CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 17 janvier 2019 ( 1 )
Affaire C‑637/17
Cogeco Communications Inc.
contre
Sport TV Portugal SA,
Controlinveste-SGPS SA,
NOS-SGPS SA
[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne, Portugal)]
« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Mise en œuvre privée – Directive 2014/104/UE – Actions en dommages et intérêts au titre du droit national pour infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (“Réparation du préjudice causé par une entente”) – Délais de prescription pour les actions en dommages et intérêts au titre du droit national – Valeur probante d’une décision d’une autorité nationale de concurrence dans l’action en dommages et intérêts –
Applicabilité ratione temporis d’une directive à des faits qui se sont déroulés avant son entrée en vigueur – Délai de transposition de la directive »
I. Introduction
1. La mise en œuvre privée des règles de la concurrence inscrites dans les traités européens (« private enforcement ») a gagné ces dernières années, en parallèle à la mise en œuvre publique (« public enforcement »), de plus en plus d’importance en tant que second instrument. Les actions privées en dommages et intérêts engagées par les parties lésées par des pratiques commerciales anticoncurrentielles rencontrent une faveur grandissante et font désormais partie intégrante du système décentralisé de
l’application du droit de la concurrence ( 2 ) tel que mis en œuvre par le règlement (CE) no 1/2003 ( 3 ). Ces actions sont souvent engagées dans le sillage de décisions des autorités de concurrence compétentes (en tant que « follow-on actions »), mais en partie aussi indépendamment de telles décisions (en tant que « stand‑alone actions »).
2. Dans le détail, de nombreuses questions attendent encore qu’une réponse leur soit apportée, notamment lorsqu’elles sont liées à la nouvelle directive relative aux actions en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence (directive 2014/104/UE ( 4 )) ; c’est le cas des questions soulevées dans la présente affaire et dont la Cour est saisie pour la première fois.
3. La Cour est appelée à déterminer si des règles de prescription comme celles du droit civil portugais qui prévoyait auparavant un délai de prescription de trois ans pour les actions privées en dommages et intérêts pour abus de position dominante sont compatibles avec les exigences de droit primaire et de droit dérivé du droit de l’Union. Il en va en outre de la valeur probante des décisions des autorités nationales de concurrence devant les juridictions civiles appelées à statuer sur de telles
actions privées en dommages et intérêts.
4. Les faits à l’origine de la présente affaire se sont déroulés avant la publication et l’entrée en vigueur de la directive 2014/104 et l’action en dommages et intérêts devant la juridiction nationale a été engagée après l’entrée en vigueur de cette directive, mais avant l’expiration de son délai de transposition. Ce délai de transposition a certes expiré depuis et le législateur portugais a récemment transposé la directive – avec un certain retard – en droit national, mais les nouvelles
dispositions légales ne s’appliquent pas pour le passé et pas davantage aux actions introduites avant son entrée en vigueur.
5. C’est dans ce contexte que se pose la question de savoir quelles solutions la directive 2014/104 peut offrir pour trancher le litige au principal et si, le cas échéant, l’article 102 TFUE ainsi que des principes généraux du droit de l’Union, notamment le principe d’effectivité, imposent certaines exigences. À cet égard, il conviendra de tenir particulièrement compte du fait que le litige au principal concerne un rapport purement horizontal entre particuliers.
6. L’arrêt que la Cour est appelée à rendre dans la présente procédure préjudicielle est, pour la pratique des juridictions nationales ainsi que pour la mise en œuvre privée du droit de la concurrence de l’Union, d’une importance qui ne saurait être sous-estimée.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
7. Le cadre juridique dans lequel s’inscrit la présente affaire est déterminé, d’une part, par les principes généraux de droit – en particulier le principe d’effectivité ainsi que le droit à un recours effectif – et, d’autre part, par les dispositions de droit dérivé du règlement no 1/2003 et de la directive 2014/104.
Le règlement no 1/2003
8. L’article 3, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 dispose ce qui suit au sujet du rapport entre l’article 102 TFUE et le droit national de la concurrence :
« Lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l’article [102 TFUE], elles appliquent également l’article [102 TFUE] ».
9. Sous l’intitulé « Compétence des autorités de concurrence des États membres », l’article 5 du règlement no 1/2003 contient en outre la réglementation suivante :
« Les autorités de concurrence des États membres sont compétentes pour appliquer les articles [101 et 102 TFUE] dans des cas individuels. À cette fin, elles peuvent, agissant d’office ou saisies d’une plainte, adopter les décisions suivantes :
– ordonner la cessation d’une infraction,
– ordonner des mesures provisoires,
– accepter des engagements,
– infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national.
Lorsqu’elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir. »
La directive 2014/104
10. « Objet et champ d’application » de la directive 2014/104 sont décrits comme suit en son article 1er :
« 1. La présente directive énonce certaines règles nécessaires pour faire en sorte que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence commise par une entreprise ou une association d’entreprises puisse exercer effectivement son droit de demander réparation intégrale de ce préjudice à ladite entreprise ou à ladite association. Elle établit des règles qui favorisent une concurrence non faussée sur le marché intérieur et qui suppriment les obstacles au
bon fonctionnement de ce dernier, en garantissant une protection équivalente, dans toute l’Union, à toute personne ayant subi un tel préjudice.
2. La présente directive fixe les règles coordonnant la mise en œuvre des règles de concurrence par les autorités de concurrence et la mise en œuvre de ces règles dans le cadre d’actions en dommages et intérêts intentées devant les juridictions nationales. »
11. Conformément aux définitions contenues à l’article 2 de la directive 2014/104, on entend par « infraction au droit de la concurrence », une « infraction à l’article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou au droit national de la concurrence » (article 2, point 1, de la directive) et par « droit national de la concurrence », les « dispositions du droit national qui poursuivent principalement les mêmes objectifs que les articles 101 et 102 du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne et qui sont appliquées dans la même affaire et parallèlement au droit de la concurrence de l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003, à l’exclusion des dispositions de droit national qui imposent des sanctions pénales aux personnes physiques, sauf si lesdites sanctions pénales constituent le moyen d’assurer la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises » (article 2, point 3, de la directive).
12. L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104 dispose au sujet de l’« effet des décisions nationales » ce qui suit :
« Les États membres veillent à ce qu’une infraction au droit de la concurrence constatée par une décision définitive d’une autorité nationale de concurrence ou par une instance de recours soit considérée comme établie de manière irréfragable aux fins d’une action en dommages et intérêts introduite devant leurs juridictions nationales au titre de l’article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou du droit national de la concurrence. »
13. L’article 10 de la directive 2014/104 est consacré à la « prescription » et est libellé comme suit :
« 1. Les États membres arrêtent, conformément au présent article, les règles relatives aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.
2. Les délais de prescription ne commencent pas à courir avant que l’infraction au droit de la concurrence ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance :
a) du comportement et du fait qu’il constitue une infraction au droit de la concurrence ;
b) du fait que l’infraction au droit de la concurrence lui a causé un préjudice ; et
c) de l’identité de l’auteur de l’infraction.
3. Les États membres veillent à ce que les délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts soient de cinq ans au minimum.
4. Les États membres veillent à ce qu’un délai de prescription soit suspendu ou, selon le droit national, interrompu par tout acte d’une autorité de concurrence visant à l’instruction ou à la poursuite d’une infraction au droit de la concurrence à laquelle l’action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive ou à laquelle il a été mis un terme à la procédure d’une autre
manière. »
14. Sous l’intitulé « Transposition », l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/104 dispose ce qui suit :
« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 27 décembre 2016. […]
[…] »
15. La directive prévoit enfin son article 22 sur l’« application temporelle » ce qui suit :
« 1. Les États membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 afin de se conformer aux dispositions substantielles de la présente directive ne s’appliquent pas rétroactivement.
2. Les États membres veillent à ce qu’aucune disposition nationale adoptée en application de l’article 21, autre que celles visées au paragraphe 1, ne s’applique aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014. »
16. En vertu de son article 23, la directive 2014/104 est entrée en vigueur le 25 décembre 2014, le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne ( 5 ).
B. Le droit national
17. Dans le cadre du droit portugais, les dispositions pertinentes sont, d’une part, l’article 498 du Código Civil (code civil) et, d’autre part, l’article 623 du Código de Processo Civil (code de procédure civile).
18. L’article 498 du code civil prévoit ce qui suit :
« 1. Le délai de prescription du droit à réparation est de trois ans, à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance de son droit à réparation, même si le responsable et l’étendue exacte du préjudice sont inconnus, sans préjudice de la prescription ordinaire si le délai à compter du préjudice est écoulé.
2. Le délai de prescription du droit de répétition entre les responsables est également de trois ans à compter de l’exécution.
3. Si le fait délictuel est une infraction pénale pour laquelle la loi prévoit un délai de prescription plus long, ce dernier est applicable.
4. La prescription du droit à réparation n’emporte pas la prescription de l’action en revendication ni de l’action en répétition de l’indu, si l’une ou l’autre est engagée. »
19. L’article 623 du code de procédure civile s’inscrit sous l’intitulé « Opposabilité aux tiers de la condamnation pénale » et est rédigé comme suit :
« La condamnation définitive prononcée dans la procédure pénale constitue à l’égard des tiers une présomption réfragable en ce qui concerne l’existence des faits caractérisant l’infraction sanctionnée et les exigences légales, ainsi que de ceux relatifs aux formes du délit, dans toute action civile portant sur les rapports juridiques dépendant de la commission de l’infraction. »
20. La directive 2014/104 n’a été transposée en droit portugais qu’en juin 2018 à travers la lei n.o 23/2018 ( 6 ). Ainsi qu’il ressort de son article 25, cette loi est entrée en vigueur 60 jours après sa publication. En outre, d’après son article 24, les dispositions matérielles de ladite loi y compris celles relatives à la charge de la preuve, ne s’appliquent pas de manière rétroactive et les dispositions procédurales de cette loi ne s’appliquent pas aux actions engagées avant son entrée en
vigueur.
III. Les faits et la procédure au principal
21. Cogeco Communications Inc. (ci-après « Cogeco ») est une société commerciale canadienne qui a engagé par recours du 27 février 2015 devant le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa ( 7 ) (Portugal), la juridiction de renvoi, une action en dommages et intérêts contre les trois sociétés portugaises Sport TV Portugal SA (ci-après « Sport TV »), Controlinveste‑SGPS SA (ci-après « Controlinveste ») et NOS-SGPS SA (ci-après « NOS ») (ci-après ensemble les « défenderesses »), Controlinveste et NOS
étant actionnaires de Sport TV durant la période pertinente pour le recours.
Contexte du litige au principal au regard du droit de la concurrence
22. Cabovisão – Televisão Por Cabo SA (ci-après « Cabovisão »), dont Cogeco était actionnaire à l’époque ( 8 ), est fournisseur de services de télévision payante au Portugal. Le 30 juillet 2009, elle a introduit auprès de l’Autoridade da Concorrência ( 9 ) (Portugal) une plainte contre Sport TV ( 10 ), soulevant le grief de pratiques anticoncurrentielles de cette entreprise dans le domaine des chaînes de télévision sportives dites « premium », et en particulier une politique des prix discriminatoire
constitutive, selon elle, d’un abus de position dominante.
23. Par décision du 14 juin 2013, l’Autoridade da Concorrência a retenu que Sport TV avait abusé de sa position dominante sur le marché en cause et avait ce faisant violé ( 11 ) l’article 102 TFUE ainsi qu’une disposition correspondante en droit portugais ( 12 ). Elle a de ce fait imposé à Sport TV une amende de 3,73 millions d’euros ainsi qu’une sanction accessoire.
24. Sur recours de Sport TV, le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão ( 13 ) (Portugal) a réformé la décision de l’Autoridade da Concorrência par arrêt du 4 juin 2014 en ce sens que Sport TV ne se serait rendu coupable d’une infraction d’abus de position dominante sous forme de pratique des prix discriminatoire qu’en vertu du droit national, mais n’aurait pas violé l’article 102 TFUE ( 14 ). Le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão a expressément dit pour droit dans le
dispositif de son jugement : « l’article 102 TFUE ne s’applique pas au comportement de la partie défenderesse ». Elle a en outre réduit l’amende infligée à Sport TV à 2,7 millions d’euros et annulé la sanction accessoire.
25. Sport TV a interjeté appel contre ce jugement devant le Tribunal da Relação de Lisboa ( 15 ) (Portugal). Cet appel a été rejeté par arrêt du 11 mars 2015.
Déroulement de l’action nationale civile en dommages et intérêts
26. Par son action civile, Cogeco cherche désormais à obtenir réparation pour le comportement anticoncurrentiel fautif et illégal des trois défenderesses durant la période du 3 août 2006 au 30 mars 2011. Le préjudice invoqué, augmenté d’intérêts de retard, découlerait premièrement du paiement par Cabovisão de prix excessifs pour les droits de retransmission des émissions de Sport TV, deuxièmement de la perte de rémunération du capital – indisponible du fait des prix excessifs – et troisièmement du
manque à gagner. Cogeco demande à titre subsidiaire à faire condamner les trois défenderesses solidairement à la répétition des recettes indûment perçues.
27. Les trois défenderesses y ont opposé l’exception de la prescription. Le délai de prescription de trois ans au titre de l’article 498, paragraphe 1, du code civil pour les actions en responsabilité extracontractuelle aurait, selon elles, déjà expiré. Elles soutiennent que Cogeco aurait disposé au plus tard à l’un des quatre moments suivants de toutes les informations nécessaires pour avoir connaissance de l’existence du droit à réparation :
– le 30 avril 2008, date d’acquisition par Cabovisão des droits de retransmission des émissions de Sport TV,
– le 30 juillet 2009, date du dépôt de la plainte de Cabovisão auprès de l’Autoridade da Concorrência,
– le 30 mars 2011, date de cessation de l’infraction invoquée aux règles de la concurrence, ou
– le 29 février 2012, date de la vente de Cabovisão par Cogeco.
28. Selon Cogeco, la prescription ne serait, au contraire, pas encore acquise. Dans le litige au principal, Cogeco a soutenu que le délai de prescription n’aurait commencer à courir qu’à compter de l’adoption de la décision de l’Autoridade da Concorrência le 14 juin 2013, parce que seule cette décision lui aurait permis d’accéder à l’ensemble des informations nécessaires pour apprécier les pratiques anticoncurrentielles et faire valoir les droits à réparation. Il n’y aurait eu avant la décision de
l’Autoridade da Concorrência qu’un soupçon d’infraction aux règles de la concurrence. Selon Cogeco, le délai de prescription aurait, en tout état de cause, été suspendu pendant la procédure devant l’Autoridade da Concorrência.
29. La juridiction de renvoi souhaite désormais s’assurer que l’article 498 du code civil et l’article 623 du code de procédure civile sont conformes aux exigences du droit de l’Union. Elle reconnaît que les faits de la procédure au principal se sont déroulés avant l’adoption de la directive 2014/104 et, à plus forte raison encore, avant l’expiration de son délai de transposition. Elle se demande néanmoins, renvoyant notamment aux arrêts Van Duyn ( 16 ) et Mangold ( 17 ) ainsi qu’à l’obligation de
coopération loyale des États membres (article 4, paragraphe 3, TUE), si cette directive génère le cas échéant des effets anticipés dont le tribunal devrait tenir compte dans sa décision dans un litige entre particuliers, désormais à plus forte raison encore, étant donné que le délai de transposition de la directive a depuis longtemps expiré.
IV. Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour
30. Par ordonnance du 25 juillet 2017, parvenue le 15 novembre 2017, le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes en application de l’article 267 TFUE :
« 1) L’article 9, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphes 2, 3 et 4, de la [directive 2014/104], ainsi que ses autres dispositions ou les principes généraux du droit de l’Union applicables, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils créent des droits pour un justiciable (en l’espèce une société commerciale anonyme de droit canadien) dont il peut se prévaloir en justice contre un autre justiciable (en l’espèce une société commerciale anonyme de droit portugais) dans le cadre d’une action
en dommages et intérêts concernant un prétendu préjudice subi à la suite d’une violation du droit de la concurrence, notamment lorsque, à la date d’introduction de l’action en justice en cause (le 27 février 2015), le délai de transposition en droit national accordé aux États membres, conformément à l’article 21, paragraphe 1, de la directive, n’est pas encore expiré ?
2) L’article 10, paragraphes 2, 3 et 4, de la [directive 2014/104], ainsi que ses autres dispositions ou les principes généraux du droit de l’Union applicables, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale, telle que l’article 498, paragraphe 1, du code civil portugais, qui, dès lors qu’elle s’applique à des faits qui ont eu lieu avant la date de publication de ladite directive, avant son entrée en vigueur et avant la date limite de transposition de
celle-ci, dans le cadre d’une action en justice intentée également avant cette dernière date :
a) fixe le délai de prescription à trois ans pour un droit à réparation fondé sur la responsabilité civile extracontractuelle ;
b) prévoit que ce délai de trois ans est compté à partir de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance de son droit à réparation, même si le responsable et l’étendue exacte du préjudice sont inconnus, et
c) ne prévoit aucune règle imposant ou autorisant la suspension ou l’interruption de ce délai du seul fait qu’une autorité de concurrence a pris des mesures dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure relative à une infraction aux dispositions du droit de la concurrence à laquelle l’action en dommages et intérêts est liée ?
3) L’article 9, paragraphe 1, de la [directive 2014/104], ainsi que ses autres dispositions ou les principes généraux du droit de l’Union applicables, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale, telle que l’article 623 du code de procédure civile portugais, qui, dès lors qu’elle s’applique à des faits qui ont eu lieu avant la date de publication de ladite directive, avant son entrée en vigueur et avant la date limite de transposition de celle-ci, dans
le cadre d’une action en justice intentée également avant cette dernière date :
a) dispose qu’une condamnation définitive prononcée dans le cadre d’une procédure de contravention est dénuée d’effet dans les actions civiles portant sur les rapports juridiques dépendant de la commission de l’infraction ? Ou (en fonction de l’interprétation retenue)
b) prévoit qu’une telle condamnation définitive prononcée dans le cadre d’une procédure de contravention constitue pour les tiers une présomption simple en ce qui concerne l’existence des faits caractérisant l’infraction sanctionnée et remplissant les exigences légales, dans toute action civile portant sur les rapports juridiques dépendant de la commission de l’infraction ?
4) L’article 9, paragraphe 1, l’article 10, paragraphes 2, 3 et 4, de la [directive 2014/104], l’article 288, troisième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ou toute autre disposition du droit primaire ou dérivé, jurisprudence ou principe général du droit de l’Union européenne applicable, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des règles de droit national, telles que les articles 498, paragraphe 1, du code civil portugais et l’article 623 du code de
procédure civile portugais, qui, dès lors qu’elles s’appliquent à des faits qui ont eu lieu avant la date de publication de ladite directive, avant son entrée en vigueur et avant la date limite de transposition de celle-ci, dans le cadre d’une action en justice intentée également avant cette dernière date, ne prennent pas en compte le texte et la finalité de la directive et ne visent pas à atteindre l’objectif qu’elle poursuit ?
5) À titre subsidiaire, uniquement au cas où la Cour répondrait par l’affirmative à l’une quelconque des questions qui précèdent, l’article 22 de la [directive 2014/104], ainsi que ses autres dispositions pertinentes ou les principes généraux du droit de l’Union applicables, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la juridiction nationale applique à l’espèce l’article 498, paragraphe 1, du code civil portugais ou l’article 623 du code de procédure civile portugais,
dans leur rédaction actuelle, mais interprétés et appliqués de sorte à être compatibles avec les dispositions de l’article 10 de la directive ?
6) En cas de réponse affirmative à la cinquième question un justiciable peut-il se prévaloir de l’article 22 de la [directive 2014/104] contre un autre justiciable devant une juridiction nationale dans une action en dommages et intérêts introduite pour obtenir réparation d’un préjudice subi à la suite d’une violation du droit de la concurrence ? »
31. Au cours de la procédure préjudicielle devant la Cour, Cogeco, Sport TV, Controlinveste et NOS en tant que parties du litige au principal ainsi que la République portugaise, la République italienne et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Toutes ces parties à l’exception de Controlinveste et la République italienne étaient également représentées lors de l’audience du 15 novembre 2018.
V. Recevabilité de la demande de décision préjudicielle
32. Comme la juridiction de renvoi le souligne elle-même, le litige au principal présente deux particularités :
– premièrement, les faits à l’origine de l’affaire se sont déroulés avant l’adoption et l’entrée en vigueur de la directive 2014/104 ; l’action en dommages et intérêts de Cogeco a été introduite certes après l’entrée en vigueur de cette directive, mais avant l’expiration de son délai de transposition ;
– deuxièmement, l’autorité nationale de concurrence portugaise n’est pas parvenue à convaincre les juridictions nationales saisies jusqu’à maintenant de la justesse de son analyse selon laquelle la tarification appliquée par Sport TV portait atteinte non seulement à l’interdiction nationale des abus de position dominante, mais également à l’interdiction correspondante au titre du droit de l’Union en vertu de l’article 102 TFUE.
33. Dans ces conditions, on pourrait à première vue se demander si la présente demande de décision préjudicielle n’est pas en tout ou partie irrecevable en raison de son défaut de pertinence pour l’issue du litige.
34. Il convient néanmoins de rappeler qu’en vertu d’une jurisprudence constante, les demandes de décision préjudicielle concernant l’interprétation du droit de l’Union jouissent d’une présomption de pertinence ( 18 ). S’y ajoute le fait que la Cour ne constate qu’à titre tout à fait exceptionnel l’absence de pertinence pour l’issue du litige des questions qui lui sont posées, et ce lorsque celle-ci est manifeste ( 19 ).
35. Cette hypothèse ne saurait certainement être admise en l’espèce. La directive 2014/104 n’est pas manifestement inapplicable et on ne saurait non plus affirmer sans le moindre doute que l’article 102 TFUE ne peut pas venir s’appliquer ici.
36. En ce qui concerne tout d’abord la directive 2014/104, un examen de son article 22, paragraphe 2, montre que certaines de ses dispositions peuvent bel et bien s’appliquer à des actions qui – comme le recours de Cogeco en cause en l’espèce – ont été introduites devant les juridictions nationales entre le moment de l’entrée en vigueur de la directive et l’expiration de son délai de transposition et qui ont pour objet des faits qui se sont déroulés dans le passé. Le point de savoir si les
articles 9 et 10 de la directive 2014/104 particulièrement litigieux en l’espèce peuvent s’appliquer à un cas comme le présent n’est pas une question de recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais une question de fond à laquelle il ne peut être répondu qu’après un examen approfondi desdites dispositions de la directive ( 20 ).
37. Eu égard à l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2014/104, on ne saurait en tout état de cause soutenir que les dispositions de cette directive seraient manifestement sans pertinence pour l’issue du litige au principal.
38. En ce qui concerne maintenant l’article 102 TFUE, le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la concurrence, de la régulation et de la surveillance), en tant qu’instance de recours appelée à se prononcer sur les décisions de l’autorité nationale de concurrence a expressément constaté en l’espèce que cette disposition du droit de l’Union ne « s’applique pas » au comportement de Sport TV et le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne) a ultérieurement confirmé
cette position en deuxième instance.
39. Une telle décision juridictionnelle ne saurait cependant à elle seule conduire à la conclusion prématurée que la présente affaire n’a manifestement aucun rapport avec le droit de l’Union – primaire ou dérivé – et que les questions portant sur l’article 102 TFUE ne sauraient d’emblée avoir de pertinence pour l’issue du litige.
40. Il existe en effet, d’une part, eu égard à la jurisprudence de la Cour ( 21 ), des doutes importants quant au point de savoir si des juridictions nationales peuvent même constater de manière contraignante que l’article 102 TFUE ne « s’applique pas » à une affaire concrète, comme en l’espèce au comportement de Sport TV.
41. D’autre part, la réglementation nationale portugaise, à savoir l’article 623 du code de procédure civile, devait encore, au moment de l’introduction du recours par Cogeco, selon les indications de la juridiction de renvoi, être interprétée en ce sens que la constatation d’une infraction aux règles de la concurrence dans une décision de l’autorité nationale de concurrence aux fins des actions civiles en dommages et intérêts emportait tout au plus une présomption simple. D’après cette
interprétation de l’état du droit positif, il n’y aurait pour la juridiction de renvoi, en vertu du droit national, pas d’obstacle absolu à retenir que l’article 102 TFUE est applicable nonobstant l’appréciation différente portée par une autre juridiction dans la procédure antérieure relative à la décision de l’autorité nationale de concurrence.
42. Dans ce contexte, les questions préjudicielles portant sur la valeur probante des décisions des autorités nationales de concurrence sont en définitive parfaitement pertinentes. En effet, en posant ces questions, la juridiction de renvoi souhaite en substance simplement s’assurer que le droit de l’Union – en particulier l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104 – ne lui interdit pas de s’écarter de l’opinion en droit d’une autre juridiction saisie auparavant d’une décision de l’autorité
nationale de concurrence quant à l’inapplicabilité de l’article 102 TFUE et appliquer cette disposition du droit primaire. Il s’agit là d’une réelle question de droit de l’Union à laquelle la Cour est appelée à répondre et dont peut dépendre l’issue du recours de Cogeco dans le litige au principal.
43. Il n’y a donc en définitive aucune raison de nier le caractère pertinent pour l’issue du litige des questions de droit de l’Union posées à la Cour et donc de nier en tout ou partie la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.
VI. Appréciation au fond des questions préjudicielles
44. En vertu d’une jurisprudence constante, il incombe au juge national, même dans un litige entre particuliers, d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles-ci ( 22 ). La demande de décision préjudicielle du Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne) est manifestement marquée par le souhait de satisfaire à cette obligation au titre du droit de l’Union.
45. Par ses six questions, la juridiction de renvoi souhaiterait en substance savoir quelles exigences découlent du droit de l’Union pour les actions civiles entre particuliers dans le cadre desquelles sont soulevées des questions juridiques relatives à la prescription des actions en dommages et intérêts pour infractions au droit de la concurrence et aux preuves de telles infractions. La juridiction de renvoi se réfère à cet égard à titre premier à la directive 2014/104 et en particulier à ses
articles 9, 10 et 22. Elle ne se limite cependant pas à ces dispositions du droit dérivé et fait au contraire également expressément référence aux « principes généraux du droit de l’Union applicables » et donc en définitive au droit primaire de l’Union. Enfin, le droit primaire consacre notamment l’interdiction de l’abus de position dominante (article 102 TFUE), particulièrement pertinent pour la présente affaire. Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile ( 23 ), toutes les
questions relatives aux « principes généraux du droit de l’Union applicables » doivent être comprises en ce sens qu’elles visent principalement l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité.
A. Remarques liminaires sur l’applicabilité de l’article 102 TFUE et de la directive 2014/104.
46. Dans chacune des six questions préjudicielles, la juridiction de renvoi fait référence, en reprenant une formulation quasi identique, à la directive 2014/104, aux « principes généraux du droit de l’Union applicables » ou aux deux. Il semble utile dans ce contexte d’évoquer au préalable tous les doutes qui pourraient éventuellement exister quant à l’applicabilité de l’article 102 TFUE et de la directive.
1. L’applicabilité de l’article 102 TFUE
47. Rationae temporis, il ne fait aucun doute que l’article 102 TFUE – et l’article 82 CE identique dans son contenu pour la période précédant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – est applicable aux faits du litige au principal.
48. Il peut cependant y avoir des doutes quant à l’applicabilité rationae materiae de l’article 102 TFUE dans le litige au principal compte tenu des décisions rendues antérieurement par les deux juridictions portugaises qui étaient appelées à statuer dans cette affaire sur la légalité de la décision de l’autorité nationale de concurrence quant aux pratiques commerciales de Sport TV. Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la
concurrence, de la régulation et de la surveillance) s’était à cette occasion écarté de l’analyse de l’Autoridade da Concorrência et avait expressément constaté que l’article 102 TFUE ne « s’applique pas » au comportement de Sport TV, ce qui n’a plus été remis en cause dans la procédure d’appel ultérieure devant le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne).
49. Cette constatation faite dans des arrêts d’autres juridictions nationales ne saurait cependant être comprise à tort en ce sens qu’il conviendrait désormais de considérer sur cette base qu’il est également établi de manière contraignante pour la juridiction de renvoi dans le cadre de l’action en dommages et intérêts, que l’article 102 TFUE est inapplicable. En effet, dans le système décentralisé de l’application du droit de la concurrence, aucun organisme national ne saurait avoir le pouvoir de
constater de manière contraignante pour d’autres organismes nationaux, voire même pour la Commission, l’inapplicabilité de l’article 102 TFUE ou d’affirmer l’absence de comportement abusif au sens de cette disposition.
50. En ce qui concerne les pouvoirs des autorités nationales de concurrence, la Cour l’a déjà déduit de l’article 5 du règlement no 1/2003, il y a quelques années, dans l’arrêt Tele2 Polska ( 24 ). Cette disposition limite les pouvoirs des autorités nationales de concurrence, en l’absence d’indices d’une violation de l’article 102 TFUE, à la possibilité de décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir. Il est donc interdit aux autorités nationales de concurrence d’aller beaucoup plus loin en
constatant qu’il n’y a pas d’infraction à l’article 102 TFUE.
51. Il doit en aller de même lorsque les juridictions nationales saisies dans le cadre d’un recours parviennent – comme en l’espèce – à la conclusion, en réformant la décision d’une autorité nationale de concurrence, que certaines conditions permettant de constater une infraction à l’article 102 TFUE ne sont pas remplies. Elles ne sauraient non plus dans cette hypothèse déclarer sans autre forme de procès que l’article 102 TFUE est inapplicable ou constater de manière contraignante pour d’autres
procédures l’absence d’infraction à cette disposition du droit de l’Union. La compétence des juridictions nationales ( 25 ) pour l’application des articles 101 et 102 TFUE, réaffirmée par l’article 6 du règlement no 1/2003, ne remet pas en cause ce résultat. Si ces juridictions nationales n’interviennent pas comme autorité de concurrence au sens de l’article 5 du règlement no 1/2003, leur contrôle peut porter sur la décision adoptée par une autorité nationale de concurrence conformément aux
prescriptions de l’article 5 du règlement no 1/2003. Sans préjudice de leurs pouvoirs de contrôle en vertu du droit national dans un tel cas, il convient en tout cas d’exclure que leur décision puisse restreindre la compétence d’une autre juridiction au titre de l’article 6 du règlement no 1/2003, par exemple dans le cadre d’une action en dommages et intérêts.
52. La limitation imposée par l’article 5 du règlement no 1/2003 aux pouvoirs des autorités nationales est en effet destinée à garantir en définitive que dans un système décentralisé de l’application du droit de la concurrence une autorité nationale compétente ne lie pas les mains d’autres autorités également compétentes. Les parties lésées par des infractions au droit de la concurrence devraient en particulier pouvoir faire valoir par la voie du droit civil la réparation de leur préjudice éventuel
non seulement dans le cadre de follow-on actions (c’est‑à‑dire de recours faisant suite à la constatation par les autorités d’infractions aux règles de la concurrence), mais également dans le cadre de stand-alone actions (c’est-à-dire de recours indépendants d’éventuelles constatations des autorités) ( 26 ). Cet objectif doit être également pris en compte dans le cadre de l’article 6 du règlement no 1/2003.
53. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de procéder de manière autonome dans le litige au principal aux constatations nécessaires quant à l’applicabilité matérielle de l’article 102 TFUE – et en particulier quant à la capacité des pratiques commerciales de Sport TV à affecter sensiblement le commerce entre États membres ( 27 ) – sans être liée à cette occasion par la constatation de l’inapplicabilité de l’article 102 TFUE par d’autres juridictions nationales saisies auparavant de cette
affaire.
2. L’applicabilité de la directive 2014/104
54. Pour ce qui est de la directive 2014/104, le doute porte non seulement sur l’applicabilité matérielle, mais surtout sur l’applicabilité temporelle au litige au principal.
a) Champ d’application matériel de la directive
55. Le champ d’application matériel de la directive 2014/104 est défini par les dispositions combinées de ses articles 1er et 2.
56. D’après son article 1er, paragraphe 1, la directive vise les infractions des entreprises ou associations d’entreprises au droit de la concurrence et contient des règles destinées à garantir à chacun la réparation effective du préjudice né de telles infractions.
57. La notion d’« infraction au droit de la concurrence » est précisée à l’article 2, point 1, de la directive en ce sens qu’il doit s’agir d’infractions à l’article 101 ou à l’article 102 TFUE ou d’infractions au droit national de la concurrence. Ne sont cependant considérées comme « droit national de la concurrence » en vertu de l’article 2, point 3, de la directive que les dispositions du droit national qui sont appliquées dans la même affaire et parallèlement au droit de la concurrence de
l’Union.
58. Il découle ainsi d’une lecture combinée de l’article 1er, paragraphe 1 et de l’article 2, points 1 et 3, que le champ d’application matériel de la directive 2014/104 est limité aux litiges relatifs aux actions en dommages et intérêts qui reposent – du moins aussi – sur des infractions au droit de la concurrence de l’Union. Les actions fondées exclusivement sur des infractions au droit national de la concurrence ne relèvent par contre pas du champ d’application matériel de la directive. Cela
s’explique par l’objectif de la directive qui, d’après son article 1er, vise à garantir à chacun une protection équivalente dans le marché intérieur ( 28 ). Or, seuls les cas dans lesquels la condition d’affectation du commerce entre États membres posée par les articles 101 et 102 TFUE est satisfaite et une restriction sensible du commerce entre États membres, au moins potentielle, peut donc être admise, ont un lien suffisant avec le marché intérieur.
59. Ainsi qu’il a déjà été exposé ( 29 ), le seul fait que le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la concurrence, de la régulation et de la surveillance) a déclaré auparavant dans la même affaire que cette disposition ne « s’applique pas », n’empêche pas la juridiction de renvoi d’appliquer l’article 102 TFUE dans le litige au principal. Il appartient bien au contraire à cette dernière de procéder de manière autonome dans le litige au principal aux constatations nécessaires
quant à l’applicabilité matérielle de l’article 102 TFUE et ainsi dans le même temps de la directive 2014/104.
b) Champ d’application temporel des articles 9 et 10 de la directive
60. Le champ d’application temporel de la directive 2014/104 est limité par son article 22 dans la mesure où les dispositions matérielles adoptées en vue de sa transposition (voir à ce sujet l’article 22, paragraphe 1, de la directive) sont soumises à une interdiction générale d’effet rétroactif. Toutes les autres normes nationales de transposition – c’est-à-dire en particulier les normes procédurales – doivent certes être appliquées aux faits survenus avant l’entrée en vigueur de la directive, mais
uniquement dans le cadre de recours qui ont pour leur part été introduits après l’entrée en vigueur de la directive.
61. Or, l’article 9, paragraphe 1 et l’article 10 de la directive 2014/104 en cause ici ne sont pas de pures dispositions procédurales.
62. D’une part, la valeur probante qui doit en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive être reconnue aux décisions des autorités nationales de concurrence pour établir des infractions aux articles 101 et 102 TFUE est une question de droit matériel.
63. D’autre part, d’après les indications non contestées de plusieurs parties à la procédure, le droit portugais considérait, en tout cas au moment pertinent, que la prescription visée par l’article 10 de la directive relevait également du droit matériel. Tant que la question de la prescription des actions en dommages et intérêts n’était pas harmonisée, l’ordre juridique portugais demeurait libre de procéder à un tel rattachement au droit matériel ( 30 ). Comme de nombreux participants à l’audience
l’ont souligné à juste titre, il importe peu en définitive de savoir dans quelle mesure cette qualification est remise en cause, à la lumière de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2014/104, du fait de la transposition de la directive intervenue entre temps ( 31 ), dans la mesure où de telles mesures nationales de transposition ne sauraient « ressusciter » les actions déjà prescrites par application des dispositions anciennes.
64. Il découle ainsi de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2014/104, que ni l’article 9, ni l’article 10 de cette directive ne peuvent être appliqués à un recours comme celui pendant dans le litige au principal, introduit certes après l’entrée en vigueur de la directive, mais concernant des faits survenus avant l’adoption et l’entrée en vigueur de ladite directive ( 32 ). Du reste, l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2014/104 ne fait en tout cas pas obstacle à une disposition
relative à l’application dans le temps des dispositions de transposition en vertu desquelles les dispositions procédurales de la loi en cause ne s’appliquent pas aux recours introduits avant son entrée en vigueur ( 33 ).
B. Effets des dispositions de droit de l’Union dans les rapports entre particuliers (première et sixième questions préjudicielles)
65. Par ses première et sixième questions posées à titre subsidiaire, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si, d’une part, la directive 2014/104 et, d’autre part, les « principes généraux du droit de l’Union applicables » – c’est-à-dire en particulier l’article 102 TFUE – peuvent produire des effets directs entre particuliers (entre « justiciables »). Il apparaît judicieux d’examiner les deux questions ensemble.
66. En ce qui concerne l’article 102 TFUE, il est de jurisprudence constante que l’interdiction d’abus de position dominante consacré dans cette disposition produit des effets dans les relations entre particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder ( 34 ).
67. Il en va par contre différemment pour les dispositions de la directive 2014/104 dans une affaire comme la présente.
68. Il est certes vrai que les directives peuvent elles-aussi produire des effets directs lorsque – comme entre temps en l’espèce – le délai de transposition a expiré et que les dispositions en cause de la directive sont en outre, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises ( 35 ). Toutefois, en vertu d’une jurisprudence constante, une directive ne peut pas, par elle-même, créer des obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant
que telle à son encontre ( 36 ).
69. En outre, la directive 2014/104 ne saurait se voir reconnaître un « effet d’exclusion» ( 37 ) tel que les dispositions nationales incompatibles avec la directive comme l’article 498 du code civil et l’article 623 du code de procédure civile ne s’appliqueraient tout simplement pas dans un litige entre particuliers. La Cour a récemment rejeté sans ambiguïté la théorie de l’« effet d’exclusion » et jugé qu’une juridiction nationale ne saurait être contrainte, sur la seule base du droit de l’Union,
de laisser inappliquées des dispositions de droit national éventuellement incompatibles avec une directive dans un litige entre particuliers ( 38 ).
70. Vient s’y ajouter dans la présente affaire la circonstance qu’une directive peut difficilement revendiquer son application en dehors de son champ d’application temporel. Puisque, comme nous l’avons déjà exposé ( 39 ), les faits du litige au principal ne sont du point de vue temporel pas couverts par les articles 9 et 10 de la directive, les parties ne peuvent pas invoquer ces dispositions de la directive devant le juge national.
71. Il convient donc de retenir en réponse à la première question préjudicielle :
L’article 102 TFUE produit des effets directs dans les rapports entre particuliers. Les articles 9 et 10 de la directive 2014/104 ne peuvent en revanche pas s’appliquer directement à un litige entre particuliers dans lequel l’action civile a été introduite avant l’expiration du délai de transposition de cette directive et concerne des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de la directive.
C. Prescription des actions en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence (deuxième question préjudicielle)
72. La deuxième question préjudicielle est consacrée à la prescription des actions en dommages et intérêts au titre du droit national. La juridiction de renvoi souhaiterait savoir si, d’une part, la directive 2014/104 et, d’autre part, les « principes généraux de droit de l’Union applicables » s’opposent à des règles de prescription telles que celles du Portugal au titre de l’article 498, paragraphe 1, du code civil et en vertu desquelles le délai de prescription pour les actions civiles en dommages
et intérêts découlant de la responsabilité extracontractuelle est de trois ans, commence à courir avec la simple prise de connaissance par la personne lésée d’un préjudice et ne connaît aucune possibilité de suspension ou d’interruption pendant une procédure administrative en cours devant l’autorité nationale de concurrence.
73. Puisque, comme nous l’avons déjà indiqué, la présente affaire ne relève pas du champ d’application temporel de la directive 2014/104 et en particulier de son article 10, des règles de prescription comme celles de l’article 498, paragraphe 1, du code civil ne peuvent être appréciées dans le cadre du litige au principal qu’à l’aune des principes généraux du droit de l’Union, mais pas de la directive.
74. Il y a lieu de noter au sujet des principes généraux du droit de l’Union que les autorités de concurrence et les juridictions des États membres sont tenues d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et de garantir leur application effective dans l’intérêt général si les faits relèvent du droit de l’Union ( 40 ). Si la juridiction de renvoi devait par conséquent parvenir à la conclusion que les pratiques commerciales de Sport TV étaient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États
membres, elle devrait appliquer l’article 102 TFUE dans le litige au principal et veiller à ce que le droit de la partie lésée à la réparation de son préjudice découlant d’un abus de position dominante ( 41 ) puisse être effectivement exercé.
75. Tant que l’harmonisation réalisée par la directive 2014/104 ne trouve pas encore à s’appliquer, les modalités d’exercice de ce droit à dommages et intérêts continuent à être régies par l’ordre juridique national de chaque État membre dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité ( 42 ).
76. Puisque les règles de prescription de l’article 498 du code civil s’appliquent, d’après les indications concordantes des parties à la procédure, de la même manière pour les actions en dommages et intérêts fondées sur le droit de l’Union et pour celles fondées sur le droit national, il n’y a pas lieu de retenir l’existence d’une violation du principe d’équivalence.
77. Il convient en revanche d’examiner de manière plus approfondie la question de savoir si lesdites règles de prescription sont compatibles avec le principe d’effectivité selon lequel les dispositions nationales ne sauraient rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits accordés par l’ordre juridique de l’Union ( 43 ).
78. Le simple fait qu’une disposition nationale comme l’article 498, paragraphe 1, du code civil soumet les actions en dommages et intérêts pour responsabilité extracontractuelle à un délai de prescription de trois ans ne saurait être considéré comme une violation du principe d’effectivité. Trois ans sont en effet pour les personnes potentiellement lésées un délai suffisamment long pour faire valoir leur droit à réparation au titre du droit de l’Union par voie de recours devant une juridiction
civile nationale.
79. L’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104 a certes introduit depuis, pour les demandes de dommages et intérêts fondées sur une infraction au droit de la concurrence, un délai de prescription plus généreux de cinq ans. Cela ne signifie pas pour autant qu’un délai de prescription légal plus court en vigueur jusque-là au niveau national rendrait d’emblée impossible ou excessivement difficile l’introduction d’actions en dommages et intérêts pour des infractions aux règles de la
concurrence du droit de l’Union.
80. Avec le délai de prescription harmonisé d’au moins cinq ans, tel que prévu désormais par l’article 10, paragraphe 3, de la directive 2014/104, le législateur de l’Union a pris une initiative visant à améliorer la protection juridique des parties lésées par des infractions au droit de la concurrence. Cette disposition de la directive ne doit pas être comprise comme une simple codification de ce qui découlait déjà auparavant – de manière implicite – du droit primaire, en particulier de
l’article 102 TFUE et du principe d’effectivité.
81. Comme le souligne néanmoins à juste titre la Commission, il ne suffit pas lors du contrôle de l’effectivité d’examiner de manière isolée certains éléments du régime national de prescription. Il convient au contraire d’apprécier ce régime dans son ensemble ( 44 ).
82. Il y a lieu de souligner dans ce contexte qu’une réglementation nationale comme celle du Portugal, consacrée à l’article 498, paragraphe 1, du code civil, ne s’épuise pas dans la limitation du délai de prescription à trois ans. Cette réglementation est au contraire marquée, d’une part, par le fait que le délai de prescription commence à courir indépendamment du point de savoir si la personne lésée a connaissance ou non de l’identité de la personne responsable et de l’étendue exacte du préjudice.
Cette réglementation ne prévoit, d’autre part, aucune suspension ou interruption de la prescription pendant une procédure en cours devant l’autorité nationale de concurrence ( 45 ).
83. Tant le déclenchement du délai de prescription dans l’ignorance de l’auteur de l’infraction et de l’étendue exacte du préjudice, que l’absence de suspension ou d’interruption du délai de prescription au cours d’une procédure conduite par les autorités de concurrence sont selon nous susceptibles de rendre excessivement difficile l’introduction d’actions en dommages et intérêts fondées sur une infraction au droit de la concurrence.
84. D’une part, la connaissance de la personne responsable, tout particulièrement en droit des ententes, est indispensable pour faire valoir avec succès des droits à dommages et intérêts extracontractuels, en particulier par voie de recours. En effet, les entreprises responsables des infractions aux règles de la concurrence sont le plus souvent organisées sous forme de personne morale généralement intégrée à des groupes de sociétés ou des structures de groupe difficiles à appréhender de l’extérieur
et susceptibles de faire l’objet au cours du temps de restructurations.
85. D’autre part, l’appréciation juridiquement correcte d’infractions au droit de la concurrence implique dans de nombreux cas l’appréciation de situations économiques complexes et de documents commerciaux internes qui régulièrement ne sont révélés que par le travail des autorités de concurrence ( 46 ).
86. Dans ces circonstances il y a lieu de retenir au sujet de la deuxième question préjudicielle :
L’article 102 TFUE en combinaison avec le principe d’effectivité du droit de l’Union s’oppose à une disposition telle l’article 498, paragraphe 1 du code civil portugais qui prévoit pour les actions en dommages et intérêts extracontractuelles pour abus de position dominante, un délai de prescription de trois ans qui commence même à courir lorsque la personne lésée n’a pas encore connaissance de la personne responsable ou de l’étendue exacte du préjudice et qui n’est ni suspendu ni interrompu au
cours d’une procédure de l’autorité nationale de concurrence visant à enquêter sur cette infraction et la sanctionner.
D. Valeur probante des décisions des autorités nationales de concurrence (troisième question préjudicielle)
87. La troisième question préjudicielle concerne la preuve de l’infraction au droit de la concurrence au titre de laquelle des dommages et intérêts sont réclamés. La juridiction de renvoi souhaiterait en substance savoir si, d’une part, la directive 2014/104 et ,d’autre part, les « principes généraux du droit de l’Union applicables » s’opposent à une disposition telle que celle du Portugal à l’article 623 du code de procédure civile en vertu de laquelle la constatation définitive d’une infraction au
droit de la concurrence dans le cadre d’une procédure de sanction devant l’autorité nationale de concurrence n’a, dans les actions civiles en dommages et intérêts, aucun effet ou ne constitue qu’une présomption simple.
88. Dans la mesure où la présente affaire ne relève pas, comme nous l’avons déjà signalé, du champ d’application temporel de la directive 2014/104 et en particulier de son article 9, des règles de preuve comme celles de l’article 623 du code de procédure civile ne peuvent, dans le litige au principal, être appréciées qu’à l’aune des principes généraux du droit de l’Union, et non de la directive.
89. Il convient de noter au sujet des principes généraux du droit de l’Union, comme nous l’avons déjà fait dans le cadre de la deuxième question préjudicielle ( 47 ), que les autorités de concurrence et les juridictions des États membres sont tenues d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et de garantir leur application effective dans l’intérêt général si les faits relèvent du droit de l’Union. Si la juridiction de renvoi devait donc parvenir à la conclusion que les pratiques commerciales de Sport
TV étaient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres, elle devrait appliquer l’article 102 TFUE dans le litige au principal et veiller à ce que le droit de la partie lésée à la réparation de son préjudice découlant d’un abus de position dominante puisse être effectivement exercé.
90. Tant que l’harmonisation réalisée par la directive 2014/104 ne trouve pas encore à s’appliquer, les modalités d’exercice de ce droit à dommages et intérêts continuent à être régies par l’ordre juridique national de chaque État membre dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité ( 48 ).
91. Puisque les règles de preuve de l’article 623 du code de procédure civile s’appliquent d’après les indications concordantes des parties à la procédure tant aux actions en dommages et intérêts fondées sur le droit de l’Union qu’à celles fondées sur le droit national, il n’y a pas lieu de retenir ici l’existence d’une violation du principe d’équivalence.
92. En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de relever que l’article 623 du code de procédure civile peut, selon la juridiction de renvoi, faire l’objet de deux interprétations différentes : soit en ce sens que la constatation par l’autorité nationale de concurrence d’une infraction aux règles de la concurrence dans la procédure de contravention est dénuée d’effet dans l’action civile en dommages et intérêts, soit en ce sens que cette constatation n’emporte qu’une présomption
simple quant à l’existence d’une telle infraction aux règles de la concurrence.
93. D’une part, l’exercice du droit à réparation pour violations de l’article 102 TFUE deviendrait excessivement difficile si on ne reconnaissait pas aux travaux préalables d’une autorité de concurrence le moindre effet dans l’action civile en dommages et intérêts. Compte tenu de la complexité particulière de nombreuses infractions au droit de la concurrence et des difficultés pratiques rencontrées par les personnes lésées pour établir ces infractions, le principe d’effectivité impose de reconnaître
à la constatation définitive par l’autorité nationale de concurrence d’une infraction au moins une valeur indicative dans l’action en dommages et intérêts.
94. D’autre part, on ne saurait réellement déduire du principe d’effectivité en tant que tel que l’abus de position dominante doit toujours être considéré dans une action civile en dommages et intérêts devant le juge national comme ayant été établi de manière irréfragable à partir du moment où l’autorité nationale de concurrence a définitivement constaté une telle infraction au droit de la concurrence.
95. En introduisant une présomption irréfragable, telle qu’elle est désormais prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104, le législateur de l’Union a entrepris une démarche pour améliorer la protection juridique des personnes lésées par des infractions au droit de la concurrence. Cette disposition de la directive ne doit pas être interprétée comme une simple codification de ce qui découlait déjà auparavant – de manière implicite – du droit primaire, en particulier de
l’article 102 TFUE et du principe d’effectivité.
96. Avant que l’article 9 de la directive 2014/104 ne commence à s’appliquer, en vertu du droit de l’Union, seules les décisions de la Commission se voyaient reconnaître un effet contraignant dans les procédures devant les juridictions nationales. Cet effet contraignant particulier, qui découle de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ainsi que de la jurisprudence Masterfoods ( 49 ), est justifié par le rôle clé que joue la Commission dans l’élaboration de la politique de la concurrence
dans le marché intérieur européen et en définitive également par la primauté du droit de l’Union et le caractère contraignant des décisions des institutions de l’Union. Il ne peut pas être étendu de la même manière aux décisions des autorités nationales de concurrence, à moins que le législateur de l’Union n’en dispose expressément ainsi, comme il l’a fait pour l’avenir avec l’article 9 de la directive 2014/104.
97. Il convient en résumé de retenir au sujet de la troisième question préjudicielle :
L’article 102 TFUE en combinaison avec le principe d’effectivité s’oppose à une interprétation d’une disposition telle l’article 623 du code de procédure civile portugais en vertu de laquelle la constatation définitive d’un abus de position dominante par l’autorité nationale de concurrence est dénuée d’effet dans l’action civile en dommages et intérêts. Cette disposition est en revanche compatible avec l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité si elle est interprétée en ce sens que, dans
le cadre de l’action civile en dommages et intérêts ultérieure, une telle constatation définitive par l’autorité nationale de concurrence emporte une présomption simple d’abus de position dominante.
E. Interprétation conforme au droit de l’Union (quatrième et cinquième questions préjudicielles)
98. Par ses quatrième et cinquième questions posées à titre subsidiaire, la juridiction de renvoi souhaite en substance obtenir des indications sur le contenu et les limites de son obligation d’interprétation conforme au droit de l’Union du droit national, à savoir en particulier des dispositions comme l’article 498, paragraphe 1, du code civil et de l’article 623 du code de procédure civile. Il convient d’examiner ensemble ces deux questions.
99. En vertu d’une jurisprudence constante, le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité du droit de l’Union et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celui-ci ; il en va ainsi pour l’interprétation conforme du droit
primaire ( 50 ) ainsi que pour celle du droit dérivé, et en particulier l’interprétation conforme des directives ( 51 ).
100. Le principe de l’interprétation conforme au droit de l’Union ne peut cependant s’appliquer que dans le cadre du champ d’application de la disposition en cause du droit de l’Union. En ce qui concerne spécifiquement la directive 2014/104, cela signifie que dans la présente affaire, il ne peut pas y avoir la moindre obligation d’interprétation conforme, dans la mesure où les faits du litige au principal, comme nous l’avons indiqué ci-dessus ( 52 ), ne relèvent pas du champ d’application temporel
de cette directive tel que défini par son article 22.
101. Il existe certes, en vertu d’une jurisprudence constante, une interdiction de contrecarrer les objectifs d’une directive en ce sens que les États membres doivent s’abstenir avant même l’expiration du délai de transposition d’une directive d’entreprendre tout ce qui serait susceptible de remettre sérieusement en cause l’objectif prescrit par la directive ( 53 ). Il s’ensuit qu’avant même l’expiration du délai de transposition, les États membres doivent s’abstenir de toute mesure susceptible de
compromettre sérieusement la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive ( 54 ). Dans le cas de la directive 2014/104 en cause ici, l’objectif prescrit par le législateur de l’Union est cependant précisément de prévenir une application rétroactive des dispositions harmonisées relatives à la prescription des actions en dommages et intérêts et la valeur probante des décisions des autorités nationales de concurrence, soit parce qu’il s’agit de dispositions de droit matériel soumises à
l’interdiction d’effet rétroactif en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2014/104, soit parce que le législateur national, lors de la mise en œuvre de la directive, a, en tout état de cause, respecté les limites d’un éventuel effet rétroactif d’autres dispositions en vertu de l’article 22, paragraphe 2, de la directive ( 55 ). L’interdiction de contrecarrer les objectifs d’une directive ne saurait donc faire naître pour la juridiction de renvoi une obligation au titre du droit
de l’Union de parvenir dans une affaire comme la présente à un résultat conforme à la directive.
102. Si la juridiction de renvoi devait néanmoins parvenir à la conclusion que les pratiques commerciales de Sport TV étaient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres ( 56 ), elle devrait, indépendamment de la directive 2014/104, appliquer dans le litige au principal l’interdiction d’abus de position dominante au titre du droit de l’Union et interpréter et appliquer alors le droit national – en particulier l’article 498, paragraphe 1, du code civil et l’article 623 du
code de procédure civile – en conformité avec l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité.
103. Cela signifie concrètement pour ce qui est de la valeur probante d’une décision de l’autorité nationale de concurrence que la juridiction nationale ne peut pas simplement ignorer cette décision, mais doit lui accorder au moins – comme nous l’avons indiqué ci-dessus ( 57 ) – dans le cadre de l’article 623 du code de procédure civile une valeur indicative.
104. En ce qui concerne la prescription des actions en dommages et intérêts pour responsabilité extracontractuelle, il découle du principe de l’interprétation conforme au droit de l’Union que la juridiction nationale doit tenir compte de l’objectif de permettre l’exercice effectif des actions en dommages et intérêts pour abus de position dominante lors de l’interprétation et de l’application d’une disposition comme l’article 498, paragraphe 1, du code civil, et ce pour ce qui est du début, de la
durée et des éventuels motifs de suspension ou d’interruption du délai de prescription.
105. Le principe de l’interprétation conforme au droit de l’Union du droit national trouve néanmoins sa limite dans les principes généraux de droit et ne saurait non plus servir de base à une interprétation contra legem du droit national ( 58 ). Cela signifie concrètement dans la présente affaire que la juridiction nationale n’a aucune obligation au titre du droit de l’Union d’aller à l’encontre des termes de l’article 498, paragraphe 1, du code civil et d’éventuelles autres dispositions de droit
national pertinentes pour la prescription et de repousser le début du délai de prescription jusqu’à la prise de connaissance du responsable et de l’étendue exacte du préjudice, de fixer la durée du délai de prescription au-delà de trois ans ou de reconnaître un motif de suspension ou d’interruption de la prescription inconnu du droit national et totalement nouveau.
106. En résumé, il y a lieu de retenir au sujet des quatrième et cinquième questions préjudicielles :
Si une action civile en dommages et intérêts concerne des faits qui ne relèvent pas du champ d’application temporel de la directive 2014/104, il n’existe aucune obligation d’interpréter le droit national en conformité avec cette directive. Cela n’affecte pas l’obligation d’interpréter le droit national en conformité avec l’article 102 TFUE, si ce dernier est applicable, et le principe d’effectivité pour autant que les principes généraux du droit de l’Union sont à cet égard respectés et que le
droit de l’Union n’est pas invoqué en soutien d’une interprétation contra legem du droit national.
VII. Conclusion
107. Eu égard aux réflexions qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne, Portugal) :
1) L’article 102 TFUE produit des effets directs dans les rapports entre particuliers. Les articles 9 et 10 de la directive 2014/104 ne peuvent en revanche pas s’appliquer directement à un litige entre particuliers dans lequel l’action civile a été introduite avant l’expiration du délai de transposition de cette directive et concerne des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de la directive.
2) L’article 102 TFUE en combinaison avec le principe d’effectivité du droit de l’Union s’oppose à une disposition telle l’article 498, paragraphe 1 du Código Civil (code civil) portugais qui prévoit pour les actions en dommages et intérêts extracontractuelles pour abus de position dominante, un délai de prescription de trois ans qui commence même à courir lorsque la personne lésée n’a pas encore connaissance de la personne responsable ou de l’étendue exacte du préjudice et qui n’est ni
suspendu ni interrompu au cours d’une procédure de l’autorité nationale de concurrence visant à enquêter sur cette infraction et la sanctionner.
3) L’article 102 TFUE en combinaison avec le principe d’effectivité s’oppose à une interprétation d’une disposition telle l’article 623 du Código de Processo Civil (code de procédure civile) portugais en vertu de laquelle la constatation définitive d’un abus de position dominante par l’autorité nationale de concurrence est dénuée d’effet dans l’action civile en dommages et intérêts. Cette disposition est en revanche compatible avec l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité si elle est
interprétée en ce sens, que dans le cadre de l’action civile en dommages et intérêts ultérieure, une telle constatation définitive par l’autorité nationale de concurrence emporte une présomption simple d’abus de position dominante.
4) Si une action civile en dommages et intérêts concerne des faits qui ne relèvent pas du champ d’application temporel de la directive 2014/104, il n’existe aucune obligation d’interpréter le droit national en conformité avec cette directive. Cela n’affecte pas l’obligation d’interpréter le droit national en conformité avec l’article 102 TFUE, si ce dernier est applicable, et le principe d’effectivité pour autant que les principes généraux du droit de l’Union sont à cet égard respectés et que
le droit de l’Union n’est pas invoqué en soutien d’une interprétation contra legem du droit national.
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( 1 ) Langue originale : l’allemand.
( 2 ) Voir à ce sujet, arrêts fondamentaux du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, (C‑453/99, EU:C:2001:465) ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317). Voir en outre l’affaire pendante Otis Gesellschaft e. a. (C‑435/18).
( 3 ) Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).
( 4 ) Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1).
( 5 ) L’édition du Journal officiel dans laquelle la directive 2014/104 a été publiée est datée du 5 décembre 2014.
( 6 ) Loi no 23/2018 du 5 juin 2018 (Diário da República no 107/2018, p. 2368).
( 7 ) Tribunal d’arrondissement de Lisbonne (Portugal).
( 8 ) Il ressort du dossier qu’à l’époque Cogeco contrôlait seule Cabovisão – directement ou indirectement.
( 9 ) Autorité de concurrence.
( 10 ) Outre Sport TV, d’autres entreprises étaient également visées par la plainte.
( 11 ) No de dossier PRC‑02/2010.
( 12 ) Article 6 de la loi portugaise no 18/2003.
( 13 ) Tribunal de la concurrence, de la régulation et de la surveillance.
( 14 ) Le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão a estimé qu’il n’était pas démontré que la pratique commerciale en cause de Sport TV était susceptible d’affecter le commerce entre États membres au sens de l’article 102 TFUE.
( 15 ) Cour d’appel de Lisbonne.
( 16 ) Arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 12).
( 17 ) Arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709).
( 18 ) Arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22) ; du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 45) ; du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a. (C‑426/16, EU:C:2018:335, point 31), et du 25 juillet 2018, Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:583, point 73).
( 19 ) Il découle de la jurisprudence constante évoquée dans la note 18 ci-dessus, que la Cour ne peut refuser de statuer sur une demande de décision préjudicielle que lorsque l’interprétation demandée du droit de l’Union n’a manifestement aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsqu’elle ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
( 20 ) Voir à ce sujet nos développements sur la première et la sixième questions préjudicielles (supra, points 65 à 71 des présentes conclusions).
( 21 ) Arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska (C‑375/09, EU:C:2011:270, en particulier points 21 à 30).
( 22 ) Arrêts du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 29), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 37) ; dans le même sens déjà arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 111), et du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 89).
( 23 ) Il est de jurisprudence constante qu’il incombe à la Cour de fournir aux juridictions nationales des indications utiles sur l’interprétation et l’application du droit de l’Union et à cette fin de reformuler le cas échéant les questions préjudicielles ; voir ex multis arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 34).
( 24 ) Arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska (C‑375/09, EU:C:2011:270, en particulier points 21 à 30).
( 25 ) Voir à ce sujet les conclusions de l’avocat général Mazák dans l’affaire Tele2 Polska (C‑375/09, EU:C:2010:743, point 32).
( 26 ) Voir à ce sujet la première phrase du considérant 13 de la directive 2014/104 selon lequel le droit à réparation est reconnu indépendamment de la constatation préalable d’une infraction par une autorité de concurrence.
( 27 ) Voir à ce sujet ex multis, arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 40 à 42).
( 28 ) En ce sens également les considérants 9 et 10 de la directive 2014/104.
( 29 ) Voir à ce propos, points 47 à 53 des présentes conclusions.
( 30 ) Dans le même sens, en ce qui concerne un contexte de droit pénal, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, points 44 et 45).
( 31 ) Voir point 20 et note 6 des présentes conclusions.
( 32 ) Dans le même sens arrêt du 3 mars 1994, Vaneetveld (C‑316/93, EU:C:1994:82, points 16 à 18).
( 33 ) Voir point 20 des présentes conclusions.
( 34 ) Arrêts du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (127/73, EU:C:1974:25, point 16) ; du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission (C‑282/95 P, EU:C:1997:159, point 39) ; du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, EU:C:2001:465, point 23) ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 39), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 20) ; dans le même sens également la première phrase du troisième
considérant de la directive 2014/104.
( 35 ) Voir arrêt de principe du 19 janvier 1982, Becker (8/81, EU:C:1982:7, point 25) ; voir également les arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 33), et du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, point 98).
( 36 ) Arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, point 48) ; du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:292, point 20), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 42).
( 37 ) Voir sur l’« effet d’exclusion » les conclusions fondamentales de l’avocat général Léger dans l’affaire Linster (C‑287/98, EU:C:2000:3, en particulier points 57 ainsi que 67 à 89).
( 38 ) Arrêt du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, en particulier point 49).
( 39 ) Voir à ce sujet points 60 à 64 des présentes conclusions.
( 40 ) Arrêt du 14 juin 2011, Pfleiderer (C‑360/09, EU:C:2011:389, point 19).
( 41 ) Sur le droit aux dommages et intérêts, voir arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 60 et 61) ; du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, point 21), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 21 à 23), renvoyant à chaque fois à la problématique comparable en lien avec la disposition correspondante de l’article 101 TFUE (anciennement article 81 CE).
( 42 ) Arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 62 et 64) ; du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, points 25 à 27), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 24) ; voir également le considérant 11 de la directive 2014/104.
( 43 ) Arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 62) ; du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, point 27), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 25).
( 44 ) En ce sens également arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 78 à 82), dans lequel la Cour a apprécié la durée du délai de prescription notamment par rapport au moment du déclenchement du délai de prescription et la possibilité d’une interruption de la prescription. Voir également nos conclusions dans les affaires jointes Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2004:624, point 109).
( 45 ) À la différence par exemple des dispositions norvégiennes qui faisaient l’objet d’un contrôle d’effectivité dans l’arrêt de la Cour de l’AELE du 17 septembre 2018, Nye Kystlink AS/Color Group AS et Color Line AS (E-10/17, point 119).
( 46 ) Voir en ce sens aussi les considérations dans l’arrêt précité de la Cour de l’AELE dans l’affaire E-10/17, point 118.
( 47 ) Voir à ce sujet point 74 des présentes conclusions.
( 48 ) Arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 62 et 64) ; du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, points 25 à 27), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 24) ; voir aussi le considérant 11 de la directive 2014/104.
( 49 ) Arrêt du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB (C‑344/98, EU:C:2000:689, en particulier point 52 en combinaison avec les points 46 et 49).
( 50 ) Arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl (C‑187/15, EU:C:2016:550, point 43) ; voir en outre les arrêts du 4 février 1988, Murphy e.a. (157/86, EU:C:1988:62, point 11), et arrêt du 11 janvier 2007, ITC (C‑208/05, EU:C:2007:16, point 68).
( 51 ) Arrêts du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:292, point 26) ; du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 113, 115, 118 et 119) ; du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, points 98 et 101), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 39).
( 52 ) Voir à ce sujet points 60 à 64 des présentes conclusions.
( 53 ) Voir en ce sens arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, EU:C:1997:628, point 45) ; du 2 juin 2016, Pizzo (C‑27/15, EU:C:2016:404, point 32), et du 27 octobre 2016, Milev (C‑439/16 PPU, EU:C:2016:818, point 31).
( 54 ) Arrêt du 27 octobre 2016, Milev (C‑439/16 PPU, EU:C:2016:818, point 32 ; voir également arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, points 122 et 123).
( 55 ) Voir à ce sujet de nouveau points 60 à 64 des présentes conclusions. L’affaire au principal se distingue en ce sens du cas ayant récemment fait l’objet de l’arrêt du 17 octobre 2018, Klohn (C‑167/17, EU:C:2018:833, points 39 et suivants).
( 56 ) Voir à ce sujet, en particulier, point 53 des présentes conclusions.
( 57 ) Voir point 93 des présentes conclusions.
( 58 ) Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 110) ; du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 32), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 40).