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31/01/2019 | CJUE | N°C-55/18

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) contre Deutsche Bank SAE., 31/01/2019, C-55/18


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 31 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑55/18

Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO)

contre

Deutsche Bank SAE,

parties en cause :

Federación Estatal de Servicios de la Unión General de Trabajadores (FES‑UGT),

Confederación General del Trabajo (CGT),

Confederación Solidaridad de Trabajadores Vascos (ELA),

Confederación Intersindical Galega (CIG)

[demande de décision préjudicielle

formée par l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la santé et de la sécu...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 31 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑55/18

Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO)

contre

Deutsche Bank SAE,

parties en cause :

Federación Estatal de Servicios de la Unión General de Trabajadores (FES‑UGT),

Confederación General del Trabajo (CGT),

Confederación Solidaridad de Trabajadores Vascos (ELA),

Confederación Intersindical Galega (CIG)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la santé et de la sécurité des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Repos journalier – Repos hebdomadaire – Durée maximale hebdomadaire de travail – Article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 89/391/CEE – Sécurité et santé des travailleurs sur le lieu de travail – Obligation pour les entreprises d’instaurer un système de mesure du temps de travail
journalier »

1.  Pour assurer la pleine effectivité de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur les lieux de travail, objectifs que poursuit la directive 2003/88/CE ( 2 ) notamment en fixant des limites maximales de temps de travail, est-il nécessaire que les États membres prévoient l’obligation pour l’employeur de mettre en place des dispositifs de mesure de la durée effective journalière et hebdomadaire de travail ?

2.  Telle est en substance la question soulevée en l’espèce par la demande de décision préjudicielle que l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) a adressée à la Cour de justice. Cette demande a pour origine un conflit collectif engagé par certains syndicats de travailleurs visant à faire constater l’obligation de la défenderesse au principal, la Deutsche Bank SAE (ci-après la « Deutsche Bank ») d’établir un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectif presté, permettant de
vérifier le respect des horaires de travail prévus par les dispositions de la loi et par les conventions collectives.

3.  Dans les présentes conclusions, j’exposerai les raisons pour lesquelles le droit de l’Union impose selon moi aux États membres l’obligation d’introduire une réglementation du temps de travail qui, sans remettre en cause la marge d’appréciation qui leur est garantie par l’objectif d’harmonisation minimale de la directive 2003/88, assure le respect effectif des règles sur les limites applicables au temps de travail, à travers la mise en place de systèmes de mesure du travail effectivement presté.
L’absence d’un tel mécanisme dans l’ordre juridique d’un État membre porte en effet atteinte, selon moi, à l’effet utile de la directive précitée.

4.  Je suis donc d’avis que la directive 2003/88 s’oppose à une législation nationale qui n’impose pas expressément aux employeurs d’instaurer une forme de mesure ou de contrôle du temps de travail normal des travailleurs en général.

I. Cadre juridique

A.   Droit de l’Union

5. Le considérant 4 de la directive 2003/88 énonce ce qui suit :

« (4) L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique. »

6. L’article 3 de la directive 2003/88, intitulé « Repos journalier », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. »

7. Aux termes de l’article 5 de la directive 2003/88, intitulé « Repos hebdomadaire » :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l’article 3. Si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt‑quatre heures pourra être retenue. »

8. Aux termes de l’article 6 de la directive 2003/88, intitulé « Durée maximale hebdomadaire de travail » :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux ;

b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »

9. L’article 22 de la directive 2003/88, intitulé « Dispositions diverses » dispose :

« 1.   Un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que :

a) aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante‑huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b), à moins qu’il ait obtenu l’accord du travailleur pour effectuer un tel travail ;

b) aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu’il n’est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail ;

c) l’employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail ;

d) les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail ;

e) l’employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante‑huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b).

[...]

3.   Si les États membres exercent l’une ou l’autre des facultés prévues au présent article, ils en informent immédiatement la Commission. »

10. L’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ( 3 ) dispose :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour assurer que les employeurs, les travailleurs et les représentants des travailleurs sont soumis aux dispositions juridiques requises pour la mise en œuvre de la présente directive. »

11. L’article 11, paragraphe 3, de la directive 89/391 énonce :

« Les représentants des travailleurs, ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, ont le droit de demander à l’employeur qu’il prenne des mesures appropriées et de lui soumettre des propositions en ce sens, de façon à pallier tout risque pour les travailleurs et/ou à éliminer les sources de danger. »

B.   Droit espagnol

12. L’article 34 de l’Estatuto de los Trabajadores (statut des travailleurs), dans la version résultant du Real decreto legislativo (décret royal législatif) 2/2015 qui a approuvé la réforme du statut des travailleurs, du 23 octobre 2015 ( 4 ) (ci-après le « statut des travailleurs »), dispose ce qui suit :

« 1.   La durée du temps de travail est celle qui a été convenue dans les conventions collectives ou dans les contrats de travail. La durée maximale du temps de travail ordinaire est de 40 heures par semaine de travail effectif en moyenne calculée sur l’année

[...]

3.   Douze heures au moins doivent s’écouler entre la fin d’une période de travail et le début de la période de travail suivante. Le nombre d’heures ordinaire de travail effectif ne peut pas excéder neuf heures par jour, à moins qu’une convention collective ou, à défaut de celle-ci, un accord conclu entre l’entreprise et les représentants des travailleurs ne prévoie une autre répartition du temps de travail journalier, le temps de repos entre deux périodes de travail devant en tout état de cause
être respecté. [...] »

13. L’article 35 du statut des travailleurs, intitulé « Heures supplémentaires », dispose :

« 1.   Constituent des heures supplémentaires les heures de travail prestées en sus de la durée maximale du temps de travail ordinaire fixée conformément à l’article précédent. [...]

2.   Le nombre d’heures supplémentaires ne peut pas être supérieur à 80 heures par an. [...]

[...]

4.   La prestation de travail en heures supplémentaires est volontaire, à moins que leur réalisation ait été convenue dans une convention collective ou dans un contrat individuel de travail, dans les limites prévues au paragraphe 2.

5.   Aux fins du calcul des heures supplémentaires, le temps de travail de chaque travailleur est enregistré au jour le jour et totalisé au moment fixé pour le versement de la rémunération, une copie du récapitulatif étant remise au travailleur dans le justificatif du versement correspondant. »

14. La troisième disposition additionnelle du Real Decreto 1561/1995 sobre jornadas especiales de trabajo (décret royal 1561/1995 relatif aux horaires de travail spéciaux) ( 5 ), du 21 septembre 1995, intitulé « Compétence des représentants des travailleurs en matière de temps de travail », énonce :

« Sans préjudice des compétences reconnues aux représentants des travailleurs en matière de temps de travail dans le statut des travailleurs et dans le présent décret royal, ces représentants ont le droit [...] :

[...]

b) d’être informés mensuellement par l’employeur des heures supplémentaires prestées par les travailleurs quelle que soit la forme de compensation adoptée ; ils reçoivent à cet effet une copie des récapitulatifs visés à l’article 35, paragraphe 5, du statut des travailleurs. »

II. Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

15. Le 26 juillet 2017, la Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), un syndicat de travailleurs qui fait partie de l’organisation syndicale la plus représentative au niveau national en Espagne, a introduit un recours collectif devant l’Audiencia Nacional (Cour centrale) à l’encontre de la Deutsche Bank, en vue d’obtenir un jugement constatant l’obligation pour celle-ci d’établir un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectif presté par ses salariés.

16. Un tel système devrait permettre de vérifier le respect, d’une part, des horaires de travail prévus et, d’autre part, de l’obligation de transmettre aux représentants syndicaux les informations relatives aux heures supplémentaires prestées mensuellement, conformément à l’article 35, paragraphe 5, du statut des travailleurs et à la troisième disposition additionnelle du décret royal 1561/1995.

17. Dans la procédure au principal, quatre autres organisations syndicales sont intervenues au soutien des conclusions de la CCOO : la Federación Estatal de Servicios de la Unión General de Trabajadores (FES-UGT), la Confederación General del Trabajo (CGT), la Confederación Solidaridad de Trabajadores Vascos (ELA) et la Confederación Intersindacal Galega (CIG).

18. De l’avis des requérantes, l’obligation d’établir un système d’enregistrement du temps de travail journalier découle de l’interprétation des articles 34 et 35 du statut des travailleurs, lus conjointement avec l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte » et aux articles 3, 5, 6, 8 et 22 de la directive 2003/88. La Deutsche Bank soutient au contraire qu’il résulte des arrêts du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) du 23 mars et
du 20 avril 2017 que le droit espagnol ne prévoit pas une telle obligation générale.

19. L’Audiencia Nacional (Cour centrale) a constaté que, bien que l’entreprise défenderesse soit liée par diverses règles relatives au temps de travail, issues d’une pluralité de conventions collectives nationales sectorielles et d’accords collectifs d’entreprises, celle-ci n’utilise aucun type d’enregistrement du temps de travail effectif presté par le personnel permettant de contrôler le respect de l’horaire prévu par les dispositions de la loi et les conventions ou accords collectifs ou des
heures supplémentaires éventuellement effectuées. L’entreprise défenderesse utilise une application informatique (Absences Calendar) qui permet d’enregistrer exclusivement les absences pour une journée entière (vacances ou autres congés).

20. L’Inspección de Trabajo y Seguridad Social (inspection du travail et de la sécurité sociale) des provinces de Madrid et de Navarre a demandé à la défenderesse de mettre en place un système d’enregistrement du temps de travail journalier puis, celle-ci n’ayant pas donné suite à la demande, a établi un procès‑verbal d’infraction avec proposition de sanction. La sanction n’a pas été appliquée à la suite de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 23 mars 2017.

21. La juridiction de renvoi précise que, dans cet arrêt rendu par sa formation plénière, avec toutefois certaines opinions dissidentes, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a exclu l’existence, en droit espagnol, d’une obligation générale d’enregistrer le temps de travail normal. En particulier, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a souligné que l’article 35, paragraphe 5, du statut des travailleurs impose uniquement de tenir un registre des heures supplémentaires effectuées et de communiquer à la fin
de chaque mois le nombre d’heures supplémentaires éventuellement prestées par les travailleurs à leurs représentants syndicaux.

22. Le raisonnement suivi par le Tribunal Supremo (Cour suprême) dans cet arrêt est en substance fondé sur les motifs suivants : l’obligation de tenue du registre ressort de l’article 35 du statut des travailleurs, qui concerne les heures supplémentaires, et non de l’article 34, qui concerne le temps de travail « ordinaire » ; lorsque le législateur espagnol a souhaité imposer un tel registre, il l’a prévu spécifiquement comme dans le cas des travailleurs à temps partiel et des travailleurs mobiles,
de la marine marchande ou ferroviaires ; l’article 22 de la directive 2003/88 impose, comme le droit espagnol, l’obligation de tenir un registre pour le temps de travail spécial et non pour le temps de travail normal qui ne dépasse pas la durée maximale prévue ; la tenue d’un tel registre impliquerait le traitement des données personnelles du travailleur avec les risques d’une ingérence indue de l’entreprise dans la vie privée du travailleur ; l’absence de tenue d’un tel registre n’est pas
qualifiée de violation claire et manifeste des règles relatives aux infractions et aux sanctions en matière sociale ; une telle interprétation ne porterait pas atteinte aux droits de la défense dans la mesure où, en vertu des règles procédurales espagnoles, rien ne s’oppose à ce que le travailleur prouve par d’autres moyens qu’il a effectué des heures supplémentaires.

23. La juridiction de renvoi a fait part de ses doutes sur la conformité de la position du Tribunal Supremo (Cour suprême) au droit de l’Union. Elle relève tout d’abord à cet égard qu’une enquête de 2016 sur la main d’œuvre en Espagne a révélé que 53,7 % des heures de travail supplémentaires n’étaient pas enregistrées. En outre, deux rapports (du 31 juillet 2014 et du 1er mars 2016) de la direction générale de l’emploi du ministère espagnol de l’Emploi et de la Sécurité sociale ont affirmé que, afin
de déterminer si des heures supplémentaires ont été prestées, il est nécessaire de connaître avec exactitude le nombre d’heures de travail normales effectuées ; c’est ce qui explique que les inspecteurs du travail aient demandé la mise en place d’un système d’enregistrement du temps de travail journalier dans les entreprises, considéré comme le seul moyen de vérifier les éventuels dépassements des limites maximales prévues pendant la période de référence. La juridiction de renvoi relève
également que l’interprétation du droit espagnol adoptée par le Tribunal Supremo (Cour suprême) aurait pour conséquence, en pratique, que les travailleurs seraient privés d’un moyen de preuve essentiel pour démontrer que leur prestation a dépassé le temps de travail normal et leurs représentants ne disposeraient pas d’un moyen nécessaire pour vérifier le respect des règles, avec pour conséquence que le contrôle du respect du temps de travail et des périodes de repos dépendrait du bon vouloir de
l’employeur.

24. Selon la juridiction de renvoi, dans une telle situation, le droit national ne serait pas en mesure de garantir l’effectivité du respect des obligations relatives à la gestion des temps de travail prévues par la directive 2003/88 et, pour ce qui est des droits des représentants des travailleurs, de la directive 89/391.

25. Dans ces conditions, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il de considérer que, à travers les articles 34 et 35 [du statut des travailleurs] tels qu’interprétés par la jurisprudence, le Royaume d’Espagne a adopté les mesures nécessaires pour garantir l’efficacité de la limitation du temps de travail et du repos hebdomadaire et journalier, prévues aux articles 3, 5 et 6 de la [directive 2003/88], à l’égard des travailleurs à temps plein qui n’ont pas expressément accepté, individuellement ou collectivement, d’effectuer des heures
supplémentaires et qui ne sont pas des travailleurs mobiles, de la marine marchande ou ferroviaires ?

2) L’article 31, paragraphe 2, de la [Charte] et les articles 3, 5, 6, 16 et 22 de la [directive 2003/88], lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, l’article 11, paragraphe 3, et l’article 16, paragraphe 3, de la [directive 89/391], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que les articles 34 et 35 du statut des travailleurs, dont on ne peut pas déduire, ainsi que le souligne une jurisprudence constante, que les entreprises sont
tenues d’établir un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectif presté par les travailleurs à temps plein qui n’ont pas expressément accepté, individuellement ou collectivement, d’effectuer des heures supplémentaires et qui ne sont pas des travailleurs mobiles, de la marine marchande ou ferroviaires ?

3) Convient-il de considérer que la réglementation nationale contenue aux articles 34 et 35 du statut des travailleurs, dont on ne peut pas déduire, ainsi que le souligne une jurisprudence [espagnole] constante, que les entreprise[s] sont tenues d’établir un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectif presté par les travailleurs à temps plein qui n’ont pas expressément accepté, individuellement ou collectivement, d’effectuer des heures supplémentaires et qui ne sont pas des
travailleurs mobiles, de la marine marchande ou ferroviaires, permet de garantir, à l’égard des travailleurs ordinaires, l’obligation, imposée aux États membres à l’article 31, paragraphe 2, de la [Charte] et aux articles 3, 5, 6, 16 et 22 de la [directive 2003/88], lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, l’article 11, paragraphe 3, et l’article 16, paragraphe 3, de la [directive 89/391], de limiter la durée du temps de travail de tous les travailleurs en général ? »

III. Analyse juridique

A.   Observations liminaires

26. À titre liminaire, il convient me semble-t-il de relever que, comme la Commission européenne l’a souligné dans ses observations, les trois questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi sont liées entre elles et se recoupent sur certains points.

27. En effet, il apparaît, à la lecture de ces questions, que la réponse à la première question découle de la réponse aux deuxième et troisième questions préjudicielles, dont les contenus coïncident.

28. En substance, par sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si des dispositions de droit national, telles que les articles 34 et 35 du statut des travailleurs, à la lumière de leur interprétation par le Tribunal Supremo (Cour suprême), permettent une protection effective du travailleur, en matière de durée journalière et hebdomadaire de travail ainsi qu’en matière de repos journalier et hebdomadaire, conformément aux exigences du droit de l’Union, bien
qu’elles n’imposent pas l’utilisation d’un système d’enregistrement du temps de travail journalier.

29. Dans ces conditions, il me semble donc opportun d’examiner conjointement les trois questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, en les reformulant de la façon suivante : l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et les articles 3, 5, 6, 16 et 22 de la directive 2003/88, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, l’article 11, paragraphe 3, et l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391, dispositions qui, en imposant des limitations de durée du temps de travail, ont
pour objectif la protection effective de la santé et de la sécurité des travailleurs sur les lieux de travail, s’opposent-ils à une réglementation nationale, comme celle qui ressort des articles 34 et 35 du statut des travailleurs applicable en droit espagnol, tels qu’interprétés par la jurisprudence espagnole, dont on ne peut déduire aucune obligation pour les entreprises d’instaurer un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectif pour les travailleurs à temps plein qui
n’ont pas expressément accepté, individuellement ou collectivement, d’effectuer des heures supplémentaires et qui ne sont pas des travailleurs mobiles, de la marine marchande ou ferroviaires ?

30. Sur ce point, j’observe que deux thèses se sont pour l’essentiel opposées devant la Cour, avec toutefois des nuances.

31. Selon la première thèse, défendue par la juridiction de renvoi, la Commission et les fédérations syndicales requérantes au principal, il existe incontestablement en droit de l’Union une obligation de l’employeur, à caractère instrumental, de mesurer le temps de travail, avec pour conséquence que le droit de l’Union s’opposerait à une réglementation nationale telle que celle prévue en droit espagnol qui, selon l’interprétation du Tribunal Supremo (Cour suprême), exclut l’existence d’une telle
obligation.

32. Selon la seconde thèse, qui est celle de la défenderesse au principal, du Royaume d’Espagne et des autres États membres ayant présenté leurs observations devant la Cour, à savoir le Royaume-Uni et la République tchèque, en l’absence de disposition spécifique dans la directive 2003/88, aucune obligation générale de mesurer le temps de travail ne peut être imposée aux entreprises.

33. Pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, il me semble nécessaire de préciser avant tout la portée de la directive 2003/88 dans l’économie du droit social de l’Union à la lumière des principes jurisprudentiels développés par la Cour en la matière, pour examiner ensuite, sur la base de cette analyse, si le droit de l’Union et, en particulier, ladite directive prévoient une obligation généralisée de mesurer le temps de travail.

B.   Objectifs et contenu de la directive 2003/88

34. La directive 2003/88 a pour objectif de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer la protection de la santé et de la sécurité sur les lieux de travail, un objectif atteint, entre autres, à travers le rapprochement des dispositions nationales relatives au temps de travail ( 6 ).

35. Pour atteindre ces objectifs, les dispositions de la directive 2003/88 fixent des périodes minimales de repos journalier (onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures, conformément à l’article 3) et hebdomadaire (vingt-quatre heures au cours de chaque période de sept jours, conformément à l’article 5), ainsi qu’un plafond de quarante-huit heures pour la durée moyenne hebdomadaire de travail, heures supplémentaires comprises [conformément à l’article 6, sous b)].

36. Ces dispositions mettent en œuvre l’article 31 de la Charte qui, après avoir énoncé, à son paragraphe 1, que « [t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité », dispose, au paragraphe 2, que « [t]out travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés ». Ce droit se rattache directement au respect de la dignité humaine,
qui est protégée plus largement sous le titre 1 de la Charte ( 7 ).

37. Le droit à la limitation de la durée maximale de travail et le droit à des périodes de repos journalier et hebdomadaire reflètent cependant les traditions constitutionnelles communes des États membres, ce qui ressort du texte de nombreuses constitutions nationales ( 8 ).

38. Tel est le cadre systématique dans lequel la Cour a affirmé que les prescriptions énoncées par la directive 2003/88 constituent des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ( 9 ), protection qui ne relève pas uniquement de l’intérêt individuel de ce dernier, mais également de celui de son employeur ainsi que de l’intérêt
général ( 10 ).

39. Une première conséquence que l’on peut selon moi tirer de ce lien fonctionnel entre la directive 2003/88 et les droits sociaux fondamentaux reconnus par la Charte est que l’interprétation de la directive 2003/88 et la détermination de son champ d’application doivent être propres à permettre la jouissance pleine et effective des droits subjectifs que celle-ci reconnaît aux travailleurs, en éliminant tout obstacle susceptible, de fait, d’en limiter ou d’en compromettre cette jouissance.

40. À cette fin, dans l’interprétation comme dans la mise en œuvre de la directive 2003/88, il y a lieu de tenir compte, comme la Cour l’a souligné à plusieurs reprises, de ce que le travailleur doit être considéré comme la partie faible de la relation de travail, de sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur ne dispose de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits ( 11 ).

41. Par conséquent, toute pratique ou omission d’un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur l’exercice de ses droits doit être considérée comme incompatible avec la finalité de la directive ( 12 ).

42. En outre, toujours selon la Cour, compte tenu de cette situation de faiblesse, un tel travailleur peut être dissuadé de faire valoir explicitement ses droits à l’égard de son employeur dès lors que la revendication de ceux-ci est susceptible de l’exposer à des mesures prises par ce dernier de nature à affecter la relation de travail au détriment de ce travailleur ( 13 ).

43. À la lumière de ces prémisses, une interprétation de la directive 2003/88 de nature à permettre la mise en œuvre cohérente de ses objectifs et la protection pleine et effective des droits qu’elle confère aux travailleurs, suppose d’identifier les obligations spécifiques incombant aux entités concernées par sa mise en œuvre, qui soient propres à éviter que le déséquilibre structurel de la relation économique entre employeur et salarié compromette la jouissance effective des droits conférés par la
directive.

C.   Sur la nécessité de garantir l’effet utile de la directive 2003/88

44. Le cadre systématique précédemment décrit permet de mieux préciser le contenu des obligations que la directive 2003/88 impose aux différentes entités auxquelles elle s’applique.

45. Tout d’abord, dans le cadre de la transposition de la directive, les États membres « prennent les mesures nécessaires » pour faire en sorte que le travailleur bénéficie des droits garantis par la directive (repos journalier, repos hebdomadaire, durée hebdomadaire de travail, etc.).

46. La formule utilisée au début de chaque article énonçant les prescriptions minimales relatives aux limitations applicables au temps de travail (articles 3, 4, 5 et 6 pour ce qui nous intéresse ici), « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour que… », a selon moi une double signification.

47. D’une part, elle confirme l’importance de la phase de transposition dans la législation nationale, caractérisée par de larges possibilités de dérogation qui restent toutefois subordonnées à la finalité poursuivie.

48. D’autre part, à la lumière du cadre systématique décrit au précédent titre, cette formulation initiale a pour effet de renforcer la responsabilité des États membres quant à leur obligation de résultat, à savoir la protection effective de la santé et de la sécurité des travailleurs, qui relève des objectifs fondamentaux de la directive 2003/88, comme cela découle expressément, entre autres, de son considérant 4.

49. La réitération d’une même formule semble par conséquent signifier que, si les États membres sont libres de choisir les formes et moyens pour transposer la directive 2003/88, ils n’en restent pas moins tenus d’adopter des mesures permettant d’assurer la jouissance effective des droits garantis par la directive, par le biais d’une réglementation nationale qui soit concrètement apte à atteindre le résultat visé, à savoir la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, grâce au respect
effectif des limites applicables au temps de travail.

50. À cela s’ajoute que, selon une jurisprudence constante, s’agissant de la transposition d’une directive dans l’ordre juridique d’un État membre, il est indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits ( 14 ).

51. En particulier, l’obligation des États membres d’adopter les « mesures nécessaires » devrait comporter, outre la transposition, dans l’ordre juridique national, des règles applicables au temps de travail, l’introduction de tout ce qui est nécessaire à la réalisation des droits fondamentaux consacrés à l’article 31 de la Charte, en éliminant tout obstacle qui, de fait, compromet ou limite la jouissance des droits subjectifs reconnus à cette fin par la directive 2003/88 qui, comme cela a été
relevé au paragraphe 36 des présentes conclusions, constitue une mise en œuvre de l’article 31 de la Charte.

52. Il ressort du reste de la jurisprudence que les États membres sont, en tout état de cause, tenus par une obligation de résultat précise et qui n’est assortie d’aucune condition quant à l’application des règles énoncées dans la directive 2003/88 ( 15 ), de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation ( 16 ) et de veiller à ne pas porter atteinte, y compris du fait de la carence du législateur national ( 17 ), à l’effet utile de la directive.

53. S’agissant spécialement de la réglementation du droit de l’Union en matière de temps de travail, la Cour a eu l’occasion de préciser que l’efficacité des droits reconnus aux travailleurs doit être pleinement assurée, ce qui implique nécessairement l’obligation pour les États membres de garantir le respect des différentes prescriptions minimales énoncées dans la directive. Cette interprétation est en effet la seule qui soit conforme à l’objectif de la directive de garantir une protection efficace
de la sécurité et de la santé des travailleurs ( 18 ).

54. La réglementation d’un État membre doit donc assurer intégralement l’effet utile des droits conférés aux travailleurs par la directive 2003/88 en vue de la protection efficace de la santé et de la sécurité de ces derniers ( 19 ).

55. Ces obligations des États membres dans le cadre de la mise en œuvre de la directive, afin d’en assurer l’effet utile, ont pour corollaire une responsabilité particulière de l’employeur ( 20 ) qui a, quant à lui, l’obligation d’adopter les mesures adéquates afin de permettre aux travailleurs d’exercer sans difficultés les droits qui leur sont garantis par la directive 2003/88.

D.   Mesure du temps de travail et effectivité de la protection des droits des travailleurs

56. C’est dans le cadre du contexte juridique qui vient d’être exposé qu’il y a lieu, afin de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, de déterminer si l’absence de système de mesure de la durée et de la répartition dans le temps de la prestation du travailleur aurait pour effet de vider de leur substance les droits reconnus par la directive 2003/88, et de faire échec à l’effet utile des dispositions qu’elle prévoit et à la protection des droits que ces dispositions confèrent aux
travailleurs dans l’Union.

57. À cet égard, il y a lieu d’observer, en premier lieu, qu’en l’absence d’un tel système, rien ne garantit que les limites de durée prévues par la directive 2003/88 soient effectivement respectées et par conséquent que les droits que la directive confère aux travailleurs puissent être exercés sans difficultés.

58. En effet, en l’absence d’un système de mesure du temps de travail, il n’est pas possible de déterminer de façon objective et certaine la quantité de travail effectivement prestée et sa répartition dans le temps. En l’absence d’un tel système, il est en outre impossible de distinguer entre les heures prestées dans le cadre du temps de travail normal et les heures supplémentaires et donc de vérifier de façon simple et certaine si les limites introduites par la directive 2003/88 sont ou non
concrètement respectées.

59. Pour pallier l’absence de garantie de protection effective des droits liés au respect du temps de travail, on ne saurait cependant s’en remettre aux pouvoirs conférés aux organes de contrôle tels que les inspecteurs du travail. En effet, l’autorité publique chargée de contrôler le respect du dispositif de sécurité au travail est également privée, en l’absence d’un système de mesure du temps de travail, de la possibilité concrète de déterminer et de contester les éventuels manquements aux
obligations concernées.

60. À cet égard, il y a lieu d’observer que les difficultés à déterminer, en l’absence de système fiable de mesure du temps de travail, les heures de travail effectivement prestées ont du reste été mises en évidence, devant la juridiction de renvoi, par les deux rapports, cités au point 23 des présentes conclusions, de la direction générale de l’emploi du ministère espagnol de l’Emploi et de la Sécurité sociale, autorité investie, en vertu de la loi espagnole, de missions de contrôle en matière de
santé et de sécurité au travail ( 21 ).

61. À ce sujet, j’observe en outre que la Cour a déjà souligné l’importance de l’existence d’un système de mesure du temps de travail pour garantir l’effet utile de la réglementation de l’Union concernant les limites applicables au temps de travail. Dans son arrêt Worten (arrêt du 30 mai 2013, C‑342/12, EU:C:2013:355), en effet, la Cour a précisé que l’obligation pour l’employeur de fournir aux autorités compétentes un accès immédiat au registre du temps de travail peut s’avérer nécessaire si elle
contribue à une application plus efficace de la réglementation en matière de conditions de travail ( 22 ).

62. Or, si la présentation immédiate du registre des présences peut s’avérer nécessaire pour garantir l’effectivité des dispositions en matière de temps de travail destinées à protéger le travailleur, a fortiori l’absence d’un quelconque dispositif de mesure du temps de travail prive les entités de contrôle d’un élément essentiel pour la vérification du respect des règles.

63. En second lieu, l’absence de système efficace de relevé du temps de travail non seulement ne permet pas de déterminer de façon effective le travail effectué, mais complique également fortement, du point de vue du travailleur, la protection juridictionnelle des droits qui lui sont conférés par la directive 2003/88. En effet, en l’absence d’un tel système, si l’employeur exige des prestations de travail sans respecter les limites de temps de travail prévues par la directive précitée, il
s’avérerait extrêmement difficile de mettre en œuvre des voies de recours efficaces contre de tels agissements illégaux.

64. À cet égard, il ne semble pas suffisant d’affirmer, comme l’a fait le Royaume d’Espagne lors de l’audience, que le travailleur pourrait faire valoir ses droits en justice. L’absence de système approprié de mesure du temps de travail normal implique en effet, sur le plan de la preuve, une charge plus lourde pour le travailleur agissant en justice contre son employeur pour violation des obligations prévues par la directive 2003/88.

65. S’il est effectivement vrai que le travailleur peut recourir à d’autres moyens pour apporter la preuve du manquement de son employeur aux obligations découlant de la réglementation sur le temps de travail, en produisant par exemple des témoignages ou d’autres éléments tels que les courriels ou messages reçus ou envoyés, il est également vrai que l’absence de données objectives sur la durée de sa journée de travail le prive d’un premier indice essentiel en termes de preuve.

66. En outre, l’efficacité en justice de la preuve testimoniale souffre de la situation de faiblesse du travailleur dans la relation de travail et donc de la possible réticence des collègues à témoigner contre l’employeur par peur de mesures de rétorsions.

67. À cet égard, nous rappelons la jurisprudence, mentionnée aux points 40 à 42 des présentes conclusions, dans laquelle la Cour a souligné que la situation de faiblesse du travailleur dans le cadre de la relation de travail peut de fait dissuader le travailleur lui-même de faire valoir expressément ses droits à l’égard de son employeur.

68. Cet élément dissuasif, intrinsèquement lié à la position de l’employeur dans la relation contractuelle, prend d’autant plus d’ampleur en l’absence de dispositifs de mesure du temps de travail, et rend ainsi particulièrement difficile son éventuelle preuve devant le juge.

69. Il résulte des considérations qui précèdent que l’absence de dispositif permettant de relever le temps de travail fragilise sensiblement l’effectivité des droits que la directive 2003/88 garantit aux travailleurs, qui dépendent, en substance, de l’arbitraire de l’employeur.

70. À cela s’ajoute que, même si une telle obligation n’est pas expressément prévue par la directive 2003/88, il découle des considérations qui précèdent qu’il s’agit d’une obligation instrumentale essentielle pour atteindre les objectifs qu’elle prévoit et permettre la jouissance des droits subjectifs qu’elle reconnaît.

71. Cependant, l’absence de système de mesure du temps de travail affaiblit également de façon significative les droits d’information et la fonction de contrôle des représentants syndicaux des travailleurs, qui leur sont expressément conférés en matière de santé et de sécurité des travailleurs, par l’article 4, paragraphes 1 et l’article 11, paragraphe 3, de la directive 89/391, conformément aux dispositions de l’article 27 de la Charte ( 23 ).

72. En définitive, ainsi que cela ressort des considérations qui précèdent, l’obligation de mesurer le temps de travail journalier contribue de façon essentielle au respect de toutes les autres obligations prévues par la directive 2003/88 que sont les limites de la durée journalière de travail, le repos journalier, les limites de la durée hebdomadaire de travail, le repos hebdomadaire et les éventuelles heures supplémentaires. Ces obligations se rattachent non seulement à la faculté, que doivent
avoir le travailleur et ses représentants, de contrôler périodiquement le nombre d’heures effectuées aux fins de leur rémunération, mais surtout à l’objectif de protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail.

73. L’interprétation développée aux points précédents résiste me semble-t-il aux différents arguments qui ont été avancés à l’appui de la thèse inverse par les parties intervenues devant la Cour.

74. À cet égard, en premier lieu, l’argument qui consiste, pour exclure l’existence d’une obligation générale d’introduire un mécanisme de mesure du temps effectif de travail presté, à exciper de l’absence de disposition expresse du droit de l’Union prévoyant un système de mesure du temps de travail, alors que le droit de l’Union prévoit au contraire l’obligation d’enregistrer le temps de travail dans des cas spéciaux ( 24 ), ne me semble pas décisif.

75. Cet argument, qui renvoie à une forme bien connue d’argumentation en matière d’interprétation juridique, exprimée par la maxime ubi lex voluit dixit, ubi noluit tacuit, est néanmoins contredit pas les résultats de l’interprétation systématique et téléologique de la directive 2003/88, précédemment exposés, et qui montrent qu’un système de mesure du temps de travail effectif est nécessaire afin d’assurer l’effet utile des dispositions du droit de l’Union concernant la limitation de la durée
maximale du temps de travail.

76. D’autre part, l’existence d’une obligation expresse d’enregistrement du temps de travail pour certains cas spéciaux n’est nullement en contradiction avec l’interprétation que je propose. Certaines catégories de travailleurs et les travailleurs de certains secteurs spécifiques, en effet, ont besoin d’une protection particulière – de par les caractéristiques intrinsèques de la prestation, comme les travailleurs à temps partiel ou les travailleurs mobiles – et le droit de l’Union prévoit pour
ceux-ci des systèmes de contrôle particulièrement rigoureux et complets.

77. Pour les travailleurs « ordinaires », qui ne font pas partie de ces catégories spécifiques, la directive 2003/88 présuppose au contraire l’existence d’un moyen permettant de relever le temps de travail, qui peut être un simple registre sur papier, un registre électronique ou tout autre dispositif, à condition qu’il soit adapté à l’objectif recherché.

78. S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue atteinte aux droits fondamentaux relatifs au traitement des données personnelles qui résulterait de l’introduction de systèmes de mesure du temps de travail, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que, bien que le contenu d’un registre du temps de travail puisse relever de la notion de « données personnelles » au sens du droit de l’Union, celui-ci ne fait pas obstacle à une réglementation nationale qui impose la mise à disposition d’un tel registre
à l’autorité nationale compétente en matière de surveillance des conditions de travail pour lui en permettre la consultation immédiate ( 25 ).

79. Naturellement, l’employeur devra faire un usage légitime des données disponibles dans le registre, en en autorisant l’accès uniquement aux personnes pouvant justifier de leur intérêt.

80. Pour ce qui est, en troisième lieu, de l’argument selon lequel la transposition en droit espagnol des prescriptions de la directive 2003/88 serait même plus favorable au travailleur (en ayant réduit, par exemple, le nombre d’heures hebdomadaires maximales), il a pour défaut de confondre des obligations de valeur différente, à savoir les obligations substantielles (les prescriptions minimales de la directive) et les obligations qui ne sont qu’instrumentales (les systèmes permettant de contrôler
le respect effectif des premières).

81. Dans la présente procédure, la question n’est pas de savoir si les obligations qui incombent expressément aux États membres en vertu de la directive 2003/88 (durée minimale de repos journalier et hebdomadaire, durée maximale hebdomadaire, etc.) ont été correctement transposées, mais s’il est ou non nécessaire, pour assurer le plein respect de ces obligations, de prévoir également un dispositif de contrôle approprié.

82. Il ne me semble pas non plus possible, en quatrième lieu, de faire référence, pour contester la thèse de l’existence d’une obligation juridique de prévoir un système de mesure du temps de travail, à la liberté d’entreprise, que protège le système juridique de l’Union et qui implique la faculté de choisir les modèles d’organisation considérés comme les plus adaptés pour l’exercice de l’activité de l’entreprise.

83. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le considérant 4 de la directive 2003/88 affirme clairement que « [l]’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique ».

84. Du reste, lors de l’audience, les représentants de la partie défenderesse au principal n’ont pas indiqué quels obstacles pratiques concrets s’opposeraient à l’adoption d’un système de mesure du temps de travail au sein de l’entreprise.

85. Cependant, si les États membres, comme nous le verrons au prochain titre des présentes conclusions, jouissent de marges d’appréciation significatives en ce qui concerne l’adoption des réglementations nationales relatives au temps de travail, la mise en place de systèmes individualisés, selon la complexité de l’organisation et les caractéristiques propres à chaque entreprise, devrait également relever de leur pouvoir discrétionnaire.

E.   Autonomie des États membres quant à la définition du système de mesure

86. Si l’interprétation que j’ai proposée aux points précédents permet de confirmer l’existence d’une obligation d’introduire un système de relevé du temps de travail, j’estime néanmoins qu’en raison de la finalité d’harmonisation minimale de la directive 2003/88 et conformément à ce qui a été affirmé au point 49 des présentes conclusions, il appartient aux États membres de définir les formes et les moyens de mise en œuvre d’une telle obligation ( 26 ), ainsi que les modalités concrètes qui
permettront de contrôler facilement le respect des règles applicables en matière de limitation du temps de travail.

87. Il y a lieu de souligner à cet égard que la technologie actuelle offre une grande variété de systèmes d’enregistrement du temps de travail ( 27 ) (registres papiers, applications informatisées, badges électroniques), des systèmes qui pourraient également être adaptés pour répondre aux caractéristiques et aux exigences de chaque entreprise.

88. Bien que les États membres disposent d’une marge d’appréciation importante dans le choix des formes et moyens de mise en œuvre de l’obligation d’introduire un système de relevé du temps de travail, il découle du raisonnement exposé aux points précédents, s’agissant en particulier de l’obligation des États membres, mise en évidence aux points 45 et suivants des présentes conclusions, de garantir l’effet utile de la directive 2003/88 et l’effectivité des droits que celle‑ci reconnaît aux
travailleurs, qu’un tel système de relevé doit être apte à atteindre ces objectifs ( 28 ).

F.   Sur les questions préjudicielles

89. À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il ne me semble pas compatible avec le droit de l’Union qu’une réglementation nationale ne prévoie aucune obligation pour les entreprises d’introduire un système de relevé du temps de travail journalier presté par chaque travailleur. Il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier si la réglementation en cause au principal peut être interprétée conformément aux articles précités de la directive 2003/88 et à l’article 31,
paragraphe 2, de la Charte.

90. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 288 TFUE ( 29 ).

91. Aux fins de la résolution du litige au principal, il est rappelé que cette même obligation d’interprétation conforme inclut l’obligation pour les juridictions nationales de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec les objectifs d’une directive. Partant, une juridiction nationale ne saurait valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition de droit national en
conformité avec le droit de l’Union, en raison du seul fait qu’elle a, de manière constante, interprété cette disposition dans un sens qui n’est pas compatible avec le droit de l’Union ( 30 ).

92. Par conséquent, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, à l’aide des méthodes d’interprétation connues du droit espagnol, s’il est possible d’interpréter le statut des travailleurs de telle sorte que celui-ci impose à l’entreprise une obligation de disposer d’un système de mesure du temps de présence journalière des travailleurs à temps plein.

93. Dans l’hypothèse où l’interprétation conforme ne serait pas possible, et puisque la directive 2003/88 n’est pas directement applicable dans les rapports horizontaux entre les personnes privées, il convient d’examiner si l’article 31, paragraphe 2, de la Charte peut s’appliquer pour imposer à l’entreprise de disposer d’un système de mesure du temps de présence journalier.

94. La Cour a déjà eu l’occasion de reconnaître l’effet direct de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, dans les rapports horizontaux entre personnes privées, en ce qui concerne le droit aux congés annuels ( 31 ). Dans la mesure où le droit à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos (journalier et hebdomadaire) a la même structure que le droit aux congés annuels et puisqu’il s’agit de droits étroitement liés, qui visent l’un comme l’autre à préserver des
conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et la dignité des travailleurs, et sont de surcroît prévus par la même disposition de la Charte, la jurisprudence de la Cour sur l’effet direct de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte dans les rapports horizontaux peut selon moi s’appliquer également aux droits relatifs à la limitation de la durée maximale de travail et aux périodes de repos dont bénéficie le travailleur.

95. Ces droits peuvent donc être invoqués directement à l’égard de l’employeur, à condition qu’il s’agisse d’une situation relevant du champ d’application du droit de l’Union ( 32 ), ce qui est en l’occurrence le cas puisque la réglementation nationale en cause constitue la transposition de la directive 2003/88 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

96. À cet égard, j’estime que le contenu des droits à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos du travailleur garantis par l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et des obligations correspondantes de l’employeur est suffisamment large pour inclure également l’adoption d’un système de mesure du temps de travail.

97. À l’appui de cette interprétation extensive des droits à la limitation de la durée maximale de travail et aux périodes de repos, on peut observer, à titre liminaire que, s’agissant d’un « droit social », il est dans la nature de cette catégorie de droits que leur titulaire puisse réclamer des prestations positives de l’État ou d’autres entités tenues au respect d’obligations afférentes à ces droits. Il s’agit d’une catégorie de droits qui ne peuvent être garantis que par les prestations
positives de l’entité tenue de les respecter, dont l’absence ou l’insuffisance a pour effet de priver le droit concerné de son effectivité.

98. Les observations précédentes concernant l’interprétation de la directive 2003/88, qui ont montré que l’effectivité du droit à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos dépend de la possibilité qu’il existe une méthode certaine et objective permettant de vérifier les heures de travail effectivement prestées, plaident du reste en faveur d’une interprétation de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte en ce sens que cette disposition implique l’obligation pour
l’entreprise d’adopter un mécanisme de contrôle similaire, sans préjudice de sa liberté de choisir les solutions techniques qu’il estimera les plus appropriées au regard de ses propres exigences dictées par l’organisation de l’entreprise.

IV. Conclusions

99. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre en ces termes à la demande de décision préjudicielle qui lui a été déférée par l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) :

1) L’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les articles 3, 5, 6, 16 et 22 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent l’obligation, pour les entreprises, d’instaurer un système de mesure du temps de travail journalier effectif pour les travailleurs à temps plein qui n’ont pas expressément
accepté, individuellement ou collectivement, d’effectuer des heures supplémentaires et qui ne sont pas des travailleurs mobiles, de la marine marchande ou ferroviaires, et en ce sens qu’ils font obstacle à une réglementation nationale dont on ne peut déduire l’existence d’une telle obligation.

2) Les États membres sont libres de prévoir la méthode de relevé du temps de travail journalier effectif qu’ils estiment la mieux à même de garantir l’effet utile des dispositions précitées du droit de l’Union.

3) La juridiction de renvoi reste en tout état de cause tenue de vérifier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit qui soit de nature à garantir la pleine effectivité du droit de l’Union. En cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale telle que celle en cause au principal de manière à en assurer la conformité à la directive
2003/88 et à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, il découle de cette dernière disposition que la juridiction de renvoi doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée et veiller à ce que l’obligation pour l’entreprise de se doter d’un système permettant de mesurer le temps de travail effectif soit respectée.

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( 1 ) Langue originale : l’italien.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

( 3 ) JO 1989, L 183, p. 1.

( 4 ) BOE no 255, du 24 octobre 2015.

( 5 ) BOE no 230, du 26 septembre 1995.

( 6 ) Voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2017, Maio Marques da Rosa (C‑306/16, EU:C:2017:844, point 45), et du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones Obreras (C‑266/14, EU:C:2015:578, point 23).

( 7 ) Voir, également en ce sens, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire King (C‑214/16, EU:C:2017:439, point 36).

( 8 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Schultz-Hoff (C‑520/06, EU:C:2008:38, point 53 et note 22), qui, bien qu’analysant le droit aux congés annuels, examine différents critères prévus par les constitutions des États membres et conclut que l’article 31, paragraphe 2, de la Charte s’inspire de nombreux modèles issus des constitutions de différents États membres.

( 9 ) Arrêt du 1er décembre 2005, Dellas e.a. (C‑14/04, EU:C:2005:728, point 49 et jurisprudence citée) ; ordonnance du 4 mars 2011, Grigore (C‑258/10, non publiée, EU:C:2011:122, point 41), et arrêt du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones Obreras (C‑266/14, EU:C:2015:578, point 24).

( 10 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Max‑Planck‑Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:338, point 52).

( 11 ) Voir arrêt du 25 novembre 2010, Fuß (C‑429/09, EU:C:2010:717, point 80 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 6 novembre 2018, Max‑Planck‑Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 41).

( 12 ) S’agissant du droit aux congés annuels prévu à l’article 7 de la directive 2003/88, voir arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 42).

( 13 ) S’agissant du droit aux congés annuels prévu à l’article 7 de la directive 2003/88, voir arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, points 41 et 42).

( 14 ) Arrêt du 12 juin 2003, Commission/Luxembourg (C‑97/01, EU:C:2003:336, point 32).

( 15 ) Arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 104).

( 16 ) Voir arrêts du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, EU:C:2001:356, point 55) ; du 25 novembre 2010, Fuß (C‑429/09, EU:C:2010:717, point 39), et conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans les affaires jointes Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2003:245, point 23).

( 17 ) En ce sens, voir conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Schultz-Hoff (C‑350/06, EU:C:2008:37, point 45 et jurisprudence citée à la note 31).

( 18 ) Arrêts du 1er décembre 2005, Dellas e.a. (C‑14/04, EU:C:2005:728, points 45 et 53) ; du 7 septembre 2006, Commission/Royaume-Uni (C‑484/04, EU:C:2006:526, point 40), et du 14 octobre 2010, Fuß (C‑243/09, EU:C:2010:609, point 64).

( 19 ) Ordonnance du 11 janvier 2007, Vorel (C‑437/05, EU:C:2007:23, point 36) ; voir, également à cet égard, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:285, point 44).

( 20 ) Cette idée d’une responsabilité particulière est évoquée par l’avocat général Bot dans ses conclusions dans l’affaire Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:338, point 35), s’agissant du droit aux congés annuels.

( 21 ) Il ressort de ces rapports qu’un système d’enregistrement du temps de travail journalier est considéré comme le seul moyen permettant de vérifier les éventuels dépassements des limites maximales prévues pour la période de référence.

( 22 ) Voir point 37 de l’arrêt.

( 23 ) Cette disposition reconnaît aux travailleurs et à leurs représentants le droit à l’information et à la consultation dans le cadre de l’entreprise.

( 24 ) C’est le cas par exemple des travailleurs à temps partiel ou des travailleurs mobiles. Voir, à cet égard, article 9, sous b), de la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO 2002, L 80, p. 35), article 4, paragraphe 1, de la directive 1999/63/CE du Conseil, du 21 juin 1999, concernant l’accord relatif à l’organisation du temps de travail des gens
de mer (JO 1999, L 167, p. 33), et clause 12 de l’annexe de la directive 2014/112/UE du Conseil, du 19 décembre 2014, portant application de l’accord européen concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail dans le secteur de la navigation intérieure (JO 2014, L 367, p. 86).

( 25 ) Arrêt du 30 mai 2013, Worten (C‑342/12, EU:C:2013:355, points 27 et 28).

( 26 ) Voir, à cet égard, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 47) ; s’agissant du droit aux congés annuels, voir également, en dernier lieu, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:338, point 25), et précédemment, s’agissant de l’obligation pour les États membres de déterminer les conditions d’exercice et de mise en œuvre de ce droit, conclusions de l’avocat
général Trstenjak dans l’affaire Schultz-Hoff (C‑520/06, EU:C:2008:38, points 45, 55 et 56).

( 27 ) Dans les observations qu’elle a présentées à la Cour, la Commission a particulièrement souligné cet aspect.

( 28 ) À cet égard, sur la base des informations qui ressortent du dossier dont dispose la Cour et des affirmations qui ont été présentées lors de l’audience, il semblerait a première vue que le système adopté par la défenderesse au principal, dont il a été question au point 19 des présentes conclusions, ne réponde pas aux exigences précédemment évoquées quant au caractère approprié du dispositif adopté. Il appartient en tout état de cause à la juridiction de renvoi de déterminer si tel est le cas
ou non.

( 29 ) Voir arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 24 et jurisprudence citée), et du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 58).

( 30 ) Voir arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 27 et jurisprudence citée), et du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, point 60).

( 31 ) Arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften (C‑684/16, EU:C:2018:874, points 49 à 51 et 69 à 79).

( 32 ) Voir l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-55/18
Date de la décision : 31/01/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2003/88/CE – Articles 3 et 5 – Repos journalier et hebdomadaire – Article 6 – Durée maximale hebdomadaire de travail – Directive 89/391/CEE – Sécurité et santé des travailleurs au travail – Obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

Rapprochement des législations

Libre circulation des travailleurs

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO)
Défendeurs : Deutsche Bank SAE.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:87

Source

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