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18/09/2018 | CJUE | N°T-702/16

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, José Barroso Truta e.a. contre Cour de justice de l'Union européenne., 18/09/2018, T-702/16


ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

18 septembre 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels – Pensions – Transfert vers le régime de pension de l’Union de droits à pension acquis antérieurement au titre de régimes nationaux – Préjudice résultant de l’information prétendument insuffisante fournie aux requérants par l’AHCC lors de la transmission des propositions de bonification d’annuités les concernant – Rejet du recours en indemnité en première instance – Article 77, quatrième alinéa, du statut –

Préjudice matériel »

Dans l’affaire T‑702/16 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tr...

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

18 septembre 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels – Pensions – Transfert vers le régime de pension de l’Union de droits à pension acquis antérieurement au titre de régimes nationaux – Préjudice résultant de l’information prétendument insuffisante fournie aux requérants par l’AHCC lors de la transmission des propositions de bonification d’annuités les concernant – Rejet du recours en indemnité en première instance – Article 77, quatrième alinéa, du statut – Préjudice matériel »

Dans l’affaire T‑702/16 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 20 juillet 2016, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (F‑126/15, EU:F:2016:159), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

José Barroso Truta, agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Bofferdange (Luxembourg),

Marc Forli, agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Lexy (France),

Calogero Galante, agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Aix-sur-Cloie (Belgique),

Bernard Gradel, agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Konacker (France),

représentés par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

parties requérantes,

contre

Cour de justice de l’Union européenne, représentée par MM. J. Inghelram et Á. Almendros Manzano, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Van der Woude, président, H. Kanninen et D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 février 2018,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, les requérants, MM. José Barroso Truta, Marc Forli, Calogero Galante et Bernard Gradel, agents contractuels du groupe de fonctions I, engagés à durée indéterminée et affectés à la direction générale (DG) de l’administration de la Cour de justice de l’Union européenne, anciennement appelée DG « Infrastructures », demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 20 juillet 2016, Barroso Truta e.a./Cour de justice de
l’Union européenne (F‑126/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2016:159). Par cet arrêt, le Tribunal de la fonction publique a rejeté leur recours tendant à la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne à les indemniser de la perte de leurs droits à pension, acquis antérieurement à leur entrée en service auprès de ladite institution au titre de régimes nationaux de pension, et transférés vers le régime de pension de l’Union européenne.

Cadre juridique et faits à l’origine du litige

Cadre juridique

2 Le chapitre 3 du titre V du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2014, s’intitule « Pensions et allocation d’invalidité ». Son article 77 dispose :

« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté […]

Le montant maximum de la pension d’ancienneté est fixé à 70 % du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. 1, 80 % de ce dernier traitement de base est acquis au fonctionnaire pour chaque année de service calculée conformément à l’article 3 de l’annexe VIII.

[…]

Le montant de la pension d’ancienneté ne peut être inférieur à 4 % du minimum vital par année de service.

Le droit à pension d’ancienneté est acquis à l’âge de 66 ans.

[…] »

3 Selon l’article 6 de l’annexe VIII du statut, « [l]e minimum vital pris en considération pour le calcul des prestations correspond au traitement de base d’un fonctionnaire au premier échelon du grade AST 1 ».

4 Dans sa version antérieure, applicable du 1er mai 2004 au 31 décembre 2013, l’article 77 du statut prévoyait que « 1,90 % [du] dernier traitement de base [afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an était] acquis au fonctionnaire pour chaque année de service » et que le droit à pension d’ancienneté était en principe acquis à l’âge de 63 ans.

5 L’article 2 de l’annexe VIII du statut dispose ce qui suit :

« La pension d’ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire. Chaque année prise en compte dans les conditions fixées à l’article 3 ci-dessous donne droit au bénéfice d’une annuité, chaque mois entier au douzième d’une annuité.

Le nombre maximum des annuités susceptibles d’être prises en compte pour la constitution du droit à pension d’ancienneté est fixé au nombre nécessaire pour atteindre le maximum de pension, au sens de l’article 77, deuxième alinéa du statut. »

6 Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut :

« Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir :

– cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

– exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du
capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

[…] »

7 L’article 109 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») dispose :

« 1.   Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent contractuel a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ, dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et de l’annexe VIII du statut […]

2.   L’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut s’applique par analogie au personnel contractuel.

[…] »

8 Selon l’article 110 du RAA :

« La période de service comme agent contractuel de l’Union est prise en compte pour le calcul des annuités de sa pension d’ancienneté dans les conditions prévues à l’annexe VIII du statut. »

9 Enfin, selon l’article 7, paragraphe 6, de la décision du comité administratif de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 octobre 2011, portant dispositions générales d’exécution relatives aux articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, « [l]e nombre d’annuités à prendre en compte [pour la bonification après transfert] ne peut en aucun cas dépasser le nombre d’annuités durant lesquelles l’intéressé avait été affilié aux régimes concernés » et « [l]’excédent pécuniaire éventuel résultant
du plafonnement des annuités est remboursé à l’agent concerné ».

Faits à l’origine du litige

10 Le Tribunal de la fonction publique a exposé les antécédents du litige aux points 8 à 48 de l’arrêt attaqué. Ces points sont, pour l’essentiel, repris ci-après.

Sur les demandes de transfert des droits à pension

11 Les requérants ont introduit, entre 2006 et 2010, au titre de l’article 11, paragraphe 2, du statut, des demandes de transfert des droits à pension qu’ils avaient antérieurement acquis auprès de différents organismes luxembourgeois, français et belges.

12 L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de la Cour de justice de l’Union européenne a transmis aux requérants des propositions de bonification d’annuités de pension en les priant de vérifier soigneusement les éléments pris en considération et en les invitant, « [p]our avoir des explications sur le calcul et pour discuter de l’opportunité pour [eux] de procéder ou non au transfert […] à contacter [les responsables désignés de la direction des ressources
humaines et de l’administration du personnel de la DG « Personnel et finances » de la Cour de justice de l’Union européenne] ».

13 À cet égard, l’AHCC attirait l’attention des requérants sur le fait que « [l]es effets statutaires de la bonification d’annuités accordée au titre [des propositions en cause relevaient] des modalités du régime de pension de la fonction publique européenne en vigueur lors de la liquidation des droits à pension, étant entendu que le nombre d’annuités bonifiées en application du régime de transfert ne serait pas modifié », que « [l]a proposition officielle de bonification ne deviendrait effective
qu’après réception de la totalité du montant à transférer » et que « [l]a bonification ainsi obtenue [n’entrait] pas en ligne de compte pour le calcul de la période minimum de service à effectuer, soit dix années, ouvrant droit à une pension de la fonction publique européenne, selon l’article 77 du statut […] » (arrêt attaqué, points 11, 12, 16, 21 et 27).

14 Les requérants ont procédé aux démarches nécessaires afin que soit effectué le transfert de la totalité, pour certains, et d’une partie, pour d’autres, des droits qu’ils avaient acquis sous les différents régimes de pension nationaux dont ils dépendaient antérieurement à leur entrée en service auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt attaqué, points 13, 18, 23, 29 et 30). Ainsi qu’il est, à cet égard, indiqué dans l’arrêt attaqué, les services compétents de la Cour de justice de
l’Union européenne ont adopté des décisions clôturant la procédure de transfert des droits à pension nationaux des requérants (ci-après, prises dans leur ensemble, les « décisions de bonification d’annuités »).

15 Plus particulièrement, par note du 16 février 2012, le chef d’unité « Droits statutaires » a informé M. Barroso Truta que, à la suite du transfert du capital correspondant aux droits à pension qu’il avait acquis antérieurement, à savoir 61121,08 euros, l’AHCC avait procédé à un nouveau calcul du nombre d’annuités bonifiées au titre du transfert de ces droits vers le régime de pension de l’Union, lequel conduisait désormais à la reconnaissance, dans ledit régime, d’une durée de cotisation de 8 ans
et 24 jours (arrêt attaqué, point 14).

16 Par notes du 16 février 2012, du 8 avril 2013 et du 25 juillet 2014, le chef de l’unité « Droits statutaires » a informé M. Forli que, à la suite du transfert des montants en capital correspondant aux droits à pension qu’il avait acquis auprès de différents organismes nationaux, l’AHCC avait procédé à un nouveau calcul du nombre d’annuités bonifiées au titre du transfert de ces droits vers le régime de pension de l’Union, lequel conduisait désormais à la reconnaissance, dans ledit régime, de
durées de cotisation de 15 ans et 18 jours, de 6 jours et de 1 an et 23 jours (arrêt attaqué, point 19).

17 Par notes du 13 novembre 2009 et du 6 décembre 2010, l’unité « Droits statutaires » a informé M. Galante que l’AHCC avait procédé à un nouveau calcul du nombre d’annuités bonifiées au titre des transferts des droits qu’il avait acquis antérieurement, auprès de différents organismes nationaux, vers le régime de pension de l’Union, lequel conduisait désormais à la reconnaissance, dans le régime de pension de l’Union, de durées de cotisation de 4 ans et 1 mois, assortie d’un remboursement à
M. Galante d’un montant de 7626,50 euros, et de 10 ans, 4 mois et 5 jours (arrêt attaqué, point 25).

18 Par notes, d’une part, du 20 décembre 2006, annulée et remplacée par une note du 21 décembre 2009, et, d’autre part, du 18 octobre 2011, l’unité « Droits statutaires » a informé M. Gradel que, à la suite du transfert du capital correspondant aux droits à pension qu’il avait acquis auprès de différents organismes nationaux, l’AHCC avait procédé à un nouveau calcul du nombre d’annuités bonifiées au titre du transfert de ces droits vers le régime de pension de l’Union, lequel conduisait désormais à
la reconnaissance, dans ce régime, de durées de cotisation de 16 ans, assortie d’un remboursement à M. Gradel d’un montant de 14235,11 euros, de 3 ans, 2 mois et 20 jours et de 2 ans, 3 mois et 5 jours (arrêt attaqué, point 31).

Sur la réunion du 12 avril 2012 et les demandes d’information formulées par les requérants

19 Après avoir reçu, le 9 mars 2012, un courriel, envoyé à l’ensemble du personnel par la direction des ressources humaines et de l’administration du personnel de la Cour de justice de l’Union européenne, au sujet de l’actualisation de son outil de simulation des droits à pension des fonctionnaires appelé « calculette pension », les requérants auraient utilisé cet outil et découvert que le montant de leurs pensions respectives ne serait pas influencé à la hausse du fait des transferts de droits à
pension auxquels ils avaient procédé. En d’autres termes, selon les requérants et l’estimation ainsi obtenue, le montant de leurs pensions respectives, lors de leur départs à la retraite, aurait été en substance identique, indépendamment des transferts de leurs droits à pensions acquis antérieurement au titre des différents régimes nationaux (arrêt attaqué, points 32 et 33).

20 Au cours du mois d’avril 2012, MM. Barroso Truta et Forli ont, lors d’une réunion dont ils avaient sollicité la tenue, rencontré le chef de l’unité « Droits statutaires ». Lors de cette réunion, le chef de ladite unité leur aurait expliqué la portée, dans leur cas, de l’application de la règle qui ressort, notamment, de l’article 77, quatrième alinéa, du statut (ci-après la « règle du minimum vital »).

21 Lors de la réunion susmentionnée, les requérants auraient également été informés de l’impossibilité de procéder, en principe, à un reversement vers les organismes nationaux concernés des droits à pension déjà transférés vers le régime de pension de l’Union. Le chef de ladite unité serait convenu avec les deux intéressés qu’il contacterait les services de la Commission européenne pour examiner s’ils avaient eu à connaître de cas similaires et comment ils les avaient traités (arrêt attaqué,
point 34).

22 Ainsi qu’il est indiqué au point 35 de l’arrêt attaqué, il ressort d’un courriel du 11 février 2015 du chef de l’unité « Droits statutaires », temporairement affecté à d’autres fonctions au sein de la Cour de justice de l’Union européenne, que, lors de la réunion susmentionnée, les deux requérants mentionnés au point 20 ci-dessus l’auraient informé qu’ils avaient participé à une réunion organisée par un syndicat à l’initiative de M. Galante qui les aurait informés, à l’époque, de l’urgence
d’effectuer le transfert de leurs droits à pension au risque d’une perte de droit.

23 Par lettre du 23 avril 2012, MM. Barroso Truta et Forli ont, au titre de l’article 25 du statut, demandé au directeur général de la DG « Personnel et finances » de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après le « directeur général ») d’examiner la possibilité de reverser aux organismes nationaux concernés les montants transférés en leurs noms vers le régime de pension de l’Union (arrêt attaqué, point 36).

24 Le 26 avril 2012, MM. Barroso Truta et Forli ont demandé à l’un des organismes concernés par la présente affaire, à savoir la caisse nationale d’assurance pension du Luxembourg (CNAP), d’annuler leurs demandes de transfert de droits à pension et de reconstituer les droits qu’ils avaient antérieurement acquis auprès de cet organisme. Par lettres respectives du 7 mai 2012, la CNAP a refusé de faire droit à ces demandes en soulignant, en substance, que les transferts des droits à pension effectués
avaient un caractère définitif (arrêt attaqué, point 37).

25 Le 3 septembre 2012, M. Galante a, au titre de l’article 25 du statut, demandé au directeur général d’examiner la possibilité pour la Cour de justice de l’Union européenne de reverser le montant en capital transféré, au titre des droits qu’il avait acquis antérieurement, par la CNAP. Ce requérant s’est également directement adressé à la CNAP à ce sujet. Par mémorandum du 27 septembre 2012, le directeur général a fait savoir à M. Galante qu’il ne pouvait pas donner une suite favorable à sa demande
(arrêt attaqué, points 38 et 39).

26 Le 5 février 2013, le directeur général a informé MM. Barroso Truta et Forli que l’AHCC avait contacté à deux reprises la CNAP aux fins de l’examen de leurs situations respectives, mais que, les 20 juillet et 17 août 2012, cet organisme national lui avait indiqué son refus d’accepter un reversement par la Cour de justice de l’Union européenne des droits à pension acquis antérieurement par ces deux requérants qu’il avait transférés vers le régime de pension de l’Union. Ces refus ont à nouveau été
confirmés par la CNAP le 7 janvier 2013 (arrêt attaqué, point 40).

Sur la procédure précontentieuse

27 Par lettres du 16 avril 2014 rédigées en des termes analogues, les requérants ont, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, présenté des demandes tendant à ce que l’AHCC répare les préjudices financiers qu’ils auraient subis en conséquence des transferts de leurs droits à pension respectifs vers le régime de pension de l’Union. À l’appui de leurs demandes, ils faisaient valoir, en substance, que, en application de l’article 77, quatrième alinéa, du statut et, plus particulièrement, de
la règle du minimum vital, dont ils ignoraient l’existence lorsqu’ils ont, chacun, accepté de procéder au transfert de leurs droits à pension acquis antérieurement, seules les années de service effectuées auprès de la Cour de justice de l’Union européenne allaient être prises en compte pour le calcul de leur pension. Ainsi, les annuités qu’ils avaient, chacun, obtenues au titre des transferts de leurs droits n’auraient pas, selon eux, d’impact sur le montant de leurs pensions respectives à venir.
Les requérants soulignaient que, s’ils avaient été dûment informés par l’AHCC de l’existence du montant plancher de la pension d’ancienneté devant correspondre, au minimum, à 4 % du minimum vital par année de service, ils auraient renoncé à transférer leurs droits à pension acquis antérieurement, tout en conservant, par ailleurs, leurs droits à pension nationaux, leur permettant, le cas échéant, de prétendre à des pensions nationales (arrêt attaqué, point 41).

28 Les requérants considéraient que l’AHCC avait commis une faute de service en ne leur fournissant pas d’informations suffisantes sur l’absence d’impact, dans leurs cas spécifiques, des bonifications d’annuités qu’ils étaient susceptibles d’obtenir au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut sur le montant de leurs pensions d’ancienneté à venir. Ils demandaient, par conséquent, l’indemnisation par l’AHCC de préjudices matériels correspondant aux montants en capital des droits
à pension nationaux transférés, selon eux en pure perte, vers le régime de pension de l’Union. Les montants revendiqués et à majorer d’intérêts moratoires étaient, pour M. Barroso Truta, de 61121,08 euros ; pour M. Forli, de 129440,98 euros au total ; pour M. Galante, de 76324,29 euros au total, et, pour M. Gardel, de 99565,13 euros au total (arrêt attaqué, point 42).

29 Par note du 3 septembre 2014, le directeur général a, tout en « regrett[ant] qu[e les requérants] se retrouv[ent] dans la situation qui [était] la leur », rejeté en sa qualité d’AHCC leurs demandes du 16 avril 2014. Selon cette décision de rejet, il n’y aurait pas eu de faute de service commise de la part de l’AHCC quant au niveau d’informations qu’elle avait fournies aux requérants lorsqu’elle leur avait soumis les propositions de bonification d’annuités les concernant (arrêt attaqué, point 43).

30 Le directeur général soulignait, plus spécifiquement, qu’il n’y avait aucun doute sur le fait que, s’ils avaient accepté l’invitation qui leur avait été faite, en « langage assez directif », dans les mémorandums accompagnant les propositions de bonifications d’annuités en cause, de contacter l’unité « Droits statutaires », les requérants auraient obtenu des éclaircissements quant au fonctionnement du mécanisme lié à la règle du minimum vital et, comme cela serait d’usage dans de tels cas,
l’administration aurait effectué des simulations du montant de leurs pensions à venir avec ou sans transfert, ce qui aurait mis en évidence l’effet de la règle du minimum vital dans leurs cas respectifs (arrêt attaqué, point 44).

31 Le directeur général expliquait que, en tout état de cause, toute appréciation quant à l’utilité de procéder ou non à un transfert de droits à pension acquis au titre d’un régime national était soumise à des incertitudes, notamment parce qu’elle se fondait sur des conditions, y compris statutaires, qui pouvaient évoluer au cours du temps. Il soulignait qu’il n'était ainsi pas exclu que les requérants soient amenés, au cours de leurs carrières respectives, à accéder à d’autres grilles de
rémunération, telles que celles des groupes de fonction supérieurs des agents contractuels ou celles des fonctionnaires et agents temporaires. De la même manière, le législateur de l’Union pourrait envisager, à l’avenir, une modification du montant du minimum vital, tandis que, au niveau national, des règles anticumul pourraient être introduites (arrêt attaqué, point 45).

32 Le directeur général aboutissait à la conclusion que, « [d]ans un tel contexte, le choix d’effectuer ou non un transfert de droits à pension [reposait] sur un partage de responsabilités dans lequel l’administration se [mettait] à la disposition de l’intéressé et [fournissait], à sa demande, les informations dont elle [avait] connaissance ou [qu’elle pouvait] obtenir et dans lequel l’intéressé, pour sa part, en tant que premier concerné, [s’assurait] de son information complète et correcte avant
d’exercer son choix » (arrêt attaqué, point 46).

33 Le 21 novembre 2014, les requérants ont introduit, par des notes en substance identiques, des réclamations au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du directeur général du 3 septembre 2014 portant rejet de leurs demandes respectives du 16 avril 2014 (arrêt attaqué, point 47).

34 Par décisions du 17 juin 2015 rédigées en des termes analogues, le comité chargé des réclamations de la Cour de justice de l’Union européenne a rejeté les réclamations susmentionnées (arrêt attaqué, point 48).

Procédure en première instance et arrêt attaqué

35 Le 25 septembre 2015, les requérants ont introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique, enregistré sous la référence F‑126/15, dans lequel ils concluaient, à titre principal, à la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne à verser, à tout fonds de pension national ou assurance les montants respectivement de 61121,08 euros pour M. Barroso Truta, de 129440,98 euros pour M. Forli, de 76324, 29 euros pour M. Galante et de 99565,13 euros pour M. Gradel. À titre
subsidiaire, les requérants demandaient la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne à leur verser lesdits montants. À titre encore plus subsidiaire, les requérants demandaient au Tribunal de la fonction publique de constater que la Cour de justice de l’Union européenne avait commis une faute de service à l’occasion du transfert de leurs droits à pension nationaux acquis antérieurement. Enfin, les requérants demandaient la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne
aux dépens.

36 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a conclu, à titre principal, au rejet du recours comme étant irrecevable. Il a, plus particulièrement, constaté que le comportement reproché à l’AHCC en l’espèce, à savoir une information insuffisante fournie aux requérants lors de la transmission des propositions de bonification d’annuités les concernant, n’était pas détachable de la procédure ayant conduit à l’adoption des décisions finales portant reconnaissance de bonification
d’annuités, une procédure qui comprenait plusieurs étapes (arrêt attaqué, point 66). Or, dans la mesure où les décisions finales de l’AHCC portant reconnaissance de bonification d’annuités dans le régime de pension de l’Union à la suite des transferts des droits à pension acquis antérieurement par les requérants constituaient des actes faisant grief, elles auraient pu être contestées par la voie d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut et, le cas échéant, d’un recours
au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91, paragraphe 2, du statut (arrêt attaqué, point 67). À l’appui d’un tel recours, les requérants auraient pu invoquer que le consentement qu’ils avaient donné aux propositions de bonification de leurs droits à pension avait été vicié par un prétendu défaut d’information de la part de l’AHCC. Selon le Tribunal de la fonction publique, ce comportement se rattachait aux actes préparatoires des décisions finales de bonification d’annuités concernant les
requérants et ne pouvait ainsi pas faire l’objet d’un recours indépendant, de sorte qu’il devait être contesté à l’occasion d’un éventuel recours dirigé contre les décisions finales susmentionnées (arrêt attaqué, point 68).

37 En rappelant, d’une part, la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire ou agent qui a omis d’attaquer des actes lui faisant grief en introduisant, en temps utile, une réclamation et, ensuite, un recours en annulation ne saurait réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours par le biais d’une demande en indemnité introduite ultérieurement et dont l’objet est clairement d’obtenir un résultat pécuniaire identique à celui qui aurait résulté d’une action, en temps utile,
en annulation contre ces actes (voir arrêt attaqué, points 60 à 63 et jurisprudence citée) et en constatant, d’autre part, que les requérants avaient omis de contester la légalité des décisions finales mentionnées au point 36 ci-dessus, le Tribunal a conclu à l’irrecevabilité du recours.

38 À titre surabondant, le Tribunal de la fonction publique a examiné également le fond de la demande présentée devant lui. En premier lieu, après avoir rappelé les conditions de l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union (arrêt attaqué, point 72), il a considéré que, « même s’il aurait pu être de meilleure administration que l’AHCC eût formulé ses propositions de bonification d’annuités en attirant l’attention des agents contractuels concernés sur la portée de l’article 77,
quatrième alinéa, du statut, il ne saurait être raisonnablement attendu d’une administration diligente qui, comme en l’espèce, a traité des centaines de demandes de transfert de droits à pension […] entre 2008 et 2010, qu’elle formule chacune de ses propositions en anticipant les conséquences, pour chacun des fonctionnaires et agents concernés, des transferts de leurs droits à pension respectifs » (arrêt attaqué, point 74). Le Tribunal de la fonction publique a, ainsi, considéré que l’AHCC a pu,
dans le cas d’espèce, s’acquitter de son devoir de sollicitude, dans le respect du principe de bonne administration (arrêt attaqué, point 75).

39 À cet égard, d’une part, le Tribunal de la fonction publique a également tenu compte du fait que les requérants « ont rapidement demandé le transfert dans le régime de pension de l’Union de leurs droits à pension nationaux respectifs, puis confirmé lesdites demandes », « sans juger utile de contacter préalablement l’administration pour les éclairer dans leurs décisions respectives », alors que l’AHCC les avaient invités, dans ses propositions, à la contacter « [p]our avoir des explications sur le
calcul et pour discuter de l’opportunité pour [eux] de procéder ou non au[x] transfert[s en cause] » (arrêt attaqué, points 75 et 76).

40 D’autre part, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que, selon la jurisprudence, tout fonctionnaire était censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération ou sa pension d’ancienneté (voir arrêt attaqué, point 77 et jurisprudence citée). Au vu de cette jurisprudence, tout en tenant compte du fait que « les requérants, compte tenu de leurs fonctions respectives, [n’étaient] pas nécessairement les plus informés en la matière », le Tribunal de la
fonction publique a constaté que le libellé des dispositions pertinentes était « relativement clair » et qu’il aurait dû « à tout le moins, inciter les requérants à s’enquérir de [la question en cause en l’espèce] auprès de leur administration » (arrêt attaqué, point 78).

41 En second lieu, le Tribunal de la fonction publique a conclu que les requérants n’avaient pas établi la réalité et la certitude des préjudices invoqués, qu’il a qualifiés exclusivement de matériels. D’une part, il a, ainsi, constaté que les requérants avaient « encore vocation à poursuivre leurs carrières respectives au sein de la Cour de justice de l’Union européenne ou de toute autre institution de l’Union et que, partant, il ne saurait être exclu que, certains d’entre eux, voire tous, accèdent
ultérieurement à un emploi d’agent temporaire ou de fonctionnaire, catégorie d’emploi qui leur permettrait alors […] de voir leurs futures pensions d’ancienneté respectives, au taux maximal de 70 % de leur dernier traitement de base, dépasser le montant résultant de l’application de l’article 77, quatrième alinéa, du statut ». Dans une telle hypothèse, « aucun préjudice ne saurait […] être […] causé [aux requérants] en raison de leurs décisions de transférer leurs droits à pension » (arrêt
attaqué, point 81).

42 D’autre part, il n’était pas certain que, au moment où les requérants auraient atteint l’âge légal de départ à la retraite, « la portée et les conditions d’application de la règle prévue à l’article 77, quatrième alinéa, du statut ser[aient] nécessairement les mêmes » qu’au moment du prononcé de l’arrêt attaqué, « étant rappelé que le législateur de l’Union peut, à tout moment, modifier les droits et les obligations des fonctionnaires et agents de l’Union au moyen de règlements, adoptés en vertu
de l’article 336 TFUE, portant modifications du statut et du RAA, lesquelles s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne » (voir arrêt attaqué, point 82 et jurisprudence citée).

43 Enfin, en faisant application des articles 101 et 102 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, le Tribunal de la fonction publique a, au vu du comportement de l’AHCC en l’espèce, notamment le fait qu’elle n’avait pas, au stade de la réponse à la réclamation, attiré l’attention des requérants sur le caractère irrecevable de leurs demandes indemnitaires, condamné la Cour de justice de l’Union européenne à supporter tant ses propres dépens que les dépens exposés par les
requérants.

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

44 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2016, les requérants ont formé le présent pourvoi. Le 20 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a déposé un mémoire en réponse.

45 La procédure écrite a été clôturée, après le dépôt de la réplique le 22 février 2017 et de la duplique le 20 avril 2017.

46 Par lettre du 15 mai 2017, les requérants ont formulé une demande motivée, au titre de l’article 207, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’être entendus dans le cadre de la phase orale de la procédure.

47 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a fait droit à la demande des requérants et a ouvert la phase orale de la procédure.

48 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable en l’espèce en vertu de l’article 213, paragraphe 1, dudit règlement, le Tribunal a posé aux parties, le 19 décembre 2017, des questions pour réponse écrite. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

49 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 février 2018.

50 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’arrêt attaqué ;

– statuant au fond, condamner la Cour de justice de l’Union européenne à verser 61121,08 euros au nom de M. Barroso Truta, 129440,98 euros au nom de M. Forli, 76324,29 euros au nom de M. Galante et 99565,13 euros au nom de M. Gradel « à tout fonds ou assurance au nom des requérants » ;

– à titre subsidiaire, condamner la Cour de justice de l’Union européenne à verser les sommes susvisées aux requérants, majorées d’intérêts « composés au taux de 3,1 % l’an à compter de la date du transfert des droits à pension [vers le régime de pension de l’Union] » ;

– condamner la Cour de justice de l’Union européenne aux dépens des deux instances.

51 La Cour de justice de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le pourvoi comme étant en partie irrecevable et, en partie, non fondée ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé dans son ensemble ;

– condamner les requérants aux dépens.

Sur le pourvoi

52 À l’appui du pourvoi contre l’arrêt attaqué, les requérants invoquent deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal de la fonction publique a conclu, à titre principal, à l’irrecevabilité de leur recours. Le second moyen porte sur le fond du litige et est, plus particulièrement, tiré de l’erreur de droit qu’aurait commis le Tribunal de la fonction publique en considérant, à titre surabondant, d’une part, que l’AHCC n’avait pas, en l’espèce, commis de faute de
service à l’occasion de la communication des propositions de bonification d’annuités aux requérants et, d’autre part, que le préjudice invoqué par les requérants n’était qu’hypothétique.

Sur le premier moyen

53 Il ressort des écritures des requérants que, par leur premier moyen, ils reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en considérant que leur recours introduit en première instance devait être déclaré irrecevable. Ils soutiennent, de plus, qu’ils n’avaient pas invoqué, devant le Tribunal de la fonction publique, uniquement un préjudice matériel, mais, également, un préjudice moral.

54 À cet égard, la Cour de justice de l’Union européenne prétend que, dans la mesure où un tel préjudice moral n’avait pas été invoqué en première instance, toute argumentation qui y est afférente devrait être rejetée comme étant irrecevable. Il convient, dès lors, d’examiner, d’abord, la nature exacte du préjudice invoqué par les requérants en première instance.

Sur la nature du préjudice invoqué par les requérants en première instance

55 Ainsi que le relève à juste titre la Cour de la justice de l’Union européenne, selon la jurisprudence, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant le Tribunal un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal de la fonction publique reviendrait à l’autoriser à saisir le Tribunal, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal de la fonction publique. Dans le cadre d’un pourvoi, la
compétence du Tribunal est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (voir arrêt du 13 mai 2016, CX/Commission, T‑496/15 P, EU:T:2016:305, point 46 et jurisprudence citée).

56 En l’espèce, il ressort de l’examen du dossier de première instance que, par leurs écritures, les requérants n’invoquaient qu’un préjudice matériel et qu’ils n’ont pas invoqué, devant le Tribunal de la fonction publique, de grief tiré d’un éventuel préjudice moral qu’ils auraient subi. En effet, il y a lieu de relever que, dans leur recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique, les requérants ne se référaient qu’à la perte de la somme correspondant à leurs droits à pension
transférés versés à la Cour de justice de l’Union européenne.

57 De plus, contrairement à ce que prétendent les requérants au point 27 de la réplique, le Tribunal de la fonction publique n’a aucunement considéré que leur préjudice était constitué, ne serait-ce que partiellement, par l’état d’incertitude dans lequel ils prétendent se trouver. Au contraire, il convient de constater, à l’instar de la Cour de justice de l’Union européenne, que, au point 80 de l’arrêt attaqué, il est spécifiquement indiqué que « les préjudices allégués par les requérants sont
matériels ».

58 Certes, les requérants ont allégué, en première instance, que leur recours était « formé à titre déclaratoire en ce qu’il [visait] à faire constater par le juge de l’Union l’existence de la faute commise par la Cour en vue de leur indemnisation éventuelle ». Ils invoquaient, à cet égard, d’une part, les arrêts du 1er février 1979, Deshormes/Commission (17/78, EU:C:1979:24), et du 26 février 2015, Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2015:124), et, d’autre part, les conclusions de l’avocat général
Kokott dans l’affaire Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2014:2352).

59 Toutefois, il ressort du point 114 et suivants de la requête déposée en première instance que la demande déclaratoire des requérants n’était pas formulée à l’appui des allégations portant sur un prétendu préjudice moral, mais pour l’hypothèse dans laquelle « la perte des droits transférés n[’était] pas, à ce stade, jugée “certaine” ». Cette demande ne portait pas, en effet, sur la nature du préjudice invoqué par les requérants, mais visait plutôt à faire constater l’existence d’une faute par le
Tribunal. Elle ne saurait, ainsi, être considérée comme comportant une demande de réparation du préjudice moral prétendument subi par les requérants.

60 Au vu de cette constatation, la jurisprudence invoquée par les requérants, qui serait, selon eux, susceptible d’établir la possibilité d’introduire, devant le juge de l’Union, une demande déclaratoire (voir point 58 ci-dessus), n’est pas pertinente en l’espèce.

61 Il convient, dès lors, de conclure, conformément à la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, que la demande indemnitaire des requérants doit être considérée comme étant irrecevable en ce qu’elle vise, pour la première fois devant le Tribunal, la réparation du préjudice moral qu’ils prétendent avoir subi.

62 Il y a, ainsi, lieu de conclure que, ainsi qu’il ressort de ce qui a été relevé aux points 55 à 61 ci-dessus, les conclusions présentées par les requérants en première instance visaient la réparation de préjudices exclusivement matériels.

63 Il convient, ensuite, d’examiner les arguments des requérants visant à contester l’irrecevabilité de leur recours à laquelle a conclu, à titre principal, le Tribunal de la fonction publique, par l’arrêt attaqué.

Sur la recevabilité des conclusions des requérants, présentées en première instance, en ce qu’elles visaient la réparation de préjudices matériels

64 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires (ordonnance du 24 mars 1998, Meyer e.a./Cour de justice, T‑181/97, EU:T:1998:64, point 21).

65 La procédure précontentieuse en matière de recours indemnitaire diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la
procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir arrêt du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, EU:T:1997:169, point 57 et jurisprudence citée).

66 Par ailleurs, selon la jurisprudence, le recours en annulation et le recours en indemnité sont des voies autonomes de recours. Les articles 90 et 91 du statut ne faisant aucune distinction entre ces deux recours, en ce qui concerne la procédure tant administrative que contentieuse, le fonctionnaire peut choisir, en raison de l’autonomie de ces voies de droit distinctes, soit l’une, soit l’autre, soit les deux conjointement, à condition de saisir le juge de l’Union dans le délai de trois mois
après le rejet de sa réclamation (voir arrêt du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, EU:T:1991:5, point 36 et jurisprudence citée ; arrêt du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 46).

67 Cependant, la jurisprudence a posé une exception à ce principe, lorsque l’action en indemnité comporte un lien étroit avec l’action en annulation, qui serait ou devrait être, par ailleurs, déclarée irrecevable. Ainsi, les conclusions en indemnité sont irrecevables lorsque l’action en indemnité tend exclusivement à faire réparer les conséquences de l’acte qui était visé dans l’action en annulation qui aurait pu être ou a été déclarée irrecevable, notamment lorsque l’action en indemnité a pour seul
objet de compenser des pertes de rémunération qui n’auraient pas eu lieu si, par ailleurs, l’action en annulation avait pu prospérer ou avait prospéré (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, EU:T:1991:5, points 37 et 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 47). Ainsi, selon cette jurisprudence, un fonctionnaire ou agent qui a omis d’attaquer des actes lui faisant grief en introduisant,
en temps utile, une réclamation et, ultérieurement, un recours en annulation ne saurait réparer cette omission et ménager ainsi de nouveaux délais de recours, par le biais d’une demande en indemnité introduite ultérieurement et dont l’objet est clairement d’obtenir un résultat pécuniaire identique à celui qui aurait résulté d’une action, en temps utile, en annulation contre ces actes (voir ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 45 et jurisprudence citée).

68 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les deux actions, à savoir, d’une part, l’action en annulation et, d’autre part, l’action en indemnité, trouvent leur origine dans des actes ou des comportements différents de l’administration, l’action en indemnité ne saurait être identifiée avec l’action en annulation, même si les deux actions aboutissaient au même résultat pécuniaire pour le requérant (voir arrêt du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, EU:T:1991:5, point 38 et
jurisprudence citée).

69 Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Cocchi et Falcione (T‑103/13 P, EU:T:2015:777), où les parties requérantes visaient l’annulation des propositions de bonification de fixation d’annuités, telles que celles qui avaient été adressées aux requérants dans la présente espèce, le Tribunal a conclu qu’une telle proposition ne constituait pas un acte faisant grief, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, mais un comportement dépourvu de
caractère décisionnel, qui pouvait permettre à l’intéressé de former un recours en réparation du préjudice subi par ce comportement (arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Cocchi et Falcione, T‑103/13 P, EU:T:2015:777, points 73 et 74). En outre, le Tribunal a considéré que, l’assentiment de l’intéressé étant nécessaire pour que ses droits à pension acquis antérieurement, auprès d’un régime autre que celui de l’Union, soient transférés au régime de pension de l’Union, il convenait de considérer
que, si l’intéressé avait donné son consentement audit transfert en se fiant à une proposition de bonification d’annuités qui, à la suite d’une faute attribuable à son institution, s’avérait erronée et trompeuse, ce consentement pouvait être considéré comme étant vicié, ouvrant ainsi le droit à l’intéressé de demander l’annulation de la décision adoptée à la suite de ce transfert, pour renverser les effets de ce dernier (arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Cocchi et Falcione, T‑103/13 P,
EU:T:2015:777, points 75 et 76).

70 Néanmoins, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Cocchi et Falcione (T‑103/13 P, EU:T:2015:777), que, lorsque le comportement prétendument fautif d’une institution se rattache à une procédure telle que la procédure de transfert de droits en cause en l’espèce et est susceptible d’avoir affecté le consentement de l’intéressé, celui-ci ne peut en aucun cas se prévaloir d’un préjudice qu’il aurait subi du fait de ce comportement dans le cadre d’une demande en réparation.

71 Plus spécifiquement, une telle interprétation de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus aurait pour conséquence une limitation excessive du droit des requérants à introduire un recours en réparation du préjudice qu’ils prétendent avoir subi. En effet, un arrêt prononçant l’annulation des décisions de transfert des droits à pension nationaux des requérants aurait pour effet la disparition rétroactive d’actes qui produisent, en principe, des effets positifs pour les requérants, dans la mesure
où ils entraînent à leur égard la reconnaissance, à la suite du transfert en question, des annuités bonifiées.

72 Or les requérants ne remettent pas en cause, en l’espèce, les effets des décisions susmentionnées en tant que tels, à savoir le transfert de leurs droits à pension nationaux et la reconnaissance des annuités bonifiées qui en résulte, mais le comportement de l’administration qui ne leur aurait pas indiqué que les transferts en question n’auraient pas tous les effets qu’ils espéraient. Ainsi, les requérants ne visent pas, par le recours formé en première instance, à faire disparaître les effets des
décisions de transfert en question, mais à faire réparer le préjudice que, selon eux, ils subissent, du fait que les transferts litigieux n’ont pas produit tous les effets juridiques escomptés sur leur situation juridique.

73 Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner si le recours des requérants tendait exclusivement à faire réparer les conséquences des décisions de bonification d’annuités et, notamment, si l’objet de ce recours était d’obtenir un résultat pécuniaire identique à celui qui aurait résulté d’une action, en temps utile, en annulation de ces décisions.

74 Force est de constater que, contrairement à ce qui a été conclu dans l’arrêt attaqué, tel n’est pas le cas en l’espèce.

75 À cet égard, il convient de préciser, d’emblée, que l’objet des décisions de bonification d’annuités concernant les requérants est la reconnaissance d’un certain nombre d’annuités bonifiées à la suite des transferts effectués.

76 Il ne saurait, certes, être exclu que le nombre des annuités reconnues par les décisions de bonification ait pu être moins important que celui espéré par les requérants et que, dans cette mesure, les décisions en question aient pu leur faire grief.

77 Toutefois, tel n’était pas le cas en l’espèce. En effet, par leurs demandes indemnitaires, les requérants ne cherchaient pas à obtenir réparation de préjudices qu’ils auraient subis du fait de la reconnaissance desdites annuités, mais des préjudices résultant prétendument du fait que, malgré cette reconnaissance, ils ne pouvaient ni aspirer à un niveau de pension plus élevé, ni espérer récupérer le capital correspondant à leurs droits à pension nationaux, transféré désormais vers le régime de
pension de l’Union.

78 Il convient, à cet égard, de relever que, selon le point 9 de la réplique en première instance, « les requérants n’avaient aucun intérêt à agir en annulation contre les décisions confirmatives du transfert étant donné qu’elles ne [différaient] pas des propositions sur lesquelles ils avaient marqué leur accord » et que, « [d]ès lors qu’ils ont obtenu exactement ce qu’ils avaient demandé et que le capital transféré a été correctement bonifié, ces décisions […] [étaient] légales ».

79 Par conséquent, il ne saurait être considéré que le recours formé en première instance tend à faire réparer les seules conséquences des décisions de bonification d’annuités les concernant, au sens de la jurisprudence citée aux points 67 et 68 ci-dessus.

80 Certes, par le principal chef des conclusions présentées en première instance, les requérants demandaient le versement à tout fonds de pension national ou assurance les sommes correspondant à leurs droits de pension nationaux ayant été transférés vers le régime de pension de l’Union (voir point 35 ci-dessus).

81 Or, il y a lieu de relever que, même à considérer que, par leur principal chef de conclusions, les requérants tendaient à obtenir un résultat pécuniaire identique à celui qui aurait résulté de l’annulation des décisions litigieuses, il n’en va pas de même s’agissant du chef de conclusions qu’ils ont présenté à titre subsidiaire. En effet, l’annulation des décisions litigieuses ne saurait, en tout état de cause, avoir pour effet le versement aux requérants des sommes correspondant à leurs droits à
pension nationaux, mais seulement la disparition, ex tunc, des décisions de transfert litigieuses et de leurs effets, à savoir de la reconnaissance d’annuités bonifiées, en principe favorable aux requérants et non détachable du transfert de leurs droits à pension nationaux vers le régime de pension de l’Union.

82 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en rejetant, à titre principal, le recours des requérants comme étant irrecevable.

83 Dès lors, il convient d’examiner, à la lumière du second moyen présenté par les requérants, les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal de la fonction publique à titre surabondant.

Sur le second moyen

84 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, EU:C:1987:562, point 30 ; voir, également, arrêt du
12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 102 et jurisprudence citée).

85 Les trois conditions visées au point 84 ci-dessus sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (voir arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 97 et jurisprudence citée).

86 Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse où une faute d’une institution ou d’un organe ou organisme de l’Union est établie, la responsabilité de l’Union ne peut être effectivement engagée que si, notamment, la partie requérante est parvenue à démontrer la réalité de son préjudice (voir arrêt du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 98 et jurisprudence citée).

87 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le second moyen des requérants, qui s’articule en deux branches. Par la première branche de ce moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en jugeant que le comportement de l’AHCC ne saurait être considéré comme étant fautif. Par la seconde branche dudit moyen, ils prétendent que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en considérant que le
préjudice qu’ils prétendent subir n’était pas réel et certain.

88 Il convient de se prononcer, dans un premier temps, sur la seconde branche du présent moyen.

89 Selon les requérants, le seul fait qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge légal du départ à la retraite de sorte qu’ils ignorent si le transfert de leurs droits à pension leur procurera un bénéfice est sans incidence aux fins de l’appréciation du caractère définitif du préjudice qu’ils invoquent à l’appui de leur recours. Ils allèguent, à cet égard, qu’ils ont perdu d’ores et déjà leurs droits nationaux et que leur situation est, aujourd’hui, incertaine. Selon les requérants, ce préjudice résulte
des informations incomplètes et incorrectes qu’ils ont reçues lors de la procédure de transfert de leurs droits nationaux et présente bien un caractère définitif.

90 Par ailleurs, la seule possibilité d’une modification éventuelle de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, voire de sa suppression, serait sans incidence quant à l’appréciation de l’illégalité du comportement reproché à l’AHCC, dans la mesure où cette disposition était bien en vigueur au moment de la communication aux requérants des propositions de bonification d’annuités les concernant.

91 Les requérants soutiennent que leur préjudice matériel est certain, dans la mesure où la règle du minimum vital « ne s’applique pas subsidiairement, mais constitue une garantie applicable à tout calcul de la pension d’un agent ». Ainsi, « il ne peut être établi que la bonification d’annuités […] primera sur cette règle fondamentale à caractère social ». Selon les requérants, il ne peut être établi que leurs droits à pension nationaux produiront un effet sur le niveau de leur pension. Ils
invoquent, à cet égard, les points 27 et 28 de l’arrêt du 6 octobre 2016, Adrien e.a. (C‑466/15, EU:C:2016:749), portant sur la sécurité sociale des travailleurs migrants.

92 La Cour de justice de l’Union européenne conteste l’argumentation des requérants.

93 Il convient, sur ce point, de rappeler que le préjudice dont il est demandé réparation dans le cadre d’un recours indemnitaire doit être réel et certain (voir arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 54 et jurisprudence citée).

94 Néanmoins, les intéressés ne sont pas, selon une jurisprudence constante, empêchés de saisir le juge de l’Union pour faire constater la responsabilité de l’Union pour dommages imminents et prévisibles avec une certitude suffisante, même si le préjudice ne peut pas encore être chiffré avec précision (voir arrêt du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg e.a./Conseil et Commission, 281/84, EU:C:1987:3, point 14 et jurisprudence citée). Dans un tel cas, s’il est établi que les intéressés se seraient
nécessairement trouvés dans une situation meilleure si la faute qu’ils reprochent à la partie défenderesse n’avait pas été commise, il convient de considérer que l’existence du préjudice qu’ils invoquent ne saurait être considérée comme étant hypothétique ou purement éventuelle (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 42).

95 En l’espèce, il existe des éléments relevant du calcul des droits à pension des requérants qui restent, à ce jour et jusqu’à la liquidation desdits droits, incertains. Or, ces éléments seront déterminants, notamment, pour l’application de la règle du minimum vital dans leur cas.

96 En effet, d’une part, le montant du dernier traitement de base que recevront les requérants avant leur départ à la retraite n’est pas certain actuellement. Ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a constaté au point 81 de l’arrêt attaqué, il ne peut pas être exclu que les requérants accèdent ultérieurement à des emplois d’agent temporaire ou de fonctionnaire, ce qui les soustrairait à l’application de la règle du minimum vital.

97 Qui plus est, il n’est pas exclu que les traitements mensuels de base pour le groupe de fonctions auquel appartiennent les requérants soient revus à la hausse, ce qui pourrait avoir la même conséquence pour les intéressés, à savoir les soustraire à l’application de la règle du minimum vital. Par ailleurs, les requérants eux-mêmes soulignent, dans leurs réponses du 17 janvier 2018 aux questions que le Tribunal leur a communiquées, que, au septième et dernier échelon du grade 3, le traitement de
base d’un agent AC GF I, comme les requérants, est supérieur au traitement de base d’un agent AST 1/1, ce qui soustrairait un tel agent à l’application de la règle du minimum vital. Il résulte de cette constatation que, même si les traitements mensuels de base pour le groupe de fonctions auquel appartiennent les requérants ne sont pas revus à la hausse, il est possible, les requérants n’ayant pas présenté d’arguments permettant d’exclure cette possibilité, que ces derniers se trouvent, au moment
de la liquidation de leurs droits à la retraite, dans une situation professionnelle qui leur permettra de se soustraire à l’application de la règle du minimum vital.

98 D’autre part, le nombre d’années de service effectuées auprès des institutions de l’Union par les requérants lors de leur départ à la retraite est également, à ce stade, incertain. Il ne saurait, en effet, être exclu que la date à laquelle les requérants choisissent de partir à la retraite ait également des conséquences pour le calcul du montant final de leur pension.

99 Ces constatations suffisent pour considérer que le préjudice invoqué par les requérants, préjudice, au demeurant, exclusivement matériel (voir points 55 à 63 ci-dessus), n’est pas certain au sens de la jurisprudence cité au point 93 ci-dessus.

100 En tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé par le Tribunal de la fonction publique au point 82 de l’arrêt attaqué, il n’est pas certain que, lors du départ des requérants à la retraite et de la liquidation de leurs droits à pension, la portée et les conditions d’application de l’article 77 du statut et, plus particulièrement, de ses deuxième et quatrième alinéas, seront les mêmes qu’au moment du prononcé du présent arrêt.

101 Il convient, par ailleurs, d’ajouter qu’il ne peut, a priori, être exclu que la Cour de justice de l’Union européenne adopte une disposition analogue à celle de l’article 7, paragraphe 6, de la décision du comité administratif de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 octobre 2011, portant dispositions générales d’exécution relatives aux articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (voir point 9 ci-dessus) qui serait applicable dans des cas comme celui dans lequel redoutent de se
retrouver les requérants.

102 Il ressort de ce qui précède que, avant la liquidation de leurs droits à pension et avant l’application éventuelle, dans leurs cas, de la règle du minimum vital, la seule circonstance que, en procédant à un calcul sur la base de données hypothétiques (voir point 19 ci-dessus), les requérants considèrent que, lors de leur départ futur à la retraite, il sera constaté qu’ils auront transféré à perte leurs droits à pension nationaux ne saurait suffire à établir ni un préjudice réel et certain, au
sens de la jurisprudence cité au point 93 ci-dessus, ni un préjudice prévisible avec une certitude suffisante, au sens de la jurisprudence citée au point 94 ci-dessus. À l’heure actuelle, le seul fait qui peut être constaté avec certitude est que les droits à pension nationaux des requérants ont été convertis en annuités bonifiées par les décisions de bonification d’annuités les concernant.

103 En effet, le capital correspondant aux droits à pension nationaux des requérants n’a pas disparu. Il a été, à la suite de son transfert, converti en annuités bonifiées, qui devront, en principe, être prises en compte pour calculer les droits à pension des requérants. Par conséquent, comme la Cour de justice de l’Union européenne l’indique à juste titre au point 41 de la duplique, il ne saurait être considéré, à ce stade, que les droits transférés l’ont été à pure perte.

104 Dans ce contexte, même à considérer que, au moment de la liquidation de leurs droits à pension, aucune disposition légale ou réglementaire ne permettra aux requérants de récupérer ne serait-ce qu’une partie du capital transféré correspondant à des annuités bonifiées non prises en compte pour le calcul de leur pension d’ancienneté, les requérants disposeront des voies de recours par lesquelles il leur sera possible de faire valoir la « perte », sans contrepartie, dudit capital. Par un recours
dirigé contre les actes portant sur la liquidation de leurs droits et sur le calcul de leurs pensions et leur faisant grief en ce qu’ils ne tiendraient pas compte des annuités bonifiées du fait de l’application de la règle du minimum vital, les requérants pourraient, le cas échéant, contester l’application de la règle du minimum vital dans leurs cas spécifiques, dans la mesure où cette application aurait comme conséquence la non-prise en compte, pour le calcul de leurs droits à pension, des
annuités bonifiés à la suite du transfert de leurs droits à pension nationaux vers le régime de pension de l’Union.

105 Il convient, enfin, de rappeler que la possibilité d’introduire un recours fondé sur l’enrichissement sans cause de l’Union ne saurait être refusée au justiciable au seul motif que le traité FUE ne prévoit pas expressément une voie de recours destinée à ce type d’action. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une interprétation des articles 268 et 340 TFUE qui exclurait cette possibilité aboutirait à un résultat contraire au principe de protection juridictionnelle effective, consacré par la
jurisprudence de la Cour et réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 47 et 50 et jurisprudence citée].

106 À cet égard, il ne saurait être exclu que le refus d’une institution de restituer, à l’intéressé, la partie du capital de ses droits à pension nationaux transféré vers le régime de pensions de l’Union dont il ne sera pas tenu compte lors de la liquidation des droits à pension de celui-ci puisse conduire à une appropriation injustifiée, par cette institution, d’une partie des droits à pension nationaux liquidés au titre du transfert, lesquels appartiennent en effet à l’agent concerné, en vertu de
la jurisprudence, et, donc, un enrichissement sans cause au profit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 2003, Caballero Montoya/Commission, T‑303/00, T‑304/00 et T‑322/00, EU:T:2003:20, point 84 et jurisprudence citée).

107 Au vu des éléments exposés ci-dessus, qui restent, à ce stade, incertains s’agissant du calcul du montant des retraites qui seront, lors de la liquidation de leurs droits à pension, attribuées aux requérants, il y a lieu de considérer que le préjudice invoqué par ces derniers en l’espèce ne constitue pas un préjudice réel et certain au sens de la jurisprudence citée aux points 93 et 94 ci-dessus.

108 Partant, il convient de considérer que le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur en jugeant que le préjudice invoqué par les requérants n’était pas réel et certain. Au vu de cette constatation, il y a lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen ainsi que le pourvoi dans son ensemble, sans qu’il soit besoin, au regard de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, d’examiner la première branche du second moyen invoqué par les requérants.

Sur les dépens

109 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

110 L’article 211, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que le Tribunal peut, dans les pourvois formés par les fonctionnaires, décider de répartir les dépens entre les parties, dans la mesure où l’équité l’exige.

111 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que les requérants ont succombé en leur pourvoi. En outre, la Cour de justice de l’Union européenne a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens.

112 Cependant, le Tribunal considère qu’il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard, notamment, des questions soulevées par le présent pourvoi et du fait que la Cour de justice de l’Union européenne a succombé en ses arguments concernant le premier moyen soulevé par les requérants, en condamnant les requérants à supporter un quart de leurs propres dépens et la Cour de justice de l’Union européenne à supporter, en dehors de ses propres dépens, trois quarts des dépens
exposés par les requérants.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Les requérants supporteront un quart de leurs dépens.

  3) La Cour de justice de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que trois quarts des dépens exposés par les requérants.

Van der Woude

Kanninen

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2018.
 
Le greffier

E. Coulon

Le président

D. Gratsias

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Chambre des pourvois
Numéro d'arrêt : T-702/16
Date de la décision : 18/09/2018
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en responsabilité, Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels – Pensions – Transfert vers le régime de pension de l’Union de droits à pension acquis antérieurement au titre de régimes nationaux – Préjudice résultant de l’information prétendument insuffisante fournie aux requérants par l’AHCC lors de la transmission des propositions de bonification d’annuités les concernant – Rejet du recours en indemnité en première instance – Article 77, quatrième alinéa, du statut – Préjudice matériel.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : José Barroso Truta e.a.
Défendeurs : Cour de justice de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Gratsias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2018:557

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