ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
15 décembre 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité — Directive 2000/26/CE — Article 4, paragraphe 5 — Entreprise d’assurance — Représentant chargé du règlement des sinistres — Pouvoirs suffisants de représentation — Assignation devant les juridictions»
Dans l’affaire C‑558/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal), par décision du 29 septembre 2015, parvenue à la Cour le 2 novembre 2015, dans la procédure
Alberto José Vieira de Azevedo,
Maria da Conceição Ferreira da Silva,
Carlos Manuel Ferreira Alves,
Rui Dinis Ferreira Alves,
Vítor José Ferreira Alves
contre
CED Portugal Unipessoal Lda,
Instituto de Seguros de Portugal – Fundo de Garantia Automóvel,
en présence de :
Instituto de Seguros de Portugal – Fundo de Acidentes de Trabalho,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. A. Arabadjiev et S. Rodin, juges,
avocat général : M. P. Mengozzi,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procedure écrite,
considérant les observations présentées :
— pour l’Instituto de Seguros de Portugal – Fundo de Garantia Automóvel, par Mes G. Ribeiro et T. Andrade, advogados,
— pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mme M. Rebelo, en qualité d’agents,
— pour la Commission européenne, par Mme P. Costa de Oliveira et M. K.‑P. Wojcik, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 octobre 2016,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphes 4, 5 et 8 de la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (Quatrième directive sur l’assurance automobile) (JO 2000, L 181, p. 65), telle que
modifiée par la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005 (JO 2005, L 149, p. 14) (ci‑après la « directive 2000/26 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Alberto José Vieira de Azevedo et Mme Maria da Conceição Ferreira da Silva ainsi que MM. Carlos Manuel Ferreira Alves, Rui Dinis Ferreira Alves et Vítor José Ferreira Alves à CED Portugal Unipessoal Lda (ci-après « CED ») et à l’Instituto de Seguros de Portugal – Fundo de Garantia Automóvel (Institut d’assurance du Portugal – Fonds de garantie automobile) (ci-après le « Fonds de garantie automobile »), au sujet de la qualité de
CED, représentant de la compagnie d’assurance du propriétaire du véhicule à l’origine d’un accident de la circulation routière, pour être assignée devant les juridictions.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 La directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009, L 263, p. 11), a procédé à la codification des cinq directives qui avaient été adoptées afin de rapprocher les législations des États membres relatives à l’assurance automobile obligatoire.
4 Toutefois, les faits à l’origine du litige au principal étant survenus au cours de l’année 2007, antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive 2009/103, le cadre juridique pertinent demeure celui constitué en particulier par la directive 2000/26.
5 Selon le considérant 8 de la directive 2000/26, le législateur de l’Union européenne a entendu garantir aux personnes lésées à la suite d’un accident de la circulation un traitement comparable quel que soit l’endroit de la Communauté européenne où l’accident s’est produit.
6 Par ailleurs, la directive 2000/26 comporte les considérants suivants :
(10) Cela implique l’octroi d’un droit d’action directe à la personne lésée contre l’entreprise d’assurance de la personne responsable.
(11) Une solution satisfaisante pourrait consister en ce que la personne lésée à la suite d’un accident de la circulation qui tombe dans le champ d’application de la présente directive et survenu dans un État autre que celui où elle réside puisse faire valoir dans son État membre de résidence son droit à indemnisation à l’encontre du représentant chargé du règlement des sinistres qui a été désigné dans cet État par l’entreprise d’assurance de la personne responsable.
(12) Cette solution permet de traiter le préjudice subi par la personne lésée en dehors de son État membre de résidence selon des procédures avec lesquelles celle-ci est familiarisée.
(13) Ce recours à un représentant chargé du règlement des sinistres dans l’État membre où réside la personne lésée n’influe en aucune manière sur le droit matériel applicable dans chaque cas d’espèce, ni sur les compétences juridictionnelles.
(14) L’existence d’un droit d’action directe de la personne lésée à l’encontre de l’entreprise d’assurance concernée est un complément logique à la désignation de tels représentants et, en outre, améliore la situation juridique des personnes lésées à la suite d’un accident de la circulation routière survenu en dehors de leur État membre de résidence.
(15) Pour combler les lacunes en question, il convient de prévoir que l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance est agréée exige de celle-ci qu’elle désigne des représentants chargés du règlement des sinistres résidant ou établis dans les autres États membres, qui réuniront toutes les informations nécessaires en relation avec les sinistres résultant de ce type d’accident et prendront les mesures qui s’imposent pour régler les sinistres au nom et pour le compte de l’entreprise d’assurance,
y compris le paiement de l’indemnisation. Ces représentants chargés du règlement des sinistres doivent disposer de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise d’assurance auprès des personnes subissant un préjudice du fait de ces accidents, et aussi pour représenter l’entreprise d’assurance auprès des autorités nationales – y compris, le cas échéant, devant les juridictions, dans la mesure où cela est compatible avec les règles de droit international privé portant sur l’attribution des
compétences juridictionnelles.
(16) Les activités du représentant chargé du règlement des sinistres ne suffisent pas à attribuer une compétence aux juridictions de l’État membre de résidence de la personne lésée si cela n’est pas prévu par les règles de droit international privé sur l’attribution des compétences juridictionnelles.
(16 bis) Conformément à l’article 11, paragraphe 2, en liaison avec l’article 9, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 2001, L 12, p. 1)], les personnes lésées peuvent intenter une action en justice contre l’assureur de la responsabilité civile dans l’État membre sur le territoire duquel elles sont domiciliées.
[...] »
7 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/26 :
« La présente directive a pour objet de fixer des dispositions particulières applicables aux personnes lésées ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d’accidents survenus dans un État membre autre que l’État membre de résidence de la personne lésée et causés par la circulation des véhicules assurés dans un État membre et y ayant leur stationnement habituel. »
8 L’article 3 de cette directive prévoit que chaque État membre veille à ce que les personnes lésées, visées à l’article 1er de celle-ci, dont le préjudice résulte d’accidents, au sens de cette disposition, disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurance couvrant la responsabilité civile de la personne responsable.
9 Aux termes de l’article 4 de ladite directive, intitulé « Représentant chargé du règlement des sinistres » :
« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que toutes les entreprises d’assurance couvrant les risques classés dans la branche 10 du point A de l’annexe de la directive 73/239/CEE [du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité de l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, et son exercice (JO 1973, L 228, p. 3)], à l’exclusion de la responsabilité civile du
transporteur, désignent, dans chacun des États membres autres que celui dans lequel ils ont reçu leur agrément administratif, un représentant chargé du règlement des sinistres. Celui-ci a pour mission de traiter et de régler les sinistres résultant d’un accident dans les cas visés à l’article 1er. Le représentant chargé du règlement des sinistres réside ou est établi dans l’État membre où il est désigné.
[...]
4. Le représentant chargé du règlement des sinistres réunit, à propos de tels sinistres, toutes les informations nécessaires en relation avec le règlement des sinistres et prend les mesures nécessaires pour négocier le règlement des sinistres. L’exigence relative à la désignation d’un représentant n’exclut pas le droit pour la personne lésée ou son entreprise d’assurance d’engager directement des procédures contre la personne ayant causé l’accident ou son entreprise d’assurance.
5. Le représentant chargé du règlement des sinistres dispose de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise d’assurance auprès des personnes lésées dans les cas visés à l’article 1er et pour satisfaire intégralement leurs demandes d’indemnisation. Il doit être en mesure d’examiner l’affaire dans la ou dans les langues officielles de l’État membre de résidence de la personne lésée.
6. Les États membres prévoient des obligations assorties de sanctions financières efficaces et systématiques appropriées ou de sanctions administratives équivalentes afin d’assurer que, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la personne lésée présente sa demande d’indemnisation, soit directement à l’entreprise d’assurance de la personne ayant causé l’accident, soit à son représentant chargé du règlement des sinistres :
a) l’entreprise d’assurance de la personne ayant causé l’accident ou son représentant chargé du règlement des sinistres est tenu de présenter une offre d’indemnisation motivée, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été quantifié, ou
b) l’entreprise d’assurance à qui la demande d’indemnisation a été présentée ou son représentant chargé du règlement des sinistres est tenu de donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande, dans les cas où la responsabilité est rejetée ou n’a pas été clairement établie ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié.
Les États membres adoptent des dispositions garantissant que, lorsque l’offre n’est pas présentée dans le délai de trois mois, des intérêts sont dus sur le montant de l’indemnisation offerte par l’entreprise d’assurance ou octroyée par le juge à la personne lésée.
[...]
8. La désignation d’un représentant chargé du règlement des sinistres ne constitue pas en soi l’ouverture d’une succursale au sens de l’article 1er, point b), de la directive 92/49/CEE [du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive “assurance non vie”) (JO 1992, L 228, p. 1),] et le
représentant chargé du règlement des sinistres n’est pas considéré comme un établissement au sens de l’article 2, point c), de la directive 88/357/CEE [du Conseil, du 22 juin 1988, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE (JO 1988, L 172, p. 1),] ni
[...]
— comme un établissement au sens du règlement (CE) no 44/2001 [...] »
Le droit portugais
10 La directive 2000/26 a été transposée dans le droit portugais par le Decreto-Lei no 72-A/2003 – Lei do Seguro Obrigatório (décret-loi no 72-A/2003, portant loi sur l’assurance obligatoire), du 14 avril 2003, modifiant, d’une part, le Decreto‑Lei no 522/85 – Seguro Obrigatório de Responsabilidade Civil Automóvel (décret‑loi no 522/85 sur l’assurance responsabilité civile automobile obligatoire), du 31 décembre 1985, et, d’autre part, le Decreto-Lei no 94-B/98 – Regula as condições de acesso e de
exercício da actividade seguradora e resseguradora no território da Comunidade Europeia (décret-loi no 94-B/98, régissant les conditions d’accès et d’exercice de l’activité d’assurance et de réassurance sur le territoire de la Communauté européenne), du 17 avril 1998.
11 Aux termes de l’article 43 du décret-loi no 522/85, tel que modifié par le décret-loi no 72-A/2003 :
« 1. Les compagnies d’assurance ayant leur siège au Portugal, ainsi que les succursales au Portugal de compagnies ayant leur siège en dehors du territoire de la Communauté européenne, autorisées à couvrir les risques de la branche “responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur à l’exception de la responsabilité du transporteur” sont libres de choisir leur représentant, dans chacun des autres États membres, qui se chargera du traitement et du règlement, dans le pays de résidence de la
victime, des sinistres qui se sont produits dans un État autre que celui de résidence de celle-ci (“représentant chargé du règlement des sinistres”).
2. Le représentant chargé du règlement des sinistres, qui doit résider ou être établi dans l’État membre pour lequel il a été désigné, peut agir pour le compte d’une ou plusieurs compagnies d’assurance.
3. Le représentant chargé du règlement des sinistres dispose de pouvoirs suffisants pour représenter la compagnie d’assurance auprès des personnes lésées dans les cas visés à l’article 1er et pour satisfaire intégralement leurs demandes d’indemnisation. Il doit être en mesure d’examiner l’affaire dans la ou dans les langues officielles de l’État membre de résidence de la personne lésée.
4. Le représentant chargé du règlement des sinistres réunit, à propos de tels sinistres, toutes les informations nécessaires en relation avec le règlement des sinistres en cause et prend les mesures nécessaires pour négocier leur règlement.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Le 17 octobre 2007, sur une autoroute espagnole, un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule de location assuré, en Espagne, par la compagnie Helvetia Compañía Suiza, SA de Seguros y Reaseguros (ci-après « Helvetia ») a entraîné le décès de M. Luis de Sousa Alves et des dommages corporels pour M. Vieira de Azevedo, tous deux ressortissants portugais.
13 M. Vieira de Azevedo ainsi que l’épouse et les enfants de M. de Sousa Alves ont introduit, devant l’Instância Central Cível da Comarca do Porto-Este (Penafiel) [tribunal de grande instance du district de Porto‑Este (Penafiel), Portugal], des recours tendant à la réparation des préjudices subis. Ont été attraits en défense, d’une part, CED, représentant d’Helvetia au Portugal, et, d’autre part, à titre subsidiaire, le Fonds de garantie automobile.
14 Ce tribunal, constatant « l’absence de légitimité passive » de CED, et par voie de conséquence, du Fonds de garantie automobile, a rejeté ces recours.
15 M. Vieira de Azevedo ainsi que l’épouse et les enfants de M. de Sousa Alves ont interjeté appel de la décision rejetant lesdits recours devant le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal). Ils soutiennent que CED, en sa qualité de représentant d’Helvetia au Portugal, pouvait être assignée devant les juridictions portugaises aux fins de l’indemnisation des préjudices subis.
16 La juridiction de renvoi se demande si les représentants des compagnies d’assurance exerçant leur activité à l’étranger, tels que désignés en vertu de l’article 4 de la directive 2000/26 et qui doivent disposer des pouvoirs nécessaires pour la gestion et le règlement des sinistres ont, en outre, qualité pour être assignés devant un tribunal par des ressortissants nationaux.
17 Dans ces conditions, le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le considérant 16 bis et l’article 4[, paragraphes 4, 5 et 8, de la directive 2000/26] [...] permettent-ils d’assigner le représentant de la compagnie d’assurance qui n’opère pas dans le pays dans lequel a été intenté le recours juridictionnel en indemnisation d’un accident de la route sur la base de l’assurance responsabilité civile automobile obligatoire souscrite dans un autre État membre de l’Union européenne ?
2) En cas de réponse affirmative, cette assignation est-elle subordonnée aux clauses concrètes du contrat de représentation qui lie le représentant à la compagnie d’assurance ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 2000/26 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres de prévoir que le représentant chargé, en vertu de cet article, du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l’entreprise d’assurance qu’il représente, devant la juridiction nationale saisie d’un recours en indemnisation intenté par une personne lésée entrant dans le champ d’application de
l’article 1er de cette directive.
19 À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour déterminer la portée d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (voir, notamment, arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter,C‑306/12, EU:C:2013:650, point 17).
20 Selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/26, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que toutes les entreprises d’assurance couvrant les risques de l’emploi de véhicules terrestres automoteurs, désignent, dans chacun des États membres autres que celui dans lequel ils ont reçu leur agrément administratif, un représentant chargé du règlement des sinistres, qui a pour mission de traiter et de régler les sinistres résultant d’un accident dans les cas visés à l’article 1er
de cette directive. Par elles-mêmes, ces dispositions n’impliquent pas qu’un tel représentant puisse être assigné, en lieu et place de l’entreprise d’assurance qu’il représente, devant la juridiction nationale.
21 La possibilité d’assigner le représentant chargé du règlement des sinistres ne résulte pas davantage des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2000/26, selon lesquelles ce représentant réunit, à propos de tels sinistres, toutes les informations nécessaires en relation avec le règlement de ces sinistres et prend les mesures nécessaires pour négocier ce règlement. En effet, par ces dispositions, le législateur de l’Union s’est borné à préciser les missions incombant audit
représentant dans le cadre d’un règlement négocié des sinistres, sans faire référence aux éventuelles procédures juridictionnelles.
22 Le même article 4, paragraphe 4, de la directive 2000/26, en précisant également que la personne lésée ou son entreprise d’assurance ne se trouve pas privée, du seul fait de la désignation du représentant chargé du règlement des sinistres, de la possibilité d’engager directement des procédures contre la personne ayant causé l’accident ou son entreprise d’assurance se borne à dénier à la saisine de ce représentant tout caractère exclusif et ne comporte, par lui-même, aucune reconnaissance d’une
possible action en justice directement dirigée contre ledit représentant.
23 Si, selon le libellé de l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2000/26, le représentant chargé du règlement des sinistres dispose de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise d’assurance auprès des personnes lésées et pour satisfaire intégralement leurs demandes d’indemnisation, cette disposition, qui fixe ainsi les objectifs de cette représentation, ne précise pas l’étendue exacte des pouvoirs confiés à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter,C‑306/12,
EU:C:2013:650, point 18).
24 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 6, premier alinéa, de la directive 2000/26, qui définit les règles de traitement des demandes d’indemnisation présentées soit directement à l’entreprise d’assurance de la personne ayant causé l’accident, soit à son représentant chargé du règlement des sinistres, ne fait référence qu’à la seule phase de la procédure d’indemnisation au terme de laquelle naît l’offre d’indemnisation ou le refus d’une telle indemnisation, sans régir aucunement une éventuelle
phase juridictionnelle. Une telle disposition ne peut dès lors permettre de déterminer la qualité que le représentant chargé du règlement des sinistres pourrait avoir dans une telle phase juridictionnelle.
25 Il importe, en revanche, de relever que, selon le second alinéa du même article 4, paragraphe 6, de la directive 2000/26, les États membres adoptent des dispositions garantissant que, lorsque l’offre n’est pas présentée dans le délai de trois mois, des intérêts sont dus sur le montant de l’indemnisation offerte par l’entreprise d’assurance ou octroyée par le juge à la personne lésée. Il résulte de cette disposition que, nonobstant la possibilité de saisir le représentant de l’entreprise
d’assurance d’une demande d’indemnisation, l’offre d’indemnisation n’émane en définitive que de cette entreprise, sous réserve de l’attribution de l’indemnisation, le cas échéant, par le juge.
26 Il doit dès lors être constaté que, dans la phase non juridictionnelle de ce dispositif d’indemnisation, le représentant chargé du règlement des sinistres ne se substitue en rien à l’entreprise qu’il représente et remplit seulement des fonctions d’intermédiaire, lesquelles conservent nécessairement un caractère limité. Il ne saurait en être autrement dans la phase juridictionnelle que si le législateur de l’Union l’avait prévu, ce qui ne ressort pas des dispositions de l’article 4, paragraphes 1
à 6, de la directive 2000/26.
27 Enfin, l’article 4, paragraphe 8, de la directive 2000/26, selon lequel la désignation d’un représentant chargé du règlement des sinistres ne constitue pas en soi l’ouverture d’une succursale d’une entreprise d’assurance et selon lequel ce représentant n’est pas considéré comme un établissement d’une telle entreprise ni davantage comme un établissement, au sens du règlement no 44/2001, n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de conférer à ce représentant la qualité à être assigné, en
lieu et place de l’entreprise d’assurance, devant la juridiction nationale.
28 Ni le contexte ni les objectifs de la directive 2000/26 ne permettent de considérer que le législateur de l’Union ait entendu imposer aux États membres de prévoir une telle qualité.
29 En effet, alors que, selon l’article 3 de la directive 2000/26, chaque État membre veille à ce que les personnes lésées, visées à l’article 1er de celle-ci, dont le préjudice résulte d’accidents, au sens de cette disposition, disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurance couvrant la responsabilité civile de la personne responsable, ni cet article ni aucune autre disposition de cette directive n’impliquent que, pour l’exercice de ce droit, soit reconnue la
possibilité pour ces personnes d’assigner directement devant la juridiction nationale le représentant chargé du règlement des sinistres.
30 Dans ces conditions, il importe de rappeler que la directive 2000/26 vise à garantir aux victimes d’accidents de la circulation automobile un traitement comparable, quels que soient les endroits de l’Union où ces accidents se sont produits. À cette fin, ces victimes doivent pouvoir présenter, dans leur État membre de résidence, une demande d’indemnisation au représentant chargé du règlement des sinistres qui a été désigné dans cet État par l’entreprise d’assurance de la personne responsable. La
fonction de ce représentant consiste à faciliter les démarches entreprises par les victimes de sinistres, en particulier à leur permettre d’introduire leur réclamation dans leur propre langue.
31 Selon le considérant 15 de la directive 2000/26, les États membres doivent prévoir que les représentants chargés du règlement des sinistres disposent de pouvoirs suffisants pour représenter l’entreprise d’assurance auprès des victimes et aussi pour représenter celle-ci auprès des autorités nationales, y compris, le cas échéant, devant les juridictions, dans la mesure où cela est compatible avec les règles du droit international privé portant sur l’attribution des compétences juridictionnelles.
32 Ainsi, au regard de ces objectifs, le législateur de l’Union a non seulement mis en place un système dans lequel les personnes lésées peuvent, dans chaque État membre, présenter une demande d’indemnisation au représentant de l’assureur de la personne responsable, selon des procédures avec lesquelles elles sont familiarisées, mais a complété logiquement ce système, comme il l’a précisé au considérant 14 de la directive 2000/26, par la reconnaissance, au bénéfice des victimes, d’un droit d’action
directe contre cet assureur, sans être obligé d’agir contre la personne responsable.
33 Il résulte certes de ces considérations que le législateur de l’Union a entendu que, sans qu’elle puisse remettre en cause le respect des règles du droit international privé, la représentation des entreprises d’assurance, telle que prévue à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2000/26, inclue la fonction qui doit permettre aux personnes lésées d’engager valablement, devant les juridictions nationales, l’action en indemnisation de leur préjudice. Dans ce contexte, au nombre des pouvoirs
suffisants dont doit disposer le représentant chargé du règlement des sinistres figure le mandat l’habilitant à recevoir les notifications d’actes judiciaires (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter,C‑306/12, EU:C:2013:650, points 23 et 24).
34 Comme l’a déjà relevé la Cour, il résulte en effet des travaux préparatoires de la directive 2000/26 que le pouvoir de représentation exercé par un assureur dans l’État membre de résidence de la victime avait, dans l’esprit du législateur, l’objectif d’inclure un mandat habilitant à recevoir des notifications d’actes judiciaires, même s’il était de caractère limité, puisqu’il ne devait pas affecter les règles du droit international privé portant sur l’attribution des compétences juridictionnelles
(voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter,C‑306/12, EU:C:2013:650, point 22).
35 En revanche, il ne résulte ni de ces travaux préparatoires ni des considérants de la directive 2000/26 que l’intention du législateur de l’Union ait été d’étendre ce mandat jusqu’à permettre que l’action des personnes lésées, devant la juridiction nationale du lieu de leur résidence, en vue d’obtenir une indemnisation par l’entreprise d’assurance de la personne responsable, puisse être intentée contre le représentant de cette entreprise.
36 En effet, puisque les personnes lésées peuvent notifier les actes judiciaires au représentant de l’entreprise d’assurance, il n’apparaît pas que l’objectif de la directive 2000/26, visant à faciliter les démarches de ces personnes, ne serait pas de la sorte atteint et nécessiterait que ce représentant puisse en outre être assigné lui-même devant cette juridiction.
37 Le législateur de l’Union a également précisé, au considérant 13 de la directive 2000/26, que ce recours à un représentant chargé du règlement des sinistres dans l’État membre où réside la personne lésée n’influe en aucune manière sur le droit matériel applicable dans chaque cas d’espèce ni sur les compétences juridictionnelles. Or, admettre que l’action en indemnisation puisse être intentée directement devant la juridiction nationale contre ce représentant lui-même et non contre l’entreprise
qu’il représente risquerait d’influer sur les compétences juridictionnelles. D’ailleurs, le considérant 16 de cette directive précise aussi que les activités de ce représentant ne suffisent pas à attribuer une compétence aux juridictions de l’État membre de résidence de la personne lésée si cela n’est pas prévu par les règles du droit international privé sur l’attribution des compétences juridictionnelles.
38 Dans ces conditions, il n’apparaît pas que l’objectif visant à améliorer la situation juridique des personnes lésées à la suite d’un accident de la circulation routière survenu en dehors de leur État membre de résidence impliquerait que l’article 4 de la directive 2000/26, qui ne prévoit pas explicitement que le représentant chargé du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l’entreprise d’assurance qu’il représente, devrait être interprété, alors que ces
personnes lésées peuvent agir directement contre une telle entreprise devant la juridiction nationale, comme imposant implicitement, mais nécessairement, aux États membres qu’ils prévoient une possibilité d’assignation de ce représentant.
39 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première question que l’article 4 de la directive 2000/26 doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas aux États membres de prévoir que le représentant chargé, en vertu de cet article, du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l’entreprise d’assurance qu’il représente, devant la juridiction nationale saisie d’un recours en indemnisation intenté par une personne lésée
entrant dans le champ d’application de l’article 1er de cette directive.
Sur la seconde question
40 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
L’article 4 de la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (Quatrième directive sur l’assurance automobile), telle que modifiée par la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, doit être interprété en ce
sens qu’il n’impose pas aux États membres de prévoir que le représentant chargé, en vertu de cet article, du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l’entreprise d’assurance qu’il représente, devant la juridiction nationale saisie d’un recours en indemnisation intenté par une personne lésée entrant dans le champ d’application de l’article 1er de la directive 2000/26, telle que modifiée par la directive 2005/14.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.