CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 4 avril 2019 ( 1 )
Affaire C‑686/17
Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main eV
contre
Prime Champ Deutschland Pilzkulturen GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Organisation commune des marchés – Fruits et légumes – Champignons de couche – Normes de commercialisation – Indication du pays d’origine – Notion de “pays d’origine” – Pays de récolte – Règlement (CE) no 1234/2007 – Article 113 bis, paragraphe 1 – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 76, paragraphe 1 – Définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises – Règlement (CE) no 2913/92 – Article 23, paragraphes 1 et 2 – Règlement (CE) no 952/2013 – Article 60,
paragraphe 1 – Règlement délégué (UE) 2015/2446 – Article 31, sous b) – Étapes de la production effectuées dans un autre État membre – Étiquetage des denrées alimentaires – Interdiction d’un étiquetage de nature à induire en erreur – Directive 2000/13/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a), i) – Règlement (UE) no 1169/2011 – Article 7, paragraphe 1, sous a) – Article 1er, paragraphe 4 – Article 2, paragraphe 3 – Mentions explicatives »
I. Introduction
1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a soulevé quatre questions portant sur l’interprétation de plusieurs dispositions du droit de l’Union relatives au pays d’origine des fruits et légumes destinés à être vendus à l’état frais au consommateur.
2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un recours en « Revision » opposant la Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main eV (Bureau de lutte contre la concurrence déloyale, ci‑après la « Zentrale ») à Prime Champ Deutschland Pilzkulturen GmbH (ci‑après « Prime Champ »), au sujet d’une action tendant à faire cesser la commercialisation par cette dernière de champignons de couche récoltés en Allemagne avec l’étiquetage « Origine : Allemagne ».
3. La Zentrale considère que l’utilisation par Prime Champ de cet étiquetage sans ajouter des mentions explicatives est trompeuse au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13/CE ( 2 ) et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 1169/2011 ( 3 ) qui interdisent d’induire en erreur le consommateur en ce qui concerne les informations sur les denrées alimentaires, lorsque des étapes substantielles de production et de culture des champignons de couche n’ont
pas lieu en Allemagne.
4. Dans ce contexte, par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, s’il peut être reproché à une entreprise, en vertu de l’interdiction d’induire en erreur le consommateur mentionnée ci‑dessus, d’avoir fourni une indication du pays d’origine d’une denrée alimentaire sans mentions explicatives compte tenu du fait que des étapes substantielles de production de cette denrée ont lieu dans d’autres États membres, et alors même que l’entreprise ne serait pas
tenue de fournir de telles informations en vertu de dispositions particulières du droit de l’Union en matière d’étiquetage. J’estime que tel n’est pas le cas.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La réglementation agricole
a) Le règlement no 1234/2007
5. L’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 ( 4 ) prévoit :
« Les produits appartenant au secteur des fruits et légumes qui sont destinés à être vendus à l’état frais au consommateur, ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué. »
b) Le règlement no 1308/2013
6. Le règlement no 1234/2007 a été remplacé par le règlement (UE) no 1308/2013 ( 5 ). Les dispositions pertinentes de ce dernier en l’espèce sont applicables depuis le 1er janvier 2014 ( 6 ). L’article 76, paragraphe 1, de ce règlement reprend, en substance, le contenu de l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007.
2. La réglementation douanière
a) Le règlement no 2913/92
7. L’article 23 du règlement (CEE) no 2913/92 ( 7 ) (ci-après « le code des douanes communautaire ») dispose :
« 1. Sont originaires d’un pays, les marchandises entièrement obtenues dans ce pays.
2. On entend par marchandises entièrement obtenues dans un pays :
[...]
b) les produits du règne végétal qui y sont récoltés ;
[...] »
b) Le règlement no 952/2013
8. Le code des douanes communautaire a été remplacé par le règlement (UE) no 952/2013 ( 8 ) (ci-après « le code des douanes de l’Union »). Les dispositions pertinentes de ce dernier en l’espèce sont applicables depuis le 1er juin 2016 ( 9 ).
9. Le chapitre 2 du code des douanes de l’Union est intitulé « Origine des marchandises ». La section 1 dudit chapitre est intitulée « Origine non préférentielle ». L’article 59, définissant le champ d’application de cette section 1, prévoit :
« Les articles 60 et 61 fixent les règles pour la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises aux fins de l’application :
[...]
c) d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises ».
10. Son article 60, intitulé « Acquisition de l’origine », reprend, en substance, le contenu de l’article 23, paragraphe 1, du code des douanes communautaire.
c) Le règlement délégué 2015/2446
11. Le règlement délégué (UE) 2015/2446 ( 10 ) est applicable depuis le 1er mai 2016 ( 11 ). Son article 31, sous b), reprend, en substance, le contenu de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire.
3. La réglementation relative à la protection des consommateurs
a) La directive 2000/13
12. L’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 prévoit que l’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à induire l’acheteur en erreur, notamment sur l’origine de la denrée alimentaire.
b) Le règlement no 1169/2011
13. La directive 2000/13 a été remplacée par le règlement no 1169/2011 qui est applicable depuis le 13 décembre 2014 ( 12 ).
14. L’article 1er, paragraphe 4, de ce règlement prévoit :
« Le présent règlement s’applique sans préjudice des exigences d’étiquetage prévues par des dispositions particulières de l’Union applicables à certaines denrées alimentaires. »
15. L’article 2, paragraphe 3, dudit règlement prévoit :
« Aux fins du présent règlement, le pays d’origine d’une denrée alimentaire se réfère à l’origine de la denrée, telle que définie conformément aux articles 23 à 26 du [code des douanes communautaire].» ( 13 )
16. L’article 7, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement, qui reprend, en substance, le contenu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13, est rédigé comme suit :
« Les informations sur les denrées alimentaires n’induisent pas en erreur, notamment :
a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, le pays d’origine ou le lieu de provenance, le mode de fabrication ou d’obtention de cette denrée ; »
B. Le droit allemand
17. En 2013, la version applicable de l’article 11, paragraphe 1, première et deuxième phrases, point 1, du Lebensmittel-, Bedarfsgegenstände- und Futtermittelgesetzbuch (code allemand sur les denrées alimentaires, les produits de consommation courante et les denrées destinées à l’alimentation animale, ci‑après le « LFGB ») interdisait la commercialisation de denrées alimentaires et leur promotion sous une dénomination trompeuse ou avec des indications ou une présentation trompeuses, en particulier
l’utilisation d’allégations de nature à induire en erreur sur l’origine ou la provenance. Cette disposition visait à transposer l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13.
18. La version en vigueur de l’article 11, paragraphe 1, point 1, du LFGB interdit à l’exploitant du secteur alimentaire responsable ou à l’importateur, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011, de commercialiser ou de promouvoir des denrées alimentaires avec des informations sur ces denrées qui ne répondent pas aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011 lu en combinaison avec le paragraphe 4, de cet article.
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
19. Prime Champ produit et commercialise des champignons de couche avec la mention « Origine : Allemagne ».
20. Le processus de culture des champignons comporte plusieurs étapes. Tout d’abord, les matières premières entrant dans le compost sont brassées et mélangées pendant sept à onze jours en Belgique et aux Pays‑Bas. La deuxième étape de fabrication consiste dans la pasteurisation qui dure cinq à six jours et la préparation du compost aux Pays‑Bas. La troisième étape de fabrication consiste dans l’inoculation du compost avec le mycélium (spores de champignons) sur une durée de quinze jours. Lors de la
quatrième étape, la fruitaison est démarrée en conteneurs de culture aux Pays‑Bas, sur une couche de tourbe et de calcaire, étant précisé que les champignons peuvent atteindre 3 mm en dix à onze jours. Après une quinzaine de jours, les conteneurs de culture sont transportés en Allemagne, où l’on procède, dans l’exploitation de Prime Champ, à la première récolte des champignons au bout d’un à cinq jours, et à la seconde récolte, au bout de dix à quinze jours.
21. La Zentrale considère que l’indication « Origine : Allemagne » sur l’étiquetage de ces champignons, sans mentions supplémentaires, est trompeuse puisque des étapes substantielles de production et de culture, et plus précisément le cycle de production avant récolte, n’ont pas lieu en Allemagne et que le compost avec les champignons n’est transporté en Allemagne que trois jours ou moins avant la première récolte.
22. Après avoir adressé une mise en demeure à Prime Champ en décembre 2013, la Zentrale a demandé au Landgericht Ulm (tribunal régional d’Ulm, Allemagne) qu’il soit ordonné à Prime Champ, sous peine de certaines mesures d’astreinte, de cesser de proposer et/ou d’utiliser dans le commerce et/ou de promouvoir les champignons de couche avec la mention « Origine : Allemagne ».
23. Cette juridiction a rejeté la demande de la Zentrale qui a alors formé un recours contre ladite décision.
24. Le recours a été rejeté par l’Oberlandesgericht Stuttgart (tribunal régional supérieur, Stuttgart, Allemagne). Cette juridiction a jugé que certes, la mention « Origine : Allemagne » est de nature à induire en erreur, car le public concerné peut en déduire que non seulement la récolte, mais également l’intégralité du processus de production a eu lieu en Allemagne, toutefois, c’est le droit de l’Union qui oblige Prime Champ à apposer l’indication du pays d’origine contestée. En effet, le pays de
récolte doit, en vertu de l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, être désigné comme le pays d’origine des produits du règne végétal, et il ne peut dès lors pas être reproché à Prime Champ d’avoir fourni cette indication sur le fondement du droit de la concurrence déloyale.
25. La Zentrale a introduit un pourvoi en « Revision » contre cette décision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).
26. Cette dernière juridiction précise que, étant donné que la requérante au principal fonde son action en cessation sur un risque de récidive, le pourvoi en « Revision » ne sera fondé que si le comportement reproché à la défenderesse était illégal tant au moment des faits litigieux, à savoir en 2013, qu’au moment de la décision au stade du pourvoi en « Revision ».
27. La juridiction de renvoi considère dès lors que le pourvoi en « Revision » peut aboutir si l’indication du pays d’origine utilisée par Prime Champ est contraire à l’interdiction d’induire en erreur édictée à l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13, tel que transposé à l’article 11, paragraphe 1, première et deuxième phrases, point 1, de la version du LFGB applicable en 2013, et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 lu en combinaison avec
l’article 11, paragraphe 1, point 1, de la version du LFGB en vigueur actuellement, indépendamment du caractère obligatoire de cette indication résultant de la réglementation en matière d’organisation commune des marchés dans le secteur agricole, à savoir l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 ( 14 ).
28. Dans ce contexte, par décision du 21 septembre 2017, parvenue à la Cour le 7 décembre 2017, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient‑il, pour définir la notion de pays d’origine visée à l’article 113 bis, paragraphe 1, du [règlement no 1234/2007] et à l’article 76, paragraphe 1, du [règlement no 1308/2013], de se référer aux définitions énoncées aux articles 23 et suivants du code des douanes [communautaire] et à l’article 60 du code des douanes de l’Union ?
2) Des champignons de couche qui sont récoltés sur le territoire national sont‑ils originaires d’un pays au sens de l’article 23 du [code des douanes communautaire] et de l’article 60, paragraphe 1, du [code des douanes de l’Union], lorsque des étapes de production substantielles ont lieu dans d’autres États membres de l’Union européenne et que les champignons de couche n’ont été transportés sur le territoire national que 3 jours ou moins avant la première récolte ?
3) L’interdiction d’induire en erreur édictée par l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la [directive 2000/13] et par l’article 7, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 1169/2011] est‑elle applicable à l’indication du pays d’origine imposée par l’article 113 bis, paragraphe 1, du [règlement no 1234/2007] et par l’article 76, paragraphe 1, du [règlement no 1308/2013] ?
4) Des mentions explicatives peuvent‑elles être ajoutées à l’indication du pays d’origine imposée par l’article 113 bis, paragraphe 1, du [règlement no 1234/2007] et par l’article 76, paragraphe 1, du [règlement no 1308/2013] afin d’éviter d’induire en erreur conformément à l’interdiction édictée par l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la [directive 2000/13] ainsi que par l’article 7, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 1169/2011] ? »
29. La Zentrale, Prime Champ, les gouvernements allemand, français et italien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour. Les mêmes parties, à l’exception des gouvernements français et italien, ont comparu lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 23 janvier 2019.
IV. Analyse
A. Observations liminaires
30. Par ses quatre questions préjudicielles, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la relation entre des règles du droit de l’Union relatives au pays d’origine des fruits et légumes destinés à être vendus à l’état frais au consommateur qui sont prévues dans trois domaines différents, à savoir la réglementation agricole, la réglementation douanière et la réglementation relative à la protection des consommateurs.
31. Plus précisément, ces règles du droit de l’Union sont, premièrement, l’indication du pays d’origine pour la commercialisation des fruits et légumes imposée à l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, deuxièmement, les définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises énoncées aux articles 23 à 26 du code des douanes communautaire et à l’article 60 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec
les articles 31 à 36 du règlement délégué 2015/2446, et, troisièmement, l’interdiction d’induire en erreur le consommateur en ce qui concerne le pays d’origine prévue à l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011.
32. Par ses première et deuxième questions préjudicielles, la juridiction de renvoi s’interroge sur la relation entre l’indication du pays d’origine pour la commercialisation des fruits et légumes imposée par la réglementation agricole et les définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises prévues par les codes des douanes ( 15 ) afin de savoir, en substance, si Prime Champ est tenue d’indiquer l’Allemagne comme étant le pays d’origine des champignons de couche dans le litige
au principal (section B).
33. Même à supposer que tel est le cas, la juridiction de renvoi cherche à savoir, par ses troisième et quatrième questions, si l’indication du pays d’origine utilisée par Prime Champ, sans mentions explicatives eu égard au fait que des étapes substantielles de production de ces champignons de couche ont lieu dans d’autres États membres, n’est toutefois pas contraire à l’interdiction d’induire en erreur prévue par la réglementation relative à la protection des consommateurs (section C) ( 16 ).
34. Eu égard au fait que le pourvoi en « Revision » ne peut être fondé, selon la juridiction de renvoi, que si le comportement reproché à Prime Champ était illégal en vertu du droit de l’Union tant au moment des faits, en 2013, qu’au moment de la décision au stade du pourvoi en « Revision» ( 17 ), il convient d’examiner les questions posées en vertu des réglementations applicables tant en 2013, qu’à ce jour .
B. Sur la relation entre la notion de « pays d’origine » visée par la réglementation agricole et les définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises prévues par les codes des douanes (première et deuxième questions préjudicielles)
35. Les règlements nos 1234/2007 et 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole fixent des normes de commercialisation pour les produits agricoles. Pour la commercialisation des produits du secteur des fruits et légumes destinés à être vendus à l’état frais au consommateur, l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 prévoient que de tels produits ne peuvent être commercialisés que si le pays
d’origine est indiqué.
36. Ni le règlement no 1234/2007 ni le règlement no 1308/2013 ne contiennent une définition de la notion de « pays d’origine » au sens de ces règlements. Une telle définition ne figure pas non plus dans le règlement d’exécution (UE) no 543/2011 ( 18 ).
37. À cet égard, par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, afin de définir le « pays d’origine » des fruits et légumes au sens de l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, il convient de se référer aux définitions énoncées par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises (section 1). Le cas échéant, elle cherche, par sa deuxième question, à savoir si le pays
de récolte des champignons de couche est leur pays d’origine en vertu de ces définitions, lorsque des étapes de production substantielles ont lieu dans d’autres États membres (section 2).
1. Sur l’applicabilité des définitions prévues par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises afin de définir la notion de « pays d’origine » visée par la réglementation agricole (première question préjudicielle)
38. Tout d’abord, je relève qu‘il découle d’une jurisprudence constante de la Cour qu’afin de déterminer le sens et la portée d’une disposition du droit de l’Union, il convient de lui apporter une interprétation qui doit être recherchée en tenant compte des termes de celle-ci, son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 19 ).
39. Il en résulte que la notion de « pays d’origine » visée à l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 doit être interprétée à la lumière du sens et de la finalité de ces dispositions et des règlements dont elle fait partie. Comme le relève la Zentrale, celles-ci ne se réfèrent pas aux codes des douanes en ce qui concerne la notion de « pays d’origine ».
40. Cependant, il convient de constater qu’une telle référence est prévue par les codes des douanes.
41. En effet, l’article 59, sous c), du code des douanes de l’Union énonce que les règles prévues à son article 60 concernant la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises sont applicables à d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises.
42. À l’instar de la Commission, j’estime que l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 doit être considéré comme une telle mesure. À cet égard, je relève que cet article 76, paragraphe 1, constitue une disposition du droit de l’Union relative à l’origine des marchandises, ce qui est la seule condition exigée à l’article 59, sous c), du code des douanes de l’Union, pour que cette disposition soit applicable.
43. Cet argument est corroboré par le fait que le règlement no 1169/2011 visant à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires ( 20 ) renvoie, en son article 2, paragraphe 3, en ce qui concerne l’indication du pays d’origine des marchandises au sens de ce règlement, aux définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises prévues par les codes des douanes. Il ressort du considérant 33 dudit règlement que ce renvoi opéré
par le législateur est justifié par le fait que ces définitions sont « bien connues des exploitants du secteur alimentaire ».
44. Comme l’indiquent Prime Champ, le gouvernement français et la Commission, le fait que le législateur dans le cadre du règlement no 1169/2011, qui a vocation à protéger les consommateurs, ait choisi de faire référence à ces définitions issues des codes des douanes, est une indication claire qu’une telle référence est également applicable en ce qui concerne l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 qui ont un objectif
similaire de protection des consommateurs ( 21 ).
45. S’agissant du code des douanes communautaire, je relève qu’une disposition correspondant à l’article 59, sous c), du code des douanes de l’Union ne figure pas dans celle-ci. Néanmoins, j’estime que ce premier contient un principe correspondant à ladite disposition du code des douanes de l’Union. En effet, il ressort des travaux préparatoires à l’article 59, sous c), du code des douanes de l’Union que cette disposition vise à préciser que les règles d’origine non préférentielle entrent également
dans le cadre de l’application d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises, ce qui indique, à mon sens, qu’un tel principe était également prévu par le code des douanes communautaire ( 22 ).
46. Au vu de ce qui précède, il convient dès lors d’écarter l’argument avancé par la Zentrale selon lequel le fait que les règlements nos 1234/2007 et 1308/2013 ne renvoient pas aux codes des douanes en ce qui concerne la notion de « pays d’origine » s’oppose à ce que les définitions prévues par ces derniers soient applicables.
47. Par conséquent, je proposerai à la Cour, à l’instar de Prime Champ, des gouvernements français et italien ( 23 ) ainsi que de la Commission, de répondre à la première question préjudicielle que l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’afin de définir la notion de « pays d’origine » visée par ces dispositions, il convient de se référer aux définitions concernant l’origine non
préférentielle des marchandises énoncées respectivement aux articles 23 à 26 du code des douanes communautaire et à l’article 60 du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec les articles 31 à 36 du règlement délégué 2015/2446.
2. Sur l’application des définitions prévues par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises afin de déterminer le pays d’origine des champignons de couche au sens de la réglementation agricole (deuxième question préjudicielle)
48. À l’instar de Prime Champ, des gouvernements français et italien ainsi que de la Commission, j’estime qu’en vertu des définitions prévues par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises, le pays d’origine des champignons de couche est le pays de leur récolte, même si des étapes de production substantielles ont lieu dans d’autres États membres et que les champignons de couche n’ont été transportés sur le territoire de récolte que trois jours ou moins avant la
première récolte.
49. Tout d’abord, je relève qu’il convient de partir du principe que le terme « légumes » visé à l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, englobe des champignons de couche, tels que ceux en cause dans le litige au principal ( 24 ).
50. Ensuite, il découle de ma proposition de réponse à la première question préjudicielle que le pays d’origine au sens de ces dispositions doit être déterminé en vertu des définitions prévues par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises.
51. À cet égard, l’article 23, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et l’article 60, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union prévoient que les marchandises entièrement obtenues dans un même pays ou territoire sont considérées comme originaires de ce pays ou territoire. À cet effet, l’article 23, paragraphe 2, sous a) à sous j), du code des douanes communautaire et l’article 31 du règlement délégué 2015/2446, sous a) à sous j), contiennent une liste de différentes marchandises
considérées comme étant entièrement obtenues dans un même pays.
52. S’agissant des produits du règne végétal, il ressort de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire que de tels produits sont entièrement obtenus dans le pays où ils sont récoltés. La même disposition est prévue à l’article 31, sous b), du règlement délégué 2015/2446. En d’autres termes, il découle de ces dispositions que les produits du règne végétal sont considérés comme originaires du pays où ils sont récoltés.
53. À cet égard, la Commission ainsi que le gouvernement allemand soulignent le caractère atypique de l’affaire au principal en relevant que, dans la plupart des cas, le pays de récolte pour des fruits et légumes frais est, par leur nature même, également le pays où ont lieu toutes les étapes de production précédant la récolte ( 25 ).
54. Dans ce contexte, la Commission a exposé lors de l’audience que le fait de produire des champignons de couche de manière « transfrontalière » est nouveau. Il apparaît que, en 2015, lorsque le règlement délégué 2015/2446 a été rédigé, la Commission n’avait pas pensé à la régulation de ce mode de production. Interrogée lors de l’audience sur la raison pour laquelle des règles concernant ce mode de production n’ont toujours pas été adoptées, la Commission a expliqué que ce type de processus n’a pas
encore été suffisamment réfléchi sur le plan législatif. Prime Champ a, quant à elle, expliqué, lors de cette même audience, qu’elle utilise ce mode de production depuis 2012 et qu’elle n’est pas la seule puisque d’autres entreprises produisent également selon ce processus.
55. À mon sens, ces considérations ne permettent cependant pas de s’écarter du libellé de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire et de l’article 31, sous b), du règlement délégué 2015/2446, qui prévoient clairement que le pays d’origine de produits issus du règne végétal ne dépend que du lieu où ils sont récoltés. Comme l’explique la Commission, en vertu de ces dispositions, il convient de partir du principe que le législateur n’accorde aucune importance au fait que
des étapes de production précédant la récolte ont lieu dans un ou plusieurs autres États membres.
56. Il y a dès lors lieu de rejeter l’argument avancé par la Zentrale selon lequel il découle de l’économie des articles 23 et 24 du code des douanes communautaire et des dispositions équivalentes du code des douanes de l’Union que l’applicabilité des définitions prévues par les codes des douanes concernant l’origine non préférentielle des marchandises est subordonnée à la condition que la marchandise soit entièrement obtenue dans un même pays.
57. En ce qui concerne en particulier, l’article 24 du code des douanes communautaire et la disposition équivalente prévue à l’article 60 du code des douanes de l’Union lu en combinaison avec l’article 32 du règlement délégué 2015/2446, ils ne peuvent aboutir à un résultat contraire. En effet, ces dispositions relatives à l’origine des marchandises, pour lesquelles plusieurs pays ou territoires sont intervenus dans la production, ne sont pas applicables aux légumes frais tels que ceux en cause dans
le litige au principal ( 26 ).
58. Par conséquent, je proposerai à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 23, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du règlement no 1234/2007 et l’article 60, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union lu en combinaison avec l’article 31, sous b), du règlement délégué 2015/2446, doivent être interprétés en ce sens que le pays d’origine des champignons de couche est leur pays de récolte au sens de ces dispositions, indépendamment du fait que des étapes de
production substantielles ont lieu dans d’autres États membres de l’Union et que les champignons de couche n’ont été transportés sur le territoire de récolte que trois jours ou moins avant la première récolte.
C. Sur la relation entre l’interdiction d’induire en erreur prévue par la réglementation relative à la protection des consommateurs et l’indication du pays d’origine imposée par la réglementation agricole (troisième et quatrième questions préjudicielles)
1. Observations liminaires
59. Je rappelle que par ses troisième et quatrième questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’indication du pays d’origine utilisée par Prime Champ sans mentions explicatives sur le lieu de la production est contraire à l’interdiction d’induire en erreur le consommateur édictée à l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011.
60. À cette fin, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge, tout d’abord, sur le point de savoir si l’indication du pays d’origine imposée par la réglementation agricole doit être considérée comme une lex specialis par rapport à la règle d’interdiction d’induire en erreur, de sorte que cette dernière ne serait pas applicable aux fins de la détermination du pays d’origine (troisième question préjudicielle). Si la Cour devait répondre à cette question
en ce sens que l’indication du pays d’origine imposée par la réglementation agricole s’applique parallèlement avec l’interdiction d’induire en erreur, la juridiction de renvoi s’interroge, ensuite, sur le point de savoir si des mentions explicatives peuvent être ajoutées afin d’éviter d’induire en erreur le consommateur au sens des dispositions précitées (quatrième question préjudicielle) ( 27 ).
61. Cette dernière question, telle qu’elle est formulée, n’est toutefois pas déterminante, à mon sens, afin de savoir si l’indication du pays d’origine utilisée par Prime Champ sans mentions explicatives est contraire à l’interdiction d’induire en erreur le consommateur. Certes, elle le serait si la réglementation agricole régissait de manière exhaustive le pays d’origine des fruits et légumes ( 28 ). Or, à mes yeux, tel n’est pas le cas.
62. En effet, aucun élément dans la réglementation agricole n’empêche une entreprise de fournir des mentions explicatives à l’indication du pays d’origine tant qu’elles n’induisent pas, en soi, en erreur le consommateur. À cet égard, il y a lieu de rappeler que toute limitation de l'exercice du droit fondamental à la liberté d’expression, lequel protégerait également la « communication commerciale », consacré à l’article 11, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être prévue par la loi conformément à l’article 52, paragraphe 1, de ladite charte.
63. Au vu de ces considérations, il convient de comprendre la quatrième question en ce sens que la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’omission de telles mentions explicatives est trompeuse au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 ( 29 ).
64. À cet égard, afin d’apporter à la juridiction de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont elle est saisie, il est suffisant, à mon sens, que la Cour se limite à répondre à cette quatrième question. En effet, même à supposer que l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 et l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 soient bien applicables, j’estime, comme je l’exposerai ci-dessous, que l’omission des mentions explicatives à
l’indication du pays d’origine, telle que celle en cause dans le litige au principal, n’est, en tout état de cause, pas trompeuse au sens de ces dispositions ( 30 ).
65. Partant, dans la suite de mon exposé, je me limiterai brièvement à expliquer les raisons pour lesquelles j’éprouve de sérieux doutes s’agissant de la question de l’applicabilité de ces dispositions à une situation telle que celle en cause au principal (section 2) avant de répondre à la quatrième question préjudicielle (section 3).
2. Sur l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 et de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13
66. À l’instar de la juridiction de renvoi, je considère qu’il doit être répondu à la question de savoir si l’indication du pays d’origine imposée par la réglementation agricole doit être considérée comme une lex specialis par rapport à l’interdiction d’induire en erreur, au regard de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011. Cet article, qui régit le champ d’application de ce règlement, indique que ce dernier « s’applique sans préjudice des exigences d’étiquetage prévues par des
dispositions particulières de l’Union applicables à certaines denrées alimentaires» ( 31 ).
67. Au vu du considérant 8 du règlement no 1169/2011, qui énonce que « [c]es exigences générales en matière d’étiquetage sont complétées par un certain nombre de dispositions qui s’appliquent [...] à certaines catégories de denrées alimentaires [...] », il me semble qu’il convient de comprendre l’article 1er, paragraphe 4, de ce règlement en ce sens que ce dernier s’applique, en principe, de manière parallèle aux dispositions particulières applicables à certaines denrées alimentaires.
68. Toutefois, certaines limites doivent être apportées à cette prémisse.
69. À cet égard, la Commission a fait valoir, lors de l’audience, en substance, qu’en vertu d’une interprétation littérale, téléologique et contextuelle de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011, l’expression « sans préjudice » doit être comprise en ce sens que le règlement no 1169/2011 s’applique en parallèle des dispositions particulières applicables à certaines denrées alimentaires, tant que celles-ci n’entrent pas en contradiction avec les dispositions prévues par le règlement
no 1169/2011. Tel que je comprends l’argument de la Commission, une telle contradiction existe seulement dans la mesure où l’application des dispositions particulières empêche une application parallèle du règlement no 1169/2011. En l’espèce, la Commission estime qu’une telle contradiction n’existe pas parce que l’indication « Origine : Allemagne » pourrait être utilisée tout en ajoutant des mentions supplémentaires ( 32 ).
70. Contrairement aux observations de la Commission, j’estime que des arguments convaincants peuvent étayer la position selon laquelle l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011 n’est pas limité aux situations dans lesquelles il existe une véritable contradiction dans le sens invoqué par la Commission.
71. En effet, le fait que le règlement no 1169/2011 s’applique sans préjudice des dispositions particulières en matière d’étiquetage signifie que ce règlement ne saurait faire obstacle à l’application de telles dispositions particulières. Dès lors, l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011 exprime, à mon sens, par essence, le principe de la lex specialis.
72. En vertu de ce principe, il me semble qu’une application parallèle du règlement no 1169/2011 est également exclue dans la mesure où elle conduirait à priver une disposition particulière en matière d’étiquetage de son effet utile.
73. Tel serait le cas, à mes yeux, si l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 était applicable à une situation telle que celle en cause au principal. En effet, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 constitue une disposition particulière en matière d’étiquetage au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011 ( 33 ), et comme je l’exposerai dans la section 3 des présentes conclusions, en particulier aux points 82 et 83, j’estime que le
législateur a déterminé de manière claire à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 le pays d’origine des fruits et légumes frais comme étant le pays de leur récolte.
74. Si toutefois l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 devait être appliqué de sorte que l’indication du pays d’origine fournie en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 pourrait être trompeuse au sens de cette première disposition, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 serait, à mon avis, de ce fait privé de son effet utile.
75. En ce qui concerne la directive 2000/13, je relève que l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1169/2011 n’a pas d’équivalent dans ladite directive. Néanmoins, je considère qu’un principe correspondant à celui prévu à cet article est également applicable à la directive 2000/13. En effet, aucun élément dans les travaux préparatoires du règlement no 1169/2011 n’indique que celui-ci visait à modifier la directive sur ce point et il convient dès lors de comprendre son article 1er, paragraphe 4,
comme une codification du principe de la lex specialis déjà applicable en vertu de la directive 2000/13. Autrement dit, j’estime que des considérations similaires à celles développées ci‑dessus au regard du règlement no 1169/2011 peuvent être soulevées concernant l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13, au regard de l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007.
3. Sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 et de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13
76. L’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 interdit que les informations sur les denrées alimentaires induisent en erreur en ce qui concerne le pays d’origine.
77. J’estime, tout d’abord, que cette interdiction englobe des omissions trompeuses. En effet, l’expression « l’information sur les denrées alimentaires » est définie à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de ce règlement comme « toute information concernant une denrée alimentaire transmise au consommateur final sur une étiquette, dans d’autres documents accompagnant cette denrée ou à l’aide de tout autre moyen, y compris les outils de la technologie moderne ou la communication verbale ». Même si
cette définition ne porte pas, formellement, sur des omissions, il convient de partir du principe qu’elles sont couvertes dans la mesure où elles seraient susceptibles d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ( 34 ).
78. Ensuite, en ce qui concerne la notion d’induire en « erreur » le consommateur, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011, je relève que cette disposition ne contient pas une définition de celle‑ci. Néanmoins, à mon sens, à l’instar de la définition des omissions trompeuses figurant à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/29, il y a lieu de comprendre la notion d’« erreur » visée à l’article 7, paragraphe 1, sous a) de ce règlement, en ce sens qu’elle
englobe des informations substantielles dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
79. En effet, même si une telle définition ne figure pas dans le règlement no 1169/2011, je relève que seules des omissions substantielles dont le consommateur moyen a besoin sont, par leur nature même, susceptibles d’induire en erreur le consommateur. D’ailleurs, ainsi que je l’ai expliqué à la note en bas de page 34 des présentes conclusions, le règlement no 1169/2011 vise, à l’instar de la directive 2005/29, à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.
80. Enfin, je relève que l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1169/2011 prévoit que le pays d’origine d’une denrée alimentaire au sens de ce règlement se réfère à l’origine des marchandises telle que définie conformément aux définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises prévues par les codes des douanes.
81. À mon sens, l’omission des mentions explicatives à l’égard d’une indication du pays d’origine fournie conformément aux définitions prévues par les codes des douanes, telle que celle visée en l’espèce, ne peut être réputée comme constituant une information substantielle pour le consommateur moyen susceptible d’induire en erreur sur le pays d’origine au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011.
82. En effet, le législateur a déterminé de manière claire et précise le pays d’origine d’une denrée alimentaire au sens du règlement no 1169/2011 par la référence aux codes des douanes à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement ( 35 ). En ce qui concerne les produits du règne végétal, le législateur a plus précisément déterminé que le pays d’origine de ces produits est le pays de leur récolte. Par ce choix, le législateur a en même temps fait celui de ne pas attribuer d’importance au fait que la
production de tels produits peut, en principe, avoir lieu dans différents pays. À cet égard, je rappelle que le législateur a maintenu cette règle même après avoir pris connaissance du mode de production « transfrontalière » des champignons de couche.
83. Il convient dès lors de considérer qu’il découle d’une lecture combinée de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1169/2011 et des définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises prévues par les codes des douanes que de telles informations ne peuvent être considérées comme substantielles pour le consommateur moyen ( 36 ).
84. Cette conclusion est, de surcroît, corroborée par le fait que la Commission n’a adopté d’autres dispositions relatives à l’indication du pays d’origine qu’en ce qui concerne les viandes fraîches, réfrigérées et congelées des animaux des espèces porcine, ovine, caprine et des volailles. Plus précisément, de telles règles sont prévues par le règlement d’exécution (UE) no 1337/2013 ( 37 ) au motif que l’application des définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises prévues
par les codes des douanes ne permettait pas d’informer suffisamment les consommateurs sur l’origine de ces viandes, compte tenu des situations dans lesquelles les viandes proviennent d’animaux qui sont nés, élevés et abattus dans des pays différents ( 38 ).
85. Alors même que je peux tout à fait comprendre l’argument de la Zentrale selon lequel les consommateurs devraient être informés lorsqu’un produit est soumis à des étapes de production substantielles dans des pays différents, il convient de constater, eu égard à ce qui précède, que le législateur n’a pas considéré de telles informations comme substantielles, et de ce fait, susceptibles d’induire en erreur le consommateur sur le pays d’origine au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du
règlement no 1169/2011.
86. Il y a dès lors lieu de rejeter l’argument avancé par la Commission selon lequel il incombe aux juridictions nationales de se prononcer sur la question de savoir si, dans des cas concrets, une indication du pays d’origine telle que celle en cause dans le litige au principal conduit concrètement à une tromperie du consommateur. En effet, une telle position est susceptible de porter atteinte à la liberté de choix du législateur, rappelée ci‑dessus.
87. En ce qui concerne l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13, j’estime que des considérations semblables à celles développées ci-dessus doivent être appliquées à cette disposition. À cet égard, je relève que même si la directive 2000/13 ne contient pas une définition du pays d’origine au sens de cette directive ( 39 ), cet élément ne peut aboutir à un résultat contraire eu égard au fait qu’une telle définition est toujours prévue en vertu d’une lecture combinée de
l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 et de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire. Il en résulte qu’un étiquetage fourni conformément aux définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises énoncées par le code des douanes communautaire n’est pas non plus trompeur au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13.
88. Par conséquent, je proposerai à la Cour de répondre à la quatrième question préjudicielle que l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011 et l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 doivent être interprétés en ce sens que n’induit pas en « erreur » au sens de ces dispositions le fait de ne pas fournir au consommateur des mentions explicatives à une indication du pays d’origine déterminée conformément aux définitions concernant l’origine non préférentielle
des marchandises énoncées par les codes des douanes.
V. Conclusion
89. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) :
1) L’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) doit être interprété en ce sens qu’afin de définir la notion de « pays d’origine » visée par cette disposition, il convient de se référer aux définitions relatives à l’origine non préférentielle des marchandises énoncées aux
articles 23 à 26 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire.
L’article 76, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil doit être interprété en ce sens qu’afin de définir la notion de « pays d’origine » visée par cette disposition, il convient de se référer aux définitions relatives à l’origine non préférentielle des
marchandises énoncées à l’article 60 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec les articles 31 à 36 du règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union.
2) L’article 23, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), du règlement no 2913/92 et l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 952/2013, lu en combinaison avec l’article 31, sous b), du règlement délégué (UE) 2015/2446 doivent être interprétés en ce sens que le pays d’origine des champignons de couche est le pays de leur récolte, indépendamment du fait que des étapes de production substantielles ont lieu dans d’autres États membres de l’Union européenne et que les champignons de couche n’ont été
transportés sur le territoire de récolte que trois jours ou moins avant la première récolte.
3) L’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les
directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission, doit être interprété en ce sens que n’induit pas en « erreur » le consommateur au sens de cette disposition le fait de ne pas fournir des mentions explicatives à une indication du pays d’origine déterminée conformément aux définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises énoncées aux articles 23 à 26 du règlement no 2913/92 et à l’article 60 du règlement no 952/2013 lu en
en combinaison avec les articles 31 à 36 du règlement délégué 2015/2446.
L’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard doit être interprété en ce sens que n’induit pas en « erreur » le consommateur au sens de cette disposition le fait de ne pas fournir des mentions explicatives à une indication du pays d’origine déterminée
conformément aux définitions concernant l’origine non préférentielle des marchandises énoncées aux articles 23 à 26 du règlement no 2913/92.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 2000, L 109, p. 29).
( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le
règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18).
( 4 ) Règlement du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008, L 121, p. 1) (ci‑après le « règlement no 1234/2007 »).
( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).
( 6 ) Voir article 232, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013.
( 7 ) Règlement du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p 1).
( 8 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).
( 9 ) Voir article 286, paragraphe 2, et article 288, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union.
( 10 ) Règlement délégué de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1).
( 11 ) Voir article 256 du règlement délégué 2015/2446.
( 12 ) Voir article 55 du règlement no 1169/2011.
( 13 ) Il ressort de l’article 286, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union que les références au code des douanes communautaire s’entendent comme faites au code des douanes de l’Union. Depuis le 1er mai 2016, la référence aux articles 23 à 26 du code des douanes communautaire, citée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1169/2011, doit ainsi être comprise comme une référence à l’article 60 du code des douanes de l’Union lu en combinaison avec les articles 31 à 36 du règlement délégué
2015/2446 qui apportent des précisions concernant ledit article 60.
( 14 ) À cet égard, la juridiction de renvoi précise que dans l’hypothèse où Prime Champ aurait enfreint ces dispositions, il en résulterait qu’elle s’est livrée à une pratique commerciale déloyale au sens du Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (loi contre la concurrence déloyale, ci-après l’« UWG »), plus précisément au sens des dispositions combinées de l’article 3 et de l’article 4, point 11, de la version de l’UWG applicable en 2013 et de l’article 3a de la version de l’UWG en vigueur. Ces
dispositions prévoient que, commet un acte de concurrence déloyale, notamment, quiconque enfreint une disposition légale qui est, entre autres, destinée à réglementer le comportement sur le marché dans l’intérêt des opérateurs du marché. L’UWG transpose la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les
directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).
( 15 ) Ensemble, le code des douanes communautaire et le code des douanes de l’Union lu en combinaison avec le règlement délégué 2015/2446.
( 16 ) Voir, à cet égard, point 27 des présentes conclusions.
( 17 ) Voir point 26 des présentes conclusions.
( 18 ) Règlement d’exécution de la Commission du 7 juin 2011 portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), applicable depuis le 22 juin 2011.
( 19 ) Voir, par exemple, arrêts du 17 octobre 1995, Leifer e.a. (C‑83/94, EU:C:1995:329, point 22) ; du 7 juin 2005, VEMW e.a. (C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41) ainsi que du 15 avril 2010, Fundación Gala-Salvador Dalí et VEGAP (C‑518/08, EU:C:2010:191, point 25).
( 20 ) Voir article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011.
( 21 ) Cela résulte du considérant 49 du règlement no 1234/2007, selon lequel l’application de normes de commercialisation aux produits agricoles dans l’intérêt des producteurs, des commerçants et des consommateurs peut contribuer à l’amélioration des conditions économiques de production et de commercialisation ainsi qu’à l’augmentation de la qualité des produits. Une indication similaire figure au considérant 64 du règlement no 1308/2013, et son considérant 65 ajoute que le maintien de normes
sectorielles de commercialisation est de nature à répondre aux attentes des consommateurs et contribuer à l’amélioration des conditions économiques de production et de commercialisation des produits ainsi que de leur qualité.
( 22 ) Voir à cet égard la proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2005, établissant le code des douanes communautaire (Code des douanes modernisé), p. 10 [COM(2005) 608 final)].
( 23 ) Je relève que le gouvernement allemand s’est limité à répondre aux troisième et quatrième questions préjudicielles.
( 24 ) En effet, dans l’organisation commune des marchés des produits agricoles, l’article 1er, sous i), du règlement no 1234/2007 et l’article 1er, paragraphe 2, sous i), du règlement no 1308/2013, incluent les produits appartenant au secteur des fruits et légumes définis de manière spécifique aux annexes I, partie IX, de ces règlements. Ces annexes mentionnent, au titre de la désignation des produits pour le secteur des fruits et légumes figurant sous le code de la nomenclature combinée ex 0709,
« Autres légumes, à l’état frais ou réfrigéré ». L’annexe I, chapitre 7, de la nomenclature combinée y cite les « Champignons » avec le code 070951.
( 25 ) Plus précisément, le gouvernement allemand explique que, selon l’avis de ses spécialistes de la production, il est rare que le transport d’une culture de fruits ou de légumes soit possible et avantageux, comme il l’est dans l’affaire au principal, de sorte qu’une production transfrontalière est, de façon générale, impossible ou en tous cas non rentable. Mis à part les champignons de couche, dont le transport s’avère facile, le gouvernement allemand a indiqué qu’il ne pourrait songer qu’à la
culture de l’endive selon ce même mode de production. La Commission, quant à elle, a relevé lors de l’audience, comme situation analogue, les cultures hydroponiques et d’herbes aromatiques. S’agissant de ces produits, la Commission a expliqué qu’ils peuvent être vendus au consommateur avec le substrat et donc sans même qu’une récolte réelle ait lieu avant leur commercialisation.
( 26 ) Plus précisément, s’agissant des fruits et légumes, il découle de l’article 32 du règlement délégué 2015/2446 lu en combinaison avec le chapitre 20 de son annexe 22-01 auquel l’article 32 dudit règlement renvoie, que de tels produits relèvent du champ d’application de ces dispositions dans la mesure où il s’agit d’un mélange de produits du règne végétal, par exemple, le jus de fruits. Même si une telle disposition ne figure pas dans le code des douanes communautaire, à défaut d’une indication
contraire, il convient à mon avis de comprendre son article 24 de la même manière.
( 27 ) La juridiction de renvoi cite, à titre d’exemple, une mention relative aux étapes de production effectuées dans d’autres États membres.
( 28 ) Dans ce cas de figure, il en résulterait que l’indication du pays d’origine utilisée par Prime Champ sans autres mentions est légale au regard de l’interdiction d’induire en erreur le consommateur, étant donné que Prime Champ ne pourrait, en tout état de cause, ajouter des mentions explicatives à cette indication.
( 29 ) Dans ce contexte, je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (voir, par exemple, arrêt du 29 novembre 2018, baumgarten
sports & more, C‑548/17, EU:C:2018:970, point 22).
( 30 ) Je rappelle que le pourvoi en « Revision » dans le litige au principal ne peut être fondé, selon la juridiction de renvoi, que si le comportement reproché à Prime Champ était illégal, tant en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 que de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011. De ce fait, une réponse de la Cour à la quatrième question préjudicielle, uniquement dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement
no 1169/2011 suffirait, en principe, pour donner à la juridiction de renvoi une réponse utile lui permettant de trancher le litige dont elle est saisie.
( 31 ) Je relève que l’article 73 du règlement no 1308/13 contient, de même, une règle relative au champ d’application des normes de commercialisation. Cette disposition prévoit, plus précisément, que des normes de commercialisation s’appliquent « sans préjudice des autres dispositions applicables aux produits agricoles [...] ». Eu égard au fait que le règlement no 1169/2011 ne s’applique que dans la mesure prévue par ce dernier règlement, l’article 73 du règlement no 1308/13 n’est toutefois pas
pertinent afin de déterminer l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011.
( 32 ) Il me semble, dès lors, que la Commission invoque, en fait, une interprétation similaire à celle de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 selon lequel « en cas de conflit entre les dispositions de cette directive et d’autres règles de [l’Union] régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques ». Ainsi, la Cour a jugé qu’un conflit tel que celui visé à l’article 3, paragraphe 4, de la
directive 2005/29 n’existe que lorsque des règles particulières régissent de manière exhaustive les informations d’une marchandise à fournir aux consommateurs, de sorte que d’autres informations ne peuvent être ajoutées. Voir arrêts du 25 juillet 2018, Dyson (C‑632/16, EU:C:2018:599, points 34 à 36) et du 13 septembre 2018, Wind Tre et Vodafone Italia (C‑54/17 et C‑55/17, EU:C:2018:710, points 60 et 61). De ce point de vue, je note que dès lors que la réglementation agricole ne régissait pas de
manière exhaustive le pays d’origine des fruits et légumes, la question de l’applicabilité de l’interdiction des omissions trompeuses au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/29, telle que celle concernant l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1169/2011, ne se pose pas en l’occurrence.
( 33 ) Ainsi, le règlement no 1169/2011 édicte des règles à caractère général et horizontal, applicables à l’ensemble des denrées alimentaires, alors que les règles à caractère spécifique et vertical, visant seulement certaines denrées alimentaires déterminées, sont arrêtées dans le cadre des dispositions régissant ces produits, voir, en ce sens, considérant 12 de ce règlement. Il ressort du considérant 32 dudit règlement que les normes de commercialisation pour les produits du secteur des fruits et
légumes constituent de telles règles verticales.
( 34 ) Voir, en ce sens, article 26, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1169/2011 selon lequel l’indication du pays d’origine est obligatoire en vertu de cet instrument dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine. De surcroît, la notion des pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/29 englobe des omissions trompeuses. Je rappelle que cette directive vise, à l’instar du règlement
no 1169/2011, à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.
( 35 ) Je relève que cette définition a été introduite par le règlement no 1169/2011 au motif que l’absence d’une telle définition dans la directive 2000/13 aboutissait à des incertitudes et provoquait une ambiguïté, tant pour les consommateurs et l’industrie que pour les États membres [voir « Impact assessment report on general food labelling issues », SEC(2008) 92, p. 21, accompagnant la proposition de règlement no 1169/2011].
( 36 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Dyson (C‑632/16, EU:C:2018:599, points 42 à 44).
( 37 ) Règlement d’exécution de la Commission du 13 décembre 2013 portant modalités d’application du règlement no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance des viandes fraîches, réfrigérées et congelées des animaux des espèces porcine, ovine, caprine et des volailles (JO 2013, L 335, p. 19).
( 38 ) Voir considérant 3 du règlement d’exécution no 1337/2013.
( 39 ) Voir note en bas de page 35 des présentes conclusions.