CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 5 septembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑215/17
Nova Kreditna Banka Maribor d.d.
contre
Republika Slovenija
[demande de décision préjudicielle du Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie)]
« Renvoi préjudiciel – Réutilisation des informations du secteur public – Exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement – Établissements de crédit se trouvant sous l’influence dominante de l’État – Règles nationales accordant un accès illimité à certaines informations relatives aux contrats commerciaux conclus par de tels établissements »
I. Introduction
1. Nova Kreditna Banka Maribor d.d. (ci-après « NKBM ») est une banque slovène. Une journaliste a demandé à cette banque de lui fournir une liste comportant certaines informations relatives aux contrats conclus avec des sociétés de conseil, d’avocats et de prestations de services intellectuels. Cette demande était fondée sur les dispositions slovènes relatives à l’accès aux documents. Au moment de cette demande, l’État slovène détenait la majorité du capital de NKBM. Il avait également recapitalisé
cette banque. C’est pourquoi la législation nationale relative à l’accès aux documents était applicable à la banque à ce moment-là et il semble que des informations telles que celles demandées par la journaliste auraient dû être fournies en vertu du droit national.
2. NKBM a rejeté la demande de la journaliste. La journaliste a introduit une réclamation auprès de l’autorité administrative slovène en charge de l’accès aux informations, qui a ordonné à la banque d’accorder l’accès aux informations demandées. NKBM a contesté cette décision devant les juridictions nationales. L’affaire est désormais examinée par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) concernant un point de droit. Cette juridiction a saisi la Cour de deux questions préjudicielles portant sur
la compatibilité de la législation slovène relative à l’accès aux documents à la fois avec la directive 2003/98/CE ( 2 ) et avec le règlement (UE) no 575/2013 ( 3 ).
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 2003/98
3. Ainsi que l’indique son article 1er, paragraphe 1, la directive 2003/98 vise à fixer « un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des organismes du secteur public des États membres ».
4. L’article 1er, paragraphe 2, établit une liste d’exclusions du champ d’application de la directive. Sous c), il prévoit notamment que la directive ne s’applique pas « aux documents dont l’accès est exclu conformément aux règles d’accès en vigueur dans les États membres, y compris pour des motifs de : […] confidentialité des informations commerciales (notamment secret d’affaires, secret professionnel ou secret d’entreprise) ».
5. À l’article 1er, paragraphe 3, il est également indiqué que la directive « s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne les affecte en rien ».
6. L’article 2 de la directive 2003/98 propose les définitions suivantes :
« 1) “organismes du secteur public”, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public ;
2) “organisme de droit public”, tout organisme :
a) créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et
b) doté de la personnalité juridique, et
c) dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public ;
[…] »
2. Le règlement no 575/2013
7. Le champ d’application du règlement no 575/2013 est défini à l’article 1er qui est libellé comme suit :
« Le présent règlement fixe des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que tous les établissements faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36/UE respectent en ce qui concerne :
[…]
e) les obligations de publication.
[…] »
8. La huitième partie de ce règlement est intitulée « Informations à publier par les établissements » et elle est composée des articles 431 à 455. L’article 431 définit la portée des exigences de publication d’informations. L’article 432, paragraphe 2, autorise, à certaines conditions, à ne pas présenter des informations sensibles ou confidentielles. L’article 433 ajoute que les établissements publient les communications exigées à la huitième partie au moins une fois par an.
B. Le droit slovène
1. La loi sur l’accès aux informations d’importance publique
9. L’article 1a du Zakon o dostopu do informacij javnega značaja (loi sur l’accès aux informations d’importance publique, ci-après le « ZDIJZ ») est libellé comme suit :
« (1) La présente loi régit également la procédure permettant à quiconque d’accéder librement aux informations d’importance publique dont disposent les sociétés commerciales et d’autres personnes de droit privé se trouvant sous l’influence dominante, directe ou indirecte, individuellement ou ensemble, de l’État slovène, de collectivités locales autonomes et d’autres personnes de droit public (ci-après les “entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public”).
(2) L’influence dominante au sens du paragraphe précédent est assurée lorsque l’État slovène, des collectivités locales autonomes ou d’autres personnes morales de droit public, individuellement ou collectivement :
— peuvent exercer une influence dominante sur la base d’une participation majoritaire dans le capital souscrit ou disposent d’un droit de contrôle de la majorité ou peuvent nommer plus de la moitié des membres du directoire ou du conseil de surveillance dans une société commerciale, directement ou indirectement par le biais d’autres sociétés commerciales ou d’autres personnes morales de droit privé,
[…]
(3) Se trouve également sous influence dominante au sens du paragraphe (1) du présent article une banque qui bénéficie de mesures en vertu de la loi régissant les mesures prises par l’État slovène pour renforcer la stabilité des banques.
(4) Les entreprises sont également considérées comme soumises à l’obligation prévue au paragraphe (1) du présent article, pendant cinq ans après que l’influence dominante visée au paragraphe (2) du présent article a pris fin, pour les informations d’importance publique qui datent de la période où elles se trouvaient sous influence dominante.
(5) Une entreprise se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public est soumise à l’obligation d’accorder l’accès aux informations d’importance publique au sens de l’article 4a de la présente loi.
(6) Outre l’objectif inscrit à l’article 2, paragraphe (1), la présente loi a également pour objectif le renforcement de la transparence, ainsi qu’une gestion responsable des fonds publics et des finances des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public.
[…] »
10. L’article 4a, paragraphe 1, du ZDIJZ dispose :
« (1) Dans le cas des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public est une information d’importance publique :
– une information sur une transaction concernant l’acquisition, la disposition ou la gestion des actifs corporels de l’entreprise ou les dépenses de l’entreprise pour commander [des] fournitures, des travaux, des services d’agence, de conseil ou autres, ainsi que des contrats de dons, de sponsoring, de conseil et d’auteur, ou d’autres transactions produisant le même effet ;
[…] »
11. Conformément à l’article 6a du ZDIJZ :
« (1) Nonobstant les dispositions du paragraphe (1) de l’article précédent, l’accès demandé à une information d’importance publique sur des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public est accordé, s’il s’agit de données principales sur les transaction conclues visées à l’article 4a, paragraphe (1), premier tiret, de la présente loi, à savoir :
— une donnée relative au type de transaction ;
— au partenaire contractuel, pour une personne morale : le nom ou l’objet social, le siège, l’adresse commerciale ou, pour une personne physique : le nom spécifique et le lieu de résidence ;
— la valeur du contrat et les montants des différents paiements effectués ;
— la date de conclusion du contrat et la durée de la transaction ; ainsi que
— certaines données figurant dans les annexes de tels contrats.
[…]
(3) Nonobstant la disposition du paragraphe (1) du présent article, les personnes tenues d’accorder l’accès, dont les informations d’importance publique ne sont pas accessibles sur Internet conformément à l’article 10a, paragraphe (4), de la présente loi, refusent l’accès aux données principales relatives aux transactions visées au paragraphe (1) du présent article, si elles démontrent que la divulgation porterait un préjudice grave à leur position concurrentielle sur le marché, sauf si ces
données concernent des transactions qui ont pour objet des services de dons, de sponsoring, de conseil et d’auteur, ou d’autres transactions produisant le même effet.
[…] »
2. La loi sur les sociétés commerciales
12. L’article 39 du Zakon o gospodarskih družbah (loi sur les sociétés commerciales, ci-après le « ZGD-1 ») dispose :
« (1) Sont considérées comme un secret d’affaires les données que la société qualifie comme tel par décision écrite. Les associés, collaborateurs, membres des organes de la société et les autres personnes qui sont liées par le secret d’affaires doivent être informés de cette décision.
(2) Qu’elles soient ou non qualifiées comme tel par une décision au sens du paragraphe (1), sont également considérées comme un secret d’affaires les données pour lesquelles il est manifeste que leur divulgation à une personne non autorisée causerait un préjudice grave. Les associés, les collaborateurs, les membres des organes de la société et d’autres personnes répondent de la divulgation d’un secret d’affaires s’ils savaient ou auraient dû savoir qu’il s’agissait de données de cette nature.
(3) Ne doivent pas être qualifiées de secret d’affaires des données qui sont publiques de par la loi ou des données relatives à une violation d’une loi ou aux bonnes pratiques commerciales. »
III. Les faits, la procédure devant les juridictions nationales et les questions préjudicielles
13. NKBM est une banque slovène. Une journaliste a demandé à cette banque de lui fournir une liste comportant certaines informations relatives aux contrats conclus avec des sociétés de conseil, d’avocats et de prestations de services intellectuels entre le 1er octobre 2012 et le 17 avril 2014. Les informations demandées concernaient spécifiquement des données relatives au type de transaction, au partenaire contractuel (pour une personne morale : le nom ou l’objet social, le siège, l’adresse
commerciale), à la valeur du contrat, aux montants des différents paiements effectués pour ces services, à la date de conclusion du contrat, à la durée de la transaction, ainsi que les mêmes données figurant dans les annexes des contrats.
14. Conformément à l’article 6a, paragraphe 1, du ZDIJZ, lorsque les informations demandées concernent certains types de transactions contractuelles (dont les contrats en cause en l’espèce), elles sont qualifiées de données principales. De telles données sont considérées comme des « informations d’importance publique » lorsqu’elles concernent des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public.
15. Pendant la période concernée par la demande d’accès à des données, NKBM se trouvait sous l’influence dominante d’une personne de droit public, à savoir la République de Slovénie. Il en était ainsi parce que i) la République de Slovénie détenait directement ou indirectement la majorité du capital de NKBM et ii), comme un certain nombre d’autres banques, NKBM avait été fortement recapitalisée dans le cadre d’une intervention de l’État.
16. Conformément à l’article 6a, paragraphe 3, du ZDIJZ, l’accès aux « données principales » évoquées précédemment doit en principe être accordé. Toutefois, l’accès peut être refusé si la société démontre qu’une divulgation porterait gravement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché.
17. Néanmoins, il y a une exception à cette exception : l’accès doit toujours être accordé lorsque ces « données principales » concernent des transactions « relatives à des services de dons, de sponsoring, de conseil, d’auteur, ou d’autres services intellectuels ou d’autres transactions produisant le même effet ». D’après la juridiction de renvoi, la liste demandée par la journaliste porte sur des contrats relevant de cette catégorie.
18. Le 21 avril 2016, NKBM est devenue une société par actions de droit privé et, en tant que telle, elle ne se trouve plus sous l’influence dominante de l’État ou d’autres personnes de droit public. Toutefois, conformément à l’article 1a, paragraphe 4, du ZDIJZ, elle reste tenue de fournir des données pendant encore cinq ans après que cette influence dominante a pris fin, à condition que ces données concernent la période pendant laquelle elle se trouvait sous influence dominante. En tout état de
cause, la journaliste a demandé l’accès aux informations à une date qui n’est pas indiquée expressément dans la décision de renvoi mais qui était clairement antérieure au 21 avril 2016 : ainsi que l’observe la juridiction de renvoi, NKBM a donné sa réponse (négative) à cette demande le 19 mai 2014.
19. NKBM a rejeté la demande d’informations de la journaliste. La journaliste a introduit une réclamation auprès de l’Informacijski pooblaščenec (commissaire chargé de l’information). Le commissaire chargé de l’information a fait droit à la réclamation et a ordonné à NKBM de fournir les informations demandées par la journaliste.
20. Le recours de NKBM contre cette décision a été rejeté par la juridiction de première instance. NKBM a formé contre ce jugement un pourvoi en révision concernant un point de droit auprès de la juridiction de renvoi, le Vrhovno sodišče (Cour suprême). Devant cette juridiction, NKBM a soutenu que le ZDIJZ viole des droits constitutionnels et qu’il est incompatible avec le droit de l’Union. La question de l’incompatibilité de la législation nationale avec la constitution slovène a été examinée par
l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), saisie d’une question de constitutionnalité par la juridiction de renvoi. L’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a jugé que les dispositions nationales en cause n’étaient pas incompatibles avec la constitution slovène ( 4 ).
21. Dans ce contexte, le Vrhovno sodišče (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel des questions suivantes :
« 1) L’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la [directive 2003/98], en tenant compte de l’approche de l’harmonisation minimale, doit‑il être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale peut permettre un accès illimité (absolu) à toutes les données des contrats d’auteur et de conseil, même si ces contrats sont définis comme des secrets d’affaires, et ce seulement à l’égard des personnes se trouvant sous l’influence dominante de l’État, et non pas à l’égard des autres
personnes tenues d’accorder l’accès aux informations, et le [règlement no 575/2013] sur les règles relatives à la divulgation a‑t‑il également une incidence sur l’interprétation en ce sens que l’accès aux informations d’importance publique au sens la directive 2003/98 ne peut pas être plus étendu que celui accordé par les règles uniformes de divulgation prévues par ce règlement ?
2) Le règlement no 575/2013 sur les règles relatives à la divulgation concernant l’activité de la banque, en particulier la huitième partie, l’article 446 et l’article 432, paragraphe 2, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre imposant à une banque qui est ou a été sous l’influence dominante d’une personne de droit public, de divulguer des données relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services
intellectuels, qu’elle a conclus, à savoir : le type de transaction, le partenaire contractuel (pour une personne morale : le nom ou l’objet social, le siège, l’adresse commerciale), la valeur du contrat, les montants des différents paiements effectués pour ces services, la date de conclusion du contrat, la durée de la transaction, ainsi que des mêmes données figurant dans les annexes des contrats, qui ont leur origine pendant la période d’exercice d’une influence dominante, sans aucune
exception et sans possibilité de mise en balance des intérêts du public à l’accès aux données et des intérêts de la personne tenue d’accorder l’accès à la préservation du secret d’affaires, lorsqu’il ne s’agit pas d’un cas de figure comportant des éléments transfrontaliers ? »
22. NKBM, le commissaire chargé de l’information, les gouvernements slovène et hongrois, ainsi que la Commission européenne, ont présenté des observations écrites. NKBM, le gouvernement slovène et la Commission ont été entendus lors de l’audience du 7 juin 2018.
IV. Appréciation juridique
23. Je considère que ni la directive 2003/98 ni le règlement no 575/2013 ne s’opposent à la législation en cause au principal. J’examinerais individuellement chacun de ces actes de l’Union européenne dans le cadre de l’analyse de la première (titre A) et de la seconde question (titre B).
A. La première question préjudicielle : la directive 2003/98
24. La première question comporte deux branches. La première branche concerne la question de la compatibilité avec l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive 2003/98 de dispositions nationales accordant un accès illimité (absolu) à toutes les données des contrats d’auteur et de conseil, même si ces contrats sont définis comme des secrets d’affaires. La juridiction de renvoi précise que ces dispositions prévoient cela seulement pour les personnes se trouvant sous
l’influence dominante de l’État. La seconde branche de la question concerne le point de savoir si le règlement no 575/2013 a une incidence sur l’interprétation de la directive.
25. À titre liminaire, il convient d’observer que le gouvernement slovène a soutenu dans ses observations écrites et confirmé lors de l’audience que le libellé de cette question n’est pas tout à fait exact.
26. Premièrement, la question affirme que la législation slovène en cause accorde un accès illimité à toutes les informations relatives à certains types de contrats. Or, selon le gouvernement slovène, le ZDIJZ accorderait un accès illimité seulement à certaines données, les « données principales » relatives à ces contrats. Ainsi que le gouvernement slovène l’a précisé lors de l’audience, ces données seraient présentées sous une forme agrégée, ce qui signifie qu’une personne demandant l’accès
obtiendrait l’information selon laquelle, par exemple, la banque X a conclu un contrat avec la société Y, ayant un objet Z, ainsi que sur le montant total payé, mais elle n’obtiendrait aucun détail supplémentaire relatif au contenu de ce contrat. Partant, l’accès à tous les autres éléments du contrat (qui ne sont pas des « données principales ») pourrait être refusé si la société les qualifiait de secret d’affaires.
27. En tout état de cause, je voudrais souligner qu’il ressort clairement de la décision de renvoi que la demande d’accès à des informations de la journaliste vise seulement les « données principales » des contrats d’auteur et de conseil, c’est-à-dire des informations soumises en fin de compte à un accès illimité en vertu de l’article 6a, paragraphe 3, du ZDIJZ.
28. Deuxièmement, la juridiction de renvoi affirme dans la première question que la législation nationale en cause accorde un accès illimité, même si ces contrats sont définis comme des secrets d’affaires. Le gouvernement slovène indique encore une fois que le libellé de la question ne correspond pas à sa législation nationale. Plus précisément, il soutient que NKBM ne peut pas qualifier les données demandées par la journaliste de secrets d’affaires, car l’article 39, paragraphe 3, du ZGD-1 ne
permet pas de qualifier de cette manière des données qui sont publiques en vertu de la loi. Les données demandées par la journaliste sont publiques en vertu de l’article 6a, paragraphe 3, du ZDIJZ.
29. Encore une fois, en tout état de cause, même si, à cet égard, la question semble formulée en des termes excessivement larges, la juridiction de renvoi n’indique pas dans la décision de renvoi que NKBM aurait qualifié ou cherché à qualifier de secrets d’affaires les données auxquelles la journaliste a demandé l’accès.
30. Si on laisse de côté les détails relatifs aux faits et au droit national, il semble constant qu’en vertu du droit national NKBM doit accorder un accès illimité, sous une forme agrégée, à la liste comportant les données demandées par la journaliste. Cette liste concerne des contrats que NKBM a conclus avec des sociétés de conseil, d’avocats et de prestations de services intellectuels. Les informations auxquelles la journaliste doit pouvoir accéder portent seulement sur les « données
principales ». Il est également constant qu’un tel accès illimité serait impossible si, pendant la période pertinente, NKBM ne s’était pas trouvée sous l’influence dominante de l’État. Il semble que cela soit le nœud de la première branche de la première question posée par la juridiction de renvoi : un tel accès illimité est-il compatible avec l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive 2003/98 ?
31. Selon moi, il l’est, et ce pour une raison assez simple : au vu du champ d’application ratione materiae de la directive 2003/98, je pense que cette dernière ne vise pas du tout à régir une situation telle que celle de l’affaire au principal (titre 2). Toutefois, il convient en outre d’examiner le champ d’application ratione personae de la directive, et ce peut-être même avant le champ d’application ratione materiae (titre 1).
1. Applicabilité ratione personae
32. Il est indiqué à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/98 que celle‑ci fixe des règles « concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des organismes du secteur public des États membres » (souligné par mes soins). Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive, « on entend par […] “organismes du secteur public”, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public […] ».
L’article 2, paragraphe 2, définit en outre les « organisme de droit public » comme tout organisme remplissant trois conditions cumulatives. La première de ces conditions requiert qu’un tel organisme ait été « créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial » (souligné par mes soins) ( 5 ).
33. Naturellement, il appartient à la juridiction nationale d’établir les faits d’une affaire. Toutefois, je dois dire que j’ai du mal à imaginer comment une personne morale présentée comme une banque (commerciale normale) et qui n’a été contrôlée par l’État que temporairement, afin d’être recapitalisée puis revendue sur le marché, pourrait être considérée comme un « organisme du secteur public » au sens de la directive. Même le fait d’avoir été contrôlée par l’État pendant un certain temps pourrait
difficilement faire de cette personne morale un organisme « de droit public » au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/98. De surcroît, une banque commerciale, telle que NKBM semble l’être, ne remplit probablement pas non plus les conditions prévues à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive : le fait d’être contrôlée temporairement et recapitalisée par l’État peut difficilement faire de cette personne morale un organisme « créé pour satisfaire spécifiquement des
besoins d’intérêt général » tout en la privant de son « caractère industriel ou commercial ».
2. Applicabilité ratione materiae
34. Néanmoins, que la juridiction de renvoi considère ou non que NKBM était un organisme du secteur public au sens de la directive 2003/98 pendant la période pertinente, j’estime que, de toute façon, les questions sur lesquelles porte la législation slovène applicable à l’affaire au principal ne relèvent pas ratione materiae de ladite directive.
35. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, la directive « s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne les affecte en rien ». De même, le considérant 9 de la directive 2003/98 indique que celle-ci « s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne modifie pas les règles nationales en matière d’accès aux documents ».
36. Cela est encore précisé au considérant 7 de la directive 2013/37, qui a modifié la directive 2003/98. D’après ce considérant, « [l]a directive 2003/98/CE ne contient aucune obligation en matière d’accès aux documents ni aucune obligation d’autoriser la réutilisation de documents ». De surcroît, conformément au considérant 8 de la directive 2013/37, les modifications apportées par celle-ci « ne tendent pas à définir ou à modifier les règles d’accès en vigueur dans les États membres, lesquelles
demeurent de la compétence de ces derniers ».
37. Par conséquent, la directive 2003/98 distingue clairement entre accès aux documents et réutilisation de ces documents. Sans accès, il ne peut pas y avoir de réutilisation, mais cela ne signifie pas que la réutilisation et l’accès peuvent être considérés comme des notions équivalentes ( 6 ). La directive prévoit des obligations en matière de réutilisation des documents mais n’a pas d’effet sur les dispositions (nationales) relatives à l’accès aux documents. En même temps, elle s’appuie sur des
dispositions nationales régissant l’accès aux documents et dépend de telles dispositions pour être applicable. Il est vrai aussi que, dès lors que l’accès est accordé par le droit national, en principe ( 7 ), la réutilisation devrait être accordée automatiquement, dans les conditions prévues par la directive ( 8 ). Il n’en demeure pas moins que la directive est sans préjudice des règles relatives à l’accès aux documents détenus par des organismes du secteur public, et ne vise pas non plus à
modifier ces règles, qui restent de la seule compétence des États membres.
38. Ainsi que l’a fait remarquer le gouvernement slovène dans ses observations écrites, la loi slovène en cause dans l’affaire au principal, le ZDIJZ, est la législation nationale relative à l’accès aux documents. Il est vrai que le ZDIJZ est également la loi dans laquelle le législateur national a décidé d’insérer certaines dispositions visant à transposer la directive 2003/98. Néanmoins, eu égard au contenu des dispositions du ZDIJZ applicables à l’affaire au principal, dont l’article 6a,
paragraphe 3, de ladite loi, selon moi, il est clair que ces dispositions sont des règles accordant un accès illimité à certaines informations et non pas des règles relatives à la réutilisation de documents ( 9 ).
39. Partant, la situation de l’affaire au principal et la loi nationale applicable concernent clairement l’accès et non pas la réutilisation au sens de la directive 2003/98 ( 10 ). Dans la mesure où il appartient clairement aux États membres de décider des questions d’accès initial, le « supplément » éventuellement applicable ensuite sous la forme de la directive 2003/98 ne peut pas servir à raisonner à l’envers et à limiter le champ de cet accès initial. C’est pourquoi cette directive ne pourrait
pas faire obstacle à des dispositions nationales accordant un accès illimité à certains documents, même si ces documents étaient qualifiés de secrets d’affaires.
40. L’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive 2003/98, évoqué par la juridiction nationale, ne change rien à cette conclusion. Selon cette disposition, la directive ne s’applique pas aux documents qui, conformément aux règles d’accès en vigueur dans les États membres, ne sont pas accessibles. Il en est ainsi justement parce que, comme je l’ai déjà indiqué, une réutilisation (conformément à la directive) est possible seulement lorsque les documents sont accessibles (conformément au droit
national). Par conséquent, le fait que l’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, cite la « confidentialité des informations commerciales (notamment secret d’affaires, secret professionnel ou secret d’entreprise) » à titre d’exemple ( 11 ) de motifs éventuels d’exclusion (nationale) de l’accès aux documents qui, lorsque, et si, ils sont applicables, impliquent que ces documents ne sont pas couverts par la directive, peut difficilement être interprété comme imposant aux États membres
une obligation de prévoir des limites à l’accès pour ces motifs.
41. Enfin, par la seconde branche de la première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’interprétation de la directive 2003/98 est influencée par le règlement no 575/2013, notamment en ce sens que l’accès à des informations du secteur public ne peut pas être plus large que ce qui est prévu par les règles harmonisées relatives à la communication d’informations prévues par le règlement.
42. Cette branche de la première question ouvre l’examen de la seconde question posée par la juridiction de renvoi : celle de savoir si le règlement est exhaustif concernant les obligations de publication qu’il impose aux établissements de crédit et, en cas de réponse affirmative, si cela implique une interdiction de dispositions nationales permettant un accès à des informations supplémentaires non couvertes par ces obligations de divulgation. C’est cette question que je vais maintenant examiner.
B. La seconde question : le règlement no 575/2013
43. La seconde question concerne les règles de divulgation d’informations prévues dans la huitième partie du règlement no 575/2013 et, plus précisément, l’article 446 et l’article 432, paragraphe 2. La juridiction de renvoi demande en substance si ces dispositions s’opposent à une réglementation imposant à une banque qui se trouve sous l’influence dominante d’une personne de droit public, de divulguer certaines informations (qui correspondent aux données principales au sens du ZDIJZ) relatives à des
contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels, sans prévoir aucune exception et sans possibilité de mise en balance des intérêts du public à l’accès aux données et des intérêts de la banque tenue d’accorder l’accès à la préservation du secret d’affaires. La juridiction de renvoi ajoute qu’elle pose cette question dans un cas de figure ne comportant pas d’éléments transfrontaliers.
44. Le règlement no 575/2013 est un acte législatif détaillé. Il prévoit des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que les établissements faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36 ( 12 ), c’est-à-dire les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, doivent respecter en ce qui concerne certaines exigences visées à l’article 1er. Ces exigences portent principalement sur le profil de risque de ces établissements. Le considérant 7
précise que « [l]e présent règlement devrait contenir entre autres les exigences prudentielles applicables aux établissements qui concernent strictement le fonctionnement des marchés des services bancaires et financiers et visent à assurer la stabilité financière des opérateurs sur ces marchés ainsi qu’un niveau élevé de protection des investisseurs et des déposants ». Les exigences prudentielles prévues par le règlement visent à garantir non seulement la solidité financière des établissements
de crédit et des entreprises d’investissement mais aussi un degré d’information suffisant pour les investisseurs et les déposants, grâce à un système harmonisé de divulgation d’informations relatives au profil de risque de chaque établissement.
45. Le règlement impose un certain nombre d’obligations structurelles, économiques, comptables et financières essentielles en matière de fonds propres (deuxième partie), d’exigences de fonds propres (troisième partie), de grands risques (quatrième partie), d’expositions sur le risque de crédit transféré (cinquième partie), de liquidité (sixième partie) et de levier (septième partie). De surcroît, la huitième partie du règlement no 575/2013 prévoit une obligation de publication d’informations
concernant certaines de ces exigences essentielles. Le considérant 68 indique que « les exigences de publication devraient avoir pour objectif de fournir aux acteurs du marché des informations précises et complètes sur le profil de risque des établissements particuliers» ( 13 ).
46. Conformément à l’article 431, paragraphe 3, du règlement no 575/2013, les établissements adoptent une politique formelle pour se conformer à ces exigences de publicité. Conformément à l’article 433, les informations pertinentes doivent être publiées au moins une fois par an, mais elles peuvent être publiées plus fréquemment. L’article 434 prévoit que les établissements de crédit et les entreprises d’investissement peuvent déterminer le moyen de publication, même si, dans la mesure du possible,
toutes les communications sont fournies via un support ou un lieu unique.
47. L’article 432, paragraphe 2, du règlement no 575/2013, auquel il est fait référence dans la seconde question, prévoit que les établissements de crédit et les sociétés d’investissement peuvent ne pas présenter certaines de ces informations ( 14 ) si elles sont considérées comme « sensibles ou confidentielles» ( 15 ).
48. Ainsi que je l’ai déjà indiqué ( 16 ), l’article 6a, paragraphe 3, du ZDIJZ permet de refuser l’accès à des informations d’importance publique lorsque cette publication porterait un préjudice grave à la position concurrentielle sur le marché de la personne ou de la société concernée. Cette exception à l’obligation de publication est formulée en des termes assez similaires à l’exception de l’obligation de publication d’informations sensibles prévue à l’article 432, paragraphe 2, du règlement
no 575/2013. Néanmoins, contrairement au ZDIJZ, le règlement ne permet pas d’écarter cette exception pour des motifs d’intérêt public. C’est justement pour cette raison que la juridiction de renvoi semble avoir des doutes quant à la compatibilité des dispositions nationales avec le droit de l’Union.
49. J’ai examiné de manière assez détaillée les dispositions du droit de l’Union et du droit national en cause, afin de souligner que, bien que les deux dispositions comportent des « mots clés » similaires (« publication », « banques », et « informations confidentielles »), elles concernent et visent à régir des domaines très différents. Cela ressort également de trois éléments concernant l’économie générale et la logique des deux dispositions.
50. Premièrement, le ZDIJZ, accorde une possibilité d’accès individuel à des documents spécifiques sur la base d’une demande individuelle au cas par cas. En revanche, le règlement no 575/2013 impose une obligation de communication générale d’un nombre important d’informations prédéterminées par celui-ci qu’il est obligatoire de publier unilatéralement (c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire qu’une partie intéressée le demande), systématiquement, annuellement (ou, le cas échéant, plus fréquemment)
et, en principe, sous une forme consolidée au moyen d’une publication unique en ligne ou sur support papier.
51. Deuxièmement, concernant les personnes morales soumises aux obligations de communication, le ZDIJZ s’applique de manière générale à toutes les personnes morales de droit public ainsi qu’aux personnes morales de droit privé se trouvant sous l’influence dominante de personnes morales de droit public, alors que le règlement s’applique seulement aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.
52. Troisièmement, concernant l’objectif des obligations de publication, l’article 1a, paragraphe 6, du ZDIJZ dispose que « la présente loi a […] pour objectif le renforcement de la transparence, ainsi qu’une gestion responsable des fonds publics et des finances des entreprises se trouvant sous l’influence dominante de personnes de droit public » (souligné par mes soins). En revanche, le considérant 68 du règlement indique que « les exigences de publication devraient avoir pour objectif de fournir
aux acteurs du marché des informations précises et complètes sur le profil de risque des établissements particuliers » (souligné par mes soins).
53. Selon moi, le type de publication prévu par le règlement no 575/2013 et le droit d’accès illimité accordé par le ZDIJZ ont des motifs et des finalités différents, sont formulés de manières différentes, accordent des droits et imposent des obligations à des personnes différentes. Ils concernent des domaines très différents.
54. C’est pourquoi je ne pense pas que l’on puisse, par voie d’interprétation, transposer à la législation nationale relative à l’accès aux documents, en l’occurrence le ZDIJZ, les dispositions uniformes relatives aux exceptions à la publication permises par l’article 432, paragraphe 2, du règlement, rédigées et formulées dans leur contexte spécifique et dans un but spécifique. Il n’y a entre le règlement et le ZDIJZ tout simplement aucun lien matériel ou logique susceptible de justifier une telle
limitation.
55. Un exemple pourrait aider à démontrer la véritable nature (problématique) de l’argument sur lequel repose la seconde question de la juridiction de renvoi. Imaginons un acte législatif établissant une autorité publique nationale. Cet acte, qui définit les compétences et la gouvernance de cette institution, indique également que celle-ci doit publier un rapport annuel comportant tel et tel types d’informations, accessible à tous sur son site Internet. Cette institution publique pourrait-elle
ensuite invoquer cet acte pour refuser l’accès à une information individuelle demandée par un particulier en vertu de la législation d’application générale relative à l’accès aux documents au motif que, comme le législateur n’a pas inclus ce type d’informations dans la liste des informations à publier automatiquement une fois par an, ce faisant, il aurait interdit toute communication individuelle de ces informations ?
56. Bien évidemment, la réponse est négative. Le fait que deux bateaux se croisent pendant la nuit et s’envoient même des signaux, ne signifie certainement pas (sans autre acte relativement explicite) que l’un contrôle l’autre.
57. Trois remarques finales sont nécessaires afin de prendre entièrement en considération tous les arguments de la juridiction de renvoi et d’aider pleinement la Cour, pour le cas où une telle aide lui serait nécessaire, en plus des considérations que je viens d’exposer, pour se prononcer sur la seconde question.
58. Premièrement, dans sa question, la juridiction de renvoi mentionne non seulement l’article 432, paragraphe 2, mais aussi l’article 446, du règlement no 575/2013. Cette disposition, intitulée « risque opérationnel » prévoit en substance une obligation de publication des méthodes d’évaluation des exigences de fonds propres pour risque opérationnel applicables à l’établissement ( 17 ).
59. Toutefois, si elle mentionne cette disposition, la juridiction de renvoi n’explique pas pourquoi elle considère que la loi slovène pourrait être incompatible avec elle. Je ne pense pas que cette disposition change quoi que ce soit à la conclusion à laquelle je suis déjà parvenu concernant la seconde question. En tout état de cause, il convient de rappeler que l’article 94, sous c, du règlement de procédure de la Cour, qui définit le contenu d’une demande de décision préjudicielle, indique que
celle-ci doit comporter notamment « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ». Comme la juridiction de renvoi ne s’est pas conformée à cette obligation, je considère que cette partie de la seconde question est irrecevable ( 18 ).
60. Deuxièmement, la juridiction de renvoi mentionne l’article 450 du règlement no 575/2013 comme autre source d’incompatibilité potentielle du ZDIJZ avec le droit de l’Union. Cette disposition, intitulée « politique de rémunération » prévoit une obligation de publier certaines informations concernant la politique et les pratiques de rémunération pour les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont un impact significatif sur leur profil de risque.
61. À cet égard, je souhaite préciser que, lors de l’audience, le gouvernement slovène a confirmé que la liste de données demandée par la journaliste comporte non pas des informations relatives à la politique de rémunération de NKBM, mais seulement des informations relatives à des contrats conclus avec des tiers et ne concernant pas la politique de rémunération de la banque. En l’absence de toute autre explication de la juridiction de renvoi, il semblerait donc que la mention de l’article 450 du
règlement ne soit pas pertinente pour l’affaire au principal.
62. Troisièmement, enfin, la juridiction de renvoi indique expressément à la fin de la seconde question que cette dernière est posée « dans un cas de figure qui ne comporte pas d’éléments transfrontaliers ». Cela est en contradiction avec l’indication donnée dans la décision de renvoi dans le cadre des arguments invoqués par NKBM, selon laquelle celle-ci « fonde l’élément transfrontalier sur la circonstance qu’elle a une filiale établie à Vienne, Autriche (Adria Bank AG) ». La décision de renvoi
indique également que NKBM appartient actuellement à une entreprise d’un autre État membre qui, toutefois, n’est pas identifiée. Selon la juridiction de renvoi, cela pourrait être pertinent pour apprécier les dispositions slovènes à la lumière des règles relatives à la liberté d’établissement (article 49 TFUE), à libre prestation des services (article 56 TFUE) ou à libre circulation des capitaux (article 63 TFUE), ainsi qu’à la libre entreprise (article 16 de la charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne).
63. Toutefois, la juridiction de renvoi observe immédiatement que la question relative aux libertés fondamentales « est seulement hypothétique » dans la mesure où, au moment pertinent, NKBM n’appartenait pas à une entreprise d’un autre État membre. Néanmoins, elle insiste pour qu’il soit répondu à cette question, « car il s’agit d’une question non pas autonome mais étroitement liée aux effets de l’harmonisation minimale permise par la directive 2003/98 ».
64. Au vu des faits présentés par la juridiction de renvoi et comme cette dernière a reconnu que cette partie de la question est hypothétique, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question d’entraves éventuelles aux libertés fondamentales ( 19 ). En outre, et cela est peut-être plus important encore, il n’y a pas de question spécifique concernant ce point, et donc nul besoin d’apporter une réponse.
V. Conclusion
65. Au vu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions posées par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) de la manière suivante :
— L’article 1er, paragraphe 2, sous c), troisième tiret, de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public, telle que modifiée par la directive 2013/37/UE du Parlement et du Conseil, du 26 juin 2013, ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet un accès illimité (absolu) à certaines informations concernant des contrats d’auteur et de conseil, et
ce seulement pour des établissements se trouvant sous l’influence dominante de l’État.
— Le règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012, et en particulier l’article 432, paragraphe 2, ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant à une banque qui est sous l’influence dominante d’une personne de droit public, de communiquer certaines
informations relatives aux contrats de conseil, d’avocat, d’auteur et d’autres prestations de services intellectuels, sans prévoir aucune exception à cette obligation.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public (JO 2003, L 345, p. 90), telle que modifiée par la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (JO 2013, L 175, p. 1) (ci-après la « directive 2003/98 »).
( 3 ) Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).
( 4 ) Décision de l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) du 12 janvier 2017 dans l’affaire U‑I‑52/16-17 (ECLI:SI:USRS:2017:U.I.52.16).
( 5 ) Le considérant 10 de la directive précise que « [l]es définitions des expressions “organismes du secteur public” et “organisme de droit public” sont tirées des directives relatives aux marchés publics (92/50/CEE [du 18 juin 1992 (JO 1992, L 209, p. 1)], 93/36/CEE [du 14 juin 1993 (JO 1993, L 199, p. 1)], 93/37/CEE [du 14 juin 1993 (JO 1993, L 199, p. 54)] et 98/4/CE [du 16 février 1998 (JO 1998, L 101, p. 1)]. Ces définitions ne couvrent pas les entreprises publiques ».
( 6 ) Voir arrêt du 27 octobre 2011, Commission/Pologne (C‑362/10, non publié, EU:C:2011:703, point 54).
( 7 ) En effet, ainsi que la Cour l’a déjà observé, il ressort du considérant 9 et de l’article 3 de la directive que celle-ci ne contient aucune obligation pour les États membres d’autoriser la réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public : arrêt du 27 octobre 2011, Commission/Pologne (C‑362/10, non publié, EU:C:2011:703, point 48) ; voir également arrêt du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank (C‑138/11, EU:C:2012:449, point 50).
( 8 ) Le considérant 8 de la directive 2013/37, qui a modifié la directive 2003/98, indique clairement qu'« [i]l convient […] de modifier [celle-ci] de manière à imposer aux États membres une obligation claire de rendre tous les documents réutilisables, à moins que des règles nationales relatives à l’accès aux documents ne limitent ou n’excluent cet accès et sous réserve des autres exceptions prévues par la présente directive ».
( 9 ) Le gouvernement slovène a également souligné lors de l’audience que le ZDIJZ comporte des règles relatives à la réutilisation des documents, mais il a observé que celles-ci se trouvent dans d’autres parties de cette loi. Il a également souligné que les conditions régissant une demande d’accès à des documents sont très différentes de celles régissant une demande de réutilisation de documents et il a confirmé que la demande en cause au principal relevait clairement de la première catégorie.
( 10 ) Je reconnais qu’au vu de la définition large de la « réutilisation » donnée à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2003/98, il serait possible de soutenir qu’un journaliste demandant l’accès à des données (agrégées, principales) relatives à certains contrats est susceptible de « réutiliser » ces informations « à des fins… non commerciales autres que l’objectif initial de la mission de service public pour lequel les documents ont été produits », car, s’il y avait quelque chose
d’intéressant dans les données obtenues, le journaliste serait susceptible de les « réutiliser » pour écrire un article ou même une série d’articles sur le sujet. Toutefois, c’est justement pour ces raisons que la notion de « réutilisation » doit être replacée dans le contexte de la logique et de l’économie de la directive 2003/98. Autrement, presque toutes les activités comporteraient à un moment ou à un autre une « réutilisation d’informations du secteur public ». La directive 2003/98 deviendrait
alors presque universellement applicable à tout traitement de document ou d’informations, car, il est toujours probable qu’au moins une partie des données traitées provienne du secteur public.
( 11 ) J’observe que l’article 1er, paragraphe 2, sous c), emploie l’expression « y compris » qui renvoie clairement à une liste indicative de motifs d’exclusion de l’accès.
( 12 ) Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).
( 13 ) Concernant l’objectif de la divulgation, le considérant 76 indique qu'« [a]fin de renforcer la discipline de marché et la stabilité financière, il est nécessaire d’instaurer des exigences de publicité plus détaillées concernant la forme et la nature des fonds propres réglementaires et des ajustements prudentiels effectués afin que les investisseurs et les déposants soient suffisamment bien informés au sujet de la solvabilité des établissements » (souligné par mes soins).
( 14 ) La seule exception à l’exception, à savoir les informations qui doivent toujours être publiées sont celles sur les fonds propres et la politique de rémunération.
( 15 ) L’article 432, paragraphe 2, du règlement no 575/2013 définit les deux notions comme suit : une information est considérée comme « sensible pour un établissement » si sa publication est susceptible de compromettre la position concurrentielle de cet établissement ; il peut s’agir d’une information sur des produits ou des systèmes dont la divulgation à des concurrents diminuerait la valeur des investissements consentis par l’établissement. Une information est considérée comme « confidentielle »
lorsqu’un établissement est tenu à la confidentialité en vertu d’une obligation envers un client ou de toute autre relation avec une contrepartie.
( 16 ) Voir points 11 et 16 des présentes conclusions.
( 17 ) Cet article est libellé comme suit : « [l]es établissements publient les méthodes d’évaluation des exigences de fonds propres pour risque opérationnel applicables à l’établissement, une description de la méthode présentée à l’article 312, paragraphe 2, si l’établissement y a recours, comprenant une analyse des facteurs internes et externes pris en considération dans l’approche d’évaluation de l’établissement, et en cas d’utilisation partielle, le champ d’application des différentes approches
utilisées ».
( 18 ) À titre d’exemple récent, voir arrêt du 2 juillet 2015, Gullotta et Farmacia di Gullotta Davide & C. (C‑497/12, EU:C:2015:436, points 17 à 21).
( 19 ) La Cour a déjà jugé irrecevables (sur la base d’une jurisprudence constante selon laquelle une demande de décision préjudicielle se justifie non pas par la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais par le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union) des questions qualifiées par la juridiction de renvoi de purement hypothétiques s’agissant de la procédure au principal pendante devant elle : voir par exemple
arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group (C‑156/15, EU:C:2016:851, points 56 à 59).