CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 19 octobre 2017 ( 1 )
Affaires jointes C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16
flightright GmbH
contre
Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (C‑274/16)
[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne)]
et
Roland Becker
contre
Hainan Airlines Co. Ltd (C‑447/16)
et
Mohamed Barkan
Souad Asbai
Assia Barkan
Zakaria Barkan
Nousaiba Barkan
contre
Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (C‑448/16)
[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Règlements (CE) no 44/2001 et (UE) no 1215/2012 – Compétence pour examiner un recours au titre du règlement (CE) no 261/2004 – Vol retardé – Trajet multi-segments – Notion de “matière contractuelle” – Prestations de services – Lieu d’exécution – Domicile du défendeur dans un pays tiers »
I. Introduction
1. Les présentes affaires portent sur trois recours en indemnisation formés au titre du règlement (CE) no 261/2004 ( 2 ) contre des compagnies aériennes en raison de retards et d’un refus d’embarquement sur différents segments d’un trajet multi‑segments.
2. Les deux premiers recours portent sur le même sujet : un trajet composé de deux vols successifs vendu aux passagers par le transporteur aérien contractuel (ci‑après le « TAC »). Le TAC a lui‑même assuré uniquement le second segment du trajet. Le premier segment du trajet a été assuré par un transporteur aérien effectif (ci‑après le « TAE ») et non par le TAC. Dans les deux cas, un retard est intervenu sur le premier segment du trajet avec pour conséquence que les passagers ont manqué leur vol de
correspondance.
3. Ces faits soulèvent deux questions de droit. Premièrement, quelle est la nature de la créance invoquée par les passagers à l’encontre du TAE en raison d’un retard sur le premier segment du trajet ? Une telle créance peut-elle être qualifiée de créance « en matière contractuelle » au sens des règlements (CE) no 44/2001 ( 3 ) et (UE) no 1215/2012 ( 4 ), même en l’absence d’un contrat entre le passager et le TAC ?
4. Deuxièmement, quels sont les tribunaux qui disposent de la compétence internationale pour connaître de tels recours en indemnisation ? Les passagers ont formé leurs recours à l’encontre du TAC devant les tribunaux allemands, l’Allemagne étant le lieu de destination du second segment du trajet. Toutefois, le TAE n’a assuré que le premier segment du trajet qui ne commençait pas et ne finissait pas en Allemagne.
5. Le troisième recours porte également sur une demande d’indemnisation mais il soulève une question distincte. Ce recours a été formé contre un TAE qui était également le TAC du passager pour le segment du trajet litigieux. Toutefois, la question de la compétence est ici d’une nature différente dans la mesure où le transporteur aérien qui a refusé l’embarquement est domicilié en dehors de l’Union européenne. La question est donc de savoir quelles sont les règles de compétence internationale
applicables à une telle situation.
II. Le cadre juridique
a) Le règlement no 261/2004
6. L’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 définit le TAE comme un « transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ».
7. L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 dispose que ce règlement s’applique :
« a) aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;
b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire. »
8. Conformément à son article 3, paragraphe 5, le règlement no 261/2004 s’applique à tout TAE assurant le transport des passagers visés aux paragraphes 1 et 2 dudit article. La seconde phrase de l’article 3, paragraphe 5, dispose que « [l]orsqu’un [TAE] qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné ».
9. L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 définit l’assistance à apporter par le TAE en cas de retard en fonction de la durée et de la distance du vol. L’article 7, paragraphe 1, dudit règlement fixe en outre les montants des indemnités forfaitaires à verser aux passagers.
10. L’article 13 du règlement no 261/2004 concerne le « [d]roit à la réparation des dommages ». Il dispose que « [l]orsqu’un [TAE] verse une indemnité ou s’acquitte d’autres obligations lui incombant en vertu du présent règlement, aucune disposition de ce dernier ne peut être interprétée comme limitant son droit à demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable. En particulier, le présent règlement ne limite aucunement le droit du [TAE] de
demander réparation à un organisateur de voyages ou une autre personne avec laquelle le [TAE] a conclu un contrat. De même, aucune disposition du présent règlement ne peut être interprétée comme limitant le droit d’un organisateur de voyages ou d’un tiers, autre que le passager avec lequel un [TAE] a conclu un contrat, de demander réparation au [TAE] conformément aux lois pertinentes applicables ».
b) Les règlements no 44/2001 et no 1215/2012
11. L’article 66, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 dispose que ce règlement s’applique aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.
12. Les recours dans les affaires C‑447/16 et C‑448/16 ont été formés avant cette date. Le règlement no 44/2001 demeure donc encore applicable à ces affaires. L’affaire C‑274/16 relève quant à elle du règlement no 1215/2012. Toutefois, à l’exception de la numérotation, les dispositions des deux règlements applicables dans les présentes affaires demeurent identiques.
13. L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 disposent que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».
14. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, « [s]i le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre […]» ( 5 ). Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, « [t]oute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire
d’un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur […] ».
15. La section 2 des deux règlements comporte des règles de compétence spéciale. Les dispositions pertinentes sont l’article 5 du règlement no 44/2001 et l’article 7 du règlement no 1215/2012. Le paragraphe 1, sous a), de ces articles dispose qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. En cas de fourniture de services, le
lieu d’exécution de l’obligation en question doit être, selon le paragraphe 1, sous b), deuxième tiret, de ces mêmes dispositions, « le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».
16. De plus, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 44/2001 et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, « en matière délictuelle ou quasi délictuelle », le tribunal compétent est « le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
III. Les faits, la procédure nationale et les questions préjudicielles déférées
17. Les faits et la procédure de chaque affaire (recours no 1 – flightright, recours no 2 – Barkan et recours no 3 – Becker) sont décrits respectivement dans les parties A à C.
A. Affaire C‑274/16, flightright
18. Dans cette affaire, les passagers ont acheté auprès du transporteur aérien Air Berlin PLC & Co. Luftverkehrs KG (ci-après « Air Berlin ») des billets pour un trajet composé de deux vols successifs d’Ibiza (Espagne) à Düsseldorf (Allemagne) via Palma de Majorque (Espagne). Le premier segment était assuré par Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (ci‑après « Air Nostrum »). Le second segment était assuré par Air Berlin. Le premier segment a été retardé et les passagers ont donc manqué
leur vol de correspondance. Ils sont finalement arrivés à Düsseldorf avec treize heures de retard.
19. Les passagers ont cédé à flightright GmbH (ci‑-après « flightright ») leur créance née de ce retard conformément au règlement no 261/2004. Flightright réclame désormais à Air Nostrum le versement d’une indemnité de 500 euros majorés des intérêts (« recours no 1 – flightright »).
20. flightright a formé son recours devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne). Ce tribunal s’interroge sur sa compétence internationale pour examiner l’affaire. De manière plus spécifique, il se demande si la destination finale, Düsseldorf, est le lieu d’exécution au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012. Et ce, parce que le retard est survenu sur le premier segment du trajet, qui ne commençait pas et ne se terminait pas en
Allemagne et qui était assuré par un transporteur aérien différent de celui avec lequel le contrat de transport avait été conclu.
21. Dans ces conditions, l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a sursis à statuer et a déféré à la Cour la question suivante :
« En cas de transport de personnes sur une liaison aérienne composée de deux vols et ne comportant pas d’escale notable à l’aéroport de correspondance, le lieu d’arrivée du second trajet doit-il être considéré comme le lieu d’exécution au sens de l’article 7, point 1), sous a), du règlement [no 1215/2012] lorsque le recours est dirigé contre le [TAE] du premier trajet sur lequel l’anomalie s’est produite et que le transport sur le second trajet a été effectué par un autre transporteur aérien ? »
B. Affaire C‑448/16, Barkan e.a.
22. Mohamed Barkan, son épouse et ses trois enfants (ci‑après « M. Barkan e.a. ») ont également acheté des billets pour un trajet composé de deux vols successifs reliant Melilla (Espagne) à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) via Madrid (Espagne). Le contrat de transport a été conclu avec Iberia Líneas Aéreas de España (ci-après « Iberia »). Le premier segment, de Melilla à Madrid, était assuré par Air Nostrum, alors que le second segment, entre Madrid et Francfort-sur-le-Main, était assuré par
Iberia. Le départ de Melilla à Madrid a été retardé et les passagers ont donc manqué leur vol de correspondance ; ils sont arrivés à leur destination finale (Francfort-sur-le-Main) avec quatre heures de retard.
23. Ces passagers ont formé un recours contre Air Nostrum et réclamé le versement à chacun d’entre eux d’une indemnité de 250 euros conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004. M. Barkan a également demandé le remboursement de 100 euros, majorés des intérêts, de frais de nourriture et d’appels téléphoniques passés durant le retard (« recours no 2 – Barkan »).
24. La juridiction de première instance a fait droit à ce recours. Le recours a toutefois été rejeté en appel. La juridiction d’appel a considéré que les tribunaux allemands n’avaient pas la compétence internationale. Selon cette juridiction, aucun lieu d’exécution, au sens du règlement no 44/2001, n’est situé en Allemagne. Le recours en cause concernait le retard du segment de vol Melilla-Madrid et elle a considéré que seuls ces deux lieux étaient les lieux d’exécution pertinents.
25. Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), saisi d’un pourvoi, a relevé que, dans la présente affaire, la compétence internationale des tribunaux allemands ne pouvait être établie que si le lieu d’exécution du service en cause était situé en Allemagne. Cette décision dépend du point de savoir si le rapport juridique entre les demandeurs au principal et Air Nostrum peut être qualifié de contractuel, en dépit de l’absence de lien contractuel direct entre ces passagers et Air
Nostrum.
26. Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a sursis à statuer et a déféré à la Cour les questions suivantes :
« 1. L’article 5, point 1, sous a), du règlement [no 44/2001] doit-il être interprété en ce sens que l’expression “[peut être attraite] en matière contractuelle” couvre également un droit à indemnisation fondé sur l’article 7 du règlement [no 261/2004], invoqué à l’encontre d’un [TAE] qui n’est pas le cocontractant du passager concerné ?
2. Dans l’hypothèse où l’article 5, point 1, du [règlement no 44/2001] s’applique :
Doit-on considérer que, s’agissant d’un transport de personnes effectué sur deux vols, sans séjour notable dans l’aéroport d’escale, la destination finale du passager est le lieu d’exécution au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du [règlement no 44/2001], également lorsque le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement no 261/2004, invoqué dans le recours, est fondé sur un incident intervenu sur le premier segment [du trajet] et que le recours est dirigé contre le
[TAE] du premier vol qui n’est pas partie au contrat de transport ? »
C. Affaire C‑447/16, Becker
27. Roland Becker a conclu un contrat de transport aérien avec le transporteur aérien Hainan Airlines Co. Ltd (ci‑après « Hainan Airlines ») pour un trajet composé de deux vols successifs. Ce transporteur aérien est domicilié en dehors de l’Union. Le premier segment de ce trajet était un vol de Berlin-Tegel (Allemagne) à Bruxelles (Belgique) et le second segment reliait Bruxelles à Pékin (Chine). M. Becker s’est enregistré pour les deux segments à Berlin et a reçu les cartes d’embarquement
correspondantes. Ses bagages ont également été enregistrés jusqu’à Pékin. Le premier segment du trajet a été assuré par Brussels Airlines conformément à l’horaire prévu. Toutefois, M. Becker s’est vu refuser à Bruxelles l’embarquement sur le second segment vers Pékin assuré par Hainan Airlines.
28. Par un recours formé en Allemagne et dirigé contre Hainan Airlines, M. Becker réclame une indemnité de 600 euros au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004, majorés des intérêts et des frais de procédure (« recours no 3 – Becker »).
29. La juridiction de première instance a rejeté le recours au motif d’une absence de compétence internationale des tribunaux allemands. La juridiction d’appel est parvenue à la même conclusion. Selon cette dernière, aucun lieu d’exécution n’était situé en Allemagne parce que le premier segment de Berlin à Bruxelles et le second segment de Bruxelles à Pékin étaient deux vols distincts au sens du règlement no 261/2004. Le recours en cause porte exclusivement sur le trajet Bruxelles-Pékin : il a donc
été considéré que le lieu d’exécution était Bruxelles. Cette juridiction a également relevé que le siège de Hainan Airlines n’était pas situé en Allemagne et que la compétence internationale des tribunaux allemands ne pouvait donc pas être basée sur le lieu du siège. Le contrat en cause concernant une fourniture de services, la compétence ne pouvait se fonder que sur l’article 5, paragraphe 1, sous a), et sur l’article 5, paragraphe 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001.
30. Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), saisi d’un pourvoi, a constaté que la compétence internationale des tribunaux allemands dépendait de la nature du rapport juridique entre M. Becker et Hainan Airlines. Elle dépend en outre du point de savoir si Berlin, le lieu de départ du premier vol, peut être considéré comme le lieu d’exécution conformément au règlement no 44/2001.
31. Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a sursis à statuer et déféré à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Doit-on considérer que, s’agissant d’un transport de personnes effectué sur deux vols, sans séjour notable dans les aéroports d’escale, le lieu de départ du premier segment [du trajet] est le lieu d’exécution au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du [règlement no 44/2001], également lorsque le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du [règlement no 261/2004], invoqué dans le recours, est fondé sur un incident intervenu sur le second segment [du trajet] et que le recours
est dirigé contre l’autre partie au contrat de transport qui est, certes, le [TAE] du second, mais pas du premier vol ? »
IV. La procédure devant la Cour
32. Dans le recours no 1 – flightright, des observations écrites ont été présentées par flightright, par Air Nostrum, par le gouvernement portugais et par la Commission européenne. Dans le recours no 2 – Barkan, des observations écrites ont été présentées par M. Barkan e.a., par Air Nostrum, par la Confédération suisse et par la Commission. Dans le recours no 3 – Becker, des observations écrites ont été présentées par M. Becker, par la Confédération suisse et par la Commission.
33. M. Barkan e.a., flightright, Air Nostrum, le gouvernement français et la Commission ont présenté leurs arguments lors d’une audience commune qui s’est tenue le 6 juillet 2017.
V. Appréciation
34. Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante : les recours no 1 – flightright et no 2 – Barkan relèvent du champ d’application du règlement no 44/2001 ou du règlement no 1215/2012. Je commencerai donc par examiner les deux questions juridiques soulevées par ces deux recours : la demande d’indemnisation est-elle liée à un contrat (A.1) et quel est le lieu d’exécution d’un tel contrat (A.2) ? J’examinerai ensuite la question de la compétence internationale dans le recours
no 3 – Becker (B).
A. Recours no 1 – flightright et recours no 2 – Barkan
35. Comment déterminer l’État membre dont les tribunaux ont la compétence internationale pour connaître des recours dirigés contre un TAE qui n’était pas le TAC ?
36. La réponse à cette question exige d’identifier le chef de compétence applicable (1), puis, au sein de ce chef de compétence, de déterminer le for international correct pour ces demandes à la lumière de l’arrêt Rehder rendu par la Cour ( 6 ). Cet arrêt concernait un vol direct. La question se pose donc de savoir comment l’appliquer à un trajet multi-segments (2).
1. Le chef de compétence applicable
a) Nature de la créance
37. Le règlement no 261/2004 définit les droits que les passagers peuvent faire valoir à l’encontre du TAE dans l’un des cas de figure décrits par le règlement. Toutefois, ce règlement ne précise pas lui-même, à juste titre, la nature des créances qui en découlent aux fins de l’application des règlements no 44/2001 et no 1215/2012.
38. Il apparaît que la défenderesse au principal, Air Nostrum, est domiciliée en Espagne. Par conséquent, la compétence internationale des tribunaux allemands ne peut pas reposer sur le chef de compétence générale conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012.
39. S’agissant des chefs de compétence spéciale, il convient en premier lieu de rappeler que le chef de compétence spéciale prévu pour les consommateurs par les règlements no 44/2001 et no 1215/2012 ne peut pas non plus s’appliquer dans le cas présent. Il est vrai que le règlement no 261/2004 est un instrument visant à garantir un niveau élevé de protection des passagers ( 7 ). Toutefois, en raison des exclusions expresses contenues respectivement à l’article 15, paragraphe 3, du règlement
no 44/2001 et à l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 1215/2012, le chef de compétence spéciale dont disposent les consommateurs en vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 s’applique uniquement aux contrats de transport qui proposent, moyennant un prix forfaitaire, la combinaison d’un voyage et d’un hébergement. Sur la base des faits établis par les juridictions de renvoi, tel n’est pas le cas dans les
contrats en cause dans les procédures au principal.
40. Les autres chefs de compétence prévus par les règlements no 44/2001 et no 1215/2012 ne semblant pas être pertinents, la compétence internationale des juridictions allemandes ne peut être envisagée qu’à la lumière du chef de compétence spéciale en matière contractuelle ou délictuelle.
41. Dans sa décision de renvoi dans le recours no 2 – Barkan, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) estime que les créances en cause sont des créances légales invoquées au titre d’un contrat. Sur le fondement d’un contrat passé avec le TAC, les passagers dans la procédure au principal font valoir des droits qui ne découlent pas directement de leur contrat de transport mais qui sont définis par le règlement no 261/2004. La possibilité de les faire valoir présuppose un contrat de transport
aérien et une réservation confirmée. Par conséquent, dans l’ensemble, il s’agit de matière contractuelle.
42. flightright, M. Barkan e.a., le gouvernement français et la Confédération suisse estiment que les créances en cause relèvent de la notion « en matière contractuelle » au sens du règlement no 44/2001 ou du règlement no 1215/2012. flightright ainsi que M. Barkan e.a. invoquent, en substance, l’origine contractuelle de la créance en dépit de l’absence d’un contrat signé directement entre eux et Air Nostrum.
43. Le gouvernement français fait valoir que la jurisprudence de la Cour concernant la notion « en matière contractuelle » s’applique également aux créances contre un tiers qui a consenti à l’exécution d’une obligation convenue entre d’autres tiers. Ce gouvernement fait valoir en outre que la disposition de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 261/2004, « liée aux agences », confirme la nature contractuelle des créances en cause.
44. De même, en référence à la jurisprudence de la Cour et à la disposition précitée du règlement no 261/2004, la Confédération suisse fait valoir que le transfert légal des obligations au titre du règlement no 261/2004 du TAC au TAE indique que les créances en cause sont contractuelles.
45. La Commission est parvenue, sur le principe, à la même conclusion. Elle relève que le règlement no 261/2004 prévoit la responsabilité du TAE pour les obligations précisées dans ce règlement plutôt que celle du TAC. Le fait que les droits des passagers correspondants soient définis dans un règlement et non pas dans un contrat est sans pertinence. En effet, ils constituent la conséquence juridique de la mauvaise exécution d’un contrat.
46. Air Nostrum semble admettre la proposition que la créance en cause puisse être qualifiée de contractuelle (bien qu’elle souligne, dans ses observations écrites concernant le recours no 1 – flightright, l’absence de lien contractuel). Elle soutient cependant que sa responsabilité ne peut être engagée que pour le segment du trajet qu’elle a assuré de manière effective et dont l’exécution n’avait pas lieu en Allemagne.
b) Contrat ou délit ?
47. Comme cela semble être le cas à la lumière des informations fournies par les juridictions de renvoi et celles confirmées à l’audience, il existe en substance une « situation triangulaire » impliquant trois acteurs (le TAC – le TAE – le passager) et deux contrats : le contrat de transport conclu entre le TAC et le passager et, comme cela semble courant en pratique, un contrat-cadre général conclu entre le TAC et le TAE. Il n’existe toutefois pas de contrat signé directement par les passagers et
le TAE défendeur ( 8 ).
48. Dans ce contexte factuel et juridique, la juridiction de renvoi saisie du recours no 2 – Barkan exprime des doutes quant à la possibilité de qualifier de contractuelle la créance à l’encontre d’une entité qui n’est pas partie au contrat sous-jacent.
49. Au cours de cette procédure, deux possibilités de qualifier la nature de ces créances ont été envisagées.
50. En premier lieu, ces créances pourraient être considérées comme découlant d’un délit ou quasi-délit. Comme il n’existe aucun contrat conclu entre le passager et le TAE, ce dernier est poursuivi en fait pour ne pas avoir satisfait aux obligations qui découlent du règlement no 261/2004. Par conséquent, aux fins de la compétence internationale, la créance pourrait être comprise comme découlant d’un type de délit légal : le contenu des obligations, les conséquences de leur inexécution, ainsi que
l’identité du défendeur sont tous définis par le règlement no 261/2004 ( 9 ).
51. En second lieu, comme cela a été discuté à l’audience, la nature contractuelle de la créance peut être comprise soit comme résultant d’une sorte de contrat implicite conclu entre le TAE et le passager ( 10 ) ou en considérant le contrat-cadre général (de partage de codes ou un autre type de coopération) conclu entre le TAC et le TAE comme une catégorie de contrat conclu au bénéfice d’un tiers, à savoir le passager.
52. J’estime pour ma part que la nature de la créance est effectivement contractuelle et non délictuelle. Je dois toutefois admettre que la construction intellectuelle d’un contrat implicite ou d’un contrat au bénéfice d’un tiers me semble quelque peu lourde et problématique. Selon moi, la réponse à la question de savoir pourquoi, en vertu de la taxonomie des deux règlements no 44/2001 et no 1215/2012, une telle créance est contractuelle par nature est simple.
53. D’abord et surtout, le libellé de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 44/2001 et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 est plutôt ouvert et dispose qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre « en matière contractuelle» ( 11 ). Ce libellé, également présent dans les autres versions linguistiques ( 12 ), se réfère clairement à la « matière contractuelle » et non pas à une « partie à un
contrat ».
54. Ainsi, il me semble que la règle de compétence prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 44/2001 et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 repose sur la cause de l’action et non pas sur l’identité des parties. Ce qui importe, c’est de savoir si la source originale sous-jacente des droits et obligations litigieux et la raison pour laquelle cette créance est invoquée à l’encontre du défendeur spécifique découlent d’un contrat. Si c’est le cas, l’action
qui s’ensuit et qui vise à son exécution intervient « en matière contractuelle », même si, comme c’est souvent le cas des dispositions juridiques qui protègent les consommateurs, les droits et obligations qui ont été mis en œuvre de manière correcte dans le cas d’espèce ont été « inscrits » (c’est-à-dire rendus applicables sans possibilité d’y déroger) au contrat par des règles légales impératives.
55. Il existe deux analogies systémiques au sein des règlements no 44/2001 et no 1215/2012 qui confirment ce point. En premier lieu, de manière similaire à l’interprétation de la notion « en matière d’assurances », ce qui est pertinent c’est que le requérant respectif fasse valoir des droits qui tirent leur origine d’un contrat d’assurance et ne reposent pas sur le point de savoir s’il était partie à ce contrat ( 13 ). En second lieu, on peut également se référer aux cas de succession juridique aux
créances de tiers. Dans certaines circonstances, un tiers peut prendre la place d’un autre afin de mettre en œuvre des droits découlant d’un rapport juridique auquel le requérant n’était pas partie. Là encore, il est possible qu’un tiers mettant en œuvre des droits découlant du contrat original soit en droit ( 14 ) de le faire en vertu d’un chef de compétence en matière contractuelle, même s’il n’était pas lui‑même partie au contrat original ( 15 ). Ainsi que l’a relevé la Commission, la Cour
n’a pas exclu en principe, dans l’arrêt Frahuil, que la notion « en matière contractuelle » puisse également s’appliquer à une situation dans laquelle une entité tierce a poursuivi l’une des parties à un contrat sur le fondement d’une cession légale de créance à un créancier tiers si le consentement du défendeur à l’obligation pertinente pouvait être établie ( 16 ). Cela montre de nouveau que pour qu’une question relève du chef de compétence de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 44/2001
ou de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, la créance ne doit pas nécessairement exister entre les parties initiales au contrat et ce, sous réserve qu’il existe une base contractuelle sur laquelle ce tiers puisse revendiquer, ou être considéré comme redevable de, l’exécution d’obligations convenues par contrat par ou en faveur de ce tiers.
56. Ensuite, sur le plan général, un TAE non contractuel qui transporte un passager exécute une obligation d’origine contractuelle. Pour le TAE, le transport du passager ne constitue pas une quelconque obligation légale. À cet égard, je relève ce qu’a jugé la Cour concernant la notion « en matière délictuelle ou quasi délictuelle » au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 44/2001 : elle comprend toute demande qui vise à mettre en cause la responsabilité d’un défendeur et qui ne se
rattache pas à la « matière contractuelle » au sens de l’article 5, point 1, sous a), de ce règlement ( 17 ).
57. A contrario, les recours qui visent, d’une manière ou d’une autre, un contrat relèvent du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012.
58. Cela m’amène au troisième point. Sur le plan concret, il ne fait aucun doute que l’objet et la raison même des recours en cause sont de faire respecter des droits substantiels à l’encontre du TAE pour la mauvaise exécution du contrat de transport aérien dans les conditions stipulées dans un contrat. Il n’a pas été contesté que Air Nostrum, en sa qualité de TAE non contractuel, a consenti à transporter les passagers requérants d’un point A à un point B en exécution du contrat conclu entre le
passager et le TAC.
59. Les passagers font valoir leurs droits à l’encontre du TAE parce que le TAE a volontairement agi pour le compte du TAC, au sens de l’article 3, paragraphe 5, seconde phrase, du règlement no 261/2004. Sans un tel accord, le passager se serait tout simplement vu refuser l’embarquement par le TAE non contractuel. La base légale des droits, à savoir le règlement no 261/2004, serait insuffisante pour qu’il soit fait droit au recours sans le fondement contractuel sous-jacent entre le passager et le
TAC.
60. Par conséquent, en définitive, une demande d’indemnisation à l’encontre d’un TAE demeure une demande présentée « en matière de » contrat de transport aérien conclu entre le passager et le TAC. Après tout, il est également admis de manière générale que diverses formes de « sous-traitance » ou « d’externalisation » convenues entre la partie contractuelle originale (le commettant) et ses agents potentiels ne modifient pas la nature ou le champ des obligations souscrites par le commettant.
61. À la lumière des considérations qui précèdent, j’en conclus donc que l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 44/2001 et l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que la notion « en matière contractuelle » s’applique à une demande d’indemnisation présentée au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004 et dirigée contre un TAE qui n’est pas partie au contrat conclu par le passager concerné avec un autre transporteur aérien.
2. Le for applicable aux recours formés contre le TAE
a) L’arrêt Rehder
62. Dans l’arrêt Rehder ( 18 ), la Cour s’est prononcée sur la compétence internationale ( 19 ) en matière de demandes présentées au titre du règlement no 261/2004 par un passager qui avait conclu son contrat de transport avec un transporteur aérien, qui était également le TAE du vol direct annulé concerné. La Cour a jugé que le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion. Le choix final entre ces deux options appartiendra au
requérant.
63. La Cour a conclu que ces deux lieux présentaient un lien de proximité suffisant avec les éléments matériels du litige. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a pris en compte les services pertinents fournis dans ce contexte, à savoir « l’enregistrement ainsi que l’embarquement des passagers et l’accueil de ces derniers à bord de l’avion au lieu de décollage convenu dans le contrat de transport en cause, le départ de l’appareil à l’heure prévue, le transport des passagers et de leurs bagages
du lieu de départ au lieu d’arrivée, la prise en charge des passagers pendant le vol et, enfin, le débarquement de ceux-ci ». Selon la Cour, cette prise en compte a exclu les lieux d’escale éventuels de l’appareil en raison de l’absence d’un « lien suffisant avec l’essentiel des services résultant [du] contrat [pertinent]» ( 20 ).
64. En pondérant la pertinence des lieux de départ et d’arrivée d’un vol direct dans l’affaire Rehder, la Cour a souligné que « les transports aériens constituent, en raison même de leur nature, des services fournis d’une manière indivisible et unitaire […] en sorte que ne saurait être distinguée dans de tels cas, en fonction d’un critère économique, une partie distincte de [la prestation principale], laquelle serait fournie en un lieu précis» ( 21 ) (par opposition à la détermination du lieu
d’exécution en cas de lieux multiples de livraison de biens) ( 22 ).
65. De plus, la Cour a vérifié que ses conclusions étaient conformes aux objectifs de proximité et de prévisibilité ainsi que de sécurité juridique. À cet égard, la Cour a relevé que le choix, limité à deux fors, permet aux deux parties d’identifier facilement les tribunaux auprès desquels le recours peut être formé.
b) L’extension de la jurisprudence Rehder aux trajets multi-segments ?
66. Les présentes affaires divergent de l’affaire Rehder [arrêt du 9 juillet 2009 (C‑204/08, EU:C:2009:439)] à deux égards. Premièrement, les vols concernés dans les procédures au principal sont des trajets multi-segments et non pas des trajets directs. Deuxièmement, le TAE défendeur est différent du TAC des passagers.
67. Le TAE défendeur (Air Nostrum) n’a assuré aucun segment du trajet au départ ou à l’arrivée d’Allemagne, qui était la destination du second segment du trajet. Dans le même temps, le premier segment, assuré par le TAE défendeur, constituait une partie de l’intégralité du trajet qui avait pour objet de transporter in fine les passagers d’Espagne en Allemagne.
68. En gardant à l’esprit ces éléments factuels et en tenant compte des motifs de la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Rehder [arrêt du 9 juillet 2009 (C‑204/08, EU:C:2009:439)], il existe essentiellement deux manières de définir le lieu d’exécution des services fournis aux fins de la présente affaire.
69. Premièrement, pour les trajets multi-segments, la logique de l’arrêt Rehder [arrêt du 9 juillet 2009 (C‑204/08, EU:C:2009:439)] pourrait être envisagée d’une manière « compartimentée » : le TAC étant responsable pour l’intégralité du vol, le lieu d’exécution du service concerné serait le lieu de départ initial et le lieu de la destination finale. Il en irait de même pour chaque TAE sur le segment assuré par lui. Par conséquent, dans un trajet composé de deux segments, le lieu d’exécution du TAE
qui assure le premier segment du trajet serait le lieu de départ et le lieu où ce segment spécifique a pris fin (à savoir le lieu où le passager a changé d’avion). Il s’agit en substance de la position défendue par Air Nostrum ainsi que par la Commission.
70. Deuxièmement, la logique de l’arrêt Rehder [arrêt du 9 juillet 2009 (C‑204/08, EU:C:2009:439)] pourrait également être étendue en bloc, et on définirait par conséquent le lieu d’exécution de la même manière à la fois pour le TAC et pour le TAE. Pour les créances en cause, on pourrait suggérer que le TAE est responsable de l’intégralité du trajet : il a l’obligation de veiller à ce que sa prestation permette aux passagers de parvenir à la destination finale telle qu’elle a été convenue dans le
contrat conclu avec le TAC. Cela se traduit par le fait que le lieu de départ du premier segment et le lieu d’arrivée du second (ou du dernier) segment du trajet constituent tous les deux des lieux d’exécution aux fins de la détermination du for internationalement compétent et que les droits qui résultent de ce vol sont considérés de manière globale. C’est en substance la position défendue par les requérants dans les deux affaires préjudicielles ainsi que par les gouvernements français et
portugais et par la Confédération suisse.
71. Pour plusieurs raisons expliquées dans la partie suivante, je dois reconnaître que je trouve que la dernière position est la plus convaincante.
c) Les TAC et les TAE : reflets du lieu d’exécution
72. Il existe avant tout la simple logique du service effectivement fourni, le contrat de transport aérien : pourquoi existe-t-il un contrat et qu’en attend-on ? Un passager réserve un trajet de A à C. Ce faisant, son objectif est précisément d’être transporté de A à C, et non pas vraiment, à moins qu’il l’ait éventuellement demandé expressément, de visiter B ( 23 ). En réponse à cette exigence, le transporteur vend au passager un billet, avec un numéro de réservation, couvrant l’ensemble des
segments du vol. Lorsque le passager arrive à l’aéroport du (premier) départ, ses bagages sont enregistrés jusqu’à la destination finale. Normalement, il recevra les deux cartes d’embarquement à l’aéroport de départ.
73. Les éléments essentiels de ce service se traduisent ensuite en son lieu d’exécution, celui où les services sont fournis au sens respectivement de l’article 5, paragraphe 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 ou de l’article 7, paragraphe 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012. Le lieu du départ initial et le lieu de la destination finale sont certainement des lieux d’exécution de ce service.
74. L’argument clé contre l’approche « compartimentée » de la compétence selon laquelle chacun des TAE aurait son propre lieu d’exécution sur la base du lieu de départ et du lieu d’arrivée du segment de vol qu’il assure est simple : le service global, qui est défini par l’exigence du passager et le contrat de transport aérien conclu ensuite, doit demeurer le même, quels que soient la nature et le nombre de « sous-traitants », à savoir les TAE, avec qui le TAC choisit de fournir son service.
75. On pourrait ajouter que, au niveau des droits et obligations substantiels contenus dans le règlement no 261/2004, cette logique se reflète dans deux de ses dispositions : l’article 3, paragraphe 5, seconde phrase, et l’article 13.
76. L’article 3, paragraphe 5, seconde phrase, du règlement no 261/2004 dispose que « [l]orsqu’un [TAE] qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné ». Par conséquent, bien qu’on ne puisse que souscrire à la position exprimée par la Commission dans ses observations écrites et orales, à savoir que les obligations prévues par le règlement visent en
principe le TAE, l’article 3, paragraphe 5, indique clairement que la relation générale commettant-commissionnaire subsiste entre le TAC et le TAE. L’article 13 dudit règlement, et notamment sa deuxième phrase, vient ensuite compléter cette disposition en réitérant le droit de recours entre transporteurs aériens.
77. En d’autres termes, le TAC ne peut échapper aux obligations contractuelles convenues avec le passager en sous-traitant une partie du service de transport à un autre transporteur aérien. En ce sens, la situation juridique du TAE découle de la situation juridique du TAC dont elle est le reflet et vice versa. Il semblerait raisonnable que la solution adoptée sur le fond se reflète également, dans l’idéal, au niveau de la procédure et de la compétence.
78. Trois arguments supplémentaires plaident également en faveur de l’approche « miroir », dans laquelle le lieu d’exécution du service serait le même pour le TAC comme pour le TAE.
79. En premier lieu, il existe d’autres éléments liés au fond des demandes au titre du règlement no 261/2004 susceptibles de fournir des analogies supplémentaires pour la compétence envisageable : aux fins du calcul de l’indemnisation en cas de trajets multi-segments conformément au règlement no 261/2004, on tient compte de l’intégralité du vol sans aucun examen de ses possibles segments internes. D’une part, l’existence d’un droit à indemnisation au titre du règlement no 261/2004 est déterminée sur
la base du retard effectif au lieu de la destination finale. Un retard relativement bref à l’aéroport de correspondance qui ne rendrait pas le passager éligible à l’indemnisation au titre dudit règlement conduira toutefois à cette éligibilité si le retard à la destination finale excède trois heures ( 24 ). D’autre part, s’agissant du montant de l’indemnité, ledit règlement fournit un barème de 250 euros, 400 euros ou 600 euros selon la distance parcourue. Dans ce contexte également, la Cour a
expliqué que, en cas de trajet multi-segments, la distance pertinente est calculée sur la base de la distance séparant le lieu de départ du premier segment et le lieu d’arrivée du second (et dernier) segment de trajet, indépendamment du lieu de correspondance ( 25 ).
80. Par conséquent, dans la mesure où les droits substantiels au titre du règlement no 261/2004 sont concernés, les points pertinents sont le lieu du premier départ et celui de la destination finale. Les points intermédiaires ne sont effectivement pas pris en considération.
81. En deuxième lieu, je considère que la solution suggérée est également conforme à l’objectif de prévisibilité, l’un des piliers des règles communes de compétence. Bien entendu, les passagers connaissent les points de départ et d’arrivée de leur trajet. En revanche, Air Nostrum a contesté dans ses observations la prévisibilité du for du défendeur, le TAE et non le TAC. Air Nostrum a indiqué que lorsque le TAE assure un segment donné d’un vol avec correspondance, il ne dispose pas d’informations
sur l’intégralité des itinéraires des passagers se trouvant à bord. Le TAE ne sait pas si certains des passagers ont des vols de correspondance et ne connaît pas la destination de ces vols. Par conséquent, le TAE ne peut pas réellement prévoir tous les fors potentiels en Europe où un recours pourrait être formé contre lui.
82. Selon moi, les arguments avancés par Air Nostrum ne sont pas convaincants, à la fois sur le plan factuel mais surtout au niveau des principes. Sur le plan factuel, je dois reconnaître qu’il serait surprenant que, dans le monde des communications électroniques interconnectées dans lequel deux transporteurs aériens sont convenus de partager des codes pour leurs vols ou d’autres formes de coopération, ces mêmes transporteurs ne partagent pas des informations sur les différents segments d’un trajet
et les passagers individuels lorsqu’ils sont censés assurer conjointement de tels trajets.
83. Quoi qu’il en soit, et de manière peut-être plus importante, il existe l’argument de principe : le partage de codes ou les différentes alliances entre transporteurs aériens résultent de stratégies commerciales et d’accords commerciaux librement conclus par ces compagnies aériennes. Il est peut-être raisonnable de penser que ces accords ont été convenus dans l’objectif d’accroître les ventes et la compétitivité : un transporteur aérien qui est en mesure de proposer davantage de destinations est
susceptible de vendre plus de billets. Il est tout à fait logique que le risque induit par un tel effort soit assumé en dernier lieu par l’entité (ou les entités) susceptible(s) d’en retirer un bénéfice commercial.
84. Une fois encore, conformément à la logique commerciale qui sous-tend l’intégralité du concept, on peut supposer que les accords individuels de partage de codes sont susceptibles de prévoir (ou s’ils sont correctement rédigés, devraient permettre de prévoir) la manière dont le TAE rembourse et/ou assiste le TAC (ou vice versa) en termes de contentieux et/ou compense les frais liés au contentieux pour des manques imputables à chacune des parties. En revanche, les passagers auront rarement la
possibilité de couvrir les frais de contentieux, ou du moins de le faciliter, lorsqu’il survient au lieu de l’aéroport de correspondance qui n’est ni le point de départ ni la destination de leur trajet.
85. En troisième lieu, l’approche de la compétence internationale que la Cour doit adopter dans la présente affaire doit être réalisable non seulement au regard des trajets composés de deux segments mais également de ceux composés de trois segments ou plus. L’examen hypothétique de l’application de l’approche « compartimentée » esquissée précédemment à de tels trajets, comportant potentiellement plusieurs TAE, illustre clairement les problèmes pratiques. Cela signifierait en effet que du point de
vue du passager, la compétence serait probablement basée sur le lieu où le trajet a effectivement été interrompu. Une telle compétence, susceptible d’intervenir de manière aléatoire ( 26 ), aurait le potentiel de transformer la situation triangulaire mentionnée précédemment (TAC‑TAE-passager) ( 27 ) en un triangle des Bermudes, à cette différence près que, contrairement aux avions et aux navires qui ne semblent disparaître dans ce dernier que dans les œuvres de (science-) fiction, les droits des
passagers ne pourraient que disparaître véritablement si l’on appliquait des règles de compétence internationale définies de la sorte.
86. À la lumière des considérations qui précèdent, ma conclusion est que, dans le cas où des passagers sont transportés au cours d’un trajet composé de deux vols successifs, le lieu de départ du premier segment et le lieu d’arrivée du second segment constituent tous deux le lieu d’exécution au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001 ou de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 1215/2012 lorsque le recours vise directement le transporteur aérien qui
assurait le premier segment sur lequel le retard est intervenu et qui n’était pas le TAC du passager.
B. Recours no 3 – Becker
87. Dans sa question posée dans la procédure relative au recours no 3 – Becker, la juridiction de renvoi souhaite obtenir une interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001. Et ce afin de pouvoir déterminer quel tribunal dispose de la compétence internationale pour examiner un recours fondé sur le règlement no 261/2004 et formé par le passager d’un vol avec correspondance à l’encontre d’un transporteur aérien qui n’est pas domicilié dans l’Union.
88. De manière plus spécifique, la juridiction de renvoi cherche à déterminer le lieu d’exécution du service en cause, en tenant compte du fait que le trajet concerné a commencé à Berlin et a été interrompu à Bruxelles, en raison du refus d’embarquement sur le second segment du vol vers Pékin. À la différence des deux autres recours examinés dans la partie V.A. des présentes conclusions, le TAE responsable du refus d’embarquement était le TAC.
89. Il convient de noter d’emblée que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, « [s]i le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre […] ». Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement, « [t]oute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d’un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de
compétence qui y sont en vigueur […] »
90. Bien que la Commission ait suggéré, dans la proposition à l’origine du règlement no 1215/2012, d’étendre le champ d’application des règles communes sur la compétence internationale aux défendeurs de pays tiers ( 28 ), la disposition citée est demeurée en substance la même sous l’empire du règlement no 1215/2012 en tant qu’article 6 de ce dernier.
91. Par conséquent, il existe une déclaration claire et récente du législateur de l’Union concernant l’applicabilité des règles communes sur la compétence internationale aux défendeurs de pays tiers : la compétence internationale pour les recours dirigés contre des défendeurs de pays tiers demeure régie par les législations nationales des États membres.
92. Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre, cette règle connaît des exceptions ( 29 ). Néanmoins, aucune d’entre elles ne semble être applicable dans la présente affaire. De plus, comme l’a relevé à juste titre la Commission, la décision de renvoi n’indique pas que le droit procédural national se réfère d’une quelconque manière au règlement no 44/2001, ce qui pourrait déclencher une discussion sur l’applicabilité de la jurisprudence en ligne avec l’arrêt Dzodzi ( 30 ).
93. Pour ces raisons, je considère que le règlement no 44/2001 ne s’applique pas au défendeur au principal. Il y a donc lieu de déterminer la compétence internationale (ou l’absence d’une telle compétence) conformément aux règles nationales.
94. Cela étant dit, on ne peut ignorer que le recours en cause se fonde sur le règlement no 261/2004 qui s’applique également à des transporteurs de pays tiers dans la mesure où, comme il est indiqué à son article 3, paragraphe 1, sous a), la demande est présentée par un passager qui est parti « d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre auquel le traité s’applique ».
95. De plus, il convient de rappeler que ce règlement vise à accroître la protection des passagers en tant que consommateurs. Cela signifie que les règles juridictionnelles nationales doivent être raisonnablement accessibles pour permettre d’exercer utilement cette protection. Conformément à l’exigence d’effectivité, il est interdit aux États membres de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union ( 31 ).
96. Il découle de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004 que ce règlement confère au passager, tel que le demandeur au principal, des droits qui peuvent être opposés à un défendeur, tel que le défendeur au principal. Selon moi, les règles nationales sur la compétence internationale ne sauraient compromettre l’effet utile de ces règles substantielles.
97. Toutefois, dans les limites de ces paramètres découlant des dispositions des règles du droit matériel de l’Union, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les règles nationales applicables satisfont à cette exigence et de les appliquer, si nécessaire, d’une manière qui garantisse la jouissance effective des droits définis par le règlement no 261/2004.
98. À la lumière des considérations qui précèdent, ma conclusion concernant le recours no 3 – Becker est que l’article 4 du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que les règles de compétence définies dans ce règlement ne s’appliquent pas à un défendeur domicilié en dehors de l’Union, tel que le défendeur au principal. La compétence internationale du tribunal saisi doit donc être appréciée selon les règles applicables dans le for du tribunal saisi. Toutefois, de telles règles
nationales sur la compétence internationale ne peuvent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exécution, par un passager, d’une créance basée sur l’article 7 du règlement no 261/2004.
VI. Conclusions
99. À la lumière des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre à l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne) de la manière suivante dans l’affaire C‑274/16, flightright :
L’article 7, paragraphe 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que lorsque des passagers sont transportés au cours d’un trajet composé de deux vols successifs, le lieu de départ du premier segment et le lieu d’arrivée du second segment constituent tous deux le lieu
d’exécution conformément à cette disposition dans le cas où le recours est dirigé contre le transporteur aérien qui a assuré le premier segment sur lequel est intervenu le retard et qui n’était pas le transporteur aérien contractuel du passager.
100. Dans l’affaire C‑448/16, Barkan e.a., je suggère à la Cour de répondre au Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) de la manière suivante :
1) L’article 5, point 1, sous a), du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que l’expression « en matière contractuelle » couvre également un droit à indemnisation fondé sur l’article 7 du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière
d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, et opposé à un transporteur aérien effectif qui n’est pas partie au contrat que le passager concerné a conclu avec un autre transporteur aérien.
2) L’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que lorsque des passagers sont transportés au cours d’un trajet composé de deux vols successifs, le lieu de départ du premier segment et le lieu d’arrivée du second segment constituent tous deux le lieu d’exécution conformément à cette disposition également dans le cas où le recours vise directement le transporteur aérien qui a assuré le premier segment sur lequel est intervenu le retard et
qui n’était pas le transporteur aérien cocontractant du passager.
101. Dans l’affaire C‑447/16, Becker, je suggère à la Cour de répondre au Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) de la manière suivante :
L’article 4 du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que les règles de compétence internationale définies dans ce règlement ne s’appliquent pas à un défendeur domicilié en dehors de l’Union européenne, tel que le défendeur au principal. La compétence internationale du tribunal saisi doit donc être appréciée selon les règles applicables dans le for du tribunal saisi. Toutefois, de telles règles nationales sur la compétence internationale ne peuvent pas rendre pratiquement
impossible ou excessivement difficile l’exécution par un passager d’une créance basée sur l’article 7 du règlement no 261/2004.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).
( 3 ) Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1). Ce règlement abroge le règlement no 44/2001.
( 5 ) Sous réserve de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25 du règlement no 1215/2012 ainsi que des articles 22 et 23 du règlement no 44/2001.
( 6 ) Arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 47).
( 7 ) Voir considérants 1 à 4 du règlement no 261/2004, ainsi que arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 69), du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, points 44, 49 et 60) et du 23 octobre 2012, Nelson e.a. (C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, points 72 et 74).
( 8 ) La situation est encore plus complexe pour le requérant dans le recours no 1 – flightright. Ce requérant n’était pas partie au contrat de transport conclu entre le TAC et les passagers qui ont cédé la créance en cause.
( 9 ) Ce qui rendrait alors l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 44/2001 et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 applicables. Selon ces dispositions, les tribunaux internationalement compétents sont ceux du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Ce lieu a été défini par la Cour à la fois comme celui où le dommage s’est produit et celui où le fait dommageable s’est produit. Pour un rappel récent, voir par exemple arrêt du 22 janvier 2015, Hejduk
(C‑441/13, EU:C:2015:28, point 18 et jurisprudence citée). Pour la déclaration de principe originale, voir arrêt du 30 novembre 1976, Bier (21/76, EU:C:1976:166, points 19, 24 et 25).
( 10 ) Il a été suggéré que l’existence d’un tel contrat implicite résulterait de la combinaison d’un contrat de transport conclu entre le passager et le TAC, d’une part, et du contrat-cadre général conclu entre le TAC et le TAE, d’autre part.
( 11 ) Mise en exergue ajoutée
( 12 ) En allemand, par exemple, « wenn ein Vertrag oder Ansprüche aus einem Vertrag den Gegenstand des Verfahrens bilden » ; en français, « en matière contractuelle » ; en espagnol, « en materia contractual » ; en italien, « in materia contrattuale » et en tchèque, « pokud předmět sporu tvoří smlouva nebo nároky ze smlouvy ».
( 13 ) Voir en outre les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire MMA IARD (C‑340/16, EU:C:2017:396, notamment points 36 et 37).
( 14 ) Je souhaite souligner clairement que ce qui est suggéré ici, c’est le fait qu’en vertu d’une action introduite par une personne « non partie » à un contrat, cette action ne change pas soudainement d’intitulé de contrat à délit ou autre. La question de savoir si une telle succession juridique inclura également la transmission (la rétention) de toute règle de compétence spéciale ouverte uniquement à une partie plus faible (telle que le consommateur) est une question très différente et qui n’est
nullement abordée dans les présentes affaires.
( 15 ) Concernant les règles de compétence dont disposent les cessionnaires de créances en vertu du règlement no 261/2004, voir conclusions présentées par l’avocat général Sharpston dans l’affaire Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2015:723, point 60).
( 16 ) Arrêt du 5 février 2004, Frahuil (C‑265/02, EU:C:2004:77, point 25) ; voir également arrêt du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C‑419/11, EU:C:2013:165, points 46 et 47).
( 17 ) Arrêt du 18 juillet 2013, ÖFAB (C‑147/12, EU:C:2013:490, point 32 et jurisprudence citée).
( 18 ) Arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439).
( 19 ) Par souci d’exhaustivité, il convient d’ajouter qu’il existe deux séries de règles applicables dans l’Union et permettant de déterminer la compétence internationale en matière de demandes introduites par les passagers à l’encontre de transporteurs aériens : celles établies par la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194,
p. 38, ci-après la « convention de Montréal »), et la législation de transposition de l’Union ainsi que celles contenues dans les règlements no 44/2001 et no 1215/2012. Dans le contexte factuel des présentes affaires et à la lumière de la jurisprudence constante de la Cour, seules ces dernières règles sont pertinentes pour les présentes affaires. Comme l’a observé tout récemment la Cour, « dans la mesure où les droits fondés respectivement sur les dispositions du règlement no 261/2004 et les
stipulations de la convention de Montréal relèvent de cadres réglementaires différents, les règles de compétence internationale prévues par cette convention ne trouvent pas à s’appliquer aux demandes introduites sur le fondement du seul règlement no 261/2004, ces dernières devant être examinées au regard du règlement no 44/2001 » [arrêt du 10 mars 2016, Flight Refund (C‑94/14, EU:C:2016:148, point 46 et jurisprudence citée)].
( 20 ) Arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 40).
( 21 ) Arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439, point 42).
( 22 ) Arrêt du 3 mai 2007, Color Drack (C‑386/05, EU:C:2007:262, points 40 à 42).
( 23 ) Cette généralisation a été faite sur la base des faits tels qu’ils sont présentés dans les affaires au principal dans lesquelles il apparaît que le lieu de l’aéroport de correspondance et la question de savoir s’il y aura une escale et laquelle semblent ne jouer aucun rôle. On admet qu’un passager donné peut choisir de transiter par un aéroport de correspondance spécifique et de s’y arrêter (ou plus exactement dans la ville ou le pays où se situe cet aéroport) pour une durée importante qui
pourrait faire de ce lieu une destination en soi. Il est possible qu’un passager convienne par exemple avec son transporteur aérien de passer deux jours à Paris sur le chemin entre Madrid et Bratislava. Si tel était le cas, quod non en l’espèce, il pourrait être soutenu qu’une telle escale négociée et au cours de laquelle le passager quitte l’aéroport et récupère ses bagages est pertinente pour la détermination des règles de compétence.
( 24 ) Arrêt du 26 février 2013, Folkerts (C‑11/11, EU:C:2013:106, points 35 et 37).
( 25 ) Arrêt du 7 septembre 2017, Bossen e.a. (C‑559/16, EU:C:2017:644, notamment points 29 à 33).
( 26 ) Par conséquent, on se rapproche beaucoup, en effet, du chef de compétence précédemment écarté, à savoir le fait délictueux, qui se concentre sur le lieu où est survenu le fait dommageable. Voir point 50 des présentes conclusions.
( 27 ) Voir point 47 des présentes conclusions.
( 28 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM(2010) 748 final, point 3.1.2, premier tiret, et p. 23.
( 29 ) À savoir la compétence exclusive conformément à l’article 22 du règlement no 44/2001 ou à l’article 24 du règlement no 1215/2012, qui n’est pas applicable au recours en cause, et le for convenu conformément à l’article 23 du règlement no 44/2001 ou à l’article 25 du règlement no 1215/2012, lequel exige qu’au moins une des parties à l’accord sur l’élection de for soit domiciliée dans un État membre.
( 30 ) Arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, points 36 et suiv.), et du 18 octobre 2012, Nolan (C‑583/10, EU:C:2012:638, points 45 et suiv. et jurisprudence citée).
( 31 ) Pour une déclaration récente en ce sens, voir par exemple arrêt du 15 décembre 2016, Nemec (C‑256/15, EU:C:2016:954, point 49 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 9 novembre 2016, ENEFI (C‑212/15, EU:C:2016:841, point 30 et jurisprudence citée).