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11/09/2019 | CJUE | N°C-650/17

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 11 septembre 2019., Royalty Pharma Collection Trust contre Deutsches Patent- und Markenamt., 11/09/2019, C-650/17


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 11 septembre 2019 ( 1 )

Affaires jointes C‑650/17 et C‑114/18

Royalty Pharma Collection Trust

partie en cause

Deutsches Patent- und Markenamt (C‑650/17)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne)]

et

Sandoz Ltd,

Hexal AG

contre

G.D. Searle LLC,

Janssen Sciences Ireland (C‑114/18)

(demande de décision pré

judicielle formée par la Court of Appeal [England & Wales] [Civil Division] [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume‑Uni])
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 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 11 septembre 2019 ( 1 )

Affaires jointes C‑650/17 et C‑114/18

Royalty Pharma Collection Trust

partie en cause

Deutsches Patent- und Markenamt (C‑650/17)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne)]

et

Sandoz Ltd,

Hexal AG

contre

G.D. Searle LLC,

Janssen Sciences Ireland (C‑114/18)

(demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal [England & Wales] [Civil Division] [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume‑Uni])

« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Certificat complémentaire de protection – Règlement (CE) no 469/2009 – Article 3, sous a) – Conditions de délivrance – Notion de “produit protégé par un brevet de base en vigueur” – Critères d’appréciation – Revendications fonctionnelles – Formules de Markush »

I. Introduction

1. Les présentes demandes de décision préjudicielle visent une nouvelle fois à interpréter l’article 3, sous a), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments et particulièrement le sens de la phrase qui y figure « le produit est protégé par un brevet de base en vigueur » ( 2 ).

2. Le certificat complémentaire de protection (ci‑après le « CCP ») vise à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet de base en permettant à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration de ce brevet, destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l’exploitation commerciale de son invention en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de la demande de brevet et celle de l’obtention de la première
autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne ( 3 ).

3. Dans l’affaire C‑650/17, la demande, inscrite au registre de la Cour le 21 novembre 2017, s’inscrit dans une procédure opposant Royalty Pharma Collection Trust (ci‑après « Royalty Pharma ») au Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques, ci‑après l’« Office allemand des brevets ») ayant pour objet le refus de ce dernier d’accorder un CCP pour la sitagliptine, un médicament utilisé dans le traitement du diabète sucré.

4. Dans l’affaire C‑114/18, la demande, inscrite au registre de la Cour le 14 février 2018, s’inscrit dans une procédure opposant d’une part Sandoz Ltd et Hexal AG et d’autre part G.D. Searle LLC (ci‑après « Searle ») et Janssen Sciences Ireland (ci‑après « JSI ») ayant pour objet la validité d’un CCP accordé à Searle pour le darunavir, un médicament utilisé dans le traitement du virus de l’immunodéficience humaine (ci‑après le « VIH »).

5. S’il est vrai que les juridictions de renvoi, voire, sur ce point, les parties qui ont présenté des observations dans les présentes affaires ne demandent pas, me semble-t-il, de réexaminer les principes généraux visés par la grande chambre de la Cour dans son arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), il reste que les présentes affaires donnent à la Cour une nouvelle occasion de préciser certains aspects de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 dans le sillage de
cet arrêt. Je pense tout particulièrement aux revendications de brevet de nature fonctionnelle ou énoncées sous la forme dite parfois de formules de Markush.

6. Les présentes affaires permettront également à la Cour d’indiquer si la notion de « cœur de l’activité inventive » est une notion pertinente et applicable dans le présent contexte et si l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) est propre aux produits composés d’un certain nombre de principes actifs et peut ou non être également appliqué à des produits consistant en un principe actif unique. De surcroît, il est loisible à la Cour d’estimer opportun de préciser plus avant
la question du moment auquel il faut se placer pour examiner si un produit est protégé par un brevet de base en vigueur conformément à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009.

7. Avant d’examiner ces points, il convient d’exposer les dispositions législatives applicables.

II. Le cadre juridique

A.   La convention sur le brevet européen

8. Sous l’intitulé « Étendue de la protection », l’article 69 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich le 5 octobre 1973, dans sa version applicable à l’époque dans le litige au principal (ci‑après la « CBE »), dispose :

« (1)   L’étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.

(2)   Pour la période allant jusqu’à la délivrance du brevet européen, l’étendue de la protection conférée par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications contenues dans la demande telle que publiée. Toutefois, le brevet européen tel que délivré ou tel que modifié au cours de la procédure d’opposition, de limitation ou de nullité détermine rétroactivement la protection conférée par la demande, pour autant que cette protection ne soit pas étendue. »

9. Le protocole interprétatif de cet article 69, qui fait partie intégrante de la CBE, en vertu de son article 164, paragraphe 1, indique, à son article 1er :

« L’article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un
homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. »

B.   Le droit de l’Union

10. Les considérants 3 à 5, 7, 9 et 10 du règlement no 469/2009 énoncent :

« (3) Les médicaments, et notamment ceux résultant d’une recherche longue et coûteuse, ne continueront à être développés dans [l’Union] et en Europe que s’ils bénéficient d’une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche.

(4) À l’heure actuelle, la période qui s’écoule entre le dépôt d’une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation de mise sur le marché dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.

(5) Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique.

[...]

(7) Il convient de prévoir une solution uniforme au niveau [de l’Union] et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de [l’Union] et à affecter, de ce fait, directement le fonctionnement du marché intérieur.

[...]

(9) La durée de la protection conférée par le [CCP] devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un [CCP], doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans [l’Union], du médicament en question.

(10) Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le [CCP] ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu’il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament. »

11. L’article 1er du règlement no 469/2009 dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) “médicament” : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;

b) “produit” : le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;

c) “brevet de base” : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un [CCP] ;

[...] »

12. L’article 3 de ce règlement, intitulé « Conditions d’obtention du [CCP] », dispose :

« Le [CCP] est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande :

a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;

b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cour de validité [...] ;

c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un [CCP] ;

d) l’autorisation mentionnée [sous] b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament. »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

A.   L’affaire C‑650/17

13. La requérante au principal est titulaire du brevet européen EP 1084705 (DE 597 13097), demandé le 24 avril 1997 et délivré le 25 juin 2014, qui a expiré dans l’intervalle. Le brevet porte sur une méthode de réduction du taux de glucose sanguin des mammifères par injection d’inhibiteurs dits « DP IV ». Le recours à ce groupe de principes actifs vise à ralentir l’enzyme dipeptidyl peptidase-4 ce qui régule le taux de sucre des personnes souffrant de diabète sucré. La sitagliptine, qui fait partie
de cette catégorie de principes actifs, a été développée après la date du dépôt de la demande du brevet de base par un preneur de licence qui a obtenu pour celle‑ci un brevet, lequel a donné lieu à la délivrance d’un CCP ( 4 ).

14. Le 17 décembre 2014, Royalty Pharma a sollicité l’Office allemand des brevets de délivrer, au titre du brevet en cause dans l’arrêt du 8 décembre 2011, Merck Sharp & Dohme (C‑125/10, EU:C:2011:812), un CCP pour le produit « sitagliptine dans toutes les formes relevant de la protection du brevet de base » en ordre subsidiaire pour la « sitagliptine, en particulier la sitagliptine phosphate monohydrate ». À cet égard, Royalty Pharma a invoqué l’autorisation de mise sur le marché accordée pour le
médicament Januvia le 21 mars 2007 (EU/1/07/383/001-018) après avis de l’Agence européenne des médicaments.

15. Par décision du 12 avril 2017, l’Office allemand des brevets a rejeté la demande au motif que la condition requise à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 n’est pas remplie. L’Office allemand des brevets a indiqué que, en tant qu’inhibiteur DP IV, le produit répond certes à la définition fonctionnelle du brevet de base mais que le brevet de base ne comporte pas la moindre divulgation propre à la sitagliptine en sorte que le principe actif concret n’est pas livré à l’homme du métier.
Selon l’Office allemand des brevets, ce qui est déterminant au contraire c’est que l’objet de la protection du brevet de base ne correspond précisément pas au médicament développé ultérieurement qui a bénéficié de l’autorisation de mise sur le marché invoquée à l’appui de la demande de délivrance contestée. L’Office allemand des brevets a dès lors considéré qu’il serait contraire aux objectifs du règlement no 469/2009 de délivrer un CCP pour un produit qui n’a pas été divulgué par le brevet de
base.

16. Royalty Pharma a alors formé un pourvoi contre cette décision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). Á l’appui de sa demande, elle soutient en particulier que la décision attaquée de l’Office allemand des brevets ne tient pas suffisamment compte du fait que la contribution et le cœur de l’invention brevetée ne consistent pas dans l’utilisation de composés spécifiques mais dans le recours à des inhibiteurs DP IV en général pour traiter le diabète sucré. Étant un
inhibiteur DP IV de cette nature, la sitagliptine répond à la définition fonctionnelle de la catégorie de principe actif visée dans la revendication 2 du brevet de base. Le principe actif sitagliptine a également été autorisé pour le traitement du diabète sucré. Royalty Pharma admet que le produit n’a pas été divulgué sous une forme individuelle dans le brevet de base mais n’a été développé qu’après la date du dépôt de la demande du brevet de base. On doit dès lors considérer, selon elle, que
les conditions de délivrance de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, telles que requises dans la jurisprudence de la Cour, sont malgré tout remplies. On ne saurait en effet déduire de l’arrêt du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU:C:2011:773), que la Cour ait jugé nécessaire, à l’endroit de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, que le principe actif en cause soit indiqué sous une forme individualisée dans la revendication par exemple par le nom chimique ou la structure de
la substance. En estimant dans son arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835) qu’il est en principe possible d’employer dans la revendication d’un brevet de base une caractéristique fonctionnelle du produit autorisé sans qu’il soit nécessaire d’y donner une définition structurelle, la Cour a précisé en plus qu’il n’était pas nécessaire de désigner individuellement par son nom le produit dans les revendications du brevet de base.

17. Royalty Pharma soutient au demeurant que, dans ses arrêts du 12 décembre 2013, Actavis Group PTC et Actavis UK (C‑443/12, EU:C:2013:833), et du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK (C‑577/13, EU:C:2015:165), la Cour a souligné l’importance de la notion de « cœur de l’activité inventive ». C’est en suivant cette approche que, par exemple, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la
Chancery (chambre des brevets)] a utilisé la notion d’« activité inventive » dans l’examen de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 et qu’elle a essentiellement vérifié si le produit en cause incarne l’activité inventive du brevet de base ou bien s’il a utilisé le cœur de l’invention en vue d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché. D’après Royalty Pharma, ces conditions sont remplies en l’espèce. Le degré d’abstraction de la notion générique définie de manière fonctionnelle par
« inhibiteurs DP IV » doit être considéré comme étant suffisamment spécifique, en particulier en combinaison avec la catégorie de la revendication et les autres caractéristiques en ce que cette notion générique ne couvre que des principes actifs aux mêmes propriétés médicales ou pharmaceutiques. Le principe actif sitagliptine se trouve ainsi visé « implicitement, nécessairement et de manière spécifique » par les revendications du brevet.

18. Le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) estime que, contrairement à ce que soutient Royalty Pharma, le « cœur de l’activité inventive » n’est pas le critère pertinent dans l’application de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009. Il considère que la Cour a précisé que le principe actif en question doit pouvoir être spécifiquement perçu comme relevant de l’objet de la protection du brevet de base ( 5 ). La Cour n’a donc pas repris la notion d’« activité inventive » que lui
proposait la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] dans l’affaire companion ( 6 ) comme critère d’examen dans l’application de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 pour interpréter cette disposition mais l’a considérée au contraire dans l’interprétation de l’article 3, sous c), de ce règlement ( 7 ).

19. C’est dans ces circonstances que le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Un produit n’est-il protégé par le brevet de base en vigueur, conformément à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, que lorsqu’il relève de l’objet de la protection défini par les revendications du brevet en étant ainsi livré à l’homme du métier en tant que mode de réalisation concret ?

2) Les conditions requises à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne sont-elles dès lors pas suffisamment remplies lorsque le produit en question répond certes à la définition fonctionnelle générale que les revendications du brevet donnent d’une catégorie de principe actif sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l’enseignement protégé par le brevet de base ?

3) Un produit n’est-il déjà plus protégé par le brevet de base en vigueur, conformément à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, lorsqu’il relève certes de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications du brevet mais n’a été développé qu’après la date du dépôt de la demande du brevet de base dans une activité inventive autonome ? »

B.   L’affaire C‑114/18

20. Searle est la propriétaire et JSI la licenciée exclusive du CCP GB07/038 portant sur un produit qui y est décrit comme étant « Darunavir ou le sel, estère admis par la pharmacologie ou un promédicament qui en est issu ». Le CCP couvre un produit commercialisé en Europe sous la marque commerciale « Prezista ». C’est un inhibiteur de protéase utilisé dans un médicament antirétroviral destiné à traiter le VIH et le SIDA. Le produit décrit dans le CCP était protégé par le brevet européen (R-U)
no 0810 209.

21. Le brevet est intitulé « Sulfamides d’hydroxyéthylamino utiles comme inhibiteurs de protéases rétrovirales ». Il revendique une priorité au 25 août 1992. Le fascicule commence par indiquer que l’invention s’inscrit dans ces inhibiteurs et en particulier dans « les composés inhibiteurs de protéase d’hydroxyéthylamino contenant des sulfamides, une composition et son emploi dans la préparation d’un médicament destiné à inhiber les protéases rétrovirales tel le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) et dans le traitement d’une infection rétrovirale par exemple une infection VIH ».

22. La description circonstanciée de l’invention s’articule en une série de paragraphes correspondant aux revendications. Elle est fondée sur une formule structurelle comportant un élément fixe et des substituants variables à choisir dans une catégorie définie. Ce genre de formule est connu sous le nom de formule de Markush.

23. D’après la juridiction de renvoi, « la formule de Markush permet de revendiquer une vaste catégorie de composés sans devoir écrire chacun des éléments chimiques. L’emploi d’une formule de Markush dans une revendication est un moyen adéquat de revendiquer une invention dans laquelle l’invention du breveté participe de la découverte d’un nouvel effet technique qu’il prévoit être commun à tous les membres de la catégorie revendiquée à condition qu’ils partagent un élément structurel commun [...]
Les revendications se référant à la formule de Markush pour définir leur étendue sont appelées des revendications Markush. Elles évitent de devoir écrire exhaustivement chaque élément possible de la catégorie revendiquée. Le risque de ces revendications est qu’elles peuvent couvrir des composés qui ne présentent pas l’activité revendiquée et ne répondent dès lors pas à suffisance à l’exposé requis à l’article 83 de la convention sur le brevet européen ou par des lois nationales équivalentes ».
« L’usage permettant d’employer la formule de Markush dans une revendication d’un brevet avait été suivi par des offices de brevets dans le monde entier, en particulier au Royaume‑Uni et à l’Office européen des brevets. »

24. La juridiction de renvoi a relevé que, d’après l’expert en chimie organique de Sandoz et Hexal, le nombre de composés couverts par la revendication 1 du brevet en cause dans l’affaire C‑114/18 était de l’ordre de 7 × 10135 à 1 × 10377. En revanche, le nombre de composés spécifiquement révélés était d’environ 100. Il est constant entre les parties que le fascicule du brevet ne fait nulle part allusion au darunavir.

25. Le CCP a expiré le 23 février 2019.

26. Sandoz et Hexal ont saisi la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, (chambre des brevets)] pour lever les obstacles à la commercialisation d’un produit générique au darunavir avant l’expiration du CCP. Il est constant entre les parties, à tout le moins aux fins de la présente procédure, que la commercialisation du produit de Searle et de JSI empiéterait sur le CCP, pour autant
qu’il soit valide. Sandoz et Hexal prétendent qu’il est nul parce que, selon l’interprétation réelle de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, le darunavir n’est pas un produit « protégé » par le brevet. La validité du brevet lui‑même n’est pas mise en cause.

27. Dans une décision du 3 mai 2017, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, (chambre des brevets)] a rejeté la demande et décidé que le darunavir était un produit protégé par le brevet. Sandoz et Hexal ont saisi la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] ( 8 ) d’un recours dans lequel elles affirment que pour
qu’un produit soit protégé par un brevet de base aux fins de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, il doit être prouvé que « l’équipe du métier reconnaîtrait que le produit fait partie de l’objet du brevet en se référant à une lecture attentive du brevet fondée sur les connaissance générales courantes à la date de priorité ». Elles avancent que, compte tenu du nombre important de composés couverts par la revendication, ce critère n’est pas rempli en l’espèce. Searle et JSI le
contestent et affirment que le darunavir sera protégé par le brevet s’il est un des produits de la catégorie définie et revendiquée dans les revendications du brevet en se référant à la formule de Markush.

28. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] relève que dans son arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835, point 39) la Cour a indiqué que l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un principe actif répondant à une définition fonctionnelle figurant dans les revendications d’un brevet puisse être considéré comme étant protégé par ledit brevet, à la
condition toutefois que, sur la base de telles revendications, interprétées notamment à la lumière de la description de l’invention, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la CBE et le protocole interprétatif de celui‑ci, il est possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique.

29. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] n’aperçoit pas clairement au vu des arrêts du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU:C:2011:773), et du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835), la mesure dans laquelle les revendications doivent viser spécifiquement le principe actif. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)]
considère que, lorsqu’un produit comporte un seul principe actif et qu’un brevet comporte une revendication qui mentionne au moyen d’une formule de Markush un certain nombre de composés qui incarnent tous le cœur de l’activité inventive technique du brevet, le critère devrait consister à vérifier si, en considérant les revendications du brevet, d’une part, et la structure du produit en question ,d’autre part, l’homme du métier reconnaîtrait immédiatement que le principe actif en question est un
de ceux mentionnés par la formule. Au vu des faits établis dans l’affaire C‑114/18, cette cour a estimé que le critère qu’elle avait retenu est rempli.

30. C’est dans ces conditions que la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Lorsque le seul principe actif faisant l’objet d’un [CCP délivré au titre du règlement no 469/2009] fait partie d’une catégorie de composés relevant d’une définition Markush donnée dans une revendication du brevet, qui incarnent tous le cœur de l’activité inventive technique du brevet, suffit-il, aux fins de l’article 3, sous a), du [règlement no 469/2009], que, au vu de sa structure, le composé soit immédiatement reconnu comme un composé relevant de la catégorie (et soit dès lors protégé par
le brevet en vertu de la loi nationale sur les brevets) ou faut-il que les substituants spécifiques nécessaires à la formation du principe actif figurent parmi ceux que l’homme du métier peut déduire dans une lecture des revendications du brevet fondée sur ses connaissances générales ? »

IV. La procédure devant la Cour

31. Par décision du 20 décembre 2017, l’affaire C‑650/17 a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).

32. Par décision du 1er mars 2018, l’affaire C‑114/18 a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).

33. À la suite de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la Cour a demandé par lettres du 26 juillet 2018 au Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) et à la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] s’ils souhaitaient maintenir leurs demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑650/17 et C‑114/18, respectivement.

34. Dans l’affaire C‑650/17, le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) a indiqué, par lettre du 21 août 2018, qu’il souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) a relevé ne pas apercevoir clairement si la notion de « cœur de l’activité inventive » était toujours pertinente étant donné que la Cour n’a pas retenu les critiques que l’avocat général Wathelet a émises sur cette notion dans ses conclusions du 25 avril 2018 dans
l’affaire Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:278, point 73) ( 9 ).

35. Dans l’affaire C‑114/18, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a indiqué, par lettre du 3 octobre 2018, qu’elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Elle a relevé que la réponse donnée par la Cour dans son arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) est propre aux produits composés. La question posée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel
(Angleterre et pays de Galles) (division civile)] dans l’affaire C‑114/18 se rapporte à un brevet de base protégeant des produits consistant en un seul principe actif au moyen d’une formule couvrant une classe dont tous les éléments renferment le cœur de l’activité inventive du brevet. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a dès lors considéré que le renvoi restait nécessaire à la solution du litige dans la procédure
au principal.

36. Dans l’affaire C‑650/17, Royalty Pharma, les gouvernements français et néerlandais ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

37. Dans l’affaire C‑114/18, Searle et JSI, Sandoz et Hexal ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites.

38. Par décision du président de la Cour du 7 mai 2019, l’affaire C‑650/17 et l’affaire C‑114/18 ont été jointes aux fins de l’audience et de l’arrêt.

39. Royalty Pharma, Sandoz et Hexal, Searle et JSI, le gouvernement français et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience de plaidoiries du 27 juin 2019.

V. Analyse

40. Au point 57 et dans le dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la Cour a indiqué que « l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est “protégé par un brevet de base en vigueur”, au sens de cette disposition, dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle n’est pas explicitement mentionnée dans les revendications
du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications. À cette fin, du point de vue de l’homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base :

– la combinaison de ces principes actifs doit relever nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de l’invention couverte par celui‑ci et

– chacun desdits principes actifs doit être spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par ledit brevet » ( 10 ).

41. Il s’ensuit que, lorsqu’un principe actif n’est pas expressément mentionné dans les revendications d’un brevet de base, l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), énonce un critère comportant deux volets qui doivent tous deux être remplis. De surcroît, dans son arrêt, la Cour a souligné que l’objectif du CCP consiste à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet de base en permettant à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité
supplémentaire à l’expiration de ce brevet mais que, en revanche, le CCP n’a pas pour vocation d’étendre le champ de la protection conférée par ce brevet au-delà de l’invention couverte par ledit brevet ( 11 )..

42. Je considère que l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), énonce un critère définitif dans l’interprétation de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 qu’il incombe aux juridictions nationales d’appliquer dans des cas concrets. À cet égard, il n’appartient pas à la Cour de se substituer à la juridiction nationale, qui a seule la pleine connaissance des faits incontestablement complexes de l’affaire portée devant elle, pour appliquer les principes énoncés dans
cet arrêt à ces faits particuliers.

43. Le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) et la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] ont néanmoins indiqué à la Cour qu’un certain nombre de questions concernant l’interprétation de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 restent toujours sans réponse en dépit de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).

44. À mon sens, les questions soulevées au départ par les juridictions de renvoi dans les présentes affaires jointes sont en grande partie périmées depuis l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585). Dans les présentes conclusions, cependant, je propose de donner un aperçu sur la manière dont cet arrêt pourrait être appliqué dans la réponse à un certain nombre de questions spécifiques soulevées par les juridictions de renvoi à la lumière de l’arrêt en question sans usurper
indûment leur rôle. C’est un exercice plutôt délicat dès lors que tout écart mineur voire involontaire par rapport à la terminologie employée dans cet arrêt pourrait être perçu comme un critère nouveau ou différent, rouvrant ainsi un débat que je crois avoir été définitivement clos par cet arrêt ( 12 ).

45. Je souhaite souligner ne pas avoir l’intention de m’écarter en quoi que ce soit de l’enseignement de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), ni de tenter de greffer d’autres conditions au critère en deux volets visé dans cette affaire. Je souhaite simplement clarifier ce critère compte tenu des circonstances des présentes affaires. J’en viens à présent à ces questions.

A.   Application de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), lorsqu’un brevet de base protège un produit consistant en un seul principe actif

46. Le litige qui a donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), concernait un médicament, dénommé TRUVADA, indiqué pour le traitement des personnes atteintes du VIH. Ce médicament contient deux principes actifs, le ténofovir disoproxil (ci‑après le « TD ») et l’emtricitabine, qui ont un effet combiné pour ce traitement.

47. Le dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), donnant une interprétation de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 qui vise, conformément aux données propres à cette affaire, un médicament composé de plusieurs principes actifs, certains se sont demandés ( 13 ) si le critère ou l’interprétation qui y était donné s’appliquait aux médicaments comportant un seul principe actif ( 14 ).

48. À mon sens, ce doute peut être rapidement et définitivement levé à la lecture des points 52 et 53 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585). Au point 52 de cet arrêt, la Cour a indiqué quand un produit est « protégé par un brevet de base en vigueur » et a poursuivi au point 53 en ajoutant qu’« [u]ne telle interprétation de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 doit également être retenue dans une situation, telle que celle en cause dans l’affaire au
principal, où les produits faisant l’objet d’un CCP sont composés de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné » ( 15 ). Les termes mêmes employés par la Cour montrent donc clairement que le critère énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt s’applique à la fois aux produits comportant un seul principe actif et aux produits composés de plusieurs principes actifs ( 16 ). En tout état de cause, pour ma part,
je ne vois pas en quoi, par principe, le critère Teva devrait s’appliquer à des produits composés de plusieurs principes actifs et ne pas s’appliquer à un produit comportant un seul principe actif.

49. Dans ce contexte, toute distinction entre un produit comportant un seul principe actif et une combinaison de principes actifs est dénuée de pertinence aux fins de ce critère et toute distinction qui serait proposée entre ces deux types de produits n’aurait aucune incidence. Ce qui importe en revanche c’est que, ainsi que la Cour l’a dit au point 57 et dans le dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), lorsque l’ingrédient ou les ingrédients du produit n’est
ou, selon le cas, ne sont explicitement mentionnés dans les revendications du brevet de base, ces revendications visent « nécessairement et spécifiquement » ce principe actif ou, s’il y en a plusieurs, cette combinaison. Il en est ainsi même si la Cour n’a visé dans ses termes que le cas où il y avait plusieurs principes actifs.

B.   Pertinence de la notion de « cœur de l’activité inventive » à la suite de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585)

50. Dans les conclusions présentées dans l’affaire Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:278), l’avocat général Wathelet a clairement indiqué aux points 64 à 75 que la notion de « cœur de l’activité inventive » était absolument inapplicable à l’endroit de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009.

51. À cet égard, l’avocat général Wathelet a relevé que cette notion avait été évoquée au point 41 de l’arrêt du 12 décembre 2013, Actavis Group PTC et Actavis UK (C‑443/12, EU:C:2013:833), à l’endroit d’une disposition différente du règlement no 469/2009, à savoir l’article 3, sous c) ( 17 ). Il a tout d’abord indiqué que « le seul moyen de vérifier si un brevet de base protège un principe actif au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 réside strictement dans le libellé ou
l’interprétation du libellé des revendications du brevet délivré » pour ajouter ensuite que « tout autre critère additionnel, comme l’exigence proposée par la juridiction de renvoi que le principe actif renferme “l’activité inventive du brevet” risque, à mon avis, d’engendrer une confusion avec les critères de brevetabilité d’une invention. Or, la question de savoir si un produit est protégé par un brevet au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 n’est pas la même que celle de
savoir si ce produit est brevetable, cette dernière question relevant exclusivement du droit national ou du droit conventionnel » ( 18 ).

52. Dans la demande de décision préjudicielle adressée dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] a demandé à la Cour s’il est nécessaire de prendre en compte, notamment, le « cœur de l’activité inventive » du brevet ( 19 ).

53. À aucun moment de son examen de la question posée ou du dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la Cour ne s’est référée à la notion de « cœur de l’activité inventive ». Au lieu de cela, au point 57 et dans le dispositif de cet arrêt, elle a énoncé un critère en deux volets totalement différent et sans rapport pour interpréter l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009.

54. Pour éviter tout doute éventuel, je considère que, à la lumière de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la notion de « cœur de l’activité inventive » du brevet ne s’applique pas et est dénuée de pertinence dans le contexte de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009.

C.   Application de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), à des revendications fonctionnelles et à des revendications utilisant la formule de Markush

1. Neutralité technologique

55. Le point 57 et le dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) ( 20 ), montrent clairement qu’un principe actif ou une combinaison de principes actifs d’un médicament ne doivent pas être expressément mentionnés dans les revendications du brevet de base, dès lors que l’une de ces revendications vise nécessairement et spécifiquement ce principe actif ou cette combinaison de principes actifs ainsi que l’homme du métier pourrait le vérifier.

56. De nettes divergences de vues sont apparues entre les parties sur la façon d’appliquer les deux volets du critère énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) en présence de revendications fonctionnelles et de revendications utilisant une formule de Markush.

57. Dans leur demande motivée d’audience de plaidoiries au titre de l’article 76 du règlement de procédure de la Cour, Sandoz et Hexal ont prétendu qu’un flou subsistait dans l’application de l’interprétation de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, visée dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) aux revendications utilisant la formule de Markush et qu’il fallait donner des indications supplémentaires sur l’application de l’interprétation de l’article 3,
sous a), du règlement no 469/2009 ( 21 ).

58. Searle et JSI estiment, en ordre principal, qu’une définition ou formule de Markush constitue une mention expresse du ou des principes actifs d’un produit ( 22 ). Elles admettent également, mais en ordre subsidiaire seulement, que le critère en deux volets énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) soit appliqué à l’égard d’une définition ou d’une formule de Markush ( 23 ).

59. Dans ses observations écrites, Royalty Pharma a indiqué que « la définition structurelle prend souvent la forme d’une formule générique dite de Markush. Ces formules définissent les groupes de relations au moyen d’un élément structurel commun à toutes les relations, et montrent des positions de cet élément comportant des substituants variables. La permutation de ces substituants variables permet généralement à ces formules de Markush de couvrir plusieurs millions de relations individuelles ».

60. Compte tenu du fait qu’une formule de Markush est susceptible de couvrir des millions de composés, connus ou inconnus jusque-là, je ne peux pas admettre que toute formule de Markush constitue en soi et sans examen plus approfondi, une mention expresse du ou des principes actifs d’un produit. Elle la constituera ou non selon les données propres à l’affaire qu’il appartient aux seules juridictions nationales d’évaluer. De surcroît, je récuse l’argument de Searle et de JSI selon lequel, en
n’acceptant pas que toute formule de Markush constitue une mention expresse du ou des principes actifs d’un produit, on fait prévaloir la forme sur le fond.

61. Je considère plutôt que ce qui est finalement fondamental c’est que, lorsqu’une revendication utilise dans un brevet une définition fonctionnelle ou une formule de Markush, le critère en deux volets énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), soit néanmoins rempli.

62. À mon sens, le critère en deux volets énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), est technologiquement neutre par nature. Il s’applique donc aux principes actifs relevant de l’invention couverte par le brevet et qui sont spécifiquement identifiables dans les revendications d’un brevet au moyen, notamment, d’une définition ou d’une formule structurelle, y compris une formule de Markush ( 24 ) et d’une définition ou d’une formule fonctionnelle ( 25 ). Je
considère dès lors que la forme de la revendication, par opposition à son fond ou à son contenu, n’est, à aucun égard, décisive, dès lors qu’elle répond au critère en question.

63. Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835), la juridiction de renvoi avait demandé en substance à la Cour si l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens que, pour pouvoir considérer qu’un principe actif est « protégé par un brevet de base en vigueur » au sens de cette disposition, il est nécessaire que le principe actif soit mentionné dans les revendications de ce brevet au moyen d’une formule
structurelle ou si ce principe actif peut également être considéré comme protégé lorsqu’il est couvert par une formule fonctionnelle figurant dans ces revendications.

64. La Cour a considéré que l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un principe actif répondant à une définition fonctionnelle figurant dans les revendications d’un brevet puisse être considéré comme étant protégé par ledit brevet ( 26 ).

65. Je ne vois aucune raison pour laquelle la Cour devrait s’écarter de la neutralité technologique qu’elle a adoptée dans l’arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835) et qu’elle a réaffirmée dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585) ( 27 ). De surcroît, je considère que la Cour devrait étendre cette approche à l’utilisation de formules de Markush dans des revendications de brevet compte tenu de leur utilisation largement répandue et
admise dans les États membres et à l’Office européen des brevets (OEB) ( 28 ).

66. Je considère dès lors que l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s’oppose pas à la délivrance d’un CCP pour un principe actif couvert par une définition fonctionnelle ou une formule de Markush pourvu, cependant, qu’elle réponde au critère en deux volets énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).

2. Point de vue de l’homme du métier à la date de dépôt ou de priorité

67. C’est en principe en se plaçant à la date de la demande de CCP que l’on évalue si un « produit est protégé par un brevet en vigueur », conformément à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009. Étant donné que plusieurs années peuvent s’être écoulées depuis le dépôt de la demande de brevet et de la demande de CCP, cette évaluation requiert incontestablement un certain retour en arrière ( 29 ) dès lors que, conformément à l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), un
homme du métier doit évaluer si, au vu de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité, le critère en deux volets énoncé dans cet arrêt est rempli ( 30 ).

68. À cet égard, la Cour a clairement souligné au point 50 de cet arrêt qu’une telle évaluation ne peut pas être effectuée à l’aune de résultats issus de la recherche intervenue après la date de dépôt ou de priorité afin de ne pas étendre indûment le champ de protection.

69. Il est dès lors inadéquat d’examiner les revendications du brevet à la lumière de l’état de la technique, notamment à la date de la demande de CCP ( 31 ).

70. La question de savoir qui est « un homme du métier » et ce qu’est l’« état de la technique » relève de la législation interne dès lors que ces notions ne sont pas harmonisées par le droit de l’Union. Dans leurs observations écrites et lors de l’audience, Sandoz et Hexel ont estimé que l’évaluation de la revendication devrait se fonder sur « les connaissances générales » ( 32 ) plutôt que sur l’état de la technique. Lors de l’audience, Searle et JSI ont relevé la différence très significative
pour les agents et conseils en brevet entre l’« état de la technique » et « les connaissances générales » ( 33 ).

71. Pour ma part, je considère que la référence aux « connaissances générales » devrait être rejetée dans l’application du critère en question en ce qu’elle entre directement en conflit avec les termes du dispositif de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), visant sans ambiguïté l’état de la technique ( 34 ).

72. Le critère en deux volets énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans son dispositif doit dès lors être appliqué du point de vue d’un homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base.

3. Les conditions voulant que le produit relève « nécessairement » de l’invention couverte par le brevet et soit « spécifiquement identifiable »

73. Ainsi que je l’ai indiqué au point 54 des présentes conclusions, la notion de « cœur de l’activité inventive » du brevet ne s’applique pas et est dénuée de pertinence dans le contexte de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009. Le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), veut que le produit faisant l’objet du CCP relève nécessairement de l’invention couverte par le brevet et ne requiert par conséquent pas que le produit
incarne le « cœur de l’activité inventive » du brevet.

74. Au contraire, aux termes du point 48 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), ce volet du critère est rempli lorsque le produit visé dans les revendications du brevet de base est une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par ce brevet. Il s’ensuit que si, du point de vue d’un homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, les revendications d’un brevet visant un
produit ne sont pas nécessaires ( 35 ) à la solution du problème technique divulguée par un brevet, le premier volet du critère énoncé dans cet arrêt n’est pas rempli et le CCP ne peut pas être délivré à l’égard de ce produit.

75. Le second volet du critère et la condition voulant que le ou les principes actifs soient « spécifiquement identifiables », à la lumière de toutes les informations divulguées dans le brevet, ont suscité de longs échanges dans les observations écrites et lors de l’audience. En effet, ce qui est en jeu c’est de savoir dans quelle mesure le produit doit être identifiable à la date de dépôt ou de priorité.

76. Il ressort clairement de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), qu’un produit ne doit certes pas être expressément mentionné ( 36 ) dans les revendications du brevet de base mais qu’il doit néanmoins être « spécifiquement identifiable » par un homme du métier à la lumière de toutes les informations divulguées par le brevet de base et de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet ( 37 ). La Cour a souligné à cet égard qu’il faut uniquement
tenir compte de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet et que les résultats de recherches ultérieures ne doivent pas être pris en compte ( 38 ).

77. Je considère que le second volet du critère énoncé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), requiert d’établir qu’un homme du métier aurait été en mesure de déduire le produit en question, à la lumière de toutes les informations contenues dans le brevet, sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet en question. Tel n’est pas le cas lorsque, à la lumière de toutes les informations contenues dans le brevet, un produit ou un
élément constitutif du produit reste inconnu d’un homme du métier se fondant sur l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet en question.

VI. Conclusion

78. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la Cour devrait répondre aux questions préjudicielles du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) et de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume‑Uni] comme suit :

Le critère en deux volets énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt s’applique à la fois aux produits comportant un seul principe actif et aux produits composés de plusieurs principes actifs.

La notion de « cœur de l’activité inventive » du brevet ne s’applique pas et est dénuée de pertinence dans le contexte de l’article 3, sous a), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

L’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s’oppose pas à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour un principe actif couvert par une définition fonctionnelle ou une formule de Markush pourvu, cependant, qu’elle réponde au critère en deux volets énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt.

Le critère en deux volets énoncé au point 57 et de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt doit dès lors être appliqué du point de vue d’un homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base.

Le premier volet du critère en deux volets énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt n’est pas rempli et un certificat complémentaire de protection ne peut pas être délivré à l’égard d’un produit si, du point de vue d’un homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, les revendications d’un brevet visant ce produit ne sont pas nécessaires à la solution
du problème technique divulguée par un brevet.

Le second volet du critère en deux volets énoncé au point 57 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans le dispositif de cet arrêt requiert d’établir qu’un homme du métier aurait été en mesure de déduire le produit en question, à la lumière de toutes les informations contenues dans le brevet, sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet en question. Tel n’est pas le cas lorsque, à la lumière de toutes les informations
contenues dans un brevet, un produit ou un élément constitutif du produit reste inconnu d’un homme du métier se fondant sur l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet en question.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2009, L 152, p. 1.

( 3 ) Arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835, point 41). Voir, également, arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585, point 39).

( 4 ) Voir, à cet égard, arrêt du 8 décembre 2011, Merck Sharp & Dohme (C‑125/10, EU:C:2011:812).

( 5 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835, point 35).

( 6 ) Sandoz Ltd c GD Searle LLC [2017] EWHC 1987 (Pat) au point 65 (M. Justice Arnold).

( 7 ) Arrêt du 12 décembre 2013, Actavis Group PTC et Actavis UK (C‑443/12, EU:C:2013:833, points 41 et suivants).

( 8 ) [2018] EWCA Civ 49.

( 9 ) Je relèverai que si la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] mentionne spécifiquement la notion de « cœur de l’activité inventive » dans la question qu’elle a posée à la Cour, il reste que le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) n’a pas évoqué cette notion dans ses trois questions. Celui-ci a néanmoins visé ce critère dans plusieurs passages de sa décision de renvoi.

( 10 ) Italique ajouté par mes soins. Il est de jurisprudence constante qu’aux fins de déterminer si un produit est « protégé par un brevet de base en vigueur » au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, on recourra aux règles relatives à l’étendue de l’invention faisant l’objet d’un tel brevet et non aux règles relatives aux actions en contrefaçon. Voir, en particulier, arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835, points 32 et 33).

( 11 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585, point 40). Au point 43 de cet arrêt la Cour a réaffirmé que « les revendications ne sauraient permettre au titulaire du brevet de base de bénéficier, par l’obtention d’un certificat, d’une protection allant au-delà de celle conférée pour l’invention couverte par ce brevet. Ainsi, aux fins de l’application de l’article 3, sous a), de ce règlement, les revendications du brevet de base doivent être comprises à l’aune des
limites de cette invention, telle qu’elle ressort de la description et des dessins de ce brevet ». Voir, également, point 46 de cet arrêt.

( 12 ) Je relèverai que le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) recourt aux notions de « mode de réalisation » et d’« activité inventive autonome ». Ces termes ne figurant pas dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), je propose, pour éviter toute ambiguïté, de ne pas les employer dans les présentes conclusions.

( 13 ) Voir point 35 des présentes conclusions.

( 14 ) Selon Searle et JSI, l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), était expressément limité à des produits composés dont l’un des composés n’était pas expressément mentionné dans une revendication.

( 15 ) Italique ajouté par mes soins.

( 16 ) Voir, également, article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 qui dispose que l’on entend par : « “produit” : le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament » ( italique ajouté par mes soins).

( 17 ) Conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:278, point 67).

( 18 ) Voir conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:278, points 72 et 73).

( 19 ) Point 26 de cet arrêt.

( 20 ) Voir, également, point 52 de cet arrêt.

( 21 ) Aux points 30 et 31 de leurs observations écrites, Sandoz et Hexal ont indiqué que, « [da]ns le cas d’une revendication Markush, il est possible de faire en sorte qu’un produit y soit explicitement précisé ou identifié [...] Alternativement, la revendication Markush peut définir les groupes de substituants en termes généraux seulement, par référence à une classe ou à un groupe chimique englobant une série de groupements chimiques différents. Évidemment, dans ce cas, la revendication ne
mentionne explicitement aucun produit particulier relevant de la formule de Markush, bien que le produit soit susceptible d’y être nécessairement et spécifiquement visé ». Sandoz et Hexal ont indiqué dans la demande motivée d’audience de plaidoiries faite à la Cour au titre de l’article 76 du règlement de procédure que la Commission suggérait erronément que formule structurelle et formule de Markush sont des termes interchangeables. Elles estiment qu’une formule de Markush couvre une série de
composés tandis qu’une formule structurelle ne couvre qu’un seul composé. Ainsi qu’il apparaîtrait du point 22 des présentes conclusions, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a considéré qu’une formule de Markush est une formule structurelle. Il s’agit là cependant d’une question de fait qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer.

( 22 ) Elles estiment qu’une revendication utilisant la formule de Markush est une manière abrégée d’écrire expressément chacune des catégories de composés définies. La position qu’elles défendent en ordre principal est donc de dire qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer le critère énoncé par la Cour dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), dans le contexte d’un principe actif unique faisant partie d’une catégorie de composés définis par une revendication utilisant
une formule de Markush.

( 23 ) Au point 6, sous i) et ii), de leurs observations écrites, Searle et JSI ont indiqué qu’« une définition Markush (également connue sous le nom de formule de Markush) dans une revendication d’un brevet est une manière abrégée d’écrire expressément chacune des catégories de composés définies. Si l’on considère qu’une divulgation expresse suffit pour obtenir la délivrance d’un certificat complémentaire de protection, alors la condition requise à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 est
remplie. [...] À titre subsidiaire, l’approche proposée par la juridiction de renvoi est correcte : dès lors que l’homme du métier, en considérant les revendications du brevet, d’une part, et la structure du principe actif en cause, d’autre part, est en mesure de reconnaître immédiatement que le principe actif relève de la catégorie de composés spécifiée par une formule de Markush dans une revendication du brevet de base, alors ce principe actif est “mentionné ou identifié dans le libellé des
revendications” du brevet de base, de sorte que la condition requise à l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 est remplie ».

( 24 ) Sandoz et Hexal ont indiqué dans la demande motivée d’audience de plaidoiries faite à la Cour au titre de l’article 76 du règlement de procédure que la Commission suggérait erronément que formule structurelle et formule de Markush sont des termes interchangeables. Elles estiment qu’une formule de Markush couvre une série de composés tandis qu’une formule structurelle ne couvre qu’un seul composé. Ainsi qu’il apparaîtrait du point 22 des présentes conclusions, la Court of Appeal (England &
Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a considéré qu’une formule de Markush est une formule structurelle. Il s’agit là cependant d’une question de fait qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer.

( 25 ) Voir arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585, point 36). Aux termes du point 6.5 des directives de l’OEB relatives à l’examen pratiqué, « [u]ne revendication peut définir de façon générale une caractéristique de l’invention en indiquant sa fonction, à savoir en tant que caractéristique fonctionnelle, même lorsque la description ne donne qu’un seul exemple de l’application de cette caractéristique, si un homme du métier est à même de se rendre compte que d’autres moyens
peuvent être utilisés pour la même fonction ».

Voir https://www.epo.org/law-practice/legal-texts/html/guidelines/f/f_iv_6_5.htm

( 26 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Eli Lilly and Company (C‑493/12, EU:C:2013:835, point 39).

( 27 ) Au point 36 de son arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la Cour a indiqué que l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009 ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un principe actif répondant à une définition fonctionnelle figurant dans les revendications d’un brevet de base puisse être considéré comme étant protégé par ce brevet, à la condition que, sur la base de telles revendications, interprétées notamment à la lumière de la description de l’invention, il soit
possible de conclure que ces revendications visent le principe actif en cause, conformément au critère en deux volets visé dans le même arrêt.

( 28 ) Il y a lieu de rappeler que si le règlement no 469/2009 institue une solution uniforme au niveau de l’Union en ce qu’il crée un certificat susceptible d’être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions, il reste que, en l’absence d’harmonisation du droit des brevets au niveau de l’Union, l’étendue de la protection conférée par le brevet ne peut être déterminée qu’au regard des règles qui régissent ce dernier, lesquelles ne relèvent pas du droit de
l’Union. Voir arrêt du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU:C:2011:773, points 23 et 24).

( 29 ) Requérant de produire des avis d’experts.

( 30 ) Dans l’affaire C‑114/18, la Commission a relevé que ce « regard en arrière » requis peut entacher la procédure de demande d’un certificat d’abus, voire même de fraude. À cet égard, elle a cité en exemple les circonstances dans lesquelles pareil abus est survenu dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770). Dans le contexte de la présente procédure, je n’aperçois pas la pertinence de cette affaire émaillée d’allégations
hautement trompeuses qui avaient été faites aux offices nationaux des brevets. Le fait que des parties puissent avoir des divergences de vues sur l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité est, à mon sens, légitime et les offices des brevets et les juridictions nationales sont habilités à trancher ce type de litige.

( 31 ) Je fais dès lors mien le passage des observations écrites de Sandoz et Hexal indiquant qu’il ne suffit pas, aux fins de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009, « que l’homme du métier reconnaisse immédiatement que le produit relève de la formule de Markush une fois que celui‑ci est connu et qu’il lui a été présenté. Le produit doit relever de l’invention couverte par le brevet de base selon l’appréciation de l’homme du métier à la date de priorité ou de dépôt du brevet de base, et non
à une date ultérieure » (italique ajouté par mes soins).

( 32 ) Dans l’affaire C‑114/18, Sandoz et Hexal ont soutenu qu’il s’agissait des connaissances générales de l’homme de métier et de l’état de la technique.

( 33 ) À mon sens, ces deux sources distinctes d’information se recoupent sans aucun doute largement.

( 34 ) De surcroît, alors que la Cour vise l’« état de la technique » à de multiples reprises dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), et dans son dispositif, elle ne vise les « connaissances générales » qu’une seule fois au point 48 de cet arrêt.

( 35 ) Alors qu’il appartenait en définitive à la juridiction de renvoi de trancher, je crois que, au point 54 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585), la Cour a fait montre du plus grand scepticisme quant à l’aptitude d’une combinaison de TD (expressément mentionné dans les revendications du brevet) et d’emtricitabine (prétendument couverte par l’expression générale « autres ingrédients thérapeutiques », associée à l’incise « le cas échéant ») à répondre au critère en
deux volets énoncé dans cet arrêt.

( 36 ) Point 52 de cet arrêt.

( 37 ) Voir, en particulier, point 51 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585). Dans l’affaire C‑650/17, les gouvernements français et néerlandais ainsi que la Commission ont observé qu’un produit relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications d’un brevet mais qui a été développé après le dépôt du brevet ne peut pas être considéré comme étant protégé par le brevet de base au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 469/2009. Royalty Pharma
considère qu’aucune importance particulière ne peut être accordée au fait que le preneur de licence Merck a obtenu un brevet de produit et un CCP pour la sitagliptine. Elle prétend que cela n’exclut pas d’accorder un CCP pour la sitagliptine au titre du brevet de base. D’après Royalty Pharma, le seul fait qu’un produit n’ait été mis à disposition qu’après la date de dépôt du brevet de base n’empêche pas ce produit d’être couvert par le brevet de base conformément à l’article 3, sous a), du règlement
no 469/2009. Cela s’applique également aux produits dont la mise à disposition requiert une activité inventive.

( 38 ) D’après Sandoz et Hexal dans l’affaire C‑114/18, « [l]e groupe de substituants P1 du darunavir ne faisait pas partie des connaissances générales ou de l’état de la technique à la disposition de l’homme du métier à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base. Il n’a d’ailleurs été publié qu’après la date de priorité de ce brevet ». Dans l’affaire C‑114/18, Searle et JSI considèrent qu’« [a]insi, une formule de Markush vise chacun de ses membres. Elle définit un groupe précis et fermé, de
sorte que, quel que soit le nombre de membres dans la catégorie, l’homme du métier est en mesure de “reconnaître immédiatement” qu’une molécule relève de cette formule. Dès lors que l’homme du métier est en mesure de reconnaître immédiatement qu’un composé donné relève du groupe revendiqué, le fait que chacun des membres du groupe fasse l’objet d’une énumération ne lui apporterait évidemment rien de plus. En l’espèce, il est établi que l’homme du métier reconnaîtrait immédiatement que le darunavir
est un composé relevant de la formule revendiquée. Par conséquent, la question de savoir quels composés exactement sont visés par la formule de Markush du brevet ne peut faire l’objet d’aucune controverse ». D’après Searle et JSI, une formule de Markush doit être comprise comme une manière abrégée de désigner chacun de ses membres.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-650/17
Date de la décision : 11/09/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundespatentgericht.

Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Règlement (CE) no 469/2009 – Certificat complémentaire de protection pour les médicaments – Conditions d’obtention – Article 3, sous a) – Notion de “produit protégé par un brevet de base en vigueur” – Critères d’appréciation.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Royalty Pharma Collection Trust
Défendeurs : Deutsches Patent- und Markenamt.

Composition du Tribunal
Avocat général : Hogan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:704

Source

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