revêtir la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non salarié dans l’État membre d’accueil (arrêt du 19 juin 2014, Saint
Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007, point 26).

27 Or, la Cour a jugé que l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, qui précise les cas dans lesquels un citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve, néanmoins, cette qualité, ainsi que le droit de séjour qui lui correspond, ne couvre pas le cas d’une femme qui cesse temporairement de travailler en raison des derniers stades de sa grossesse et des suites de l’accouchement (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007,
point 30).

28 Néanmoins, la Cour a considéré que l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 n’énumère pas de manière exhaustive les circonstances dans lesquelles un citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée dans l’État membre d’accueil conserve néanmoins la qualité de « travailleur », aux fins du paragraphe 1, sous a), de cet article et, partant, le droit de séjour qui découle de cette qualité (arrêt du 11 avril 2019, Tarola, C‑483/17, EU:C:2019:309, point 26 et
jurisprudence citée).

29 En particulier, la Cour a jugé que le fait que les contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites immédiates de son accouchement obligent une femme à cesser son activité salariée pendant la période nécessaire à son rétablissement n’est, en principe, pas de nature à la priver de la qualité de « travailleur », au sens de l’article 45 TFUE. En effet, la circonstance qu’une telle personne n’a pas été effectivement présente sur le marché de l’emploi de l’État membre
d’accueil pendant quelques mois n’implique pas que cette personne a cessé d’appartenir à ce marché pendant cette période, pourvu qu’elle reprenne son travail ou trouve un autre emploi dans un délai raisonnable après l’accouchement (arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007, points 40 et 41).

30 En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’interprétation figurant au point précédent, dégagée dans le cadre d’une situation relevant de l’article 45 TFUE, peut être transposée au cas d’une personne exerçant une activité non salariée au titre de l’article 49 TFUE.

31 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé que les articles 45 et 49 TFUE assurent la même protection juridique, la qualification du mode d’exercice de l’activité économique étant ainsi sans conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 5 février 1991, Roux, C‑363/89, EU:C:1991:41, point 23).

32 En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité sur le territoire d’un État membre autre que leur État membre d’origine (arrêt du 20 décembre 2017, Simma
Federspiel, C‑419/16, EU:C:2017:997, point 35 et jurisprudence citée).

33 Or, une citoyenne de l’Union serait dissuadée d’exercer son droit de libre circulation si, dans l’hypothèse où elle était enceinte dans l’État membre d’accueil et, de ce fait, arrêtait d’exercer une activité non salariée, ne fût-ce que pour une courte durée, elle risquait de perdre la qualité de travailleur non salarié dans cet État (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007, point 44).

34 Il s’ensuit qu’une femme qui se trouve dans la situation envisagée au point 29 du présent arrêt doit, dans les mêmes conditions, pouvoir conserver sa qualité de personne exerçant une activité non salariée au sens de l’article 49 TFUE.

35 Par ailleurs, la Cour a reconnu que les personnes qui exercent une activité salariée et celles qui exercent une activité non salariée se trouvent dans une situation de vulnérabilité comparable lorsqu’elles sont contraintes de cesser leur activité et, dès lors, ne sauraient faire l’objet d’une différence de traitement en ce qui concerne le maintien de leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Gusa, C‑442/16, EU:C:2017:1004, points 42 et 43).

36 Or, les femmes qui tombent enceintes se trouvent dans une situation de vulnérabilité comparable, qu’elles exercent une activité salariée ou non salariée.

37 À cet égard, le législateur de l’Union a expressément reconnu, au considérant 18 de la directive 2010/41, l’état de vulnérabilité économique et physique, durant la grossesse, des travailleuses indépendantes. C’est ainsi que l’article 8, paragraphe 1, de cette directive enjoint aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les femmes exerçant une activité indépendante puissent avoir droit à une allocation de maternité suffisante leur permettant d’interrompre leur activité
professionnelle pour raison de grossesse ou de maternité, dans des conditions analogues à celles prévues pour les travailleuses salariées.

38 Ne saurait conduire à une conclusion différente l’argument avancé devant la juridiction de renvoi par l’administration fiscale et douanière et répété lors de l’audience devant la Cour par le gouvernement du Royaume-Uni, selon lequel, en substance, une femme qui ne peut pas exercer personnellement une activité non salariée, en raison des contraintes liées aux derniers stades de sa grossesse et à l’accouchement, pourrait se faire temporairement remplacer dans l’exercice de cette activité par une
autre personne. En effet, il ne saurait être présumé qu’un tel remplacement sera toujours possible, notamment lorsque l’activité en question implique une relation personnelle ou un lien de confiance avec un client.

39 Il s’ensuit qu’une femme qui cesse d’exercer une activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement ne saurait faire l’objet d’une différence de traitement, en ce qui concerne le maintien de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, par rapport à une travailleuse salariée dans une situation comparable.

40 Au demeurant, les considérations qui précèdent sont corroborées par les dispositions de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2004/38. Dans la mesure où une absence motivée par un évènement important tel que la grossesse ou l’accouchement n’affecte pas la continuité du séjour de cinq ans dans l’État membre d’accueil requise pour l’octroi du droit de séjour permanent, des contraintes physiques liées aux derniers stades de la grossesse et aux suites immédiates d’un accouchement, qui obligent
une femme à cesser temporairement de travailler, ne sauraient, a fortiori, entraîner pour celle-ci la perte de la qualité de personne exerçant une activité non salariée (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C‑507/12, EU:C:2014:2007, points 45 et 46).

41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précédent, il convient de répondre à la question posée que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une femme, qui cesse d’exercer une activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement, conserve sa qualité de personne exerçant une activité non salariée, pourvu qu’elle reprenne cette activité ou trouve une autre activité non salariée ou un emploi dans une
période de temps raisonnable suivant la naissance de son enfant.

Sur les dépens

42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une femme, qui cesse d’exercer une activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de son accouchement, conserve sa qualité de personne exerçant une activité non salariée, pourvu qu’elle reprenne cette activité ou trouve une autre activité non salariée ou un emploi dans une période de temps raisonnable suivant la naissance de son enfant.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-544/18
Date de la décision : 19/09/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber).

Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Activité non salariée – Ressortissante d’un État membre ayant cessé d’exercer son activité non salariée en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades d’une grossesse et aux suites de l’accouchement – Maintien de la qualité de personne exerçant une activité non salariée.

Citoyenneté de l'Union

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Her Majesty's Revenue and Customs
Défendeurs : Henrika Dakneviciute.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella
Rapporteur ?: Vilaras

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:761

Source

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