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28/03/2019 | CJUE | N°C-210/18

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 28 mars 2019., WESTbahn Management GmbH contre ÖBB-Infrastruktur AG., 28/03/2019, C-210/18


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 28 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑210/18

WESTbahn Management GmbH

contre

ÖBB-Infrastruktur AG

[demande de décision préjudicielle formée par la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Transports – Espace ferroviaire unique européen – Directive 2012/34/UE – Gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures – Infrastructure ferroviaire

 – Inclusion des quais à voyageurs – Redevance d’accès – Limitation des effets de l’arrêt »

1.  Les quais ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 28 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑210/18

WESTbahn Management GmbH

contre

ÖBB-Infrastruktur AG

[demande de décision préjudicielle formée par la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Transports – Espace ferroviaire unique européen – Directive 2012/34/UE – Gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures – Infrastructure ferroviaire – Inclusion des quais à voyageurs – Redevance d’accès – Limitation des effets de l’arrêt »

1.  Les quais font-ils partie des gares ferroviaires de voyageurs ? La réponse affirmative, en apparence évidente, cesse de l’être lorsqu’une norme du droit de l’Union, la directive 2012/34/UE ( 2 ), crée une certaine confusion en définissant, d’une part, les infrastructures ferroviaires et, d’autre part, les installations de service.

2.  La directive 2012/34 qualifie les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises d’installations de service ferroviaire. Cependant, elle inclut les « quais à voyageurs et à marchandises, y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises » dans la « liste des éléments de l’infrastructure ferroviaire ».

3.  Le calcul des redevances que les entreprises ferroviaires sont tenues de payer pour l’utilisation des quais à voyageurs varie en fonction de l’appartenance de ces derniers à l’une ou l’autre catégorie. Tel est le problème auquel est confrontée la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire, Autriche) qui, dans l’ordre administratif, est chargée de trancher les litiges en la matière ( 3 ).

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union : la directive 2012/34

4. L’article 3 (intitulé « Définitions ») dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “entreprise ferroviaire”, toute entreprise à statut privé ou public et titulaire d’une licence conformément à la présente directive, dont l’activité principale est la fourniture de prestations de transport de marchandises et/ou de voyageurs par chemin de fer, la traction devant obligatoirement être assurée par cette entreprise ; ce terme recouvre aussi les entreprises qui assurent uniquement la traction ;

2) “gestionnaire de l’infrastructure”, toute entité ou entreprise chargée notamment de l’établissement, de la gestion et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, y compris la gestion du trafic, et du système de signalisation et de contrôle-commande ; les fonctions de gestionnaire de l’infrastructure sur tout ou partie d’un réseau peuvent être attribuées à plusieurs entités ou entreprises ;

3) “infrastructure ferroviaire”, l’ensemble des éléments visés à l’annexe I ;

[…]

11) “installation de service”, l’installation, y compris les terrains, bâtiments et équipements qui ont été spécialement aménagés, en totalité ou en partie, pour permettre la fourniture d’un ou plusieurs des services visés à l’annexe II, points 2, 3 et 4 ;

12) “exploitant d’installation de service”, toute entité publique ou privée chargée de gérer une ou plusieurs installations de service ou de fournir à des entreprises ferroviaires un ou plusieurs des services visés à l’annexe II, points 2, 3 et 4 ;

[…] »

5. Conformément à l’article 13 (intitulé « Conditions d’accès aux services ») :

« 1.   Les gestionnaires de l’infrastructure fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, l’ensemble des prestations minimales établies à l’annexe II, point 1.

2.   Les exploitants d’installations de service fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, un accès, y compris aux voies d’accès, aux infrastructures visées à l’annexe II, point 2, et aux services offerts dans ces infrastructures.

[…]

4.   Les demandes d’accès à l’installation de service, et de fourniture de services dans ladite installation visée à l’annexe II, point 2, introduites par les entreprises ferroviaires sont traitées dans un délai raisonnable fixé par l’organisme de contrôle visé à l’article 55. De telles demandes ne peuvent être refusées que s’il existe des alternatives viables permettant aux entreprises ferroviaires d’exploiter le service de fret ou de transport de voyageurs concerné sur le même trajet ou sur un
itinéraire de substitution dans des conditions économiquement acceptables. […]

[…] »

6. L’article 31 (intitulé « Principes de tarification ») dispose :

« 1.   Les redevances d’utilisation de l’infrastructure et des installations de service sont versées respectivement au gestionnaire de l’infrastructure et à l’exploitant d’installation de service, qui les affectent au financement de leurs activités.

[…]

3.   Sans préjudice des paragraphes 4 ou 5 du présent article ou de l’article 32, les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

[…]

7.   La redevance imposée pour l’accès aux voies dans le cadre des installations de service visées à l’annexe II, point 2, et la fourniture de services dans ces installations, ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d’un bénéfice raisonnable.

[…] »

7. L’annexe I (intitulée « Liste des éléments de l’infrastructure ferroviaire ») prévoit :

« L’infrastructure ferroviaire se compose des éléments suivants, pour autant qu’ils fassent partie des voies principales et des voies de service, à l’exception de celles situées à l’intérieur des ateliers de réparation du matériel et des dépôts ou garages d’engins de traction, ainsi que des embranchements particuliers :

– des terrains,

– corps et plate-forme de la voie, notamment remblais, tranchées, drains, rigoles, fossés maçonnés, aqueducs, murs de revêtement, plantations de protection des talus, etc. ; quais à voyageurs et à marchandises, y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises ; accotements et pistes ; murs de clôture, haies vives, palissades ; bandes protectrices contre le feu, dispositifs pour le réchauffage des appareils de voie ; croisements, etc. ; écrans pare-neige,

[…]

– chaussées des cours de voyageurs et de marchandises, y compris les accès par route et les accès pour piétons,

[…]

– bâtiments affectés au service des infrastructures, y compris une partie des installations destinées au recouvrement des frais de transport. »

8. L’annexe II [intitulée « Services à fournir aux entreprises ferroviaires (visés à l’article 13) »] dispose :

« 1. L’ensemble des prestations minimales comprend :

a) le traitement des demandes de capacités de l’infrastructure ferroviaire ;

b) le droit d’utiliser les capacités accordées ;

c) l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, y compris les branchements et aiguilles du réseau ;

[…]

2. L’accès, y compris l’accès aux voies, est fourni aux installations de service suivantes, lorsqu’elles existent, et aux services offerts dans ces installations :

a) les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures, y compris l’affichage d’informations sur les voyages et les emplacements convenables prévus pour les services de billetterie ;

[…] »

B.   Le droit autrichien : la loi ferroviaire

9. L’article 10a de l’Eisenbahngesetz (loi ferroviaire) définit l’infrastructure ferroviaire en renvoyant directement à l’annexe I de la directive 2012/34.

10. L’article 58 de la loi ferroviaire se réfère aux prestations minimales, parmi lesquelles figure l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, dans des termes identiques à ceux du point 1, sous c), de l’annexe II de la directive 2012/34.

11. L’article 58b de la loi ferroviaire, relatif à l’accès aux installations de service et à la fourniture des services, prévoit que les exploitants d’installations de service doivent fournir, de manière non discriminatoire, un accès à leurs installations, en employant une formulation équivalente à celle du point 2 de l’annexe II de la directive 2012/34.

12. S’agissant des coûts d’exploitation du service ferroviaire et de la tarification des services, l’article 67 et l’article 69b, paragraphe 1, de la loi ferroviaire reproduisent les critères établis à l’article 13, paragraphes 3 et 7, respectivement, de la directive 2012/34.

II. Les faits et les questions préjudicielles

13. ÖBB-Infrastruktur AG (ci‑après « ÖBB ») est l’entité qui, en Autriche, gère les infrastructures ferroviaires au sens de l’article 3, point 2, de la directive 2012/34 et exploite les installations de service ( 4 ).

14. WESTbahn Management GmbH (ci-après « Westbahn ») est une des entreprises ferroviaires (définies à l’article 3, point 1, de la directive 2012/34) qui se consacrent à la fourniture de services de transport de voyageurs par chemin de fer. Pour ce faire, elle a recours aux sillons ferroviaires et aux arrêts dans les gares d’ÖBB, à laquelle elle paye les redevances correspondantes.

15. Westbahn a estimé que les redevances pour les stations de chemin de fer appliquées par ÖBB étaient trop élevées et a introduit une réclamation auprès de la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire), qui est l’organisme de contrôle institué conformément à l’article 55 de la directive 2012/34.

16. Le débat se limite à déterminer si, pour le calcul de ces redevances, les quais à voyageurs doivent être considérés : a) comme étant inclus dans « l’ensemble des prestations minimales » visé à l’annexe II, point 1, de la directive 2012/34 ; ou b) comme des installations de service au sens de l’annexe II, point 2, sous a), du même texte.

17. Les doutes de la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) découlent des modifications que la directive 2012/34 a apportées à « l’ensemble des prestations minimales » :

– jusqu’à cette modification, il était constant que l’utilisation des quais à voyageurs relevait de l’utilisation des gares ;

– cependant, en précisant « l’ensemble des prestations minimales » que les gestionnaires de l’infrastructure doivent fournir à toutes les entreprises ferroviaires, l’annexe II, point 1, de la directive 2012/34, a introduit un nouvel élément sous la lettre c), à savoir « l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire » ;

– de plus, l’annexe I de la directive 2012/34 inclut les « quais à voyageurs et à marchandises, y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises », dans la « liste des éléments de l’infrastructure ferroviaire ».

18. La solution de cette problématique influence le calcul de la redevance d’accès que les entreprises ferroviaires sont tenues de payer :

– si les quais à voyageurs sont considérés comme des installations de service, il faut appliquer le critère de coûts correspondant à la prestation de services, conformément à l’article 31, paragraphe 7, de la directive 2012/34 (coût de la prestation de service majoré d’un bénéfice raisonnable) ;

– en revanche, s’ils sont considérés comme faisant partie de l’infrastructure ferroviaire comprise dans « l’ensemble des prestations minimales », il faut appliquer le critère de coûts prévu à l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2012/34 (coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire).

19. La Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) se demande également si l’ensemble des prestations minimales comprend uniquement les quais à voyageurs des « gares de voyageurs », ou s’il comprend aussi les quais à voyageurs des simples arrêts qui, en Autriche, représentent la majeure partie des 1069 gares existantes. Selon elle, si les quais à voyageurs dans les gares de voyageurs sont déjà inclus, les quais à voyageurs dans les arrêts, qui permettent de la même manière aux
passagers de monter et de descendre du train, le sont d’autant plus.

20. La Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) souligne que les considérantsde la directive 2012/34 ne font pas ressortir de modification des principes de tarification et ne permettent pas non plus de déduire que les quais à voyageurs feraient à présent partie de l’ensemble des prestations minimales. Si tel était le cas, il en résulterait une modification substantielle des principes de tarification, puisqu’une partie importante des coûts serait exclue du calcul des coûts
liés à l’utilisation des gares. Par conséquent, elle estime que les quais à voyageurs ne sauraient raisonnablement être inclus dans l’ensemble des prestations minimales mais devraient l’être dans la rubrique consacrée aux gares de voyageurs, c’est-à-dire dans la catégorie des installations de service.

21. Dans ce contexte, la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’annexe II, point 2, sous a), de la [directive 2012/34], doit-elle être interprétée en ce sens que la catégorie “les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures” qui y est mentionnée inclut l’élément de l’infrastructure ferroviaire “quais à voyageurs” figurant à l’annexe I, deuxième tiret, de cette directive ?

2) En cas de réponse négative à la première question :

L’annexe II, point 1, sous c), de la [directive 2012/34], doit-elle être interprétée en ce sens que la catégorie “l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire” qui y est mentionnée comprend l’utilisation des quais à voyageurs figurant à l’annexe I, deuxième tiret, de cette directive ? »

III. La procédure devant la Cour

22. La décision de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 23 mars 2018.

23. ÖBB, Westbahn, les gouvernements français et polonais et la Commission européenne ont déposé des observations écrites. À l’exception du gouvernement polonais, tous ont comparu lors de l’audience du 17 janvier 2019.

IV. Appréciation

A.   Exposé du litige

24. Tout comme la majorité des parties intervenant au renvoi préjudiciel, je considère qu’il est possible d’apporter une réponse unique aux deux questions posées par la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire).

25. Afin de fixer les termes du débat, il convient de rappeler que les services qui doivent être fournis aux entreprises ferroviaires conformément à l’annexe II de la directive 2012/34 comprennent :

– les services compris dans l’ensemble des prestations minimales visées au point 1 :

– les services visés aux points 2, 3 et 4, qui correspondent respectivement aux installations de service, aux prestations complémentaires et aux prestations connexes.

26. L’article 13 de la directive 2012/34 énonce les conditions auxquelles les entreprises ferroviaires peuvent accéder aux différents services :

– s’il est question de l’ensemble des prestations minimales, les gestionnaires de l’infrastructure doivent fournir celles-ci de manière non discriminatoire (paragraphe 1) ;

– quant aux installations de service, ce sont les exploitants desdites installations qui fournissent aux entreprises ferroviaires « un accès, y compris aux voies d’accès, aux infrastructures visées à l’annexe II, point 2, et aux services offerts dans ces infrastructures » (paragraphe 2) ( 5 ).

27. La directive 2012/34 prévoit le paiement de redevances tant pour l’utilisation des infrastructures ferroviaires que pour l’utilisation des installations de service. Ces redevances sont respectivement payées au gestionnaire de l’infrastructure et à l’exploitant d’installation de service et sont affectées au financement de leurs activités (article 31, paragraphe 1) ( 6 ) conformément aux critères suivants :

– pour l’ensemble des prestations minimales, « les redevances sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire » (article 31, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2012/34) ;

– pour les installations de service, la redevance ne dépasse pas le coût de la prestation du service majoré d’un bénéfice raisonnable (article 31, paragraphe 7, du même texte).

28. Comme je l’ai déjà signalé, si les quais à voyageurs sont une installation de service parmi d’autres, la redevance que l’entreprise ferroviaire doit payer à l’exploitant de cette installation peut inclure un bénéfice raisonnable destiné à ce dernier. Si les quais font au contraire partie de l’ensemble des prestations minimales, le montant de la redevance est limité au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

29. Les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures (connexes) sont repris parmi les installations de service énumérées à l’annexe II, point 2, de la directive 2012/34, plus précisément sous a).

30. Bien que la directive ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par « quai à voyageurs », le fait que cette notion désigne communément l’espace aménagé afin de permettre aux personnes de monter ou de descendre du train aboutit à ce qu’il soit possible de trouver des quais dans les gares ou en dehors de celles-ci (arrêts) ( 7 ).

31. Intuitivement, le concept de gare ferroviaire est indissociable des quais. La réponse à la première question préjudicielle devrait donc être affirmative. Cependant, comme je l’ai indiqué au début des présentes conclusions, la lecture de l’annexe II, point 1, de la directive 2012/34, qui inclut « l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire » dans l’ensemble des prestations minimales, trouble l’apparente clarté de cette réponse.

B.   Les quais à voyageurs en tant qu’élément de l’infrastructure ferroviaire

1. L’interprétation des annexes I et II de la directive 2012/34

32. Bien que la directive 2012/34 inclue la notion d’« infrastructure ferroviaire » parmi les « définitions » établies à l’article 3, elle préfère spécifier les éléments qui la composent et les détaille en renvoyant à l’annexe I. Parmi ces éléments, ladite annexe mentionne expressément les « quais à voyageurs ».

33. Il est dès lors incontestable que, d’après la directive 2012/34, ces quais font partie de l’infrastructure ferroviaire et, dans cette mesure, relèvent de l’ensemble des prestations minimales. C’est une décision expresse du législateur de l’Union, qui a modifié le cadre juridique antérieur en ce sens.

34. En effet, la directive 2001/14/CE ( 8 ), qui précédait la directive 2012/34, n’incluait pas l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire dans l’ensemble des prestations minimales, de sorte que la distinction entre cet ensemble de prestations et les installations de service, définies à l’annexe II, ne dépendait d’aucune liste des éléments de l’infrastructure ferroviaire.

35. Sur cette base, ÖBB ainsi que les gouvernements français et polonais soutiennent que si le législateur de l’Union avait eu l’intention de modifier le régime antérieur, il l’aurait fait de manière explicite et en justifiant cette modification dans le préambule de la nouvelle directive. L’inclusion des quais à voyageurs dans la notion d’« infrastructure ferroviaire » constituerait une importante innovation par rapport à la réglementation antérieure.

36. Cette argumentation ne me semble cependant pas concluante. Si nous consultons le texte de l’article 2 de la directive 91/440/CEE ( 9 ), nous pouvons constater de quelle manière il précisait le champ d’application de cette dernière pour ce qui a trait à « la gestion de l’infrastructure ferroviaire ». Pour définir cette infrastructure, l’article 3, troisième tiret, renvoyait à l’annexe I, partie A du règlement (CEE) no 2598/70 ( 10 ). Cette annexe, dont la rédaction est pratiquement identique à
celle de l’annexe I de la directive 2012/34, reprend les quais à voyageurs et à marchandises dans l’énumération.

37. La comparaison des deux textes révèle qu’une des phrases ajoutées concerne précisément les quais à voyageurs et à marchandises, auxquels l’annexe I de la directive 2012/34 a ajouté les termes « y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises ».

38. Il est inconcevable que cet ajout n’ait pas été délibéré ( 11 ), à plus forte raison lorsque le point 2, sous a), de l’annexe II de la directive 2012/34 inclut les gares de voyageurs dans les installations de service et lorsque les quais sont la raison d’être d’une gare pour ce qui a trait à l’accès des voyageurs au train. De ce point de vue, la seule conclusion possible est que le législateur de l’Union a voulu que les quais à voyageurs, en ce compris ceux situés dans les gares, fassent partie
de l’infrastructure ferroviaire ( 12 ).

39. Le même législateur a ultérieurement corroboré sa position, puisque les modifications introduites par la directive (UE) 2016/2370 ( 13 ) n’ont pas affecté le libellé de l’annexe I de la directive 2012/34.

40. La Commission explique de manière convaincante les raisons de ce choix. La distinction entre l’ensemble des prestations minimales (qui garantit les prestations sans lesquelles un service de transport ne pourrait pas être fourni) et l’accès aux installations de service a non seulement une conséquence économique, en raison des critères différents de fixation de la redevance correspondante, mais implique également des régimes différents en termes d’accès. L’accès à l’ensemble des prestations
minimales est obligatoire, alors que l’accès aux installations de service peut être refusé s’il existe des alternatives viables.

41. En effet, la directive 2012/34 garantit l’accès tant à l’infrastructure ferroviaire qu’aux installations de service. La portée du droit d’accès n’est cependant pas la même. Les règles relatives à l’infrastructure ferroviaire sont ainsi très strictes et il est impossible d’en refuser l’accès aux entreprises ferroviaires. À cet égard, le considérant 65 de la directive 2012/34 précise qu’il est souhaitable de définir « les composantes du service d’infrastructure qui sont essentielles pour permettre
à un exploitant de fournir un service et qui doivent être assurées en contrepartie de redevances d’accès minimales» ( 14 ).

42. Le processus conçu par la directive 2012/34 pour répartir la capacité des infrastructures parmi les entreprises ferroviaires montre que l’objectif est que ces dernières accèdent à la capacité attribuée.

43. Comme je l’ai indiqué dans les conclusions dans l’affaire SJ ( 15 ), l’infrastructure ferroviaire possède une capacité limitée ( 16 ), ainsi que le souligne le considérant 58 de la directive 2012/34 lorsqu’il indique que « les systèmes de tarification et de répartition des capacités tiennent compte des effets de la saturation croissante de la capacité de l’infrastructure, voire de la rareté des capacités ».

44. Le mécanisme d’attribution de la capacité de l’infrastructure repris dans la directive 2012/34 vise à ce que les entreprises ferroviaires disposent effectivement des capacités attribuées et jouissent du droit de les utiliser, comme le prévoit l’article 13, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe II, point 1, sous b).

45. En revanche, les exigences relatives aux installations de service sont plus flexibles. L’article 13, paragraphe 4, de la directive 2012/34 prévoit que les demandes d’accès introduites par les entreprises ferroviaires peuvent être refusées « s’il existe des alternatives viables permettant aux entreprises ferroviaires d’exploiter le service de fret ou de transport de voyageurs concerné sur le même trajet ou sur un itinéraire de substitution dans des conditions économiquement acceptables ».

46. Le législateur de l’Union semble donc avoir voulu que la disponibilité des quais soit toujours assurée, en tant que composante de l’ensemble des prestations minimales, en incluant ceux-ci parmi les composantes essentielles auxquelles renvoie l’annexe I de la directive 2012/34.

47. Il est logique qu’il en soit ainsi, puisque l’on ne saurait imaginer une utilisation efficace du train sans la garantie d’effectuer l’embarquement et le débarquement par les quais. De cette manière, il est certain que les entreprises ferroviaires pourront utiliser les quais afin de fournir leurs services, qu’ils se trouvent dans une gare ou à de simples arrêts.

48. On peut en outre constater que dans la majorité des États membres les quais à voyageurs sont de facto affectés à l’infrastructure ferroviaire ( 17 ). Il ne semble dès lors pas que l’absence d’explication dans les considérants de la directive 2012/34 ait constitué une entrave à la bonne compréhension de cette dernière.

49. En définitive, la volonté du législateur de l’Union est non seulement clairement exprimée dans la directive 2012/34, mais elle est en outre justifiée, d’un point de vue matériel, par la nécessité de garantir aux entreprises ferroviaires l’accès aux quais en toutes circonstances.

2. Les arguments allant à l’encontre de cette interprétation

50. ÖBB et les gouvernements français et polonais défendent une thèse opposée à celle que je viens d’exposer (et à laquelle souscrivent la Commission et Westbahn) et invoquent divers arguments, dont certains sur lesquels je me suis déjà prononcé (par exemple l’argument relatif à l’absence, dans la directive 2012/34, de considérant spécifique justifiant le changement de régime juridique).

51. De manière synthétique, ces arguments portent soit sur la séparation physique entre les infrastructures ferroviaires et les installations de service (en tant que critère de délimitation des sphères de compétence du gestionnaire de ces infrastructures et des exploitants d’installations de service), soit sur les répercussions financières.

52. Je précise d’emblée que les arguments d’ÖBB et des gouvernements français et polonais défendent ce qui me semble être une interprétation contra legem de la directive 2012/34 ( 18 ). Essentiellement inspirée par les (incontestables) difficultés pratiques qu’implique l’inclusion des quais parmi les composantes de l’infrastructure ferroviaire, leur position exprime plutôt une critique de la décision législative reprise dans la directive 2012/34.

a) Délimitation physique des espaces

53. Les quais (infrastructures dont l’utilisation est régie par le point 1 de l’annexe II, lu en combinaison avec l’annexe I, de la directive 2012/34) et les gares de voyageurs (installations de service selon le point 2 de l’annexe II) doivent, en toute logique, être physiquement reliés. Il y aura un endroit (ou plutôt une limite) où finit l’exploitation de l’installation de service ferroviaire et où commence l’utilisation de l’infrastructure. La répartition matérielle des compétences sur les
différents espaces, que la directive 2012/34 attribue séparément aux gestionnaires de l’infrastructure et aux exploitants d’installations de service, variera en fonction de ce facteur.

54. Il convient de reconnaître que les inconvénients pratiques invoqués par ÖBB et par les gouvernements français et polonais au sujet de la délimitation de ces espaces ne sont pas négligeables. Il peut être difficile de fixer avec précision la frontière entre ces espaces, surtout dans certains cas plus complexes ( 19 ). Ces difficultés ne doivent cependant pas obscurcir la règle imposée par le législateur de l’Union, à savoir que le quai, en tant que tel, relève de l’infrastructure ferroviaire.

55. Même si le point suivant porte sur les conséquences sur les redevances, il convient d’ores et déjà de souligner que l’article 31, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2012/34, concerne « les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service ». Il se réfère donc à des infrastructures assurant la transition vers les installations de service, qui relèvent de la compétence du gestionnaire de ces
infrastructures.

56. ÖBB soutient que les composantes de l’infrastructure ferroviaire et les installations de service ne se mélangent pas. Selon elle, inclure les quais dans l’ensemble des prestations minimales estomperait la répartition des rôles entre le gestionnaire des premières (les infrastructures) et l’exploitant des secondes (les installations de service). En outre, il incombe à ce dernier de fournir l’accès à ces installations, « y compris aux voies d’accès ». D’après ÖBB, la règle directement applicable
aux quais est l’annexe II, point 2, qui reprend les installations de service, en ce compris les gares ( 20 ).

57. La thèse d’ÖBB reste ancrée dans une conception des infrastructures qui ne tient compte que des voies ferrées et des éléments indissociables de leur construction. Cette conception, qui était défendable jusqu’à la modification normative exprimée dans l’annexe I de la directive 2012/34, ne l’est plus, puisque la notion d’« infrastructure ferroviaire » a été élargie dans le sens précédemment exposé.

58. ÖBB doit cependant admettre que les voies ferrées font également partie d’une gare de voyageurs, au sens usuel du terme, sans être pour cela traitées de la même manière que les installations de service. Depuis l’entrée en vigueur de la directive 2012/34, un raisonnement analogue peut être appliqué aux quais.

59. Si nous consultons l’énumération des installations de service reprise à l’annexe II, point 2, de la directive 2012/34, nous constatons que la majorité d’entre elles se trouve dans des espaces éloignés du trajet du trafic ferroviaire ( 21 ). En revanche, la présence de voies principales et de voies d’accès est inhérente aux gares, de sorte que, dans ces endroits, l’infrastructure ferroviaire se mêle aux installations de service et il n’est pas nécessaire de fournir un accès indépendant, puisque
les voies de l’infrastructure ferroviaire proprement dite constituent précisément cet accès.

60. Rien n’empêche par conséquent que les compétences du gestionnaire des infrastructures s’étendent au-delà des voies qui parcourent la gare, en incluant aussi les quais à voyageurs. Ces derniers jouent le rôle d’« infrastructure reliant les installations de service » évoqué à l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2012/34.

61. Les solutions spécifiques permettant de déterminer comment le quai est relié aux différentes composantes de l’installation de service dépendront des circonstances particulières propres à la configuration de chaque gare. Faute de règle définissant de manière plus précise ces espaces, le gestionnaire de l’infrastructure et l’exploitant de la gare devront se mettre d’accord ou recourir au régulateur ferroviaire afin qu’il résolve leurs différences.

b) Répercussions financières

62. Ceux qui refusent de qualifier les quais à voyageurs de composante des infrastructures ferroviaires couvertes par l’ensemble des prestations minimales soulignent les répercussions financières de cette mesure, puisque la redevance due pour leur utilisation ne peut dépasser le coût directement imputable à cette dernière (principe du coût marginal) ( 22 ).

63. En réalité, cet argument n’affecte en rien l’interprétation des dispositions de la directive 2012/34 spécifiquement visées par la question préjudicielle. Si, comme le reconnaît la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire), « [c]onformément à la définition donnée par le droit de l’Union, les quais à voyageurs font […] partie de l’infrastructure ferroviaire» ( 23 ), cette prémisse doit être utilisée pour en tirer les conséquences pertinentes sur la redevance servant à
compenser l’utilisation de cette infrastructure.

64. Les éléments énumérés à l’annexe I devront ainsi être pris en compte pour calculer cette redevance, conformément aux articles 29 et suivants de la directive 2012/34 et, à partir de son entrée en vigueur, au règlement d’exécution (UE) 2015/909 ( 24 ). Ce règlement régit les coûts directement imputables à l’exploitation du service ferroviaire aux fins de la fixation des redevances pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service
visées à l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2012/34.

65. L’inclusion des quais dans l’infrastructure ferroviaire implique qu’ils ne sauraient être pris en compte pour le calcul de la redevance d’utilisation des installations de service. L’utilisation des quais ne peut dès lors être frappée d’une redevance tenant compte du critère du bénéfice raisonnable. Cette réalité pourra éventuellement impliquer une diminution de recettes pour les exploitants de ces installations qui auraient jusqu’à présent assumé la responsabilité des quais pour avoir cru, à
tort, qu’ils faisaient partie de ces dernières.

66. Je le répète, cette conséquence ne constitue aucunement un obstacle à l’interprétation des annexes I et II de la directive 2012/34. Du reste, l’impossibilité de réclamer la redevance des installations de service pour les quais de la gare sera palliée par le transfert de la responsabilité de ces quais (leur construction et leur entretien), dont l’exploitant de la gare sera libéré.

67. Dans ses observations écrites, le gouvernement polonais soutient qu’exclure les quais à voyageurs des installations de service porterait atteinte aux objectifs poursuivis par la directive 2012/34, parmi lesquels figure celui de rendre les transports par chemin de fer efficaces et compétitifs par rapport aux autres modes de transport (considérant 5). Il ajoute que la possibilité offerte aux exploitants d’installations de service d’inclure une part de bénéfice raisonnable dans leurs redevances
complète cet objectif. Le bénéfice ainsi obtenu peut être utilisé pour améliorer les installations, précisément sur les quais à voyageurs, où il faut fournir aux passagers le plus haut degré de confort et de sécurité, ce qui, en définitive, revient à leur offrir de meilleurs services.

68. Cet argument, comme d’autres arguments similaires, pourrait mettre en évidence un effet non désiré de la réglementation en vigueur, mais est insuffisant pour interpréter celle-ci à l’encontre de son libellé et, plus encore, pour réfuter sa validité (ce que nul n’a du reste invoqué). Il part en outre d’une prémisse contestable, à savoir que la qualité inhérente à des investissements plus importants ne peut être associée qu’à une redevance plus élevée.

69. Assurément, rien ne démontre que le point de vue adopté dans la directive 2012/34 aboutisse inévitablement à la coexistence d’infrastructures ferroviaires déficientes et d’installations de service impeccables en raison des différences entre les redevances dues au titre de l’utilisation des unes et des autres. Il convient en tout état de cause de ne pas oublier que la directive 2012/34 prévoit, aux articles 8 et 32, des mécanismes afin de permettre aux États membres de prendre des mesures de
soutien économique en faveur du gestionnaire de l’infrastructure.

C.   Sur la limitation des effets de l’arrêt dans le temps

70. Dans l’hypothèse où la Cour admettrait que la directive 2012/34 inclut les quais à voyageurs dans l’infrastructure ferroviaire, ÖBB demande que l’arrêt ne produise ses effets qu’à partir de sa publication.

71. Pour justifier sa demande, ÖBB fait valoir les répercussions économiques ainsi que sa bonne foi, puisqu’elle n’a pas réalisé que la directive 2012/34 n’entraînait aucune modification substantielle du régime instauré par la directive 2001/14. Le comportement des autres États membres et de la Commission, qui n’ont pas attaqué la réglementation autrichienne, renforcerait sa demande.

72. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation que cette dernière donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant
l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies ( 25 ).

73. Par dérogation à cette règle, la Cour, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, peut limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour décider une telle limitation, il est nécessaire que deux conditions essentielles soient remplies, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves.

74. La Cour a eu recours à cette exception lorsqu’il existait un risque de répercussions économiques graves, dues, en particulier, au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur, et qu’il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à adopter un comportement non conforme au droit de l’Union en raison d’une incertitude objective et importante quant à la portée des
dispositions du droit de l’Union, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d’autres États membres ou par la Commission ( 26 ).

75. J’estime en l’espèce qu’aucune de ces conditions n’est remplie :

– quand bien même la décision du législateur de l’Union d’inclure les quais dans le cadre des infrastructures ferroviaires n’a pas été accompagnée d’une explication dans les considérants de la directive 2012/34, la teneur de la norme est claire et n’a généré aucune incertitude dans la majorité des États membres ( 27 ) ;

– ÖBB n’a pas chiffré, ne fût-ce qu’approximativement, l’impact économique qu’aurait l’intégration des quais des gares parmi les éléments de l’infrastructure ferroviaire. Dans ses observations écrites ( 28 ), ÖBB évoque même l’éventuelle « compensation du dommage financier » à laquelle les États membres devraient veiller. Or, aucun de ces États membres (pas même la République d’Autriche, qui n’est pas intervenue au renvoi préjudiciel) ne s’est rallié à la demande d’ÖBB relative aux effets de
l’arrêt dans le temps.

V. Conclusion

76. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la Schienen-Control Kommission (commission de contrôle ferroviaire, Autriche) dans les termes suivants :

L’annexe I et l’annexe II, point 1, sous c), et point 2, sous a), de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen, doivent être interprétées en ce sens que les quais à voyageurs situés dans les gares font partie de l’infrastructure ferroviaire dont l’utilisation relève de l’« ensemble des prestations minimales » disponibles pour toute entreprise ferroviaire.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32).

( 3 ) La Cour reconnaît que cette commission peut faire partie des organes habilités à poser des questions préjudicielles (arrêt du 22 novembre 2012, Westbahn Management, C‑136/11, EU:C:2012:740, points 26 à 31). J’émets quelques réserves quant à cette qualité qui, pour des raisons analogues, pourrait s’appliquer à pratiquement tous les organismes de régulation sectorielle.

( 4 ) Le gestionnaire de l’infrastructure et l’exploitant d’installations de service sont définis à l’article 3, points 2 et 12, de la directive 2012/34. Même si leurs rôles sont, en principe, conçus comme des rôles distincts, l’article 13, paragraphe 3, troisième alinéa, de cette directive, permet que le gestionnaire de l’infrastructure soit en même temps exploitant d’installations de service. C’est le cas en Autriche, où ÖBB assume les deux rôles.

( 5 ) Je constate que les différentes versions linguistiques de la directive 2012/34 présentent des divergences qui concernent certaines notions essentielles de la présente affaire (article 13, paragraphe 2, article 31, paragraphe 7, et annexe II, point 2). Certaines versions (française, italienne ou allemande) parlent d’« accès aux voies », mais d’autres (anglaise, espagnole ou portugaise) évoquent l’« accès par voie ferrée ». C’est peut-être pour cette raison qu’ÖBB, se basant sur la version
linguistique allemande, a retenu une approche de l’« accès aux voies ferrées » du point de vue des utilisateurs, en considérant que l’« accès » devait être fourni à ces derniers et non aux entreprises ferroviaires, qui sont les véritables destinataires des services. Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas que ces divergences linguistiques soient essentielles. L’accès qui doit être fourni doit permettre aux entreprises ferroviaires d’être connectées au(x) (reste des) installations de service au
départ de la voie ferrée et de rejoindre la voie ferrée au départ des installations de service. Par conséquent, j’utiliserai ci‑après le terme « accès », en lien avec les entreprises ferroviaires, au sens de « voie de communication d’entrée et de sortie entre les installations de service et la voie ferrée ».

( 6 ) Compte tenu de son double rôle, ÖBB perçoit les deux redevances.

( 7 ) La demande de décision préjudicielle distingue les « quais à voyageurs dans les gares de voyageurs » et les « quais à voyageurs dans les arrêts » (point 23). Si nous comparons le concept de gare ferroviaire et le concept d’arrêt, l’élément commun est le quai. Une gare, qui présente normalement plusieurs quais, comporte aussi des embranchements et d’autres installations accessoires destinées aux manœuvres et à l’entretien des trains, mais également des espaces de service aux passagers ainsi que
des zones de gestion des marchandises. En revanche, un arrêt est essentiellement un quai disposant d’un nombre plus ou moins élevés d’éléments additionnels afin de simplifier l’attente avant l’accès au train. Il me semble dès lors que puisque l’annexe II, point 2, sous a), se réfère aux gares, il convient de fixer l’attention sur les quais qui s’y trouvent, sans préjudice des éventuelles références aux arrêts.

( 8 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (JO 2001, L 75, p. 29).

( 9 ) Directive du Conseil du 29 juillet 1991 relative au développement de chemins de fer communautaires (JO 1991, L 237, p. 25).

( 10 ) Règlement de la Commission du 18 décembre 1970 relatif à la fixation du contenu des différentes positions des schémas de comptabilisation de l’annexe I du règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil du 4 juin 1970 (JO 1970, L 278, p. 1). Il s’agit d’un règlement complémentaire au règlement (CEE) no 1108/70 du Conseil, du 4 juin 1970, instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1970, L 130, p. 4).

( 11 ) Certes, il aurait été souhaitable que le rédacteur de la directive 2012/34 exprime ses intentions dans l’exposé des motifs, mais l’absence d’un quelconque considérant consacré à cette question ne permet pas de s’écarter de la seule explication cohérente avec le libellé, le contexte et l’objectif poursuivi par ladite directive.

( 12 ) Sur ce point, je n’estime pas qu’il y ait de différences entre les quais des gares et ceux des arrêts : la règle vise tous les quais, comme le souligne l’ajout des termes « y compris dans les gares de voyageurs ».

( 13 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant la directive 2012/34/UE en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire (JO 2016, L 352, p. 1).

( 14 ) Mise en italique par nos soins.

( 15 ) Conclusions dans l’affaire SJ (C‑388/17, EU:C:2018:738, points 52 et suivants).

( 16 ) Le considérant 71 de la directive 2012/34 qualifie l’infrastructure ferroviaire de monopole naturel.

( 17 ) C’est ce qu’affirme l’Independent Regulators’ Group – Rail (groupement d’autorités de régulation ferroviaire, dont l’article 57 de la directive 2012/34 promeut la coopération) lorsqu’il étudie l’application des redevances d’utilisation d’installations de service dans divers pays d’Europe. Voir « An overview of charging practices for access to service facilities and rail-related services in the IRG-Rail member states » [IRG-Rail (17) 6] (Vue d’ensemble des pratiques tarifaires pour l’accès aux
installations de service et aux services liés au rail dans les États membres de IRG-Rail), rapport du 27 novembre 2017, p. 14. Ce rapport couvre l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Norvège, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume‑Uni, la Slovénie et la Suède. Le contenu de ce rapport a été débattu lors de l’audience.

( 18 ) Lors de l’audience, le gouvernement français a demandé à la Cour de retenir une « interprétation éloignée du texte » de cette directive.

( 19 ) ÖBB mentionne notamment, à titre d’exemple, les tunnels souterrains qui, dans certaines gares de voyageurs, permettent l’accès aux quais.

( 20 ) Cette explication ne tient pas suffisamment compte du fait que l’annexe I inclut nommément les quais à voyageurs, en ce compris ceux des gares, dans la liste des composantes de l’infrastructure ferroviaire.

( 21 ) Par exemple les terminaux de marchandises, les voies de garage, les installations d’entretien, les infrastructures techniques ou les infrastructures de ravitaillement en combustible.

( 22 ) Le document intitulé « Updated review of charging practices for the mínimum access package in Europe » (Étude actualisée des pratiques de tarification pour l’ensemble des prestations minimales en Europe) élaboré par IRG-Rail [IRG-Rail (18) 10] souligne, à la page 10, de quelle manière les redevances pour l’ensemble des prestations minimales sont calculées, dans la majorité des pays, sur la base des coûts marginaux que l’utilisation des infrastructures occasionne au gestionnaire de celles-ci.

( 23 ) Décision de renvoi, titre IV « Explications relatives aux questions préjudicielles », point 6 in fine.

( 24 ) Règlement d’exécution de la Commission du 12 juin 2015 concernant les modalités de calcul du coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire (JO 2015, L 148, p. 17).

( 25 ) Arrêt du 27 février 2014, Transportes Jordi Besora (C‑82/12, EU:C:2014:108, point 40 et jurisprudence citée).

( 26 ) Arrêts du 3 juin 2010, Kalinchev (C‑2/09, EU:C:2010:312, points 50 et 51) ; du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a. (affaires jointesC‑338/11 à C‑347/11, EU:C:2012:286, points 59 et 60), et du 27 février 2014, Transportes Jordi Besora (C‑82/12, EU:C:2014:108, points 42 et 43).

( 27 ) Je renvoie au document cité à la note 17.

( 28 ) Point 54. Lors de l’audience, ÖBB n’a pas fait allusion à la limitation des effets de l’arrêt dans le temps.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-210/18
Date de la décision : 28/03/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Schienen-Control Kommission.

Renvoi préjudiciel – Transport – Espace ferroviaire unique européen – Directive 2012/34/UE – Article 3 – Notion d’“infrastructure ferroviaire” – Annexe II – Prestations minimales – Inclusion de l’utilisation des quais à voyageurs.

Transports


Parties
Demandeurs : WESTbahn Management GmbH
Défendeurs : ÖBB-Infrastruktur AG.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:277

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