CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 19 décembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑598/17
A‑Fonds
contre
Inspecteur van de Belastingdienst
[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof ’s‑Hertogenbosch (cour d’appel de Bois‑le‑Duc, Pays‑Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Aides existantes et aides nouvelles – Notion d’“aide nouvelle” – Aide illégale – Restitution de l’impôt sur les dividendes – Régime élargi aux sociétés établies en dehors du territoire de l’État membre concerné – Libre circulation des capitaux – Rôle des juridictions nationales – Possibilité pour les juridictions nationales d’apprécier les modalités d’un régime d’aides au regard de dispositions du traité FUE autres que les articles 107 et 108 – Compétence exclusive de la
Commission »
I. Introduction
1. La présente demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof ’s‑Hertogenbosch (cour d’appel de Bois‑le‑Duc, Pays‑Bas) porte sur l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE ( 2 ).
2. Le présent renvoi préjudiciel s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant A‑Fonds, un organisme de placement de droit allemand, à l’Inspecteur van de Belastingdienst (inspecteur de l’administration fiscale, Pays-Bas, ci‑après « l’administration fiscale »). A‑Fonds cherche à obtenir la restitution de l’impôt néerlandais sur les dividendes retenu au titre des exercices 2002/2003 à 2007/2008 en invoquant le droit à la libre circulation des capitaux prévu à l’article 63 TFUE.
3. Cette restitution a été refusée par l’administration fiscale au motif qu’A‑Fonds n’est pas établi aux Pays‑Bas. La juridiction de renvoi considère que ce refus constitue une violation de l’article 63 TFUE et que, pour y remédier, il convient de faire droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes présentée par A‑Fonds.
4. Cette juridiction s’interroge cependant sur la conformité d’une telle décision avec le droit des aides d’État. Estimant que la mesure fiscale néerlandaise qui prévoit la restitution de l’impôt sur les dividendes constitue un régime d’aides d’État existant, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la réglementation en matière d’aides d’État s’oppose à ce qu’elle fasse droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes présentée par A‑Fonds sur le fondement de
l’article 63 TFUE, dès lors que cette décision aurait pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires du régime d’aides en question.
5. Dans les présentes conclusions, j’expliquerai, à titre principal, les raisons pour lesquelles j’estime que la juridiction de renvoi n’est pas compétente pour contrôler la compatibilité de la condition de résidence de la mesure fiscale néerlandaise en cause au principal avec l’article 63 TFUE, eu égard à la compétence exclusive de la Commission européenne pour apprécier la compatibilité de mesures d’aides avec le marché de l’Union résultant des articles 107 et 108 TFUE tels qu’interprétés par la
Cour dans les arrêts Iannelli ( 3 ) et Nygård ( 4 ).
6. À titre subsidiaire, si la Cour ne devait pas me suivre sur ce point, cela impliquerait, à mon sens, que la juridiction de renvoi, en constatant l’incompatibilité de la condition de résidence avec l’article 63 TFUE, devrait laisser cette condition inappliquée et faire droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes présentée par le requérant au principal. Au terme de mon analyse, je considérerai qu’une telle décision ne constitue pas en soi une mesure d’aide d’État et n’entraîne
aucune obligation pour les juridictions nationales de la notifier à la Commission.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
7. L’article 1er, sous b), point i), du règlement (CE) no 659/1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE ( 5 ) prévoit que constitue une « aide existante », « toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur ».
8. L’article 1er, sous c), dudit règlement, prévoit que constitue une « aide nouvelle »« toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».
B. Le droit néerlandais
a) La Wet op de vennootschapsbelasting (loi sur l’impôt des sociétés) du 8 octobre 1969
9. L’article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de la loi sur l’impôt des sociétés ( 6 ) dispose :
« 1. Sont assujetties à l’impôt en tant que contribuables nationaux les entités suivantes établies aux Pays‑Bas :
[...]
f) les fonds communs de placement ;
g) les entreprises, mentionnées au paragraphe 3, de personnes morales de droit public. »
10. L’article 2, paragraphe 3, de la loi sur l’impôt des sociétés fixe une liste d’entreprises intervenant dans certains secteurs économiques.
11. L’article 2, paragraphe 7, de cette loi prévoit :
« Les organismes dont seules des personnes morales de droit public néerlandais sont directement ou indirectement actionnaires, associées ou membres, ainsi que les organismes dont les administrateurs sont exclusivement nommés et révoqués directement ou indirectement par des personnes morales de droit public néerlandais et dont le patrimoine revient exclusivement à la disposition de personnes morales de droit public néerlandais en cas de liquidation, ne sont assujettis à l’impôt que dans la mesure
où ils exploitent une entreprise au sens du paragraphe 3 ».
b) La Wet op de dividendbelasting (loi relative à l’impôt sur les dividendes) du 23 décembre 1965
12. L’article 1er, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes dispose :
« Sous la dénomination d’’impôt sur les dividendes’ est prélevé un impôt direct à charge de ceux qui, directement ou au moyen de certificats, ont droit aux revenus d’actions [...] »
13. Dans sa version en vigueur au 1er janvier 2002, l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes dispose ( 7 ) :
« 1. Par une décision à prendre par l’inspecteur et qui est susceptible de faire l’objet d’une réclamation, est accordée à la personne morale établie aux Pays‑Bas sans être assujettie à l’impôt sur les sociétés, à sa demande, la restitution de l’impôt sur les dividendes qui a été retenu à sa charge au cours d’une année civile, lorsque cet impôt s’élève à plus de 23 euros. La première phrase n’est pas d’application à l’impôt sur les dividendes prélevé sur des rendements dont la société n’est
pas le bénéficiaire effectif. La demande se fait par une déclaration introduite dans un délai à fixer par règlement ministériel. »
14. Le 1er janvier 2007, un nouveau paragraphe 4 est entré en vigueur à l’article 10 de la loi relative à l’impôt sur les dividendes :
« 4. Le paragraphe premier s’applique par analogie à l’égard d’une personne morale établie dans un autre État membre de l’Union européenne qui n’est pas assujettie, dans cet État, à une imposition sur les bénéfices et qui, si elle avait été établie aux Pays-Bas, n’y aurait pas non plus été soumise au prélèvement de l’impôt sur les sociétés. »
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
15. A‑Fonds est un fonds de placement de droit allemand sans personnalité juridique (Spezial‑Sondervermögen), dont toutes les actions sont détenues, depuis l’origine, par un organisme de droit public (Anstalt des öffentlichen Rechts) doté de la personnalité juridique et constitué par un groupement de communes allemandes. Ce dernier exerce des activités bancaires mais n’a pas uniquement pour but de réaliser des bénéfices. Il est également chargé d’une mission publique, à savoir consacrer ses revenus
au soutien d’activités sociales, culturelles, sportives, scientifiques et éducatives notamment.
16. Au cours des exercices 2002/2003 à 2007/2008, A‑Fonds détenait des actions ou parts dans des sociétés néerlandaises. Au cours de cette période, un impôt a été retenu sur les dividendes distribués par ces sociétés à A‑Fonds dont ce dernier a demandé la restitution à l’administration fiscale néerlandaise au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes. Cette demande lui a été refusée au motif qu’il n’était pas établi aux Pays‑Bas, comme l’exige l’article
précité.
17. Concernant l’objectif de l’article 10, paragraphe 1, de ladite loi, la juridiction de renvoi, en référence à un arrêt rendu par le Hoge Raad (Cour suprême, Pays‑Bas) ( 8 ), explique que le non‑assujettissement à l’impôt sur les sociétés est étendu au précompte constitué, dans le régime fiscal néerlandais, par l’impôt sur les dividendes, et que cet objectif est limité à certaines personnes morales, parmi lesquelles les personnes morales de droit public non assujetties à l’impôt sur les sociétés.
18. A‑Fonds a saisi le rechtbank Zeeland-West-Brabant te Breda (tribunal de Zeeland-West-Brabant de Breda, Pays‑Bas) de demandes d’annulation de ces décisions, en faisant notamment valoir que la restriction du droit à la restitution de l’impôt néerlandais sur les dividendes aux organismes publics établis aux Pays‑Bas visés à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes est contraire à l’article 63 TFUE. Cette juridiction a rejeté les demandes par un jugement rendu le
6 mai 2014.
19. A‑Fonds a fait appel de ce jugement devant le Gerechtshof ’s‑Hertogenbosch (cour d’appel de Bois‑le‑Duc).
20. Considérant que le requérant au principal est dans une situation objectivement comparable à celle des organismes publics établis au Pays‑Bas et non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés, la juridiction de renvoi est d’avis que le refus de lui accorder une restitution de l’impôt sur les dividendes, au motif qu’il n’est pas établi aux Pays‑Bas, constitue une violation de l’article 63 TFUE et qu’il convient de faire droit à la demande de restitution pour y remédier.
21. Toutefois, cette juridiction s’interroge sur la conformité d’une telle décision au droit des aides d’État.
22. Il ressort de la décision de renvoi que cette juridiction estime que la réglementation sur le droit à la restitution de l’impôt sur les dividendes prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes constitue un régime d’aides d’État existant en s’appuyant sur une décision du 2 mai 2013 rendue par la Commission ( 9 ).
23. Dans cette décision, la Commission a constaté que l’exonération de l’impôt sur les sociétés de certains organismes publics prévue à l’article 2, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt des sociétés constituait un régime d’aides existant incompatible avec le marché de l’Union en ce que ce régime ne concernait que des organismes publics exerçant des activités économiques et se trouvant, dès lors, dans une situation comparable à celle des entreprises privées ( 10 ).
24. Estimant que la restitution de l’impôt sur les dividendes, lequel est un précompte sur l’impôt sur les sociétés, constitue le corollaire du non-assujettissement à l’impôt sur les sociétés, la juridiction de renvoi considère que tant l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue par la loi sur l’impôt des sociétés que la mesure fiscale litigeuse institueraient un même régime d’aides existant que la Commission aurait qualifié comme tel dans sa décision du 2 mai 2013.
25. Enfin, la juridiction de renvoi indique qu’il s’agit d’une affaire pilote et que l’administration fiscale néerlandaise a déjà reçu près de 1000 demandes de restitution similaires.
26. Dans ce contexte, le Gerechtshof ’s‑Hertogenbosch (cour d’appel de Bois‑le‑Duc) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’extension de la portée d’un régime d’aides existant qui résulte de ce qu’un contribuable se prévaut avec succès du droit à la libre circulation des capitaux de l’article 56 du traité CE (devenu article 63 TFUE) constitue-t-elle une aide nouvelle à comprendre comme une modification d’une aide existante ?
2) Dans l’affirmative, la mission dont la juridiction nationale est chargée en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE fait-elle obstacle à ce que le contribuable se voit accorder un avantage fiscal auquel il peut prétendre au titre de l’article 56 du traité CE (devenu article 63 TFUE), ou la juridiction nationale doit-elle notifier à la Commission une décision envisagée d’accorder cet avantage, ou la juridiction nationale doit-elle accomplir un quelconque autre acte ou adopter une quelconque
autre mesure, eu égard à la mission de contrôle qui lui incombe en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ? »
27. Des observations écrites ont été déposées par A‑Fonds, par le gouvernement néerlandais et par la Commission.
IV. Analyse
A. Considérations liminaires sur la mesure fiscale litigeuse
28. Le litige au principal porte sur la restitution de l’impôt sur les dividendes prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes (ci-après « la mesure fiscale litigeuse »). Cette mesure fiscale litigieuse est étroitement liée à l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour certains organismes publics, prévue à l’article 2, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt des sociétés.
29. Ainsi, conformément à l’article 2, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt des sociétés, les organismes contrôlés directement ou indirectement par l’autorité publique néerlandaise ne sont soumis à l’impôt sur les sociétés que s’ils exercent l’une des activités énumérées à l’article 2, paragraphe 3, de cette même loi.
30. Pour les organismes publics établis aux Pays-Bas qui n’exercent pas l’une de ces activités et qui, par conséquent, ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés, la loi relative à l’impôt sur les dividendes prévoit à son article 10, paragraphe 1, une restitution de l’impôt sur les dividendes qui a été retenu au cours d’une année civile.
B. Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
31. Il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi s’est appuyée sur la décision du 2 mai 2013 de la Commission en qualifiant la mesure fiscale litigeuse de régime d’aides existant ( 11 ) .
32. Toutefois, cette décision ne porte pas formellement sur le régime de la restitution de l’impôt sur les dividendes prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes. En effet, la Commission n’a analysé ou mentionné cette disposition ni dans ladite décision ni dans sa décision subséquente concernant la réforme législative adoptée aux Pays‑Bas à la suite de la décision du 2 mai 2013 ( 12 ). Ces deux décisions ne concernent formellement que l’exonération de l’impôt
sur les sociétés accordée aux entreprises publiques en vertu de la loi sur l’impôt des sociétés.
33. La juridiction de renvoi s’étant fondée, dans les questions préjudicielles, sur la prémisse selon laquelle la Commission aurait également qualifié la mesure fiscale litigeuse de régime d’aides existant, la Commission fait valoir que la demande doit être rejetée comme irrecevable au motif qu’elle ne comporte pas les éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions posées.
34. À cet égard, la Commission estime que les informations contenues dans la décision de renvoi ne permettent pas de déterminer si l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes constitue un régime d’aides si, dans l’affirmative, ce régime d’aides constitue un régime d’aides existant ou bien nouveau et s’il est compatible avec le marché de l’Union.
35. S’agissant du point de savoir si la mesure fiscale litigeuse constitue un régime d’aides, la Commission fait valoir qu’il n’est pas possible d’appliquer par analogie le raisonnement suivi dans les décisions précitées, notamment parce qu’on ne saurait exclure le fait que le cercle des bénéficiaires au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes soit plus large que celui prévu à l’article 2, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt des sociétés.
36. La Commission ajoute que la mesure fiscale litigeuse a été modifiée à plusieurs reprises depuis son introduction, ce qui ne permet pas non plus de savoir s’il s’agit d’un régime d’aides existant ( 13 ).
37. En tout état de cause, selon la Commission, l’élargissement du cercle des bénéficiaires de la restitution de l’impôt sur les dividendes, afin d’assurer sa conformité à l’article 63 TFUE, constitue une modification distincte du régime prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes, qui doit être appréciée séparément de ce régime et qui ne serait donc pas susceptible d’influencer l’appréciation de la mesure fiscale litigeuse. À cet égard, la Commission fait
valoir que la décision de renvoi ne contient pas d’informations suffisantes pour déterminer si cette modification distincte constitue en soi une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
38. S’agissant de la recevabilité des décisions préjudicielles, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît
de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 14 ).
39. Sur ce dernier point, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige, ainsi que le souligne l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées ( 15 ).
40. Toutefois, en vertu de l’esprit de coopération qui préside aux rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’absence de certaines constatations préalables par la juridiction de renvoi ne conduit pas nécessairement à l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle si, malgré ces défaillances, la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, estime qu’elle est en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi (
16 ).
41. Il importe de souligner que le point de savoir si la mesure fiscale litigieuse constitue une mesure d’aide n’est pas l’objet des questions préjudicielles. Il n’en demeure pas moins que les deux questions préjudicielles ne sont pertinentes que dans l’hypothèse où cette mesure fiscale est effectivement une aide d’État.
42. Dans ce contexte, je relève que, alors même que la mesure litigeuse constitue un avantage fiscal, les informations factuelles et juridiques transmises par la juridiction de renvoi ne suffisent pas pour déterminer si cet avantage institue de manière certaine une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.
43. Certes, la mesure fiscale litigieuse, retenue à titre de précompte de l’impôt sur les sociétés, pourrait éventuellement être considérée comme un régime d’aides d’État en ce qu’elle s’applique aux personnes morales néerlandaises pour lesquelles l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 2, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt des sociétés constitue une aide d’État visée par les décisions de la Commission.
44. Toutefois, comme la Commission le fait valoir, en l’absence de précision sur le régime juridique applicable à la restitution de l’impôt sur les dividendes, on ne connaît ni le champ d’application exact de l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes, ni, surtout, ses modalités d’application concrètes, nécessaires pour apprécier l’ensemble des critères permettant de qualifier une mesure d’aide d’État.
45. Néanmoins, à mes yeux, l’absence de ces constatations préalables par la juridiction de renvoi n’empêche pas la Cour de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile à la solution du litige au principal.
46. Dans cette affaire, dès lors que la qualification de la mesure fiscale litigieuse d’« aide d’État » n’est pas l’objet de la présente demande de décision préjudicielle et qu’elle relève de l’appréciation de la juridiction nationale ( 17 ), même si la juridiction de renvoi a donné une portée plus large aux décisions que celle donnée par la Commission, cela ne s’oppose pas en soi à ce que la Cour puisse donner une réponse utile à la solution du litige au principal.
47. En outre, je relève que la qualification d’aide d’État par la juridiction de renvoi apparaît envisageable, eu égard au fait que la Commission a qualifié l’exonération de l’impôt sur les sociétés prévue par la loi sur l’impôt des sociétés pour certains organismes publics de régime d’aides ainsi qu’au lien entre ce régime et la mesure fiscale litigeuse.
48. En outre, si ce régime constitue effectivement un régime d’aides, les doutes sur le point de savoir si ce régime d’aides est existant ou nouveau en raison de multiples modifications intervenues depuis son institution n’empêchent pas de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, en envisageant successivement les hypothèses dans lesquelles la mesure fiscale litigieuse constituerait un régime d’aides existant ou nouveau.
49. Le point de savoir si la mesure fiscale litigeuse est une aide d’État compatible avec le marché de l’Union n’est pas non plus déterminante pour pouvoir donner une réponse utile à la juridiction de renvoi. Dans l’hypothèse d’une aide existante, cette aide est présumée légale aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté son incompatibilité avec le marché de l’Union ( 18 ), ce qui est le cas dans le litige au principal dans lequel la Commission ne s’est pas prononcée spécifiquement sur la
mesure fiscale litigeuse.
50. Dans l’hypothèse d’une d’aide nouvelle, et à défaut d’informations sur la notification de l’aide, il n’est pas exclu que celle‑ci soit illégale au sens de l’article 1er, sous f), du règlement no 659/1999. En effet, il apparaît que cette aide a été mise en œuvre avant que la Commission n’ait pris une décision l’autorisant, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Les conséquences de ces deux situations peuvent être utilement envisagées dans les hypothèses successives d’un régime d’aides
existant ou nouveau.
51. Enfin, je relève que la question de savoir si une décision de la juridiction de renvoi faisant droit à la demande de restitution à A‑Fonds ( 19 ) constitue en soi une aide d’État est uniquement pertinente dans la mesure où l’on estime, comme la Commission, qu’une telle décision est susceptible de constituer une aide d’État. Comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, je ne partage pas cette analyse de la Commission ( 20 ).
52. Il résulte de l’ensemble de ces considérations que, s’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires pour qualifier la mesure fiscale litigieuse d’aide d’État, la décision de renvoi comporte des éléments de droit et de fait suffisants pour permettre à la Cour de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile à la solution du litige au principal.
53. Dès lors, les questions déférées à titre préjudiciel apparaissent selon moi recevables.
54. Afin de répondre aux questions préjudicielles, je pars du principe, dans les développements suivants, que l’avantage fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes constitue effectivement un régime d’aide d’État.
C. Sur les questions préjudicielles
1. Considérations liminaires sur les questions soulevées par la juridiction de renvoi
55. D’emblée, je note que la juridiction de renvoi n’interroge pas la Cour sur la libre circulation des capitaux, dont la violation lui paraît certaine au regard de la condition de résidence de la mesure fiscale litigieuse ( 21 ). Dès lors, je ne traiterai pas ce point dans mes conclusions.
56. Par ses deux questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si une décision d’une juridiction nationale qui a pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires d’un régime d’aides d’État existant peut constituer en soi une aide d’État, et plus précisément une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, en ce qu’elle modifierait une aide existante. Le cas échéant, elle cherche à savoir, en substance, s’il existe une obligation pour la juridiction
nationale de notifier une telle décision à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
57. Il ressort de la décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge également sur le point de savoir si elle est compétente pour apprécier la compatibilité de la condition de résidence avec l’article 63 TFUE et faire droit à la demande d’A‑Fonds, compte tenu de la répartition des compétences entre les juridictions nationales et la Commission qui découle des articles 107 et 108 TFUE, tels qu’interprétés par la Cour dans ses arrêts Iannelli ( 22 ) et Nygård ( 23 ).
58. Étant donné que les deux questions préjudicielles ne sont pertinentes que dans la mesure où la juridiction de renvoi est compétente pour apprécier l’élément du régime d’aides au regard de l’article 63 TFUE, j’exposerai mon analyse sur ce point préalable (section 2), avant de répondre aux deux questions préjudicielles que je traiterai ensemble (section 3).
2. Sur la compétence de la juridiction de renvoi pour contrôler la compatibilité de la condition de résidence de la mesure fiscale litigeuse au regard de l’article 63 TFUE (question préalable des questions préjudicielles)
59. La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si elle est compétente pour contrôler la compatibilité de la condition de résidence de la mesure fiscale litigieuse qualifiée d’aide d’État avec l’article 63 TFUE.
60. Il me paraît important d’éclairer la juridiction de renvoi sur ce point dès lors que le litige au principal met en lumière, à mon sens, la nécessaire articulation entre les règles régissant le contrôle des aides d’État et la protection des libertés de circulation que le juge national doit assurer par l’effet direct.
61. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, la mise en œuvre du système de contrôle des aides étatiques, tel qu’il résulte des articles 107 et 108 TFUE, incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, leurs rôles respectifs étant complémentaires mais distincts ( 24 ).
62. Alors que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides avec le marché de l’Union relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde, jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. L’intervention des juridictions nationales
résulte de l’effet direct reconnu à cette disposition, visant à interdire la mise à exécution des projets d’aide avant l’autorisation de la Commission ( 25 ).
63. La Cour a réaffirmé à plusieurs reprises que le rôle central et exclusif réservé, aux articles 107 et 108 TFUE, à la Commission pour la reconnaissance de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché de l’Union est fondamentalement différent de celui qui incombe aux juridictions nationales quant à la sauvegarde des droits que les justiciables tiennent de l’effet direct de l’interdiction édictée à la dernière phrase de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ( 26 ).
64. S’agissant de la Commission, la Cour a jugé que, alors que la procédure prévue aux articles 107 et 108 TFUE laisse une large marge d’appréciation à cette institution pour porter un jugement sur la compatibilité d’un régime d’aides d’État avec les exigences du marché de l’Union, cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité ( 27 ). Il en résulte pour la Commission une obligation de respecter la cohérence entre l’article 107 TFUE
et d’autres dispositions du traité. Cette obligation pour la Commission s’impose tout particulièrement dans l’hypothèse où ces autres dispositions visent également l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché de l’Union ( 28 ).
65. S’agissant du rôle des juridictions nationales, la Cour a régulièrement rappelé que celles‑ci doivent garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition. En effet, si les juridictions nationales sont amenées, à
cette fin, à déterminer si une mesure nationale doit ou non être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, elles ne peuvent pas, pour autant, se prononcer sur la compatibilité des mesures d’aide avec le marché de l’Union, cette appréciation relevant de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour ( 29 ).
66. Cependant, il est aussi de jurisprudence constante que les libertés fondamentales du traité FUE ayant un effet direct engendrent pour les justiciables des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder. Ainsi, la juridiction nationale chargée d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les normes du droit de l’Union a notamment l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la
législation nationale ( 30 ).
67. Dans ce contexte, la Cour a déjà été confrontée à la question de savoir si la compétence exclusive de la Commission pour apprécier la compatibilité des mesures d’aides avec le marché de l’Union conformément aux articles 107 et 108 TFUE s’oppose à ce que, dans le cas de violation d’autres dispositions du traité FUE ayant effet direct, ces dispositions puissent être invoquées devant les juridictions nationales.
68. À cet égard, dans l’arrêt Iannelli ( 31 ), la Cour était notamment interrogée sur le point de savoir si une mesure d’aide existante, sur laquelle la Commission n’avait pas, pour les dates pertinentes au principal, rendue une décision de compatibilité, pouvait également faire l’objet d’un examen au regard des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, en particulier de l’article 34 TFUE ( 32 ), par le juge national.
69. La Cour a d’abord répondu que la circonstance selon laquelle un système d’aides d’État ou au moyen de ressources d’État soit susceptible, par le seul fait qu’il favorise certaines entreprises ou productions nationales, d’entraver, à tout le moins indirectement, l’importation de produits similaires ou concurrents en provenance des autres États membres ne suffit pas, à elle seule, pour assimiler, en tant que telle, une aide à une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative au sens de
l’article 34 TFUE. En outre, une interprétation à ce point extensive dudit article 34 TFUE qu’elle assimilerait, en tant que telle, une aide au sens de l’article 107 TFUE à une restriction quantitative visée à l’article 34 TFUE aurait pour effet d’altérer la portée des articles 107 et 108 TFUE et de porter atteinte au système de répartition des compétences que le traité a visé en instaurant la procédure d’examen permanent de l’article 108 TFUE.
70. La Cour ajoute que des modalités d’une aide d’État qui contreviendraient à des dispositions particulières du traité FUE, autres que les articles 107 et 108 TFUE, peuvent être à ce point « indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, de sorte que leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble doit alors nécessairement être apprécié à travers la procédure de l’article [108 TFUE]» ( 33 ).
71. La Cour a néanmoins concédé « qu’il en va différemment lorsqu’il est possible, dans l’analyse d’un régime d’aides, d’isoler des conditions ou éléments qui, bien que faisant partie de ce régime, peuvent être considérés comme n’étant pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement ». Dans cette dernière hypothèse, « il n’y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des articles [107 et 108 TFUE] pour conclure que dans le cas de violation d’autres
dispositions du traité, ayant effet direct, ces dispositions ne pourraient être invoquées devant les juridictions nationales en raison du seul fait que l’élément visé constituerait une modalité d’une aide» ( 34 ).
72. En 2002, la Cour s’est de nouveau prononcée sur ce point dans l’arrêt Nygård ( 35 ). Dans cette affaire, elle était interrogée sur la question de savoir si la circonstance qu’une taxe nationale soit destinée au financement d’un régime d’aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du TFUE relatives aux aides d’État ne s’opposait pas à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d’autres dispositions du TFUE,
ayant un effet direct, notamment l’article 110 TFUE ( 36 ).
73. Dans cet arrêt, la Cour a rappelé d’abord que, si les articles 107 et 108 TFUE, d’une part, et l’article 110 TFUE, d’autre part, poursuivent un objectif identique, consistant à éviter que les deux ordres d’intervention d’un État membre – à savoir l’octroi d’aides, d’une part, et l’imposition d’une taxation discriminatoire, d’autre part – aient pour effet de fausser les conditions de concurrence dans le marché de l’Union, ces dispositions tablent toutefois sur des conditions d’application
distinctes, spécifiques aux deux ordres de mesures étatiques qu’elles ont respectivement pour objet de régler, et, de plus, diffèrent par leurs conséquences juridiques, en ce sens surtout que la mise en œuvre des articles 107 et 108 TFUE fait une large place à l’intervention de la Commission, à la différence de l’article 110 TFUE ( 37 ). La Cour en conclut que les pratiques de discrimination fiscale ne sont pas exemptées de l’application de l’article 110 TFUE du fait qu’elles peuvent être
qualifiées simultanément de mode de financement d’une aide d’État.
74. La Cour a ajouté que l’existence de la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d’un régime d’aides au regard de règles du droit de l’Union autres que celles contenues dans l’article 107 TFUE du traité soit appréciée, s’agissant de dispositions du traité ayant un effet direct, par les juridictions nationales ( 38 ).
75. Cependant, en se référant à l’arrêt Iannelli ( 39 ), la Cour a rappelé que « la possibilité pour les juridictions nationales d’apprécier les modalités d’un régime d’aides au regard de dispositions du [traité FUE] autres que celles des articles [107 et 108 TFUE] présuppose que les modalités en question soient susceptibles d’être appréciées isolément, c’est‑à‑dire qu’il s’agisse de conditions ou d’éléments qui, bien que faisant partie du régime d’aide en cause, ne sont pas nécessaires à la
réalisation de son objet ou à son fonctionnement ». Si « tel est le cas, il n’y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des [articles 107 et 108 TFUE] pour conclure que, dans le cas de la violation d’autres dispositions du traité, ayant effet direct, ces dernières ne pourraient être invoquées devant les juridictions nationales en raison du seul fait que l’élément visé constituerait une modalité d’une aide ». ( 40 )
76. En revanche, il ressort de cette jurisprudence que, s’il s’agit de conditions ou d’éléments qui sont nécessaires à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement du régime d’aides, la répartition des compétences s’oppose à ce que les juridictions nationales apprécient la compatibilité de ces conditions au regard de règles autres que celles contenues dans l’article 107 TFUE.
77. En l’occurrence, j’observe que la juridiction de renvoi est confrontée à une problématique semblable à celle traitée par la Cour dans les arrêts précités, même si ces derniers ont été rendus dans des contextes différents.
78. Dès lors, en l’espèce, je ne peux suivre la Commission lorsqu’elle indique que l’invocation de l’article 63 TFUE dans le litige au principal est indépendante de la compétence exclusive de la Commission pour apprécier la compatibilité de mesures d’aide avec le marché de l’Union, alors qu’il est précisément question d’articulation entre les deux ordres de compétence.
79. À l’instar de la juridiction de renvoi, je tends à considérer que la jurisprudence précitée est pertinente en l’espèce. Ainsi, cette jurisprudence permet d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct des dispositions du traité et, en cas de violation de ces dispositions, de rétablir la légalité sur le plan interne, sans pour autant porter atteinte au rôle central et exclusif réservé, aux articles 107 et 108 TFUE, à la Commission pour l’appréciation de la
compatibilité d’une aide avec le marché de l’Union ( 41 ).
80. En l’espèce, la question de savoir si la juridiction de renvoi peut contrôler la condition de résidence au regard de l’article 63 TFUE dépend, par conséquent, de celle de savoir si cette condition est susceptible d’être appréciée isolément, en ce qu’elle n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement du régime d’aides en cause. J’admets qu’une telle analyse n’est pas évidente, et ce d’autant plus que la Cour ne s’est pas, à ma connaissance, encore prononcée sur une
situation où une modalité d’une aide est considérée comme nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement du régime d’aides en cause pour exclure la compétence du juge national.
81. À mon sens, une modalité est nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement d’une aide lorsqu’elle est un élément constitutif ou essentiel de l’aide, de sorte que son inapplicabilité conduit à changer la portée ou les caractéristiques principales de l’aide.
82. En l’occurrence, il me semble, comme le fait valoir le gouvernement néerlandais, que la condition de résidence aux Pays-Bas est nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement du régime d’aides en cause.
83. En effet, au vu des informations fournies par la juridiction de renvoi sur l’objectif de la mesure fiscale litigeuse, il est constant que le législateur néerlandais a limité la portée du régime prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes aux sociétés établies aux Pays-Bas qui ne sont pas soumises à la perception de l’impôt sur les sociétés. En effet, comme le fait valoir le gouvernement néerlandais, les entreprises de droit public établies aux Pays-Bas qui
sont exemptées de l’impôt sur les sociétés ne peuvent pas imputer l’impôt sur les dividendes retenu sur l’impôt sur les sociétés. Pour éviter que l’impôt sur les dividendes continue, dans ce cas, à peser sur les dividendes perçus, la mesure fiscale litigeuse prévoit la restitution de l’impôt sur les dividendes retenu.
84. Il résulte de cette réglementation que la condition de résidence aux Pays-Bas est une condition d’octroi de l’aide et, par là‑même, détermine les bénéficiaires de l’aide. Cette condition est donc un élément constitutif et essentiel de l’aide. L’inapplicabilité de cette condition de résidence en raison de son incompatibilité avec l’article 63 TFUE telle qu’appréciée par la juridiction de renvoi conduit à faire bénéficier de l’aide des personnes morales de droit public établies dans un autre État
membre et qui ne sont pas exonérées de l’impôt sur les sociétés aux Pays‑Bas, mais se trouvent dans une situation comparable, ce qui a pour effet de changer la portée de l’aide telle que celle-ci est prévu par le législateur néerlandais.
85. À mes yeux, cela signifie que la condition de résidence est indissolublement liée à l’objet du régime de la mesure fiscale litigeuse, de sorte que son effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble relève de la compétence exclusive de la Commission en vertu de la procédure des articles 107 et 108 TFUE. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi est empêchée d’appliquer l’article 63 TFUE ( 42 ).
86. Bien que les juridictions nationales soient normalement tenues de respecter les dispositions du traité ayant un effet direct, j’estime que, si le critère établi dans l’arrêt Iannelli et appliqué dans l’arrêt Nygård doit avoir une signification réelle, il doit, pour les raisons précitées, s’appliquer à l’affaire au principal, et conduire à l’incompétence de la juridiction de renvoi pour contrôler la compatibilité de la mesure fiscale litigeuse avec l’article 63 TFUE.
87. Par conséquent, je proposerai à la Cour de répondre aux questions préjudicielles que les articles 107 et 108 TFUE s’opposent à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité d’une condition de résidence d’un régime d’aides existant avec l’article 63 TFUE, si cette condition, telle que celle en cause au principal, est indissolublement liée au régime d’aides en ce qu’elle est nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement de ce dernier.
88. Pour le cas où la Cour estimerait que la jurisprudence précitée n’empêche pas la juridiction de renvoi de contrôler la compatibilité de la condition de résidence au regard de l’article 63 TFUE, je traiterai à titre subsidiaire, dans la section suivante, la question de savoir si le droit des aides d’État s’oppose à ce qu’une juridiction nationale, sur le fondement de l’article 63 TFUE, fasse droit à la demande de restitution à A‑Fonds.
3. Sur la question de savoir si le droit des aides d’État s’oppose à ce que la juridiction nationale fasse droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes au profit d’A‑Fonds au regard de l’article 63 TFUE (première et seconde questions préjudicielles)
89. Comme je l’ai expliqué au point 31 des présentes conclusions, en soulevant les questions préjudicielles, la juridiction de renvoi s’est fondée sur la prémisse selon laquelle la mesure fiscale litigeuse constituait un régime d’aides existant. Toutefois, ainsi que la Commission l’a constaté, il apparaît que la mesure fiscale litigeuse a été modifiée à plusieurs reprises ( 43 ). Ne disposant pas d’informations suffisantes sur ces modifications de la juridiction de renvoi, il n’est pas exclu, comme
l’a également relevé la Commission, que la version de la mesure fiscale litigeuse en vigueur au cours de la période pertinente pour le litige au principal constitue une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999.
90. Dès lors, pour répondre aux questions préjudicielles, il y a lieu de traiter successivement les hypothèses selon lesquelles cette mesure fiscale constituerait un régime d’aides existant ou nouveau.
91. Dans les sections suivantes, j’exposerai les raisons pour lesquelles, à mon sens, dans l’hypothèse d’un régime d’aides existant, le droit des aides d’État ne s’oppose pas à ce que la juridiction nationale fasse droit à la demande de restitution de l’impôt sur le dividende au profit d’A‑Fonds sur le fondement de l’article 63 TFUE (section a) et, dans l’hypothèse d’un régime d’aides nouveau, l’article 108, paragraphe 3, s’oppose à une telle décision (section b).
a) Sur le régime d’aides existant
92. Dans l’hypothèse où la mesure fiscale litigieuse constitue un régime d’aides existant, celle‑ci doit être considérée comme légale dès lors que la Commission n’a pas constaté son incompatibilité avec le marché de l’Union ( 44 ).
93. Dans une telle situation, il semble donc que le droit des aides d’État ne s’oppose pas à ce que la demande de restitution d’A‑Fonds soit accueillie. En d’autres termes, si la Cour ne me suit pas dans mon analyse de la compétence, cela signifie, selon moi, que, dans l’affaire au principal, lorsque la juridiction de renvoi constate que la condition de résidence viole l’article 63 TFUE, elle est tenue de laisser inappliquée cette condition et de faire droit à la demande de restitution de l’impôt
sur les dividendes du requérant au principal.
94. J’admets que les conséquences pratiques d’une telle décision aboutissent à une situation particulière. Bien qu’en rendant une telle décision la juridiction nationale élimine la distorsion de concurrence qui existe entre les entreprises publiques établies aux Pays-Bas et les organismes publics établis dans un autre État membre, une telle décision serait susceptible, en même temps, d’accroître les effets de distorsion de concurrence qui pourraient exister au regard de l’article 107, paragraphes 2
et 3, TFUE.
95. Une telle décision ayant pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires d’un régime d’aides d’État existant, la juridiction de renvoi, cherche à savoir si ladite décision juridictionnelle peut constituer en soi une aide d’État, et plus précisément une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, en ce qu’elle modifierait une aide existante, et, dans l’affirmative, s’il existe une obligation de notifier une telle décision à la Commission en vertu de l’article 108,
paragraphe 3, TFUE.
96. À mes yeux, une décision d’une juridiction nationale, prise dans le cadre de son office de protection de la libre circulation des capitaux, n’est pas susceptible de constituer en elle-même une mesure d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
97. En effet, et comme l’ont également fait valoir A‑Fonds et le gouvernement néerlandais, une telle décision ne peut être considérée comme imputable aux États membres, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ce qui est l’une des conditions pour la qualification d’« aide d’État ».
98. La notion d’aide envisagée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE vise les décisions des États membres par lesquelles ces derniers, en vue de la poursuite d’objectifs économiques et sociaux qui leur sont propres, mettent des ressources à la disposition des entreprises ou d’autres sujets de droit, ou leur procurent des avantages destinés à favoriser la réalisation des objectifs économiques ou sociaux recherchés ( 45 ). En d’autres termes, la décision d’octroyer une aide et les modalités d’une telle
mesure constituent un choix politique qui incombe aux organes législatifs et administratifs nationaux, sous le contrôle de la Commission et de la Cour.
99. Dans ce contexte, quand bien même les juridictions nationales font partie d’un État membre en tant qu’organes publics, leur mission est d’assurer, en tant que juridictions indépendantes, le respect du droit de l’Union, de sorte que leurs décisions ne peuvent être considérées comme imputables à l’État au sens précité de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et constituer en soi une mesure d’aide d’État.
100. Il en est ainsi dans le litige au principal. La restitution de l’impôt ne constitue qu’une conséquence de la mise en œuvre par le juge national, dans le cadre de son office, de la libre circulation des capitaux dans un litige concret.
101. Dans ce contexte, j’observe que cette décision n’a pas un effet erga omnes mais concerne uniquement la situation du requérant au principal. La question de savoir si d’autres personnes morales de droit public non résidentes aux Pays-Bas ont également le droit d’obtenir la restitution de l’impôt, en invoquant l’article 63 TFUE, présuppose que la juridiction de renvoi, à la lumière d’une appréciation concrète, estime que cette personne se trouve dans une situation comparable à celle des organismes
publics établis au Pays-Bas et non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés.
102. Pour la même raison, une décision de la juridiction de renvoi faisant droit à la demande de restitution d’A‑Fonds n’aura ni pour objet ni pour effet de modifier les dispositions législatives de la mesure fiscale prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes de manière générale, mais entraînera l’inapplicabilité d’une condition des règles nationales contraire à l’article 63 TFUE dans le litige concret dont il était saisi.
103. Si la Cour devait néanmoins considérer qu’une telle décision du juge national peut par ses effets constituer en soi une mesure d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que cette aide est nouvelle, impliquant une obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, j’attire l’attention de la Cour sur les difficultés pratiques qui résultent d’une telle position. En effet, celle‑ci conduirait, en toute logique, le juge national à sursoir à statuer pour notifier,
éventuellement par l’intermédiaire du gouvernement de l’État membre, son projet de décision permettant de donner lieu, par ses effets, à une aide nouvelle. En outre, la juridiction nationale ne pourrait rendre sa décision qu’à la suite d’une décision d’autorisation de la Commission prise le cas échéant à l’issue d’une procédure formelle d’examen, ce qui en ferait un processus tout à fait irréalisable ( 46 ).
104. L’article 108, paragraphe 3, TFUE ne peut impliquer, à mon sens, qu’un organe juridictionnel voit sa décision subordonnée à l’intervention de la Commission, tant cela remet en cause les principes d’indépendance et d’impartialité de la fonction de juger, ainsi que le principe du secret du délibéré des juges. En effet, comme le gouvernement néerlandais le fait valoir, l’obligation de notifier des projets d’aides n’incombe qu’aux organes de l’État ayant la capacité d’octroyer des aides,
c’est-à-dire, en l’espèce, le gouvernement néerlandais ou l’administration néerlandaise.
105. Enfin, j’observe que la juridiction de renvoi, en soulevant les questions préjudicielles, fait référence à l’arrêt DEI ( 47 ). Même si cet arrêt pourrait, comme l’indique la juridiction de renvoi, laisser entendre qu’une décision juridictionnelle est susceptible, de manière générale, de constituer en soi une nouvelle aide en ce qu’elle aurait pour effet de modifier une aide existante, et qu’il y aurait lieu de la notifier en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, je ne suis toutefois
pas sûr que telle soit la portée réelle de cet arrêt.
106. Ainsi, il pourrait également être retenu que la Cour a simplement considéré, dans le cadre d’un pourvoi, à propos d’une situation tout à fait particulière et relative à une mesure provisoire d’une juridiction nationale statuant en référé, que cette mesure pouvait avoir les mêmes effets qu’une aide d’État et que le Tribunal ne pouvait pas, de manière générale, affirmer que les juridictions nationales statuant en référé sont exonérées du respect des articles 107 et 108 TFUE ( 48 ).
107. En tout état de cause, eu égard aux doutes quant à la portée réelle de cet arrêt, j’invite la Cour à saisir l’occasion offerte par l’affaire au principal pour revirer sa jurisprudence découlant dudit arrêt DEI si la portée de cet arrêt est effectivement celle indiquée par la juridiction de renvoi, ou de la clarifier.
108. Pour les raisons qui précèdent, je proposerai à la Cour, à titre subsidiaire, de répondre aux questions soulevées que, dans le cas d’un régime d’aides existant sur lequel la Commission ne s’est pas prononcée, le droit des aides d’État ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale fasse droit à la demande d’un bénéficiaire reposant sur la libre circulation des capitaux dans un litige dont elle est saisie. Une telle décision ne constitue pas en soi une aide d’État et n’entraîne aucune
obligation pour les juridictions nationales de la notifier à la Commission.
b) Sur le régime d’aides nouveau
109. Dans l’hypothèse où la mesure fiscale litigieuse constitue un régime d’aides nouveau au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, il s’agirait d’une aide illégale au sens de l’article 1er, sous f), dudit règlement, car ce régime aurait été introduit en violation de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE ( 49 ).
110. La question qui se pose ensuite est celle de savoir si, malgré l’incompatibilité du régime d’aides avec l’article 63 TFUE, la juridiction de renvoi pourrait être obligée de refuser la restitution de l’impôt sur les dividendes à A‑Fonds, afin de se conformer à l’interdiction de mise à exécution prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
111. J’observe que cette question est particulière en ce sens que les conséquences à tirer d’une violation de l’article 63 TFUE et celles résultant d’une méconnaissance de l’obligation de notification visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE sont, en réalité, contradictoires.
112. Alors qu’une violation de l’article 63 TFUE entraîne l’inapplicabilité des règles nationales qui lui sont contraires ( 50 ), ce qui en l’espèce conduit, en principe, à accorder à A‑Fonds la restitution de l’impôt sur les dividendes du fait de l’inapplicabilité de la condition de résidence, une méconnaissance de l’obligation de notification visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE conduit au contraire à une illégalité et à une invalidité du régime d’aides, ce qui, en l’espèce, s’oppose à ce que
A‑Fonds puisse bénéficier de cette restitution.
113. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour concernant l’obligation de notification visée à l’article 108, paragraphe 3, en cas de méconnaissance de cette obligation, les juridictions nationales sont tenues d’écarter l’application des dispositions nationales instituant les privilèges illégaux ( 51 ). En effet, lorsque des mesures d’aide nationales enfreignent l’interdiction, cela a pour conséquence juridique leur illégalité ( 52 ), entraînant en principe leur invalidité ( 53 ).
114. Concernant plus précisément le remboursement d’une taxe constitutif d’une mesure d’aide illégale car octroyée en violation de l’obligation de notification, la Cour a jugé qu’il ne serait pas conforme à l’intérêt de l’Union d’ordonner un tel remboursement au profit d’autres entreprises si une telle décision a pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide, accroissant ainsi les effets de cette aide au lieu de les éliminer ( 54 ). En effet, selon la Cour, les juridictions nationales
ne doivent pas simplement étendre l’aide à un groupe plus large de bénéficiaires ( 55 ).
115. J’observe que la situation ayant donné lieu à la jurisprudence précitée diffère de celle au principal dans la mesure où il est non seulement question d’une aide illégale, mais également d’une violation de l’article 63 TFUE, à laquelle on remédie, en principe, en faisant droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes à A‑Fonds.
116. Néanmoins, à mes yeux, il n’en va pas autrement dans ladite situation. En effet, les juridictions nationales doivent respecter de manière générale et complète l’interdiction de mise à exécution. Il importe de protéger les parties affectées par la distorsion de concurrence engendrée par l’octroi de l’aide illégale ( 56 ).
117. Aussi longtemps que la Commission n’a pas examiné la compatibilité de l’aide avec le marché de l’Union, il ne serait pas, à mon avis, conforme au droit de l’Union d’ordonner l’aide au profit d’autres entreprises si une telle décision a pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide, accroissant ainsi les effets de cette aide illégale car celle-ci serait introduite sans autorisation préalable, au lieu de les éliminer ( 57 ).
118. Dès lors, dans l’hypothèse d’un régime d’aides nouveau et illégal, l’interdiction de mise à exécution visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE s’opposerait à ce que la juridiction de renvoi fasse droit à la demande de restitution de l’impôt sur le dividende au profit d’A‑Fonds.
V. Conclusion
119. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par le Gerechtshof ’s‑Hertogenbosch (cour d’appel de Bois‑le‑Duc, Pays‑Bas) :
Les articles 107 et 108 TFUE s’opposent à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité d’une condition de résidence d’un régime d’aides existant avec l’article 63 TFUE si cette condition, telle que celle en cause au principal, est indissolublement liée au régime d’aides en ce qu’elle est nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement de ce dernier.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Par souci de clarté, je fais référence, dans ces conclusions, aux dispositions du traité FUE, alors que le traité en vigueur au cours de la période litigieuse de 2002 à 2008 était le traité CE.
( 3 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51, ci-après l’« arrêt Iannelli »).
( 4 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244).
( 5 ) Règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1).
( 6 ) Il s’agit de la seule version de la loi sur l’impôt des sociétés citée par la juridiction de renvoi qui n’a pas précisé la teneur des modifications législatives ayant pu intervenir au cours de la période litigieuse de 2002 à 2008.
( 7 ) L’article 10, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les dividendes a été modifié à plusieurs reprises au cours de la période pertinente pour les faits au principal. Ces modifications ne sont pas pertinentes pour le litige au principal.
( 8 ) Arrêt du 15 novembre 2013, no 12/01866,NL:HR:2013:1128, BNB 2014/20.
( 9 ) Décision de la Commission concernant le régime d’aides SA.25338, C(2013) 2372 final (E3/2008, ex CP 115/2004 et CP 120/2006).
( 10 ) La Commission a adopté, en vertu de l’article 18 du règlement no 659/1999, une décision proposant l’adoption de mesures utiles afin de supprimer l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux organismes publics de sorte que les entreprises publiques participant à des activités économiques soient soumises au même régime d’imposition de sociétés que les entreprises privées.
( 11 ) Voir points 22 à 24 des présentes conclusions.
( 12 ) Décision (UE) 2016/634 de la Commission, du 21 janvier 2016, concernant l’aide d’État SA.25338 (2014/C) (ex E3/2008 et ex CP115/2004) mise à exécution par les Pays-Bas – Exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques (JO 2016, L 113, p. 148). Dans cette décision, la Commission a considéré que, en dépit de la réforme législative adoptée aux Pays‑Bas en 2015 et abrogeant, à compter du 1er janvier 2016, l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée à la plupart
des entreprises publiques néerlandaises en vertu de la loi sur l’impôt des sociétés, le législateur néerlandais avait néanmoins maintenu l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour certains ports maritimes, qui était constitutive d’une aide d’État incompatible avec le marché de l’Union.
( 13 ) La Commission relève que la loi relative à l’impôt sur les dividendes a succédé à une décision relative à l’impôt sur les dividendes qui date de 1941 et que, d’après les documents parlementaires, la loi relative à l’impôt sur les dividendes visait uniquement à effectuer une « révision technique » de cette décision. Cependant, tant le limite du montant pour pouvoir bénéficier de la restitution que le cercle des bénéficiaires de ce dispositif auraient par la suite été modifiés à plusieurs
reprises. Il conviendrait dès lors, selon la Commission, d’apprécier si ces modifications ont transformé ce régime d’aides existant en un régime d’aides nouveau.
( 14 ) Voir arrêts du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975, points 56 et 57) ; du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, points 24 et 25), et du 7 mars 2018, flightright e.a. (C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, point 46).
( 15 ) Voir arrêts du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 26) ; du 9 novembre 2017, Ispas (C‑298/16, EU:C:2017:843, point 22), et du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981, point 24).
( 16 ) Voir arrêts du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 Spezzino e.a. (C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 48) ; du 28 janvier 2016, CASTA e.a. (C‑50/14, EU:C:2016:56, point 48) ; du 27 octobre 2016, Audace e.a. (C‑114/15, EU:C:2016:813, point 38), et du 8 décembre 2016, Undis Servizi (C‑553/15, EU:C:2016:935, point 25).
( 17 ) Voir, notamment, arrêt du 8 novembre 2001, Adria‑Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, point 29).
( 18 ) Voir, notamment, arrêt du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 41).
( 19 ) Voir point 37 des présentes conclusions.
( 20 ) Voir section IV.C.3.a) des présentes conclusions.
( 21 ) Je relève toutefois que le gouvernement néerlandais conteste cette appréciation de la juridiction de renvoi. En effet, ce gouvernement estime qu’A‑Fonds, en raison de ses activités bancaires (voir, à cet égard, point 15 des présentes conclusions), doit être comparée à des entreprises de droit public assujetties à l’impôt sur les sociétés telles que d’autres banques détenues par des autorités publiques. Selon le gouvernement néerlandais, cette comparaison aboutit à la conclusion qu’A‑Fonds et
les autres banques détenues par des autorités publiques sont traitées de manière identique, étant donné qu’aucun d’eux n’a droit à la restitution de l’impôt sur les dividendes.
( 22 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51).
( 23 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244).
( 24 ) Voir arrêts du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C‑354/90, EU:C:1991:440, point 8) ; du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644, point 37), et du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 27).
( 25 ) Voir arrêts du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C‑354/90, EU:C:1991:440, points 9 à 13) ; du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644, points 36 à 38), et du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, points 27 à 29).
( 26 ) Voir arrêts du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C‑354/90, EU:C:1991:440, point 14) ; du 16 décembre 1992, Lornoy e.a. (C‑17/91, EU:C:1992:514, point 30) ; du 8 novembre 2001, Adria‑Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, points 26 à 29) ; du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, points 50 et 51), et du 18 juillet 2013, P
(C‑6/12, EU:C:2013:525, point 38).
( 27 ) Arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, EU:C:1993:239, point 41).
( 28 ) Arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, EU:C:1993:239, point 42).
( 29 ) Voir, notamment, arrêt du 8 novembre 2001, Adria‑Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, points 27 et 29).
( 30 ) Voir, notamment, arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 61).
( 31 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51).
( 32 ) Ex-article 30 CEE. Pour plus de clarté, je me réfère uniquement aux articles du traité FUE dans la suite des présentes conclusions.
( 33 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51, points 10 à 14).
( 34 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51, point 14). Depuis cet arrêt, la Cour s’est à nouveau prononcée sur les rapports entre les articles 34 TFUE et 107 TFUE, à l’occasion de recours en manquement, notamment dans les arrêts du 7 mai 1985, Commission/France (18/84, EU:C:1985:175, point 13), et du 5 juin 1986, Commission/Italie (103/84, EU:C:1986:229, point 19), et, dans un arrêt du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana (C‑21/88, EU:C:1990:121, points 19 à 21). Ces
arrêts pouvaient créer un doute sur la portée de l’arrêt Iannelli, en ce que la Cour n’opérait pas une distinction entre des modalités d’une aide indissolublement liées à l’objet de l’aide et des modalités qui ne sont pas indissolublement liées. Cependant, sur ce point, l’arrêt Iannelli a été confirmé par la suite par l’arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99,EU:C:2002:244).
( 35 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244).
( 36 ) Ex-article 95 CE.
( 37 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244, point 55).
( 38 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244, point 56).
( 39 ) Arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, EU:C:1977:51).
( 40 ) Arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244, points 57 et 58). À cet effet, la Cour a constaté que, si l’examen de la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché de l’Union incombe à la Commission, eu égard au fait que cet examen implique des évaluations d’ordre économique et social, il ne saurait être contesté que, s’agissant de l’appréciation de la répartition du produit d’une taxe parafiscale nationale, les juridictions nationales sont les mieux placées pour rassembler les
informations nécessaires et procéder aux évaluations qui s’imposent à cet égard, sur la base de données qui devraient normalement résulter de la comptabilité et des autres documents relatifs à la gestion des organismes qui perçoivent la taxe et qui attribuent les subventions ou autres avantages, voir point 61 de l’arrêt.
( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244, point 62).
( 42 ) De plus, je relève que la position contraire conduit à une situation particulière comme dans le litige au principal, où, en faisant droit à la demande fondée sur l’article 63 TFUE, cette décision a pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires d’un régime d’aides. Or, en vertu des règles de l’Union sur les aides d’État, aucune entreprise ne peut faire valoir de droit à recevoir une aide d’État, voir dans le même sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Kotnik e.a.
(C‑526/14, EU:C:2016:102, point 79). En d’autres termes, aucun État membre ne peut être considéré comme tenu d’accorder une aide d’État à une entreprise, la décision d’octroyer une aide étant un choix politique des organes législatifs et administratifs nationaux. Si le droit de l’Union pouvait néanmoins, en vertu d’autres dispositions telles que l’article 63 TFUE, obliger les juridictions nationales à rendre des décisions qui, par leurs effets, aboutissent à étendre le champ d’application de régimes
d’aides, contrairement à l’intention du législateur, cela me semblerait aboutir à une situation paradoxale.
( 43 ) Voir point 36 des présentes conclusions.
( 44 ) Voir point 49 des présentes conclusions.
( 45 ) Voir, notamment, arrêt du 27 mars 1980, Denkavit italiana (61/79, EU:C:1980:100, point 31).
( 46 ) Je note d’ailleurs que la notification des aides nouvelles doit être effectuée au moyen du formulaire de notification figurant à l’annexe I, partie I, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE. Alors même que cette notification doit être transmise à la Commission par le représentant permanent de l’État membre concerné en vertu de l’article 3,
paragraphe 1, de ce règlement, je relève toutefois que les informations qui doivent être fournies dans le formulaire de notification figurant à l’annexe I, partie I, du règlement, sont des informations que les juges des juridictions nationales ne sont pas nécessairement capables de fournir.
( 47 ) Arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 59 et 108).
( 48 ) Voir, à cet égard, notamment, arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 59 et 60, et points 103 à 108).
( 49 ) Voir point 50 des présentes conclusions.
( 50 ) Voir, notamment, arrêt du 18 décembre 2007, A (C‑101/05, EU:C:2007:804, point 27).
( 51 ) Voir, notamment, arrêt du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235, point 53).
( 52 ) Voir arrêts du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a. (C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, EU:C:2005:657, point 30), et du 8 décembre 2011, Residex Capital IV (C‑275/10, EU:C:2011:814, point 28).
( 53 ) Voir, notamment, arrêts du 21 novembre 1991, arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C‑354/90, EU:C:1991:440, points 16 et 17) ; du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, point 63) ; du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644, point 41), et du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la
Communication (C‑199/06, EU:C:2008:79, point 40).
( 54 ) Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644, point 49).
( 55 ) Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644, point 50).
( 56 ) Arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication (C‑199/06, EU:C:2008:79, point 38).
( 57 ) Voir, également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Finanzamt Linz (C‑66/14, EU:C:2015:242, points 27 à 30). J’observe que, en déclarant irrecevable dans l’affaire en cause la première question préjudicielle, la Cour ne s’est pas directement prononcée sur cette question.