CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GERALD HOGAN
présentées le 13 juin 2019 ( 1 )
Affaire C-363/18
Organisation juive européenne,
Vignoble Psagot Ltd
contre
Ministre de l’Économie et des Finances
[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Étiquetage et présentation des denrées alimentaires – Règlement (UE) no 1169/2011 – Indication obligatoire de l’origine des produits – Omission susceptible d’induire en erreur les consommateurs – Produits en provenance des territoires occupés par Israël depuis 1967 »
I. Introduction
1. La présente demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du
Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission ( 2 ).
2. Cette demande a été présentée dans le contexte d’une procédure opposant une association dénommée « Organisation juive européenne » ainsi que la société vignoble Psagot Ltd (ci-après « Psagot »), d’une part, et le ministre de l’Économie et des Finances français, d’autre part, concernant un avis par lequel ce dernier exige la mention, sur les denrées alimentaires provenant des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, et, le cas échéant, des colonies à l’intérieur de ces territoires, du
territoire en question ainsi que la mention supplémentaire « colonie israélienne ».
3. Cette demande donne à la Cour la possibilité de préciser l’étendue de l’obligation d’indiquer le pays d’origine ou le lieu de provenance des denrées alimentaires lorsque l’absence de telles informations induirait le consommateur en erreur.
II. Bref contexte historique
4. À la suite d’une courte campagne militaire en juin 1967, Israël a occupé certains territoires qui étaient auparavant sous le contrôle de trois autres États, à savoir l’Égypte, la Syrie et la Jordanie. Dans le cas de l’Égypte, le territoire en question était la péninsule du Sinaï et la bande de Gaza (l’Égypte a administré la bande de Gaza de 1948 à 1967 bien qu’elle ne fît pas partie de l’Égypte en tant que telle). Le plateau du Golan faisait partie de la Syrie et la Jordanie avait administré la
Cisjordanie et Jérusalem-Est entre 1948 et 1967.
5. Pour sa part, le Sinaï a été restitué à l’Égypte dans le cadre du traité de paix israélo-égyptien de 1979. Israël a évacué la bande de Gaza en 2005, bien qu’il en contrôle l’accès par voies terrestre, aérienne et maritime. La bande de Gaza est actuellement sous le contrôle de facto de l’organisation dénommée Hamas.
6. À l’exception d’une petite partie du territoire rendue à la Syrie en 1974 et d’une toute petite zone démilitarisée, le plateau du Golan reste sous occupation israélienne. Le plateau du Golan a effectivement été annexé par Israël en décembre 1981.
7. Jérusalem-Est reste également sous occupation israélienne. La situation de la Cisjordanie est plus complexe. Une partie de celle‑ci est administrée par l’Autorité nationale palestinienne, mais de larges portions de ce territoire sont néanmoins revendiquées par Israël. Israël a également construit de vastes colonies de peuplement pour ses citoyens à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et sur le plateau du Golan. Il avait auparavant construit de telles colonies dans le Sinaï, mais celles-ci ont été
démantelées lorsque ce territoire est repassé sous le contrôle de l’Égypte. Il existait également quelques colonies de peuplement dans la bande de Gaza, mais elles ont également été démantelées quand Israël a évacué ce territoire en 2005.
8. Ce résumé très général constitue le contexte historique de la présente demande de décision préjudicielle. Cette demande concerne la conformité au droit de l’Union de certaines exigences en matière d’étiquetage des produits originaires de ces territoires occupés que je vais maintenant détailler. Afin de répondre à cette demande, la Cour devra, du moins dans une certaine mesure, déterminer la légalité de l’occupation actuelle par Israël de ce que je propose d’appeler par commodité « les territoires
occupés ». Il est toutefois important d’indiquer d’emblée que la Cour considérera nécessairement que la question soulevée est une question purement juridique, s’appuyant sur le droit international et s’inspirant à cet égard des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’assemblée générale des Nations unies, d’un avis important de la Cour internationale de justice rendu en 2004 et d’autres sources du droit international. Il convient toutefois de souligner que rien
dans les présentes conclusions ni dans l’arrêt de la Cour ne devrait être interprété comme exprimant un avis politique ou moral sur l’une quelconque des questions soulevées par ce renvoi préjudiciel.
III. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. Règlement no 1169/2011
9. Selon les considérants 3, 29 et 33 du règlement no 1169/2011 :
« (3) Afin d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information, il convient que ceux-ci disposent d’informations appropriées sur les denrées alimentaires qu’ils consomment. Les choix des consommateurs peuvent être influencés, entre autres, par des considérations d’ordre sanitaire, économique, environnemental, social ou éthique.
[...]
(29) Il convient d’indiquer le pays d’origine ou le lieu de provenance d’une denrée alimentaire lorsque, en l’absence d’une telle information, le consommateur pourrait être induit en erreur quant au pays d’origine ou au lieu de provenance réel du produit. En tout état de cause, l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance ne devrait pas tromper le consommateur et devrait se fonder sur des critères clairement définis garantissant l’application de règles identiques dans toute l’industrie
et permettre au consommateur de mieux comprendre l’information concernant le pays d’origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire. Lesdits critères ne devraient pas s’appliquer aux indications liées au nom ou à l’adresse de l’exploitant du secteur alimentaire.
[...]
(33) Les règles de l’Union sur l’origine non préférentielle des marchandises sont définies dans le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire [JO 1992, L 302, p. 1, ci‑après le “code des douanes communautaire”] et dans ses dispositions d’application, à savoir le règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes
communautaire [JO 1993, L 253, p. 1]. La détermination du pays d’origine des denrées alimentaires se fondera sur ces règles bien connues des exploitants du secteur alimentaire et des administrations, ce qui devrait faciliter leur application. »
10. L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :
« Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur. »
11. L’article 2 du règlement no 1169/2011 est intitulé « Définitions ». Selon l’article 2, paragraphe 2, sous g), on entend par « lieu de provenance », « le lieu indiqué comme étant celui dont provient la denrée alimentaire, mais qui n’est pas le “pays d’origine” tel que défini conformément aux articles 23 à 26 du [code des douanes communautaire] ; le nom, la dénomination commerciale ou l’adresse de l’exploitant du secteur alimentaire figurant sur l’étiquette ne vaut pas, au sens du présent
règlement, indication du pays d’origine ou du lieu de provenance de la denrée alimentaire ». L’article 2, paragraphe 3, souligne également que, « [a]ux fins du présent règlement, le pays d’origine d’une denrée alimentaire se réfère à l’origine de la denrée, telle que définie conformément aux articles 23 à 26 du [code des douanes communautaire] ».
12. L’article 3 du règlement no 1169/2011, intitulé « Objectifs généraux » dispose à son paragraphe 1 :
« L’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques. »
13. L’article 7 du règlement no 1169/2011 est intitulé « Pratiques loyales en matière d’information ». Son paragraphe 1 dispose :
« Les informations sur les denrées alimentaires n’induisent pas en erreur, notamment :
a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d’origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d’obtention de cette denrée ;
[...] »
14. L’article 9, paragraphe 1, sous i), du règlement no 1169/2011 dispose que l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire lorsque l’article 26 de ce règlement le prévoit. Selon l’article 26, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire « dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en
particulier si les informations jointes à la denrée ou l’étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d’origine ou un lieu de provenance différent ».
15. L’article 38 du règlement no 1169/2011, intitulé « Mesures nationales », dispose :
« 1. Pour ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l’Union l’autorise. Ces mesures nationales ne peuvent entraver la libre circulation des marchandises, notamment donner lieu à une discrimination à l’encontre de denrées alimentaires provenant d’autres États membres.
2. Sans préjudice de l’article 39, les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par le présent règlement, pour autant que ces mesures n’aient pas pour effet d’interdire, d’entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes au présent règlement. »
16. L’article 39 du règlement no 1169/2011, intitulé « Mesures nationales sur les mentions obligatoires complémentaires », dispose :
« 1. Outre les mentions obligatoires visées à l’article 9, paragraphe 1, et à l’article 10, les États membres peuvent, conformément à la procédure établie à l’article 45, adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires, pour des types ou catégories spécifiques de denrées alimentaires, justifiées par au moins une des raisons suivantes :
a) protection de la santé publique ;
b) protection des consommateurs ;
c) répression des tromperies ;
d) protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d’origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale.
2. En application du paragraphe 1, les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance. Lorsqu’ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information. »
2. Le code des douanes
17. À la date d’adoption du règlement no 1169/2011, l’article 23, paragraphe 1, du code des douanes communautaire disposait que « [étaient] originaires d’un pays les marchandises entièrement obtenues dans ce pays ». L’article 24 de ce code disposait qu’« [u]ne marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet
effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important ».
18. Le code des douanes communautaire a été abrogé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union ( 3 ) (ci-après le « code des douanes de l’Union »). Conformément à l’article 286, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, les références au code des douanes communautaire s’entendent comme faites aux dispositions correspondantes du code des douanes de l’Union.
19. L’article 60 du code des douanes de l’Union – entré en vigueur le 1er mai 2016 ( 4 ) – correspond en substance aux dispositions contenues auparavant à l’article 23, paragraphe 1, et à l’article 24 du code des douanes communautaire. Selon le premier paragraphe de cette nouvelle disposition, « [l]es marchandises entièrement obtenues dans un même pays ou territoire sont considérées comme originaires de ce pays ou territoire ». Le deuxième paragraphe dispose que « [l]es marchandises dans la
production de laquelle interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important ».
3. La communication interprétative de la Commission européenne relative à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967
20. Le 12 novembre 2015, la Commission européenne a publié au Journal officiel de l’Union européenne, une communication intitulée « Communication interprétative relative à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967» ( 5 ) (ci-après la « communication interprétative »).
21. La Commission justifie son approche par le fait que « les consommateurs, les opérateurs économiques et les autorités nationales sont demandeurs d’éclaircissements quant à la législation de l’Union régissant l’information sur l’origine des produits issus [des territoires occupés par Israël]» ( 6 ). L’objectif est « en outre de garantir le respect des positions et des engagements adoptés par l’Union en conformité avec le droit international relativement à la non‑reconnaissance, par l’Union, de la
souveraineté d’Israël sur les territoires qu’il occupe depuis le mois de juin 1967» ( 7 ).
22. C’est la raison pour laquelle, la Commission estime, à la fin de la communication :
« 7) Puisqu’en vertu du droit international, le plateau du Golan et la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) ne font pas partie du territoire israélien, l’indication “produit en Israël” est considérée comme fausse et susceptible d’induire en erreur au sens de la législation dont les références sont visées dans la présente communication.
8) Dans les cas où l’indication de l’origine est obligatoire, il y a lieu d’employer une autre expression tenant compte de la désignation usuelle de ces territoires.
9) En ce qui concerne les produits issus de Palestine qui ne sont pas originaires de colonies de peuplement, une indication qui n’induit pas en erreur quant à l’origine géographique mais correspond aux usages internationaux pourrait être la suivante : “produit originaire de Cisjordanie (produit palestinien)”, “produit originaire de Gaza” ou “produit originaire de Palestine”.
10) En ce qui concerne les produits issus de Cisjordanie ou du plateau du Golan qui sont originaires de colonies de peuplement, une mention limitée à “produit originaire du plateau du Golan” ou “produit originaire de Cisjordanie” ne serait pas acceptable. Bien que ces expressions désignent effectivement la zone ou le territoire au sens large dont le produit est originaire, l’omission de l’information géographique complémentaire selon laquelle le produit est issu de colonies israéliennes
induirait le consommateur en erreur quant à sa véritable origine. Dans de tels cas, il est nécessaire d’ajouter, entre parenthèses, par exemple, l’expression “colonie israélienne” ou des termes équivalents. Ainsi, des expressions telles que “produit originaire du plateau du Golan (colonie israélienne)” ou “produit originaire de Cisjordanie (colonie israélienne)” pourraient être utilisées. »
B. Le droit français
23. Le 24 novembre 2016, le ministre de l’Économie et des Finances français, a, en référence au règlement no 1169/2011, publié au Journal officiel de la République française un avis aux opérateurs économiques relatifs à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis 1967 ( 8 ) (ci-après l’« avis litigieux »).
24. L’avis litigieux se lit comme suit :
« Le règlement [no 1169/2011] prévoit que les mentions d’étiquetage doivent être loyales. Elles ne doivent pas risquer d’induire le consommateur en erreur, notamment sur l’origine des produits. Aussi, les denrées alimentaires en provenance des territoires occupés par Israël doivent-elles porter un étiquetage reflétant cette origine.
En conséquence, la [direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)] attire l’attention des opérateurs sur la [communication interprétative].
Celle-ci précise notamment qu’en vertu du droit international le plateau du Golan et la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, ne font pas partie d’Israël. En conséquence, l’étiquetage des produits alimentaires, afin de ne pas induire en erreur le consommateur, doit indiquer de manière précise l’exacte origine des produits, que leur indication soit obligatoire en vertu de la réglementation communautaire ou qu’elle soit volontairement apposée par l’opérateur.
En ce qui concerne les produits issus de Cisjordanie ou du plateau du Golan qui sont originaires de colonies de peuplement, une mention limitée à “produit originaire du plateau du Golan” ou “produit originaire de Cisjordanie” n’est pas acceptable. Bien que ces expressions désignent effectivement la zone ou le territoire au sens large dont le produit est originaire, l’omission de l’information géographique complémentaire selon laquelle le produit est issu de colonies israéliennes est susceptible
d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. Dans de tels cas, il est nécessaire d’ajouter, entre parenthèses, l’expression “colonie israélienne” ou des termes équivalents. Ainsi, des expressions telles que “produit originaire du plateau du Golan (colonie israélienne)” ou “produit originaire de Cisjordanie (colonie israélienne)” peuvent être utilisées. »
IV. Les faits au principal
25. Par l’avis litigieux, le ministre de l’Économie et des Finances français a, en référence au règlement no 1169/2011, précisé les termes pouvant ou ne pouvant pas être utilisés pour les produits en provenance des territoires occupés par Israël depuis juin 1967.
26. Dans deux recours, l’Organisation juive européenne et Psagot (une société spécialisée dans l’exploitation de vignobles situés notamment dans les territoires occupés par Israël) ont demandé l’annulation de l’avis litigieux pour excès de pouvoir.
27. Selon la juridiction de renvoi, l’appréciation de la conformité de l’avis litigieux au règlement no 1169/2011 dépend du point de savoir si le droit de l’Union exige, pour les produits originaires d’un territoire occupé par Israël depuis 1967, l’indication de ce territoire et l’indication que le produit provient d’une colonie israélienne le cas échéant, ou, dans le cas contraire, si les dispositions du règlement no 1169/2011 permettent à un État membre d’exiger que ces produits portent un tel
étiquetage.
V. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
28. Dans ce contexte, par décision du 30 mai 2018, parvenue à la Cour le 4 juin 2018, le Conseil d’État (France) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« Le droit de [l’Union] et en particulier le règlement [no 1169/2011], lorsque la mention de l’origine d’un produit entrant dans le champ de ce règlement est obligatoire, impose-t-il pour un produit provenant d’un territoire occupé par Israël depuis 1967, la mention de ce territoire ainsi qu’une mention précisant que le produit provient d’une colonie israélienne lorsque tel est le cas ? À défaut, les dispositions [de ce règlement], notamment celles de son chapitre VI, permettent‑elles à un État
membre d’exiger de telles mentions ? »
29. Des observations écrites ont été présentées par l’Organisation juive européenne, Psagot, les gouvernements français, irlandais, néerlandais et suédois, ainsi que par la Commission. Hormis le gouvernement néerlandais, toutes ces parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 9 avril 2019.
VI. Analyse
A. Sur la première question
30. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, et notamment le règlement no 1169/2011, exige, à des fins d’étiquetage, l’indication de l’origine d’un produit provenant d’un territoire occupé par Israël depuis 1967 et, si la réponse est affirmative, quelle est l’étendue de cette obligation d’étiquetage.
1. La signification de « pays d’origine » et de « lieu de provenance »
31. Conformément aux articles 9 et 26 du règlement no 1169/2011, l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire « dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire ». Il importe donc de déterminer, en premier lieu, le sens des termes « pays d’origine » et « lieu de provenance ».
32. Le « lieu de provenance » est défini à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 1169/2011, par opposition au « pays d’origine », qui est lui‑même défini par référence aux articles 23 à 26 du code des douanes communautaire.
33. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser à propos de l’article 24 du code des douanes communautaire, ces dispositions fournissent une définition commune de la notion d’origine des marchandises, mais ne concernent pas le contenu des informations au consommateur ( 9 ). Le « pays d’origine », au sens du règlement no 1169/2011, ne vise donc que les produits originaires d’un pays, y compris sa mer territoriale.
34. De plus, l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 1169/2011 dispose également que « le nom, la dénomination commerciale ou l’adresse de l’exploitant du secteur alimentaire figurant sur l’étiquette ne vaut pas, au sens du présent règlement, indication du pays d’origine ou du lieu de provenance de la denrée alimentaire ». Compte tenu de cette formulation, il est évident que la référence à un « lieu de provenance » désigne nécessairement un lieu qui n’est ni un pays ni l’adresse de
l’exploitant du secteur alimentaire sur l’étiquette.
35. Le mot « lieu » est un mot courant qui renvoie, dans son acception ordinaire, à une situation spatiale permettant de localiser une personne ou une chose ( 10 ). Il s’ensuit que les termes « pays d’origine » au sens du règlement no 1169/2011 désignent un pays, y compris sa mer territoriale ( 11 ), tandis que les termes « lieu de provenance » désignent un lieu géographique plus petit qu’un pays et plus grand que l’emplacement précis d’un bâtiment ( 12 ).
36. En outre, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il convient toutefois, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 13 ).
37. En premier lieu, l’objectif du règlement no 1169/2011 est clairement énoncé à son article 1er : le législateur de l’Union vise à assurer « un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information» ( 14 ). Il est évident que l’accent est mis ici sur le besoin d’information du consommateur.
38. On ne peut nier que la protection de la santé est également assurée par le règlement no 1169/2011. En effet, son considérant 3 indique que, « [a]fin d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information, il convient que ceux-ci disposent d’informations appropriées sur les denrées alimentaires qu’ils consomment. Les choix des consommateurs peuvent être influencés, entre autres, par des considérations d’ordre sanitaire, économique,
environnemental, social ou éthique ». Cependant, outre le fait que ce considérant place la protection de la santé des consommateurs et leur droit à l’information sur un pied d’égalité, le même considérant confirme que le champ d’application du règlement no 1169/2011 dépasse largement les préoccupations en matière de santé. En effet, le considérant 3 souligne le fait que les choix des consommateurs peuvent être influencés, entre autres, par des considérations sanitaires, mais aussi par des
considérations économiques, environnementales, sociales et éthiques.
39. Il est tout à fait évident que, dans un environnement moderne, certains achats ne sont plus basés uniquement sur des considérations telles que le prix ou l’identité d’une marque particulière. Pour de nombreux consommateurs, ces achats peuvent également être influencés par des critères tels que des considérations environnementales, sociales, politiques, culturelles ou éthiques ( 15 ).
40. Pour revenir au libellé de l’article 26 du règlement no 1169/2011 et à l’obligation spécifique relative au « pays d’origine » ou au « lieu de provenance », il faut également admettre que cette disposition ne fait aucune référence à la question de la santé. Au contraire, l’article 26 du règlement no 1169/2011 est neutre en ce qui concerne la cause du risque de tromperie quant au véritable pays d’origine ou au lieu de provenance de la denrée alimentaire.
41. En second lieu, le contexte de l’article 9 du règlement no 1169/2011 est également pertinent pour déterminer la portée des termes « lieu de provenance ». En effet, cette disposition – qui énumère les informations obligatoires – est le premier article du chapitre IV du règlement no 1169/2011, intitulé « Informations obligatoires sur les denrées alimentaires ». Avant le chapitre IV, le chapitre II énonce certains « Principes généraux de l’information sur les denrées alimentaires », tandis que le
chapitre III est consacré aux « Exigences générales relatives à l’information sur les denrées alimentaires et responsabilités des exploitants du secteur alimentaire ».
42. À cet égard, je relève que, comme je l’ai déjà indiqué, le premier article du chapitre II du règlement no 1169/2011 – à savoir l’article 3, paragraphe 1 – insiste sur la nécessité pour les consommateurs finals de décider en toute connaissance de cause et d’utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité « dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques» ( 16 ). En outre, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011 ajoute que,
« [a]u moment d’envisager d’imposer des informations obligatoires sur les denrées alimentaires et afin de permettre aux consommateurs de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause, il convient de prendre en considération le fait que la majorité des consommateurs jugent largement nécessaires certaines informations auxquelles ils attachent une valeur importante» ( 17 ). Enfin, au chapitre IV du règlement no 1169/2011, l’article 7, paragraphe 2, dispose que « [l]es informations sur les
denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs» ( 18 ).
43. S’il est peut-être vrai de dire que, prise isolément, une interprétation littérale de l’expression « lieu de provenance » pourrait suggérer une référence limitée à une zone géographique uniquement, ces termes ne peuvent toutefois pas être lus simplement abstraction faite du reste du texte du règlement et de son objectif. Il est nécessaire ici d’attirer l’attention sur la neutralité du libellé de l’article 26 du règlement no 1169/2011, l’accent mis par le législateur sur la nécessité de fournir
aux consommateurs un niveau élevé d’informations, le large éventail de considérations susceptibles d’être pertinentes pour ces consommateurs et l’obligation de fournir des informations précises, claires et facilement compréhensibles. L’ensemble de ces considérations suggère une interprétation des termes « lieu de provenance » qui ne se limite pas nécessairement à une référence purement géographique.
44. En d’autres termes, alors que le terme « pays d’origine » désigne clairement les noms des pays et leurs mers territoriales, l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 1169/2011 permet de déterminer le « lieu de provenance » d’une denrée alimentaire au moyen de mots qui ne se limitent pas nécessairement au nom de la zone géographique concernée, en particulier, lorsque le seul indicateur géographique utilisé est susceptible d’induire en erreur.
2. L’obligation d’indiquer l’origine d’une denrée alimentaire en provenance d’un territoire occupé par Israël depuis 1967
45. À la lumière de ces définitions des termes « pays d’origine » et « lieu de provenance », la question se limite plutôt à la question suivante : l’omission de l’indication de l’origine ou du lieu de provenance, au sens du règlement no 1169/2011, d’une denrée alimentaire provenant d’un territoire occupé par Israël induit-elle le consommateur en erreur ?
46. La réponse à cette question doit être recherchée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011. En effet, c’est cette disposition qui fournit les critères susceptibles d’influencer le choix du consommateur : l’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en
toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques. De plus, il découle de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 qu’il y a lieu de respecter les différences de perception des consommateurs et leur besoin d’information.
47. En outre, il convient de noter que si la capacité à être induit en erreur par une description sur une étiquette doit être appréciée par rapport au « consommateur moyen », cela ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse simplement de n’importe quel consommateur. Il s’agit au contraire du consommateur moyen « normalement informé, et raisonnablement attentif et [avisé] quant à l’origine, la provenance et la qualité liée à la denrée alimentaire» ( 19 ).
48. Chacun de ces termes est important. En effet, si le consommateur moyen est celui qui est seulement « normalement informé », il est également « raisonnablement attentif et avisé ». Contrairement au premier élément de la définition du consommateur moyen, qui semble permettre une certaine passivité, le deuxième élément implique une approche positive du consommateur concerné et le troisième un plus grand intérêt pour l’information et, par conséquent, une connaissance plus détaillée. En d’autres
termes, si le consommateur moyen est normalement informé, c’est en raison de son propre comportement ( 20 ).
49. Dans ces conditions, on ne saurait exclure que la situation d’un territoire occupé par une puissance occupante – a fortiori lorsque l’occupation territoriale est accompagnée de colonies de peuplement – constitue un facteur susceptible d’avoir une incidence importante sur le choix d’un consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, dans un contexte où, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011, il convient de
respecter les différences de perception des consommateurs et leurs besoins en matière d’information, y compris pour des raisons éthiques.
50. À cet égard, contrairement à l’argument avancé par l’Organisation juive européenne lors de l’audience du 9 avril 2019, je ne pense pas que la référence aux « considérations éthiques » dans le règlement no 1169/2011 se réfère simplement à des considérations éthiques dans le seul contexte de la consommation alimentaire. Il est vrai que des consommateurs pourraient tout à fait s’opposer à la consommation de certains aliments en raison de leurs propres convictions religieuses ou éthiques (comme le
végétarisme, par exemple). On pourrait également envisager des circonstances dans lesquelles les consommateurs pourraient s’opposer à la consommation de certains aliments en raison de la manière dont les animaux en question ont été traités, soit de manière générale, soit avant d’être abattus. Cependant, les informations sur le pays d’origine ne seraient que rarement utiles, par exemple, à un consommateur qui s’opposerait à la présence de produits à base de viande dans la nourriture qu’il
souhaite consommer.
51. Selon moi, la référence aux « considérations éthiques » dans le contexte de l’étiquetage du pays d’origine est clairement une référence à ces considérations éthiques plus larges qui peuvent éclairer la réflexion de certains consommateurs avant l’achat. De même que de nombreux consommateurs européens étaient opposés à l’achat de produits sud-africains à l’époque de l’apartheid avant 1994, les consommateurs d’aujourd’hui peuvent, pour des motifs similaires, s’opposer à l’achat de produits en
provenance d’un pays donné, par exemple parce que ce n’est pas une démocratie ou parce qu’il applique des mesures politiques ou sociales particulières que ce consommateur estime répréhensibles, voire révoltantes. Dans le contexte de la politique israélienne à l’égard des territoires occupés et des colonies de peuplement, il est possible que certains consommateurs s’opposent à l’achat de produits provenant de ces territoires, précisément parce que l’occupation et les colonies de peuplement
constituent clairement une violation du droit international. La Cour n’a bien entendu pas pour tâche d’approuver ou de désapprouver un tel choix du consommateur : il suffit plutôt d’indiquer qu’une violation du droit international constitue le type de considération éthique que le législateur de l’Union a reconnue comme légitime dans le contexte de l’exigence d’informations sur le pays d’origine.
52. En effet, l’adhésion à des exigences du droit international est considérée par beaucoup – et pas seulement par un groupe restreint d’experts spécialisés dans le domaine du droit international et de la diplomatie – comme jouant un rôle vital dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et un présage de justice dans un monde autrement injuste. C’est peut-être particulièrement vrai dans le contexte des citoyens de l’Union qui ont été témoins, durant toute leur vie pour certains, de
l’effet destructeur de la force brute à une époque où certains pays avaient fini par croire que le droit international n’était qu’une simple promesse vide de sens aux opprimés et aux êtres vulnérables du monde et qu’il pouvait être ignoré en toute impunité.
53. En conséquence, du point de vue du droit international, l’occupation israélienne de ces territoires est illégale. La politique de colonisation à l’égard de ces territoires constitue également une violation manifeste du droit international, l’article 49 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ( 21 ) (ci-après la « quatrième convention de Genève ») disposant que la puissance occupante (en l’occurrence Israël) ne doit pas « procéder à la
déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
54. Dans son avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour internationale de justice a conclu que cette disposition « prohibe non seulement les déportations ou transferts forcés de population tels que ceux intervenus au cours de la seconde guerre mondiale, mais encore toutes les mesures que peut prendre une puissance occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans le
territoire occupé. À cet égard, les informations fournies à la Cour montrent qu’à partir de 1977, Israël a mené une politique et développé des pratiques consistant à établir des colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé, contrairement aux prescriptions ainsi rappelées du sixième alinéa de l’article 49. Le Conseil de sécurité a donc considéré que cette politique et ces pratiques “n’ont aucune validité en droit”. Il a en outre demandé “à Israël en tant que puissance occupante de
respecter scrupuleusement” la quatrième convention de Genève, et “de rapporter les mesures qui ont déjà été prises et de s’abstenir de toute mesure qui modifierait le statut juridique et le caractère géographique des territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, et influerait sensiblement sur leur composition démographique, et en particulier de ne pas transférer des éléments de sa propre population civile dans les territoires arabes occupés” [résolution 446 (1979) du 22 mars
1979]. Le Conseil a réaffirmé cette position dans les résolutions 452 (1979) du 20 juillet 1979 et 465 (1980) du 1er mars 1980. Il a même, dans ce dernier cas, qualifié “la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans [l]es territoires [occupés]” de “violation flagrante” de la quatrième convention de Genève. La Cour conclut que les colonies de peuplement installées par Israël dans les territoires palestiniens occupés (y
compris Jérusalem-Est) l’ont été en méconnaissance du droit international» ( 22 ).
55. Ce passage parle vraiment de lui‑même. Il démontre indéniablement que la politique de colonisation israélienne est considérée comme une violation manifeste du droit international, en particulier sur la base du droit des peuples à l’autodétermination ( 23 ), qui est un droit opposable erga omnes selon la Cour internationale de justice ( 24 ) et la Cour ( 25 ). Les Nations unies ont régulièrement adopté une position similaire ( 26 ).
56. Dans ces circonstances, il n’est guère surprenant que des consommateurs normalement informés, raisonnablement attentifs et avisés puissent considérer cela comme une considération éthique influençant leurs préférences de consommation et à l’égard de laquelle ils pourraient avoir besoin d’informations complémentaires.
57. En outre, il convient également d’observer que la Cour elle‑même a déjà reconnu dans son arrêt Brita ( 27 ) – à l’égard il est vrai d’un aspect particulier du droit de l’Union, à savoir le champ d’application respectif des accords d’association entre l’UE et Israël ( 28 ) et entre l’UE et l’Organisation de libération de la Palestine ( 29 ) – la nécessité d’établir une distinction claire entre les produits provenant du territoire israélien et ceux provenant de Cisjordanie.
58. Cette analyse est également conforme à l’article 3, paragraphe 5, TUE selon lequel l’Union contribue « au strict respect [...] du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies ». Cela est également conforme à la RCSNU no 2334 (2016) qui « [d]emande à tous les États [...] de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967» ( 30 ).
59. Force est donc de conclure que l’absence d’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance d’un produit en provenance d’un territoire occupé par Israël et, en tout état de cause, d’une colonie de peuplement, pourrait induire le consommateur en erreur quant au véritable pays d’origine ou lieu de provenance de la denrée alimentaire.
60. Pour l’ensemble de ces raisons, j’estime que l’indication de ces informations devient obligatoire en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous i), et de l’article 26, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1169/2011.
3. L’arrêt de la Cour suprême du Royaume‑Uni, Richardson c. Director of Public Prosecutions
61. Les représentants de Psagot ont largement invoqué l’arrêt rendu le 5 février 2014 par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) dans l’affaire Richardson c. Director of Public Prosecutions ( 31 ). Il est donc nécessaire d’examiner cette affaire plus en détail.
62. Dans cette affaire, les défendeurs étaient poursuivis pour délit d’intrusion criminelle résultant de ce que la Supreme Court (Cour suprême) a qualifié de « manifestation non violente mais déterminée dans un magasin londonien ». Ce magasin était spécialisé dans la vente de produits de beauté à base de minéraux provenant de la mer Morte. L’objection des défendeurs reposait sur le fait i) que ces produits avaient été fabriqués par une société israélienne dans une colonie israélienne adjacente à la
mer Morte en Cisjordanie, c’est‑à‑dire dans les territoires occupés et ii) que le personnel de l’usine aurait été composé d’Israéliens, encouragés par le gouvernement israélien à s’y installer.
63. L’un des moyens de défense spécifiques invoqués était que les produits vendus dans le magasin étaient étiquetés « Fabriqué par Dead Sea Laboratories Ltd., mer Morte, Israël ». Il était allégué que cet étiquetage était faux ou trompeur parce que les territoires occupés ne sont pas reconnus sur le plan international ou par le Royaume‑Uni comme faisant partie d’Israël. Les défendeurs ont donc soutenu que la société exploitant le magasin était coupable de certaines infractions en matière
d’étiquetage.
64. L’infraction principale invoquée à cette fin était contraire à certaines réglementations du Royaume‑Uni transposant la directive sur les pratiques commerciales déloyales ( 32 ). L’infraction en cause consistait en « une pratique commerciale trompeuse» ( 33 ).
65. L’argument invoqué devant la juridiction locale [district Judge (juge de district, Royaume‑Uni)] était que les produits vendus dans le magasin étaient mal étiquetés au regard de leur origine géographique, en ce sens qu’ils étaient étiquetés « Fabriqué par Dead Sea Laboratories Ltd., mer Morte, Israël ». Cela équivalait, selon les défendeurs, à présenter les produits comme venant d’Israël alors que ce n’était pas le cas, puisqu’ils venaient des territoires occupés.
66. Mis à part le fait que, comme l’a finalement décidé la Supreme Court (Cour suprême), la réglementation ne faisait pas de la vente de produits mal étiquetés un délit, il importe de souligner que la juridiction locale avait conclu qu’aucun élément ne permettait d’affirmer que le consommateur moyen serait induit en erreur en prenant une décision transactionnelle (c’est-à-dire en achetant le produit) et qu’il ne l’aurait pas prise simplement si l’origine des produits avait été décrite comme étant
Israël, au sens constitutionnel ou politique, alors qu’il s’agissait en vérité des territoires occupés : après tout, l’origine était correctement indiquée comme la mer Morte. Le district Judge (juge de district) a conclu : « Que les informations fournies soient fausses ou non [...], je considère que le nombre de personnes, dont la décision d’acheter ou non un produit prétendument israélien serait influencée par la connaissance de sa véritable provenance, serait bien en deçà du nombre requis pour
qu’ils soient considérés comme des “consommateurs moyens”. Si un acheteur potentiel est quelqu’un qui est disposé à acheter des produits israéliens, seule une catégorie très restreinte prendrait une décision différente si les produits provenaient d’un territoire occupé illégalement ». La Supreme Court (Cour suprême) a estimé que cette conclusion pouvait « clairement être rendue par le district Judge (juge de district) au regard de la preuve et faisait échec à l’invocation d’une infraction ».
67. Pour ma part, je considère toutefois que la pertinence de cette décision n’est que limitée. L’affaire concerne en réalité une intrusion illégale dans un magasin pour laquelle des arguments assez fantaisistes mais ingénieux ont été avancés à titre de défense pour justifier les actes des défendeurs. En outre, la Supreme Court (Cour suprême) examinait cette affaire en définitive sous l’angle du droit et elle était essentiellement liée par les constations de fait de la juridiction inférieure.
68. En toute déférence, je ne peux pas non plus nécessairement souscrire au raisonnement du district Judge (juge de district). Pour ma part, j’estime qu’il est possible que de nombreux consommateurs potentiels soient disposés à acheter des produits israéliens (c’est‑à‑dire des produits fabriqués à l’intérieur des frontières israéliennes internationalement reconnues avant 1967), mais qui rechigneraient à l’idée d’acheter des marchandises originaires des territoires occupés par Israël depuis 1967 et,
le cas échéant, de colonies de peuplement situées sur ces territoires, voire refuseraient de le faire.
4. L’étendue de l’obligation d’indiquer qu’une denrée alimentaire provient d’un territoire occupé par Israël depuis 1967
69. Le problème ultime à résoudre afin de répondre à la première question de la juridiction de renvoi est de déterminer l’étendue de l’obligation d’indiquer le lieu d’origine d’une denrée alimentaire provenant d’un territoire occupé par Israël depuis 1967, en d’autres termes, de déterminer le libellé de la mention obligatoire.
70. À cet égard, il importe de tenir compte de l’article 7 du règlement no 1169/2011. En effet, selon le premier paragraphe de cette disposition, les informations sur les denrées alimentaires ne doivent pas induire en erreur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, entre autres, sur le pays d’origine ou le lieu de provenance de cette denrée.
71. Sur la base de l’interprétation d’une disposition similaire de la directive 2000/13/CE ( 34 ) (abrogée par le règlement no 1169/2011), on peut indiquer que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 exige que le consommateur ait une information correcte, neutre et objective qui ne l’induise pas en erreur ( 35 ). L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1169/2001 ajoute que les informations relatives aux denrées alimentaires doivent être précises, claires et aisément compréhensibles
par les consommateurs.
72. Dans ce contexte, l’avocat général Mischo a expliqué d’une manière particulièrement pertinente dans ses conclusions dans l’affaire Gut Springenheide et Tusky (C‑210/96, EU:C:1998:102) qu’il est nécessaire de distinguer entre les indications objectivement correctes, les indications objectivement incorrectes, et les indications objectivement correctes, mais qui peuvent tromper le consommateur, parce qu’elles ne reflètent pas complètement la réalité ( 36 ). En effet, « [s]i la partie de
l’information qui est omise était de nature à faire apparaître la partie de l’information qui est fournie sous une lumière nettement différente, on serait obligé de conclure que le consommateur est induit en erreur» ( 37 ).
73. Cela est également parfaitement cohérent avec la définition des « actions trompeuses » au sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, qui couvre, selon le considérant 5 du règlement no 1169/2011, certains aspects de l’information des consommateurs, notamment en vue de prévenir toute action trompeuse et omission d’informations qui doivent être complétés par des règles spécifiques concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. En effet, selon
l’article 6 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, une pratique commerciale est réputée trompeuse « même si les informations présentées sont factuellement correctes [mais qu’elle] amène [le consommateur moyen] à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».
74. En outre, comme je l’ai démontré dans la première partie de mon analyse, je considère que si le terme « pays d’origine » se réfère clairement aux pays et à leurs mers territoriales, l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 1169/2011 permet de déterminer le « lieu de provenance » d’une denrée alimentaire au moyen de mots qui ne se limitent pas au nom de la zone géographique concernée.
75. Dans ces conditions, j’estime qu’une référence limitée à l’indication de « produit du plateau du Golan » ou « produit de Cisjordanie » pour les produits de la Cisjordanie ou du Golan originaires de colonies israéliennes ne serait pas suffisante. Bien que de telles descriptions puissent être techniquement correctes, j’estime que le consommateur peut néanmoins être induit en erreur. De telles indications ne refléteraient pas toute la vérité sur un sujet susceptible d’affecter les habitudes d’achat
des consommateurs.
76. En effet, pour paraphraser la Cour dans l’arrêt Severi ( 38 ), parmi les éléments à prendre en compte pour apprécier le caractère éventuellement trompeur de l’étiquetage en cause au principal, l’occupation israélienne et les colonies de peuplement pourraient être « un élément objectif qui pourrait modifier les attentes du consommateur raisonnable» ( 39 ).
77. À la lumière des considérations qui précèdent, je considère donc que l’ajout des termes « colonies israéliennes » à l’identification géographique de l’origine des produits est la seule manière de fournir – comme l’exige l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1169/2011 – des informations correctes et objectives mais également précises, claires et facilement compréhensibles pour le consommateur.
78. En effet, le terme « colonie » découle d’une situation dans laquelle il existe un territoire occupé par une puissance occupante. En l’espèce, cette approche est donc logique puisque Israël a été reconnue comme une « puissance occupante » au sens du droit international coutumier et de la quatrième convention de Genève ( 40 ). Ces termes sont régulièrement utilisés pour décrire la situation actuelle s’agissant des territoires occupés ( 41 ). Bien que j’accepte que, à certains égards, certains
puissent penser que cette nomenclature a une connotation légèrement péjorative, ce sont néanmoins ces termes qui sont largement utilisés et que le consommateur moyen comprendrait raisonnablement.
5. Conclusions sur la première question
79. En conséquence, à la lumière des considérations qui précèdent, je conclus que le règlement no 1169/2011 exige pour un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967, l’indication du nom géographique de ce territoire et l’indication que le produit provient d’une colonie israélienne, le cas échéant.
B. À titre subsidiaire, sur la seconde question
80. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du règlement no 1169/2011 permettent aux États membres d’exiger l’indication du territoire d’un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967 et, en outre, que ce produit provient d’une colonie israélienne si tel est le cas.
81. Par conséquent, la suite des présentes conclusions part du principe que, contrairement à ce qui est ma position, l’article 9, paragraphe 1, sous i), et l’article 26 du règlement no 1169/2011 ne s’appliquent pas dans ces circonstances.
82. L’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 est clair, « [p]our ce qui concerne les questions expressément harmonisées par le présent règlement, les États membres ne peuvent ni adopter ni conserver des mesures nationales, sauf si le droit de l’Union l’autorise ». Au contraire, il découle de l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011 que les États membres peuvent adopter des dispositions nationales concernant des questions qui ne sont pas expressément harmonisées par ce
règlement, pour autant que ces mesures n’aient pas pour effet d’interdire, d’entraver ou de restreindre la libre circulation des marchandises qui sont conformes audit règlement.
83. L’article 39, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011, relatif aux mesures nationales relatives aux indications obligatoires supplémentaires, étant expressément consacré aux mesures nationales relatives à l’indication de l’origine ou du lieu de provenance, il convient d’admettre que les indications de ce type ne sont pas harmonisées de manière exhaustive par le règlement no 1169/2011.
84. Toutefois, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011, les mesures nationales concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires ne sont autorisées que s’il existe « un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance ».
85. Compte tenu de cette disposition, il ne suffit donc pas que le pays d’origine ou le lieu de provenance présente, en tant que tel, une certaine importance dans la décision du consommateur. Au contraire, le pays d’origine ou le lieu de provenance doit avoir un impact tangible sur le produit lui‑même et, en particulier, sur la qualité de la denrée alimentaire en question.
86. Il me semble que le fait qu’un territoire soit occupé par une puissance occupante ou qu’une denrée alimentaire soit fabriquée par une personne habitant dans une colonie de peuplement n’est pas susceptible de conférer certaines qualités à une denrée alimentaire, ou de les modifier, en ce qui concerne son origine ou sa provenance, du moins s’agissant des denrées alimentaires originaires des territoires occupés.
87. Eu égard aux considérations qui précèdent, je me trouve dans l’obligation de conclure que les États membres ne peuvent pas exiger, aux fins de l’article 39, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011, l’indication du territoire d’un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967 ou bien que ce produit provient d’une colonie israélienne.
VII. Conclusion
88. En conséquence, je propose à la Cour de répondre comme suit à la première question du Conseil d’État (France) :
1) L’article 9, paragraphe 1, sous i), et l’article 26, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement
européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission, exigent pour un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967, l’indication du nom géographique de ce territoire et l’indication que le produit provient d’une colonie israélienne, le cas échéant.
2) À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne souscrirait pas à mon analyse de la première question, je propose qu’elle réponde à la seconde question de la manière suivante :
Conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011, les États membres ne peuvent pas exiger l’indication du territoire d’un produit originaire d’un territoire occupé par Israël depuis 1967 ou bien que ce produit provient d’une colonie israélienne en l’absence de preuve d’un lien avéré entre certaines qualités des denrées alimentaires fabriquées dans les territoires occupés et leur lieu de provenance.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) JO 2011, L 304, p. 18, et rectificatif JO 2016, L 266, p. 7.
( 3 ) JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90.
( 4 ) Voir article 288, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union.
( 5 ) JO 2015, C 375, p. 4.
( 6 ) Point 2 de la communication interprétative.
( 7 ) Point 2 de la communication interprétative.
( 8 ) JORF no 273 du 24 novembre 2016, texte no 81.
( 9 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, UNIC et Uni.co.pel (C‑95/14, EU:C:2015:492, points 59 et 60).
( 10 ) Le mot anglais « space » est défini comme « a particular position, point, or area in space » (une position, un point ou une zone particulière dans l’espace) [Oxford Dictionary of English, 2e éd. (révisée), Oxford University Press, 2005] alors que, par exemple, le mot « lieu » (utilisé dans la version française du règlement no 1169/2011) peut se définir comme « la situation spatiale de quelque chose, de quelqu’un permettant de le localiser » (Larousse.fr) et le mot « lugar » (utilisé dans la
version espagnole de ce règlement) est défini comme « porción de espacio » (partie de l’espace) (Diccionario de la lengua española, Real Academia Española, Edición del Tricentenario-Actualización 2018).
( 11 ) Voir article 23, paragraphe 2, du code des douanes communautaire.
( 12 ) Il est vrai que l’article 60 du code des douanes de l’Union est plus large puisqu’il se réfère au « pays ou territoire » (mise en italique par mes soins) au lieu de pays. Toutefois, puisque le « lieu de provenance » est défini par le règlement no 1169/2011 par opposition au « pays d’origine », le « lieu de provenance » devient purement tautologique et perd son sens au regard de l’article 60 du code des douanes de l’Union. En effet, qu’est-ce qu’un « territoire » sinon une zone géographique
plus petite qu’un pays, autrement dit un « lieu » ? Je pense dès lors que, dans le cadre du règlement no 1169/2011, la règle énoncée à l’article 286, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, selon laquelle les références au code des douanes communautaire dans d’autres actes de l’Union doivent être comprises comme des références aux dispositions correspondantes du code des douanes de l’Union, n’est pas applicable.
( 13 ) Voir, pour des applications récentes, arrêts du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 44), et du 26 février 2019, Rimšēvičs et ECB/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 45).
( 14 ) Mise en italique par mes soins.
( 15 ) Voir, en ce sens, Conway, É., « Étiquetage obligatoire de l’origine des produits au bénéfice des consommateurs : portée et limites », Revue Québécoise de droit international, vol. 24-2, 2011, p. 1 à 51, notamment p. 2.
( 16 ) Mise en italique par mes soins.
( 17 ) Mise en italique par mes soins.
( 18 ) Mise en italique par mes soins.
( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, point 61). Alors que la version en langue française de cet arrêt utilise le terme « éclairé », la Cour utilise souvent le terme « avisé » dans des arrêts relatifs à la protection des consommateurs, ce dernier terme me semblant plus proche de l’anglais « circumspect ». Voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C‑210/96, EU:C:1998:369, points 31 et 37) ; du 4 avril 2000, Darbo (C‑465/98,
EU:C:2000:184, point 20), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 25). Je relève également que dans l’arrêt du 4 juin 2015, Teekanne (C‑195/14, EU:C:2015:361), la Cour utilise alternativement « avisé » (point 23) et « éclairé » (point 36), tous deux traduits en anglais par « circumspect ». En outre, comme en anglais, la même formule semble être systématiquement utilisée dans les autres versions linguistiques (voir, notamment, en néerlandais – « een normaal
geïnformeerde en redelijk omzichtige en oplettende gemiddelde consument » – , en italien – « un consumatore medio normalmente informato e ragionevolmente attento e avveduto » –, en espagnol – « un consumidor medio, normalmente informado y razonablemente atento y perspicazor » –, ou en roumain – « unui consumator mediu, normal informat, suficient de atent și de avizat »).
( 20 ) Voir, en ce sens, González Vaqué, L., « La noción de consumidor medio según la jurisprudencia del Tribunal de Justicia de las Communidades europeas », Revista de derecho comunitario europeo, 2004/17, p. 47 à 81, notamment p. 63 et 64.
( 21 ) Recueil des Traités des Nations unies, volume 75, p. 287.
( 22 ) Avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Rapport de la CIJ 2004, p. 136 (point 120).
( 23 ) Avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Rapport de la CIJ 2004, point 155 ainsi que points 118 et 120.
( 24 ) Voir, en ce sens, avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Rapport de la CIJ 2004, p. 136 (points 88 et 155).
( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88).
( 26 ) Voir, notamment, pour le Conseil de sécurité des Nations unies, RCSNU no 242 (1967) du 22 novembre 1967 (Moyen Orient) ; RCSNU no 446 (1979) du 22 mars 1979 (Territoires occupés par Israël) ; RCSNU no 465 (1980) du 1er mars 1980 (Territoires occupés par Israël) ; RCSNU no 476 (1980) du 30 juin 1980 (Territoires occupés par Israël) ; RCSNU no 2334 (2016) du 23 décembre 2016 (La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne), et pour l’assemblée générale des Nations unis,
Résolutions no 72/14 (2017) du 30 novembre 2017 (Règlement pacifique de la question de la Palestine) ; no 72/15 (2017) du 30 novembre 2017 (Jérusalem) ; no 72/16 (2017) du 30 novembre 2017 (Le Golan syrien), et no 72/86 (2017) du 7 décembre 2017 (Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé).
( 27 ) Arrêt du 25 février 2010, Brita (C‑386/08, EU:C:2010:91).
( 28 ) Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles, le 20 novembre 1995 (JO 2000, L 147, p. 3).
( 29 ) Accord d’association euro-méditerranéen intérimaire, relatif aux échanges et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997 (JO 1997, L 187, p. 3).
( 30 ) Point 5.
( 31 ) [2014] UKSC 8.
( 32 ) Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).
( 33 ) Cela a été défini comme indiquant qu’une pratique commerciale est réputée trompeuse si (entre autres) : « (2)(a) [e]lle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère au regard de l’un des points mentionnés à l’alinéa 4) ou si elle‑même ou sa présentation générale induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen au regard de l’un des points de cet alinéa, même si les informations présentées sont factuellement correctes ; et (b) elle amène ou est
susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision transactionnelle qu’il n’aurait pas prise autrement. »
( 34 ) Directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 2000, L 109, p. 29).
( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Teekanne (C‑195/14, EU:C:2015:361, point 32). Voir, également, arrêt du 22 septembre 2016, Breitsamer et Ulrich (C‑113/15, EU:C:2016:718, point 69).
( 36 ) Conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Gut Springenheide et Tusky (C‑210/96, EU:C:1998:102, point 78).
( 37 ) Conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Gut Springenheide et Tusky (C‑210/96, EU:C:1998:102, point 87). Bien que la version en langue anglaise utilise l’adverbe « completely », l’adverbe « clearly » semble plus proche de la version linguistique originale – la version française – qui utilise le terme « nettement ».
( 38 ) Arrêt du 10 septembre 2009 (C‑446/07, EU:C:2009:530).
( 39 ) Arrêt du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, point 62).
( 40 ) Voir, en ce sens, article 49 de la quatrième convention de Genève. Voir, également, avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Rapport de la CIJ 2004, p. 136 (points 78 et suivants).
( 41 ) Voir, en ce sens, RCSNU no 2334 (2016) du 23 décembre 2016 (La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne).