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23/01/2019 | CJUE | N°C-697/17

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 23 janvier 2019., Telecom Italia SpA contre Ministero dello Sviluppo Economico et Infrastrutture e telecomunicazioni per l'Italia SpA (Infratel Italia) SpA., 23/01/2019, C-697/17


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 23 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑697/17

Telecom Italia SpA

contre

Ministero dello Sviluppo Economico,

Infrastrutture e telecomunicazioni per l’Italia SpA (Infratel Italia SpA),

avec l’intervention de

Open Fiber SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Proc

édure restreinte – Opérateurs économiques autorisés à présenter une offre – Procédure de fusion par absorption ayant eu lieu au cours de la procédur...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 23 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑697/17

Telecom Italia SpA

contre

Ministero dello Sviluppo Economico,

Infrastrutture e telecomunicazioni per l’Italia SpA (Infratel Italia SpA),

avec l’intervention de

Open Fiber SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Procédure restreinte – Opérateurs économiques autorisés à présenter une offre – Procédure de fusion par absorption ayant eu lieu au cours de la procédure de passation de marché – Exigence de maintenir la même identité juridique entre la phase de présélection et la présentation de l’offre »

1.  Le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) demande, dans le présent renvoi préjudiciel, si, conformément à la directive 2014/24/UE ( 2 ), l’« identité juridique et matérielle » d’une société initialement sélectionnée dans le cadre d’une procédure restreinte de passation de marché public est maintenue lorsqu’elle fusionne avec une autre société également sélectionnée qui n’a finalement présenté aucune offre.

2.  La présente affaire est, d’une certaine manière, l’inverse de celle qui a donné lieu à l’arrêt MT Højgaard et Züblin ( 3 ), dans laquelle un soumissionnaire présélectionné faisait partie d’un groupement de sociétés ayant par la suite été dissous. Le doute portait alors sur le point de savoir si, après la dissolution de ce groupement, ce soumissionnaire pouvait continuer à participer en son nom propre à la procédure négociée d’attribution d’un marché public.

3.  La Cour dispose donc d’une nouvelle occasion de consolider sa jurisprudence en matière d’exigence d’identité entre les opérateurs économiques présélectionnés et ceux déposant les offres.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union : la directive 2014/24

4. L’article 8 de la directive 2014/24 prévoit :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics ni aux concours qui ont principalement pour objet de permettre aux pouvoirs adjudicateurs la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux publics de communications ou la fourniture au public d’un ou de plusieurs services de communications électroniques.

Aux fins du présent article, les expressions “réseau public de communications” et “service de communication électronique” revêtent le même sens que dans la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil [ ( 4 )]. »

5. Aux termes de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques. »

6. Conformément à l’article 28 de la directive 2014/24 :

« 1.   Dans une procédure restreinte, tout opérateur économique peut soumettre une demande de participation en réponse à un avis d’appel à la concurrence contenant les informations visées à l’annexe V, partie B ou C, le cas échéant, en fournissant les informations aux fins de la sélection qualitative qui sont réclamées par le pouvoir adjudicateur.

[…]

2.   Seuls les opérateurs économiques invités à le faire par le pouvoir adjudicateur à la suite de l’évaluation par celui-ci des informations fournies peuvent soumettre une offre. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre qui seront invités à participer à la procédure, conformément à l’article 65.

[…] »

B.   Le droit italien : le code des marchés publics

7. L’article 61, paragraphe 3, du codice dei contratti pubblici (code des marchés publics) ( 5 ) dispose :

« À la suite de l’évaluation par les pouvoirs adjudicateurs des informations fournies, seuls les opérateurs économiques invités à le faire peuvent soumettre une offre. »

8. L’article 48, paragraphe 11, du code des marchés publics énonce :

« En cas de procédure restreinte ou négociée ou de dialogue compétitif, l’opérateur économique invité individuellement ou le candidat admis individuellement dans la procédure de dialogue compétitif a la faculté de présenter une offre ou de négocier pour soi ou en tant que mandataire de plusieurs opérateurs réunis. »

II. Les faits et la question préjudicielle

9. Infratel Italia SpA (ci‑après « Infratel ») a lancé, au nom du Ministero dello Sviluppo Economico (ministère du Développement économique italien), une procédure restreinte aux fins de l’attribution d’une concession de construction, d’entretien et de gestion d’un réseau passif public à bande ultra-large dans certains territoires.

10. La procédure restreinte, divisée en cinq lots (correspondant à autant de zones géographiques), s’est déroulée selon les phases suivantes :

a) présentation des demandes de participation (jusqu’au 18 juillet 2016),

b) envoi des invitations à participer aux opérateurs sélectionnés (jusqu’au 9 août 2016) et

c) présentation des offres (jusqu’au 17 octobre 2016).

11. Telecom Italia SpA (ci‑après « Telecom Italia »), Metroweb Sviluppo SpA (ci‑après « Metroweb Sviluppo ») et Enel Open Fiber SpA (ci‑après « Enel Open Fiber ») ( 6 ) ont, entre autres opérateurs, déposé leurs candidatures (première phase de la procédure). Infratel les a acceptées et a donc invité ces entreprises à participer (deuxième phase de la procédure), en leur qualité de soumissionnaires sélectionnés.

12. Bien qu’elle ait été sélectionnée lors de cette deuxième phase, Metroweb Sviluppo n’a présenté aucune offre, renonçant ainsi, de fait, à participer à l’appel d’offres.

13. Infratel a publié, le 9 janvier 2017, la liste des soumissionnaires admis et, le 24 janvier 2017, le classement provisoire des adjudicataires. Enel Open Fiber occupait la première place dans les cinq lots, Telecom Italia étant quant à elle classée en deuxième position dans tous les cas, sauf pour le lot no 4, où elle obtenait la troisième place.

14. À l’issue de la procédure, Telecom Italia a eu accès aux documents détenus par l’administration ; après les avoir consultés, elle a constaté que, entre la phase de sélection et la date limite de présentation des offres (le 17 octobre 2016), Metroweb Sviluppo et Enel Open Fiber avaient effectué une opération sociétaire complexe.

15. Cette opération résultait d’une concentration d’entreprises par laquelle les sociétés Enel SpA (ci‑après « Enel ») et Cassa Depositi e Prestiti SpA (ci‑après « CDP ») acquéraient, à travers leur filiale CDP Equity SpA (ci‑après « CDPE »), le contrôle conjoint de l’entreprise résultant de la fusion entre Enel Open Fiber et Metroweb Italia SpA (ci‑après « Metroweb Italia »).

16. Selon l’« accord‑cadre d’investissement » conclu le 10 octobre 2016 entre la société holding Enel (qui contrôlait Enel Open Fiber) et Metroweb Italia (qui contrôlait Metroweb Sviluppo), l’opération supposait :

– qu’Enel et CDPE assument, chacune, 50 % du capital social d’Enel Open Fiber ;

– qu’Enel Open Fiber acquière 100 % du capital social de Metroweb Italia ;

– que Metroweb Italia procède à la fusion par absorption de certaines sociétés du groupe Metroweb Italia, dont Metroweb Sviluppo ;

– qu’Enel Open Fiber fusionne avec la société résultant de la fusion du groupe Metroweb Italia, donnant ainsi lieu à une « nouvelle Enel Open Fiber» ( 7 ).

17. En exécution de cet accord, Metroweb Sviluppo (participant à l’appel d’offres) a été absorbée par le groupe Metroweb le 17 octobre 2016. La fusion par absorption de Metroweb dans Open Fiber a été convenue le 23 janvier 2017.

18. Le projet de concentration a été notifié à la Commission européenne le 10 novembre 2016 ( 8 ), conformément aux dispositions du règlement (CE) no 139/2004 ( 9 ). Par décision du 15 décembre 2016, la Commission a décidé de ne pas s’opposer à l’opération ( 10 ).

19. Telecom Italia a contesté l’adjudication des cinq lots composant la procédure restreinte par cinq recours introduits devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), recours que ce dernier a rejetés par cinq arrêts au contenu similaire.

20. Telecom Italia a fait appel de ces cinq décisions devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État), qui a décidé de suspendre la procédure et de saisir la Cour de la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 28, paragraphe 2, première phrase, de la directive 2014/24 en ce sens qu’il impose une totale identité juridique et économique entre les opérateurs présélectionnés et ceux qui présentent les offres dans le cadre de la procédure restreinte et convient‑il, en particulier, d’interpréter cette disposition en ce sens qu’elle s’oppose à un accord conclu entre les sociétés holding qui contrôlent deux opérateurs présélectionnés à un moment compris entre la
présélection et la présentation des offres, lorsque : a) cet accord a pour objet et pour effet (entre autres) la réalisation d’une fusion par absorption d’une des entreprises présélectionnées dans une autre (opération par ailleurs autorisée par la Commission) ; b) les effets de l’opération de fusion se sont produits après la présentation de l’offre par l’entreprise absorbante (raison pour laquelle, au moment de la présentation de l’offre, sa composition était inchangée par rapport à celle
existant au moment de la présélection) ; c) l’entreprise ensuite absorbée (dont la composition était inchangée à la date d’échéance du délai pour la présentation des offres) a en tout état de cause renoncé à participer à la procédure restreinte, probablement en exécution du programme contractuel prévue par l’accord conclu entre les sociétés holding [?] »

21. La juridiction de renvoi souligne que la procédure litigieuse n’est, dans son intégralité, pas régie par la directive 2014/24 ou par la directive 2014/23/UE ( 11 ), ne l’étant que par les règles de l’avis de marché, conformément auxquelles l’article applicable est l’article 61 du code des marchés publics, qui transpose l’article 28 de la directive 2014/24.

22. Ce même avis de marché indiquait, en outre, que l’adjudication serait décidée en faveur de l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base du meilleur rapport qualité-prix au sens de l’article 95 du code des marchés publics (transposant l’article 67 de la directive 2014/24).

23. Selon la juridiction de renvoi, il est douteux que, dans le contexte d’une procédure restreinte régie par l’article 28 de la directive 2014/24, le principe d’identité juridique et matérielle affirmée par la Cour dans l’affaire MT Højgaard et Züblin ( 12 ) puisse s’appliquer.

24. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) fait observer que l’opération de fusion qui s’est achevée en janvier 2017 venait à peine de commencer à la date de présentation des offres (octobre 2016), de sorte que la structure d’Enel Open Fiber n’avait pas encore été modifiée. Selon lui, il ne serait enfin pas possible de démontrer que, par l’accord de fusion (qui a entraîné une modification structurelle stable des sociétés concernées), les parties impliquées ont souhaité se coordonner pour fausser la
concurrence dans la procédure de passation de marché.

III. La procédure devant la Cour et la position de parties

25. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 11 décembre 2017. Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement italien, Telecom Italia, Infratel, Open Fiber, l’autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et la Commission. Toutes les parties à la procédure, à l’exception de l’autorité de surveillance de l’AELE, ont pris part à l’audience qui s’est tenue le 15 novembre 2018.

26. Telecom Italia affirme que, dans le cadre d’un programme de fusion par absorption, c’est l’identité matérielle plus que juridique de l’entreprise absorbante présélectionnée qui change véritablement, rendant dès lors la fusion incompatible avec le principe visé à l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24.

27. Telecom Italia considère en outre que la juridiction de renvoi a sous-estimé la complexité de l’opération litigieuse en se contentant d’examiner l’identité subjective et formelle d’Enel Open Fiber à la date limite pour la présentation des offres et en fragmentant le programme conjoint d’intégration progressive de cette société avec Metroweb Sviluppo. Il s’agissait en réalité, selon elle, d’un programme conjoint qui, au mépris de tout principe anticollusion, a débuté par un accord‑cadre
contraignant conclu entre la présélection et la date limite de présentation des offres, a été mis en œuvre au cours de la procédure d’appel d’offres et s’est achevé après l’adjudication finale, mais avant la signature du contrat. L’accord‑cadre aurait fusionné les deux sociétés en un seul centre de décision dès la phase d’appel d’offres, permettant à Metroweb de ne pas présenter d’offre tout en lui garantissant la possibilité d’être retenue comme si elle en avait présenté une. Cette situation
aurait dû être sanctionnée tout comme si un même centre de décision avait présenté deux offres.

28. Infratel considère que la question préjudicielle est irrecevable en raison de son caractère hypothétique ; en effet, la juridiction de renvoi n’a, selon elle, pas de doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union applicable et se serait déjà prononcée sur l’objet de la procédure au principal. À titre subsidiaire, Infratel affirme qu’il n’y a aucune modification des entités présélectionnées par rapport à celles qui ont présenté des offres. Au moment du dépôt de son offre, Enel Open Fiber
aurait agi en tant qu’opérateur unique ayant la même composition que lors de la phase de présélection. La fusion n’aurait pas modifié sa personnalité juridique, son identité coïncidant donc avec celle de l’entreprise présélectionnée.

29. Open Fiber propose également qu’il soit conclu à l’irrecevabilité de la question préjudicielle, pour les raisons suivantes :

– en premier lieu, parce que l’accord-cadre serait ainsi conforme à la directive 2014/24, bien que sa légalité ne soit pas contestée en l’espèce ;

– en deuxième lieu, car, s’agissant d’une concession en vue de la construction d’un réseau de communications, la directive applicable devrait être la directive 2014/23 ; or, tant celle-ci que la directive 2014/24 sont inapplicables en raison de l’exception qu’elles prévoient s’agissant des réseaux et des services de communications. Il n’y aurait pas lieu de considérer qu’un renvoi à l’article 28 de la directive 2014/24 a été fait dans les documents de la procédure ;

– en troisième lieu, parce que la prétendue interdiction de fusion par absorption entre les entités présélectionnées ne constituerait pas un principe inhérent à l’ordre juridique de l’Union ;

– en quatrième lieu, au motif que la juridiction de renvoi n’aurait aucun doute sur l’interprétation du droit de l’Union.

30. Quant au fond, Open Fiber partage la position exposée par la juridiction de renvoi et conclut que son invitation à la phase d’évaluation des offres n’est contraire ni à l’article 28 de la directive 2014/24 ni à la jurisprudence de la Cour.

31. Le gouvernement italien est également enclin à considérer la question irrecevable, au motif que la juridiction de renvoi se contente de citer, de manière générale, une règle du droit de l’Union et reconnaît qu’il n’y a aucun lien entre la situation litigieuse et cette règle, dans la mesure où l’offre d’Enel Open Fiber aurait été faite par la même personne morale que celle autorisée à participer à la procédure restreinte.

32. Quant au fond, le gouvernement italien affirme que la nécessité d’une totale identité économique et juridique entre l’opérateur invité à soumissionner et celui présentant l’offre découle de l’article 51, paragraphe 2, de la directive 2004/17/CE ( 13 ). L’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24 aurait toutefois introduit une exigence moins rigide.

33. Pour le gouvernement italien, il ne ressort ni des règles nationales ni des principes généraux du droit de l’Union que la fusion par absorption des entités présélectionnées, autorisée par la Commission et s’étant achevée après la présentation de l’offre par la société absorbante, serait une opération illégale.

34. Selon l’autorité de surveillance de l’AELE, l’exigence d’identité n’est pas été violée si – comme elle estime que cela a été le cas en l’espèce –, d’une part, l’opérateur économique soumettant finalement l’offre remplit les conditions établies par l’entité adjudicatrice et, d’autre part, le fait qu’il soit autorisé à présenter son offre ne place pas les autres soumissionnaires dans une position défavorable. L’exigence d’identité – qui n’est en aucun cas une exigence absolue – ne s’opposerait pas
à la conclusion d’un accord conduisant à la fusion de deux opérateurs présélectionnés dans le cadre d’une procédure de passation de marché public.

35. Selon la Commission, la question préjudicielle doit être reformulée, car elle pourrait laisser entendre que la Cour est interrogée sur la légalité de l’accord de fusion.

36. La Commission affirme que les critères énoncés dans l’arrêt MT Højgaard et Züblin ( 14 ) en référence à la directive 2004/17 peuvent s’appliquer mutatis mutandis dans des situations analogues régies par la directive 2014/24. Elle fait toutefois observer que la situation ayant donné lieu à cet arrêt se distingue nettement de celle en cause en l’espèce. Dans la présente affaire, il n’y a eu, contrairement à l’affaire MT Højgaard et Züblin, aucun changement d’identité entre le moment de la
présélection des opérateurs invités à présenter une offre et la présentation effective des offres.

37. La Commission conteste que la conclusion d’un accord de fusion par absorption entraîne en soi une détérioration de la situation concurrentielle des autres soumissionnaires ou une violation du principe d’égalité de traitement. Ce risque peut être exclu si, d’une part, en se conformant à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, les parties n’ont pas réalisé (même partiellement) l’opération de concentration ni ont échangé à l’avance des informations sensibles de nature à influencer leur
comportement dans le cadre de la procédure de passation du marché et si, d’autre part, tous les opérateurs participant à la procédure avaient connaissance de la conclusion de l’accord de fusion.

38. La Commission considère dénué de pertinence le fait que l’entreprise absorbée ait renoncé à participer à la procédure restreinte. Cette circonstance ne peut influer sur l’admission ou non de l’entreprise absorbante à la phase d’évaluation des offres, à moins qu’elle ne révèle que les parties ont partiellement réalisé l’accord de fusion, en échangeant des informations sensibles de nature à influencer leur comportement dans le cadre de la procédure de passation de marché et en violant ainsi le
principe d’égalité de traitement.

IV. Analyse

A.   Sur la recevabilité de la question préjudicielle

39. Selon Infratel, Open Fiber et le gouvernement italien, la question préjudicielle est irrecevable, tant parce qu’elle n’est pas pertinente pour la procédure au principal qu’en raison de son caractère hypothétique ou parce qu’elle ne répond en fait pas à un véritable doute de la juridiction de renvoi.

40. Il me semble toutefois que cette objection doit être écartée.

41. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a indiqué que la procédure de passation de marché est régie par les règles figurant dans l’avis de marché, dont l’une renvoie à l’article 61 du code des marchés publics, qui transpose l’article 28 de la directive 2014/24. De plus, parmi les moyens invoqués par Telecom Italia dans son recours en appel figurent, outre des moyens relatifs au droit national, la violation du principe d’identité requis par le droit de l’Union ( 15 ).

42. Après avoir écarté les atteintes au droit national alléguées par la partie appelante, la juridiction de renvoi affirme qu’il ne lui reste plus qu’à examiner le moyen relatif à l’éventuelle violation du droit de l’Union, qui « devient pertinent et décisif aux fins de la solution des litiges en cause et sur lequel la chambre de céans estime nécessaire de soulever une question préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE» ( 16 ).

43. Dans ces conditions, j’estime qu’il convient de présumer la pertinence des questions préjudicielles. Il s’agit, comme on le sait, d’une présomption qui peut être renversée, bien qu’uniquement si des circonstances très précises sont réunies : a) s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, b) lorsque le problème est de nature hypothétique ou c) lorsque la
Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 17 ).

44. Aucune de ces trois circonstances n’est réunie, à mon avis, dans la présente affaire. De plus, s’il est vrai que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) expose les raisons plaidant selon lui en faveur d’une certaine interprétation de l’article 28 de la directive 2014/24, cela ne signifie pas qu’il n’ait pas de doute quant au sens de cette disposition ( 18 ).

45. Pour la juridiction de renvoi, son interprétation de cette disposition est viable, mais elle considère qu’une autre interprétation est également possible et que, par conséquent, l’intervention autorisée de la Cour s’impose. En agissant ainsi, elle collabore loyalement avec la Cour dans l’exercice de la juridiction, conformément à l’esprit inspirant le point 17 des recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles ( 19 ).

B.   Sur le fond

46. C’est à juste titre que la Commission suggère qu’il conviendrait de reformuler la question du Consiglio di Stato (Conseil d’État), car elle pourrait donner l’impression erronée qu’elle porte sur la compatibilité de l’accord de fusion avec le droit de l’Union. Or, en réalité, la juridiction de renvoi n’émet aucun doute sur cet accord ni remet en cause sa validité.

47. Par conséquent, le litige se limite à déterminer si l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24 s’oppose à l’admission, dans la phase d’évaluation d’offres (dans le cadre d’une procédure de passation de marché restreinte), d’un opérateur se trouvant dans un processus de fusion par absorption avec un autre opérateur également présélectionné.

48. Telle est la question spécifiquement posée par la juridiction de renvoi, pour qui, comme indiqué précédemment ( 20 ), l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24 est une disposition applicable en l’espèce (car les dispositions nationales y renvoient), disposition de l’interprétation de laquelle dépend la solution du litige, une fois clarifiées les questions de droit national soulevées dans l’affaire au principal.

49. Bien qu’Infratel, Open Fiber et le gouvernement italien aient insisté, lors de l’audience, pour débattre de cette appréciation du Consiglio di Stato (Conseil d’État), je considère que l’interprétation du droit applicable à l’affaire faite par cette juridiction est raisonnable et suffisamment motivée.

50. Compte tenu de la nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour qui caractérise la procédure visée à l’article 267TFUE, il appartient au seul Consiglio di Stato (Conseil d’État), qui est saisi du litige et qui assume la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose
à la Cour ( 21 ). Cette appréciation présuppose d’avoir préalablement déterminé la réglementation applicable à l’affaire, opération qui, en l’espèce, ne soulève, pour les raisons indiquées, aucune objection en termes de caractère raisonnable et de motivation.

1. L’identité juridique et matérielle des opérateurs sélectionnés dans le cadre d’une procédure restreinte

51. Il s’agit, en définitive, de déterminer si l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24 « impose une totale identité juridique et économique entre les opérateurs présélectionnés et ceux qui présentent les offres dans le cadre d’[une] procédure restreinte », lorsque deux opérateurs présélectionnés ont convenu de réaliser une fusion, au moyen de l’absorption de l’un d’entre eux, présentant les particularités suivantes :

– le projet de fusion a été convenu entre le moment de la sélection et celui de la présentation des offres, projet qui par la suite a été autorisé par la Commission ;

– les effets de la fusion se produiraient après que la société absorbante ait déposé son offre, et

– la société absorbée a décidé de ne pas participer à la procédure restreinte.

52. L’exigence dite d’« identité juridique et matérielle entre les opérateurs économiques présélectionnés et ceux qui présentent les offres » trouve son fondement dans l’article 51, paragraphe 3, de la directive 2004/17, selon lequel les pouvoirs adjudicateurs « vérifient la conformité des offres présentées par les soumissionnaires ainsi sélectionnés », ainsi que la Cour l’a constaté dans son arrêt MT Højgaard et Züblin ( 22 ), auquel la juridiction de renvoi fait expressément référence.

53. La même règle se retrouve à l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24, qui dispose que « [s]euls les opérateurs économiques invités à le faire par le pouvoir adjudicateur […] peuvent soumettre une offre » (dans les procédures restreintes).

54. Cette exigence vise, en fin de compte, à assurer le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires ( 23 ). Son application stricte devrait conduire « à la conclusion que seuls les opérateurs économiques qui ont été présélectionnés en tant que tels peuvent présenter des offres et devenir adjudicataires» ( 24 ).

55. L’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24 vise à garantir que les procédures restreintes le soient véritablement, à savoir que des offres ne puissent y être présentées que par les opérateurs économiques qui ont été invités à le faire par le pouvoir adjudicateur, et non par d’autres opérateurs. Cette invitation fixe le champ d’application auquel la procédure de passation de marché est restreinte, d’un point de vue subjectif.

56. Si un opérateur n’ayant pas été présélectionné était autorisé à soumettre une offre, il bénéficierait d’un traitement privilégié par rapport aux autres opérateurs. Ces derniers n’auront pu présenter leurs offres qu’après avoir formellement demandé à participer à la procédure (restreinte) et après avoir été soumis à l’évaluation correspondante par le pouvoir adjudicateur.

57. Dans l’affaire MT Højgaard et Züblin, la Cour a affirmé que la règle de l’identité « peut être tempérée afin d’assurer, dans une procédure négociée, une concurrence suffisante» ( 25 ). Cette affirmation doit être considérée dans le contexte de ladite affaire, dont la situation factuelle était, comme indiqué précédemment, exactement l’inverse de celle en cause en l’espèce.

58. L’avocat général Mengozzi a très justement décrit les termes de ladite affaire, en l’inscrivant « dans un contexte factuel dans lequel un groupement de deux entreprises, constitué sous la forme d’une société commerciale et ayant été présélectionné dans une procédure de passation de marché, est dissous à la suite de la faillite d’un de ses deux membres et dans lequel le pouvoir adjudicateur autorise le membre restant à continuer à participer à la procédure au lieu du groupement et lui attribue
finalement le marché en dépit du fait que ce membre en tant que tel n’a pas été présélectionné» ( 26 ).

59. Dans ladite affaire, si le principe d’identité avait été appliqué strictement et qu’il avait partant été conclu que le membre restant du groupement ne pouvait pas, en tant qu’entité distincte, continuer à participer à la procédure, le nombre de candidats à l’adjudication aurait été réduit à trois. Ce résultat aurait toutefois été contraire aux dispositions de l’avis de marché, conformément auxquelles l’entité adjudicatrice considérait que les candidats devaient être au moins au nombre de quatre
pour assurer la concurrence ( 27 ).

60. Procédant à une pondération équilibrée entre le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires (ce à quoi vise le principe d’identité) et la garantie d’une concurrence effective (dans un cas dans lequel, en outre, la réduction du nombre de soumissionnaires aurait pu compromettre l’adjudication), la Cour a conclu qu’il n’y a pas de violation du principe d’égalité si « l’un des deux opérateurs économiques qui faisaient partie d’un groupement d’entreprises ayant été, en tant que tel,
invité à soumissionner [est autorisé] à se substituer à ce groupement à la suite de la dissolution de celui‑ci et à participer, en son nom propre, à la procédure négociée d’attribution d’un marché public, pourvu qu’il soit établi, d’une part, que cet opérateur économique satisfait seul aux exigences définies par ladite entité et, d’autre part, que la continuation de sa participation à ladite procédure n’entraîne pas une détérioration de la situation concurrentielle des autres soumissionnaires» (
28 ).

61. Dans la présente affaire, rien n’indique que l’exclusion de l’entreprise absorbante (qui constitue la véritable demande de Telecom Italia), assortie du retrait, de sa propre initiative, de l’entreprise absorbée, entraînerait une réduction du nombre de soumissionnaires pouvant, car il se situerait sous le seuil minimal requis, conduire à l’impossibilité d’attribuer le marché.

62. Dès lors, il ne serait pas nécessaire de moduler les exigences du principe d’identité afin de garantir non plus la concurrence entre les soumissionnaires, mais le principe même de maintien de la procédure de passation de marché. Par conséquent, eu égard à l’absence en l’espèce de la circonstance concrète et spécifique à l’origine de la solution adoptée dans l’arrêt MT Højgaard et Züblin ( 29 ), il n’y aurait en principe pas de raisons de « tempérer » l’exigence d’identité.

63. La Cour a toutefois considéré pertinent, dans ladite affaire, de « tempérer » le principe d’identité, dans la mesure où la situation en cause n’était pas celle de la présentation d’une offre par un soumissionnaire tout à fait distinct de ceux ayant été présélectionnés (qui est, j’insiste sur ce point, le cas typique envisagé par le législateur lors de l’adoption de l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24). Elle a admis qu’une offre pouvait être soumise par une société n’étant pas, en
raison de son lien avec l’un des opérateurs présélectionnés (dont elle avait en fait été un élément constitutif), complètement étrangère à la procédure.

64. Le cas d’espèce concerne également une situation dans laquelle une modification de la structure patrimoniale de deux des opérateurs présélectionnés s’est produite (ou était en train de se produire), l’un des opérateurs absorbant l’autre. N’est par conséquent ici non plus pas en cause l’intervention d’un tiers totalement étranger à la procédure restreinte.

2. L’incidence de la fusion par absorption sur l’identité juridique et matérielle du soumissionnaire sélectionné

65. D’après les informations données par la juridiction de renvoi, la personnalité juridique d’Enel Open Fiber n’avait subi aucun changement à la date à laquelle cette société, après avoir été sélectionnée, a présenté son offre, qui est le moment exact de la procédure de passation de marché sur lequel porte la question de la juridiction de renvoi. Selon les propres termes de cette dernière, sa « composition était inchangée à la date d’échéance du délai pour la présentation des offres ».

66. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Commission l’a souligné ( 30 ), s’agissant d’une fusion par absorption qui s’inscrivait dans le cadre d’une concentration de dimension européenne, ladite fusion n’aurait pas pu être réalisée sans avoir préalablement obtenu l’accord de la Commission (plus précisément la non‑opposition et la déclaration de la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur), accord qui a été donné le 15 décembre 2016, soit deux mois après la date limite
de présentation des offres.

67. Ce qui intéresse toutefois véritablement la juridiction de renvoi est de savoir si le fait que les négociations pour la fusion étaient déjà en cours alors que le pouvoir adjudicateur avait sélectionné les opérateurs appelés à fusionner impliquait un certain changement matériel dans la personnalité d’Enel Open Fiber, suffisant pour considérer que cette société ne coïncidait pas, de facto, en tant que sujet de droit, avec la société Enel Open Fiber qui avait été présélectionnée.

68. En d’autres termes, le doute porte sur le point de savoir si le fait qu’un changement de structure patrimoniale du soumissionnaire présélectionné soit en cours, ce dernier absorbant ou se proposant d’absorber un autre soumissionnaire également présélectionné, suffit aux fins de l’exclusion de la procédure (restreinte) de passation de marché ( 31 ).

69. On pourrait arguer, en faveur de l’exclusion, que, le processus de fusion étant amené à entraîner une modification structurelle des sociétés absorbante et absorbée, les principes de transparence et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires imposent l’anticipation de ce résultat au moment même où, par l’accord de fusion projeté, un début de confusion matérielle entre les sociétés concernées s’amorce. Il y aurait alors eu rupture de l’identité matérielle entre celui qui a été sélectionné
et celui qui a présenté une offre, qui, à cette fin, ne serait pas la même entité.

70. Je crois cependant que cet argument ne saurait convaincre. D’une part, il passe outre le fait, dans la présente affaire, les deux opérateurs (celui ayant absorbé et celui ayant été absorbé) avaient été, avant la fusion, présélectionnés pour présenter des offres. On pourrait donc parler tout autant d’une rupture de l’identité matérielle que d’une continuité, également matérielle, de l’un et de l’autre.

71. D’autre part, pousser l’exigence d’identité matérielle à cet extrême, s’agissant d’une fusion de sociétés par absorption, me semble disproportionné. Lors d’une opération de ce type, la société absorbante maintient sa personnalité juridique et augmente son patrimoine, intégrant dans le sien celui de la société absorbée ( 32 ). En réalité, d’un point de vue matériel, cette variation du patrimoine de l’entreprise absorbante n’est pas distincte de celle que produiraient l’augmentation de son capital
social ou d’autres opérations similaires. Si les soumissionnaires présélectionnés ne pouvaient pas réaliser ce genre d’opérations sociétaires pendant la procédure restreinte de passation de marché, parce que, ce faisant, ils changeraient leur identité matérielle, leur capacité entrepreneuriale serait entravée de manière inutile et disproportionnée.

72. Lors de l’audience, Telecom Italia a nuancé ses observations écrites, reconnaissant que ce type d’opérations (y compris les fusions) serait sans incidence, pour ce qui nous intéresse ici, s’il impliquait des opérateurs étrangers à la procédure de passation de marché. Elle admet ainsi, selon moi, que, en réalité, son grief porte non pas tant sur le maintien de l’identité matérielle du soumissionnaire présélectionné (qui, si l’on suivait sa thèse initiale, se modifierait également en cas
d’absorption de toute autre entreprise) que sur les risques de collusion qui pourraient découler de la fusion avec un autre candidat au même appel d’offres.

73. L’interdiction de modifier la structure d’actionnariat de l’entreprise présélectionnée lorsqu’une procédure restreinte de passation de marché est en cours pourrait en outre conduire à l’insécurité juridique soulignée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) dans sa décision de renvoi ( 33 ).

74. La directive 2014/24 elle-même prévoit la possibilité que, à la suite d’une restructuration de société (due, entre autres, à un processus de fusion), un nouveau contractant remplace celui ayant été désigné comme adjudicataire, sans nécessité d’ouvrir une nouvelle procédure de passation de marché ( 34 ). Si les conditions auxquelles le législateur a soumis cette possibilité sont remplies ( 35 ), je ne vois pas pourquoi cette disposition ne pourrait pas également s’appliquer au cas d’une procédure
en cours ( 36 ).

75. Enfin, il n’est pas inutile de souligner qu’une éventuelle cause d’exclusion pour ce motif aurait dû apparaître expressément dans les documents de la procédure de passation de marché, dans la réglementation nationale ou dans les dispositions du droit de l’Union qui régissent cette procédure. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Dès lors, l’argumentation de l’arrêt Specializuotas transportas ( 37 ), selon laquelle le « fait d’imposer aux soumissionnaires [une] obligation [qui] ne figure ni dans le
droit national applicable ni dans l’appel d’offres ou dans le cahier des charges, ne constituerait pas une condition clairement définie, au sens de la jurisprudence mentionnée» ( 38 ), est pleinement applicable.

3. Le principe d’égalité de traitement avec les (autres) opérateurs sélectionnés

76. En partant de la continuité entre les deux opérateurs présélectionnés (la société absorbante et la société absorbée), je considère qu’il n’y a pas de motifs pour constater une rupture du principe d’égalité de traitement par rapport aux autres soumissionnaires. Ces derniers ne devront pas entrer en concurrence avec un opérateur économique tout à fait étranger à la procédure restreinte, mais avec un opérateur gardant un lien matériel indéniable avec les deux opérateurs qui avaient également été
présélectionnés et qui ont dû se soumettre à la même procédure d’évaluation.

77. Il n’y aurait donc aucune rupture du principe d’égalité de traitement à la date de présentation des offres, qui est le moment qui importe ici fondamentalement. Indépendamment de sa fusion ultérieure avec un autre opérateur présélectionné, Enel Open Fiber a réussi la procédure de présélection, sa situation étant totalement différente de celle d’un tiers qui aurait été invité à présenter une offre sans avoir dû suivre la procédure qui a dû être observée par les opérateurs admis à participer à la
procédure restreinte.

78. Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres. Cela implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs ( 39 ), l’application de ce principe s’étendant à l’ensemble de la procédure de
passation de marché, notamment aussi bien au moment de la préparation des candidatures qu’à celui où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur ( 40 ).

79. Le fait que la fusion des deux opérateurs ait eu lieu après la date limite de présentation des offres, mais avant le classement définitif de celles‑ci ( 41 ) a-t-il pu porter préjudice aux autres soumissionnaires en les plaçant dans une situation d’inégalité ? Je ne le crois pas. L’élément déterminant est que le marché soit finalement attribué à celui remplissant les conditions fixées dans l’avis de marché, étant entendu que l’adjudicataire n’aura pas reçu de traitement privilégié au cours de la
procédure.

80. En particulier, pour ce qui nous intéresse ici, s’agissant d’une procédure restreinte, il a été tenu compte des éléments suivants :

– d’une part, le fait qu’Enel Open Fiber a été dûment présélectionnée et a maintenu sa personnalité juridique inchangée, bien que sa structure d’actionnariat ait été modifiée en raison de l’absorption d’un autre soumissionnaire ;

– d’autre part, le fait que Metroweb Sviluppo, le soumissionnaire absorbé, n’a finalement présenté aucune offre, bien qu’il ait été présélectionné. Il en résulte que, en fin de compte, la fusion des deux opérateurs s’est traduite par la présentation d’une seule offre.

81. Il n’était à vrai dire pas même nécessaire que Metroweb renonce à sa candidature, en termes de garantie du principe d’égalité de traitement, puisque la Cour a jugé que les soumissionnaires liés entre eux peuvent présenter des offres simultanément dans le cadre du même appel d’offres, à condition qu’il ne s’agisse pas d’« offres coordonnées ou concertées, à savoir non autonomes ni indépendantes, qui seraient susceptibles de leur procurer ainsi des avantages injustifiés au regard des autres
soumissionnaires» ( 42 ).

82. En fait, les éventuels risques de collusion qui pourraient apparaître du fait de l’opération de fusion n’auraient à proprement parler pas trait à un changement d’identité matérielle d’Enel Open Fiber, mais aux contacts indus qui auraient eu lieu entre deux soumissionnaires, que ceux-ci se trouvent ou non impliqués dans un processus de fusion.

83. Rien ne permet de supposer que les offres de Metroweb Sviluppo et d’Enel Open Fiber ont été coordonnées ou concertées. En outre, en tout état de cause, seule l’une de ces deux sociétés s’est en fin de compte présentée, ce qui écarte le risque de collusion.

84. De plus, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) exclut expressément que l’accord de fusion ait eu pour finalité de contourner les règles de concurrence et ait visé « en substance, à modifier les équilibres de l’appel d’offres au préjudice des autres soumissionnaires et du pouvoir adjudicateur. Il est […] impossible d’affirmer que l’opération de concentration réalisée aux fins de la mise en œuvre de l’accord-cadre du 10 octobre 2016 constitue en soi une pratique collusoire entre les
soumissionnaires» ( 43 ).

85. Il conviendrait toutefois de se demander dans quels cas une fusion en cours est susceptible de porter atteinte au principe d’égalité. Je n’exclue pas que, in abstracto, cela puisse être possible lorsque, en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ( 44 ), la fusion a commencé de facto à être opérationnelle, rendant possible un échange d’informations entre les opérateurs concernés (et présélectionnés) qui aurait pu les placer dans une situation avantageuse par rapport aux
autres soumissionnaires ( 45 ).

86. Il appartient au juge de renvoi de déterminer si cela a été le cas en l’espèce, bien que, je le répète, il soit d’avis, comme il l’indique dans la décision de renvoi, que la fusion structurelle des deux sociétés « est […] bien éloigné[e] d’un accord de type collusoire entre deux soumissionnaires visant à modifier les équilibres d’un appel d’offres particulier» ( 46 ).

87. En résumé, la présentation d’une offre par un soumissionnaire en cours de fusion avec un autre soumissionnaire également sélectionné n’est pas incompatible avec l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24, sauf si les deux opérateurs coordonnent ou concertent leurs comportements, dans le cadre de la procédure restreinte de passation de marché, de manière à pouvoir bénéficier d’avantages injustifiés par rapport aux autres soumissionnaires, ce qu’il appartient au juge national de
déterminer.

V. Conclusion

88. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre au Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) de la façon suivante :

L’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, dans le cadre d’une procédure restreinte, un opérateur économique qui a conclu un accord de fusion par absorption avec un autre opérateur économique également sélectionné soit admis dans la phase d’évaluation des offres, à condition que :

– cet accord de fusion n’ait pas été mis en œuvre, ni juridiquement ni matériellement, avant la phase de présentation des offres et que

– les deux opérateurs n’aient pas coordonné ou concerté leurs comportements, dans le cadre de la procédure restreinte de passation de marché, de manière à pouvoir bénéficier d’avantages injustifiés par rapport aux autres soumissionnaires, ce qu’il appartient au juge national de déterminer.

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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

( 3 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347).

( 4 ) Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33).

( 5 ) Décret législatif no 50, du 18 avril 2016 (GURI no 91, du 19 avril 2016, supplément ordinaire no 10), qui a transposé, entre autres, la directive 2004/24 (ci‑après le « code des marchés publics »).

( 6 ) Open Fiber est la dénomination d’Enel Open Fiber depuis décembre 2016.

( 7 ) Voir point 9 de la décision de la Commission, du 15 décembre 2016, déclarant la conformité avec le marché intérieur et avec l’accord EEE de l’opération de concentration (affaire M.8234 – Enel/CDP Equity/Cassa Depositi e Prestiti/Enel Open Fiber/Metroweb Italia).

( 8 ) JO 2016, C 427, p. 5.

( 9 ) Règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1).

( 10 ) JO 2017, C 15, p. 1.

( 11 ) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1).

( 12 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347).

( 13 ) Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1).

( 14 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347).

( 15 ) Plus précisément, Telecom Italia faisait grief de la « violation du principe de la nécessaire identité juridique et économique entre les opérateurs économiques présélectionnés et ceux qui formulent les offres, principe qui, dans le cadre des procédures restreintes, serait imposé par l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE et par la jurisprudence pertinente de la Cour » (point 7.3 de la décision de renvoi).

( 16 ) Point 7.4 de la décision de renvoi.

( 17 ) Voir, notamment, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 24 et 25) ; du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324, points 15 et 16) ; du 5 juillet 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, point 19) ; du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 54) ; du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, points 50 et 155) ; du 10 juillet 2018, Jehovan todistajat (C‑25/17, EU:C:2018:551, point 31), et du 4 octobre 2018, Kantarev
(C‑571/16, EU:C:2018:807, point 44).

( 18 ) À la fin du point 8.4 de la décision de renvoi, la juridiction de renvoi indique qu’« [o]n ne pourrait aboutir à une autre conclusion que si la Cour affirmait que l’ordre juridique de l’Union interdit par principe la conclusion d’accords entre opérateurs concurrents soumissionnaires du même appel d’offres, dont l’objet ou l’effet serait d’entraîner pour l’avenir une fusion par absorption entre eux (c’est‑à‑dire une opération en principe admise par le droit de l’Union) ».

( 19 ) « La juridiction de renvoi peut également indiquer succinctement son point de vue sur la réponse à apporter aux questions posées à titre préjudiciel ». Une telle indication « s’avère utile pour la Cour » (JO 2018, C 257, p. 1).

( 20 ) Voir points 21 à 23, 41 et 42 des présentes conclusions.

( 21 ) Voir, notamment, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C‑305/05, EU:C:2007:383, point 18).

( 22 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 40).

( 23 ) Ce principe « qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs » [arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 38)].

( 24 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 39).

( 25 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 41).

( 26 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2015:774, point 48).

( 27 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, points 10 et 42).

( 28 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 44) (mise en italique par mes soins).

( 29 ) Arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347).

( 30 ) Point 31 de ses observations écrites.

( 31 ) Comme Telecom Italia l’indique au point 31 de ses observations écrites, « [d]ans le cas d’espèce, l’avenir juridique et formel de l’entreprise absorbée (Metroweb Sviluppo) ne nous intéresse pas […] En réalité, il suffit que l’identité matérielle plus que juridique de l’entreprise absorbante (Open Fiber) […] soit modifiée pour que la fusion soit incompatible avec […] le principe énoncé à l’article 28, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE ».

( 32 ) Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/35/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant les fusions des sociétés anonymes (JO 2011, L 110, p. 1), on entend par « fusion par absorption » l’opération par laquelle « une ou plusieurs sociétés transfèrent à une autre, par suite de leur dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement moyennant l’attribution aux actionnaires de la ou des sociétés absorbées d’actions
de la société absorbante et, éventuellement, d’une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale des actions attribuées ou, à défaut de valeur nominale, de leur pair comptable ».

( 33 ) « [S]i les principes pouvant être déduits de l’article 28, paragraphe 2, [de la directive 2014/24] étaient entendus de manière aussi large, les conséquences seraient difficilement gérables par les pouvoirs adjudicateurs et le risque existerait en permanence d’entraîner l’illégalité ex post des documents du marché (y compris longtemps après les appels d’offres), ce qui serait de toute évidence contraire au principe général de stabilité des situations juridiques, qui constitue une valeur
fondamentale aussi dans le cadre de l’ordre juridique de l’Union » (fin du point 8.3 de la décision de renvoi).

( 34 ) Le cas de figure concrètement visé à l’article 72, paragraphe 1, sous d),ii), est le suivant : « à la suite d’une succession universelle ou partielle du contractant initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, notamment de rachat, de fusion, d’acquisition ou d’insolvabilité, assurée par un autre opérateur économique qui remplit les critères de sélection qualitative établis initialement, à condition que cela n’entraîne pas d’autres modifications substantielles du marché et
ne vise pas à se soustraire à l’application de la présente directive. »

( 35 ) Cette possibilité s’explique tant par le souci de garantir le principe de maintien du contrat que par celui de ne pas compromettre d’éventuels changements dans l’actionnariat en intervenant dans le déroulement normal d’opérations sociétaires. Ces dernières pourraient être conditionnées si les modifications au niveau du capital avaient des répercussions négatives sur les procédures restreintes de passation de marché. Les sociétés seraient en effet empêchées d’entreprendre des procédures de
restructuration de société.

( 36 ) Conformément au considérant 110 de la directive 2014/24, « […] notamment lorsque le marché a été attribué à plus d’une entreprise, l’adjudicataire devrait pouvoir faire l’objet de certaines modifications structurelles durant l’exécution du marché (restructurations purement internes, rachat, fusions et acquisitions ou insolvabilité), sans que ces modifications structurelles requièrent automatiquement l’ouverture d’une nouvelle procédure de passation de marché pour tous les marchés publics dont
il assure l’exécution ».

( 37 ) Arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324).

( 38 ) Arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324, point 24).

( 39 ) Arrêt du 12 mars 2015, eVigilo (C‑538/13, EU:C:2015:166, point 33 et jurisprudence citée).

( 40 ) Voir notamment arrêt du 16 décembre 2008, Michaniki (C‑213/07, EU:C:2008:731, point 45).

( 41 ) Comme indiqué précédemment (au point 17 des présentes conclusions), la fusion a eu lieu le 23 janvier 2017, alors que le classement provisoire des adjudicataires des cinq lots a été publié le jour suivant, le 24 janvier 2017.

( 42 ) Arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324, point 29).

( 43 ) Point 8.4 de la décision de renvoi.

( 44 ) Aux termes duquel « [u]ne concentration de dimension communautaire […] ou qui doit être examinée par la Commission […] ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché commun par une décision ».

( 45 ) Il s’agirait des cas de figure prévus au point 29, reproduit ci‑dessus, de l’arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324). Un tel cas pourrait éventuellement se présenter si, la procédure de fusion ayant commencé avant la présentation des offres, sa mise en œuvre matérielle (illégale) avant la décision de la Commission avait conditionné le contenu de l’offre d’Enel Open Fiber de la même manière que ce qui aurait lieu si cette même entreprise et Metroweb Sviluppo
s’étaient coordonnées pour aligner leurs comportements au cours des différentes phases de la procédure, au détriment des autres opérateurs.

( 46 ) Point 8.4 de la décision de renvoi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-697/17
Date de la décision : 23/01/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.

Renvoi préjudiciel – Passation de marchés publics de fournitures et de travaux – Directive 2014/24/UE – Article 28, paragraphe 2 – Procédure restreinte – Opérateurs économiques admis à présenter une offre – Nécessité de maintenir une identité juridique et matérielle entre le candidat présélectionné et celui qui présente l’offre – Principe d’égalité de traitement des soumissionnaires.

Libre prestation des services

Droit d'établissement

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Telecom Italia SpA
Défendeurs : Ministero dello Sviluppo Economico et Infrastrutture e telecomunicazioni per l'Italia SpA (Infratel Italia) SpA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:54

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