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08/05/2019 | CJUE | N°C-243/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion contre Yosu Galocha., 08/05/2019, C-243/18


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2019 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Concours – Arrêt d’annulation – Étendue de l’annulation – Mise en balance des intérêts en présence – Annulation des listes de réserve – Annulation des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes »

Dans l’affaire C‑243/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 avril 2018,

Entreprise commune europ

enne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion, représentée par MM. G. Poszler et R. Hanak, en qualité d’agents,

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2019 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Concours – Arrêt d’annulation – Étendue de l’annulation – Mise en balance des intérêts en présence – Annulation des listes de réserve – Annulation des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes »

Dans l’affaire C‑243/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 avril 2018,

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion, représentée par MM. G. Poszler et R. Hanak, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Yosu Galocha, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Me A. Asmaryan Degtyareva, abogada,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas (rapporteur), L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, l’Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (ci-après « Fusion for Energy ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 janvier 2018, Galocha/Entreprise commune Fusion for Energy (T‑561/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:29), par lequel le Tribunal a notamment annulé les listes de réserve de la procédure de sélection F4E/CA/ST/FGIV/2015/001 ainsi que les décisions de Fusion for Energy d’engager des
lauréats figurant sur ces listes.

Les antécédents du litige et les décisions attaquées devant le Tribunal

2 Fusion for Energy, une « entreprise commune », au sens de l’article 45 du traité Euratom, a été instituée par la décision 2007/198/Euratom du Conseil, du 27 mars 2007 (JO 2007, L 90, p. 58). En vertu de l’article 4 de l’annexe à cette décision, intitulé « Personnalité juridique », cette entreprise a la personnalité juridique et possède, sur le territoire de chacun de ses membres, la capacité juridique la plus large accordée aux personnes morales par les législations nationales respectives.

3 M. Yosu Galocha, a travaillé dans les locaux de Fusion for Energy à Barcelone (Espagne) à partir du 23 avril 2014 en tant qu’agent intérimaire et, à partir du 5 mai 2015, en tant que sous-traitant externe. Au mois de février 2016, le contrat de Fusion for Energy avec l’entreprise pour laquelle M. Galocha travaillait a pris fin et, depuis cette date, ce dernier ne travaille plus dans les locaux de Fusion for Energy.

4 Le 5 février 2015, Fusion for Energy a publié, sur son site Internet, l’avis de vacance F4E/CA/ST/FGIV/2015/001, tendant à la constitution de deux listes de réserve de recrutement d’agents de soutien du contrôle des coûts, l’une, de quatre lauréats, pour son site de Barcelone et l’autre, de quatre lauréats également, pour son site de Cadarache (France).

5 Les lauréats devaient être recrutés en tant qu’agents contractuels au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), pour une durée, non renouvelable, de trois ans maximum. Au point 3 de l’avis de vacance en cause, en ce qui concerne les informations supplémentaires relatives à la procédure de sélection des agents contractuels, il était renvoyé à un guide à l’intention des candidats, mis en ligne sur le site Internet de Fusion for
Energy, ainsi qu’au RAA.

6 Le point 5 de ce guide, qui était disponible au cours de la procédure de sélection, était intitulé « Aperçu de la procédure de sélection ».

7 Il prévoyait, notamment, l’institution d’un comité de sélection.

8 Le point 5 de la section 1 dudit guide, intitulée « Évaluation des candidatures », prévoyait, à son troisième alinéa, que les candidats éligibles disposant des meilleurs profils devaient être invités à passer des épreuves orale et écrite. Le cinquième alinéa de ce point 5 précisait que des informations plus détaillées concernant la date, l’horaire et l’adresse auxquels auraient lieu ces épreuves orale et écrite seraient indiquées dans les convocations envoyées aux candidats éligibles. Enfin, il
ressortait du sixième alinéa dudit point 5 que, en fonction du nombre de candidats, ces derniers pouvaient être invités à passer les épreuves orale et écrite le même jour ou sur plusieurs jours.

9 Au point 5 de la section 2 du guide à l’intention des candidats, intitulée « Sélection », figuraient successivement les titres « Épreuve orale », « Épreuve écrite » et « Aspects procéduraux des épreuves ».

10 Sous ledit titre consacré à l’épreuve orale, il était indiqué que cette épreuve était conçue dans le but d’aider les membres du comité de sélection à évaluer la présentation générale et la motivation du candidat, son aptitude à l’exercice des tâches décrites sous le titre « Responsabilités » de l’avis de vacance en cause, ses connaissances spécialisées dans le domaine en question, sa capacité à s’exprimer dans les langues de travail de Fusion for Energy et sa capacité d’adaptation à un
environnement multiculturel.

11 Sous son titre intitulé « Épreuve écrite », ledit point 5 prévoyait que, lors de cette épreuve, seraient prises en compte les compétences spécifiques propres au poste vacant pour lequel la procédure de sélection avait été lancée, la qualité de l’expression écrite du candidat et sa présentation ainsi que ses aptitudes générales et ses capacités linguistiques dans la mesure où elles étaient nécessaires pour l’exécution de ses tâches.

12 Sous ledit titre « Aspects procéduraux des épreuves », deuxième alinéa, il était indiqué que l’évaluation des candidats serait achevée uniquement lorsque chacun d’entre eux aurait participé aux deux épreuves, orale et écrite, et que cette évaluation était fondée sur le résultat atteint dans le cadre de ces deux épreuves. Le cinquième alinéa rappelait, notamment, que tout contact avec les membres du comité de sélection était interdit.

13 Le 26 février 2015, M. Galocha a déposé sa candidature pour la procédure de sélection déclenchée par l’avis de vacance en cause.

14 Par courriel du 17 avril 2015, l’unité des ressources humaines de Fusion for Energy a convoqué M. Galocha à un entretien. Dans une lettre annexée à ce courriel, il a été informé du fait que l’entretien aurait une durée approximative de 45 minutes et qu’il se déroulerait principalement en anglais, dans le but d’aider les membres du comité de sélection à évaluer sa présentation générale et sa motivation, son aptitude à l’exercice des tâches décrites sous le titre « Responsabilités » de l’avis de
vacance en cause, ses connaissances spécialisées dans le domaine en question, sa capacité à s’exprimer dans les langues de travail de Fusion for Energy et sa capacité d’adaptation à un environnement multiculturel. Aucune référence à une épreuve écrite ne se trouvait dans cette lettre.

15 Le 11 mai 2015, M. Galocha a participé à l’épreuve orale de la procédure de sélection en cause.

16 Aucune invitation à une épreuve écrite ne lui a été envoyée ni aux autres candidats.

17 Par courriel du 4 juin 2015, le chef de l’unité des ressources humaines de Fusion for Energy a informé M. Galocha, au nom du comité de sélection, que, au vu des épreuves orale et écrite auxquelles il avait participé, le comité de sélection avait décidé de ne pas inscrire son nom sur les listes de réserve.

18 Le même jour, M. Galocha a introduit une demande de réexamen de cette décision auprès du comité de sélection, dans laquelle, faisant valoir qu’aucune épreuve écrite n’avait été organisée, il demandait l’annulation des résultats de la sélection opérée sur la seule base de l’épreuve orale et la réorganisation de l’épreuve écrite avant que le comité de sélection ne prenne une décision finale.

19 Également le même jour, M. Galocha a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 117 du RAA, auprès de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), à savoir le directeur de Fusion for Energy. Sa réclamation reposait sur le même argument et les mêmes demandes d’annulation et de réorganisation présentées
devant ledit comité de sélection.

20 Par courriel du 3 juillet 2015, le comité de sélection a rejeté la demande de réexamen de M. Galocha.

21 Les listes de réserve établies sur la base des résultats de la procédure de sélection en cause contenaient chacune les noms de quatre lauréats. Le nom de M. Galocha n’en faisait pas partie.

22 Le 25 juin 2015, l’un des lauréats figurant sur ces listes s’est vu adresser une offre d’emploi par Fusion for Energy. Il a pris ses fonctions le 1er août 2015 à Cadarache. Le 10 juillet 2015, un autre de ces lauréats s’est vu adresser une offre d’emploi par Fusion for Energy. Il a pris ses fonctions le 1er novembre 2015 à Cadarache.

La procédure en première instance

23 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, le 18 août 2015, M. Galocha a introduit un recours dans lequel il demandait au Tribunal de la fonction publique :

– d’annuler la procédure de sélection pour les postes d’agent de soutien du contrôle des coûts, organisée par Fusion for Energy, référencée sous le numéro F4E/CA/ST/FGIV/2015/001 ;

– d’annuler les listes de réserve établies à la suite de la procédure de sélection en cause ;

– d’annuler la nomination des candidats choisis en tant que titulaires des postes vacants et l’entrée en fonction des candidats proposés par le comité de sélection et choisis par le directeur de Fusion for Energy ;

– de reconnaître le bien-fondé de l’organisation d’une nouvelle procédure de sélection pour les postes d’agent de soutien du contrôle des coûts ;

– de reconnaître le caractère opportun de l’épreuve écrite dans le cadre de la nouvelle procédure de sélection pour les postes d’agent de soutien du contrôle des coûts et de reconnaître le bien-fondé de son organisation immédiate afin de choisir les candidats ;

– de déclarer abusive et d’infirmer la possibilité pour Fusion for Energy de ne pas organiser l’épreuve écrite, dans le cadre des procédures de sélection, qu’elle a prévue dans la version actualisée du guide à l’intention des candidats ;

– d’ordonner toute mesure jugée opportune afin de réorganiser la procédure de sélection en conformité avec les règles établies dans l’avis de vacance en cause et avec les règles exposées dans le guide à l’intention des candidats mentionné dans ledit avis, l’organisation des épreuves orale et écrite étant obligatoire, et

– de condamner Fusion for Energy aux dépens.

24 Conformément à l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du 21 mai 2014 du Tribunal de la fonction publique (JO 2014, L 206, p. 1), un avis a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 5 octobre 2015 (JO 2015, C 328, p. 37), indiquant la date du dépôt de la requête, le nom de la partie défenderesse, l’objet et la description du litige ainsi que les conclusions de la requête.

25 Par une requête en référé déposée également le 18 août 2015, M. Galocha a demandé au président du Tribunal de la fonction publique d’ordonner le sursis à exécution des décisions par lesquelles Fusion for Energy a nommé des agents de soutien du contrôle des coûts ainsi que, à titre subsidiaire, d’ordonner la suspension de l’exercice des fonctions desdits agents dans l’hypothèse où ceux-ci les assumeraient déjà.

26 Le 20 août 2015, la procédure dans l’affaire au principal a été suspendue en application de l’article 91, paragraphe 4, seconde phrase, du statut, dans l’attente d’une réponse à la réclamation introduite par M. Galocha. Celle-ci a été rejetée le 30 septembre 2015.

27 Dans sa demande en référé, M. Galocha avait notamment fait valoir que, en cas d’annulation des nominations contestées, les agents ayant bénéficié de ces nominations tireraient avantage, lors de la nouvelle procédure de sélection qui serait organisée, des connaissances théoriques et pratiques qu’ils auraient acquises, depuis leur nomination, dans le cadre de leurs fonctions. Selon M. Galocha, il existerait, en outre, « un risque éventuel » que Fusion for Energy réserve un traitement de faveur,
lors de la nouvelle procédure de sélection, aux agents en question, car il serait avantageux pour elle de recruter un candidat ayant déjà acquis une expérience dans le poste à occuper.

28 La demande en référé a été rejetée par ordonnance du 1er octobre 2015, Galocha/Entreprise commune Fusion for Energy (F‑117/15 R, EU:F:2015:114), et les dépens ont été réservés. Dans cette ordonnance, le président du Tribunal de la fonction publique a constaté que, « à première vue », le moyen soulevé par M. Galocha tiré d’une méconnaissance de l’avis de vacance en cause et du guide à l’intention des candidats était fondé et qu’il existait donc un fumus boni juris. Au point 30 de cette ordonnance,
ledit président a relevé que « l’illégalité constatée prima facie ne concerne pas uniquement la situation [de M. Galocha], mais affecte la procédure de sélection dans son intégralité ».

29 Dans ladite ordonnance, le président du Tribunal de la fonction publique a statué comme suit :

« 29 Selon une jurisprudence constante, les décisions prises à la suite d’un concours organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement ne sont pas de nature à causer un préjudice irréparable à un candidat désavantagé par une irrégularité commise lors de celui‑ci, car, lorsque, dans le cadre d’un tel concours, une épreuve est jugée illégale, les droits d’un candidat sont adéquatement protégés si le jury et l’[Autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN)] reconsidèrent leurs
décisions et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui‑ci (ordonnance du 1er février 2007, Bligny/Commission, F‑142/06 R, EU:F:2007:20, point 24, et la jurisprudence citée).

30 La jurisprudence mentionnée au point précédent concerne cependant les suites de concours généraux et non les suites d’épreuves de sélection plus limitées telles que celle à laquelle [M. Galocha] a participé. En outre, si, dans sa requête au principal, celui‑ci a demandé l’annulation de la liste de réserve et des nominations intervenues, il ressort des faits de la cause que la procédure de sélection litigieuse a seulement conduit à la constitution de deux listes de réserve comportant au total
huit lauréats et à la nomination de l’un d’entre eux, une seconde nomination étant en cours au moment de l’introduction de la présente demande. De plus, l’illégalité constatée prima facie ne concerne pas uniquement la situation [de M. Galocha], mais affecte la procédure de sélection dans son intégralité. Par conséquent, la jurisprudence [issue de l’ordonnance du 1er février 2007, Bligny/Commission (F‑142/06 R, EU:F:2007:20)], qui est fondée sur le principe de proportionnalité, ne saurait
s’appliquer en l’occurrence et conduire au rejet de la demande de sursis à exécution pour défaut d’urgence.

31 Cela étant, les instances amenées à recommencer ou à reprendre une procédure de sélection après un arrêt d’annulation des nominations intervenues à l’issue de cette procédure ne peuvent pas tenir compte, dans l’appréciation des titres et mérites des candidats, de l’expérience acquise par ceux‑ci dans l’exercice des fonctions inhérentes à leur nomination annulée. En effet, en pareille hypothèse, l’ancienneté et l’expérience acquises par les lauréats nommés, dont la nomination aura été annulée,
seront censées n’avoir jamais existé. En cas de reprise de la procédure de sélection, il incombe au contraire auxdites instances de veiller, dans leurs appréciations des mérites des candidats, à ne pas octroyer aux intéressés un avantage indu. Quant au “risque éventuel” que l’AHCC réserve un traitement de faveur aux agents nommés à l’issue de la procédure de sélection litigieuse, il s’agit d’une simple affirmation et il ne peut être présumé que l’AHCC agirait illégalement en tenant compte de
l’expérience acquise par les bénéficiaires de nominations annulées. »

30 Le 1er octobre 2015, le Tribunal de la fonction publique a levé la suspension de la procédure dans l’affaire au principal.

31 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016.

32 Dans son mémoire en défense, Fusion for Energy a indiqué que seulement deux candidats avaient reçu un contrat, l’un ayant pris ses fonctions le 1er août 2015 et le second, le 1er novembre 2015. Elle a, par ailleurs, signalé que, à la suite de la demande de mesures provisoires, elle avait décidé de surseoir à l’exploitation des listes de réserve dans l’attente d’une décision dans l’affaire en cause. En réponse à une demande du Tribunal, Fusion for Energy a précisé qu’il n’existait qu’une seule
liste de réserve divisée en deux volets, l’un concernant les candidats destinés à Barcelone et l’autre concernant ceux destinés à Cadarache et que les mêmes lauréats étaient inscrits sur chacun de ces volets.

33 Une audience a été tenue le 14 septembre 2017.

L’arrêt attaqué

34 Le Tribunal a considéré que, en procédant à une évaluation de M. Galocha et des autres candidats éligibles sans avoir organisé une épreuve écrite, le comité de sélection n’avait pas observé les modalités prévues dans l’avis de vacance concerné, alors qu’il était tenu de le respecter, si bien que la procédure de sélection en cause était entachée d’une irrégularité.

35 Par conséquent, il a annulé la décision du comité de sélection de ne pas inscrire le nom de M. Galocha sur les listes de réserve de la procédure de sélection F4E/CA/ST/FGIV/2015/001.

36 S’agissant des chefs de conclusions par lesquels M. Galocha demandait l’annulation des listes de réserve établies à la suite de la procédure de sélection et l’annulation des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes, le Tribunal a, au point 65 de l’arrêt attaqué, rappelé que, en principe, il convient de rétablir la situation juridique dans laquelle M. Galocha se trouvait antérieurement à l’illégalité commise par le comité de sélection.

37 Au point 66 de l’arrêt attaqué, il a rappelé que, lorsque le rétablissement de la situation antérieure implique non seulement l’annulation d’un acte destiné à la partie requérante et lui faisant grief, mais également l’annulation d’actes subséquents destinés à des tiers et leur étant favorables, l’annulation de ces actes subséquents n’est prononcée par voie de conséquence que si, compte tenu, notamment, de l’illégalité commise, des intérêts des tiers et de l’intérêt du service, elle n’apparaît
pas excessive (arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 85).

38 S’agissant de l’intérêt des tiers, le Tribunal a également rappelé, au point 67 de l’arrêt attaqué, que, eu égard au principe de proportionnalité et au principe de protection de la confiance légitime, il convient de tenir compte de leur confiance légitime, qui peut se rattacher notamment à l’inscription de leur nom sur la liste de réserve et à leur nomination au poste à pourvoir (arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 86) ou, le cas échéant, à la décision de leur
faire une offre d’emploi.

39 Aux points 68 et 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié comme suit la situation en cause :

« 68 Or, dans les circonstances de l’espèce, les lauréats dont les noms figuraient sur les listes de réserve, y compris ceux qui ont reçu des offres d’emplois de la part de Fusion for Energy, ne sauraient invoquer une confiance légitime. En effet, l’avis de vacance en cause prévoyait qu’une épreuve écrite aurait lieu. Or, les listes de réserve ont été établies et les offres d’emploi ont été envoyées sans que ces candidats aient été soumis à une telle épreuve.

69 Par ailleurs, eu égard à la nature de l’irrégularité, il ne saurait pas non plus être considéré qu’une annulation des listes de réserve et des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes serait excessive au vu de l’intérêt du service. En effet, d’une part, l’irrégularité a affecté l’évaluation de l’ensemble des candidats et il ne peut donc pas y être remédié par des mesures concernant uniquement [M. Galocha]. D’autre part, la présente procédure de sélection n’a qu’une dimension
très limitée. »

40 En conséquence, le Tribunal a fait droit aux demandes de M. Galocha et a annulé les listes de réserve de la procédure de sélection F4E/CA/ST/FGIV/2015/001 ainsi que les décisions de Fusion for Energy d’engager des lauréats figurant sur ces listes de réserve. Il a rejeté le recours pour le surplus et a condamné Fusion for Energy aux dépens.

Conclusions du pourvoi

41 Par son pourvoi, Fusion for Energy demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué en ce que, par celui-ci, le Tribunal a annulé les listes de réserve de la procédure de sélection F4E/CA/ST/FGIV/2015/001 ainsi que les décisions de Fusion for Energy d’engager des lauréats figurant sur ces listes de réserve et

– de condamner M. Galocha à supporter les dépens afférents à la procédure de pourvoi et les dépens de l’instance, dans la mesure où l’arrêt définitif de la Cour prononce l’annulation.

42 M. Galocha, requérant en première instance, n’a pas présenté de mémoire en réponse au pourvoi.

Sur le pourvoi

43 Au soutien de son pourvoi, Fusion for Energy soulève un moyen unique tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Selon elle, le Tribunal a erronément prononcé l’annulation des listes de réserve constituées à l’issue de la procédure de sélection contestée et des décisions d’engager des personnes figurant sur cette liste de réserve.

Sur la première branche du moyen unique

Argumentation de la partie requérante

44 Par la première branche de son moyen unique, Fusion for Energy fait valoir que le Tribunal n’a pas respecté le principe de proportionnalité, consacré par la jurisprudence, selon lequel, dans le cas de concours en vue de la sélection de fonctionnaires, l’annulation de l’ensemble des résultats constitue, en principe, une sanction excessive de l’illégalité commise, et ce quelle que soit la nature de l’irrégularité et l’ampleur de ses conséquences sur les résultats du concours. En revanche, ce ne
serait qu’en matière de promotion que le juge de l’Union européenne procède à un examen au cas par cas.

45 Fusion for Energy soutient qu’un tel principe aurait dû être appliqué en l’espèce, eu égard à la similarité entre la sélection de fonctionnaires et celle d’autres agents. En effet, ces procédures poursuivraient le même objectif, dans la mesure où elles constituent le début de la relation entre l’institution de l’Union et le candidat, à la différence d’une décision de promotion, qui ne modifie pas la relation entre un fonctionnaire et son institution.

Appréciation de la Cour

46 Ainsi que l’a rappelé la Cour, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, de telle sorte qu’il lui incombe de prendre en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais
également la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, EU:C:1993:284, point 14, ainsi que du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 83).

47 Pour ce faire, cette juridiction doit prendre en considération la nature de l’irrégularité en cause et ses effets, de même que les différentes mesures envisageables en vue de concilier la nécessité de rétablir le requérant lésé dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service. Ainsi que l’a relevé à juste titre le président du Tribunal de la fonction publique lors de la procédure de référé dans le présent litige (ordonnance du 1er octobre 2015, Galocha/Entreprise commune Fusion for
Energy, F‑117/15 R, EU:F:2015:114, point 30), le nombre de personnes affectées par l’irrégularité de la procédure de sélection et le nombre de lauréats sont des éléments qui peuvent être pertinents pour cette appréciation.

48 Il ressort de cette jurisprudence que les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union doivent être dégagées en tenant compte des circonstances spécifiques à chaque situation particulière. Il s’ensuit qu’il n’existe pas de règle de droit selon laquelle les résultats de concours ne pourraient jamais être annulés, car une telle annulation constituerait nécessairement une conséquence excessive de l’irrégularité commise.

49 Cette conclusion est confortée par la jurisprudence récente de la Cour, notamment par l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249, point 86), par lequel la Cour a annulé non seulement un appel à manifestation d’intérêt pour des postes de chauffeurs en raison des conditions discriminatoires imposées quant aux connaissances linguistiques des candidats, mais également la base de données contenant les noms des candidats susceptibles d’être
recrutés, car celle-ci pouvait être considérée comme étant affectée par ces mêmes conditions discriminatoires.

50 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’annulation, par le Tribunal, de l’ensemble des résultats du concours n’est pas, dans les circonstances de l’espèce, entachée d’une erreur de droit.

51 Par conséquent, la première branche du moyen unique soulevé par Fusion for Energy doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la deuxième branche du moyen unique

Argumentation de la partie requérante

52 Par la deuxième branche de son moyen unique, Fusion for Energy fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en ce qui concerne la qualification de la nature de l’illégalité commise par elle dans l’appréciation des conséquences de cette illégalité. Elle souligne que tous les participants à la procédure de sélection ont été traités de manière identique, que l’erreur n’a pas eu d’incidence sur les critères de sélection et qu’elle aurait été en droit d’organiser une procédure de sélection sans
épreuve écrite. Il ne s’agirait donc pas d’une illégalité substantielle, telle que celle visée dans l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), justifiant l’annulation des actes subséquents concernant des tiers.

53 Fusion for Energy critique la position adoptée par le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a considéré que l’annulation des décisions subséquentes n’était pas une mesure excessive, car l’irrégularité commise avait affecté l’évaluation de l’ensemble des candidats. Elle fait valoir que cette irrégularité peut ne pas avoir eu d’effets sur certains candidats, ou avoir eu des effets tant négatifs que positifs. Les circonstances ne seraient donc pas comparables à celles d’un
concours annulé pour une violation des règles linguistiques ayant favorisé certains candidats par rapport à d’autres.

Appréciation de la Cour

54 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’illégalité de la procédure de sélection reprochée à Fusion for Energy consiste non pas en une discrimination des candidats à cette procédure, mais bien, ainsi qu’il ressort du point 46 de l’arrêt attaqué, dans le fait que le comité de sélection n’a pas observé les modalités prévues dans l’avis de vacance qu’il était tenu de respecter.

55 Par ailleurs, Fusion for Energy n’a pas démontré que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsque, à l’argument selon lequel Fusion for Energy aurait été en droit d’organiser une procédure de sélection sans épreuve écrite, il a répondu, au point 53 de l’arrêt attaqué, que c’était l’avis de vacance en cause qui constituait le cadre légal au regard duquel elle devait procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats et non l’avis qu’elle voulait ou aurait pu publier.

56 En outre, ainsi qu’il ressort du point 14 du présent arrêt, M. Galocha a été convoqué, par courriel du 17 avril 2015, à un entretien organisé dans le but d’aider les membres du comité de sélection à évaluer sa présentation générale et sa motivation, son aptitude à l’exercice des tâches décrites sous le titre « Responsabilités » de l’avis de vacance en cause, ses connaissances spécialisées dans le domaine en question, sa capacité à s’exprimer dans les langues de travail de Fusion for Energy et sa
capacité d’adaptation à un environnement multiculturel. Ces critères correspondent aux critères de l’épreuve orale décrits dans le guide à l’intention des candidats, mentionné au point 10 du présent arrêt.

57 Or, ainsi qu’il est rappelé au point 11 du présent arrêt, il était prévu dans le guide à l’intention des candidats que, lors de l’épreuve écrite, seraient prises en compte les compétences spécifiques propres au poste vacant pour lequel la procédure de sélection avait été lancée, la qualité de l’expression écrite du candidat et sa présentation ainsi que ses aptitudes générales et ses capacités linguistiques dans la mesure où elles étaient nécessaires pour l’exécution de ses tâches.

58 Il résulte de ce qui précède que chaque épreuve poursuivait des finalités différentes, de telle sorte que, aucune épreuve écrite n’ayant eu lieu, les candidats ont été évalués seulement sur la base d’une partie des éléments devant être pris en considération selon ledit guide.

59 Par conséquent, la critique formulée par Fusion for Energy, concernant le point 69 de l’arrêt attaqué, ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle l’irrégularité commise a affecté l’évaluation de l’ensemble des candidats. En effet, l’absence d’effets ou l’existence d’effets négatifs ou positifs résultant de l’organisation d’une épreuve écrite auraient pu avoir pour conséquences des différences de sélection ou de classement des candidats inscrits sur les listes de réserve.

60 Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la troisième branche du moyen unique

Argumentation de la partie requérante

61 Par la troisième branche de son moyen unique, Fusion for Energy fait valoir que le Tribunal n’a pas procédé correctement à la mise en balance des intérêts de M. Galocha, des candidats employés ou figurant sur les listes de réserve, ainsi que de l’intérêt du service. S’agissant de M. Galocha, l’arrêt attaqué n’aurait aucun effet positif à son égard, dès lors qu’il n’a pas demandé de dommages et intérêts et que le Tribunal n’a pas fait droit à la demande d’organisation d’une nouvelle procédure de
sélection. En revanche, les tiers subiraient les effets négatifs de l’arrêt attaqué. En effet, il devrait être mis fin aux contrats conclus avec certains d’entre eux et les autres candidats perdraient leur place sur les listes de réserve.

62 Fusion for Energy reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 68 de l’arrêt attaqué, que les lauréats dont les noms figuraient sur les listes de réserve, y compris ceux qui ont reçu des offres d’emplois de la part de Fusion for Energy, ne sauraient invoquer une confiance légitime, dès lors que l’avis de vacance en cause prévoyait qu’une épreuve écrite aurait lieu et qu’aucune épreuve de cette sorte n’avait eu lieu avant que les offres d’emploi n’aient été envoyées.

63 Un tel argument, fondé sur le fait que ces candidats devaient avoir conscience de l’illégalité commise puisqu’ils n’avaient pas présenté d’épreuve écrite, irait à l’encontre de la jurisprudence selon laquelle des décisions favorables à des tiers n’ont pas été annulées dans des circonstances où l’erreur commise par l’administration était bien plus grave que celle commise pas Fusion for Energy. Cette dernière cite, à cet égard, les arrêts du 5 juin 1980, Oberthür/Commission (24/79, EU:C:1980:145),
et du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752). Fusion for Energy fait valoir que, dans la présente affaire, elle a enfreint ses propres règles, à savoir le guide à l’intention des candidats, et non des règles occupant un rang supérieur dans la hiérarchie des normes, mieux connues des candidats qui peuvent dès lors se rendre compte de l’existence de l’illégalité.

64 S’agissant de l’intérêt du service, Fusion for Energy fait valoir que le fait de devoir résilier le contrat d’un agent, qui devra se réinstaller dans un autre État membre, menace manifestement de détériorer le climat social de l’institution concernée.

Appréciation de la Cour

65 Ainsi qu’il ressort, en substance, de la jurisprudence citée aux points 46 et 47 du présent arrêt, lorsque le rétablissement de la situation antérieure à un acte annulé implique l’annulation d’actes subséquents, mais concernant des tiers, une telle annulation n’est prononcée par voie de conséquence que si, compte tenu, notamment, de la nature de l’illégalité commise et de l’intérêt du service, elle n’apparaît pas excessive. En effet, les principes de proportionnalité et de protection de la
confiance légitime imposent de concilier l’intérêt de la partie victime de l’illégalité, à être rétablie dans son droit et les intérêts des tiers, dont la situation juridique a pu faire naître, dans leur chef, une confiance légitime.

66 En l’espèce, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a constaté, au point 68 de l’arrêt attaqué, que les lauréats dont les noms figuraient sur les listes de réserve, y compris ceux qui ont reçu des offres d’emploi de la part de Fusion for Energy, ne sauraient invoquer une confiance légitime, dès lors que l’avis de vacance en cause prévoyait qu’une épreuve écrite aurait lieu alors que les listes de réserve ont été établies et les offres d’emploi ont été envoyées sans que ces
candidats aient été soumis à une telle épreuve.

67 Au surplus, il y a lieu de rappeler que M. Galocha avait introduit un recours en annulation, dont l’objet et les conclusions ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne du 5 octobre 2015 (JO 2015, C 328, p. 37), ainsi qu’une demande en référé qui a donné lieu à une ordonnance du président du Tribunal de la fonction publique du 1er octobre 2015, Galocha/Entreprise commune Fusion for Energy (F‑117/15 R, EU:F:2015:114), à savoir antérieure à la prise de fonctions de l’un des lauréats,
ordonnance dans laquelle le président de cette juridiction indiquait que, « à première vue », le moyen soulevé par M. Galocha, tiré d’une méconnaissance de l’avis de vacance en cause et du guide à l’intention des candidats, était fondé.

68 Quant à l’intérêt du service, il a été pris en considération par le Tribunal lorsque celui-ci a estimé, au point 69 de l’arrêt attaqué, que l’annulation des listes de réserve et des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes ne saurait être considérée comme étant une conséquence excessive de l’annulation de la procédure de sélection, dès lors que l’irrégularité en cause a affecté l’évaluation de l’ensemble des candidats et qu’il ne peut donc pas y être remédié par des mesures
concernant uniquement M. Galocha. En outre, le Tribunal a tenu compte de la dimension très limitée de la procédure de sélection, ce qui laisse entendre qu’une reprise de la procédure de sélection ou une nouvelle procédure pouvait être considérée comme étant aisée.

69 S’agissant des considérations de Fusion for Energy relatives à l’absence d’effet positif de l’arrêt attaqué au profit de M. Galocha, dans la mesure où celui-ci n’avait pas demandé des dommages et intérêts et ses conclusions visant à l’organisation d’une nouvelle procédure de sélection étaient rejetées, il y a lieu de relever que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rappelant, au point 74 de cet arrêt, que, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE et de
l’article 91 du statut, le juge de l’Union n’est pas compétent pour adresser à l’administration des injonctions (voir, en ce sens, arrêt du 9 août 1994, , C‑412/92 P, EU:C:1994:308, point 71). Néannmoins, si le Tribunal ne pouvait donc pas faire droit à la demande d’organisation d’une nouvelle procédure de sélection, cet aspect n’est pas capable, à lui seul, d’ôter à M. Galocha tout intérêt à voir prononcer l’annulation de la procédure de sélection concernée.

70 À cet égard, il convient de rappeler, en ce qui concerne l’octroi de dommages et intérêts, que, selon une jurisprudence constante, l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut confère au Tribunal, dans les litiges à caractère pécuniaire, une compétence de pleine juridiction dans le cadre de laquelle il est investi du pouvoir, s’il y a lieu, de condamner d’office la partie défenderesse au paiement d’une indemnité pour le préjudice causé par sa faute et, dans un tel cas, d’évaluer, compte
tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi ex aequo et bono (voir, notamment, arrêts du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, EU:C:1980:145, point 14 ; du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 58, et du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44).

71 Toutefois, il ressort des conclusions déposées par M. Galocha que celui-ci souhaitait l’annulation des résultats de la procédure de sélection afin d’avoir la possibilité de participer à la procédure qui serait recommencée ou reprise, et non des dommages et intérêts. Par ailleurs, le Tribunal, en annulant, d’une part, la décision de ne pas inscrire le nom de M. Galocha sur les listes de réserve et, d’autre part, ces listes de réserve ainsi que les décisions d’engager des lauréats figurant sur ces
listes, a implicitement considéré que, en l’espèce, il convenait de rétablir la situation juridique dans laquelle M. Galocha se trouvait antérieurement à l’illégalité commise plutôt que de lui accorder des dommages et intérêts.

72 S’agissant des deux candidats figurant sur les listes de réserve, il convient de relever que, si la requérante avait recommencé ou repris une procédure de sélection respectant l’avis de vacance, ils auraient eu la possibilité d’y participer. Concernant les candidats employés par la requérante, il y a lieu de relever que, bien qu’un pourvoi n’ait pas d’effet suspensif, conformément à l’article 60, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante n’a pas demandé
de sursis à l’exécution de la décision du Tribunal. Par ailleurs, ainsi qu’il a été constaté, au point 68 du présent arrêt, les lauréats ne sauraient, en l’espèce, invoquer une confiance légitime, laquelle est particulièrement pertinente dans l’appréciation des intérêts des tiers. En tout état de cause, les deux premiers contrats ayant pris effet, l’un, le 1er août 2015 et, l’autre, le 1er novembre 2015 avaient une durée, non renouvelable, de trois ans. Il s’ensuit que le moyen tiré d’une
protection des deux lauréats employés par la requérante a perdu tout intérêt.

73 Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a déterminé les intérêts à prendre en considération, les a mis en balance, a conclu que la décision d’annuler les listes de réserve de la procédure de sélection et les décisions de Fusion for Energy d’engager des lauréats figurant sur ces listes de réserve n’était pas une conséquence excessive de l’annulation de la procédure de sélection et a décidé d’accueillir les deuxième et troisième chefs de
conclusions de M. Galocha.

74 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

75 Le moyen unique n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

76 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

77 M. Galocha n’ayant pas présenté de mémoire en réponse, Fusion for Energy supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) L’Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-243/18
Date de la décision : 08/05/2019
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Concours – Arrêt d’annulation – Étendue de l’annulation – Mise en balance des intérêts en présence – Annulation des listes de réserve – Annulation des décisions d’engager des lauréats figurant sur ces listes.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion
Défendeurs : Yosu Galocha.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Rosas

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:378

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