CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 13 juin 2019 ( 1 )
Affaire C‑160/18
X BV
contre
Staatssecretaris van Financiën
[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Ressources propres de l’Union européenne – Recouvrement a posteriori des droits additionnels – Importation de viande de volaille – Mécanisme de vérification aux fins de déterminer le montant des droits additionnels – Méthode de calcul des droits additionnels – Légalité du mécanisme de vérification »
Introduction
1. Il s’agit déjà de la deuxième occasion pour la Cour d’examiner la légalité de dispositions du droit de l’Union relatives aux droits additionnels dans le secteur de la viande de volaille. Tout comme l’affaire précédente, la présente affaire porte sur l’importation de viande de volaille congelée en provenance du Brésil ( 2 ). Dans la précédente affaire relative à cette question, la Cour a constaté la nullité des dispositions du droit de l’Union ( 3 ). Ces dispositions ont été modifiées, mais il
existe des doutes sérieux quant au caractère suffisant de ces modifications. La présente affaire offre la possibilité de répondre à cette question.
Le cadre juridique
Le droit international
2. L’article 5, paragraphe 1, sous b), de l’accord sur l’agriculture, joint à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), adopté par l’Union en vertu de la décision du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) ( 4 ) (ci-après l’« accord sur l’agriculture »), dispose :
« Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 b) de l’article II du GATT de 1994, tout membre pourra recourir aux dispositions des paragraphes 4 et 5 ci-après en relation avec l’importation d’un produit agricole, pour lesquels des mesures visées au paragraphe 2 de l’article 4 du présent accord ont été converties en un droit de douane proprement dit et qui est désigné dans sa liste par le symbole “SGS” comme faisant l’objet d’une concession pour laquelle les dispositions du présent article peuvent
être invoquées si :
[…]
b) le prix auquel les importations de ce produit peuvent entrer sur le territoire douanier du membre [de l’OMC] accordant la concession, déterminé sur la base du prix à l’importation c.a.f. de l’expédition considérée exprimé en monnaie nationale, tombe au‑dessous d’un prix de déclenchement égal au prix de référence moyen pour la période 1986 à 1988 […] du produit considéré. »
Le droit de l’Union
3. Aux termes de l’article 29, paragraphe 1, sous d), et de l’article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire ( 5 ) :
« 1. La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 pour autant :
[…]
d) que l’acheteur et le vendeur ne soient pas liés ou, s’ils le sont, que la valeur transactionnelle soit acceptable à des fins douanières, en vertu du paragraphe 2.
2.
a) Pour déterminer si la valeur transactionnelle est acceptable aux fins de l’application du paragraphe 1, le fait que l’acheteur et le vendeur sont liés ne constitue pas en soi un motif suffisant pour considérer la valeur transactionnelle comme inacceptable. Si nécessaire, les circonstances propres à la vente sont examinées, et la valeur transactionnelle admise pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix. Si, compte tenu des renseignements fournis par le déclarant ou obtenus d’autres
sources, les autorités douanières ont des motifs de considérer que les liens ont influencé le prix, elles communiquent leurs motifs au déclarant et lui donnent une possibilité raisonnable de répondre. Si le déclarant le demande, les motifs lui sont communiqués par écrit.
[…] »
4. L’article 30, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), du règlement no 2913/92 disposait :
« 1. Lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application de l’article 29, il y a lieu de passer successivement aux lettres a), b), c) et d) du paragraphe 2 jusqu’à la première de ces lettres qui permettra de la déterminer, sauf si l’ordre d’application des points c) et d) doit être inversé à la demande du déclarant ; c’est seulement lorsque cette valeur en douane ne peut être déterminée par application d’une lettre donnée qu’il est loisible d’appliquer la lettre qui vient
immédiatement après celle-ci dans l’ordre établi en vertu du présent paragraphe.
2. Les valeurs en douane déterminées par application du présent article sont les suivantes :
a) valeur transactionnelle de marchandises identiques, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;
[…] »
5. Aux termes de l’article 220, paragraphe 1, dudit règlement :
« 1. Lorsque le montant des droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 218 et 219 ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur
(prise en compte a posteriori). Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 219. »
6. L’article 141 du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») ( 6 ) disposait :
« 1. Un droit à l’importation additionnel est appliqué aux importations, effectuées aux taux de droit établis aux articles 135 à 140, d’un ou de plusieurs produits des secteurs […] de la viande de volaille […], afin d’éviter ou de neutraliser les effets préjudiciables sur le marché communautaire qui pourraient résulter de ces importations, si :
a) les importations sont effectuées à un prix inférieur au niveau notifié par la Communauté à l’OMC (“prix de déclenchement”),
[…]
2. Le droit à l’importation additionnel n’est pas exigé lorsque les importations ne risquent pas de perturber le marché communautaire ou que les effets seraient disproportionnés par rapport à l’objectif recherché.
3. Aux fins du paragraphe 1, point a), les prix à l’importation sont déterminés sur la base des prix à l’importation c.a.f. de l’expédition considérée.
Les prix à l’importation c.a.f. sont vérifiés au regard des prix représentatifs du produit sur le marché mondial ou sur le marché d’importation communautaire dudit produit. »
7. Les dispositions d’application du règlement no 1234/2007 en ce qui concerne les droits additionnels à l’importation figurent dans le règlement (CE) no 1484/95 de la Commission, du 28 juin 1995, portant modalités d’application du régime relatif à l’application des droits additionnels à l’importation et fixant des droits additionnels à l’importation, dans les secteurs de la viande de volaille et des œufs ainsi que pour l’ovalbumine, et abrogeant le règlement no 163/67/CEE ( 7 ). L’article 2 dudit
règlement, dans sa version applicable jusqu’au 11 septembre 2009, disposait :
« 1. Les prix représentatifs visés à l’article [141, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 1234/2007] sont déterminés régulièrement en tenant compte notamment :
– des prix pratiqués sur les marchés des pays tiers,
– des prix à l’importation caf ; au sens du présent règlement, les éléments constitutifs du prix à l’importation caf sont : a) le prix fob dans le pays d’origine, et b) le coût effectif du transport et des assurances jusqu’au lieu d’introduction sur le territoire douanier de la Communauté,
– des prix pratiqués aux divers stades de commercialisation dans la Communauté des produits importés.
[…]
2. Les États membres communiquent chaque lundi, à la Commission, les prix visés au paragraphe 1, deuxième et troisième tirets, pour les expéditions représentatives des produits figurant à l’annexe II. »
8. À dater du 11 septembre 2009, le même article avait le libellé suivant :
« 1. Les prix représentatifs visés à l’article 141, paragraphe 3, du règlement [no 1234/2007] sont déterminés régulièrement sur la base des données recueillies dans le cadre de la surveillance communautaire régie par l’article 308 quinquies du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission […]
[…] »
9. L’article 3 du règlement no 1484/95 dispose :
« 1. Le droit additionnel est établi sur la base du prix à l’importation caf de l’expédition considérée conformément aux dispositions de l’article 4.
2. Lorsque le prix à l’importation caf par 100 kilogrammes d’une livraison donnée est supérieur au prix représentatif applicable, visé à l’article 2, paragraphe 1, l’importateur présente aux autorités compétentes des États membres d’importation au moins les preuves suivantes :
– le contrat d’achat ou tout autre document équivalent,
– le contrat d’assurance,
– la facture,
– le certificat d’origine (le cas échéant),
– le contrat de transport,
– et en cas de transport maritime, le connaissement.
3. Dans le cas visé au paragraphe 2, l’importateur doit constituer la garantie visée à l’article 248, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, égale aux montants des droits additionnels qu’il aurait payés si le calcul de ceux-ci avait été effectué sur la base du prix représentatif applicable au produit concerné, comme le montre l’annexe I.
4. L’importateur dispose d’un délai de un mois à compter de la vente des produits en cause, dans la limite d’un délai de six mois de la date d’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique, pour prouver que l’expédition a été écoulée dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité des prix visés au paragraphe 2. Le non-respect de l’un ou l’autre des délais susdits entraîne la perte de la garantie constituée. Toutefois, le délai de six mois peut être prolongé par l’autorité
compétente d’un maximum de trois mois sur demande dûment justifiée de l’importateur.
La garantie constituée est libérée dans la mesure où les preuves relatives aux conditions d’écoulement sont apportées à la satisfaction des autorités douanières.
Dans le cas contraire, la garantie reste acquise en paiement des droits additionnels.
5. Si, à l’occasion d’une vérification, les autorités compétentes constatent que les conditions du présent article n’ont pas été respectées, elles procèdent au recouvrement des droits dus conformément à l’article 220 du règlement (CEE) no 2913/92. Pour l’établissement du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer, il est tenu compte d’un intérêt courant à partir de la date de mise en libre pratique de la marchandise jusqu’à celle du recouvrement. Le taux d’intérêt appliqué est celui
en vigueur pour les opérations de récupération en droit national. »
10. À dater du 1er mai 2010, les paragraphes 3 et 4 de l’article 3 du règlement no 1484/95 étaient libellés comme suit :
« 3. Dans le cas visé au paragraphe 2, l’importateur doit constituer la garantie visée à l’article 248, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93, égale à la différence entre le montant du droit additionnel à l’importation calculé sur la base du prix représentatif applicable au produit concerné et le montant du droit additionnel à l’importation calculé sur la base du prix à l’importation caf de l’expédition considérée.
4. L’importateur dispose d’un délai de deux mois à compter de la vente des produits en cause, dans la limite d’un délai de neuf mois à compter de la date d’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique, pour prouver que l’expédition a été écoulée dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité des prix visés au paragraphe 2. Le non-respect de l’un ou l’autre des délais susdits entraîne la perte de la garantie constituée. Toutefois, le délai de neuf mois peut être prolongé
par l’autorité compétente d’un maximum de trois mois sur demande dûment justifiée de l’importateur.
La garantie constituée est libérée dans la mesure où les preuves relatives aux conditions d’écoulement sont apportées à la satisfaction des autorités douanières. Dans le cas contraire, la garantie reste acquise en paiement des droits additionnels. »
11. L’article 4 du règlement no 1484/95 fixe le montant du droit additionnel en fonction de la différence entre le prix à l’importation caf et le prix de déclanchement de la marchandise. Cette disposition met en œuvre l’article 5, paragraphe 5, de l’accord sur l’agriculture dont il est question au point 2 des présentes conclusions.
Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
12. X, une société de droit néerlandais (ci-après « la société X ») fait partie d’un groupe international de sociétés auquel appartient également la société F, producteur de volaille, établie au Brésil. La société X achète de la viande de volaille congelée auprès de la société F et procède à son importation sur le territoire douanier de l’Union, où elle la vend à d’autres opérateurs, tant à des opérateurs liés qu’à des opérateurs non liés. Les produits vendus par la société X relèvent de
l’article 141 du règlement no 1234/2007.
13. Les autorités douanières néerlandaises ont conclu avec la société X des accords sur la méthode de calcul de la valeur en douane des produits concernés. Cette valeur a été définie sur la base du prix auquel la société X achetait ces produits auprès d’une autre société du même groupe majoré de 15 % au titre des coûts supplémentaires et de la marge bénéficiaire. Les autorités douanières ont considéré que la valeur en douane ainsi déterminée était appropriée aux fins du calcul du prix à
l’importation caf ( 8 ) aux fins de l’application de l’article 141 du règlement no 1234/2007.
14. La procédure au principal a pour objet des expéditions de viande de volaille importées sur le territoire douanier de l’Union par la société X au cours de la période allant du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010. Le prix à l’importation caf déclaré pour ces produits était supérieur au prix de déclenchement (et, partant, au prix représentatif, qui était inférieur au prix de déclenchement). Les autorités douanières ont admis les marchandises en libre pratique sans demander la constitution de la
garantie prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1484/95, ni la preuve, requise à l’article 3, paragraphe 4, du même règlement, que ces marchandises ont été écoulées dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité du prix à l’importation déclaré.
15. Toutefois, dans le cadre d’une vérification ultérieure, ces autorités ont constaté que la société X écoulait les expéditions concernées de viande de volaille à des opérateurs dans l’Union, tant à des opérateurs liés qu’à des opérateurs indépendants, à des prix inférieurs au prix à l’importation déclaré. Ces prix étaient également inférieurs au prix représentatif applicable.
16. Appliquant par analogie l’article 4 du règlement no 1484/95, les autorités douanières ont soumis les marchandises concernées à des droits additionnels à concurrence d’une somme totale de 2163793,55 euros, calculée sur la base de la différence entre le prix représentatif applicable et le prix de déclenchement.
17. Le recours introduit à l’encontre de cette décision par la société X a été rejeté en première instance et en appel. La société X a introduit devant la juridiction de renvoi, le 24 novembre 2015, un recours en cassation à l’encontre du jugement prononcé en appel.
18. Dans ces circonstances, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de suspendre la procédure et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement no 1484/95, lu conjointement avec l’article 141 du [règlement no 1234/2007], en ce sens que le seul objectif du mécanisme de contrôle qui y est décrit, y compris dans le cas d’un contrôle a posteriori, est de garantir la possibilité de porter à la connaissance des autorités compétentes, en temps utile, les faits ou les circonstances relatives aux transactions consécutives qui sont susceptibles de susciter un doute
sur l’exactitude du prix à l’importation caf indiqué et qui peuvent donner lieu à un contrôle supplémentaire ?
Ou bien, est-ce la thèse opposée qui est exacte et convient-il d’interpréter le mécanisme décrit à l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement no 1484/95, y compris dans le cas d’un contrôle a posteriori, en ce sens qu’une ou plusieurs reventes effectuées par l’importateur sur le marché communautaire à un prix inférieur au prix à l’importation caf indiqué de l’expédition, majoré du montant des droits dus à l’importation ne remplissent pas les conditions (d’écoulement) requises sur le
marché communautaire, de telle sorte que cette circonstance suffit à elle seule à justifier que des droits additionnels sont dus ? Le point de savoir si les reventes visées ci-dessus ou les reventes effectuées par l’importateur sont intervenues à un prix inférieur au prix représentatif en vigueur a-t-il une incidence pour répondre à la question qui précède ? À cet égard, le fait que le prix représentatif a été calculé différemment durant la période qui a précédé le 11 septembre 2009, d’une
part, et durant celle qui a suivi cette date, d’autre part, a-t-il une incidence ? Le point de savoir si les clients dans l’Union sont des entreprises liées à l’importateur a-t-il également une importance pour répondre à ces questions ?
2) S’il ressort de la réponse à apporter aux questions qui viennent d’être énoncées sous le point 1 ci-dessus que la revente à perte constitue un élément de preuve suffisant pour rejeter le prix à l’importation caf indiqué, de quelle manière convient-il de déterminer le montant des droits additionnels dus ? Convient-il de déterminer cette base d’après les méthodes qui ont été prescrites pour déterminer la valeur en douane aux articles 29 à 31 du [règlement no 2913/92] ? Ou bien convient-il de
déterminer cette base exclusivement sur le fondement du prix représentatif en vigueur ? L’article 141, paragraphe 3, du [règlement no 1234/2007] s’oppose-t-il à ce que le prix représentatif fixé pendant la période précédant le 11 septembre 2009 soit utilisé pendant cette même période ?
3) S’il ressort de la réponse à apporter aux première et deuxième questions que la revente à perte sur le marché communautaire des produits importés est déterminant pour le point de savoir si des droits additionnels sont dus et que le prix représentatif doit être pris comme base du calcul du montant des droits additionnels dus, l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, du [règlement no 1484/95] est-il compatible avec l’article 141 du [règlement no 1234/2007], considéré à la lumière de l’[arrêt du
13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam, C‑317/99, EU:C:2001:681] ? »
Appréciation
19. La juridiction de renvoi soumet trois questions préjudicielles à la Cour. La troisième question soulève le problème de la légalité de l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement no 1484/95 au regard de l’article 141 du règlement no 1234/2007 et de l’arrêt Kloosterboer Rotterdam ( 9 ). Ce problème apparaît également au regard de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de l’accord sur l’agriculture. La juridiction de renvoi fait dépendre cette troisième question de la réponse aux deux premières
questions et de l’interprétation retenue des dispositions précitées. Selon moi, le texte même de ces dispositions soulève toutefois de sérieux doutes quant à leur légalité. C’est pourquoi je commencerai l’analyse de la présente affaire par la troisième question.
Sur la troisième question préjudicielle
20. Ainsi que je l’ai mentionné ci-dessus, la troisième question préjudicielle porte sur la validité de l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement no 1484/95 au regard de l’article 141 du règlement no 1234/2007 et de l’arrêt du 13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:681). Il est difficile de comprendre ces dispositions, et donc également le problème de leur éventuelle contradiction avec le règlement no 1234/2007, sans rappeler leur libellé originel ainsi que l’histoire
de la remise en question de ce libellé par la Cour.
21. Le libellé originel de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1484/95 était le suivant :
« 1. L’importateur peut, sur demande, se voir appliquer pour l’établissement du droit additionnel le prix à l’importation caf de l’expédition considérée, lorsque celui-ci est supérieur au prix représentatif applicable, visé à l’article 2, paragraphe 1.
[…]
3. En l’absence de la demande visée au paragraphe 1, le prix à l’importation de l’expédition considérée à prendre en considération pour l’imposition d’un droit additionnel est le prix représentatif visé à l’article 2, paragraphe 1. »
22. L’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement prévoyaient un mécanisme de vérification de la réalité du prix à l’importation caf déclaré par l’importateur dans un libellé en substance identique à l’actuel article 3, paragraphes 2 à 5, dudit règlement.
23. La logique de ces dispositions était donc assez claire. En principe, les droits additionnels étaient appliqués sur la base du prix représentatif. Toutefois, lorsque l’importation était réalisée à un prix supérieur au prix représentatif, une telle méthode de calcul des droits additionnels était désavantageuse pour l’importateur, puisque le montant de ces droits dépendait de la différence entre le prix à l’importation retenu (en l’espèce, le prix représentatif) et le prix de déclenchement ; plus
le prix à l’importation est inférieur au prix de déclenchement, plus le droit additionnel est élevé.
24. Dans une telle situation, il était donc admis que l’importateur puisse demander l’application, en lieu et place du prix représentatif, du prix à l’importation caf, c’est-à-dire du prix effectif à l’importation ( 10 ). La prise en compte d’une telle demande dépendait du respect de certaines conditions. Premièrement, l’importateur était tenu de présenter une série de documents confirmant la réalité du prix à l’importation caf déclaré. Deuxièmement, il était tenu de justifier, dans un court délai
après la vente des marchandises importées sur le marché de l’Union, que la vente avait été réalisée dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité du prix déclaré. Troisièmement, l’importateur était tenu de constituer une garantie à concurrence du droit additionnel qu’il aurait dû payer en cas d’application du prix représentatif. Au cas où les autorités douanières considéraient que les marchandises importées n’avaient pas été vendues dans des conditions telles qu’elles confirment la
réalité du prix à l’importation caf déclaré, l’on revenait à la règle générale, à savoir l’application du prix représentatif, et la garantie constituée restait automatiquement acquise en paiement des droits additionnels. Enfin, cinquièmement, si, dans le cadre de la vérification a posteriori, les autorités douanières estimaient que les conditions ci‑dessus n’étaient pas remplies, elles pouvaient exiger a posteriori le paiement des droits additionnels tels qu’ils auraient été calculés sur la base
du prix représentatif.
25. Dans l’arrêt Kloosterboer Rotterdam ( 11 ), la Cour a remis en cause le principe général du calcul des droits additionnels sur la base du prix représentatif, constatant la nullité tant de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1484/95 (principe général) que de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement (possibilité de demander l’application du prix à l’importation caf assortie de l’obligation de présenter les documents requis). La Cour a considéré en particulier que l’article 5,
paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (CEE) no 2777/75 ( 12 ) fait clairement apparaître que seul le prix à l’importation caf peut servir de base pour le calcul des droits additionnels et que ce principe ne connaît aucune exception. La Cour a également considéré que le prix représentatif ne peut être pris en compte qu’aux fins de la vérification de l’exactitude du prix à l’importation caf déclaré ( 13 ).
26. La Cour a procédé à une appréciation des dispositions précitées uniquement au regard du règlement no 2777/75, mais elle a toutefois souligné que ce règlement a été adapté à l’accord sur l’agriculture ( 14 ). De plus, il convient de prendre en considération le fait que la méthode de calcul des droits additionnels prévue dans le libellé originel de l’article 3 du règlement no 1484/95 a été remise en cause par l’organe d’appel de l’OMC dans son rapport du 13 juillet 1998 ( 15 ).
27. Le règlement no 1484/95 a été modifié, encore avant le prononcé de l’arrêt de la Cour, par le règlement (CE) no 493/1999 ( 16 ). Les considérants de ce règlement relèvent l’incompatibilité de l’article 3 du règlement no 1484/95 avec les règles de l’OMC. À la suite de cette modification, l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1484/95 prévoit que les droits additionnels sont appliqués sur la base du prix à l’importation caf. En outre, le libellé originel du paragraphe 3 de cet article a été
supprimé.
28. En revanche, lorsque le prix à l’importation caf déclaré par l’importateur est supérieur au prix représentatif, toutes les autres exigences pesant sur l’importateur en vertu de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1484/95 ( 17 ) dans sa version originelle sont restées d’application. Elles figurent actuellement à l’article 3, paragraphes 2 à 5, dudit règlement. Est également resté en vigueur le mécanisme de perte automatique de la garantie
au cas où l’importateur ne démontre pas qu’il a vendu les marchandises importées dans des conditions telles qu’elles confirment la réalité du prix à l’importation caf. De même, les autorités douanières ont toujours la possibilité d’établir a posteriori que les conditions d’application du prix à l’importation caf n’étaient pas remplies et de percevoir des droits additionnels calculés sur la base du prix représentatif.
29. Le maintien du mécanisme entraînant de facto le calcul automatique des droits additionnels sur la base du prix représentatif dans une situation où devrait en principe s’appliquer le prix à l’importation caf semble illogique. Comment convient-il donc d’interpréter ces dispositions ?
30. Dans les observations qu’elle a présentées en l’espèce, la Commission explique ce maintien par le fait que, lorsque le prix à l’importation caf déclaré est supérieur au prix représentatif, il est présumé que ce prix n’est pas conforme à la réalité dès lors que cela signifierait l’acquisition d’une marchandise à un prix supérieur au prix du marché. Cette présomption a un caractère iuris tantum : en effet, l’importateur peut prouver la réalité du prix à l’importation caf déclaré pour autant qu’il
vende les marchandises importées sur le marché de l’Union dans des conditions que les autorités douanières reconnaissent comme confirmant cette réalité.
31. Toutefois, dans le cas contraire, des droits additionnels sont prélevés à concurrence d’un montant calculé sur la base du prix représentatif. La Commission a finalement confirmé à l’audience ce résultat de son raisonnement. Dans ses observations, le gouvernement néerlandais propose une interprétation similaire de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95.
32. Cette interprétation n’est pas affectée par la modification de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement, qui est entrée en vigueur le 1er mai 2010 et selon laquelle la garantie est fixée non pas totalement à concurrence des droits additionnels calculés sur la base du prix représentatif, mais à concurrence de la différence entre les droits additionnels calculés sur la base du prix représentatif et les droits calculés sur la base du prix à l’importation caf. En effet, dans une telle situation,
l’importateur acquitte des droits calculés sur la base du prix à l’importation ( 18 ), et la différence est perçue soit via la perte de la garantie, soit à la suite d’une vérification ex post en application du paragraphe 5 de l’article précité. Il n’y a pas ici de véritable différence.
33. Il me semble qu’il s’agit là de l’unique interprétation possible des dispositions de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95. Il s’ensuit donc que, lorsque le prix à l’importation caf est supérieur au prix représentatif, le premier constitue la base du calcul des droits additionnels uniquement à la condition que l’importateur respecte des exigences supplémentaires, en particulier des exigences relatives aux conditions de vente des marchandises importées. Au-delà des mots, cela
n’est pas fondamentalement différent de la situation relevant de l’article 3 du règlement no 1484/95 dans son libellé remis en cause par la Cour. Fait uniquement défaut l’exigence d’une demande d’application du prix à l’importation caf introduite par l’importateur.
34. Or, il convient de souligner que, conformément à l’article 3, paragraphe 4, premier alinéa, deuxième phrase, du règlement no 1484/95, la garantie constituée est également perdue lorsque l’importateur n’a pas respecté les délais prévus aux fins de la preuve de la vente de la marchandise à un prix confirmant la réalité du prix à l’importation caf. Il n’est donc pas question ici d’une analyse au fond de la situation en fait, une erreur formelle suffit pour que s’applique de facto le prix
représentatif en tant que base du calcul des droits additionnels. Selon moi, cela est confirmé par le fait que le mécanisme prévu à l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95 dans son libellé actuel est identique au mécanisme applicable dans l’état du droit originel remis en cause par la Cour.
35. Certes, la Cour n’a pas directement constaté l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1484/95 dans sa version originelle. Cependant, le mécanisme de contrôle qui y était prévu était un élément indissociable de la réglementation originelle, dans le cadre de laquelle la règle consistait à calculer les droits additionnels sur la base du prix représentatif et où l’application du prix à l’importation caf n’était possible qu’à titre d’exception, sous réserve du respect des conditions
définies. Le maintien de ce mécanisme de contrôle dans le nouveau cadre réglementaire signifie un maintien en vigueur déguisé de la même règle, en ce qu’elle aboutit en pratique au même résultat.
36. Je considère donc que la Commission, en modifiant ou en supprimant l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1484/95 dans sa version originelle, tout en maintenant l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et l’article 3, paragraphe 2 (avec pour seule modification la numérotation), n’a pas pleinement adapté cet acte à l’arrêt Kloosterboer Rotterdam ( 19 ). Pour ce motif, il convient de constater la nullité de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du
règlement no 1484/95 dans sa version actuelle.
37. Certes, dans sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi vise uniquement l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, dudit règlement. Toutefois, le paragraphe 3 de cet article, qui impose à l’importateur de constituer une garantie à concurrence des droits additionnels calculés sur la base du prix représentatif, fait partie intégrante du mécanisme prévu à l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement précité. Cette garantie n’aurait pas de raison d’être s’il n’était pas possible que le
prix représentatif s’applique automatiquement en tant que base du calcul des droits à l’importation additionnels. Il convient donc d’envisager l’article 3, paragraphes 2 à 5, dans son ensemble.
38. Dans ses observations dans la présente affaire, la Commission fait observer que la vente de marchandises sur le territoire de l’Union à un prix inférieur au prix de déclenchement entraînera très probablement des perturbations sur ce marché, ce qui justifie en soi l’application de droits additionnels. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur le fait que, conformément à l’article 141, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, le caractère peu probable de telles perturbations sur le marché
est une condition à la non-application de droits additionnels. En revanche, la probabilité de telles perturbations ne constitue pas une base suffisante à l’application de tels droits. En effet, seule fonde une telle application de droits additionnels l’importation de marchandises à un prix à l’importation caf inférieur au prix de déclenchement.
39. En raison de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95 est nul au regard de l’article 141, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 et de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de l’accord sur l’agriculture.
Sur la première question préjudicielle
40. La première question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95. Si la Cour accueille ma proposition de réponse à la troisième question préjudicielle et constate la nullité de ces dispositions, la réponse à la première question devient sans objet. C’est pourquoi je n’examinerai ci-après que brièvement la première question.
41. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si la circonstance que l’importateur a vendu les marchandises importées à un prix inférieur au prix à l’importation caf déclaré, augmenté des droits additionnels, suffit pour rejeter ledit prix à l’importation en tant que base du calcul des droits additionnels.
42. La réponse à cette question découle de l’interprétation de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95 présentée ci‑dessus.
43. Lorsque le prix à l’importation caf est inférieur au prix représentatif, l’importateur est en principe tenu de démontrer qu’il a vendu la marchandise à un prix confirmant la réalité dudit prix à l’importation. Ce sont les autorités douanières qui apprécient ces preuves ( 20 ). Cette appréciation est ensuite soumise à un contrôle juridictionnel. Il s’agit d’une constatation de fait. Il appartient aux autorités douanières d’apprécier si, et dans quelle mesure, la vente à un prix inférieur au prix
à l’importation caf déclaré réfute la réalité dudit prix à l’importation. Il n’y a ici aucun automatisme, les autorités douanières pouvant considérer, sur le fondement de l’ensemble des circonstances de fait, que le prix à l’importation déclaré était conforme à la réalité, même si par la suite la marchandise a été vendue à un prix inférieur. Un des éléments de cette appréciation peut être la comparaison du prix de vente de la marchandise avec le prix représentatif.
44. En dépit des doutes soulevés par la juridiction de renvoi quant à cette question, il importe peu en l’espèce que la méthode de calcul du prix représentatif a été modifiée depuis le 11 septembre 2009. Il convient d’admettre en tant que base de comparaison le prix représentatif au jour de l’importation, calculé conformément aux dispositions en vigueur à cette date.
45. Le fait que les acquéreurs de la marchandise sur le marché de l’Union sont liés à l’importateur n’entraîne aucune conséquence automatique. Il s’agit d’une circonstance de fait que les autorités douanières peuvent prendre en considération aux fins d’apprécier la réalité du prix à l’importation déclaré.
46. Le problème de la légalité de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95 découle non pas du fait que les autorités douanières peuvent remettre en question la réalité du prix à l’importation caf déclaré par l’importateur, mais de l’effet qui y est lié, notamment de l’application automatique du prix représentatif comme base du calcul des droits additionnels.
47. Les mêmes considérations s’appliquent à la situation où les autorités douanières, comme en l’espèce, n’ont pas appliqué la procédure prévue à l’article 3, paragraphes 2 à 4, du règlement no 1484/95, mais ont procédé à une vérification ex post sur le fondement de l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement. Cette disposition vise la situation où n’ont pas été respectées « les conditions du présent article ». Par ces conditions, il convient de comprendre la vente par l’importateur d’une marchandise
à un prix confirmant la réalité du prix à l’importation caf qu’il a déclaré.
Sur la deuxième question préjudicielle
48. La deuxième question préjudicielle vise à déterminer la base sur laquelle il y a lieu de calculer les droits additionnels lorsque les autorités douanières rejettent le prix à l’importation caf déclaré par l’importateur au motif qu’il ne correspond pas à la réalité.
49. Si l’on s’en tient au libellé des dispositions de l’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement no 1484/95, la réponse à cette question est simple : ces droits doivent être calculés sur la base du prix représentatif.
50. Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué dans la réponse à la troisième question, cette solution est, selon moi, illégale, en tout état de cause dans la mesure où elle prévoit l’application automatique et définitive du prix représentatif. Se pose ainsi la question de savoir comment les autorités douanières doivent procéder si elles nourrissent des doutes quant à la réalité du prix à l’importation caf déclaré par l’importateur.
51. Selon moi, la réponse à cette question est à trouver dans les dispositions générales du droit douanier relatives à la détermination de la valeur en douane des marchandises. Aux termes de l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 2913/92 ( 21 ), c’est la valeur transactionnelle qui détermine en principe la valeur en douane des marchandises. Toutefois, ce principe connaît une série d’exceptions, entre autres lorsque, comme en l’espèce, l’acquéreur (c’est-à-dire l’importateur) et le vendeur sont
liés. Dans un tel cas, les autorités douanières sont tenues de déterminer si ce lien a eu une incidence sur le prix ( 22 ).
52. S’il s’avère impossible d’admettre la valeur transactionnelle aux fins de déterminer la valeur en douane, les articles 30 et 31 du règlement no 2913/92 décrivent les méthodes subsidiaires de détermination de la valeur en douane des marchandises. Ces méthodes sont conformes à l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, figurant à l’annexe 1A de l’accord établissant l’Organisation mondiale du commerce, tout comme à
l’accord sur l’agriculture. En particulier, l’article 30, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2913/92 permet d’établir la valeur en douane des marchandises sur la base de la valeur transactionnelle de marchandises identiques importées sur le territoire douanier de l’Union. Il semble donc que, dans le cas des marchandises relevant du règlement no 1234/2007, la valeur des marchandises identiques peut être déterminée sur la base du prix représentatif, ce qui permettrait de calculer sur cette
base le montant des droits additionnels. Cela requiert toutefois que les autorités douanières procèdent aux constatations appropriées, sous contrôle judiciaire, et cela ne peut faire peser la charge de la preuve sur l’importateur ni entraîner une application automatique du prix représentatif en lieu et place du prix à l’importation caf. En particulier, aucune disposition, que ce soit du droit de l’Union ou du droit international, ne permet de rejeter le prix à l’importation déclaré par
l’importateur au seul motif que la marchandise a été ensuite vendue à un prix inférieur audit prix à l’importation. Une telle circonstance peut tout au plus constituer un motif pour contrôler la réalité du prix à l’importation déclaré.
53. Je propose donc de répondre à la deuxième question préjudicielle que, lorsque les autorités douanières remettent en cause la réalité du prix à l’importation caf déclaré par l’importateur, elles sont tenues de déterminer la base du calcul du montant des droits additionnels dont il est question à l’article 141 du règlement no 1234/2007, conformément aux articles 29 à 31 du règlement no 2913/92.
Conclusion
54. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante aux questions préjudicielles posées par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) :
1) L’article 3, paragraphes 2 à 5, du règlement (CE) no 1484/95 de la Commission, du 28 juin 1995, portant modalités d’application du régime relatif à l’application des droits additionnels à l’importation et fixant des droits additionnels à l’importation, dans les secteurs de la viande de volaille et des œufs ainsi que pour l’ovalbumine, et abrogeant le règlement no 163/67/CEE, est nul au regard de l’article 141, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007,
portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique »), et de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de l’accord sur l’agriculture, joint à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce.
2) Lorsque les autorités douanières remettent en cause la réalité du prix à l’importation caf déclaré par l’importateur, elles sont tenues de déterminer la base du calcul du montant des droits additionnels dont il est question à l’article 141 du règlement no 1234/2007, conformément aux articles 29 à 31 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire.
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( 1 ) Langue originale : le polonais.
( 2 ) D’autres affaires ayant pour objet les échanges internationaux de viande de volaille ont également permis de développer le droit de l’Union ; voir, par exemple, arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17).
( 3 ) Arrêt du 13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:681).
( 4 ) JO 1994, L 336, p. 1.
( 5 ) JO 1992, L 302, p. 1.
( 6 ) JO 2007, L 299, p. 1.
( 7 ) JO 1995, L 145, p. 47.
( 8 ) La notion de « prix caf » découle des règles internationales du commerce (Incoterms) publiées par Chambre de commerce internationale et elle inclut le prix de la marchandise, de l’assurance et du transport (Cost, Insurance & Freight).
( 9 ) Arrêt du 13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:681).
( 10 ) Il convient de souligner que cette possibilité était limitée aux situations où le prix à l’importation caf était supérieur au prix représentatif. Cela était justifié par cette logique, dès lors que, dans la situation inverse, l’importateur n’avait aucun intérêt à demander l’application du prix à l’importation caf – l’application du prix représentatif était plus avantageuse pour lui.
( 11 ) Arrêt du 13 décembre 2001 (C‑317/99, EU:C:2001:681).
( 12 ) Règlement du Conseil du 29 octobre 1975 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille (JO 1975, L 282, p. 77). Cette disposition a été remplacée par l’article 141, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007.
( 13 ) Arrêt du 13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:681, point 30).
( 14 ) Arrêt du 13 décembre 2001, Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:681, points 23 à 25).
( 15 ) Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Kloosterboer Rotterdam (C‑317/99, EU:C:2001:229, points 35 à 37).
( 16 ) Règlement de la Commission du 5 mars 1999 modifiant le règlement (CE) no 1484/95 (JO 1999, L 59, p. 15), article 1er, paragraphe 3.
( 17 ) Voir point 24 des présentes conclusions.
( 18 ) Conformément à l’article 4 du règlement no 1484/95.
( 19 ) Arrêt du 13 décembre 2001 (C‑317/99, EU:C:2001:681).
( 20 ) Cela est indiqué clairement à l’article 3, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement no 1484/95, aux termes duquel « la garantie constituée est libérée dans la mesure où les preuves relatives aux conditions d’écoulement sont apportées à la satisfaction des autorités douanières» (mise en italique par mes soins).
( 21 ) Ce règlement était en vigueur à l’époque des faits dans la procédure au principal. Actuellement, les dispositions relatives à la détermination de la valeur en douane des marchandises figurent aux articles 69 et suivants du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).
( 22 ) Article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2913/92.