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04/09/2019 | CJUE | N°T-308/18

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Hamas contre Conseil de l'Union européenne., 04/09/2019, T-308/18


ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 septembre 2019 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes, de groupes et d’entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Possibilité pour une autorité d’un État tiers d’être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931/PESC – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Principe de non-ingérence – Droits de l

a défense – Droit à une protection
juridictionnelle effective – Authentification des actes du Conseil »

Dans l...

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 septembre 2019 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes, de groupes et d’entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Possibilité pour une autorité d’un État tiers d’être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931/PESC – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Principe de non-ingérence – Droits de la défense – Droit à une protection
juridictionnelle effective – Authentification des actes du Conseil »

Dans l’affaire T‑308/18,

Hamas, établi à Doha (Qatar), représenté par Mme L. Glock, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. B. Driessen et Mme A. Sikora-Kalėda, puis par M. Driessen et Mme S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/475 du Conseil, du 21 mars 2018, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017/1426 (JO 2018, L 79, p. 26), et du règlement d’exécution (UE) 2018/468 du
Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 2017/1420 (JO 2018, L 79, p. 7), et, d’autre part, de la décision (PESC) 2018/1084 du Conseil, du 30 juillet 2018, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent
les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2018/475 (JO 2018, L 194, p. 144), et du règlement d’exécution (UE) 2018/1071 du Conseil, du 30 juillet 2018, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2018/468 (JO 2018, L 194, p. 23),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies

1 Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. Le paragraphe 1, sous c), de cette résolution disposait, notamment, que tous les États devaient geler sans attendre les fonds et les autres avoirs financiers ou les ressources économiques des personnes qui commettaient, ou tentaient de commettre, des actes de terrorisme, les
facilitaient ou y participaient, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

2 Cette résolution ne prévoyait pas de liste de personnes, d’entités ou de groupes auxquels ces mesures devaient être appliquées.

Droit de l’Union européenne

3 Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de l’Union européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001), le Conseil de l’Union européenne a adopté la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93). En particulier, l’article 2 de la position commune 2001/931 prévoyait le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et
entités impliqués dans des actes de terrorisme et repris sur la liste figurant à l’annexe de ladite position commune.

4 Le même jour, afin de mettre en œuvre au niveau de l’Union les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70), ainsi que la décision 2001/927/CE, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83).

5 Le nom du « Hamas-Izz al-Din al-Qassem (branche terroriste du Hamas) » figurait sur la liste annexée à la position commune 2001/931 et sur celle incluse dans la décision 2001/927. Ces deux actes ont été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, le nom du « Hamas-Izz al-Din al-Qassem » demeurant inscrit sur lesdites listes.

6 Le 12 septembre 2003, le Conseil a adopté la position commune 2003/651/PESC, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2003/482/PESC (JO 2003, L 229, p. 42), et la décision 2003/646/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant la décision 2003/480/CE (JO 2003, L 229, p. 22). Le nom de l’organisation inscrite sur les listes associées à ces actes était le « Hamas (y compris Hamas-Izz al-Din al-Qassem) ».

7 Le nom de cette organisation est demeuré inscrit sur les listes annexées aux actes ultérieurs.

Actes attaqués

Actes de mars 2018

8 Le 30 novembre 2017, le Conseil a adressé à l’avocat du requérant un courrier l’informant qu’il avait reçu de nouvelles informations pertinentes pour l’établissement des listes des personnes, groupes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par le règlement no 2580/2001 et qu’il avait modifié l’exposé des motifs en conséquence. Il invitait le requérant à faire valoir ses observations sur cet exposé des motifs actualisé pour le 15 décembre 2017.

9 Le requérant n’a pas réagi à ce courrier.

10 Le 21 mars 2018, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2018/475, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision (PESC) 2017/1426 (JO 2018, L 79, p. 26), et, d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2018/468, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1420 (JO 2018, L 79, p. 7)
(ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2018 »). Le nom du « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” » était maintenu sur les listes annexées à ces actes (ci-après les « listes litigieuses de mars 2018 »).

11 Par courrier du 22 mars 2018, le Conseil a communiqué à l’avocat du requérant l’exposé des motifs justifiant le maintien du nom « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” » sur les listes litigieuses de mars 2018, en lui indiquant la possibilité de demander le réexamen de ces listes dans le cadre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

12 De plus, le 22 mars 2018, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, groupes et entités mentionnés dans la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2018, C 107, p. 6).

13 Par cet avis, le Conseil a, notamment, informé les personnes et entités concernées, premièrement, qu’il avait estimé que les motifs justifiant l’inscription de leur nom sur les listes adoptées en vertu du règlement no 2580/2001 étaient toujours valables, de sorte qu’il avait décidé de maintenir leur nom sur les listes litigieuses de mars 2018, deuxièmement, qu’elles pouvaient lui adresser une demande en vue d’obtenir l’exposé des motifs pour lesquels leur nom avait été maintenu sur lesdites
listes, troisièmement, qu’elles pouvaient également, à tout moment, lui adresser une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inclus dans les listes en question et, quatrièmement, que les demandes, pour être prises en compte lors de l’examen suivant, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, devaient lui être transmises pour le 25 mai 2018.

14 Le requérant n’a pas réagi à ces courrier et avis.

15 Il résulte de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018 que, pour inclure « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” » dans les listes litigieuses de mars 2018, le Conseil s’est fondé sur quatre décisions nationales.

16 La première décision nationale était l’ordonnance no 1261 du Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, ci-après le « Home Secretary »), du 29 mars 2001, modifiant le UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme) et portant interdiction du Hamas-Izz al-Din al-Qassem, considéré comme une organisation impliquée dans des actes de terrorisme (ci-après la « décision du Home Secretary »).

17 La deuxième décision nationale était une décision du United States Secretary of State (secrétaire d’État des États-Unis), du 8 octobre 1997, qualifiant, aux fins de l’Immigration and Nationality Act (loi des États-Unis sur l’immigration et la nationalité, ci-après l’« INA »), le Hamas d’ organisation terroriste étrangère (ci-après la « décision américaine de 1997 »).

18 La troisième décision nationale émanait du secrétaire d’État des États-Unis et avait été prise, le 31 octobre 2001, en application de l’Executive Order no 13224 (décret présidentiel no 13224) (ci-après la « décision américaine de 2001 »).

19 La quatrième décision nationale était datée du 23 janvier 1995 et avait été prise en application de l’Executive Order no 12947 (décret présidentiel no 12947) (ci-après la « décision américaine de 1995 »).

20 Dans la partie principale de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018, le Conseil constatait, d’abord, que ces décisions nationales constituaient des décisions d’autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et qu’elles étaient toujours en vigueur. Ensuite, il indiquait avoir examiné s’il existait des éléments en sa possession qui militeraient en faveur du retrait du nom du requérant des listes litigieuses de mars 2018 et n’en avoir trouvé
aucun. Enfin, il indiquait considérer que les raisons ayant justifié l’inscription du nom du requérant sur les listes de gel de fonds restaient valables et concluait qu’il devait être maintenu sur les listes litigieuses de mars 2018.

21 En outre, l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018 comportait une annexe A concernant la « décision de l’autorité compétente du Royaume-Uni » et une annexe B concernant les « décisions des autorités compétentes des États-Unis ». Chacune de ces annexes contenait une description des législations nationales en vertu desquelles les décisions des autorités nationales avaient été adoptées, une présentation des définitions des notions de terrorisme qui figuraient dans ces législations, une
description des procédures de réexamen desdites décisions, une description de faits sur lesquels lesdites autorités s’étaient fondées et la constatation que ces faits constituaient des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

22 Au point 14 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018, le Conseil indiquait différents faits retenus par le Home Secretary pour interdire le Hamas-Izz al-Din al-Qassem. Ces faits étaient intervenus en 1994 et 1996.

23 Au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018, le Conseil ajoutait que, au Royaume-Uni, l’interdiction avait fait l’objet, en septembre 2016, d’un réexamen par le groupe interministériel chargé du réexamen des interdictions et que celui-ci avait conclu, sur la base des éléments qu’il indiquait, que l’on pouvait raisonnablement penser que le Hamas-Izz al-Din al-Qassem continuait d’être impliqué dans le terrorisme.

24 Au point 10 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018, le Conseil indiquait que le réexamen le plus récent de la désignation du Hamas comme organisation terroriste étrangère avait été achevé le 27 juillet 2012 et avait amené le gouvernement américain à conclure que les circonstances sur lesquelles était fondée la décision américaine de 1997 n’avaient pas changé de manière à justifier la révocation de la désignation.

25 Enfin, au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes de mars 2018, le Conseil énumérait différents faits survenus entre 2003 et 2016 sur lesquels les autorités américaines s’étaient fondées pour qualifier le requérant d’organisation terroriste étrangère, sans préciser les décisions dont ils provenaient.

Actes de juillet 2018

26 Le 30 juillet 2018, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2018/1084, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision 2018/475 (JO 2018, L 194, p. 144), et, d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2018/1071, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant le règlement d’exécution 2018/468 (JO 2018, L 194, p. 23) (ci-après,
pris ensemble, les « actes de juillet 2018 »). Le nom du « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” » était maintenu sur les listes annexées à ces actes (ci-après les « listes litigieuses de juillet 2018 »).

27 Par lettre du 31 juillet 2018, le Conseil a communiqué à l’avocat du requérant l’exposé des motifs justifiant le maintien du nom du « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” » sur les listes litigieuses de juillet 2018, en lui indiquant la possibilité de demander le réexamen de ces listes dans le cadre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

28 De plus, le 31 juillet 2018, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, groupes et entités figurant sur la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2018, C 269, p. 3).

29 Par cet avis, le Conseil a, notamment, informé les personnes et les entités concernées, premièrement, qu’il avait estimé que les motifs justifiant l’inscription de leur nom sur les listes adoptées en vertu du règlement no 2580/2001 étaient toujours valables, de sorte qu’il avait décidé de maintenir leur nom sur les listes litigieuses de juillet 2018, deuxièmement, qu’elles pouvaient lui adresser une demande en vue d’obtenir l’exposé des motifs pour lesquels leur nom avait été maintenu sur
lesdites listes, troisièmement, qu’elles pouvaient également, à tout moment, lui adresser une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inclus dans les listes en question et, quatrièmement, que les demandes, pour être prises en compte lors de l’examen suivant, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, devaient lui être transmises pour le 1er octobre 2018.

30 Cet exposé des motifs était identique à celui relatif aux actes de mars 2018, à l’exclusion de quelques différences formelles et d’une référence, au point 16 de l’annexe B, au « droit à une protection juridictionnelle effective », et non plus au « droit à une protection juridictionnelle ».

31 Le requérant n’a pas réagi à ces lettre et avis.

Procédure et conclusions des parties

32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2018, le requérant a introduit le présent recours.

33 Le 13 septembre 2018, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

34 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2018, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête pour tenir compte des actes de juillet 2018, en tant qu’ils le concernaient.

35 Par lettres du 13 décembre 2018 ainsi que des 1er mars et 10 avril 2019, le Tribunal a, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties. Celles-ci y ont répondu dans le délai imparti.

36 En l’absence d’une demande d’audience de plaidoiries adressée au Tribunal dans le délai imparti, celui-ci a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

37 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les actes de mars et de juillet 2018 (ci-après les « actes attaqués »), en ce qu’ils le concernent, y compris le Hamas-Izz al-Din al-Qassem ;

– condamner le Conseil aux entiers dépens.

38 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours dans son intégralité ;

– condamner le requérant aux dépens.

En droit

39 Le requérant invoque sept moyens, tirés respectivement :

– d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ;

– d’erreurs sur la matérialité des faits ;

– d’une erreur d’appréciation quant au caractère terroriste de l’organisation Hamas ;

– d’une violation du principe de non-ingérence ;

– d’une insuffisante prise en considération de l’évolution de la situation en raison de l’écoulement du temps ;

– d’une violation de l’obligation de motivation ;

– d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

40 Le 19 mars 2019, dans une réponse à une question qui lui avait été posée, le 1er mars précédent, par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le requérant a soulevé un huitième moyen, tiré du « défaut d’authentification des exposés des motifs ».

41 Le Tribunal estime opportun d’examiner le sixième moyen en deuxième lieu.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

42 Dans le cadre du premier moyen, le requérant, après avoir fait valoir ses observations sur l’identification des organisations visées par les décisions du Home Secretary et les décisions américaines de 1995, de 1997 et de 2001 (ci-après, prises ensemble, les « décisions américaines »), fait grief au Conseil d’avoir violé l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en qualifiant ces décisions de décisions prises par des autorités compétentes au sens de cette disposition.

43 À cet égard, il convient de relever que la disposition invoquée par le requérant concerne l’inscription du nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, tandis que le présent recours porte sur des décisions adoptées sur la base de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qui concerne le maintien de cette inscription sur de telles listes.

44 Toutefois, selon la Cour, le maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds constitue, en substance, le prolongement de l’inscription initiale et présuppose, dès lors, la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, tel qu’il a été constaté initialement par le Conseil, sur la base de la décision nationale ayant servi de fondement à cette inscription initiale (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE,
C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 61, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 39).

45 Le moyen est donc opérant.

46 Pour l’examiner, il convient, après avoir déterminé les organisations visées par les décisions des autorités compétentes retenues par le Conseil, d’examiner les critiques propres aux décisions des autorités américaines avant celles qui sont communes aux décisions des autorités américaines et à la décision du Home Secretary.

Sur l’identification des organisations visées par les décisions des autorités compétentes retenues par le Conseil

47 Le requérant relève que, selon l’exposé des motifs communiqué par le Conseil, les actes attaqués sont fondés sur une décision du Home Secretary, qui interdit le Hamas-Izz al-Din al-Qassem, branche armée du Hamas, et sur trois décisions américaines, qui visent le Hamas sans plus de précisions.

48 Le requérant doute que les autorités américaines aient eu l’intention de lister le Hamas dans sa globalité et estime que le Conseil, en considérant que tel était le cas, a fait une lecture extensive de leurs décisions, qui ne ressortait pas clairement des listes publiées par lesdites autorités.

49 À cet égard, il convient de constater que les décisions américaines mentionnent explicitement le « Hamas », cette désignation étant enrichie, dans les décisions américaines de 1997 et de 2001, d’une douzaine d’autres dénominations – parmi lesquelles « Izz-Al-Din Al-Qassam brigades » – sous lesquelles ce mouvement était également connu.

50 Cette circonstance ne saurait être interprétée, contrairement à ce que suggère le requérant, comme impliquant que les autorités américaines ont entendu restreindre ainsi la désignation au seul « Hamas-Izz al-Din al-Qassem ». Tout d’abord, parmi ces dénominations supplémentaires figurent des dénominations renvoyant au Hamas dans son ensemble, telles que « Islamic Resistance Movement », qui constitue la traduction anglaise de « Harakat Al-Muqawama Al-Islamia », autre dénomination aussi présente et
dont « Hamas » constitue l’acronyme. Ensuite, la mention de ces différentes dénominations vise seulement à assurer l’efficacité concrète de la mesure prise à l’encontre du Hamas, en permettant qu’elle atteigne celui-ci à travers toutes ses dénominations et branches connues.

51 Il résulte de ces considérations que la décision du Home Secretary vise le Hamas-Izz al-Din al-Qassem, tandis que les décisions américaines visent le Hamas, dont le Hamas-Izz al-Din al-Qassem.

Sur les critiques propres aux décisions des autorités américaines

52 Le requérant estime que le Conseil ne pouvait fonder les actes attaqués sur les décisions des autorités américaines parce que les États-Unis constituent un État tiers et que, par principe, les autorités de ces États ne sont pas des « autorités compétentes » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

53 Sur ce point, le requérant fait valoir, à titre principal, que le système établi par l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 repose sur la confiance accordée aux autorités nationales, laquelle est basée sur le principe de coopération loyale entre le Conseil et les États membres de l’Union et s’appuie sur le partage de valeurs communes, inscrites dans les traités, ainsi que sur la soumission à des normes partagées, dont la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les autorités d’États tiers ne pourraient bénéficier de cette confiance.

54 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la Cour, la notion d’« autorité compétente » utilisée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne se limite pas aux autorités des États membres, mais peut, en principe, inclure également des autorités d’États tiers (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 22).

55 L’interprétation adoptée par la Cour se justifie, d’une part, par le libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, qui ne limite pas la notion d’« autorités compétentes » aux autorités des États membres, et, d’autre part, par l’objectif de cette position commune, qui a été adoptée pour mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle vise à intensifier la lutte contre le terrorisme au niveau mondial par la coopération
systématique et étroite de tous les États (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 23).

56 À titre subsidiaire, pour le cas où il serait admis que l’autorité d’un État tiers puisse constituer une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le requérant fait valoir que la validité des actes adoptés par le Conseil dépend également des vérifications devant être effectuées par celui-ci pour s’assurer, notamment, de la compatibilité de la législation américaine avec le principe du respect des droits de la défense et le droit à une protection
juridictionnelle effective.

57 Or, en l’espèce, le Conseil, dans la motivation des actes attaqués, se serait limité, en substance, à décrire des procédures de réexamen et à observer qu’il existait des possibilités de recours, sans vérifier si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective étaient garantis.

58 À cet égard, il y a lieu de constater que, selon la Cour, lorsque le Conseil se fonde sur une décision d’un État tiers, il doit vérifier, préalablement, si cette décision a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 31).

59 Dans les exposés des motifs relatifs à ses propres actes, le Conseil doit fournir des indications permettant de considérer qu’il a procédé à cette vérification (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 31).

60 À cette fin, le Conseil doit faire état, dans ces exposés des motifs, des raisons l’ayant amené à considérer que la décision de l’État tiers sur laquelle il se fonde a été adoptée dans le respect du principe des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 33).

61 Selon la jurisprudence, les mentions devant figurer dans les exposés des motifs à propos de cette appréciation peuvent être, le cas échéant, succinctes (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 33).

62 C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 58 à 61 ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par le requérant en ce qui concerne, d’une part, le principe du respect des droits de la défense et, d’autre part, le droit à une protection juridictionnelle effective.

63 S’agissant du respect des droits de la défense, le requérant fait valoir que, dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le Conseil n’a pas fourni d’indications sur les raisons l’ayant amené à considérer, au terme d’une vérification, que, aux États-Unis, le respect de ce principe était garanti dans le cadre de procédures administratives concernant la désignation d’organisations comme étant des terroristes.

64 Au demeurant, la législation américaine n’exigerait pas que soient notifiées, ni même motivées, les décisions adoptées par des autorités en la matière. Selon le requérant, si l’article 219 de l’INA, qui fonde la décision américaine de 1997, contient une obligation de publier la décision de désignation dans le Registre fédéral, il n’en va pas de même du décret présidentiel no 13224, qui fonde la décision américaine de 2001 et ne prévoirait aucune mesure de cette nature.

65 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe du respect des droits de la défense exige que les personnes visées par des décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder les décisions en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 83 et jurisprudence citée).

66 Dans le cas de mesures visant à inscrire les noms de personnes ou d’entités sur une liste de gel de fonds, ce principe implique que les motifs de ces mesures soient communiqués à ces personnes ou entités concomitamment avec, ou immédiatement après, leur adoption (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

67 Au point 16 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le Conseil affirme ce qui suit :

« En ce qui concerne les procédures de réexamen et la description qui est faite des voies de recours disponibles, le Conseil estime que la législation des États-Unis assure la protection des droits de la défense […] »

68 Les informations fournies par le Conseil dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués diffèrent par la suite en fonction des décisions américaines examinées.

69 D’une part, pour les décrets présidentiels nos 12947 et 13224, qui fondent les décisions américaines de 1995 et de 2001, la description générale fournie par le Conseil ne fait état d’aucune obligation pour les autorités américaines de communiquer aux intéressés une motivation ou même de publier ces décisions.

70 Il s’ensuit que le respect des droits de la défense n’est pas vérifié pour ces deux décisions et que, par conséquent, en application de la jurisprudence rappelée aux points 58 à 61 ci-dessus, celles-ci ne peuvent servir de fondement aux actes attaqués.

71 D’autre part, s’agissant de la décision américaine de 1997, certes, le Conseil expose que, en application de l’INA, les désignations d’organisations terroristes étrangères ou les décisions faisant suite à une révocation de ces désignations font l’objet d’une publication dans le Registre fédéral. Toutefois, il ne fournit aucune indication sur la question de savoir si, en l’espèce, la publication de la décision américaine de 1997 contenait une quelconque motivation. Par ailleurs, il ne résulte pas
non plus de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués que, en dehors du dispositif de la décision, une motivation, quelle qu’elle soit, a été mise à la disposition du requérant par les autorités américaines d’une quelconque manière.

72 Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner si l’indication qu’une décision est publiée dans un journal officiel de l’État tiers suffit pour considérer que le Conseil a, conformément à la jurisprudence citée aux points 58 à 61 ci-dessus, satisfait à son obligation de vérifier si, dans les États tiers dont émanent les décisions servant de fondement aux actes attaqués, les droits de la défense ont été respectés.

73 À cette fin, il convient de se référer à l’affaire qui a donné lieu aux arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885). Dans cette affaire, le Conseil avait indiqué, dans l’exposé des motifs d’un des actes visés, que les décisions des autorités de l’État tiers concerné avaient fait l’objet d’une publication dans le journal officiel de cet État sans fournir d’autres informations (arrêt du 16 octobre
2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 145).

74 Dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 36 et 37), la Cour, considérant dans leur ensemble toutes les mentions relatives aux décisions des autorités de l’État tiers qui figuraient dans l’exposé des motifs du règlement du Conseil, a jugé qu’elles étaient insuffisantes pour qu’il puisse être constaté que cette institution avait procédé à la vérification requise en ce qui concernait le respect, dans cet État tiers, des droits de la défense.

75 La même conclusion doit être retenue, par identité de motifs, dans la présente affaire en ce qui concerne la seule mention figurant dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, selon laquelle la décision américaine de 1997 avait fait l’objet, aux États-Unis, d’une publication dans le Registre fédéral.

76 Pour ces raisons, et sans même qu’il soit besoin d’examiner la question du respect du droit à une protection juridictionnelle effective, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la motivation relative aux décisions américaines est insuffisante, de sorte que ces dernières ne peuvent servir de fondement aux actes attaqués.

77 Toutefois, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 n’exigeant pas que les actes du Conseil se fondent sur une pluralité de décisions d’autorités compétentes, les actes attaqués ont pu, en ce qui concerne l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses de mars et de juillet 2018 (ci-après les « listes litigieuses »), se référer à la seule décision du Home Secretary, de sorte qu’il convient de poursuivre l’examen du recours en limitant cet examen aux actes attaqués
pour autant qu’ils sont fondés sur cette dernière décision.

Sur les critiques communes à la décision du Home Secretary et aux décisions des autorités américaines

78 Le requérant fait valoir que, pour trois raisons, la décision du Home Secretary et les décisions des autorités américaines, sur lesquelles sont fondés les actes attaqués, ne constituent pas des « décisions d’autorités compétentes » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

79 Ces raisons seront examinées ci-après en tant qu’elles concernent la décision adoptée par le Home Secretary, conformément au point 77 ci-dessus.

– Sur la préférence devant être donnée aux autorités judiciaires

80 Le requérant soutient que, selon l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le Conseil ne peut s’appuyer sur des décisions administratives que si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en matière de lutte contre le terrorisme. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, dès lors que, au Royaume-Uni, les autorités judiciaires auraient une compétence dans ce domaine. La décision du Home Secretary n’aurait donc pas pu être prise en considération par le Conseil dans les
actes attaqués.

81 Le Conseil conteste cette argumentation.

82 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la nature administrative et non judiciaire d’une décision n’est pas déterminante pour l’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dans la mesure où le libellé même de cette disposition prévoit explicitement qu’une autorité non judiciaire peut être qualifiée d’autorité compétente au sens de cette disposition (arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07,
EU:T:2008:461, points 144 et 145, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 105).

83 Même si l’article 1er, paragraphe 4, second alinéa, de la position commune 2001/931 comporte une préférence pour les décisions émanant des autorités judiciaires, il n’exclut nullement la prise en compte de décisions émanant d’autorités administratives lorsque, d’une part, ces autorités sont effectivement investies, en droit national, de la compétence pour adopter des décisions restrictives à l’encontre de groupements impliqués dans le terrorisme et, d’autre part, ces autorités, bien que seulement
administratives, peuvent être considérées comme « équivalentes » aux autorités judiciaires (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 107).

84 Selon la jurisprudence, des autorités administratives doivent être considérées comme équivalentes à des autorités judiciaires lorsque leurs décisions sont susceptibles de recours juridictionnel (arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 145).

85 En conséquence, le fait que des juridictions de l’État concerné détiennent des compétences en matière de répression du terrorisme ne fait pas obstacle à ce que le Conseil tienne compte des décisions rendues par l’autorité administrative nationale chargée de l’adoption des mesures restrictives en matière de terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 108).

86 En l’espèce, il résulte des informations fournies par le Conseil que les décisions du Home Secretary sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission d’appel concernant les organisations interdites, Royaume-Uni), qui statuera en appliquant les principes régissant le contrôle juridictionnel, et que chaque partie peut faire appel de la décision de la commission d’appel concernant les organisations interdites sur un point de droit
devant une juridiction d’appel si elle obtient l’autorisation de cette commission ou, à défaut, de la juridiction d’appel (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 2).

87 Dans ces conditions, il apparaît que les décisions du Home Secretary sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel de sorte que, en application de la jurisprudence exposée aux points 83 et 84 ci-dessus, cette autorité administrative doit être considérée comme l’équivalent d’une autorité judiciaire et, donc, ainsi que le soutient le Conseil, comme une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en conformité avec la jurisprudence
qui s’est déjà prononcée à plusieurs reprises en ce sens (arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 144, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, points 120 à 123).

88 Il résulte des considérations qui précèdent que les actes attaqués ne sauraient être annulés pour la raison que, dans leur exposé des motifs, le Conseil s’est référé à une décision du Home Secretary, qui constitue une autorité administrative.

– Sur le fait que la décision du Home Secretary consiste en un listage des organisations terroristes

89 Le requérant fait valoir que l’action des autorités compétentes concernées par les actes attaqués, dont le Home Secretary, consiste, dans la pratique, à établir des listes d’organisations terroristes pour leur imposer un régime restrictif. Cette activité de listage ne constituerait pas une compétence répressive assimilable à une « ouverture d’enquêtes ou de poursuites » ou encore à une « condamnation », pour citer les pouvoirs dont devrait, selon les termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la
position commune 2001/931, jouir l’« autorité compétente ».

90 Le Conseil conteste le bien-fondé de cette argumentation.

91 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la position commune 2001/931 ne requiert pas que la décision de l’autorité compétente s’inscrive dans le cadre d’une procédure pénale stricto sensu, pourvu que, eu égard aux objectifs poursuivis par ladite position commune dans la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, la procédure nationale en question ait pour objet la lutte contre le terrorisme au sens large (arrêt du 16 octobre 2014,
LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 113).

92 En ce sens, la Cour a considéré que la protection des personnes concernées n’était pas mise en cause si la décision prise par l’autorité nationale ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une procédure visant à infliger des sanctions pénales, mais dans celui d’une procédure ayant pour objet des mesures de type préventif (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 70).

93 En l’espèce, la décision du Home Secretary édicte des mesures d’interdiction à l’encontre d’organisations considérées comme terroristes et s’inscrit donc, comme le requiert la jurisprudence, dans une procédure nationale visant, à titre principal, à l’imposition de mesures de type préventif ou répressif à l’encontre du requérant, au titre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 115).

94 Quant à la circonstance que l’activité de l’autorité en cause aboutit à l’établissement d’une liste de personnes ou d’entités impliquées dans le terrorisme, il convient de souligner qu’elle n’implique pas, en tant que telle, que cette autorité n’a pas effectué d’appréciation individuelle s’agissant de chacune de ces personnes ou entités préalablement à son insertion dans ces listes, ni que cette appréciation devrait nécessairement être arbitraire ou dénuée de fondement (voir, en ce sens, arrêt du
16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 118).

95 Ainsi, ce n’est pas tant la circonstance que l’activité de l’autorité en cause aboutisse à l’établissement d’une liste de personnes ou d’entités impliquées dans le terrorisme qui est en cause que la question de savoir si cette activité est exercée avec suffisamment de garanties pour permettre au Conseil de s’appuyer sur elle pour fonder sa propre décision d’inscription (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 118).

96 En conséquence, c’est à tort que le requérant prétend qu’un pouvoir de listage ne peut pas caractériser une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

97 Cette position n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par le requérant.

98 En premier lieu, le requérant soutient que, selon l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, seules les listes établies par le Conseil de sécurité des Nations unies peuvent être prises en compte par le Conseil.

99 Cet argument ne peut être admis, l’objet de la dernière phrase de l’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la position commune 2001/931 étant seulement d’offrir au Conseil une possibilité de désignation supplémentaire à côté des désignations qu’il peut opérer sur la base de décisions d’autorités nationales compétentes.

100 En second lieu, le requérant souligne que, dans la mesure où elle reprend des listes proposées par les autorités compétentes, la liste de l’Union se résume à une liste de listes, étendant ainsi à celle-ci le champ d’application de mesures administratives nationales adoptées, le cas échéant, par des autorités d’États tiers, sans que les personnes en cause en soient informées et sans qu’elles soient en mesure de se défendre de manière effective.

101 À cet égard, il convient de constater que, comme l’indique le requérant, le Conseil, lorsqu’il identifie les personnes ou entités à soumettre à des mesures de gel de fonds, se fonde sur des constatations effectuées par des autorités compétentes.

102 Dans le cadre de la position commune 2001/931, une forme de coopération spécifique a été instaurée entre les autorités des États membres et les institutions de l’Union, engendrant, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation des autorités nationales compétentes (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 133, et du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of
Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, point 53).

103 En principe, il n’appartient pas au Conseil de se prononcer sur le respect des droits fondamentaux de l’intéressé par les autorités des États membres, ce pouvoir appartenant aux juridictions nationales compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 168).

104 Ce n’est que de manière exceptionnelle, lorsque le requérant conteste, sur la base d’éléments concrets, que des autorités des États membres ont respecté les droits fondamentaux, que le Tribunal doit vérifier que ceux-ci ont été effectivement respectés [voir, par analogie, arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 36].

105 En revanche, lorsque sont impliquées des autorités d’États tiers, le Conseil est tenu, comme cela a été relevé aux points 58 et 59 ci-dessus, de s’assurer d’office que ces garanties ont été effectivement mises en œuvre et de motiver sa décision sur ce point.

106 Il résulte des considérations qui précèdent que les actes attaqués ne peuvent être annulés pour le motif que l’action du Home Secretary consisterait à établir des listes d’organisations terroristes.

– Sur l’absence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles fondant la décision du Home Secretary

107 Le requérant considère que, dès lors qu’il s’appuyait sur une décision administrative et non sur une décision judiciaire, le Conseil devait établir que cette décision était « basée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles », comme le requiert l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

108 Ne concernant pas la qualification de « décision prise par des autorités compétentes » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, qui est l’objet du présent moyen, cette argumentation sera examinée dans le cadre du sixième moyen ci-après.

– Sur la confusion entre les faits prétendument tirés des décisions nationales invoquées et ceux prétendument tirés d’autres sources

109 En ce qui concerne les faits qui justifient le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, le requérant estime que le Conseil aurait dû, dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, indiquer s’ils provenaient d’une décision nationale ou d’une source publique, étant donné que les règles de preuve sont différentes dans les deux cas. Dans le premier cas, le Conseil devrait démontrer que la décision nationale a été prise par une autorité compétente au sens de
l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, tandis que, dans le second, la preuve pourrait être administrée librement.

110 Or, au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le Conseil n’aurait pas indiqué l’origine des faits survenus entre juillet 2014 et avril 2016, lesquels ne pourraient provenir des décisions qualifiant le requérant d’organisation terroriste étrangère, puisque, comme cela serait indiqué au point 10 de la même annexe, le réexamen le plus récent effectué à cet égard daterait de juillet 2012.

111 Cette question ne concernant pas l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, relatif à l’inscription des personnes et des entités terroristes sur les listes de gel de fonds, et se rapportant à la motivation des actes attaqués, il y sera répondu dans le cadre du sixième moyen, examiné ci-après.

Conclusion sur le premier moyen

112 Des points 58 à 76 ci-dessus, il ressort que, s’agissant de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, les décisions américaines ne peuvent fonder les actes attaqués, dès lors que le Conseil a manqué à l’obligation de motivation en ce qui concerne la vérification de l’application du principe du respect des droits de la défense aux États-Unis.

113 En outre, il ressort des points 49 à 51 ci-dessus que ces décisions américaines concernaient l’ensemble du Hamas, tandis que la décision du Home Secretary visait seulement le Hamas-Izz al-Din al-Qassem.

114 Selon le requérant, cette circonstance implique que les actes attaqués doivent être annulés en tant qu’ils concernent le Hamas et ne peuvent subsister qu’en tant qu’ils visent le Hamas-Izz al-Din al-Qassem. En effet, ces deux entités devraient être distinguées, le Hamas étant un parti politique participant légalement aux élections et au gouvernement en Palestine et le Hamas-Izz al-Din al-Qassem étant un mouvement de résistance à l’occupation israélienne.

115 Cette position est critiquée par le Conseil, pour lequel aucune distinction ne peut être opérée entre les deux entités. À l’appui de sa position, le Conseil cite notamment, dans son mémoire en défense, une déclaration du requérant dans laquelle celui-ci présente son organisation comme englobant les deux entités. Les termes de cette déclaration sont les suivants [voir point 19 du mémoire en défense reproduisant les points 7 et 8 de la requête introduite par le requérant dans l’affaire ayant donné
lieu à l’arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil (T‑400/10 RENV, sous pourvoi, EU:T:2018:966)] :

« Le Hamas comprend un Bureau politique et une branche armée : les Brigades Ezzedine Al-Qassam [= Hamas IDQ]. La direction du Hamas se caractérise par sa bicéphalie. La direction intérieure, divisée entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, et la direction extérieure située en Syrie […] Bien que la branche armée jouisse d’une relative indépendance, elle reste soumise aux stratégies générales élaborées par le Bureau politique. Le Bureau politique prend les décisions, et les Brigades les
respectent en raison de la forte solidarité induite par la composante religieuse du mouvement. »

116 Cette déclaration présente une force probante significative dès lors que, d’une part, comme le souligne le Conseil, elle émane du requérant lui-même et que, d’autre part, elle n’a pas été contestée, par la suite, par ce dernier, au moyen d’éléments tangibles et concrets.

117 À cet égard, il doit être relevé que le requérant n’a pas fait usage de la possibilité, qui lui était offerte par l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, de compléter le dossier après que le Tribunal a décidé, en vertu du paragraphe 1 de la même disposition, qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

118 Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré, pour déterminer les effets de la réponse apportée au premier moyen dans le cadre du présent recours, que le Hamas-Izz al-Din al-Qassem est une organisation distincte du Hamas (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, points 182, 183 et 185, et du 29 avril 2015, National Iranian Gas Company/Conseil, T‑9/13, non publié, EU:T:2015:236, points 163 et 164).

119 Il en va d’autant plus ainsi que, alors que des mesures de gel de fonds étaient prises à son égard depuis plusieurs années, le Hamas n’a pas cherché à démontrer au Conseil qu’il n’était en rien impliqué dans les actes ayant déclenché l’adoption de ces mesures en se dissociant, d’une manière dissipant toute hésitation, du Hamas-Izz al-Din al-Qassem, qui, selon lui, en était seul responsable.

120 Pour les raisons mentionnées ci-dessus et sous réserve de l’examen de l’argumentation mentionnée aux points 107, 109 et 110 ci-dessus, le moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

121 Le sixième moyen se décompose en trois branches.

Sur la première branche du sixième moyen

122 Comme il a déjà été relevé au point 107 ci-dessus, le requérant soutient que le Conseil aurait dû, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, indiquer « les preuves et les indices sérieux et crédibles » sur lesquels se fondaient les décisions des autorités compétentes.

123 Le Conseil estime que l’argument n’est pas fondé.

124 Compte tenu du point 77 ci-dessus, ce moyen doit seulement être examiné en tant qu’il concerne la décision du Home Secretary.

125 À cet égard, il y a lieu de constater que le moyen est erroné en fait. En effet, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le Conseil a, au point 14 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, indiqué plusieurs faits qui sous-tendaient la décision du Home Secretary.

126 En toute hypothèse, l’argument est dépourvu de fondement.

127 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la position commune 2001/931, les listes de gel de fonds sont établies sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes et des entités visées, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation
d’un tel acte, « basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles », ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits.

128 Il résulte de l’économie générale de cette disposition que l’exigence qui incombe au Conseil de vérifier, avant d’inscrire le nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds sur le fondement de décisions prises par des autorités compétentes, que ces décisions sont « basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles » ne concerne que les décisions d’ouvertures d’enquêtes ou de poursuites et non celles de condamnation.

129 La distinction ainsi faite entre les deux types de décision résulte de l’application du principe de coopération loyale entre les institutions et les États membres, principe dans lequel s’inscrit l’adoption de mesures restrictives en matière de lutte contre le terrorisme et en vertu duquel le Conseil doit fonder l’inscription de personnes ou d’entités terroristes sur les listes de gel de fonds sur des décisions adoptées par les autorités nationales sans devoir ou même pouvoir les remettre en
cause.

130 Ainsi défini, le principe de coopération loyale s’applique aux décisions nationales comportant une condamnation avec pour conséquence que le Conseil ne doit pas vérifier, avant d’inscrire le nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, que ces décisions sont basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles et qu’il doit s’en remettre, sur ce point, à l’appréciation effectuée par l’autorité nationale.

131 Quant aux décisions nationales portant sur l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, elles se situent, par nature, au départ ou dans le courant d’une procédure non encore parvenue à son terme. Pour assurer le caractère effectif de la lutte contre le terrorisme, il a été estimé utile que le Conseil, pour adopter des mesures restrictives, puisse se fonder sur de telles décisions, même si celles-ci présentent un caractère seulement préparatoire, tout en prévoyant, pour assurer la protection des
personnes visées par ces procédures, que cet usage soit soumis à la vérification, par le Conseil, qu’elles reposent sur des preuves ou indices sérieux et crédibles.

132 En l’espèce, la décision du Home Secretary est définitive en ce sens qu’elle ne doit pas être suivie d’une enquête. De plus, ainsi qu’il résulte de la réponse apportée par le Conseil à une question du Tribunal, elle a pour objet d’interdire le requérant au Royaume-Uni, avec des conséquences pénales pour les personnes qui entretiendraient de près ou de loin un lien avec lui.

133 Dans ces conditions, la décision du Home Secretary ne constitue pas une décision d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, mais doit être assimilée à une décision de condamnation, de sorte que, en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le Conseil ne devait pas indiquer, dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, les preuves et indices sérieux qui se trouvaient à la base de la décision de cette autorité.

134 À cet égard, le fait que le Home Secretary constitue une autorité administrative est indifférent, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 86 et 87 ci-dessus, ses décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel et que, partant, il doit être considéré comme l’équivalent d’une autorité judiciaire.

135 Ne devant pas être indiqués, ces faits ne doivent pas, a fortiori, être prouvés par le Conseil.

136 En conséquence, il ne peut pas être fait grief au Conseil de ne pas avoir indiqué, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, « les preuves et les indices sérieux et crédibles » qui fondaient la décision du Home Secretary ni de ne pas les avoir prouvés.

137 Il convient donc de rejeter la première branche du sixième moyen comme non fondée.

Sur la deuxième branche du sixième moyen

138 De la jurisprudence, il résulte que, lorsqu’un laps de temps important s’est écoulé entre la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale et l’adoption des actes visant au maintien de cette inscription, le Conseil ne peut se borner, pour conclure à la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, à constater que ladite décision est demeurée en vigueur, mais il doit procéder à une appréciation actualisée de la
situation, tenant compte d’éléments factuels plus récents, démontrant que ledit risque subsiste (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 54 et 55, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 32 et 33).

139 Il ressort également de la même jurisprudence que les éléments factuels plus récents qui fondent le maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de gel de fonds peuvent provenir de sources autres que des décisions nationales adoptées par des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 72, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 50).

140 En l’espèce, la décision initiale du Home Secretary date de 2001, tandis que les actes attaqués ont été adoptés en mars et en juillet 2018.

141 Une période de dix-sept ans séparant la décision initiale du Home Secretary des actes attaqués, le Conseil ne pouvait, en application de la jurisprudence rappelée au point 138 ci-dessus, se contenter de constater que la décision du Home Secretary était toujours en vigueur, sans faire état d’éléments plus récents démontrant que le risque d’implication du requérant dans des activités terroristes avait subsisté.

142 De tels éléments plus récents ont été fournis par le Conseil dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués.

143 Ainsi, au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, deux faits ont été mentionnés par le Conseil en lien avec la procédure de réexamen de la décision du Home Secretary qui avait eu lieu en septembre 2016.

144 Par ailleurs, treize faits ont été rapportés par le Conseil au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués en relation avec la qualification du requérant comme organisation terroriste étrangère par les autorités américaines. Ces faits sont décrits comme suit :

– « [L]e Hamas a revendiqué un attentat-suicide commis en septembre 2003, au cours duquel neuf soldats de l’armée israélienne ont été tués et trente personnes ont été blessées aux abords de l’hôpital Assof Harofeh et de la base militaire de Tzrifin (Israël) ;

– en janvier 2004, à Jérusalem, un kamikaze a détruit un bus à proximité de la résidence du Premier ministre, tuant onze civils et en blessant trente autres ; cet acte a été revendiqué conjointement par le Hamas et la Brigade des martyrs d’Al-Aqsa ;

– en janvier 2005, des terroristes ont actionné un engin explosif du côté palestinien du point de passage de Karni, ouvrant une brèche qui a permis à des hommes armés palestiniens de pénétrer dans la partie israélienne ; ils ont tué six civils israéliens et en ont blessé cinq autres ; cet acte a été revendiqué conjointement par le Hamas et la Brigade des martyrs d’Al-Aqsa ;

– en janvier 2007, le Hamas a revendiqué l’enlèvement de trois enfants dans la bande de Gaza ;

– en janvier 2008, un tireur embusqué palestinien de la bande de Gaza a tué un volontaire équatorien de 21 ans alors qu’il travaillait dans les champs du kibboutz Ein Hashlosha (Israël) ; cet acte a été revendiqué par le Hamas ;

– en février 2008, un kamikaze du Hamas a tué une femme âgée et blessé trente-huit autres personnes dans un centre commercial à Dimona (Israël) ; un policier a abattu un deuxième terroriste avant qu’il n’ait eu le temps d’actionner sa ceinture d’explosifs ; le Hamas a qualifié cet attentat d’“héroïque” ;

– le 14 juin 2010, à Hébron (Cisjordanie), des assaillants armés ont ouvert le feu contre une voiture de police, tuant un policier et en blessant deux autres ; une action menée en commun par le Service de la sécurité israélien, la police israélienne et Tsahal a permis de capturer les assaillants le 22 juin 2010 ; au cours des interrogatoires, le commando du Hamas responsable de l’attaque a indiqué que ses membres avaient été formés plusieurs années auparavant et qu’ils s’étaient procuré des
armes, y compris des kalachnikov et des fusils d’assaut ; au cours de ces interrogatoires, il est également apparu que le commando comptait mener d’autres actions, notamment l’enlèvement d’un soldat et d’un civil dans le bloc Eltzsion au nord du mont Hébron ;

– en avril 2011, le Hamas a lancé un missile Kornet, qui a touché un bus scolaire israélien, blessant grièvement un élève de seize ans et blessant légèrement le chauffeur du bus ; la charge explosive utilisée lors de l’attaque pouvait traverser le blindage d’un char moderne ;

– le 20 août 2011, des assaillants ont tiré des roquettes contre des habitants d’Ofakim (Israël), blessant deux enfants et un autre civil ; cet acte a été revendiqué par le Hamas ;

– le 7 juillet 2014, le Hamas a revendiqué les tirs de roquette sur les villes israéliennes d’Ashdod, d’Ofakim, d’Ashkelon et de Netivot ;

– en août 2014, le Hamas a revendiqué l’enlèvement et l’assassinat, en juin 2014, de trois adolescents israéliens en Cisjordanie ;

– en novembre 2014, le Hamas a revendiqué l’attaque à la voiture-bélier perpétrée contre un groupe de piétons à Jérusalem ;

– en avril 2016, le Hamas a revendiqué un attentat à la bombe contre un bus à Jérusalem, qui a fait dix-huit blessés. »

145 Comme il a déjà été indiqué aux points 109 et 110 ci-dessus, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir indiqué si les faits survenus entre juillet 2014 et avril 2016 provenaient d’une décision d’une autorité nationale ou d’une autre source.

146 Pour le requérant, l’identification de la source du fait cité est importante parce qu’elle détermine le mode de preuve devant être utilisé par le Conseil. Dans le cas où le fait cité proviendrait d’une décision nationale, cette institution devrait prouver que cette décision émanerait d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, tandis que, dans le cas où il proviendrait d’une autre source, il pourrait en administrer la preuve librement.

147 À cet égard, il importe de rappeler que, au point 71 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), et au point 49 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas (C‑79/15 P, EU:C:2017:584), la Cour a jugé que, dans le cadre du recours introduit contre le maintien de son nom sur la liste litigieuse, la personne ou l’entité concernée pouvait contester l’ensemble des éléments sur lesquels le Conseil s’est appuyé afin de démontrer la persistance du risque de son implication
dans des activités terroristes, et ce indépendamment de la question de savoir si ces éléments étaient tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources.

148 La Cour a ajouté que, en cas de contestation, il appartenait au Conseil d’établir le bien-fondé des faits allégués et au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle de ceux-ci (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 71, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 49).

149 Il résulte de cette jurisprudence que les éléments utilisés par le Conseil pour établir la persistance du risque d’implication dans des activités terroristes qui proviennent de décisions nationales doivent être prouvés de la même façon que ceux qui proviennent d’autres sources.

150 Dans ces conditions, il convient de considérer que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le Conseil n’est pas tenu d’indiquer, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, la source des éléments invoqués pour maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds et que, partant, si cet élément provient d’une décision nationale, il ne doit pas prouver que celle-ci émane d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la
position commune 2001/931.

151 S’agissant de cette dernière disposition, il convient en outre de rappeler qu’elle concerne l’inscription du nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, et non le maintien de cette inscription, qui, quant à lui, est régi par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. Dès lors, elle ne saurait être invoquée pour imposer au Conseil d’indiquer la source des faits sur lesquels il fonde la réinscription du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de gel
de fonds.

152 La deuxième branche du sixième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

Sur la troisième branche du sixième moyen

153 Le requérant soutient que la motivation d’un acte doit exprimer un choix propre à l’institution. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce parce que le Conseil se serait borné, pour motiver les actes attaqués, à procéder à des copier-coller de documents publiés sur Internet. Il en irait en particulier ainsi pour les descriptions des procédures nationales.

154 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’exigence de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran, C‑200/13 P,
EU:C:2016:284, point 70 et jurisprudence citée).

155 En l’espèce, le requérant n’indique pas les raisons pour lesquelles la reproduction par le Conseil de documents publiés sur Internet, à supposer qu’elle corresponde à la réalité, aurait empêché que la motivation des actes attaqués remplisse ces objectifs.

156 L’obligation de motivation ne peut donc être considérée comme violée pour le seul motif que le Conseil aurait reproduit des extraits de documents publiés sur Internet.

157 La troisième branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée.

158 Au vu des considérations figurant ci-dessus, il convient donc de rejeter le sixième moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré d’« erreurs sur la matérialité des faits »

159 Dans son moyen tiré d’« erreurs sur la matérialité des faits », le requérant critique les faits mentionnés par le Conseil dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués au motif qu’ils sont relatés de manière trop imprécise, qu’ils ne sont pas établis et qu’ils sont trop anciens pour justifier le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses.

160 Ce moyen ne doit être examiné qu’en tant qu’il concerne les faits sur lesquels le Conseil s’est appuyé pour maintenir le nom du requérant sur les listes litigieuses. En effet, ainsi qu’il résulte de l’examen de la première branche du sixième moyen, les faits qui fondent la décision du Home Secretary ne doivent pas être indiqués dans les actes attaqués ni prouvés par le Conseil.

161 Pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil s’est, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 138 ci-dessus, appuyé sur différents faits qu’il a mentionnés dans les annexes jointes aux exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

162 Ces faits sont, d’une part, ceux rapportés par le Conseil en lien avec la procédure de réexamen ayant eu lieu au Royaume-Uni en septembre 2016 (point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués) et, d’autre part, ceux mentionnés en relation avec les décisions dans lesquelles le requérant a été qualifié d’organisation terroriste étrangère par les autorités américaines (point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués).

163 S’agissant des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le Conseil a indiqué que, au Royaume-Uni, l’interdiction du requérant avait fait l’objet, en septembre 2016, d’un réexamen par le groupe interministériel chargé du réexamen des interdictions et que celui-ci avait conclu que le Hamas-Izz al-Din al-Qassem continuait d’être impliqué dans le terrorisme sur la base de deux faits :

– lors du conflit entre Israël et Gaza de l’été 2014, six civils israéliens et un ressortissant thaïlandais auraient été tués lors d’attaques à la roquette et un navire de croisière allemand aurait été touché par des attaques de roquettes ;

– le Hamas aurait recouru aux médias sociaux pour avertir, entre autres, des compagnies aériennes du Royaume-Uni qu’il comptait attaquer l’aéroport Ben Gourion à Tel Aviv (Israël), ce qui aurait pu causer des victimes civiles, et le Hamas aurait effectivement tenté d’attaquer l’aéroport en juillet 2014.

164 Quant aux faits mentionnés au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, ils ont été reproduits au point 144 ci-dessus.

165 Lorsque des éléments factuels récents sont fournis pour justifier le maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur des listes de gel de fonds, la Cour a considéré que le juge de l’Union était tenu de vérifier, en particulier, d’une part, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE ainsi que, d’autre part, le point de savoir si les motifs étaient étayés (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 70, et du 26 juillet 2017,
Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 48).

166 Compte tenu de cette jurisprudence et des critiques du requérant, il importe d’examiner si les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués sont suffisamment motivés et si leur matérialité est établie.

Sur la motivation des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués

167 Le requérant fait valoir que les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués sont évoqués de manière trop imprécise, au motif qu’ils ne sont pas datés, ni localisés, que l’on ne voit pas comment ils ont été attribués au Hamas ou au Hamas-Izz al-Din al-Qassem et que le Conseil n’a pas indiqué en quoi les faits imputés au second pouvaient également être imputés au premier.

168 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la Cour, le juge de l’Union est tenu de vérifier, notamment, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 70, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 48).

169 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).

170 Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

171 En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

172 En l’espèce, il convient de constater que les faits mentionnés, d’une part, au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués (voir point 163 ci-dessus) et, d’autre part, au point 17 de l’annexe B de cet exposé (voir point 144 ci-dessus) sont, à tout le moins, datés quant à l’année, quant au mois, voire quant au jour de leur survenance.

173 Par ailleurs, il convient d’observer que ces faits se sont produits dans un contexte connu du requérant, puisqu’ils sont intervenus, ou sont supposés être intervenus, sur un ou plusieurs territoires bien connus de lui, où il dispose de membres susceptibles de lui communiquer tout renseignement utile à leur identification.

174 Enfin, pour la plupart d’entre eux, le type d’attaque perpétrée ainsi que l’identité des victimes sont précisés, ce qui facilite encore davantage l’identification des faits concernés.

175 Dans ces conditions, il convient de considérer que les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués sont décrits de manière suffisamment précise et concrète pour être contestés par le requérant et contrôlés par le Tribunal.

176 Quant à l’argument du requérant selon lequel ils n’auraient pas été imputés, s’agissant du Hamas, à la branche politique de l’organisation, ou au mouvement de résistance Hamas-Izz al-Din al-Qassem, il est inopérant, dès lors que, ainsi qu’il résulte des points 116 à 118 ci-dessus, ces deux entités doivent être considérées comme constituant une seule et même organisation pour l’application des règles concernant la lutte contre le terrorisme.

177 Il y a donc lieu de considérer que les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués sont suffisamment motivés.

Sur la matérialité des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués

178 Selon le requérant, les faits figurant au point 15 de l’annexe A (voir point 163 ci-dessus) et au point 17 de l’annexe B (voir point 144 ci-dessus) de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués ne peuvent fonder le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. En premier lieu, ces faits, particulièrement ceux qui sont antérieurs à l’année 2009, seraient trop anciens pour justifier le maintien du nom du requérant sur ces listes. En second lieu, ces faits ne seraient pas
prouvés. À cet égard, le requérant fait valoir que les faits d’août 2014, de novembre 2014 et d’avril 2016 mentionnés au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués n’ont pas été revendiqués par le Hamas et que le fait du 7 juillet 2014, mentionné dans le même point, devrait être considéré au regard de la guerre ayant eu lieu à Gaza en 2014.

179 Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

180 Concernant l’argument du requérant tiré de l’ancienneté des faits, il convient de constater que, au point 33 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas (C‑79/15 P, EU:C:2017:584), la Cour a jugé que, dès lors qu’un laps de temps de neuf ans s’était écoulé entre, d’une part, l’adoption des décisions nationales ayant servi de fondement à l’inscription initiale du nom de la partie requérante sur les listes de gel de fonds et cette inscription initiale et, d’autre part, l’adoption des actes
maintenant le nom de la partie requérante sur les listes en cause, le Conseil devait se fonder sur des éléments plus récents.

181 Par analogie de motifs, il convient de considérer, comme l’estime le requérant, que, en l’espèce, les six premiers faits mentionnés au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués (voir point 144 ci-dessus), qui se sont déroulés entre 2003 et 2008, à savoir plus de neuf ans avant l’adoption des actes attaqués, sont trop anciens pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses.

182 En ce qui concerne leur date, les sept autres faits mentionnés au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués peuvent être divisés en deux groupes, à savoir ceux qui se sont produits en 2010 et 2011 et ceux qui se sont produits en 2014 et 2016. À ces derniers s’ajoutent deux faits mentionnés au point 15 de l’annexe A, qui ont eu lieu en 2014.

183 Parmi ces faits, le Tribunal estime que les trois faits qui se sont déroulés en 2010 et 2011, mentionnés en septième, huitième et neuvième lieux dans le point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, sont également trop anciens pour justifier le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, qui datent de 2018. Au regard de l’exigence imposée par la Cour d’établir des éléments « plus récents » pour fonder le maintien de l’inscription du nom
d’une personne ou d’une entité sur les listes de gel de fonds, il convient de considérer qu’un écart de sept ou huit ans n’est pas fondamentalement différent d’un écart de neuf ans, déjà jugé trop important par la Cour dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas (C‑79/15 P, EU:C:2017:584).

184 Il en résulte que seuls les quatre derniers faits mentionnés au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués et les deux faits mentionnés au point 15 de l’annexe A, qui se sont tous produits en 2014 ou 2016, sont suffisamment récents pour fonder les actes attaqués.

185 C’est donc seulement par rapport à ces six faits que l’argumentation du requérant tirée de l’insuffisance des preuves produites par le Conseil doit être examinée.

186 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’elle conteste des éléments de preuve apportés par une partie, l’autre partie doit satisfaire à deux exigences qui présentent un caractère cumulatif.

187 En premier lieu, ses contestations ne peuvent présenter un caractère général, mais doivent revêtir un caractère concret et circonstancié (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Duravit e.a./Commission, T‑364/10, non publié, EU:T:2013:477, point 55).

188 En second lieu, les contestations portant sur la matérialité des faits doivent figurer clairement dans le premier acte de procédure concernant l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 261).

189 Ces exigences ont pour objectif de permettre à la partie défenderesse de connaître avec précision, dès le stade de la requête, les reproches qui lui sont adressés par la partie requérante et de pouvoir ainsi dûment préparer sa défense.

190 En l’espèce, les critiques relatives aux faits d’août et de novembre 2014, mentionnés en onzième et en douzième lieu dans le point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, sont suffisamment concrètes pour être prises en considération par le Tribunal.

191 En effet, pour le fait d’août 2014, le requérant fait valoir, document à l’appui, au point 98 de la requête, ce qui suit :

« […] le Hamas n’a jamais organisé ni revendiqué cet enlèvement. C’est le gouvernement israélien qui lui a imputé fallacieusement la responsabilité de cet acte tragique afin de justifier son intervention militaire à Gaza en 2014. Ensuite, plusieurs acteurs particulièrement autorisés, comme l’ancien chef du Shin Bet Yuval Diskin, ont contredit l’analyse du gouvernement israélien dans la presse en soutenant que les ravisseurs étaient isolés et avaient agi de leur propre chef. »

192 De même, pour le fait de novembre 2014, le requérant énonce, document à l’appui, ce qui suit au point 99 de la requête :

« […] le Hamas n’a jamais revendiqué cet attentat et, selon le correspondant du journal Le Monde, les attaques de ce genre, et notamment celle de novembre 2014, sont le fait de Palestiniens “isolés” qui résistent de leur propre chef à 1’“approche purement sécuritaire”. »

193 En revanche, pour le fait d’avril 2016, mentionné en treizième lieu dans le point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le requérant s’est contenté d’affirmer, au point 99 de la requête, que « le Hamas n’a jamais organisé ni revendiqué d’attentats à la bombe en 2016, contrairement à ce qu’affirme le Conseil ».

194 Cette critique est trop générale, au regard des critères rappelés au point 187 ci-dessus, pour pouvoir être prise en considération par le Tribunal.

195 Quant au fait du 7 juillet 2014, mentionné en dixième lieu dans le point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le requérant affirme, au point 100 de la requête, que les allégations du Conseil « doivent être considérées au regard de ce qui a déjà été dit au sujet de la guerre de Gaza de 2014, a fortiori s’agissant de leur imputation à la branche politique du Hamas ».

196 Se rapportant à la question de savoir si un fait intervenu dans le cadre d’un conflit armé peut être qualifié de terroriste et non à la question de savoir si le fait concerné s’est ou non produit ou s’il peut être imputé au requérant, cette critique sera examinée ci-après dans le cadre du troisième moyen.

197 Les deux faits datant de 2014, mentionnés au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, n’ont pas fait l’objet d’une contestation concrète et circonstanciée.

198 Il résulte de ce qui précède que, parmi les six faits survenus en 2014 et 2016, seuls ceux d’août et de novembre 2014 ont été critiqués valablement.

199 Ces critiques sont cependant inopérantes dès lors que les quatre autres faits, à savoir les faits de 2014 mentionnés au point 15 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués ainsi que les faits du 7 juillet 2014 et d’avril 2016 mentionnés en dixième et en treizième lieu au point 17 de l’annexe B, n’ont pas été critiqués valablement par le requérant et qu’ils suffisent en tout état de cause à justifier le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

200 Sous réserve de l’examen de l’argumentation mentionnée au point 196 ci-dessus, le deuxième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation quant au caractère terroriste du requérant

201 Le requérant estime que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en qualifiant les faits qu’il a retenus dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués d’actes terroristes et en le qualifiant d’organisation terroriste.

202 Il résulte de l’argumentation du requérant que ces critiques concernent tant les faits qui se trouvent à la base des décisions des autorités compétentes qui ont fondé l’inscription du nom du requérant sur les listes de gel de fonds que les faits qui justifient le maintien de cette inscription et qui sont mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués.

203 Pour répondre à ce moyen, il convient d’établir une distinction entre ces deux catégories de fait.

En ce qui concerne les faits qui se trouvent à la base des décisions des autorités compétentes sur lesquelles le Conseil s’est fondé pour inscrire le nom du requérant sur les listes litigieuses

204 En raison de la réponse apportée au premier moyen, cette première branche du troisième moyen ne devra être examinée qu’en tant qu’elle concerne les faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary.

205 Quant à ces faits, il importe de rappeler que, en réponse à la première branche du sixième moyen, il a été jugé, au point 133 ci-dessus, qu’ils ne devaient pas être indiqués par le Conseil dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

206 Dès lors, il ne saurait être demandé à cette institution de vérifier la qualification de ces faits opérée par l’autorité nationale et de faire état, dans les actes attaqués, du résultat de cette qualification.

207 Il en va d’autant plus ainsi que la décision du Home Secretary émane d’un État membre pour lequel l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 ont instauré une forme de coopération spécifique avec le Conseil, engendrant, pour cette institution, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil,
T‑256/07, EU:T:2008:461, point 133, et du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, point 53).

208 Les critiques émises par le requérant quant aux faits qui fondent la décision du Home Secretary sont donc inopérantes.

En ce qui concerne les faits invoqués par le Conseil pour maintenir le nom du requérant sur les listes litigieuses et mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués

209 Dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, le Conseil a qualifié, d’une part, les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A d’actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, sous iii), a), d), f), g) et i), de la position commune 2001/931 en vue d’atteindre les buts énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, sous i) et ii), de la même position commune et, d’autre part, les faits mentionnés au point 17 de l’annexe B d’actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3,
sous iii), a), b), c) et f), de la position commune 2001/931 en vue d’atteindre les buts énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, sous i) et ii), de la même position commune.

210 Le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur en conférant aux faits concernés la qualification d’actes terroristes. D’abord, le fait que les actes en cause auraient tous eu lieu dans le cadre de la guerre d’occupation menée par Israël en Palestine aurait dû l’amener à ne pas retenir cette qualification à son égard. Ensuite, à supposer que ces faits soient établis, les actes auxquels ils se rapportent auraient été commis pour libérer le peuple palestinien, et non dans les buts cités
par le Conseil et mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, sous i), ii) et iii), de la position commune 2001/931.

211 Par ces arguments, le requérant fait valoir que le Conseil aurait dû prendre en considération, lors de la qualification des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, la circonstance que le conflit israélo-palestinien relevait du droit des conflits armés et avait pour objectif de libérer le peuple palestinien.

212 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence établie, l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union concernant la prévention du terrorisme, telles que la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001, aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 57 ; voir également, en ce sens, arrêt
du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 95 à 98).

213 En effet, d’une part, la position commune 2001/931 n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international. D’autre part, les objectifs de l’Union et de ses États membres, dans le cadre de cette position commune, sont de lutter contre le terrorisme, quelles que soient les formes qu’il puisse prendre, conformément aux objectifs du droit international en vigueur
(arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 58).

214 À cet égard, il convient de rappeler que c’est pour mettre en œuvre, au niveau de l’Union, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies (voir point 1 ci-dessus), laquelle « réaffirme la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies signée à San Francisco le 26 juin 1945, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme » et « demande aux États membres de compléter la coopération
internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme », que le Conseil a adopté la position commune 2001/931 (voir considérants 5 à 7 de cette position commune), puis, conformément à cette position commune, le règlement no 2580/2001 (voir considérants 3, 5 et 6 de ce règlement) (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885,
point 59).

215 Cette position n’est pas altérée par les arguments qui suivent.

216 En premier lieu, le requérant objecte que, dans l’arrêt du 14 mars 2017, A e.a. (C‑158/14, EU:C:2017:202, point 87), la Cour ne s’est pas prononcée sur le cas où le conflit armé procède du droit à l’autodétermination, qui constitue un principe de droit coutumier. Qualifier d’actes terroristes les agissements d’un mouvement de libération nationale comme le Hamas ou le Hamas-Izz al-Din al-Qassem qui résisterait à l’occupation illégale du territoire palestinien par l’État d’Israël porterait
atteinte à ce principe.

217 À cet égard, il convient de relever que, comme l’indique le requérant, la Cour, dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:2016:973, point 88), a considéré que le principe coutumier d’autodétermination rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance.

218 Sans prendre position sur son application dans la présente affaire, il convient de relever que ce principe n’implique pas que, pour exercer le droit à l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens tombant sous le coup de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

219 En effet, une distinction doit être établie entre, d’une part, l’objectif que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils mettent en œuvre aux fins d’y parvenir.

220 Or, comme il a déjà été indiqué aux points 212 à 214 ci-dessus, les règles adoptées dans l’Union aux fins de lutter contre le terrorisme s’appliquent à l’ensemble des formes que peut prendre ce dernier, indépendamment de l’objectif du conflit, dès lors que sont adoptés des comportements qui répondent aux conditions et aux exigences qui s’y trouvent exprimées.

221 En second lieu, le requérant nie l’intention d’instaurer un État islamique, qui lui aurait été prêtée par le Conseil dans l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués et qui aurait justifié l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

222 II est vrai que, au début de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, le Conseil affirme :

« Harakat al-Muqawamah al-Islamiyyah (Hamas) est un groupe qui vise à mettre fin à l’occupation israélienne en Palestine et à créer un État islamique. »

223 Toutefois, il résulte de l’ensemble de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués que ce n’est pas cette affirmation qui fonde l’inscription ou la réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses.

224 Ainsi qu’il ressort de l’examen des premier, deuxième et sixième moyens ci-dessus, l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses est fondée sur la décision du Home Secretary et sa réinscription sur le maintien de cette dernière décision, ainsi que sur les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, dans les limites indiquées dans le cadre de l’examen du deuxième moyen.

225 Dans l’ensemble des actes attaqués, la phrase mise en exergue par le requérant joue seulement un rôle contextuel dont le caractère erroné, s’il devait être établi, ne pourrait entraîner l’annulation de ces actes.

226 Pour ces raisons, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de non-ingérence

227 Le requérant fait valoir que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a violé le principe de non-ingérence, qui résulte de l’article 2 de la charte des Nations unies et constitue un principe de jus cogens découlant de l’égalité souveraine des États en droit international. Ce principe interdirait qu’un État ou un gouvernement puisse être considéré comme une entité terroriste.

228 Or, le Hamas ne serait pas une simple organisation non gouvernementale, et encore moins un mouvement informel, mais un mouvement politique légal ayant remporté les élections en Palestine et qui formerait le cœur du gouvernement palestinien. Le Hamas ayant été conduit à occuper des fonctions qui dépasseraient celles d’un parti politique ordinaire, ses actes à Gaza seraient assimilables à ceux d’une autorité étatique et ne pourraient de ce fait être condamnés sous l’angle des mesures
antiterroristes. Le requérant serait, parmi les personnes et entités dont les noms sont inscrits sur les listes litigieuses, le seul à se trouver dans une telle situation.

229 À cet égard, il convient de relever que, constituant un corollaire du principe d’égalité souveraine des États, le principe de non-ingérence, également dénommé principe de non-intervention, est un principe de droit international coutumier mettant en jeu le droit de tout État souverain de conduire ses affaires sans ingérence extérieure.

230 Ainsi que le relève le Conseil, ce principe de droit international est énoncé au profit des États souverains et non au profit de groupes ou de mouvements (voir arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 69 et jurisprudence citée).

231 Ne constituant ni un État ni le gouvernement d’un État, le Hamas ne saurait bénéficier du principe de non-ingérence.

232 Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

Sur le cinquième moyen, tiré d’une insuffisante prise en considération de l’évolution de la situation en raison de l’écoulement du temps

233 Le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir correctement procédé à l’examen prévu par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 pour plusieurs raisons.

234 En premier lieu, pour maintenir l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil se serait contenté d’affirmer que les décisions nationales étaient toujours en vigueur et d’énumérer, au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, une série de faits sans vérifier si le maintien de sa désignation comme organisation terroriste étrangère par la décision américaine de réexamen du 27 juillet 2012 était appuyé sur des preuves et des indices sérieux
et crédibles et si ces faits devaient être qualifiés de terroristes au sens de la position commune 2001/931.

235 En toute hypothèse, la décision américaine de réexamen du 27 juillet 2012 serait trop ancienne pour justifier le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses et cette obsolescence ne pourrait être palliée par la décision du Royaume-Uni de septembre 2016, qui ne concernerait que le Hamas-Izz al-Din al-Qassem.

236 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il résulte des points 138 à 144 et 161 à 163 ci-dessus, la réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses est fondée sur le maintien en vigueur de la décision du Home Secretary et, dans les limites indiquées dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, sur les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués.

237 Dès lors qu’elles se rapportent à la décision américaine de réexamen du 27 juillet 2012, les critiques formulées par le requérant dans le cadre du présent moyen sont inopérantes, puisque le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses n’est pas légalement fondé sur cette décision.

238 En deuxième lieu, le requérant soutient que les faits commis entre 2014 et 2016 ne pouvaient être imputés au Hamas ou au Hamas-Izz al-Din al-Qassem.

239 Cette critique ayant déjà été examinée dans le cadre du deuxième moyen, il est renvoyé au point 176 ci-dessus.

240 En troisième lieu, le requérant reproche au Conseil de n’avoir retenu aucun élément à sa décharge. À cet égard, il souligne, d’une part, que la charte du Hamas, publiée en 2017, fonde l’action de celui-ci sur le principe d’autodétermination et admet le respect des frontières établies par le plan de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1967 et, d’autre part, que, selon les observateurs, depuis 2014, les actes de violence sont commis par des personnes isolées, le Hamas-Izz al-Din al-Qassem
respectant le cessez-le-feu.

241 À cet égard, il importe de relever que, à la suite des courriers des 30 novembre 2017 et 22 mars 2018, le requérant n’a pas, malgré l’invitation qui lui était faite par le Conseil, pris contact avec cette institution afin de faire valoir de tels éléments à sa décharge. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à cette institution de ne pas les avoir pris en considération dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

242 En toute hypothèse, il résulte de l’examen du deuxième moyen que la réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses est fondée à suffisance de droit sur le maintien en vigueur de la décision du Home Secretary ainsi que sur les faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués, dans les limites indiquées dans le cadre de l’examen de ce moyen.

243 Le cinquième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

244 Le septième moyen comporte deux branches.

Sur la première branche du septième moyen

245 Dans la première branche de son septième moyen, le requérant estime que, lorsqu’il s’appuie sur des décisions nationales prises par une autorité d’un État tiers, le Conseil est tenu de vérifier que les droits procéduraux ont été concrètement respectés au cours de la procédure nationale qui a conduit à l’adoption de ces mesures et que le Tribunal doit contrôler que cet examen a été effectué.

246 Le requérant considère que, en l’espèce, ses droits procéduraux n’ont pas été respectés par les autorités américaines. Il n’aurait, en effet, reçu aucune information concernant la décision dont il avait fait l’objet aux États-Unis, alors que cette notification était parfaitement possible, puisqu’il a « pignon sur rue » à Damas (Syrie) et à Gaza. Il aurait, par conséquent, été empêché de présenter ses observations et d’exercer son droit de recours. Quand bien même la législation américaine
prévoirait un recours juridictionnel, le défaut de notification et de motivation aurait porté atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective. Au minimum, le Conseil devrait prouver que le gouvernement des États-Unis a tenté d’avertir le requérant et que cette tentative a échoué.

247 Compte tenu de ce que, d’une part, en réponse au premier moyen, le Tribunal a estimé que les décisions américaines ne pouvaient valablement fonder l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses et que, d’autre part, la réinscription de son nom sur ces listes est fondée sur le maintien de la décision du Home Secretary et des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués (voir points 138 à 144 et 161 à 163
ci-dessus), et non sur les décisions dont proviennent ces faits, la première branche du septième moyen ne saurait être utilement invoquée.

Sur la seconde branche du septième moyen

248 Dans la seconde branche de son septième moyen, le requérant soutient que le principe du respect des droits de la défense a été violé par le Conseil au cours de la procédure qui a conduit à l’adoption des actes attaqués, et ce pour trois raisons.

249 En premier lieu, le requérant reproche au Conseil de ne pas lui avoir transmis les preuves et indices sérieux sur lesquels étaient fondées les décisions américaines afin qu’il puisse faire connaître son point de vue sur ces derniers.

250 Dès lors que, dans le cadre du premier moyen, le Tribunal a jugé que les décisions américaines ne pouvaient valablement fonder l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses et que, par ailleurs, la réinscription de son nom sur ces listes est fondée sur le maintien de la décision du Home Secretary et des faits mentionnés au point 15 de l’annexe A et au point 17 de l’annexe B de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués (voir points 138 à 144 et 161 à 163 ci-dessus), et non sur
les décisions dont proviennent ces faits, cette argumentation doit être écartée comme inopérante.

251 En deuxième lieu, le requérant reproche au Conseil de ne pas lui avoir communiqué, préalablement à l’adoption des actes attaqués, les informations et les éléments de preuve concernant les faits qui ne provenaient pas de décisions nationales et de ne pas l’avoir entendu sur ces informations et éléments de preuve. Il estime également que le Conseil aurait dû préciser dans le courrier du 30 novembre 2017 qu’il était en droit de les lui demander.

252 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 92 ; du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 87, et du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P,
non publié, EU:C:2016:601, point 66 et jurisprudence citée).

253 Or, en l’espèce, le requérant n’a pas procédé à une telle demande.

254 Quant au fait que le courrier du 30 novembre 2017 ne mentionnait pas expressément la possibilité pour le requérant de demander au Conseil les informations et les éléments de preuve concernant les faits qui ne provenaient pas de décisions nationales, il convient d’observer que ce courrier mentionnait l’adresse à laquelle le requérant pouvait adresser des observations concernant l’intention du Conseil de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses de mars 2018. Il est évident
qu’il lui était loisible d’utiliser cette adresse pour demander lesdites informations et lesdits éléments de preuve, ce qu’il n’a pas fait.

255 Dans ces conditions, les actes de mars 2018 ne sauraient être annulés pour le motif que le Conseil n’aurait pas communiqué les informations et éléments de preuve concernant les faits qui ne provenaient pas de décisions nationales.

256 En troisième lieu, le requérant estime que les courriers des 22 mars et 31 juillet 2018, contenant les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, auraient dû lui être adressés, plutôt qu’à son conseil, compte tenu de ce qu’il a pignon sur rue à Damas et à Doha (Qatar).

257 À cet égard, il convient de relever que l’obligation de notifier individuellement une motivation concrète et précise aux personnes et aux entités à l’encontre desquelles sont adoptées des mesures restrictives vise essentiellement à compléter la publication d’un avis publié au Journal Officiel, ce dernier indiquant aux personnes ou aux entités concernées que des mesures restrictives ont été adoptées à leur égard et les invitant à demander la communication de l’exposé des motifs de ces mesures en
fournissant l’adresse précise à laquelle cette demande peut être envoyée. La notification individuelle aux personnes et aux entités concernées n’est donc pas le seul mécanisme utilisé en vue d’informer celles-ci des mesures prises à leur égard (arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, sous pourvoi, EU:T:2018:966, point 175).

258 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que l’obligation de notifier individuellement l’exposé des motifs des mesures restrictives ne s’applique pas dans tous les cas, mais seulement lorsqu’elle se révèle possible (voir arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, sous pourvoi, EU:T:2018:966, point 176 et jurisprudence citée).

259 Or, en l’espèce, il apparaît que, même dans le cadre de la présente procédure, l’adresse du requérant reste inconnue, dès lors que les seules indications fournies par celui-ci au Tribunal se limitent au nom d’une ville et d’un pays (Doha au Qatar et Gaza) (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, sous pourvoi, EU:T:2018:966, point 177).

260 Le Conseil a donc pu, outre publier les avis des 22 mars et 31 juillet 2018, adresser à l’avocat du requérant les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

261 Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de rejeter le septième moyen comme non fondé.

Sur le huitième moyen, tiré du « défaut d’authentification des exposés des motifs »

262 Dans la réponse qu’il a apportée, le 19 mars 2019, à la question qui lui avait été posée, le 1er mars précédent, par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le requérant soulève un huitième moyen, tiré du « défaut d’authentification des exposés des motifs ».

263 Le requérant observe que les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, qui ont été transmis par le Conseil à son avocat par les courriers des 22 mars et 31 juillet 2018, n’étaient pas signés par le président de cette institution et, partant, qu’ils n’avaient pas été authentifiés, contrairement à ce que requiert l’article 15 du règlement intérieur du Conseil, tel qu’adopté par la décision 2009/937/UE du 1er décembre 2009 (JO 2009, L 325, p. 35).

264 Le requérant soutient que, en l’absence d’une telle authentification, il ne peut être certain que les exposés des motifs qui lui ont été transmis correspondent à ceux adoptés par le Conseil.

265 Sans conclure à l’irrecevabilité du moyen, le Conseil constate, dans ses observations sur le huitième moyen, que le requérant ne l’a soulevé que dans une réponse à une question du Tribunal et qu’il ne l’avait invoqué ni dans la requête ni dans le mémoire en adaptation.

266 À cet égard, il importe de rappeler que, en application de l’article 84 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés en cours d’instance.

267 En l’espèce, le huitième moyen a été soulevé par le requérant au stade d’une réponse apportée à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, alors qu’il aurait pu l’être dès le stade de la requête. Il doit donc être considéré comme irrecevable.

268 Néanmoins, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur un moyen d’ordre public (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 48 et 49 et jurisprudence citée).

269 L’absence d’authentification constituant une violation d’une forme substantielle au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 76), le huitième moyen revêt un caractère d’ordre public (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, EU:C:2000:170, point 114), de sorte qu’il convient de l’examiner.

270 Sur le fond, il y a lieu de rappeler que l’article 297, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE énonce ce qui suit :

« Les actes non législatifs adoptés sous la forme de règlements, de directives et de décisions, lorsque ces dernières n’indiquent pas de destinataire, sont signés par le président de l’institution qui les a adoptés. »

271 De plus, l’article 15 du règlement intérieur du Conseil prévoit :

« Le texte […] des actes adoptés par le Conseil […] est revêtu de la signature du président en exercice lors de leur adoption et de celle du secrétaire général. Le secrétaire général peut déléguer sa signature à des directeurs généraux du secrétariat général. »

272 Dans l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 75), cité par le requérant, la Cour a jugé, à propos d’une décision adoptée par la Commission européenne, que l’authentification prévue par le règlement intérieur de cette institution avait pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège.

273 Selon la Cour, l’authentification prévue par le règlement intérieur de la Commission permet de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par l’institution et, par là-même, avec la volonté de leur auteur (arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 75).

274 Il s’ensuit, selon la Cour, que l’authentification requise par le règlement intérieur de la Commission constitue, au sens de l’article 263 TFUE, une forme substantielle dont la violation peut donner lieu à un recours en annulation (arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 76).

275 Ces règles, énoncées dans l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 75 et 76), à propos d’actes de la Commission, doivent être transposées aux actes du Conseil.

276 Comme pour les actes de la Commission, le principe de la sécurité juridique impose que les tiers disposent d’un moyen de vérifier que les actes du Conseil qui sont publiés ou notifiés correspondent à ceux qui ont été adoptés.

277 Il en va ainsi même si, à la différence de la Commission, le Conseil ne constitue pas un collège. En effet, dans l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247), la Cour s’est notamment fondée, pour justifier l’obligation d’authentifier des actes, sur la nécessité d’assurer la sécurité juridique, en permettant de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par l’institution. Or, la sécurité juridique
est un principe général de droit s’appliquant à l’ensemble des institutions, particulièrement lorsque, comme cela est le cas en l’espèce, elles adoptent des actes destinés à produire des effets sur la situation juridique de personnes morales ou privées.

278 En l’espèce, il est constant que les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués qui ont été transmis au requérant ne comportent pas de signature, mais se présentent, en eux-mêmes, comme des documents dactylographiés dépourvus d’en-tête et ne comportant aucune mention, pas même une date, qui permettrait de les identifier comme des actes émanant du Conseil et de déterminer le moment auquel ils ont été adoptés.

279 En annexe à ses observations sur le huitième moyen, le Conseil a transmis au Tribunal les actes attaqués, datés et revêtus de la signature de son président et de celle de son secrétaire général.

280 Force est cependant de constater que ces actes ne contiennent pas les exposés des motifs justifiant leur adoption.

281 Or, en application de l’article 296 TFUE, les actes adoptés par le Conseil doivent être motivés, cette disposition exigeant, conformément à une jurisprudence constante, que l’institution concernée expose les raisons qui l’ont amenée à les arrêter, afin de permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence
citée).

282 Le dispositif d’un acte ne peut se comprendre et sa portée être mesurée qu’à la lumière de ses motifs. Le dispositif et la motivation constituant un tout indivisible (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 67, et du 18 janvier 2005, Confédération Nationale du Crédit Mutuel/Commission, T‑93/02, EU:T:2005:11, point 124), aucune distinction ne peut être opérée entre les motifs et le dispositif d’un acte pour l’application des dispositions requérant
l’authentification de celui-ci. Lorsque, comme en l’espèce, l’acte et l’exposé des motifs figurent dans des documents distincts, l’un et l’autre doivent être authentifiés, comme le requièrent ces dispositions, sans que la présence d’une signature sur l’un puisse donner lieu à la présomption, réfragable ou irréfragable, que le second a été, lui aussi, authentifié.

283 Ainsi que le Conseil le reconnaît lui-même au point 29 de ses observations sur le huitième moyen, la signature de ses actes est une forme substantielle. En conséquence, dès lors qu’il apparaît qu’elle n’a pas été respectée en l’espèce, les actes attaqués doivent être annulés.

284 Cette analyse est contestée par le Conseil.

285 En premier lieu, le Conseil prétend que la jurisprudence lui impose de séparer, dans le cadre de la position commune 2001/931, les exposés des motifs des actes eux-mêmes. Pour ce qui concerne les mesures restrictives adoptées par le Conseil, c’est donc de la jurisprudence que résulterait la situation actuelle, dans laquelle les actes sont signés, mais non les exposés des motifs, de sorte qu’aucun reproche ne pourrait lui être adressé sur ce point et que les actes ne pourraient, par conséquent,
être annulés.

286 À cet égard, il importe de relever que, en application de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, tous les actes doivent être motivés et que, comme il a été relevé au point 282 ci-dessus, le dispositif et les motifs d’une décision constituent un tout indivisible.

287 Il est vrai que, eu égard au fait que la publication détaillée des griefs retenus à la charge des personnes et des entités concernées pourrait se heurter à des considérations impérieuses d’intérêt général et porter atteinte à leurs intérêts légitimes, il a été admis que la publication au Journal officiel du dispositif et d’une motivation générale de mesures de gels de fonds était suffisante, étant entendu que la motivation spécifique et concrète de cette décision devait être formalisée et portée
à la connaissance des intéressés par toute autre voie appropriée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 147).

288 Toutefois, cette tolérance ne concerne que la publication des actes et non ces actes eux-mêmes, de sorte qu’elle n’affecte pas l’obligation, prévue par l’article 297, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE et l’article 15 du règlement intérieur du Conseil, de les signer.

289 En deuxième lieu, le Conseil indique que les actes attaqués et les exposés des motifs qui les sous-tendent ont été adoptés simultanément par les États membres au terme d’une procédure écrite rigoureuse, telle que prévue à l’article 12, paragraphe 1, du règlement intérieur.

290 Premièrement, le groupe de travail compétent du Conseil, à savoir le groupe « Mesures restrictives en vue de lutter contre le terrorisme » (COMET), aurait discuté l’éventuelle réinscription du nom du requérant sur la base de l’exposé des motifs existant et aurait considéré qu’aucune nouvelle information n’aurait milité en faveur de la suppression de son nom de la liste. Sur cette base, le COMET aurait finalisé les exposés de motifs de toutes les entités et personnes concernées.

291 Deuxièmement, respectivement les 5 mars et 3 juillet 2018, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité aurait présenté ses propositions en vue de l’adoption des actes attaqués. Les 8 mars et 5 juillet 2018, ces propositions auraient été examinées par un groupe de travail du Conseil, à savoir le groupe « Conseillers pour les relations extérieures » (RELEX), qui aurait finalisé le texte des projets.

292 Troisièmement, le secrétariat général du Conseil aurait préparé une note pour le Comité des représentants permanents (Coreper) et le Conseil présentant l’ensemble des documents qui auraient dû être adoptés. Sur cette base, le secrétariat général du Conseil aurait alors ouvert des procédures écrites en conformité avec l’article 12, paragraphe 1, du règlement intérieur du Conseil. Les documents qui auraient initié ces procédures écrites auraient détaillé précisément les documents concernés par
celles-ci et, parmi ces documents, auraient figuré tant les projets des actes attaqués que les projets des exposés des motifs qui s’y seraient rapportés. Toutes les délégations des États membres auraient marqué leur accord sur ces projets.

293 Du respect de ces procédures et des documents auxquels elles auraient donné lieu, il ressortirait avec certitude que les actes attaqués, y compris les exposés des motifs, auraient été adoptés par le Conseil et qu’ils seraient le résultat de la volonté de ce dernier.

294 Un tel argument ne peut être accueilli.

295 À cet égard, il importe de rappeler que la signature des actes du Conseil par son président et son secrétaire général, qui est prévue par l’article 297, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE et l’article 15 du règlement intérieur du Conseil, vise notamment à permettre aux tiers de s’assurer que les actes qui leur ont été notifiés ont bien été adoptés par cette institution.

296 En d’autres termes, l’authentification des actes du Conseil peut être analysée comme la matérialisation du constat fait par le président et le secrétaire général de cette institution que les actes concernés ont bien été adoptés par celle-ci.

297 Cette formalité ne peut être remplacée par la description de la procédure qui a été suivie au sein du Conseil pour adopter ces actes. Lorsque le traité et le règlement intérieur d’une institution requièrent de cette dernière qu’elle accomplisse une formalité spécifique visant à assurer le respect du principe de la sécurité juridique au profit des tiers, à savoir la signature des actes adoptés par elle, cette institution ne peut se dispenser de cette formalité au motif que les règles de procédure
prévues par le règlement d’ordre intérieur ont été respectées.

298 En troisième lieu, le Conseil fait valoir que, dans la présente affaire, le contexte factuel est différent de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247), dans lequel la décision attaquée ne correspondait pas à la version adoptée par la Commission. Une telle situation ne pourrait se produire pour les actes du Conseil en raison des procédures internes qui sont appliquées en son sein et le requérant n’aurait d’ailleurs fourni
aucun élément suggérant que les exposés des motifs auraient été modifiés après leur adoption.

299 À cet égard, il importe de relever que, selon la jurisprudence, la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification d’un acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque (arrêts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 42, et du 6 avril 2000, Commission/Solvay, C‑287/95 P et C‑288/95 P, EU:C:2000:189,
point 46).

300 Pour autant que de besoin, il convient de constater que, à aucun moment, le Conseil n’a fait valoir, dans ses écrits de procédure, qu’il lui était impossible de procéder à l’authentification des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

301 Ayant été apposées sur les actes attaqués, les signatures du président et du secrétaire général du Conseil pouvaient également être apposées sur les exposés des motifs qui s’y rapportaient. Elles devaient l’être, dès lors que les actes attaqués et leur exposé des motifs faisaient l’objet de documents distincts et que, comme il ressort des points 281 et 282 ci-dessus, les seconds constituaient le complément indispensable des premiers.

302 Comme il a été indiqué au point 283 ci-dessus, le Conseil a lui-même reconnu l’importance de la signature des actes juridiques qu’il adopte en la qualifiant, au point 29 de sa réponse à la question du Tribunal, de forme substantielle.

303 Enfin, le Conseil allègue que, si le Tribunal estimait que les actes attaqués étaient affectés d’un vice de forme, ce vice serait insuffisant pour annuler les actes attaqués.

304 Cet argument doit être également rejeté. La signature des actes du Conseil par leur président et leur secrétaire général constituant une forme substantielle, sa violation doit conduire, selon la jurisprudence, à l’annulation des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015, Espagne/Commission, C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 56 et jurisprudence citée).

305 En conclusion, les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués n’ayant pas été signés par le président du Conseil et son secrétaire général alors qu’ils figuraient dans des documents distincts, il convient d’accueillir le huitième moyen et d’annuler les actes attaqués, en tant qu’ils concernent le requérant.

Sur les dépens

306 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

307 Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

  1) La décision (PESC) 2018/475 du Conseil, du 21 mars 2018, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017/1426, le règlement d’exécution (UE) 2018/468 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption
de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 2017/1420, la décision (PESC) 2018/1084 du Conseil, du 30 juillet 2018, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la
décision 2018/475, et le règlement d’exécution (UE) 2018/1071 du Conseil, du 30 juillet 2018, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2018/468, sont annulés en tant qu’ils concernent le « “Hamas”, y compris le “Hamas-Izz al-Din al-Qassem” ».

  2) Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Hamas.

Pelikánová

Nihoul

  Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2019.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-308/18
Date de la décision : 04/09/2019
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en annulation - fondé

Analyses

Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes, de groupes et d’entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Possibilité pour une autorité d’un État tiers d’être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931/PESC – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Principe de non-ingérence – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Authentification des actes du Conseil.

Politique étrangère et de sécurité commune

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : Hamas
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Nihoul

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:557

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