ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
4 juillet 2019 ( *1 )
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Procédure d’opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Demande d’enregistrement de la marque figurative comportant l’élément verbal “Fl” – Opposition du titulaire de la marque figurative comportant l’élément verbal “fly.de” – Rejet – Similitude des signes – Dénomination en écriture standard dans le Bulletin des marques de l’Union européenne – Risque de confusion »
Dans l’affaire C‑99/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 février 2018,
FTI Touristik GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me A. Parr, Rechtsanwältin,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka et M. D. Botis, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Harald Prantner, demeurant à Hambourg (Allemagne),
Daniel Giersch, demeurant à Monaco (Monaco),
représentés par Me S. Eble, Rechtsanwalt,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, FTI Touristik GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 novembre 2017, FTI Touristik/EUIPO – Prantner et Giersch (Fl) (T‑475/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:856), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 juin 2016 (affaire R 480/2015-5), relative à une procédure
d’opposition entre FTI Touristik et MM. Harald Prantner et Daniel Giersch (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), a été modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21), lequel est entré en vigueur le 23 mars 2016. Le règlement no 207/2009, tel que modifié, a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de
l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Néanmoins, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause en l’espèce, à savoir le 7 octobre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009.
3 L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 était libellé comme suit :
« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :
[...]
b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
4 Les antécédents du litige et la décision litigieuse sont résumés aux points 1 à 15 de l’arrêt attaqué, comme suit :
« 1. Le 7 octobre 2013, les intervenants, MM. [...] Prantner et [...] Giersch, ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à [l’EUIPO], en vertu du règlement [no 207/2009].
2. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
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3. Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 39 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 16 : “Produits de l’imprimerie ; photographies ; papeterie ; matériaux d’emballage ; publications ; livres ; manuels ; pamphlets ; lettres d’informations ; albums ; journaux ; magazines et périodiques ; tickets ; coupons ; coupons et documents de voyage ; passes ; étiquettes ; affiches ; cartes postales ; calendriers ; agendas et journaux ; matériel d’instruction” ;
– classe 39 : “Transport ; organisation de voyages ; information concernant les voyages ; mise à disposition d’infrastructures de parking pour véhicules ; transport de produits, passagers et voyageurs par air, par terre, par mer et par rail ; services de compagnies aériennes et d’expédition ; services d’enregistrement à l’aéroport ; organisation du transport de passagers, marchandises et voyages par voie terrestre et maritime ; services de compagnies aériennes ; enregistrement de bagages ;
services de manutention de fret et services de fret ; organisation, gestion et mise à disposition d’installations de croisières, excursions et vacances ; affrètement d’avions ; location d’avions, de véhicules personnels et de bateaux ; services de taxis ; services de bus ; services de chauffeurs ; services de transport par autocar ; services de trains ; services de liaison d’aéroport ; services de stationnement dans les aéroports ; services de stationnement d’aéronefs ; accompagnement de
voyageurs ; services d’agences de voyages ; services de conseils, consultation et information pour tous les services précités ; fourniture d’informations en matière de services de transport ; mise à disposition en ligne d’informations relatives aux voyages ; réservation de voyages via des banques de données informatiques ou via l’internet” ;
– classe 43 : “Services de restauration et de boissons, hébergement temporaire ; services de restaurants et de bars ; services de traiteurs ; services de logement de vacances ; services de réservation de restaurants et logements de vacances ; services hôteliers et/ou de restaurants ; services de réservation concernant l’exploitation d’un hôtel”.
4. La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 225/2013, du 26 novembre 2013.
5. Le 26 février 2014, la requérante, FTI Touristik [...], a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.
6. L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante :
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désignant les produits et services relevant des classes 16, 39, 41 et 43 et correspondant pour chacune de ces classes à la description suivante :
– classe 16 : “Produits de l’imprimerie, en particulier catalogues, prospectus, matériel d’information ; articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction et d’enseignement, compris dans la classe 16 ; globes, atlas ; papier, carton et produits en ces matières (compris dans la classe 16) ; papeterie ; matières plastiques pour l’emballage, y compris sacs en matières plastiques, compris dans la classe 16, housses en matières plastiques, en particulier pour documents de
voyage” ;
– classe 39 : “Transport, y compris médiation et location de moyens de transport ; planification, organisation, réservation et médiation en matière de voyage, également à l’aide d’équipements électroniques ; services touristiques ; conduite de visites de villes, accompagnement de voyageurs ; informations en matière de transport et de voyages, également à l’aide d’équipements électroniques” ;
– classe 41 : “Éducation ; formation ; animation et divertissement ; activités sportives et culturelles ; services en matière de loisirs ; publication et édition de produits de l’imprimerie et des supports électroniques afférents (y compris CD-ROM et disques compacts interactifs) ; location de films, vidéos enregistrées, cinématographiques, radiophoniques, appareils de télévision, appareils de sport ; organisation et conduite de conférences, congrès, symposiums, réunions et séminaires” ;
– classe 43 : “Réservation de logements ; services d’hébergement ; services de restauration et hébergement temporaire ; courtage d’hébergement temporaire et restauration dans des restaurants et hôtels, y compris courtage de logements et de maisons de vacances”.
7. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].
8. Le 3 février 2015, la division d’opposition a accueilli l’opposition et a rejeté la demande de marque pour l’ensemble des produits et des services en cause.
9. Le 26 février 2015, les intervenants ont formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.
10. Par [la décision litigieuse], la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition.
11. Elle a, tout d’abord, relevé, au point 19 de la décision [litigieuse], que les produits et services en cause étaient destinés tant au grand public qu’à un public spécialisé et qu’il convenait de s’attacher au public ayant le niveau d’attention le moins élevé, à savoir le grand public pourvu d’un niveau d’attention moyen. Elle a, ensuite, estimé, au point 20 de la décision [litigieuse], que le territoire pertinent pour l’appréciation du risque de confusion était l’ensemble de l’Union
européenne, avant de préciser que l’opposition devait être accueillie même s’il n’existait un risque de confusion que dans un État membre.
12. S’agissant de la comparaison des produits et des services, la [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO] a approuvé, au point 25 de la décision [litigieuse], la conclusion, non contestée devant elle, de la division d’opposition, telle que reproduite au point 24 de la décision [litigieuse] et selon laquelle les produits et services en cause étaient en partie identiques et en partie similaires. Elle a ainsi retenu l’identité des produits, relevant de la classe 16, visés par la marque demandée,
et des produits, relevant également de cette classe, couverts par la marque antérieure. De même, elle a conclu à l’identité entre les services relevant de la classe 39 visés par la marque demandée, et ceux relevant de la même classe, visés par la marque antérieure, à l’exception des services de “mise à disposition d’infrastructures de parking pour véhicules ; services de stationnement dans les aéroports ; services de stationnement d’aéronefs” qui ont été qualifiés d’analogues au service
“Transport” de la marque antérieure. Enfin, elle a considéré que l’ensemble des services relevant de la classe 43 de la marque demandée étaient identiques à ceux de la même classe de la marque antérieure, à l’exception des “services de réservation de restaurants et logements de vacances” qui auraient une similitude avec les “services d’hébergement temporaire et de restauration” de la marque antérieure.
13. La [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO] a également procédé à l’examen des signes en conflit et a considéré, au point 32 de la décision [litigieuse], que, sur le plan visuel, ils ne présentaient aucune similitude. Sur le plan phonétique, elle a considéré, en substance, aux points 33 et 34 de la décision [litigieuse], que pour le public qui ne connaissait pas le terme anglais “fly”, les signes en conflit ne partageaient pas de similitude. Pour les consommateurs qui connaissaient le mot
anglais “fly”, une similitude phonétique existait à condition d’associer la marque demandée au mot “fly”. Toutefois, cette occurrence apparaissait peu vraisemblable dans la mesure où, d’une part, une grande différence existait entre la lettre “y” et le cœur stylisé dans la marque demandée et, d’autre part, il n’était pas usuel de remplacer la lettre “y” par le symbole d’un cœur. Sur le plan conceptuel, elle a considéré, en substance, aux points 35 et 36 de la décision [litigieuse], que, pour le
public qui ne connaissait pas le terme anglais “fly”, les signes en conflit ne partageaient pas de similitude. Pour les consommateurs qui connaissaient et comprenaient le mot anglais “fly”, une similitude conceptuelle existait à condition d’identifier le mot “fly” dans la marque demandée. Toutefois, cette occurrence apparaissait marginale pour les mêmes raisons que celles exposées dans le cadre de l’appréciation de la similitude phonétique.
14. La [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO] a estimé, au point 40 de la décision [litigieuse], que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque moyen pour les consommateurs non anglophones et d’un caractère distinctif intrinsèque faible pour le public anglophone.
15. S’agissant de l’examen du risque de confusion entre les signes en conflit, la [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO] a conclu, au point 47 de la décision [litigieuse], à l’absence de risque de confusion. Elle a relevé à cet égard, au point 46 de la décision [litigieuse], que, en raison du caractère purement descriptif de l’élément commun, les différences phonétiques, conceptuelles et surtout visuelles entre les signes étaient suffisantes pour exclure avec certitude un risque de confusion,
y compris pour des produits et des services identiques. »
Le recours devant le Tribunal
5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 août 2016, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, à l’appui duquel elle a soulevé un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. La requérante a fait valoir, en substance, que l’analyse par la cinquième chambre de recours de l’EUIPO des similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit est erronée et que c’est à tort que
celle-ci a reconnu un caractère faiblement distinctif à la marque antérieure pour le public anglophone, de sorte qu’il n’existerait entre les signes en conflit aucun risque de confusion.
6 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en premier lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO était fondée à conclure à l’absence de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre la marque demandée et la marque antérieure. En deuxième lieu, pour ce qui concerne le caractère distinctif de la marque antérieure, le Tribunal a jugé que c’est à bon droit que cette chambre de recours a estimé que la marque antérieure jouit d’un
caractère distinctif moyen pour le public non anglophone et d’un caractère distinctif faible pour le public anglophone. En troisième lieu, quant au risque de confusion, le Tribunal a estimé que la requérante n’a pas établi que ladite chambre de recours a erronément conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure. Le Tribunal a, partant, rejeté le moyen unique soulevé, ainsi que le recours dans son ensemble.
Les conclusions des parties au pourvoi
7 FTI Touristik demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
8 L’EUIPO demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner FTI Touristik aux dépens.
9 MM. Prantner et Giersch demandent à la Cour de rejeter le pourvoi.
Sur le pourvoi
10 Dans son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui se subdivise en quatre branches. Dans le cadre de la première branche du moyen unique, elle reproche également au Tribunal une violation de son obligation de motivation.
Sur la première branche du moyen unique
11 Par la première branche du moyen unique, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur méthodologique dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, en ce qu’il a omis de tenir compte, dans son examen de la similitude des signes en cause, de la dénomination de la marque demandée en écriture standard, telle qu’elle figure dans le Bulletin des marques de l’Union européenne. Le Tribunal aurait, dans ce contexte, également méconnu son obligation de motivation,
en omettant d’examiner l’argument de la requérante fondé sur ladite dénomination.
12 L’EUIPO considère que la première branche du moyen unique est irrecevable, en ce qu’elle constitue une tentative de la requérante de soumettre à la Cour des questions de fait. Cette branche serait, en tout état de cause, non fondée.
13 S’agissant de la recevabilité de la première branche du moyen unique, il y a lieu de rappeler, d’une part, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Si l’évaluation de ces facteurs est une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour, l’omission de prendre en compte tous ces facteurs est en revanche constitutive d’une erreur de
droit et peut, en tant que telle, être soulevée devant la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 16 juin 2011, Union Investment Privatfonds/UniCredito Italiano, C‑317/10 P, EU:C:2011:405, point 45 et jurisprudence citée).
14 D’autre part, la question de la portée de l’obligation de motivation constitue une question de droit qui est soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 453).
15 Il s’ensuit que la première branche du moyen unique est recevable.
16 Pour ce qui concerne le bien-fondé de cette branche, il convient d’emblée d’écarter la prétendue méconnaissance par le Tribunal de son obligation de motivation.
17 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal conformément à l’article 36 et à l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut également être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître
les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
18 En l’occurrence, force est de constater qu’il ressort du point 43 de l’arrêt attaqué que, « [e]n ce qui concerne la [dénomination] de la marque demandée en écriture standard, publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne, à savoir “fly”, il y a lieu de relever que cette [dénomination] ne saurait régir l’appréciation de l’impression phonétique créée par des marques complexes dans le cadre d’une procédure d’opposition ».
19 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, en considérant que ladite dénomination ne saurait régir l’appréciation de l’impression phonétique en cause, le Tribunal a implicitement, mais nécessairement, considéré que cette même dénomination ne constitue pas un indice de la manière dont le public pertinent perçoit la marque en cause.
20 Une telle appréciation n’est, au demeurant, entachée d’aucune erreur de droit. En effet, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 21 de l’arrêt attaqué, il ressort d’une jurisprudence constante que le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des
produits ou des services désignés.
21 Or, ainsi que le Tribunal l’a jugé, en substance, au point 43 de l’arrêt attaqué, rappelé au point 18 du présent arrêt, la dénomination en écriture standard d’une marque figurative dans le Bulletin des marques de l’Union européenne, qu’elle corresponde à l’intention du demandeur de la marque en cause ou à la mention faite par l’EUIPO dans ce Bulletin, est dépourvue de pertinence aux fins d’apprécier la perception phonétique qu’a le public pertinent des signes en cause, lesquels ne se confondent
pas avec leur dénomination en écriture standard dans ledit Bulletin.
22 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique.
Sur la deuxième branche du moyen unique
23 Par la deuxième branche du moyen unique, la requérante fait valoir que, à l’instar de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, le Tribunal a commis une erreur méthodologique dans son appréciation de l’existence d’un risque de confusion. À cet égard, s’il est envisageable que des similitudes phonétiques soient neutralisées par des différences visuelles de sorte que, malgré une similitude phonétique, il n’existe aucun risque de confusion, une telle neutralisation devrait être examinée au regard
de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion. En effet, dans l’hypothèse où un tel examen serait déjà effectué au stade de la comparaison des signes, une similitude des marques serait exclue per se, sans que d’autres incidences sur le risque de confusion puissent être prises en compte, telles que le caractère distinctif de la marque en cause ou l’identité ou la similitude des produits et des services concernés.
24 L’EUIPO soutient que la deuxième branche du moyen unique est irrecevable, dès lors qu’elle vise non pas l’arrêt attaqué, mais la décision litigieuse. Cette branche serait, en tout état de cause, difficilement compréhensible et non fondée.
25 S’agissant de la recevabilité de la deuxième branche du moyen unique, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, la requérante ne se limite pas à contester, dans son pourvoi, la légalité de la décision litigieuse, mais soutient que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu, sans fournir de justification adéquate, à l’absence de similitude des signes en conflit, commettant ainsi une erreur de méthode dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion.
La deuxième branche du moyen unique est, partant, recevable.
26 Pour ce qui concerne le bien-fondé de cette branche, il y a lieu de constater que celle-ci se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
27 À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que « l’argumentation de la requérante relative au risque de confusion se fonde sur l’idée erronée selon laquelle la [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO] aurait dû conclure que les signes en conflit étaient très similaires dans la mesure où, pour la majorité des consommateurs, ils partageraient l’élément verbal commun “fly” », en renvoyant, à cet égard, aux points 26 à 57 de cet
arrêt. Il en a déduit, au point 65 dudit arrêt, que la requérante n’avait pas établi que cette chambre de recours avait erronément conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Le Tribunal s’est ainsi, au point 64 de l’arrêt attaqué, limité à constater, en substance, que ladite chambre de recours était fondée à conclure à l’absence de risque de confusion en l’espèce.
28 D’autre part, il ne ressort pas davantage de ces points 26 à 57 et, en particulier, des points 30 à 36 de l’arrêt attaqué, relatifs à la similitude visuelle des signes en conflit, des points 41 à 44 de cet arrêt, relatifs à la similitude phonétique de ces signes, et des points 49 à 51 dudit arrêt, relatifs à la similitude conceptuelle desdits signes, que le Tribunal se serait fondé sur une « neutralisation » de la similitude phonétique des signes en cause par la différence visuelle de ceux-ci
dans le cadre de son appréciation de la similitude des signes en cause.
29 Il y a dès lors lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.
Sur la troisième branche du moyen unique
30 Par la troisième branche du moyen unique, la requérante conteste l’appréciation figurant au point 42 de l’arrêt attaqué, par laquelle le Tribunal a considéré que, dès lors que la marque antérieure comporte l’élément « .de », il n’existe pas de similitude phonétique entre les signes en cause, la marque antérieure étant, du fait de cet élément, toujours prononcée en plusieurs syllabes. En effet, ce faisant, le Tribunal aurait accordé à cet élément un caractère dominant dans l’impression d’ensemble
produite par la marque antérieure, alors qu’une extension de nom de domaine n’aurait qu’une signification fonctionnelle et ne pourrait donc, par principe, se voir reconnaître un tel caractère.
31 L’EUIPO fait valoir que la troisième branche du moyen unique est non fondée.
32 Il y a lieu de relever que, au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé que, « [e]n ce qui concerne la probabilité que le public pertinent décèle la lettre “y” dans l’élément figuratif de la marque demandée, elle n’apparaît pas vraisemblable. Ainsi qu’il ressort du point 34 ci-dessus, d’une part, il existe une grande différence entre la lettre “y” et le symbole du cœur dans la marque demandée et, d’autre part, il n’est pas usuel de remplacer la lettre “y” par un tel symbole. De plus, à
supposer, comme le soutient la requérante, que le consommateur identifie la lettre “y” dans le symbole du cœur stylisé, la coïncidence phonétique entre les éléments verbaux “fly” dans chacun des signes en conflit serait atténuée par la présence de l’élément verbal “.de” dans la marque antérieure. Or, la requérante ne soumet aucun argument de nature à remettre en cause l’appréciation portée par la [cinquième] chambre de recours [de l’EUIPO], au point 33 de la décision [litigieuse], sur la
prononciation de cet élément verbal et au terme de laquelle la marque antérieure sera toujours prononcée en plusieurs syllabes, leur nombre exact variant en fonction des règles linguistiques de chaque langue nationale ».
33 Ainsi qu’il ressort du point 42 de l’arrêt attaqué, l’appréciation du Tribunal est fondée sur la constatation selon laquelle, d’une part, il existe une grande différence entre la lettre « y » et le symbole du cœur dans la marque demandée et, d’autre part, il n’est pas usuel de remplacer la lettre « y » par un tel symbole, la probabilité que le public pertinent décèle la lettre « y » dans l’élément figuratif de la marque demandée n’étant ainsi pas vraisemblable. Une telle appréciation, en
l’absence d’allégation, en l’occurrence, par la requérante d’une dénaturation des faits, ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49 et jurisprudence citée).
34 Ce n’est, à cet égard, qu’à titre surabondant, dans l’hypothèse où le consommateur identifierait la lettre « y » dans le symbole du cœur stylisé, que le Tribunal a considéré que la coïncidence phonétique entre les éléments verbaux « fly » dans chacun des signes en conflit serait atténuée par la présence de l’élément verbal « .de » dans la marque antérieure.
35 Or, des griefs portant sur des motifs surabondants de l’arrêt attaqué ne sauraient en tout état de cause entraîner l’annulation de cet arrêt (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 63 et jurisprudence citée).
36 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique est inopérante.
Sur la quatrième branche du moyen unique
37 Par la quatrième branche du moyen unique, la requérante fait valoir que le symbole du cœur, dans la marque demandée, est très certainement envisagé par les parties intervenantes en première instance comme la lettre « y », car dans l’ensemble des autres marques de l’Union européenne détenues par celles-ci, le symbole de cœur remplacerait la lettre « y », comme en l’occurrence. De même, le site Internet exploité par le titulaire de la marque demandée ferait apparaître que, avec le symbole du cœur,
celui-ci cherche à obtenir un substitut à la lettre « y ».
38 L’EUIPO conteste la recevabilité de la quatrième branche du moyen unique, laquelle constituerait un pur exposé de fait. Cette branche serait en tout état de cause non fondée.
39 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est donc seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme
telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49 et jurisprudence citée).
40 En l’occurrence, force est de constater que, par la quatrième branche du moyen unique, la requérante se limite à remettre en cause l’analyse de nature factuelle effectuée par le Tribunal au point 42 de l’arrêt attaqué.
41 La quatrième branche du moyen unique est, partant, irrecevable.
42 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
43 En vertu de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
44 L’EUIPO ayant conclu à condamnation de la requérante aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO. MM. Prantner et Giersch n’ayant formulé aucune conclusion relative aux dépens, ils supportent leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) FTI Touristik GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposé par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
3) MM. Harald Prantner et Daniel Giersch supportent leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.