CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
BOBEK
présentées le 5 septembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑552/17
Alpenchalets Resorts GmbH
contre
Finanzamt München Abteilung Körperschaften
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Régime particulier des agences de voyages – Champ d’application – Fourniture d’hébergement de vacances – Autres prestations de services – Caractère principal ou accessoire d’une prestation – Taux réduit de taxe – Applicabilité à un hébergement mis à disposition par une agence de voyages »
I. Introduction
1. Alpenchalets Resorts GmbH loue des maisons auprès de leurs propriétaires pour ensuite les donner en location de vacances à ses clients. Sur place, les propriétaires ou leurs mandataires proposent également aux clients des prestations supplémentaires, telles qu’un service de nettoyage et de blanchisserie et la livraison de petits pains.
2. Une telle prestation relève-t-elle de la notion de « prestation de services de l’agence de voyages », au sens de la directive 2006/112/CE ( 2 ) ? Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) est actuellement saisi de cette question et souhaite savoir si le service en cause peut être qualifié de prestation de services fournie par l’agence de voyages et, si tel est le cas, s’il y a lieu de soumettre la base d’imposition (à savoir la marge bénéficiaire) de la partie de la prestation
fournie liée à l’hébergement, au taux réduit de taxation.
3. Dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, la Cour est invitée à préciser la notion de « prestation de services fournie par l’agence de voyages », eu égard au fait qu’une agence de voyages fournit généralement de multiples services (tels que l’hébergement et le transport). La Cour est également appelée à examiner les interactions entre deux régimes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) particuliers, l’un concernant la base d’imposition (la marge bénéficiaire), l’autre relatif au taux réduit de
TVA.
II. Cadre juridique
A. Le droit de l’Union
4. En vertu de l’article 98, paragraphe 1, de la directive 2006/112, qui relève du titre VIII, intitulé « Taux », les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. Aux termes de l’article 98, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/112, les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III de la directive 2006/112.
5. Le point 12 de l’annexe III de la directive 2006/112 est libellé ainsi :
« [L]’hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d’hébergement de vacances et la location d’emplacements de camping et d’emplacements pour caravanes ».
6. L’article 306 de la directive 2006/112 fait partie du titre XII, intitulé « Régimes particuliers », et, sous ce titre, du chapitre 3, intitulé « Régime particulier des agences de voyages ». L’article 306, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose :
« Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis.
Le présent régime particulier n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles s’applique, pour calculer la base d’imposition, l’article 79, premier alinéa, point c). »
7. L’article 307 de la directive 2006/112 est ainsi libellé :
« Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l’article 306, par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’agence de voyages au voyageur.
La prestation unique est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. »
8. L’article 308 de la directive 2006/112 dispose :
« Pour la prestation de services unique fournie par l’agence de voyages, est considérée comme base d’imposition et comme prix hors TVA, au sens de l’article 226, point 8), la marge de l’agence de voyages, c’est‑à‑dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. »
B. Le droit allemand
9. En vertu de l’article 12, paragraphe 2, point 11), de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), du 21 février 2005 (BGBl. I, p. 386), la taxe est réduite à 7 % pour les opérations suivantes :
« La location de chambres d’habitation et de chambres à coucher qu’un opérateur met à disposition aux fins de l’hébergement de courte durée de tiers, ainsi que la location de courte durée d’emplacements de camping. La première phrase ne s’applique pas aux prestations qui ne servent pas directement à la location, même si celles-ci sont rémunérées avec le prix de la location. »
10. S’agissant de la taxation des prestations de voyages, l’article 25, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires dispose :
« Les dispositions suivantes sont applicables aux prestations de voyages d’un opérateur qui ne sont pas destinées à l’entreprise du preneur, dans la mesure où l’opérateur agit, ce faisant, en son propre nom à l’égard du preneur et qu’il utilise des prestations de voyages en amont. La prestation de l’opérateur doit être considérée comme une autre prestation. Si l’opérateur fournit au preneur plusieurs prestations de ce type dans le cadre d’un voyage, celles-ci constitueront une autre prestation
unique. Le lieu de l’autre prestation est déterminé conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1. Les prestations de voyages en amont sont des livraisons et d’autres prestations fournies par des tiers qui bénéficient immédiatement au voyageur. »
11. L’article 25, paragraphe 3, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires dispose :
« La valeur d’une autre prestation correspond à la différence entre le montant payé par le preneur en vue de l’obtention de la prestation et le montant que l’opérateur paie pour les prestations de voyages en amont. La taxe sur le chiffre d’affaires n’entre pas dans la base d’imposition. L’opérateur peut, au lieu de calculer la base d’imposition pour chaque prestation, le faire soit pour des groupes de prestations soit pour l’ensemble des prestations fournies au cours de l’exercice. »
III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
12. En 2011, Alpenchalets Resorts a loué des maisons situées en Allemagne, en Autriche et en Italie auprès de leurs propriétaires et les a ensuite, en son nom propre, proposées à la location de vacances à des clients particuliers. Outre l’hébergement, les propriétaires ou leurs mandataires fournissaient également des services aux clients à leur arrivée sur place, tels que le nettoyage du logement et, dans certains cas, un service de blanchisserie et de livraison de petits pains.
13. Le requérant a calculé la TVA due conformément au régime de taxation de la marge bénéficiaire, qui est applicable aux prestations de voyages conformément à l’article 25 de loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires et a appliqué le taux normal de taxation. Par lettre du 6 mai 2013, le requérant a demandé la modification de son avis d’imposition et l’application du taux réduit. Le Finanzamt München Abteilung Körperschaften (centre des impôts de Munich, section des personnes morales,
Allemagne) a rejeté cette demande.
14. Le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne), la juridiction de première instance, a rejeté le recours introduit par le requérant. Il a indiqué que le régime de taxation de la marge bénéficiaire était applicable aux prestations de voyages en cause conformément à l’article 25 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, tel qu’interprété au regard de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 26 de la directive 77/388/CEE ( 3 ) et à la directive 2006/112. Ledit tribunal
des finances a en outre estimé que l’application du taux réduit de taxation n’était pas possible, dès lors que la prestation d’un service de voyages au sens de l’article 25 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires ne figurait pas dans la liste des réductions de taux de taxation énumérées à l’article 12, paragraphe 2, de ladite loi.
15. Le requérant a formé un recours portant sur un point de droit contre cette décision de rejet devant la juridiction de renvoi, à savoir le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances). La juridiction de renvoi relève que, dans l’arrêt Van Ginkel ( 4 ), la Cour a réaffirmé que le régime particulier des agences de voyages était applicable aux prestations d’une agence de voyages qui ne comprennent que le logement. En effet, l’agence de voyages est susceptible de fournir à ses clients des services
supplémentaires, tels que des informations et des conseils. Bien qu’elle constate que cette solution a été confirmée dans la jurisprudence ultérieure ( 5 ), la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir s’il conviendrait de réexaminer pareille approche à la lumière de la distinction entre caractère principal et caractère accessoire des prestations de services, en faisant tout particulièrement référence à cet égard à l’arrêt Ludwig ( 6 ). Si une telle distinction n’est néanmoins pas
préconisée, la juridiction de renvoi souhaite vérifier s’il est possible qu’un taux réduit de TVA soit appliqué à la base imposable (en l’espèce, la marge bénéficiaire dans le cadre du régime particulier des agences de voyages).
16. La juridiction de renvoi indique que s’il est répondu à la première question préjudicielle par la négative, autrement dit s’il apparaît que le service litigieux ne relève pas du régime particulier des agences de voyages, le requérant ne doit soumettre à la taxation (en Allemagne) que la location des hébergements de vacances situés en Allemagne et non la location de tels hébergements situés à l’étranger. En outre, la location d’appartements de vacances situés en Allemagne serait soumise au taux
réduit de taxation et le requérant serait en droit de déduire la taxe concernée acquittée en amont.
17. C’est dans ces circonstances que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une prestation qui consiste, pour l’essentiel, dans la mise à disposition d’un appartement de vacances, accompagnée de prestations supplémentaires qui ne doivent être qualifiées que de prestations accessoires à la prestation principale, est-elle soumise, conformément à l’arrêt de la Cour du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435), au régime particulier des agences de voyages prévu à l’article 306 de la directive 2006/112/CE, du 28 novembre 2006, relative au système commun de
taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1) ?
2) Si la première question appelle une réponse affirmative : cette prestation peut‑elle être soumise, outre au régime particulier des agences de voyages prévu à l’article 306 de la directive 2006/112, également à la réduction du taux de taxe applicable à la fourniture d’hébergement de vacances au sens de l’article 98, paragraphe 2, de ladite directive, lu en combinaison avec l’annexe III, point 12, de cette même directive ? »
18. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements allemand et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Le requérant, le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 11 juillet 2018.
IV. Appréciation
19. Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. Dans la partie A, consacrée à la première question de la juridiction de renvoi, j’aborderai la question de savoir si une prestation doit comprendre plusieurs services pour relever du régime particulier des agences de voyages. Dans la partie B, je propose de répondre à la seconde question de la juridiction de renvoi en ce sens qu’une prestation ne peut pas bénéficier d’un taux réduit de taxation lorsqu’il s’agit d’une « prestation
de services de l’agence de voyages ».
A. Sur la première question : la notion de « prestation de services de l’agence de voyages »
20. Après quelques réflexions liminaires relatives au régime particulier des agences de voyages (point 1), je me pencherai sur le point de savoir si cette notion exige qu’une prestation de services unique fournie par l’agence de voyage soit composée d’une multiplicité de services. Deux approches alternatives seront examinées : premièrement, si une telle multiplicité de services est effectivement requise (point 2) et, deuxièmement, interpréter le régime particulier des agences de voyages en ce sens
que son application est subordonnée à l’exigence qu’il n’y ait qu’une seule prestation de services, fournie par un prestataire tiers, liée soit à l’hébergement, soit au transport (point 3). Le débat relatif aux conséquences logiques (ou à l’absence de telles conséquences) de ces deux approches me conduit à proposer de privilégier l’approche consistant à considérer que seule une prestation fournie par un prestataire tiers est requise (point 4).
1. Introduction : qu’est-ce qu’une « agence de voyages » ?
21. Il ressort de l’article 306, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 que le régime particulier des agences de voyages s’applique aux « opérations des agences de voyages […] dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis ». Par ailleurs, aux termes du second alinéa de cette disposition, un tel régime particulier n’est
pas applicable aux « agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire ».
22. Ces dispositions semblent donc contenir, à première vue, deux conditions positives, à savoir que i) l’agence de voyages doit agir en son nom propre et ii) il faut qu’elle utilise des livraisons de biens et des prestations de services de tiers, ainsi qu’une condition négative, à savoir que iii) l’agence ne doit pas agir en qualité d’intermédiaire. Néanmoins, lorsqu’on l’examine de plus près, cette troisième condition semble davantage représenter une reformulation négative de la première
condition : la notion d’« agir en son propre nom » ne semble pas bien différente de celle de « ne pas agir en qualité d’intermédiaire» ( 7 ).
23. Il apparaît dès lors que, en réalité, l’article 306 de la directive 2006/112 subordonne l’application du régime particulier des agences de voyages à deux conditions. La première condition exige que l’opérateur agisse en son nom propre et non en qualité d’intermédiaire. La seconde requiert que l’opérateur utilise des livraisons de biens et des prestations de services de tiers.
24. S’agissant de la première condition, il semble constant que le requérant agit en son nom propre et non en tant qu’intermédiaire, ainsi que cela ressort sans équivoque de la décision de renvoi. Je tiens donc cet élément pour acquis.
25. La question de savoir s’il est satisfait à la seconde condition est en revanche moins évidente, en raison d’incertitudes quant à savoir si l’existence d’une seule prestation fournie par un tiers suffit ou s’il faut qu’il y en ait au moins deux. Si cette dernière thèse devait être retenue, la question se pose ensuite d’emblée de savoir de quelle nature doivent être ces prestations. C’est sur ces questions que je me penche à présent, en commençant par ce dernier cas de figure : si la condition
relative à la multiplicité de services devait être interprétée au sens propre, en quoi consisterait alors cette multiplicité ?
2. L’exigence relative à la multiplicité de services
26. L’exigence relative à la multiplicité de prestations en tant que condition de l’application du régime particulier des agences de voyages, d’abord évoquée dans l’arrêt Van Ginkel ( 8 ), a été réitérée dans l’ordonnance Star Coaches ( 9 ) (point a). Il convient de considérer que l’approche dégagée dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120), qui met l’accent sur l’exigence qu’une prestation soit composée de multiples services,
découle à la fois de la formulation de ce régime particulier et des objectifs poursuivis par celui-ci (point b). Si cette interprétation est retenue, la distinction entre services à caractère principal et services à caractère accessoire, telle qu’elle est exposée par la juridiction de renvoi, devient en effet pertinente (point c). Toutefois, la bonne interprétation de l’exigence relative à une multiplicité de services doit également être appréciée au regard d’un autre aspect de la jurisprudence
de la Cour, à savoir celle qui reconnaît qu’un service peut relever du régime particulier des agences de voyages dans le cadre d’une fourniture mixte de biens ou de services, composée d’une seule prestation acquise auprès d’un tiers et d’une prestation propre (point d).
a) Les affaires Van Ginkel and Star Coaches
27. Dans l’ordonnance Star Coaches ( 10 ), qui semble être la jurisprudence la plus récente relative à l’exigence d’une multiplicité de services, la Cour n’a pas accepté l’applicabilité du régime particulier des agences de voyages à un opérateur qui fournissait uniquement (pour ce qui concerne l’espèce) des services de transport acquis auprès de tiers ( 11 ). En effet, les services soumis au régime particulier des agences de voyages ne sauraient « se rédui[re] […] à une prestation unique» ( 12 ). La
Cour a indiqué qu’« [i]l n’est […] pas exclu que les services d’un transporteur de passagers par autocars, qui […] a recours aux prestations de transport de sous-traitants assujettis à la TVA, soient soumis au régime particulier visé à l’article 306 de la directive TVA ». Or, pour que tel soit le cas, ces services doivent comporter, outre le transport, d’autres prestations telles que des informations et des conseils portant sur un éventail de choix de vacances et la réservation du voyage en
autocar ( 13 ).
28. À cet égard, la Cour s’est appuyée sur sa précédente jurisprudence dégagée dans l’arrêt Van Ginkel ( 14 ). Toutefois, les faits et les appréciations de la Cour dans le cadre de cet arrêt étaient différents et propres au contexte de l’affaire qui y a donné lieu. Dans l’arrêt Van Ginkel ( 15 ), la Cour a estimé que la circonstance que l’agence de voyages se borne à ne fournir que le logement de vacances au voyageur n’exclut pas que cette prestation soit soumise au régime particulier des agences de
voyages. La Cour a ensuite ajouté à cette conclusion que « la prestation offerte par l’agence [de voyages] peut […] ne pas se réduire, dans un tel cas, à une prestation unique, puisqu’elle peut comprendre, outre la location du logement, des prestations comme les informations et conseils par lesquels l’agence de voyages propose un éventail de choix pour les vacances et la réservation du logement» ( 16 ).
29. Par conséquent, dans l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435), la Cour a effectivement indiqué que l’hébergement, un unique service, est suffisant. Le service supplémentaire optionnel fourni sous la forme d’« informations et [de] conseils » a été mentionné à titre d’hypothèse. Il ne résulte pas des faits établis propres à cette affaire-là. Il a été évoqué comme une éventualité (il « peut comprendre ») et n’est pas mentionné dans le dispositif de l’arrêt.
30. Néanmoins, dans l’ordonnance du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120), la Cour a ajouté une remarque, qu’elle semble avoir inclue dans la règle, selon laquelle, pour que le régime particulier des agences de voyages s’applique, il est nécessaire que l’ensemble de la prestation comporte davantage qu’un seul service de logement ou de transport fourni par un autre assujetti. Par conséquent, il semble ressortir de l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11,
EU:C:2012:120), qu’une prestation de logement ou de transport à laquelle s’ajoute un autre service soient effectivement exigés. Il n’est pas nécessaire que le transport et le logement soient proposés en combinaison, mais que l’un ou l’autre de ces services soit proposé, dans la mesure où la prestation doit, dans son ensemble, être liée à un voyage ( 17 ).
b) Formulation et objectifs du régime particulier des agences de voyages
31. Dès lors, bien qu’elle soit (pourrait-on soutenir) davantage restrictive, l’approche dégagée dans l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120), semble plus conforme au libellé de l’article 306 de la directive 2006/112. Cette disposition fait référence à l’utilisation par les agences de voyages de « livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis ». L’idée d’une pluralité de prestations fournies par des prestataires tiers apparaît
également à l’article 307 de la directive 2006/112, qui crée une fiction juridique en vertu de laquelle les opérations effectuées par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique.
32. Cette exigence de multiplicité se retrouve également dans plusieurs documents législatifs. Les travaux préparatoires à la directive 77/388 (dite « sixième directive », qui a instauré le régime particulier des agences de voyages pour la première fois) ne donnent pas en eux-mêmes toutes les informations quant aux raisons de l’introduction d’un tel régime particulier ( 18 ). Toutefois, dans une proposition de modification de 2002, qui n’a finalement pas été adoptée, la Commission a indiqué que le
régime spécial « a été mis en place en raison de la spécificité de la profession » et que « les prestations de services fournies par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques prennent le plus souvent la forme de forfaits de services, comprenant notamment le transport et l’hébergement […]. L’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe en amont se heurterait, en raison de la complexité et de la
localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité» ( 19 ).
33. Dès lors, les objectifs poursuivis par ce régime particulier indiquent que la simplification recherchée était principalement destinée à s’adapter à la multiplicité tant matérielle que géographique des services qui composent une prestation de services unique fournie dans différents États membres ( 20 ).
34. Concernant les principes, la Cour rappelle l’idée de la multiplicité géographique et matérielle dans toutes les affaires qui concernent le régime particulier des agences de voyages. Elle estime en effet que les services fournis par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques se composent le plus souvent de multiples prestations, notamment en matière de transport et d’hébergement. Elle indique que l’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition,
la base d’imposition et la déduction de la taxe amont se heurterait, en raison de la multiplicité et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques ( 21 ).
35. Toutefois, au-delà de ces considérations à caractère général, il convient d’admettre qu’il n’est pas aisé de discerner les contours exacts du critère, tout particulièrement au regard de la relation tendue entre les arrêts du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435), et l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120). Un seul service suffit-il ? Quel est-il ? Si une multiplicité (matérielle) de services est requise, quelles combinaisons doit-on
retenir ? Uniquement l’hébergement et le transport ? Ou bien l’hébergement et un autre service ? Ou le transport et un autre service ? Ainsi que l’a relevé à raison le gouvernement allemand, une éventuelle analogie avec la directive (UE) 2015/2302 ( 22 ), qui aurait pu fournir certaines indications à tout le moins quant aux définitions ( 23 ), semble avoir été d’ores et déjà exclue par la Cour ( 24 ).
c) Services principaux et services accessoires
36. Si l’exigence d’une multiplicité de services devait être considérée comme une condition nécessaire de l’application du régime particulier des agences de voyages, la distinction entre services principaux et services accessoires, relevée par la juridiction de renvoi, devient en effet pertinente.
37. Dans le cadre de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi rappelle la distinction entre services principaux et services accessoires énoncée dans l’arrêt Ludwig ( 25 ). Cette affaire concernait la question de savoir si une prestation de négociation de contrats de crédit et de conseil fournie par un conseiller financier devrait être considérée comme une prestation unique de négociation de crédit et, en tant que telle, bénéficier d’une exemption de TVA en vertu de l’article 13,
B, sous d), point 1, de la directive 77/388.
38. La Cour a estimé que « chaque prestation de service doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et que la prestation constituée d’un seul service au plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA, de sorte qu’il importe de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération en cause pour déterminer si un assujetti livre au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, plusieurs prestations
principales distinctes ou une prestation unique» ( 26 ). La Cour a ensuite indiqué qu’« il s’agit d’une prestation unique notamment dans l’occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle
ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire» ( 27 ).
39. Bien que l’arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369) concerne des prestations en matière de finance, il convient de rappeler que la distinction entre services principaux et services accessoires avait déjà été examinée par la Cour dans le cadre spécifique du régime particulier des agences de voyages. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Madgett et Baldwin ( 28 ), deux propriétaires d’hôtel proposaient des voyages à forfait aux clients de leur hôtel situé en Angleterre. Les
forfaits incluaient l’hébergement, le transport par autocar à partir de certains points de ramassage et une excursion journalière en autocar au cours de leur séjour à l’hôtel. Les services de transport étaient acquis auprès de tiers. Les autres prestations étaient effectuées par les hôteliers eux-mêmes. La question se posait de savoir si de tels forfaits relevaient du régime particulier des agences de voyages. La Cour a jugé que tel était le cas. En effet, les services acquis auprès de tiers ne
pouvaient pas être considérés comme ayant un caractère purement accessoire par rapport à la prestation principale. Si tel avait été le cas, la prestation dans son ensemble aurait été considérée comme échappant au régime particulier des agences de voyages.
40. En outre, la Cour a eu recours à la notion de services « accessoires » dans le cadre du régime particulier des agences de voyages dans l’arrêt ISt ( 29 ), postérieur à l’arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369). Cette affaire concernait un opérateur qui proposait des programmes intitulés « High-School » et « College », comprenant des formations linguistiques organisées à l’étranger. La Cour s’est penchée sur la question de savoir si les services de « voyage » acquis auprès de
tiers par ISt conservaient un caractère purement accessoire par rapport aux prestations fournies en propre ( 30 ). La Cour a conclu que tel n’était pas le cas. La réalisation des prestations de voyages acquises auprès de tiers, telles que le transfert vers l’État de destination et/ou le séjour dans celui-ci, « ne [pouvait] être dénuée de répercussion sensible sur le forfait pratiqué ». Dès lors, les prestations en question acquises auprès de tiers ne représentaient pas « une part simplement
marginale par rapport au montant correspondant à la prestation liée à la formation et à l’éducation linguistiques» ( 31 ).
41. Par conséquent, la distinction entre services principaux et services accessoires n’est nullement nouvelle en matière de régime particulier des agences de voyages. Elle a été utilisée afin d’établir si les services acquis auprès de tiers (combinés à des prestations exécutées en propre) sont soumis ou non au régime particulier des agences de voyages. Il résulte des arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496) et du 13 octobre 2005, ISt (C‑200/04,
EU:C:2005:608) que lorsque les services acquis auprès de tiers constituent une partie marginale du forfait et ne représentent pas une fin en soi pour la clientèle, ils bénéficient du même traitement fiscal que la prestation propre principale.
42. Cela étant, la question demeure de savoir si la pertinence de la distinction entre services principaux et services accessoires doit se limiter à celle d’un « critère de qualification externe » pour déterminer ce qui constitue un service d’une agence de voyages lorsque la prestation fournie est composée de services acquis auprès de tiers et de services propres. Cette distinction pourrait-elle sinon être pertinente en tant que « critère de vérification interne » de la composition de la prestation,
lorsqu’une telle prestation est composée de services prétendument acquis auprès de tiers ?
43. À ma connaissance, la Cour ne s’est jamais penchée sur une telle situation. S’il s’avère que la multiplicité (matérielle) de services est effectivement requise, il est difficile de comprendre pour quelle raison un tel « critère interne » devrait être exclu s’il est établi que l’un des services acquis auprès de tiers est effectivement un service accessoire qui n’a pas d’incidence sensible sur le prix de la prestation dans son ensemble et qui ne constitue pour le client qu’un moyen de bénéficier
dans les meilleures conditions du service principal du prestataire. Je ne vois aucune raison de soutenir catégoriquement que la scission artificielle d’une prestation qui est en réalité unique ne puisse pas intervenir dans le cadre du régime particulier des agences de voyages ( 32 ).
44. Si une telle logique devait être transposée en l’espèce, il est raisonnable d’affirmer que le nettoyage (du logement) est un service accessoire qui accompagne traditionnellement la location (pour une courte durée) d’un hébergement. Les services de petits pains et de blanchisserie ne seront sans doute pas toujours automatiquement proposés. Néanmoins de tels services ne constitueraient guère la finalité en soi du voyage ; en ce sens, ils ne sont pas indispensables au voyageur pour qu’il apprécie
son hébergement. Dans certaines circonstances, il se peut bien entendu qu’une considération aussi ordinaire ou répandue ne soit plus valable et que ces services habituellement accessoires aient une place et un statut différents. L’on pourrait imaginer à titre d’exemple un petit déjeuner exceptionnel dans un cadre bucolique du Tyrol autrichien destiné à des âmes romantiques ou différents types de lieux de retraite gastronomique ; ou encore un hébergement dans un château médiéval où, à titre
d’offre spéciale, le visiteur ferait sa propre lessive dans des laveries d’époque selon des méthodes traditionnelles, en recevant la promesse d’éprouver le sentiment authentique de vivre l’expérience d’une lavandière du XVe siècle. Dans l’un ou l’autre de ces scénarios, il est vraisemblable qu’un tel service ne serait pas purement accessoire par rapport au service d’hébergement principal.
45. Toutefois, en l’espèce, il semblerait que seul un service principal ait été fourni sur place au requérant, à savoir l’hébergement. Les services de nettoyage, de petits pains et de blanchisserie avaient en effet un caractère purement accessoire et ne constituaient pas pour le client une fin en soi.
46. En outre, il a été indiqué que le requérant fournissait à la clientèle des informations et des conseils (en mettant à disposition des informations sur le site internet du requérant). À l’audience, les parties ont toutefois divergé quant aux conséquences de cet élément, c’est-à-dire sur le point de savoir si la fourniture d’« informations et de conseils » était requise pour que la prestation dans son ensemble relève du régime particulier des agences de voyages.
47. Même à supposer que de tels informations et conseils soient considérés comme pertinents (j’estime que tel n’est pas le cas ( 33 )) aux fins de déterminer si la prestation est soumise au régime particulier des agences de voyages, il s’agit vraisemblablement d’une prestation fournie en propre. J’en arrive ainsi au dernier point qu’il convient d’examiner, si l’on considère qu’une multiplicité de services est requise : dans plusieurs cas dans lesquels la Cour a examiné l’applicabilité du régime
particulier des agences de voyages dans le cadre d’une prestation mixte, seul l’un des éléments la composant constituait un service acquis auprès d’un tiers, l’autre étant un service fourni en propre ( 34 ). J’aborde maintenant le cas de ces « situations mixtes ».
d) Les prestations mixtes
48. C’est dans le cadre de ces situations mixtes que la Cour a à plusieurs reprises souligné la nécessité pour l’opérateur de distinguer entre services acquis auprès de tiers et prestations propres ( 35 ), en estimant que seule la partie du service acquise auprès d’autrui peut être soumise au régime particulier institué à l’article 306 de la directive 2006/112.
49. La Cour a énoncé pour la première fois cette exigence dans l’arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496), cité ci‑dessus ( 36 ), puis l’a rappelée dans les arrêts du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672), et du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591). L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672), concernait une agence de voyages vendant des séjours à forfait tout compris comprenant
l’hébergement et la restauration, pour lesquels Mme Kozak avait recours aux services d’autres prestataires, ainsi que le transport, assuré en propre. La Cour a rejeté l’argument de l’administration fiscale nationale selon lequel les services de transport assurés par l’agence en propre étaient indispensables à la prestation touristique dans son ensemble offerte par l’agence de voyages et devaient être assimilés, en combinaison avec le service acquis auprès d’un prestataire tiers, à une
« prestation unique » au sens des articles 307 et 308 de la directive 2006/112 (de sorte qu’ils devaient partager le même sort fiscal). La Cour a rappelé que l’article 306 de la directive 2006/112 s’appliquait uniquement au service acquis auprès d’un tiers et a estimé qu’il ne s’appliquait pas à la partie de la prestation fournie en propre ( 37 ). Dans le même esprit, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591), concernait un opérateur vendant des
vacances à prix forfaitaire qui combinaient l’hébergement, acheté auprès de tiers, et le transport, que cet opérateur assurait lui-même. La Cour a précisé la méthode de répartition, à des fins fiscales, entre les prestations propres et les services acquis auprès d’autrui ( 38 ).
50. Ces affaires semblent indiquer que la Cour n’a en réalité pas exigé la multiplicité des services acquis auprès de prestataires tiers à titre de condition de l’application du régime particulier des agences de voyages. Dans le même temps, il est également malaisé de déduire de ces arrêts qu’il a été satisfait à cette exigence parce qu’un service acquis auprès d’un tiers a été combiné à un service fourni en propre. Cette dernière lecture semble poser problème, dès lors que la Cour a clairement
exclu que le service fourni en propre soit soumis au régime particulier des agences de voyages. Une telle lecture irait en outre à l’encontre de l’article 307 de la directive 2006/112, en vertu duquel les services fournis par l’agence de voyages constituent une prestation de services unique.
51. En d’autres termes, admettre que la combinaison de prestations exécutées en propre et de services acquis auprès d’autres prestataires, satisfait, dans son ensemble, à l’exigence d’une multiplicité de services, alors que la partie du service exécutée en propre doit être séparée aux fins du calcul de la TVA, signifierait concrètement que pour établir les conditions d’applicabilité du régime particulier des agences de voyages, il faudrait utiliser un élément de définition (le service fourni en
propre) qui ne pourrait néanmoins jamais, en définitive, être soumis audit régime particulier.
52. À cet égard, on ne saurait passer sous silence le fait que, si la récente ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120), par laquelle la Cour exige d’établir qu’il existe une multiplicité de services, était prise à la lettre, le degré de complexité requis pour déterminer ce qui constitue un service fourni par une agence de voyages relevant du régime particulier des agences de voyages serait pour le moins considérable (à l’exception de la situation assez claire
d’une agence de voyages combinant à la fois hébergement et transport acquis auprès de tiers). Par ailleurs, il y aurait lieu de préciser les éléments de définition de la composition requise de la prestation ou des prestations en question (hébergement et voyage ; hébergement ou voyage, assorti d’un autre service), leur relation précise (services principaux et accessoires), ainsi que leur origine exacte, à savoir s’il s’agit de services acquis auprès d’autrui ou fournis en propre, ces éléments
n’ayant été évoqués jusqu’à présent qu’à titre d’alternatives possibles.
3. Un service acquis auprès d’un tiers est-il (encore) suffisant ?
53. Il existe toutefois une approche alternative. Elle comporterait essentiellement une intervention juridictionnelle à deux titres : une clarification et une mise à jour. En premier lieu, elle nécessiterait d’affirmer (ou de réaffirmer) que la principale conclusion dans l’arrêt Van Ginkel ( 39 ) n’a pas été être remise en question dans l’ordonnance Star Coaches ( 40 ) et qu’il n’y avait pas lieu qu’elle le soit. Ainsi, la règle dégagée dans l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91,
EU:C:1992:435), s’applique : la fourniture d’un service acquis auprès d’un tiers suffit pour que l’opérateur bénéficie du régime particulier des agences de voyages. Deuxièmement, si un service acquis auprès d’un tiers comportant une prestation soit de logement soit de voyage est effectivement suffisant, il conviendrait sans doute ensuite de préciser que la remarque « soit dit en passant » relative aux informations et aux conseils fournis par l’agence de voyages faite à titre d’hypothèse dans
l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435), n’est pas une condition proprement dite et qu’elle ne l’est assurément pas si l’on considère la réalité du marché des voyages en 2018 ( 41 ).
54. Premièrement, s’agissant de la clarification, l’approche susmentionnée est, du point de vue du résultat concret, conforme à la jurisprudence antérieure : les arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496), du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672), et du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591), semblent confirmer la thèse selon laquelle un service acquis auprès d’un tiers suffit, pourvu qu’il soit lié à un voyage, ainsi que cela résulte de
l’arrêt du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762) ( 42 ). Dès lors, le régime particulier des agences de voyages est applicable à une prestation de services qui consiste en un service acquis auprès d’un tiers, à condition que ce service acquis auprès d’un tiers soit l’hébergement ou le transport. Dans un tel cas, peu importe que d’autres services (qu’ils soient acquis auprès de tiers ou assurés en propre) s’y ajoutent. En outre, si tel est effectivement le cas, la
distinction entre services principaux et services accessoires cesse également d’être pertinente.
55. Deuxièmement, en ce qui concerne les « informations et conseils » plus particulièrement, en tant qu’éventuel service distinct, j’ai déjà relevé qu’un tel « service » est vraisemblablement fourni en propre. Si l’applicabilité de la règle n’exigeant qu’« un seul service acquis auprès d’un tiers » est subordonnée à la condition qu’un tel « service » soit fourni, il y a alors lieu de séparer la partie fournie en propre de la prestation dans son ensemble afin d’y appliquer le taux normal de
taxation ( 43 ). Il ne m’apparaît pas tout à fait clairement comment ces « informations et conseils » doivent être évalués (que l’on se base sur la méthode des coûts effectifs ou sur l’approche fondée sur la valeur de marché) ( 44 ).
56. Toutefois, j’éprouve avant tout quelques difficultés à percevoir en quoi l’existence ou l’absence de tels conseils hypothétiques, quelle qu’en soit l’origine, devrait être pertinente à l’heure actuelle. La situation était bien différente en 1992, lorsque l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435), a été rendu. Non sans éprouver un soupçon de nostalgie, je rappelle qu’à cette époque-là, choisir et réserver ses vacances auprès d’une agence de voyages aurait nécessité du
voyageur qu’il se déplace lui-même à l’agence, qu’il se mette dans la file d’attente pendant un certain temps, en tout cas durant la période précédant les congés, qu’il se procure une copie sur papier du catalogue, qu’il en prenne connaissance, qu’il discute des différentes options avec l’agence, qu’il se renseigne encore et, ensuite, qu’il se rende éventuellement à plusieurs reprises à l’agence de voyages (afin d’y verser un acompte, de remplir les différents formulaires ; de venir chercher les
billets d’avion et/ou les bons, etc.), avant de finalement pouvoir partir. À tous les stades de cette démarche, la participation ou les conseils de l’agence de voyages étaient essentiels. De nos jours, il suffit de cliquer un certain nombre de fois sur son smartphone pour effectuer ces mêmes démarches.
57. Pour résumer, si la Cour devait estimer qu’il convient d’appliquer la règle selon laquelle « un seul service acquis auprès d’un tiers suffit », je propose que l’applicabilité du régime particulier des agences de voyages dépende uniquement de la question de savoir si un service d’hébergement ou de transport, acquis auprès d’un prestataire tiers, est fourni, sans autres conditions liées à d’éventuels conseils supplémentaires qu’un opérateur est susceptible de fournir. Si, en 1992, un service
d’« informations et conseils » ne constituait qu’une hypothèse (jamais établie ou prouvée), il est, en 2018, purement illusoire.
4. La réaffirmation proposée de la règle fondée sur l’exigence d’« un seul service acquis auprès d’un tiers »
58. Il existe de bons arguments textuels et systémiques plaidant en faveur de la thèse selon laquelle l’application du régime particulier des agences de voyages visé à l’article 306 de la directive 2006/112 devrait être subordonnée à l’exigence d’une multiplicité de services. Ainsi, il conviendrait qu’au moins deux prestations acquises auprès de tiers soient fournies par les agences de voyages.
59. Du point de vue textuel, cette lecture est celle qui reflète le mieux la formulation du régime particulier des agences de voyages ( 45 ). Elle est également conforme aux objectifs spécifiques poursuivis par l’instauration de ce régime particulier ( 46 ). En outre, ce régime constitue une exception à la règle générale et la Cour a rappelé à plusieurs reprises qu’il « ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif» ( 47 ).
60. Il est par conséquent assez vrai que dans une situation dans laquelle l’opérateur fournit un seul service acquis auprès d’un tiers, l’objectif de simplification poursuivi par l’institution du régime particulier en cause ne sera pas nécessairement pleinement atteint.
61. Toutefois, il existe également des arguments de poids pour soutenir qu’un service acquis auprès d’un tiers, pourvu qu’il soit lié soit à l’hébergement soit au transport et, bien entendu, que l’agence de voyages agisse en son nom propre et non en simple intermédiaire ( 48 ), devrait suffire pour qu’une prestation soit soumise au régime particulier des agences de voyages.
62. En premier lieu, si l’on examine la pratique jurisprudentielle, à l’exception de l’ordonnance Star Coaches ( 49 ), la Cour n’a en réalité jamais interprété ou appliqué le régime particulier en le limitant aux prestations composées d’au moins deux services acquis auprès de tiers. Au contraire, l’approche de la Cour a été relativement généreuse, dans la mesure où elle a fait une interprétation large de ce régime. Tel est le cas tant en ce qui concerne la multiplicité matérielle (des services), que
leur multiplicitégéographique. À cet égard, la Cour a jugé que la multiplicité géographique (à savoir l’achat par l’agence de voyages de services dans différents États membres) n’est pas une condition indispensable de l’application du régime particulier et que ce régime s’applique également aux prestations de services effectuées à l’intérieur d’un seul État membre ( 50 ). La Cour est parvenue à cette dernière constatation malgré avoir reconnu, en substance, que la multiplicité géographique
constituait la principale raison d’être du régime.
63. En second lieu, compte tenu de la diversité des services proposés dans le secteur des voyages, subordonner l’application du régime particulier à l’existence d’au moins deux prestations acquises auprès de tiers aurait vraisemblablement pour effet d’exclure du champ d’application de ce régime les opérateurs qui ont fondé leur entreprise de voyages sur des prestations « mixtes » (acquises auprès de tiers et fournies en propre). En outre, tout particulièrement si elle est rattachée à la logique du
caractère principal/accessoire des services, qui, dans le cas où une multiplicité serait exigée, ne pourrait pas vraiment être écartée, la définition de ce qui relève du régime particulier des agences de voyages risquerait d’être excessivement étroite.
64. Le contre-argument que l’on peut opposer à ce second point est le risque d’inclusion excessive. Si une définition étroite est retenue, un certain nombre de services fournis par des opérateurs qui sont des « agences de voyages » au sens usuel du terme, risquent d’être exclus. À l’inverse, une définition élargie risque d’étendre excessivement son champ d’application normatif. Les opérateurs qui ne fournissent qu’un seul service lié à un voyage (à l’instar du requérant) relèveraient du régime en
question, bien que tel ne soit pas le cas si l’on applique la jurisprudence dégagée dans l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
65. Cela pourrait bien être vrai. Toutefois, dans un paysage juridique aussi complexe, il semble indiqué de confirmer et de préciser la solution retenue depuis des décennies, tout en confiant naturellement au législateur la possibilité de préférer, le cas échéant, un régime différent. Tout bien considéré, force est sans doute d’admettre, en dépit de l’objectif proclamé de simplification, que la mise en œuvre de cette idée dans le cadre spécifique du régime particulier des agences de voyages est bien
loin d’être idyllique. Ce régime particulier figure désormais parmi les domaines les plus complexes de la TVA ( 51 ).
66. Compte tenu de ce qui précède, ma conclusion concernant la première question posée dans la présente affaire est que l’article 306 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que le régime particulier des agences de voyages est applicable à une prestation de services qui consiste en la fourniture d’un service acquis auprès d’un tiers, pourvu que ce service d’un tiers soit l’hébergement ou le transport.
B. Sur la seconde question : application simultanée du régime particulier et du taux réduit ?
67. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi souhaite qu’il soit précisé si le service fourni par le requérant, pour autant qu’il relève du régime particulier des agences de voyages, peut être soumis à un taux réduit d’imposition au sens de l’article 98 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’annexe III de celle‑ci. Cette question a été posée tout particulièrement en ce qui concerne la partie du service fournie par le requérant relative à l’hébergement.
68. Le requérant conclut qu’il convient d’y répondre par l’affirmative. Les gouvernements allemand et néerlandais, ainsi que la Commission défendent le point de vue opposé. Ils avancent que l’application d’un taux réduit au service litigieux est exclue, dès lors que cette prestation de voyage ne figure pas dans la liste de l’annexe III de la directive 2006/112 et que l’application du taux réduit irait à l’encontre de la logique de simplification sur laquelle repose le régime particulier en cause. Le
gouvernement allemand rappelle en outre, en citant la jurisprudence constante ( 52 ), que le champ d’application des taux réduits doit être interprété de manière stricte.
69. Je partage ce dernier point de vue. Un taux réduit de taxation ne saurait s’appliquer lorsqu’il est établi que la prestation en cause constitue une prestation de voyages.
70. Ainsi que je l’ai rappelé dans la partie précédente, un service fourni par une agence de voyages constitue une prestation de services unique, conformément à l’article 307 de la directive 2006/112 ( 53 ). La conséquence logique de cette fiction juridique est qu’un tel service est distinct de ses éléments constitutifs respectifs.
71. S’il est convenu que le régime particulier des agences de voyages s’applique à un seul service, acquis auprès d’autrui, lié à un séjour (hébergement ou transport), la fourniture de ce service a pour effet que cette prestation est soumise à l’article 306 de la directive 2006/112 et qu’elle est par conséquent qualifiée de « prestation de voyage ». En d’autres termes, dès lors que cette règle est appliquée pour constater qu’un service donné est une prestation de voyage, l’on ne saurait par la suite
faire abstraction de cette qualification lorsqu’il s’agit d’appliquer un taux d’imposition, tout en invoquant cette même qualification aux fins de déterminer la base d’imposition.
72. Du point de vue systémique, les prestations de voyage ne figurent pas à l’annexe III de la directive 2006/112 (annexe à laquelle renvoie l’article 98 de la directive 2006/112), qui énumère les services soumis un taux réduit, et qui comprend, au point 12, « l’hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d’hébergement de vacances et la location d’emplacements de camping et d’emplacements pour caravanes ».
73. Dès lors, ainsi que l’observe la juridiction de renvoi, soumettre les agences de voyages au taux réduit d’imposition en ce qui concerne la fourniture de l’hébergement irait à l’encontre de l’annexe III de la directive 2006/112 et de l’objectif de simplification poursuivi par le régime particulier des agences de voyages.
74. La juridiction de renvoi relève toutefois que le refus d’appliquer le taux réduit d’imposition à la partie de la prestation concernée relative à l’hébergement peut donner lieu à une inégalité de traitement.
75. Je reconnais que la prestation consistant à fournir un service d’hébergement est susceptible, en raison de la règle exigeant un seul service acquis auprès d’un tiers, de faire l’objet d’un traitement fiscal différent selon la manière de fournir la prestation (à savoir si l’agence de voyages qui la fournit relève ou non du régime particulier des agences de voyages).
76. Toutefois, il existe des limites claires à cet argument, tout particulièrement dans le cadre de la TVA et des régimes spéciaux. Si l’on souhaitait atteindre l’égalité et la neutralité parfaites à tous égards, il ne devrait en premier lieu pas exister de régimes particuliers. Sans vouloir paraître trop formaliste, la qualification formelle du prestataire de services est en effet pertinente dans de telles situations, même lorsqu’il s’agit d’un service de même nature économique. Par conséquent, les
mêmes services, fournis d’une part par le propriétaire (avec ou sans l’intervention d’un intermédiaire) et, d’autre part, par une agence de voyages agissant en son nom propre sont traités différemment au regard de la législation en matière de TVA ( 54 ).
77. Eu égard aux considérations qui précèdent, je conclus, s’agissant de la seconde question préjudicielle, que l’article 98 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’annexe III, point 12), de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’une prestation de services soumise au régime particulier des agences de voyages prévu aux articles 306 et suivants de la directive 2006/112 ne peut bénéficier de la réduction du taux de taxe applicable à la fourniture d’hébergement de vacances.
V. Conclusion
78. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre au Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) que :
1) L’article 306 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que le régime particulier des agences de voyages est applicable à une prestation de services qui consiste en la fourniture d’un service acquis auprès d’un tiers, pourvu que ce service d’un tiers soit l’hébergement ou le transport.
2) L’article 98 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’annexe III, point 12, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’une prestation de services soumise au régime particulier des agences de voyages prévu aux articles 306 et suivants de ladite directive ne peut bénéficier de la réduction du taux de taxe applicable à la fourniture d’hébergement de vacances.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).
( 3 ) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1).
( 4 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435).
( 5 ) Arrêt du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762, points 21 et suivants), et ordonnance du président de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
( 6 ) Arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369, point 19).
( 7 ) Il convient toutefois d’observer que la notion d’« intermédiaire », telle qu’elle est employée à l’article 306 de la directive 2006/112 et dans les textes l’ayant précédée, n’a pas fait l’objet d’un examen détaillé par la Cour. Dans des affaires antérieures en la matière, la Cour a chargé la juridiction nationale de vérifier si la condition que l’opérateur n’agisse pas en qualité d’intermédiaire est remplie. Il semble toutefois que la Cour ait assimilé la notion d’« agir en son nom propre » à
celle de « ne pas agir en qualité d’intermédiaire » dans l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435, point 21), « [l]’application des dispositions de l’article 26 de la sixième directive est subordonnée par le paragraphe 1 de cet article à la condition que l’agence de voyages agisse en son propre nom à l’égard du voyageur et non en qualité d’intermédiaire » (souligné par mes soins). Voir également arrêt du 13 mars 2014, Jetair et BTWE Travel4you (C‑599/12, EU:C:2014:144,
points 54 et 55), et conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire ISt (C‑200/04, EU:C:2005:394, point 35). Je relève en outre que dans les articles 44, 50, 54, 56, paragraphe 1, et 153 de la directive 2006/112, il est fait référence à un ou des intermédiaires « qui agissent au nom et pour compte d’autrui ». S’il est vrai que cette expression n’est pas reprise à l’article 306, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2006/112, les termes opposés employés dans le premier alinéa
(« agissent en leur propre nom ») renvoient à une caractéristique attachée aux agences de voyages.
( 8 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435).
( 9 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
( 10 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
( 11 ) Pour être précis, il semblerait que l’opérateur proposait à la fois un service de transport fourni en propre et un service de transport pour lequel il avait recours à un sous-traitant. Toutefois, seule la prestation fournie en interne était pertinente aux fins de l’analyse relative au régime particulier des agences de voyages. La Cour n’a selon toute vraisemblance pas jugé utile d’examiner le fait que les services étaient fournis à des agences de voyages et non directement aux clients.
( 12 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120, points 22 et 23).
( 13 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120, points 22 et 23).
( 14 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435). Arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496, point 18).
( 15 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435, points 22 à 26).
( 16 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435, point 24), dans lequel est cité l’arrêt du 26 février 1992, Hacker (C‑280/90, EU:C:1992:92) qui concernait l’interprétation du chef de compétence exclusive en matière de droits réels au sens de l’article 16 de la convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32).
( 17 ) C’est ce qui était indiqué dans l’arrêt du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762). Dans cet arrêt, la Cour a rejeté l’application du régime particulier des agences de voyages à un opérateur dont la prestation se limitait à la vente de billets d’opéra.
( 18 ) Rapport rédigé pour le compte de la Commission, intitulé « Study on the review of the VAT Special Scheme for travel agents and options for reform, Final Report TAXUD/2016/AO-05 » (étude sur la révision du régime spécial de TVA applicable aux agences de voyages et sur les options de réforme, disponible sur le site internet de la Commission), décembre 2017, p. 26, point 3.2.
( 19 ) Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime particulier des agences de voyages [COM(2002) 64 final – 2002/0041(CNS)] (JO 2002, C 126E, p. 390). Cette proposition a par la suite été retirée ; voir retrait de propositions de la Commission qui ne revêtent plus un caractère d’actualité (JO 2014, C 153, p. 3). Voir également le dossier interinstitutionnel du Conseil 2002/0041 (CNS), relatif à la « TVA – régime particulier des agences de
voyages » (cote document ST 17567 2009 INIT).
( 20 ) Voir également mes conclusions dans l’affaire Skarpa Travel (C 422/17, EU:2018:XXX, points 30 à 33).
( 21 ) Arrêts du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435, points 13 et 14) ; du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496, point 18) ; du 19 juin 2003, First Choice Holidays (C‑149/01, EU:C:2003:358, points 23 et 24 et jurisprudence citée), et du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762, points 17 et 18 et jurisprudence citée) ; ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120, point 19) ; arrêts du
25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672, point 19) ; du 26 septembre 2013, Commission/Espagne (C‑189/11, EU:C:2013:587, point 58), et du 16 janvier 2014, Ibero Tours (C‑300/12, EU:C:2014:8, point 25). Voir également arrêt du 8 février 2018, Commission/Allemagne (C‑380/16, non publié, EU:C:2018:76, points 41, 42 et 48).
( 22 ) Directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1).
( 23 ) À l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 le « forfait » est défini, en substance, comme la combinaison d’au moins deux types différents de services de voyage aux fins du même voyage ou séjour de vacances. Quant au « service de voyage », il est défini, à l’article 3, paragraphe 1, comme « a) le transport de passagers ; b) l’hébergement qui ne fait pas partie intégrante du transport de passagers et qui n’a pas un objectif résidentiel ; c) la location de voitures […] ; d) tout
autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d’un service de voyage au sens des points a), b) ou c) ».
( 24 ) Voir arrêts du 11 février 1999, AFS Intercultural Programs Finland (C‑237/97, EU:C:1999:69), et du 13 octobre 2005, ISt (C‑200/04, EU:C:2005:608, points 30 à 33). Voir également conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire ISt (C‑200/04, EU:C:2005:394, point 33).
( 25 ) Arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369).
( 26 ) Arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369, point 17). La Cour a cité l’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/388 en vertu duquel les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Cette disposition apparaît désormais (en ce qui concerne les prestations de services) à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.
( 27 ) Arrêt du 21 juin 2007, Ludwig (C‑453/05, EU:C:2007:369, points 18 et 19 et jurisprudence citée).
( 28 ) Arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496).
( 29 ) Arrêt du 13 octobre 2005, ISt (C‑200/04, EU:C:2005:608).
( 30 ) Les forfaits comprenaient un vol aller-retour vers les États-Unis au départ de l’Allemagne, l’hébergement auprès d’une famille d’accueil, la nourriture, l’assurance, l’enseignement dans une high school américaine ou une institution similaire et du matériel éducatif.
( 31 ) Arrêt du 13 octobre 2005, ISt (C‑200/04, EU:C:2005:608, points 26 à 29).
( 32 ) Voir également arrêt du 20 juin 2013, Newey (C‑653/11, EU:C:2013:409, points 41 à 45), qui concernait, notamment, la notion de « prestation de services » et la nécessité d’aller parfois au‑delà des stipulations contractuelles et de prendre en considération la réalité économique et commerciale des opérations aux fins de déterminer la qualification qu’il convient d’attribuer à une opération et s’il s’agit d’un montage purement artificiel et d’une pratique abusive.
( 33 ) Je m’attarderai sur ce point en particulier un peu plus loin. Voir points 55 et 56 des présentes conclusions.
( 34 ) Tel était le cas dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496) (service propre d’hébergement accompagné d’un service de transport effectué par un tiers) ; du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672), et du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591) (service d’hébergement fourni par un tiers assorti d’un service propre de transport). L’applicabilité du régime particulier des agences de voyages a été
rejetée dans l’arrêt du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762), dans lequel la seule prestation, à savoir la vente de billets d’opéra, était considérée comme étant dénuée de lien avec un voyage. De même, la Cour a rejeté l’applicabilité du régime particulier dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120) (dans le cadre de laquelle seul un service de transport avait été fourni).
( 35 ) Sauf lorsque le service acquis auprès d’un tiers était purement accessoire par rapport au service fourni en propre, ainsi que cela ressort des arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496), et du 13 octobre 2005, ISt (C‑200/04, EU:C:2005:608).
( 36 ) Au point 39 des présentes conclusions. Dans ce même arrêt, la Cour a en outre fourni des orientations sur la méthode de calcul à utiliser dans ce cadre.
( 37 ) Arrêt du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672, points 23, 25 et 26).
( 38 ) Arrêt du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591, point 41).
( 39 ) Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435).
( 40 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
( 41 ) « [L]a prestation offerte par l’agence peut […] ne pas se réduire, dans un tel cas, à une prestation unique, puisqu’elle peut comprendre […] des prestations comme les informations et conseils par lesquels l’agence de voyages propose un éventail de choix pour les vacances et la réservation du logement » : arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C‑163/91, EU:C:1992:435, point 24), dans lequel est cité l’arrêt du 26 février 1992, Hacker (C‑280/90, EU:C:1992:92), qui concernait toutefois
l’interprétation d’un chef de compétence exclusive en matière de droits réels au sens de l’article 16 de la convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
( 42 ) Il convient une fois de plus de relever que la seule décision en contradiction avec cette jurisprudence constante semble être l’ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120), dans laquelle la Cour a insisté sur le fait que la prestation fournie doit comporter au moins deux éléments.
( 43 ) Conformément aux exigences de la Cour dans la jurisprudence citée ci-dessus, voir points 48 à 51 des présentes observations.
( 44 ) Voir arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496, points 39 à 47) et du 6 octobre 2005, MyTravel (C‑291/03, EU:C:2005:591, points 22 à 41).
( 45 ) Voir points 6 à 8 des présentes conclusions. L’article 306 fait clairement référence à « des livraisons de biens et des prestations de services » en recourant au pluriel.
( 46 ) Voir points 31 à 35 des présentes conclusions.
( 47 ) Voir arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496, points 5 et 34) ; du 19 juin 2003, First Choice Holidays (C‑149/01, EU:C:2003:358, point 22) ; du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen (C‑31/10, EU:C:2010:762, point 16), et du 25 octobre 2012, Kozak (C‑557/11, EU:C:2012:672, point 20 et jurisprudence citée).
( 48 ) Points 21 à 23 des présentes conclusions.
( 49 ) Ordonnance de la Cour du 1er mars 2012, Star Coaches (C‑220/11, EU:C:2012:120).
( 50 ) Arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, EU:C:1998:496, point 19).
( 51 ) Rapport rédigé pour le compte de la Commission, intitulé « Study on the review of the VAT Special Scheme for travel agents and options for reform, Final Report TAXUD/2016/AO-05 » (étude sur la révision du régime spécial de TVA applicable aux agences de voyages et sur les options de réforme, disponible sur le site internet de la Commission européenne), décembre 2017, p. 11.
( 52 ) Arrêt du 9 mars 2017, Oxycure Belgium (C‑573/15, EU:C:2017:189, point 25 et jurisprudence citée).
( 53 ) Voir point 50 des présentes conclusions. Voir également arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C‑74/91, EU:C:1992:409, point 16).
( 54 ) Il convient de rappeler, par analogie, que la Cour a jugé que d’éventuelles distorsions de concurrence résultant de l’application de règles transitoires relatives au régime particulier des agences de voyages n’autorisaient pas les États membres à faire une application incorrecte d’un tel régime particulier. Voir arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C‑74/91, EU:C:1992:409, points 16 et 26).