CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 13 décembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑443/17
Abraxis Bioscience LLC
contre
Comptroller General of Patents
(demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice [England & Wales], Chancery Division [patents court] [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume‑Uni])
« Renvoi préjudiciel – Médicaments – Certificat complémentaire de protection – Règlement (CE) no 469/2009 – Conditions d’octroi – Article 3, sous d) – Notion de “première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament” – Autorisation de mise sur le marché d’un médicament constituant une nouvelle formulation, protégée par un brevet de base, d’un principe actif déjà autorisé – Non‑respect de la condition prévue à l’article 3, sous d) »
I. Introduction
1. Par sa demande de décision préjudicielle, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume‑Uni] interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement (CE) no 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments ( 2 ).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Abraxis Bioscience LLC (ci‑après « Abraxis ») au Comptroller General of Patents, Designs and Trademarks (contrôleur général des brevets, dessins et modèles, Royaume‑Uni, ci‑après le « Comptroller »). Abraxis cherche à obtenir de la juridiction de renvoi l’annulation de la décision par laquelle le Comptroller a rejeté sa demande d’octroi d’un certificat complémentaire de protection [ci‑après « CCP »] ayant pour objet une
combinaison de substances contenant le principe actif paclitaxel sous forme de nanoparticules liées à de l’albumine. Cette combinaison de substances est dénommée par Abraxis « nab‑paclitaxel » et commercialisée sous le nom d’Abraxane.
3. Le régime de CCP prévu par le règlement no 469/2009 permet, au titulaire d’un brevet dont l’exploitation commerciale a été retardée en raison des démarches réglementaires requises en vue de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (ci‑après « AMM ») pour un médicament incorporant l’invention protégée par le brevet, de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration du brevet. Cette période d’exclusivité compense, du moins partiellement, l’érosion de la durée de
jouissance effective de l’exclusivité conférée par le brevet ( 3 ).
4. La délivrance d’un CCP est subordonnée au respect, dans l’État membre où elle est sollicitée, des conditions énoncées à l’article 3 du règlement no 469/2009. Tout d’abord, le « produit » – cette notion étant définie, à l’article 1er, sous b), de ce règlement, comme « le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament » – doit être protégé par un « brevet de base» ( 4 ). Ensuite, le produit doit être couvert par une AMM en cours de validité obtenue conformément à la
réglementation de l’Union ( 5 ). L’article 3, sous d), dudit règlement requiert que cette AMM soit « la première [AMM] du produit, en tant que médicament ». Enfin, le produit ne peut pas avoir déjà fait l’objet d’un CCP ( 6 ).
5. En l’espèce, le principe actif de l’Abraxane, le paclitaxel, avait déjà été commercialisé sous d’autres marques pour un usage dans l’élimination de cellules cancéreuses en vertu d’AMM antérieures. Le nab‑paclitaxel constitue une nouvelle formulation de ce principe actif pour ce même usage. Cette formulation est protégée par le brevet de base invoqué par Abraxis au soutien de sa demande de CCP, étant entendu que la protection que confère ce brevet ne s’étend pas au paclitaxel en tant que tel.
6. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 est remplie lorsque, bien que l’AMM invoquée à l’appui de la demande de CCP vise un principe actif ayant déjà fait l’objet d’une AMM antérieure, cette AMM antérieure ne concernait pas la nouvelle formulation de ce principe actif protégée par le brevet de base et couverte par l’AMM du demandeur de CCP.
7. Cette juridiction invite la Cour, par cette question, à préciser la portée de son arrêt Neurim Pharmaceuticals (1991) ( 7 ) (ci‑après l’« arrêt Neurim »). Comme je le rappellerai plus en détail dans mon exposé ( 8 ), la Cour y a jugé que cette condition est satisfaite lorsque l’AMM en cause, même si elle n’est pas la première AMM du principe actif concerné, est la première à couvrir l’utilisation thérapeutique nouvelle de celui‑ci protégée par le brevet de base. Ladite juridiction cherche à
savoir si les considérations de principes développées dans cet arrêt impliquent également que l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 n’empêche pas l’octroi d’un CCP lorsque l’AMM invoquée est la première à relever du champ d’application d’un brevet de base protégeant la formulation nouvelle, pour un usage thérapeutique connu, d’un principe actif déjà autorisé.
8. Au terme de mon analyse, je proposerai à la Cour d’apporter une réponse négative à la question préjudicielle.
II. Le cadre juridique
9. Ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement no 469/2009, ce règlement a été adopté en vue de codifier le règlement (CEE) no 1768/92 ( 9 ), lequel avait été modifié à plusieurs reprises et de façon substantielle. Les dispositions du règlement no 469/2009 énoncées ci‑après reprennent le contenu des dispositions équivalentes du règlement no 1768/92.
10. L’article 1er du règlement no 469/2009 dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) “médicament” : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;
b) “produit” : le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;
c) “brevet de base” : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un [CCP] ;
[…] »
11. L’article 2 de ce règlement prévoit que « [t]out produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE [ ( 10 )] ou de la directive 2001/82/CE [ ( 11 )] peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat ».
12. L’article 3 dudit règlement est libellé comme suit :
« Le [CCP] est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande :
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une [AMM] en cours de validité conformément à la [directive 2001/83] ou à la [directive 2001/82] suivant les cas ;
c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un [CCP] ;
d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première [AMM] du produit, en tant que médicament. »
13. Aux termes de l’article 4 du règlement no 469/2009, « [d]ans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le [CCP] s’étend au seul produit couvert par l’[AMM] du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du [CCP] ».
14. L’article 5 de ce règlement énonce que « [s]ous réserve de l’article 4, le [CCP] confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations ».
III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour
15. Abraxis commercialise, sous le nom d’Abraxane, un médicament indiqué pour le traitement de certains cancers du sein, du pancréas et du poumon. Ce médicament contient le principe actif paclitaxel sous forme de nanoparticules enrobées d’albumine. L’albumine est une protéine qui sert de transporteur au paclitaxel. Abraxis appelle la combinaison de substances ainsi formulée « nab‑paclitaxel », terminologie également adoptée dans la décision de renvoi par commodité.
16. Le nab‑paclitaxel est protégé par le brevet européen (UK) no EP 0 961612, intitulé « Agents pharmaceutiquement actifs stabilisés par protéine et leur utilisation » (ci‑après le « brevet de base »). Les revendications 1, 32 et 33 du brevet de base sont libellées comme suit :
« 1. Composition comprenant des particules d’un agent pharmacologiquement actif, solide ou liquide, sensiblement non hydrosoluble, enrobé d’une protéine, où le diamètre moyen desdites particules est inférieur à 200 [nanomètres], où ledit enrobage protéique comporte une protéine libre associée, et où une partie dudit agent pharmacologiquement actif est contenue dans ledit enrobage protéique et une partie dudit agent pharmacologiquement actif est associée à ladite protéine libre. »
« 32. Composition selon l’une quelconque des revendications 1 à 22, pour utilisation dans l’élimination de cellules cancéreuses, où ladite composition est exempte de crémophor et ledit agent pharmacologiquement actif est un antinéoplasique. »
« 33. Composition selon la revendication 32, où ledit antinéoplasique est le paclitaxel et ladite protéine est l’albumine. »
17. L’Abraxane fait l’objet de l’AMM EU/1/07/428/001, délivrée en 2008 par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Avant l’octroi de cette AMM, le paclitaxel avait déjà été commercialisé par d’autres entreprises, sous les marques Paxene et Taxol, en vertu d’AMM antérieures. Le nab‑paclitaxel fait preuve d’une plus grande efficacité que les formulations traditionnelles du paclitaxel pour le traitement de certaines tumeurs cancéreuses. Le nab‑paclitaxel présente également des avantages en termes de
tolérance du patient. Il n’est pas contesté que le développement de l’Abraxane a nécessité des recherches longues et coûteuses, si bien que l’AMM de ce médicament a été obtenue particulièrement longtemps après l’introduction de la demande de brevet.
18. Abraxis a déposé une demande de CCP sur le fondement du brevet de base et de l’AMM de l’Abraxane. Par décision du 26 août 2016, le Comptroller a rejeté cette demande au motif que, cette AMM ne constituant pas la première AMM du paclitaxel, la condition énoncée à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 n’était pas remplie. Cette autorité a considéré que, si cette disposition, telle qu’interprétée par la Cour dans l’arrêt Neurim, ne fait pas obstacle à l’octroi d’un CCP sur la base de la
première AMM couvrant un usage thérapeutique nouveau et inventif d’un principe actif faisant déjà l’objet d’une AMM antérieure, elle s’oppose à un tel octroi sur le fondement de la première AMM couvrant une formulation nouvelle et inventive d’un tel principe actif.
19. Abraxis a formé un recours contre cette décision devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)]. Dans son recours, cette société soutient que la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 est satisfaite en application des principes dégagés dans l’arrêt Neurim.
20. Par ailleurs, Abraxis fait remarquer que des CCP pour le nab‑paclitaxel ont été délivrés dans neuf États membres (le Danemark, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, le Luxembourg, l’Autriche, le Portugal et la Finlande) et refusés dans deux États membres (la Suède et le Royaume‑Uni). Le nab‑paclitaxel ferait également l’objet de demandes de CCP pendantes dans trois États membres (l’Allemagne, l’Irlande et les Pays‑Bas) ainsi qu’en Suisse.
21. Cette juridiction nourrit des doutes quant à la portée de l’arrêt Neurim et, de ce fait, quant à l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009. Dans ces conditions, ladite juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 doit‑il être interprété en ce sens qu’il autorise l’octroi d’un CCP lorsque l’[AMM] visée à l’article 3, sous b), [de ce règlement] est la première [AMM] relevant du champ d’application du brevet de base du produit en tant que médicament et lorsque le produit est une nouvelle formulation d’un ancien principe actif ? »
22. Abraxis, le gouvernement du Royaume‑Uni, les gouvernements tchèque, hongrois, néerlandais et polonais ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites devant la Cour.
23. Abraxis, le gouvernement néerlandais et la Commission ont été représentés lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 21 juin 2018.
IV. Analyse
A. Considérations liminaires
24. Les conditions au respect desquelles l’article 3 du règlement no 469/2009 subordonne la délivrance d’un CCP mettent en lumière les liens unissant le CCP au brevet de base, d’une part, et à l’AMM, d’autre part. La présente affaire donne à la Cour l’occasion de clarifier les liens éventuels existant par ailleurs entre le brevet de base et l’AMM invoqués à l’appui de la demande de CCP. Plus précisément, cette affaire soulève la question de savoir si la lettre d) de cet article fait référence à « la
première [AMM] du produit, en tant que médicament » sans autre qualification, ou à la première AMM couvrant le produit en tant que médicament et relevant du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base.
25. À cet égard, si une lecture littérale de cette disposition conduit à retenir la première de ces interprétations (section 1), la Cour s’est départie de cette lecture dans l’arrêt Neurim (section 2). Bien que l’affaire à l’origine de cet arrêt présentât une configuration factuelle très spécifique, le raisonnement adopté par la Cour n’apparaît pas nécessairement limité à ce type de configuration. Le présent renvoi préjudiciel invite la Cour à examiner la portée dudit arrêt et les implications qui
en découlent dans une situation telle que celle en cause au principal (section 3).
1. Sur l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 lu conjointement avec l’article 1er, sous b), de ce règlement
26. Aux fins d’une interprétation cohérente des dispositions du règlement no 469/2009, les termes employés à l’article 3, sous d), de ce règlement doivent être lus par référence aux définitions figurant à son article 1er. En particulier, la notion de « produit » désigne, en vertu de l’article 1er, sous b), dudit règlement, « le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ».
27. Selon une jurisprudence constante initiée par l’arrêt Massachusetts Institute of Technology ( 12 ), la notion de « principe actif », au sens de cette disposition, exclut les composants d’un médicament qui n’exercent pas d’effets thérapeutiques propres sur l’organisme ( 13 ), tels que les excipients ( 14 ). Ceux‑ci, même lorsqu’ils sont nécessaires à l’efficacité thérapeutique d’une substance dotée d’effets thérapeutiques propres, ne constituent donc pas des « principes actifs» ( 15 ). La
combinaison d’un excipient et d’une telle substance ne donne pas davantage lieu à une « composition de principes actifs» ( 16 ).
28. En l’occurrence, la décision de renvoi indique que la juridiction nationale a considéré, contrairement à ce qu’Abraxis a soutenu devant elle, que le nab‑paclitaxel ne constitue ni un principe actif distinct du paclitaxel, ni une composition de principes actifs comprenant le paclitaxel et l’albumine (cette protéine vectrice n’exerçant, selon cette juridiction, pas d’effets thérapeutiques propres sur l’organisme). La question déférée à la Cour repose donc sur la prémisse selon laquelle, en
application de la jurisprudence susmentionnée, le paclitaxel constitue l’unique principe actif de l’Abraxane ( 17 ).
29. Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance Yissum ( 18 ), la notion de « produit » est également indépendante de l’utilisation thérapeutique concernée : un principe actif (ou une composition de principes actifs) demeure un seul et même « produit » quels que soient les usages thérapeutiques qui en sont faits. Conformément à l’arrêt Pharmacia Italia ( 19 ), la définition du « produit » n’est pas non plus influencée par l’espèce (animale ou humaine) à laquelle il est destiné.
30. À l’aune de cette définition du « produit » énoncée à l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009, une interprétation littérale de l’article 3, sous d), de ce règlement suppose, comme la Cour l’a expressément constaté dans l’arrêt Medeva ( 20 ), que la « première [AMM] du produit, en tant que médicament », au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la composition de principes actifs en cause. Selon cette lecture, un CCP ne peut
donc être obtenu que sur la base de la première AMM couvrant un principe actif ou une composition de principes actifs déterminés.
31. La Cour a, d’ailleurs, interprété de la même manière l’article 1er, point 8, et l’article 3, sous d), du règlement (CE) no 1610/96 concernant la création d’un [CCP] pour les produits phytopharmaceutiques ( 21 ) – dont le contenu reprend, dans le secteur de ces produits, celui de l’article 1er, sous b), et de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009. Ainsi, dans l’arrêt BASF ( 22 ), la Cour a constaté, tout d’abord, que la notion de « produit » employée à l’article 3 du règlement no 1610/96
équivaut à la notion de « produit » définie à l’article 1er, point 8, de ce règlement. Elle a, ensuite, considéré qu’un nouveau produit phytopharmaceutique qui ne différait d’un produit phytopharmaceutique faisant l’objet d’une AMM antérieure que par la proportion entre le principe actif et les impuretés, cette proportion résultant de l’application d’un procédé couvert par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP, ne constituait pas un nouveau « produit » au sens de ces
dispositions ( 23 ). Partant, l’article 3, sous d), du règlement no 1610/96 s’opposait à l’octroi du CCP demandé sur le fondement de ce brevet de base et de l’AMM du nouveau produit phytopharmaceutique, au motif que cette AMM n’était pas la première accordée pour le produit en cause ( 24 ).
2. Sur l’interprétation téléologique de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 adoptée dans l’arrêt Neurim
32. Dans l’arrêt Neurim, la Cour a cependant substitué à l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 une lecture téléologique fondée, essentiellement, sur la considération selon laquelle ce règlement vise à encourager non seulement la recherche de nouveaux principes actifs ou de nouvelles compositions de principes actifs, mais également d’autres types d’activités inventives dans le domaine des médicaments ( 25 ).
33. L’affaire à l’origine de cet arrêt portait sur la question de savoir si un CCP pouvait être obtenu sur la base de l’AMM d’un médicament, le Circadin, qui contenait un principe actif non breveté (l’hormone naturelle mélatonine) et entrant dans la composition d’un médicament faisant déjà l’objet d’une AMM, le Regulin. Alors que le Circadin était destiné au traitement de l’insomnie chez les humains, le Regulin était utilisé pour la régulation du cycle de reproduction des moutons. Le Circadin
relevait du champ d’application d’un brevet protégeant à la fois l’utilisation de la mélatonine pour la nouvelle indication thérapeutique en cause et la nouvelle formulation de la mélatonine en vue de cette utilisation ( 26 ).
34. La Cour a estimé qu’un CCP pouvait être délivré sur le fondement de ce brevet et de l’AMM du Circadin dès lors que, bien que celle‑ci ne fût pas la première AMM portant sur la mélatonine, elle constituait la première AMM couvrant ce principe actif pour une utilisation thérapeutique relevant du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base. En effet, « seule l’AMM du premier médicament, contenant le produit et autorisé pour une utilisation thérapeutique correspondant à celle
protégée par le brevet invoqué à l’appui de la demande de CCP, pourra être considérée comme première AMM de “ce produit” en tant que médicament exploitant cette nouvelle utilisation au sens de l’article 3, sous d), du règlement [no 469/2009]» ( 27 ) (ce test étant dénommé ci‑après « test du champ de la protection du brevet de base »). Conformément aux articles 4 et 5 de ce règlement, la protection conférée par le CCP serait alors limitée à l’utilisation nouvelle faisant l’objet du brevet de base
et ne s’étendrait pas à la mélatonine en tant que telle ( 28 ).
35. Dans la situation portée à l’attention de la Cour, l’utilisation nouvelle protégée par le brevet de base concernait une indication thérapeutique en médecine humaine d’un produit déjà couvert par une AMM antérieure pour une indication thérapeutique relevant d’un domaine thérapeutique distinct en tant que médicament vétérinaire. Les motifs et le dispositif de l’arrêt Neurim se réfèrent, quant à eux, en termes généraux à la possibilité d’obtenir un CCP sur le fondement de la première AMM portant
sur une « application », ou « utilisation », thérapeutique nouvelle, protégée par le brevet de base, d’un produit déjà autorisé ( 29 ).
36. Ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, la Cour n’a pas précisé, en particulier, si la logique sous‑jacente au test consacré dans cet arrêt implique qu’un CCP puisse être accordé lorsque l’AMM en cause est la première à relever du champ d’application d’un brevet de base protégeant la formulation nouvelle, pour un usage thérapeutique connu (en l’espèce, l’élimination de cellules cancéreuses ( 30 )), d’un produit faisant déjà l’objet d’une AMM couvrant cet usage.
37. L’arrêt Neurim suscite également certaines interrogations sur l’articulation de la notion de nouvelle « application », ou « utilisation », thérapeutique au sens de cet arrêt avec le droit des brevets. À ce propos, comme je m’y arrêterai ci‑après ( 31 ), les deuxièmes « utilisations », ou « applications », thérapeutiques (et les utilisations thérapeutiques suivantes) qui peuvent être brevetées en vertu de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich le 5 octobre 1973,
telle que révisée en 2000 (ci‑après la « convention sur le brevet européen » ou « CBE ») ne se limitent pas aux utilisations d’un produit connu pour une nouvelle indication thérapeutique. Elles incluent aussi les applications d’un tel produit pour une indication thérapeutique connue dont la nouveauté réside par exemple dans la posologie ou la voie d’administration. Il n’est pas certain que, dans l’arrêt Neurim, la Cour ait entendu attribuer à la notion en cause une signification aussi large ( 32
).
38. Par ailleurs, les difficultés relatives à l’interprétation de cet arrêt se trouvent exacerbées du fait que ni ledit arrêt ni les conclusions de l’avocat général Trstenjak qui l’ont précédé ( 33 ) n’ont évoqué la jurisprudence préexistante relative à la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009. Or, l’arrêt Neurim se concilie difficilement avec cette jurisprudence et, en particulier, avec l’ordonnance Yissum ( 34 ) ainsi que, dans l’hypothèse où le test
qu’il consacre s’appliquerait lorsque le brevet de base protège la formulation nouvelle d’un principe actif connu pour un usage thérapeutique connu de celui‑ci, avec l’arrêt Massachusetts Institute of Technology ( 35 ).
39. En effet, si les questions déférées par les juridictions nationales portaient sur l’interprétation de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009, il ressort de ces deux jugements que les litiges nationaux à l’origine des renvois préjudiciels portaient sur l’application de son article 3, sous d). Les demandes d’octroi d’un CCP avaient été rejetées au motif que les AMM invoquées à l’appui de ces demandes n’étaient pas les premières AMM pour les produits concernés ( 36 ). Si la Cour avait
estimé que le test du champ de la protection du brevet de base s’appliquait dans les situations telles que celles en cause dans ces litiges, il aurait été nécessaire à leur résolution qu’elle précise qu’en dépit de l’interprétation stricte donnée à la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement ( 37 ), un CCP pouvait être délivré en raison d’une interprétation large de son article 3, sous d) ( 38 ).
40. Postérieurement à l’arrêt Neurim, la Cour a, dans l’ordonnance Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma ( 39 ), confirmé l’interprétation de la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 retenue dans l’arrêt Massachusetts Institute of Technology ( 40 ) et précisé que l’arrêt Neurim ne l’a pas remise en cause. Dans l’arrêt Forsgren ( 41 ), la Cour a encore rappelé cette interprétation, tout en
soulignant que le régime de CCP vise à protéger l’amortissement des recherches aboutissant à la découverte de nouveaux « produits ». Cependant, la Cour n’a pas spécifiquement abordé la question de savoir si un CCP peut être obtenu lorsque l’AMM en cause couvre la nouvelle formulation, protégée par le brevet de base, d’un principe actif connu (que cette formulation en permette ou non une nouvelle utilisation thérapeutique) ( 42 ).
41. Dans ces conditions, l’articulation entre, d’une part, l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 ainsi que la ligne de jurisprudence y afférente, et, d’autre part, l’article 3, sous d), de ce règlement ainsi que l’arrêt Neurim, appelle à être clarifiée. À ce propos, une étude indépendante réalisée par l’Institut Max‑Planck, commandée par la Commission ( 43 ), à laquelle fait référence sa proposition de révision du règlement no 469/2009 adoptée en 2018 ( 44 ), met en lumière que l’arrêt
Neurim a donné lieu à des divergences d’interprétation entre les États membres. Ces divergences pourraient expliquer, du moins en partie, pourquoi les États membres ont, tel qu’il ressort de la décision de renvoi, réservé aux demandes de CCP pour l’Abraxane un accueil tantôt favorable, tantôt défavorable ( 45 ).
3. Sur les enjeux de la présente affaire
42. En déterminant si l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 s’oppose à la délivrance d’un CCP pour la formulation nouvelle et inventive d’un principe actif déjà autorisé destinée à un usage thérapeutique connu de ce principe actif, la Cour aura l’opportunité de résoudre les contradictions décelées entre les lignes de jurisprudence susdécrites. Elle sera amenée à préciser de quelle manière celles‑ci peuvent coexister harmonieusement ou, le cas échéant, à indiquer si certains arrêts ont été,
ou doivent être, revirés. À cet égard, les parties intéressées ont proposé plusieurs pistes distinctes.
43. Premièrement, Abraxis considère que le raisonnement adopté dans l’arrêt Neurim justifie la conclusion selon laquelle la condition énoncée à l’article 3, sous d), de ce règlement est remplie toutes les fois que l’AMM du médicament incorporant un produit qui fait déjà l’objet d’une AMM antérieure est la première à relever du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base. Cette interprétation ouvrirait la voie à la délivrance d’un CCP pour, notamment, toute formulation
nouvelle et inventive d’un principe actif connu couverte par une nouvelle AMM.
44. Si elle empruntait cette voie, la Cour renierait, me semble‑t‑il, l’approche retenue dans l’arrêt Massachusetts Institute of Technology ( 46 ) et l’ordonnance Yissum ( 47 ). En outre, le test du champ de la protection du brevet de base, s’il était étendu par analogie au secteur des produits phytopharmaceutiques, remettrait en cause le raisonnement suivi dans l’arrêt BASF ( 48 ).
45. Deuxièmement, le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission dans ses observations écrites proposent de limiter l’applicabilité de ce test aux cas de figure dans lesquels l’AMM en cause est la première à couvrir un nouvel usage thérapeutique protégé par le brevet de base ( 49 ). Cette option impliquerait l’abandon de l’approche précédemment adoptée par la Cour dans les situations du type de celle en cause dans l’ordonnance Yissum ( 50 ).
46. Troisièmement, les gouvernements tchèque et néerlandais estiment qu’il convient de confiner l’approche suivie dans l’arrêt Neurim de manière plus étroite encore. Selon eux, cette approche n’est justifiée que dans les hypothèses où l’AMM concernée est la première à couvrir une indication thérapeutique du produit en médecine humaine, alors que les AMM antérieures portant sur le produit concernent une autre indication thérapeutique en médecine vétérinaire. Le gouvernement polonais partage
essentiellement le point de vue selon lequel les principes dégagés dans cet arrêt visaient une situation très spécifique et ne sauraient être appliqués automatiquement dans tous les cas où un CCP est demandé sur la base d’un brevet protégeant un nouvel usage thérapeutique d’un ancien principe actif.
47. Une quatrième piste pourrait, par ailleurs, consister à abandonner le test du champ de la protection du brevet de base au bénéfice d’un retour à une interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 dans tous les cas de figure. Le gouvernement hongrois, s’il n’a pas expressément pris position sur la portée de l’arrêt Neurim, propose d’apporter une réponse négative à la question préjudicielle sur la base d’une telle interprétation littérale.
48. Pour les raisons exposées ci‑après, je marquerai ma préférence pour la dernière de ces approches et, à titre subsidiaire, pour la troisième de celles‑ci.
B. Sur le rejet du test du champ de la protection du brevet de base
49. Ainsi que je l’ai déjà évoqué, une interprétation textuelle de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, lu en combinaison avec son article 1er, sous b), implique qu’une demande de CCP doit être rejetée lorsque l’AMM en cause n’est pas la première AMM du produit en tant que médicament, sans qu’il importe que cette AMM soit ou non la première à relever du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base ( 51 ). Si les dispositions de ce règlement doivent être interprétées
en considération non seulement de leur lettre mais aussi de l’économie générale et des objectifs du système institué par ledit règlement ( 52 ), la Cour n’est, selon une jurisprudence constante, pas habilitée à s’écarter du libellé clair et précis d’un texte législatif de l’Union ( 53 ). Il en va ainsi à plus forte raison lorsque, comme en l’espèce, l’analyse des objectifs et du contexte de la disposition en cause et du règlement dont elle fait partie en corrobore l’interprétation littérale.
1. Examen du préambule et des travaux préparatoires
50. Aux termes des considérants 3, 4, 5 et 9 du règlement no 469/2009, le régime de CCP a pour objectif de pallier l’insuffisance de la protection conférée par le brevet à amortir les investissements effectués dans la recherche de nouveaux médicaments et, partant, d’encourager cette recherche. Les considérants 7 et 8 de ce règlement ajoutent qu’une solution uniforme à ce problème devait être apportée au niveau de l’Union aux fins de prévenir une évolution hétérogène des législations nationales qui
aurait entravé le bon fonctionnement du marché intérieur ( 54 ).
51. Le considérant 10 du règlement no 469/2009 met en exergue que le législateur entendait réaliser cet objectif de manière à tenir compte de façon équilibrée de tous les intérêts en présence dans le secteur « complexe et sensible » des médicaments. Ces intérêts incluent ceux des entreprises pharmaceutiques, d’une part, ceux des fabricants de médicaments génériques, d’autre part, ainsi que, au confluent de ces intérêts opposés, les intérêts des patients et des caisses d’assurance‑maladie ( 55 ).
52. La condition énoncée à l’article 3, sous d), de ce règlement participe, précisément, de la recherche d’un tel équilibre des intérêts en présence en limitant le bénéfice du CCP aux produits mis pour la première fois sur le marché en tant que médicaments. À ce propos, l’exposé des motifs ( 56 ) me paraît indiquer que la recherche que l’établissement du régime de CCP visait à encourager était celle aboutissant à la première commercialisation, en tant que médicament, d’un principe actif ou d’une
composition de principes actifs ( 57 ).
53. En particulier, le point 11 de l’exposé des motifs énonce : « [L]a proposition de règlement est limitée aux nouveaux médicaments. Il ne s’agit pas de délivrer un certificat pour tout médicament breveté autorisé à être mis sur le marché. Il ne peut en effet être délivré qu’un seul certificat par produit, le produit étant entendu au sens strict de substance active ; des changements mineurs apportés au médicament tels un nouveau dosage, l’emploi d’un sel ou d’un ester différent, une forme
pharmaceutique différente, ne sont pas susceptibles de donner lieu à un nouveau certificat» ( 58 ).
54. Ce point semble faire écho au point 6, premier alinéa, de l’exposé des motifs, lequel constate : « [O]n assiste depuis une dizaine d’années à une baisse du nombre de molécules d’origine européenne se trouvant au stade de recherche et développement [...] ». Le point 5, deuxième alinéa, de ce document avait, à cet égard, mis l’accent sur les risques associés aux activités de recherche et de développement nécessaires à l’exploitation commerciale de nouvelles substances actives : « En partant, en
effet, d’environ 10000 substances, synthétisées par un laboratoire de recherche, on en sélectionne quelques centaines pour le dépôt de brevets, dont une à trois seulement sera effectivement autorisée à la mise sur le marché» ( 59 ).
55. Par ailleurs, le point 35 de l’exposé des motifs indique : « Il est extrêmement fréquent qu’un même produit reçoive successivement plusieurs [AMM], chaque fois notamment qu’intervient une modification affectant sa forme pharmaceutique, son dosage, sa composition, ses indications etc … Dans ce cas, seule la première [AMM] du produit dans l’État membre où est présentée la demande est prise en compte aux fins de la proposition de règlement [...] ». Le point 36, troisième alinéa, de ce document
poursuit en clarifiant que « si un même produit peut faire l’objet dans un même État membre de plusieurs brevets et de plusieurs [AMM], le [CCP] ne sera délivré pour ce produit que sur la base d’un seul brevet et à l’occasion d’une seule [AMM] à savoir la première dans le temps pour l’État considéré» ( 60 ).
56. Abraxis invoque, toutefois, le point 11 déjà cité ainsi que les points 12 et 29 de l’exposé des motifs au soutien d’une lecture téléologique alternative selon laquelle le règlement no 469/2009 viserait à stimuler toute recherche pharmaceutique donnant lieu à une invention brevetée et incorporée dans un médicament faisant l’objet d’une nouvelle AMM. Abraxis relève que cette considération générale justifie, selon l’arrêt Neurim ( 61 ), que, lorsqu’un produit déjà autorisé est couvert par une
nouvelle AMM pour une utilisation relevant du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base, ce produit peut faire l’objet d’un CCP dont la portée sera limitée à celle de ce brevet. La notion d’« utilisation », ou d’« application », au sens de cet arrêt, viserait indistinctement tout type d’invention, qu’elle concerne une formulation, un procédé de fabrication ou une indication thérapeutique d’un produit connu. En conséquence, l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009
n’empêcherait pas l’octroi d’un CCP pour la nouvelle formulation, destinée à un usage thérapeutique connu, d’un principe actif déjà couvert par une AMM antérieure.
57. À mes yeux, cette argumentation ne résiste pas à une analyse détaillée de l’exposé des motifs dans son ensemble et des points sur lesquels s’appuie Abraxis en particulier.
58. En premier lieu, le point 29 de ce document est ainsi formulé : « En ce qui concerne l’expression “produit protégé par un brevet”, il s’agit de préciser quelle catégorie d’invention est susceptible de servir de base à un certificat. La proposition ne prévoit aucune exclusion. C’est dire que toute recherche effectuée dans le domaine pharmaceutique pourvu qu’elle aboutisse à une invention nouvelle susceptible d’être brevetée – qu’il s’agisse d’un produit nouveau, d’un procédé nouveau d’obtention
d’un produit, nouveau ou déjà connu, d’une application nouvelle d’un produit, nouveau ou déjà connu ou d’une composition nouvelle contenant un produit nouveau ou déjà connu – doit être encouragée, sans discrimination, et pouvoir bénéficier d’un [CCP], si par ailleurs, toutes les conditions d’application de la proposition de règlement se trouvent remplies » (souligné par mes soins).
59. Appréhendé dans sa globalité, ce point reflète, me semble‑t‑il, le principe selon lequel la notion de « brevet de base » définie à l’article 1er, sous c), du règlement no 469/2009, à laquelle fait référence son article 3, sous a), ou de « brevet » au sens de son article 2, ne se limite pas aux brevets qui protègent un produit en tant que tel. Cette notion englobe les brevets relatifs à un procédé de fabrication ou à une application d’un produit connu ( 62 ). Ainsi, le champ d’application de ce
règlement, tel que défini à son article 2, n’exclut pas un produit qui, sans être breveté en tant que tel, est visé par un brevet qui protège une invention relative à un procédé d’obtention ou à une application de ce produit. La condition prévue à l’article 3, sous a), dudit règlement est également remplie dans une telle situation. Toutefois, le CCP ne pourra être délivré que pour autant que les autres conditions énoncées à cet article soient réunies. Parmi celles‑ci figure la condition, énoncée
à la lettre d) de cet article, selon laquelle l’AMM invoquée à l’appui de la demande de CCP doit être la première AMM du produit en cause.
60. C’est également en ce sens qu’il convient de comprendre le point 12 de l’exposé des motifs en ce qu’il énonce : « La proposition n’est cependant pas limitée aux seuls produits nouveaux. Un nouveau procédé d’obtention d’un produit, une nouvelle application du produit sont également susceptibles d’être protégés par un certificat. Toute recherche [quels qu’en soient] la stratégie ou l’aboutissement doit obtenir une protection suffisante» ( 63 ).
61. J’observe, à ce sujet, que, si le droit des brevets n’est pas harmonisé au niveau de l’Union ( 64 ), tous les États membres ont adhéré à la convention sur le brevet européen ( 65 ). Celle‑ci permet la brevetabilité, notamment, des « substances ou compositions de substances » sans limiter celles‑ci aux principes actifs et aux compositions de principes actifs ( 66 ). En outre, l’article 54 (4) et l’article 54 (5) de la CBE prévoient la brevetabilité, respectivement, des premières utilisations
thérapeutiques de substances connues et des deuxièmes utilisations thérapeutiques (ou des utilisations thérapeutiques ultérieures) de telles substances ( 67 ).
62. Selon la jurisprudence de l’Office européen des brevets (OEB), la notion d’« utilisation » (dont le terme « application » est employé comme synonyme ( 68 )), au sens de l’article 54 (5) de la CBE, ne désigne pas uniquement l’usage d’un produit connu pour une nouvelle indication thérapeutique. Cette notion recouvre également les applications d’un tel produit pour une indication thérapeutique connue lorsqu’elles présentent d’autres traits nouveaux et inventifs, concernant par exemple la posologie
ou la voie d’administration ( 69 ).
63. À mon sens, l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 fait néanmoins obstacle à la délivrance d’un CCP sur la base d’un brevet protégeant une seconde application thérapeutique d’un produit connu ou une nouvelle formulation de ce produit pour une application thérapeutique déjà couverte par une AMM antérieure. Par hypothèse, en effet, le produit connu concerné par un tel brevet n’est pas un produit mis sur le marché pour la première fois au sens de cette disposition. Si la condition énoncée à
l’article 3, sous a), de ce règlement pourrait en principe être remplie dans une telle situation, celle prévue à la lettre d) de cet article n’est pas respectée.
64. Abraxis fait cependant remarquer que la convention sur le brevet européen n’a été enrichie de son article 54 (5), dans sa rédaction actuelle, que lors de sa révision de 2000, soit postérieurement à l’adoption du règlement no 1768/92. Elle en infère que les inventions relatives aux deuxièmes utilisations thérapeutiques et aux utilisations thérapeutiques suivantes de produits connus devraient désormais également bénéficier de la protection du régime de CCP aux fins de refléter cette évolution ( 70
). Cet argument ne me convainc pas dans la mesure où de telles inventions étaient déjà considérées brevetables en vertu d’une jurisprudence de l’OEB établie dès 1984 ( 71 ). Ce développement ne représentait donc pas un nouvel élément de contexte que le législateur n’aurait pas anticipé lors de l’adoption du règlement no 1768/92 ou, a fortiori, du règlement no 469/2009. Ainsi que l’a relevé le gouvernement du Royaume‑Uni, l’ordonnance Yissum ( 72 ) concernait, au demeurant, déjà une situation
dans laquelle le brevet de base protégeait la deuxième utilisation thérapeutique d’un principe actif connu.
65. En somme, les points 12 et 29 de l’exposé des motifs signifient que tout brevet qui protège soit un produit en tant que tel, soit un procédé de fabrication ou une application d’un produit connu, peut être invoqué comme brevet de base à l’appui d’une demande de CCP. Il ne saurait, en revanche, en être extrapolé que toute invention protégée par un tel brevet peut être couverte par un CCP lorsque l’AMM invoquée à cette fin, bien qu’elle soit la première à relever du champ d’application de la
protection conférée par le brevet, n’est pas la première AMM du produit en cause.
66. En second lieu, le point 11 de l’exposé des motifs, lu dans son intégralité, a, selon moi, pour objet de préciser que des changements apportés au médicament ne justifient pas l’octroi d’un CCP dans la mesure où ils n’en modifient pas les principes actifs et n’aboutissent donc pas à la création d’un nouveau produit. Il en va ainsi, en particulier, des changements relatifs à l’obtention d’un nouveau sel, ester ou autre dérivé du principe actif – lesquels constituent différentes formes de la
« fraction active » de ce principe actif ( 73 ). Cette considération sous‑tend également la jurisprudence de la Cour selon laquelle un CCP qui couvre un principe actif protège également les dérivés de ce principe actif pour autant que ceux‑ci sont protégés par le brevet de base ( 74 ), étant entendu que ces dérivés ne sont alors pas considérés comme des principes actifs distincts. En revanche, dans l’hypothèse où le dérivé obtenu constituerait en lui‑même un nouveau principe actif faisant
l’objet d’un brevet spécifique, un CCP pourrait être délivré pour ce dérivé.
67. C’est, à mon avis, dans cette optique que doit être compris le considérant 14 du règlement no 1610/96, qu’Abraxis invoque aux fins de justifier le bien‑fondé du test du champ de la protection du brevet de base. Ce considérant – lequel vaut également, selon le considérant 17 de ce règlement, aux fins d’interpréter, notamment, l’article 3 du règlement no 469/2009 –, énonce que « la délivrance d’un certificat pour un produit consistant en une substance active ne préjuge pas de la délivrance
d’autres certificats pour les dérivés (sels ou esters) de cette dernière, à condition que ces dérivés soient l’objet de brevets les revendiquant spécifiquement ».
68. En effet, la lecture du considérant 14 du règlement no 1610/96 à l’aune de l’article 1er, point 8, et de l’article 3, sous d), de ce règlement met en évidence qu’un CCP ne peut être délivré que sur la base de la première AMM couvrant un principe actif ou une composition de principes actifs déterminés ( 75 ). Dans ces conditions, ce considérant ne peut être compris que comme signifiant qu’un dérivé d’un principe actif déjà couvert par un CCP peut, lorsque ce dérivé est spécifiquement revendiqué
par un brevet, faire l’objet d’un autre CCP dans la mesure où il est lui‑même considéré comme un principe actif nouveau et distinct ( 76 ). Ledit considérant ne suggère en rien que toute formulation nouvelle d’un principe actif déjà autorisé peut faire l’objet d’un CCP pour autant qu’elle soit couverte par un brevet de base.
69. Il ressort de tout ce qui précède que l’intention du législateur, en instituant le régime de CCP, était de protéger non pas toute recherche pharmaceutique suffisamment innovante pour donner lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais uniquement celle conduisant à mettre pour la première fois sur le marché un principe actif ou une composition de principes actifs en tant que médicament. Cette recherche devait être encouragée quel que soit son objet,
sans qu’il importe qu’elle ait trait au produit lui‑même ou bien à un procédé d’obtention ou à une utilisation thérapeutique de ce produit.
2. Autres considérations de nature téléologique et contextuelle
70. L’approche choisie par le législateur prive inévitablement du bénéfice du CCP certaines inventions, telles que la formulation que constitue le nab‑paclitaxel, qui, bien qu’elles portent sur un produit déjà autorisé, constituent de réelles avancées thérapeutiques ( 77 ) et subissent une érosion considérable de la durée effective du brevet en raison des démarches à entreprendre avant de pouvoir être exploitées commercialement ( 78 ). Selon moi, ce constat ne justifie toutefois pas la création
prétorienne d’un test qui s’écarterait du libellé de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 et de l’intention du législateur au nom d’une conception différente de la manière dont il conviendrait de poursuivre les objectifs de stimulation de l’innovation et d’équilibre entre l’ensemble des intérêts en présence dans le domaine des médicaments. Les considérations suivantes renforcent ma conviction sur ce point.
71. En premier lieu, l’impact effectif du régime de CCP sur l’innovation relève d’appréciations économiques délicates impliquant la prise en compte d’une multiplicité de facteurs ( 79 ). À cet égard, si la thèse défendue par Abraxis repose sur la prémisse selon laquelle étendre la portée de la protection conférée par le CCP favoriserait nécessairement la recherche portant sur des médicaments innovants dans l’Union, l’exactitude de cette prémisse fait débat.
72. En particulier, selon certaines études récentes, l’octroi de CCP sur la base d’AMM de médicaments dont tous les principes actifs sont déjà autorisés risquerait d’amplifier une tendance, qui aurait été observée dans l’industrie pharmaceutique, à concentrer les efforts de recherche sur des innovations plus sûres et marginales (dites « innovations incrémentales »), plutôt que sur des innovations risquées conduisant à de véritables percées thérapeutiques (dites « innovations de base ») ( 80 ).
73. Par ailleurs, les auteurs du rapport Max‑Planck soutiennent que le déclin de la recherche et du développement de nouvelles molécules en Europe, auquel l’instauration du régime de CCP visait à remédier, était dû au caractère particulièrement risqué de ces activités ainsi qu’à la lourdeur des essais précliniques et cliniques nécessaires à la première mise sur le marché d’un principe actif. Au regard de ces facteurs, la durée effective du brevet aurait été insuffisante pour assurer que ce type
d’activités demeure profitable. L’existence d’une telle défaillance du marché ne serait, en revanche, pas documentée s’agissant de la recherche et du développement de nouvelles applications thérapeutiques de principes actifs connus ( 81 ).
74. Sans prendre aucunement position dans ce débat – ce qui dépasserait le cadre de ma mission –, l’existence de celui‑ci m’incite à faire preuve de prudence avant de tirer des conclusions générales sur le caractère adéquat ou non du système adopté par le législateur dans le but d’encourager la recherche pharmaceutique dans l’Union.
75. En deuxième lieu, et en tout état de cause, il convient de garder à l’esprit que, par l’adoption du régime de CCP, le législateur visait à réaliser cet objectif d’une manière qui tienne compte de façon équilibrée de l’ensemble des intérêts en présence. Cette volonté s’est traduite par un compromis global entre ces divers intérêts, aux termes duquel certaines inventions brevetées, à savoir celles conduisant à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une composition de principes
actifs en tant que médicament, peuvent bénéficier d’un CCP. Seul le législateur est habilité à modifier la pondération des intérêts en présence s’il estime que l’équilibre recherché n’est plus préservé par le système en place dans le contexte actuel au vu des évolutions du secteur de la recherche pharmaceutique.
76. Qui plus est, l’arbitrage effectué par législateur dans le cadre du régime de CCP participe d’un contexte législatif plus général prévoyant différents types d’incitants à la recherche de nouveaux médicaments. Ceux‑ci incluent, en sus des droits de propriété intellectuelle, des incitants d’ordre réglementaire tels que la protection des données résultant des essais précliniques et cliniques ( 82 ) ainsi que l’exclusivité commerciale que confère l’AMM ( 83 ).
77. En troisième lieu, le point 16 de l’exposé des motifs indique que le législateur a voulu créer un système simple, transparent et facile à appliquer par les offices nationaux des brevets en charge de la délivrance des CCP. La règle selon laquelle seule la première AMM du produit peut être invoquée à l’appui d’une demande de CCP contribue à la poursuite de cet objectif. Comme l’ont souligné, en substance, le gouvernement du Royaume‑Uni, les gouvernements hongrois et néerlandais de même que la
Commission, faire peser sur les offices nationaux des brevets la tâche de vérifier si les AMM antérieures du produit relèvent du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base s’éloignerait de la logique qui régit ce système.
78. En quatrième lieu, l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 ne saurait être écartée au nom de l’objectif de compensation du retard que subit l’exploitation commerciale d’une invention brevetée en raison des démarches nécessaires à l’obtention d’une AMM.
79. Je souligne, à cet égard, qu’un médicament contenant un nouveau principe actif ou une nouvelle composition de principes actifs doit être autorisé au terme de la procédure fondée sur l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 ( 84 ). Cette procédure implique la soumission d’une demande complète d’AMM, incluant les résultats d’essais précliniques et cliniques attestant de l’efficacité et de la sécurité de ce médicament ( 85 ). En revanche, l’AMM d’un médicament qui contient un principe
actif ou une composition de principes actifs compris dans un médicament de référence (lorsqu’il ne constitue pas un générique de ce dernier médicament ( 86 )) peut être obtenue à l’issue de la procédure, dite « hybride », prévue à l’article 10, paragraphe 3, de cette directive. Cette procédure permet au demandeur d’AMM, à l’expiration de la période de protection des données résultant des essais précliniques et cliniques fournies dans le dossier d’AMM du médicament de référence, d’utiliser
celles‑ci sans démontrer indépendamment l’efficacité et la sécurité du principe actif. Le demandeur ne devra alors produire lui‑même que les résultats d’essais précliniques et cliniques couvrant les changements apportés au médicament en cause, relatifs notamment à la formulation ou aux indications thérapeutiques, par rapport au médicament de référence ( 87 ).
80. Cependant, certains médicaments, tels que l’Abraxane, contenant une formulation nouvelle d’un principe actif connu, diffèrent à ce point des autres médicaments comprenant ce principe actif que leur autorisation est soumise à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 ( 88 ). Au regard de cette considération, Abraxis soutient que l’objectif mentionné au point 78 des présentes conclusions justifie que la nouvelle formulation d’un principe actif connu soit protégée par
un CCP lorsque la mise sur le marché d’un médicament contenant cette formulation a requis la délivrance d’une nouvelle AMM dans les mêmes conditions qu’un médicament comprenant un nouveau principe actif.
81. Tant le libellé de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 que la jurisprudence de la Cour m’empêchent de me rallier à ce point de vue. En effet, cette disposition n’énonce pas de critère relatif au type de procédure suivie aux fins de l’obtention d’une AMM. Dans le respect de ce libellé, la Cour a jugé dans l’arrêt Neurim que l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, dont l’objet est purement procédural, ne saurait influencer l’appréciation des conditions de fond posées par le
règlement no 469/2009 ( 89 ). Partant, la portée de l’article 3, sous d), de ce règlement ne dépend pas du point de savoir si une demande complète d’AMM a ou non été exigée.
82. Cela étant, le fait que la mise sur le marché de médicaments contenant un nouveau produit, au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009, contrairement à celle de médicaments consistant en des formulations nouvelles de produits déjà autorisés, requiert nécessairement la présentation d’un dossier complet d’AMM peut contribuer à expliquer le choix législatif de réserver le bénéfice du CCP aux produits mis sur le marché pour la première fois. À cet égard, ainsi qu’il ressort de
l’arrêt Synthon ( 90 ), la protection que confère le CCP vise à compenser le délai lié à l’obtention d’une AMM nécessitant une « évaluation longue et onéreuse de l’innocuité et de l’efficacité du médicament concerné ». Selon cette explication, le législateur aurait cherché à favoriser l’innovation de base qui nécessite des recherches notablement risquées et dont l’exploitation commerciale suppose une procédure d’autorisation particulièrement lourde, tout en assurant la simplicité et la
transparence du régime de CCP. À cette fin, il aurait érigé la nouveauté du principe actif ou de la composition de principes actifs en « substitut » témoignant de l’existence d’une telle innovation ( 91 ).
83. Dans cette perspective, bien que l’autorisation de certaines formulations nouvelles de produits connus soit elle aussi soumise à la procédure fondée sur l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, l’exclusion du bénéfice du CCP pour de telles inventions apparaît inhérente tant à la réalisation de l’équilibre global entre les intérêts en présence recherché par le législateur qu’au fonctionnement du système de CCP que ce dernier a voulu simple et prévisible.
84. C’est, en définitive, au législateur qu’il appartient, s’il l’estime opportun, de modifier ce système de manière à protéger toute invention brevetée dont l’exploitation commerciale suppose la présentation d’une demande complète d’AMM au titre de cette disposition, voire à favoriser plus largement toute recherche conduisant à la mise sur le marché d’un médicament incorporant pour la première fois une invention brevetée. De même, le choix de la voie à suivre pour mettre en œuvre une telle
modification et, en particulier, de la ou des dispositions du règlement no 469/2009 qu’il conviendrait d’amender à cet effet, relève de l’appréciation du seul législateur. Je note, à cet égard, que, dans le cadre de la procédure de révision actuellement en cours, la Commission n’a pas proposé de modification à l’article 3, ni à l’article 1er, sous b), de ce règlement ( 92 ).
3. Conclusion intermédiaire
85. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, j’estime que ni les objectifs poursuivis par le règlement no 469/2009 ni le contexte dans lequel il s’inscrit ne plaident en faveur d’une interprétation qui s’éloignerait du libellé de son article 3, sous d).
86. Ce constat me conduit à proposer d’abandonner le test du champ de la protection du brevet de base et d’en revenir à une interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 à la lumière de l’article 1er, sous b), de ce règlement. La lecture restrictive de la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), dudit règlement consacrée dans la jurisprudence constante de la Cour ne saurait, à mon avis, être contournée au moyen d’une interprétation extensive de la notion
de « première [AMM] du produit, en tant que médicament » au sens de l’article 3, sous d), du même règlement.
87. Ma proposition implique, notamment, que cette dernière disposition s’oppose à l’octroi d’un CCP dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’AMM invoquée dans la demande de CCP, bien qu’elle soit la première à relever du champ d’application d’un brevet de base protégeant la formulation nouvelle d’un principe actif connu, n’est pas la première AMM portant sur ce principe actif.
88. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne souhaiterait pas s’engager sur cette piste, j’examine ci‑après les options qui pourraient lui permettre de limiter la portée du test du champ de la protection du brevet de base à des situations spécifiques.
C. Sur la possibilité à titre subsidiaire de limiter la portée du test du champ de la protection du brevet de base
89. En premier lieu, le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission dans ses observations écrites considèrent, en substance, que le test du champ de la protection du brevet de base s’applique lorsque l’invention protégée par le brevet en cause porte sur une nouvelle utilisation thérapeutique d’un produit connu ( 93 ). Une telle configuration factuelle caractérisait les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Neurim ainsi qu’à l’ordonnance Yissum ( 94 ). En revanche, l’article 3, sous d), du règlement
no 469/2009 s’opposerait à l’octroi d’un CCP dans les situations où, comme notamment dans le litige à l’origine de l’arrêt Massachusetts Institute of Technology ( 95 ) ou dans l’affaire au principal, l’AMM en cause est la première à relever du champ d’application d’un brevet de base qui protège une nouvelle formulation d’un produit connu pour un usage thérapeutique connu de ce produit.
90. Au regard des développements qui précèdent, cette interprétation demeurerait en porte‑à‑faux avec la lettre et les objectifs du règlement no 469/2009. De surcroît, les parties intéressées n’ont pas présenté d’arguments de nature à justifier une distinction entre, d’une part, les inventions relatives à une nouvelle utilisation thérapeutique d’un principe actif déjà autorisé (le cas échéant, sous une nouvelle formulation) et, d’autre part, celles qui portent sur une formulation nouvelle d’un tel
principe actif pour un usage thérapeutique connu. Je peine également à trouver de tels arguments.
91. Tout d’abord, ni le texte de ce règlement ni l’exposé des motifs ne suggèrent que le législateur aurait entendu favoriser la recherche de nouvelles applications thérapeutiques d’un principe actif déjà couvert par une AMM par rapport à la recherche de nouvelles formulations d’un tel principe actif qui en renforcent l’efficacité ou la sécurité pour des indications thérapeutiques connues ( 96 ).
92. Ensuite, il est malaisé de justifier et de mettre en œuvre une telle distinction sous l’angle du droit des brevets. En effet, je rappelle qu’en vertu de la convention sur le brevet européen, telle qu’interprétée par l’OEB, toute nouvelle formulation d’un principe actif connu, de même que toute deuxième application thérapeutique ou application thérapeutique suivante d’un tel principe actif, qu’elle en permette ou non une nouvelle indication thérapeutique, est susceptible d’être brevetée ( 97 ).
93. Enfin, il ne saurait être présumé, sans un plus ample examen de nature économique et scientifique, que les mérites et les risques afférents à la recherche et au développement concernant une nouvelle utilisation thérapeutique d’un principe actif déjà autorisé excéderaient, du moins de façon générale, ceux qui s’attachent à la recherche et au développement d’une nouvelle formulation d’un tel principe actif destinée à en améliorer l’efficacité ou la sécurité pour des indications thérapeutiques
connues ( 98 ). En particulier, les demandes d’AMM couvrant une nouvelle formulation d’un produit déjà autorisé, une nouvelle indication thérapeutique de ce produit ou la combinaison des deux peuvent toutes, en principe à tout le moins, bénéficier de la procédure hybride prévue à l’article 10, paragraphe 3, de la directive 2001/83 ( 99 ).
94. En second lieu, les gouvernements tchèque et néerlandais ont proposé de cantonner la portée de l’arrêt Neurim aux hypothèses spécifiques où l’AMM invoquée dans la demande de CCP, bien qu’elle ne soit pas la première à couvrir le principe actif en cause, constitue la première AMM de ce principe actif pour l’utilisation thérapeutique protégée par le brevet de base et en tant que médicament humain.
95. À l’appui de cette argumentation, le gouvernement néerlandais fait valoir que la première mise sur le marché d’un médicament humain contenant un principe actif donné, même si celui‑ci a déjà été autorisé en tant que médicament vétérinaire, requiert nécessairement la soumission d’un dossier d’AMM analogue à celui d’un médicament humain contenant un principe actif qui n’a encore jamais été autorisé.
96. À mes yeux, d’une part, cette approche se marie mal avec le libellé des dispositions du règlement no 469/2009. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà constaté dans l’arrêt Pharmacia Italia ( 100 ), ce règlement n’établit pas de distinction de principe entre les AMM délivrées pour des médicaments humains et celles portant sur des médicaments vétérinaires ( 101 ). En particulier, la définition du « médicament » figurant à l’article 1er, sous a), dudit règlement englobe les substances pouvant être
administrées à l’homme ou à l’animal. De même, l’article 2 du règlement no 469/2009 dispose que celui‑ci s’applique indistinctement à tout produit protégé par un brevet et soumis à une procédure d’autorisation administrative en vertu soit de la directive 2001/83, soit de la directive 2001/82. Le législateur n’a, pour autant, pas estimé opportun de prévoir, à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, que l’AMM invoquée à l’appui de la demande de CCP doit être la première AMM couvrant le
produit en cause pour une population (humaine ou animale) déterminée.
97. De surcroît, la circonstance selon laquelle la délivrance de l’AMM invoquée à l’appui de la demande de CCP a requis la présentation d’un dossier complet au titre de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 ne constitue, je le rappelle, pas un critère décisif aux fins de l’octroi d’un CCP. Cette circonstance représente, tout au plus, l’une des raisons susceptibles d’expliquer le choix du législateur de réserver le bénéfice du CCP aux principes actifs ou aux compositions de principes
actifs mis sur le marché pour la première fois ( 102 ).
98. Cela étant, d’autre part, l’interprétation préconisée par les gouvernements tchèque et néerlandais présente certains avantages qui me conduisent à proposer à la Cour, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où elle ne retiendrait pas l’interprétation que j’ai défendue à titre principal, de s’y rallier.
99. Premièrement, l’argument d’ordre réglementaire avancé par le gouvernement néerlandais me paraît, malgré ses limites, pertinent au regard de l’objectif, poursuivi par le règlement no 469/2009, de compenser l’érosion de la protection conférée par le brevet en raison de la durée des procédures d’autorisation d’un nouveau médicament constituant une innovation de base.
100. Je souligne, à ce propos, que la directive 2001/83 ne permet pas le recours à la procédure hybride sur la base d’un médicament vétérinaire de référence ( 103 ). Par conséquent, la première mise sur le marché d’un médicament humain comprenant un principe actif déterminé, même lorsque ce principe actif est déjà autorisé pour un usage vétérinaire, est toujours subordonnée à la présentation d’une demande complète d’AMM au titre de l’article 8, paragraphe 3, de cette directive. Elle implique donc
les mêmes démarches que celles que requiert la première mise sur le marché d’un médicament composé d’un principe actif qui n’a encore jamais été autorisé pour un usage vétérinaire ou humain – ce qui n’est pas nécessairement le cas de la première AMM couvrant une nouvelle indication thérapeutique d’un produit déjà autorisé en tant que médicament humain.
101. En outre, lorsqu’une invention conduit à la première mise sur le marché d’un produit pour une indication thérapeutique déterminée et en tant que médicament humain, il ne me semble pas déraisonnable de considérer que cette invention peut, en principe, être tenue pour une avancée thérapeutique de base. Ainsi, bien que le législateur n’ait pas spécifiquement envisagé les situations particulières, et vraisemblablement exceptionnelles, du type de celle en cause dans l’arrêt Neurim, la poursuite des
objectifs visés par ce règlement impliquerait que le bénéfice du CCP s’étende à de telles situations.
102. Deuxièmement, cette solution favoriserait la cohérence de la jurisprudence de la Cour en permettant que l’arrêt Neurim coexiste avec les jugements relatifs à l’interprétation de la notion de « produit » au sens du règlement no 469/2009, y compris avec l’ordonnance Yissum ( 104 ).
103. En effet, cette ordonnance vise les situations dans lesquelles la première AMM d’un principe actif concerne une indication thérapeutique en médecine humaine et la seconde AMM de ce principe actif, bien qu’elle soit la première à couvrir un nouvel usage thérapeutique protégé par le brevet de base, porte également sur un médicament humain. Ces situations seraient, selon l’interprétation défendue par les gouvernements tchèque et néerlandais, étrangères au champ d’application du test énoncé dans
l’arrêt Neurim. L’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 ferait donc obstacle à la délivrance d’un CCP dans de telles situations.
104. J’ajoute, par souci d’exhaustivité, que l’arrêt Pharmacia Italia ( 105 ), dans lequel la Cour a refusé d’ériger la destination du médicament en critère déterminant pour l’octroi d’un CCP, avait trait à l’hypothèse où tant la première AMM du principe actif en cause, laquelle couvre un médicament vétérinaire, que la seconde AMM de ce principe actif, laquelle concerne un médicament humain, relèvent du champ d’application du même brevet de base protégeant ledit principe actif en tant que tel. Dans
cette hypothèse, comme l’ont souligné Abraxis et le gouvernement du Royaume‑Uni, l’application du test du champ de la protection du brevet de base entraînerait, en tout état de cause, le rejet de la demande de CCP.
105. Compte tenu de ces considérations, je propose à la Cour, à titre subsidiaire, de juger que le test du champ de la protection du brevet de base s’applique uniquement lorsqu’un produit déjà autorisé en application de la directive 2001/82 pour une indication thérapeutique en médecine vétérinaire fait par la suite l’objet d’une AMM au titre de la directive 2001/83 pour une nouvelle indication thérapeutique en médecine humaine. Dans une telle situation, l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009
ne s’opposerait pas à la délivrance d’un CCP sur la base de cette AMM, pour autant qu’elle soit la première à relever du champ d’application de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP.
V. Conclusion
106. Eu égard à tout ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question posée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume‑Uni] :
L’article 3, sous d), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, s’oppose à l’octroi d’un tel certificat lorsque l’autorisation de mise sur le marché (AMM) invoquée à l’appui de la demande de certificat complémentaire de protection au titre de l’article 3, sous b), de ce règlement n’est pas la première AMM du principe actif ou de la composition de principes actifs en cause en tant
que médicament. Il en va ainsi même dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’AMM ainsi invoquée est la première à couvrir la formulation protégée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de certificat complémentaire de protection au titre de l’article 3, sous a), dudit règlement.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 (JO 2009, L 152, p. 1).
( 3 ) Conformément à l’article 13 du règlement no 469/2009, la durée de la protection conférée par le CCP équivaut à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande de brevet et la date de la première AMM dans l’Union, réduite d’une durée de cinq ans, étant entendu que la durée du CCP ne peut, en tout état de cause, pas excéder cinq ans.
( 4 ) Article 3, sous a), du règlement no 469/2009.
( 5 ) Article 3, sous b), du règlement no 469/2009.
( 6 ) Article 3, sous c), du règlement no 469/2009.
( 7 ) Arrêt du 19 juillet 2012 (C‑130/11, EU:C:2012:489).
( 8 ) Voir points 32 à 35 des présentes conclusions.
( 9 ) Règlement du Conseil du 18 juin 1992 concernant la création d’un [CCP] pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).
( 10 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).
( 11 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2001, L 311, p. 1).
( 12 ) Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291, point 25).
( 13 ) Voir, également, ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, points 28 à 30) ainsi qu’arrêt du 15 janvier 2015, Forsgren (C‑631/13, EU:C:2015:13, points 23 à 25). Ce dernier arrêt a précisé que l’effet thérapeutique qu’une substance doit produire sur l’organisme aux fins d’être qualifiée de « principe actif » consiste en « une action pharmacologie, immunologique ou métabolique
propre ». La notion de « principe actif » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 correspond, ainsi, à celle de « substance active » telle que définie à l’article 1er, point 3 bis, de la directive 2001/83.
( 14 ) L’article 1er, point 3 ter, de la directive 2001/83 définit la notion d’« excipient » comme « tout composant d’un médicament, autre qu’une substance active et les matériaux d’emballage ». Conformément à l’annexe I, partie 1, point 3.2.2.1, de cette directive, cette notion inclut les adjuvants [voir ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, points 36 et 37)].
( 15 ) Voir arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2006:291, point 27), ainsi qu’ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, points 29 et 30).
( 16 ) Voir arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2006:291, point 26) ainsi qu’ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, point 31).
( 17 ) Voir jugement du 13 janvier 2017, [2017] EWHC 14 (Pat), points 55 à 59, annexé à la décision de renvoi.
( 18 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214, point 18).
( 19 ) Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑31/03, EU:C:2004:641, point 20). La Cour y a interprété la notion de « première [AMM] dans la Communauté » au sens de la disposition transitoire énoncée à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1768/92. La Cour a considéré, en faisant référence à l’article 1er, sous b), et à l’article 3, de ce règlement, que cette disposition transitoire visait indistinctement toute AMM délivrée pour un médicament humain ou vétérinaire. Partant, elle s’opposait à la délivrance
d’un CCP dans un État membre, sur la base de l’AMM d’un médicament humain, pour un principe actif déjà couvert par l’AMM d’un médicament vétérinaire délivrée dans un autre État membre avant la date fixée à ladite disposition transitoire.
( 20 ) Arrêt du 24 novembre 2011 (C‑322/10, EU:C:2011:773, point 40). Voir, également, conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268, point 27) et, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2004, Pharmacia Italia (C‑31/03, EU:C:2004:641, point 19).
( 21 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996 (JO 1996, L 198, p. 30).
( 22 ) Arrêt du 10 mai 2001 (C‑258/99, EU:C:2001:261, point 24).
( 23 ) Arrêt du 10 mai 2001, BASF (C‑258/99, EU:C:2001:261, points 10 et 27 à 29).
( 24 ) Arrêt du 10 mai 2001, BASF (C‑258/99, EU:C:2001:261, points 36 et 37).
( 25 ) Voir arrêt Neurim, points 22 à 24. Voir, également, conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268, points 48 à 51).
( 26 ) Arrêt Neurim, points 12 à 15 ainsi que points 25 et 26. Voir, également, conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268, point 7).
( 27 ) Arrêt Neurim, point 26.
( 28 ) Arrêt Neurim, point 24 et 25.
( 29 ) Arrêt Neurim, points 24 à 27.
( 30 ) À cet égard, Abraxis fait valoir que l’AMM du nab‑paclitaxel comprend une nouvelle indication thérapeutique, à savoir le traitement de certains cancers du pancréas, qui ne serait pas couverte par l’AMM des médicaments composés de paclitaxel sous une autre formulation (les indications thérapeutiques de ces médicaments et de l’Abraxane se chevauchant pour le reste). À mon sens, cette circonstance, à la supposer avérée, serait dépourvue de pertinence aux fins de répondre à la question
préjudicielle dans la mesure où, premièrement, le brevet de base ne contient aucune revendication portant sur l’utilisation du nab‑paclitaxel dans le traitement du cancer du pancréas. Ce brevet mentionne seulement, tel qu’il ressort en particulier de la revendication 32, l’utilisation de cette formulation dans l’élimination de cellules cancéreuses – laquelle constitue un usage thérapeutique connu du paclitaxel. Deuxièmement, la réponse que je proposerai ne dépendra, en tout état de cause, pas du
point de savoir si la nouvelle formulation du principe actif en cause en permet ou non l’utilisation pour une nouvelle indication thérapeutique.
( 31 ) Voir points 61 et 62 des présentes conclusions.
( 32 ) La signification de la notion de « nouvelle application thérapeutique » au sens de l’arrêt Neurim et son articulation avec le droit des brevets fait l’objet d’une demande de décision préjudicielle déférée par la Cour d’appel de Paris (France) le 9 octobre 2018 (affaire pendante C‑673/18).
( 33 ) Conclusions dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268).
( 34 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214). Il ressort du point 5 de cette ordonnance que le brevet de base en cause protégeait une composition contenant un principe actif déjà autorisé destinée à son usage pour une nouvelle indication thérapeutique.
( 35 ) Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291). Le point 6 de cet arrêt révèle que le brevet de base invoqué dans la demande de CCP protégeait l’association, en vue du traitement de tumeurs cérébrales, d’un excipient et d’un principe actif déjà autorisé pour une telle utilisation.
( 36 ) Voir arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2006:291, point 10) et ordonnance du 17 avril 2007, Yissum (C‑202/05, EU:C:2007:214, point 8).
( 37 ) La Cour n’a pas fait sienne l’interprétation téléologique de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 proposée par l’avocat général Léger dans ses conclusions dans l’affaire Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2005:721, points 52 à 62). Ce dernier avait, en substance, fait valoir que ce règlement vise à protéger tout médicament issu d’une recherche longue et coûteuse. Selon lui, la combinaison du principe actif avec l’excipient en cause, conférant au premier des
propriétés nouvelles en termes d’efficacité et de sécurité, constituait une « avancée thérapeutique majeure », si bien qu’il aurait été « regrettable [qu’elle] ne soit pas protégée au même titre que les recherches relatives aux seuls principes actifs ».
( 38 ) Selon une jurisprudence constante, la Cour peut interpréter des dispositions qui ne figurent pas dans l’énoncé des questions préjudicielles en vue d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi. Voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2018, González Castro (C‑41/17, EU:C:2018:736, point 54 et jurisprudence citée).
( 39 ) Ordonnance du 14 novembre 2013 (C‑210/13, EU:C:2013:762, point 44).
( 40 ) Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291, points 17 à 19 ainsi que points 21 à 29).
( 41 ) Arrêt du 15 janvier 2015 (C‑631/13, EU:C:2015:13, points 23, 26 et 52).
( 42 ) L’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, points 9 et 10) concernait deux demandes de CCP portant l’une sur un adjuvant seul, l’autre sur un vaccin composé d’un principe actif et de cet adjuvant. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 janvier 2015, Forsgren (C‑631/13, EU:C:2015:13, point 13), un CCP était demandé sur la base d’un
brevet protégeant la protéine D comme telle. Les juridictions de renvoi demandaient si de telles substances ou combinaison de substances constituaient des « produits » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009. Cela étant, il n’était pas exclu qu’en tout état de cause, les demandes de CCP auraient dû être accueillies si l’article 3, sous d), de ce règlement avait été interprété comme se référant à la première AMM couvrant le produit en tant que médicament et relevant du champ
d’application de la protection conférée par le brevet de base.
( 43 ) Study on the Legal Aspects of Supplementary Protection Certificates in the EU, rapport final publié en 2018 (ci‑après le « rapport Max‑Planck »), disponible sur le site Internet https://publications.europa.eu/en/publication‑detail/‑/publication/6845fac2‑6547‑11e8‑ab9c‑01aa75ed71a1/language‑en/format‑PDF/source‑search, p. 163 à 168 ainsi que p. 229 et 230.
( 44 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2018 modifiant le [règlement no 469/2009], COM(2018) 317 final.
( 45 ) Il serait cependant trop rapide d’en tirer des conclusions quant à l’interprétation de l’arrêt Neurim dans chacun des neuf États membres où Abraxis a obtenu un CCP. En effet, ce résultat pourrait également être attribué à la circonstance, due à l’absence d’harmonisation de l’ensemble des aspects procéduraux relatifs au régime de CCP, selon laquelle certains offices nationaux des brevets ne vérifieraient pas ex officio le respect de la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement
no 469/2009. Voir, à cet égard, rapport Max‑Planck, p. 493 et 494, ainsi que Mejer, M., 25 years of SPC protection for medicinal products in Europe : Insights and challenges, mai 2017, disponible sur le site Internet https://ec.europa.eu/docsroom/documents/26001, p. 4 et 13.
( 46 ) Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291).
( 47 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214). Voir points 38 et 39 des présentes conclusions.
( 48 ) Arrêt du 10 mai 2001 (C‑258/99, EU:C:2001:261). Voir point 31 des présentes conclusions.
( 49 ) Lors de l’audience, la Commission semble s’être écartée de cette position en proposant, essentiellement, d’appliquer le test du champ de la protection du brevet de base également lorsque le brevet en cause protège une nouvelle formulation d’un produit connu qui lui permet d’exercer des « effets thérapeutiques » nouveaux.
( 50 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214).
( 51 ) Voir point 30 des présentes conclusions.
( 52 ) Voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing (C‑482/07, EU:C:2009:501, point 27).
( 53 ) Voir, notamment, arrêts du 23 mars 2000, Met‑Trans et Sagpol (C‑310/98 et C‑406/98, EU:C:2000:154, point 32) ; du 8 décembre 2005, BCE/Allemagne (C‑220/03, EU:C:2005:748, point 31), et du 26 octobre 2006, Communauté européenne (C‑199/05, EU:C:2006:678, point 42).
( 54 ) Ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil (C‑350/92, EU:C:1995:237, point 34), au moment de l’adoption du règlement no 1768/92, des dispositions établissant un CCP pour les médicaments existaient dans deux États membres et étaient en projet dans un autre État membre. Comme l’évoque le considérant 6 du règlement no 469/2009, la création du système de CCP répondait également à l’objectif d’assurer au sein de l’Union un niveau de protection des fruits de la
recherche pharmaceutique qui ne soit pas inférieur à celui conféré dans des pays tiers. À cet égard, les points 6 et 15 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CEE) du Conseil concernant la création d’un [CCP] pour les médicaments, du 11 avril 1990 [COM(90) 101 final] (ci‑après l’« exposé des motifs »), ayant présidé à l’adoption du règlement no 1768/92, témoignait de la volonté d’adapter la législation de l’Union à celle des États‑Unis d’Amérique et du Japon, où un régime d’extension
du terme du brevet était déjà prévu. D’autres États tiers ont, depuis lors, établi des régimes comparables.
( 55 ) Voir conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268, point 41).
( 56 ) Voir note 54 des présentes conclusions.
( 57 ) Voir, également, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2015, Forsgren (C‑631/13, EU:C:2015:13, point 52), cité au point 40 des présentes conclusions.
( 58 ) Le point 24, deuxième alinéa, de l’exposé des motifs spécifie : « Chaque année, une cinquantaine seulement de médicaments nouveaux sont autorisés au niveau mondial. C’est à ceux‑là que la proposition de règlement s’adresse ».
( 59 ) Voir, également, point 31 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil concernant la création d’un [CCP] pour les produits phytopharmaceutiques, 9 décembre 1994 [COM(94) 579 final].
( 60 ) Voir, par analogie, point 68 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil concernant la création d’un [CCP] pour les produits phytopharmaceutiques, 9 décembre 1994 [COM(94) 579 final], auquel fait référence le point 23 de l’arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2006:291). Voir, également, en ce sens, point 46, second alinéa, et point 56, sous 1), de l’exposé des motifs.
( 61 ) Arrêt Neurim, points 24 à 27.
( 62 ) L’article 1er, sous b), de la proposition de règlement (CEE) du Conseil concernant la création d’un [CCP] pour les médicaments, du 11 avril 1990 [COM(90) 101 final] prévoyait que tout brevet couvrant un produit en tant que tel, un procédé d’obtention ou une application d’un produit ou encore une combinaison de substances (c’est‑à‑dire une formulation) contenant le produit pouvait donner lieu à l’octroi d’un CCP. En revanche, la définition du brevet de base figurant à l’article 1er, sous c),
du règlement no 1768/92 et du règlement no 469/2009 ne mentionne plus les brevets protégeant la formulation d’un produit. J’observe, à cet égard, qu’un brevet couvrant la formulation d’un produit connu pour une utilisation thérapeutique nouvelle et inventive est déjà compris dans la catégorie des « brevets d’application ». La nouvelle formulation d’un produit connu pour une utilisation thérapeutique connue ne saurait, quant à elle, bénéficier de la protection d’un CCP dans la mesure où l’article 3,
sous d), du règlement no 469/2009 s’y opposerait en tout état de cause (voir point 63 des présentes conclusions).
( 63 ) Sur cette même ligne, le point 28, quatrième alinéa, de l’exposé des motifs précise que le brevet de base peut couvrir « soit le produit, entendu au sens de principe actif, soit le procédé pour obtenir le médicament, soit une application ou utilisation du médicament ».
( 64 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585, point 31).
( 65 ) Voir point 37 des présentes conclusions.
( 66 ) Une formulation nouvelle contenant un principe actif connu constitue une « composition de substances » brevetable dans le respect des critères généraux énoncés à l’article 52 (1) de la CBE. En effet, si l’article 53 (c) de la CBE exclut de la brevetabilité les méthodes de traitement thérapeutique, cette exception ne couvre pas les « substances ou compositions » pour la mise en œuvre de ces méthodes. Dans ce contexte, les « substances ou compositions » ne se limitent pas aux substances qui
exercent un effet thérapeutique propre sur l’organisme ou aux compositions de telles substances. Voir, en ce sens, grande chambre de recours de l’OEB, décision du 5 décembre 1984, Pharmuka (G‑6/83, EP:BA:1984:G000683.19841205, points 10 et 20) ainsi que chambre de recours de l’OEB, décision du 12 janvier 2012, Coloplast A/S (T‑1099/09, EP:BA:2012:T109909.20120112, point 4.3).
( 67 ) L’article 54 (4) et (5) de la CBE nuance ainsi l’exception à la brevetabilité des méthodes de traitement thérapeutique prévue à l’article 53 (c) de cette convention. S’agissant de la brevetabilité des deuxièmes utilisations thérapeutiques ou des utilisations thérapeutiques ultérieures avant la révision de la CBE en 2000, voir point 64 des présentes conclusions.
( 68 ) Voir explications de l’OEB concernant la jurisprudence des chambres de recours, sous‑section consacrée à la brevetabilité d’une « deuxième (ou autre) application thérapeutique », disponibles sur le site Internet https://www.epo.org/law‑practice/legal‑texts/html/caselaw/2016/f/clr_i_c_7_2.htm. Voir, également, jurisprudence citée aux notes 69 et 71 des présentes conclusions.
( 69 ) Grande chambre de recours de l’OEB, Abbott Respiratory LLC, décision du 19 février 2010 (G‑2/08, EP:BA:2010:G000208.20100219, points 5.10.3, 5.10.9 et 6.1). Voir, également, directives de l’OEB relatives à l’examen pratiqué, sous‑section relative aux « indications thérapeutiques au titre de l’article 54 (5) », disponibles sur le site Internet https://www.epo.org/law‑practice/legal‑texts/html/guidelines/f/g_vi_7_1_2.htm. Aux termes de ces directives, l’article 54 (5) de la CBE vise toute
utilisation d’une substance ou composition « soit dans le traitement d’une maladie différente, soit dans un traitement de la même maladie, auquel cas la différence par rapport au traitement connu réside par exemple dans la posologie, le groupe de sujets ou le mode/la voie d’administration ».
( 70 ) Cet argument a également été avancé par l’avocat général Trstenjak au point 49 de ses conclusions dans l’affaire Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:268).
( 71 ) Grande chambre de recours de l’OEB, décisions du 5 décembre 1984, Eisai (G‑5/83, EP:BA:1984:G000583.19841205) et Pharmuka (G‑6/83, EP:BA:1984:G000683.19841205). Cette instance y a admis la brevetabilité des revendications, dites « de type suisse », portant sur l’application d’une substance ou d’une composition dans la fabrication d’un médicament pour une utilisation thérapeutique nouvelle et inventive.
( 72 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214, points 11 et 20).
( 73 ) Selon son sens commun, la « fraction active » désigne la molécule responsable de l’action physiologique ou pharmacologique de la substance chimique, à l’exclusion des portions annexes de la molécule qui la définissent comme un sel, un ester ou un autre dérivé non covalent. Cette notion est pertinente s’agissant des principes actifs qui se présentent sous différentes formes en tant que sels, esters ou autres dérivés.
( 74 ) Voir arrêt du 16 septembre 1999, Farmitalia (C‑392/97, EU:C:1999:416, points 18 à 22). Cette même approche fonde le considérant 13 du règlement no 1610/96, lequel énonce que « le certificat confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base » et que « par conséquent, lorsque le brevet de base couvre une substance active et ses différents dérivés (sels et esters), le certificat confère la même protection ».
( 75 ) Voir point 31 des présentes conclusions. Selon une jurisprudence constante, le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de cet acte. Voir arrêts du 19 novembre 1998, Nilsson e.a. (C‑162/97, EU:C:1998:554, point 54) ; du 12 mai 2005, Meta Fackler (C‑444/03, EU:C:2005:288, point 25), et du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 76).
( 76 ) La question de savoir dans quelles conditions le dérivé d’un principe actif doit être considéré, en lui‑même, comme un principe actif distinct, n’a pas encore été traitée par la Cour. D’une part, il pourrait être avancé qu’un dérivé protégé en tant que tel par un brevet doit nécessairement être considéré comme un nouveau principe actif. D’autre part, il a été soutenu qu’un dérivé constitue un nouveau principe actif au sens de la réglementation de l’Union en matière de CCP dans les mêmes
conditions qu’au sens de la réglementation de l’Union en matière de mise sur le marché des médicaments. Voir von Morze, H., « SPCs and the “Salt” Problem No. 2 », Intellectual Property Quarterly, no 4, 2010, p. 375 et 376. Voir, également, en ce sens, Bundespatentgericht (cour fédérale des brevets, Allemagne), arrêt du 5 septembre 2017, 14 W (pat) 25/16, point 5. À cet égard, l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83 dispose que les différents sels, esters et autres dérivés d’un
principe actif sont considérés comme le même principe actif sauf s’ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l’efficacité. Voir, également, Commission, « The rules governing medicinal products in the European Union », Notice to Applicants, Volume 2A, Procedures for marketing authorization, Chapter 1, juin 2018 (ci‑après l’« avis aux demandeurs d’AMM »), p. 32.
( 77 ) Ainsi qu’il ressort du rapport d’évaluation de l’Abraxane adopté par le comité des médicaments à usage humain de l’EMA (ci‑après le « CHMP ») (EMEA/47053/2008, p. 3), l’AMM de ce médicament a été délivrée au terme de la procédure centralisée d’autorisation sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne
les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant [l’EMA] (JO 2004, L 136, p. 1), au motif que ce médicament constituait une innovation significative sur le plan thérapeutique.
( 78 ) Comme l’indique le rapport d’évaluation de l’Abraxane adopté par le CHMP (EMEA/47053/2008, p. 3), la procédure d’autorisation de l’Abraxane a impliqué une demande complète d’AMM au titre de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83.
( 79 ) Cette problématique a notamment fait l’objet, sur commande de la Commission, d’une étude de Copenhagen Economics, intitulée Study on the economic impact of supplementary protection certificates, pharmaceutical incentives and rewards in Europe, dont le rapport final publié en mai 2018 est disponible sur le site Internet https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/human‑use/docs/pharmaceuticals_incentives_study_en.pdf.
( 80 ) Voir Technopolis Group, Effects of supplementary protection mechanisms for pharmaceutical products, rapport final publié le 15 juin 2018, disponible sur le site Internet http://www.technopolis‑group.com/report/effects‑of‑supplementary‑protection‑mechanisms‑for‑pharmaceutical‑products/, p. 87 à 90 ainsi que p. 156 et 157. Voir, également, de Boer, R. W., Supplementary protection certificate for medicinal products : An assessment of European regulation, Université libre d’Amsterdam, étude
commissionnée par le Ministerie van Volksgezondheid, Welzijn en Sport (ministère de la santé, du bien‑être et des sports, Pays‑Bas), disponible sur le site Internet http://www.spcwaiver.com/files/Netherlands_SPC_assessment.pdf, p. 36 ainsi que p. 44 à 46.
( 81 ) Rapport Max‑Planck, p. 237 et 238 ainsi que p. 630 et 631.
( 82 ) Selon l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/83, « le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence qui est ou a été autorisé au sens de l’article 6 depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans [l’Union] ». L’article 10, paragraphe 5, de cette directive prévoit une année supplémentaire de protection des données en cas de présentation
d’une demande d’autorisation d’une nouvelle indication thérapeutique concernant laquelle des études précliniques ou cliniques significatives ont été effectuées. S’agissant des médicaments autorisés à l’issue de la procédure centralisée instituée par le règlement no 726/2004, l’article 14, paragraphe 11, de ce règlement accorde une année supplémentaire de protection des données si le titulaire de l’AMM obtient, au cours des huit premières années d’exclusivité commerciale, une autorisation pour une
nouvelle indication thérapeutique présentant un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes.
( 83 ) L’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2001/83 dispose qu’« [u]n médicament générique autorisé en vertu de la présente disposition ne peut être commercialisé avant le terme de la période de dix ans suivant l’autorisation initiale du médicament de référence ». Le quatrième alinéa de cette disposition prévoit une année supplémentaire d’exclusivité commerciale lorsque le titulaire de l’AMM obtient, au cours des huit premières années d’exclusivité commerciale, une
autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle apportant un avantage clinique important par rapport aux thérapies existantes.
( 84 ) Pour les médicaments contenant une nouvelle association de principes actifs entrant séparément dans la composition de médicaments déjà autorisés, l’article 10 ter de la directive 2001/83 exige la soumission des résultats d’essais précliniques et cliniques relatifs à cette association conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous i), de cette directive. La documentation scientifique relative à chaque principe actif individuel ne doit pas être fournie. Voir, également, avis aux demandeurs
d’AMM, p. 38.
( 85 ) Voir annexe I, deuxième partie, de la directive 2001/83.
( 86 ) La procédure d’autorisation d’un médicament générique, dite « procédure abrégée », est prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83.
( 87 ) Voir avis aux demandeurs d’AMM, p. 33 et 34.
( 88 ) Voir note 78 des présentes conclusions.
( 89 ) Arrêt Neurim, point 33.
( 90 ) Arrêt du 28 juillet 2011 (C‑195/09, EU:C:2011:518, point 47).
( 91 ) Voir, en ce sens, notamment, rapport Max‑Planck, p. 238.
( 92 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2018 modifiant le [règlement no 469/2009], COM(2018) 317 final.
( 93 ) Le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission n’ont pas indiqué si, selon eux, le test du champ de la protection du brevet de base s’applique lorsque la nouvelle « utilisation thérapeutique » protégée par le brevet désigne l’usage du produit pour une nouvelle indication thérapeutique ou, plus largement, lorsqu’est en cause toute nouvelle utilisation thérapeutique au sens de l’article 54 (5) de la CBE (voir points 61 et 62 des présentes conclusions). Étant donné que ces parties intéressées
n’ont pas fait référence à la notion large d’« utilisation thérapeutique » au sens de cette disposition, je comprends leur position comme préconisant plutôt la première de ces approches.
( 94 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214).
( 95 ) Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291).
( 96 ) Voir points 52 et suiv. des présentes conclusions.
( 97 ) Voir points 61 et 62 des présentes conclusions.
( 98 ) D’une part, s’agissant des indications thérapeutiques d’un médicament, celles‑ci renvoient à des réalités diverses, incluant le traitement de maladies, de symptômes ou de groupes de patients déterminés. Le développement d’une nouvelle indication thérapeutique d’un médicament peut, selon les cas, apporter ou non un avantage significatif par rapport aux thérapies existantes (voir notes 82 et 83 des présentes conclusions). D’autre part, comme l’illustrent les faits du litige au principal,
certaines formulations nouvelles d’un principe actif déjà autorisé, notamment dans le secteur des nanomédicaments, améliorent considérablement, en termes de sécurité ou d’efficacité, le traitement des mêmes pathologies que celles soignées au moyen des formulations existantes de ce principe actif. Au demeurant, une formulation nouvelle d’un produit connu, protégée par un brevet pour une application thérapeutique très générale, sans que ce brevet en mentionne spécifiquement l’usage pour des
indications thérapeutiques déterminées, peut être utilisée pour des indications thérapeutiques non couvertes par l’AMM antérieure du produit. Selon Abraxis, tel serait le cas du nab‑paclitaxel dans la mesure où l’AMM de l’Abraxane mentionne parmi ses indications thérapeutiques le traitement du cancer du pancréas (cette indication n’étant, je le rappelle, pas spécifiquement évoquée dans le brevet de base, dont la revendication 32 couvre la formulation en cause pour toute « utilisation dans
l’élimination de cellules cancéreuses »).
( 99 ) Voir points 79 et 80 des présentes conclusions.
( 100 ) Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑31/03, EU:C:2004:641, points 18 à 20).
( 101 ) Voir, également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Pharmacia Italia (C‑31/03, EU:C:2004:278, points 49 et 50).
( 102 ) Voir points 78 à 83 des présentes conclusions.
( 103 ) L’inverse n’est pas vrai : le demandeur d’une AMM pour un médicament vétérinaire qui contient un principe actif entrant dans la composition d’un médicament humain autorisé en application de la directive 2001/83 peut se référer à certaines données fournies dans la demande d’AMM de ce dernier médicament (voir annexe I, titre I, point C, de la directive 2001/82).
( 104 ) Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, EU:C:2007:214).
( 105 ) Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑31/03, EU:C:2004:641, points 11 et 20).