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14/12/2016 | CJUE | N°C-577/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SV Capital OÜ contre Autorité bancaire européenne (ABE)., 14/12/2016, C-577/15


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 décembre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Demande d’ouverture d’une enquête visant les autorités de surveillance estonienne et finnoise — Décision de l’Autorité bancaire européenne (ABE) — Décision de la commission de recours des autorités européennes de surveillance — Règlement (UE) no 1093/2010 — Articles 17 et 60 — Commission de recours — Délai de recours — Erreur excusable»

Dans l’affaire C‑577/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour

de justice de l’Union européenne, introduit le 9 novembre 2015,

SV Capital OÜ, établie à Tallinn (Estonie), représen...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 décembre 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Demande d’ouverture d’une enquête visant les autorités de surveillance estonienne et finnoise — Décision de l’Autorité bancaire européenne (ABE) — Décision de la commission de recours des autorités européennes de surveillance — Règlement (UE) no 1093/2010 — Articles 17 et 60 — Commission de recours — Délai de recours — Erreur excusable»

Dans l’affaire C‑577/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 novembre 2015,

SV Capital OÜ, établie à Tallinn (Estonie), représentée par Me M. Greinoman, vandeadvokaat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Autorité bancaire européenne (ABE), représentée par M. J. Overett Somnier et Mme Z. Giotaki, en qualité d’agents, assistés de Me F. Tuytschaever, advocaat,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par :

Commission européenne, représentée par MM. W. Mölls et K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, SV Capital OÜ demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2015, SV Capital/ABE (T‑660/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:608), en tant que par celui-ci :

— le Tribunal a rejeté, comme irrecevable, son recours tendant à l’annulation de la décision C 2013 002 de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 21 février 2014, rejetant sa demande d’ouverture d’une enquête à l’encontre des autorités de surveillance du secteur financier estonienne et finlandaise, au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire
européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12) (ci-après la « décision de l’ABE du 21 février 2014 »), en raison d’une violation du droit de l’Union, et

— bien que le Tribunal ait déclaré partiellement irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision 2014-C1-02 de la commission de recours des autorités européennes de surveillance, du 14 juillet 2014, rejetant le recours introduit contre la décision de l’ABE du 21 février 2014 (ci-après la « décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 »), il a annulé cette dernière décision.

Le cadre juridique

La directive 2006/48/CE

2 La directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2006, L 177, p. 1), telle que modifiée par la directive 2010/76/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010 (JO 2010, L 329, p. 3) (ci-après la « directive 2006/48 »), prévoit, à son article 11 :

« 1.   Les autorités compétentes n’accordent l’agrément à l’établissement de crédit qu’à la condition qu’au moins deux personnes déterminent effectivement l’orientation de l’activité de l’établissement de crédit.

Elles n’accordent pas l’agrément lorsque ces personnes ne possèdent pas l’honorabilité nécessaire ou l’expérience adéquate pour exercer ces fonctions.

[...]

2.   Les États membres exigent :

a) des établissements de crédit qui sont des personnes morales et qui ont, conformément à leur droit national, un siège statutaire, que leur administration centrale soit située dans le même État membre que leur siège statutaire, et

b) des autres établissements de crédit, que leur administration centrale soit située dans l’État membre qui a accordé l’agrément et dans lequel ils opèrent de manière effective. »

3 L’article 22 de la directive 2006/48 dispose :

« 1.   Les autorités compétentes de l’État membre d’origine exigent que tout établissement de crédit dispose d’un solide dispositif de gouvernement d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités qui soit bien défini, transparent et cohérent, des procédures efficaces de détection, de gestion, de contrôle et de déclaration des risques [auxquels] il est ou pourrait être exposé, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des
procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de rémunération permettant et promouvant une gestion saine et efficace des risques.

2.   Le dispositif, les procédures et les mécanismes visés au paragraphe 1 sont exhaustifs et adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des activités de l’établissement de crédit. Les critères techniques prévus à l’annexe V sont pris en considération. »

4 L’article 40 de cette directive est libellé comme suit :

« 1.   La surveillance prudentielle d’un établissement de crédit, y compris celle des activités qu’il exerce conformément aux dispositions des articles 23 et 24, incombe aux autorités compétentes de l’État membre d’origine, sans préjudice des dispositions de la présente directive qui confèrent une responsabilité aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil.

2.   Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à la surveillance sur une base consolidée en vertu de la présente directive. »

5 Aux termes de l’article 42 de ladite directive :

« En vue de surveiller l’activité des établissements de crédit opérant, notamment par le moyen d’une succursale, dans un ou plusieurs États membres, autre que celui de leur siège, les autorités compétentes des États membres concernés collaborent étroitement. Elles se communiquent toutes les informations relatives à la direction, à la gestion et à la propriété de ces établissements de crédit, susceptibles de faciliter leur surveillance et l’examen des conditions de leur agrément, ainsi que toutes
les informations susceptibles de faciliter le contrôle de ces établissements en particulier en matière de liquidité, de solvabilité, de garantie des dépôts, de limitation des grands risques, d’organisation administrative et comptable et de mécanismes de contrôle interne. »

Le règlement no 1093/2010

6 Le considérant 58 du règlement no 1093/2010, tel que modifié par la directive 2014/17/UE du Parlement et du Conseil, du 4 février 2014 (JO 2014, L 60, p. 34) (ci-après le « règlement no 1093/2010 »), énonce :

« Il convient d’assurer que les parties lésées par les décisions adoptées par l’[ABE] disposent d’un recours pour dégager les solutions nécessaires. Afin de protéger efficacement les droits des parties et pour des raisons de simplification de procédure, les parties devraient disposer d’un droit de recours auprès d’une commission de recours dans les cas où l’[ABE] dispose de pouvoirs de décision. Pour des raisons d’efficacité et de cohérence, la commission de recours devrait être un organisme
conjoint des [autorités européennes de surveillance], indépendant de leurs structures administratives et réglementaires. Les décisions de la commission de recours devraient pouvoir être contestées devant la Cour de justice de l’Union européenne. »

7 L’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement dispose :

« L’[ABE] agit selon les pouvoirs que le présent règlement lui confère et dans le champ d’application de la directive 94/19/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 1994, L 135, p. 5)], de la directive 2002/87/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement appartenant à un conglomérat
financier, et modifiant les directives 73/239/CEE, 79/267/CEE, 92/49/CEE, 92/96/CEE, 93/6/CEE et 93/22/CEE du Conseil et les directives 98/78/CE et 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2003, L 35, p. 1)], du règlement (CE) no 1781/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, relatif aux informations concernant le donneur d’ordre accompagnant les virements de fonds (JO 2006, L 345, p. 1)], du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin
2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement [et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)], de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement[, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE
et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338)], ainsi que des parties pertinentes de la directive 2002/65/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (JO 2002, L 271, p. 16)], de la directive 2005/60/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux
fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15)], de la directive 2007/64/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1),] et de la directive 2009/110/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des
établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7),] dans la mesure où ces actes s’appliquent aux établissements de crédit, aux établissements financiers et aux autorités compétentes chargées de leur surveillance, y compris l’ensemble des directives, règlements et décisions fondés sur ces actes, ainsi que de tout autre acte
juridiquement contraignant de l’Union conférant des tâches à l’[ABE]. L’[ABE] agit aussi conformément au règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil[, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63)]. »

8 L’article 17 du règlement no 1093/2010 énonce :

« 1.   Lorsqu’une autorité compétente n’a pas appliqué les actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, y compris les normes techniques de réglementation et d’exécution établies conformément aux articles 10 à 15, ou les a appliqués d’une manière qui semble constituer une violation du droit de l’Union, notamment en ne veillant pas à ce qu’un établissement financier remplisse les exigences prévues par lesdits actes, l’[ABE] agit conformément aux compétences définies aux paragraphes 2, 3 et 6 du
présent article.

2.   À la demande d’une ou de plusieurs autorités compétentes, du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ou du groupe des parties intéressées au secteur bancaire, ou de sa propre initiative, et après avoir informé l’autorité compétente concernée, l’[ABE] peut enquêter sur la prétendue violation ou non-application du droit de l’Union.

Sans préjudice des compétences fixées à l’article 35, l’autorité compétente communique sans délai à l’[ABE] toute information que l’[ABE] juge nécessaire à son enquête, y compris en ce qui concerne la manière dont les actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, sont appliqués en conformité avec le droit de l’Union.

3.   Au plus tard dans les deux mois suivant l’ouverture de l’enquête, l’[ABE] peut adresser à l’autorité compétente concernée une recommandation établissant les mesures à prendre pour se conformer au droit de l’Union.

Dans les dix jours ouvrables suivant la réception de la recommandation, l’autorité compétente informe l’[ABE] des mesures qu’elle a prises ou a l’intention de prendre pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union.

4.   Si l’autorité compétente ne se met pas en conformité avec le droit de l’Union dans le mois suivant la réception de la recommandation de l’[ABE], la Commission, après avoir été informée par l’[ABE] ou de sa propre initiative, peut émettre un avis formel imposant à l’autorité compétente de prendre les mesures nécessaires à cette fin. L’avis formel de la Commission tient compte de la recommandation de l’[ABE].

La Commission émet cet avis formel au plus tard trois mois après l’adoption de la recommandation. Elle peut prolonger cette période d’un mois.

L’[ABE] et les autorités compétentes communiquent à la Commission toute information nécessaire.

5.   Dans les dix jours ouvrables suivant la réception de l’avis formel visé au paragraphe 4, l’autorité compétente informe la Commission et l’[ABE] des mesures qu’elle a prises ou a l’intention de prendre pour se conformer à cet avis formel.

6.   Sans préjudice des compétences dévolues à la Commission au titre de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, si une autorité compétente ne se conforme pas à l’avis formel visé au paragraphe 4 dans le délai imparti, et si ce manquement rend nécessaire une intervention rapide afin de maintenir ou de rétablir des conditions de concurrence neutres sur le marché ou d’assurer le bon fonctionnement et l’intégrité du système financier, l’[ABE] peut, lorsque les exigences
concernées des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, sont directement applicables aux établissements financiers, adopter à l’égard d’un établissement financier une décision individuelle lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour respecter les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union, notamment la cessation d’une pratique.

La décision de l’[ABE] est conforme à l’avis formel émis par la Commission en vertu du paragraphe 4.

7.   Les décisions adoptées en vertu du paragraphe 6 prévalent sur toute décision antérieure des autorités compétentes sur le même objet.

Lorsqu’elles prennent une mesure en rapport avec les questions qui font l’objet d’un avis formel au titre du paragraphe 4 ou d’une décision au titre du paragraphe 6, les autorités compétentes se conforment à cet avis formel ou à cette décision selon le cas.

8.   Dans le rapport visé à l’article 43, paragraphe 5, l’[ABE] indique les autorités compétentes et les établissements financiers qui n’ont pas respecté les avis formels ou les décisions visés aux paragraphes 4 et 6 du présent article. »

9 L’article 18 de ce règlement est relatif à l’action entreprise par l’ABE en situation d’urgence.

10 L’article 19 dudit règlement contient des dispositions relatives au règlement des différends entre autorités compétentes dans des situations transfrontalières.

11 L’article 39 du règlement no 1093/2010 prévoit :

« 1.   Avant d’arrêter les décisions prévues dans le présent règlement, l’[ABE] informe tout destinataire nommément désigné de son intention d’arrêter la décision, en précisant le délai qui lui est imparti pour exprimer son avis, compte tenu de l’urgence, de la complexité et des possibles conséquences de la question. Ceci s’applique par analogie aux recommandations visées à l’article 17, paragraphe 3.

2.   Les décisions de l’[ABE] sont motivées.

3.   Les destinataires des décisions de l’[ABE] sont informés des voies de recours offertes par le présent règlement.

4.   Si l’[ABE] a arrêté une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3 ou 4, elle réexamine cette décision à intervalles appropriés.

5.   Les décisions prises par l’[ABE] au titre des articles 17, 18 ou 19 sont publiées en mentionnant l’identité de l’autorité compétente ou de l’établissement financier concerné ainsi que les principaux éléments de la décision, à moins qu’une telle publication soit incompatible avec l’intérêt légitime des établissements financiers à la protection de leurs secrets d’affaires ou qu’elle risque de compromettre gravement le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés financiers ou la stabilité du
système financier de l’Union en tout ou en partie. »

12 Selon l’article 58, paragraphe 1, de ce règlement, la commission de recours est un organe commun des autorités européennes de surveillance.

13 L’article 60 dudit règlement prévoit :

« 1.   Toute personne physique ou morale, y compris les autorités compétentes, peut former un recours contre une décision de l’[ABE] visée aux articles 17, 18 et 19 et toute autre décision arrêtée par l’[ABE] conformément aux actes de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2, dont elle est le destinataire ou contre une décision qui, bien qu’elle ait été prise sous la forme d’une décision dont une autre personne est le destinataire, la concerne directement et individuellement.

2.   Le recours est formé par écrit, avec indication de ses motifs, auprès de l’[ABE], dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision à la personne concernée ou, à défaut de notification, à compter du jour où l’[ABE] a publié sa décision.

La commission de recours statue sur le recours dans un délai de deux mois à compter de son introduction.

3.   Un recours introduit en application du paragraphe 1 n’a pas d’effet suspensif.

La commission de recours peut cependant, si elle estime que les circonstances l’exigent, suspendre l’application de la décision contestée.

4.   Si le recours est recevable, la commission de recours examine s’il est fondé. Elle invite les parties à la procédure de recours à présenter, dans un délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les communications qu’elle leur a adressées ou sur celles qui émanent des autres parties à la procédure de recours. Les parties à la procédure de recours sont autorisées à présenter oralement leurs observations.

5.   La commission de recours peut confirmer la décision prise par l’organe compétent de l’[ABE] ou renvoyer l’affaire à l’organe compétent de l’[ABE]. Ce dernier est lié par la décision de la commission de recours et adopte une décision modifiée pour l’affaire en cause.

6.   La commission de recours adopte son règlement intérieur et le rend public.

7.   Les décisions prises par la commission de recours sont motivées et rendues publiques par l’[ABE]. »

14 L’article 61 du règlement no 1093/2010 est libellé comme suit :

« 1.   Une décision prise par la commission de recours ou, dans les cas où il n’existe pas de droit de recours auprès de la commission de recours, par l’[ABE], peut être contestée devant la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

2.   Les États membres et les institutions de l’Union, de même que toute personne physique ou morale, peuvent introduire un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne contre les décisions de l’[ABE], conformément à l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3.   Si l’[ABE] est tenue d’agir et s’abstient de statuer, un recours en carence peut être formé devant la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 265 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

4.   L’[ABE] est tenue de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. »

Les antécédents du litige

15 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé le cadre factuel à l’origine du litige porté devant lui dans les termes suivants :

« 1 Par lettre du 24 octobre 2012, la requérante, [SV Capital], a saisi l’[ABE] d’une demande visant à l’ouverture d’une enquête, au titre de l’article 17 du règlement no 1093/2010 [...] à l’encontre des autorités de surveillance du secteur financier finlandaise et estonienne (ci-après la “plainte”).

2 Au soutien de la plainte, la requérante invoquait une violation des articles 40 et 42 de la directive 2006/48 [...] en ce que les autorités de surveillance en cause n’avaient pas destitué deux directeurs de la succursale d’une banque finlandaise, établie en Estonie, lesquels n’auraient pas rempli les exigences “d’honorabilité nécessaire ou d’expérience adéquate” pour déterminer l’orientation de l’activité de l’établissement de crédit en question, au sens de l’article 11, paragraphe 1, de cette
directive. À ce titre, la requérante faisait valoir que les directeurs en question avaient fait de fausses déclarations dans le cadre d’une procédure civile engagée en Estonie à l’encontre de cette succursale.

[...]

4 Par lettre du 25 janvier 2013, l’ABE a rejeté la plainte comme étant irrecevable, pour défaut de compétence, tout en la renvoyant aux autorités finlandaise et estonienne de surveillance du secteur financier [...]

5 Par acte du 14 février 2013, la requérante a introduit un recours auprès de la commission de recours des autorités européennes de surveillance (ci-après la “commission de recours”), en vertu de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010, contre [ladite] lettre du 25 janvier 2013.

6 Par décision 2013-008, du 24 juin 2013, la commission de recours a, d’une part, déclaré la plainte recevable au regard de l’article 22 de la directive 2006/48, lu à la lumière des orientations du 22 novembre 2012 de l’ABE sur l’évaluation de l’aptitude des membres de l’organe de direction et des titulaires de postes clés, et a, d’autre part, renvoyé l’affaire à l’organe compétent de l’ABE afin que celui-ci statue au fond, conformément à l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 1093/2010.

7 Par décision DC 2013 03 du 15 octobre 2013, l’ABE a pris acte du caractère recevable de la plainte, en vertu des points 2.5 et 2.6 de ses règles internes de traitement des enquêtes sur les violations du droit de l’Union européenne [...], sans préjudice de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010.

8 Par décision [...] du 21 février 2014 [...], l’ABE a rejeté la plainte comme étant dépourvue d’un fondement suffisant pour ouvrir une enquête en vertu de l’article 17 du règlement no 1093/2010.

9 Par acte du 31 mars 2014, la requérante a introduit un recours contre la décision de l’ABE [du 21 février 2014] devant la commission de recours.

10 Par décision [...] du 14 juillet 2014, la commission de recours a rejeté le recours introduit contre la décision de l’ABE [du 21 février 2014]. En substance, dans ladite décision, la commission de recours a, tout d’abord, déclaré le recours contre la décision de l’ABE [du 21 février 2014] recevable. Ensuite, elle l’a rejeté dans son intégralité comme étant non fondé.

11 À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de l’examen de la recevabilité du recours, la commission de recours a considéré que la décision de l’ABE [du 21 février 2014] constituait, dans les circonstances particulières de l’espèce, un acte attaquable sur le fondement de l’article 60 du règlement no 1093/2010, lequel permet à toute personne physique ou morale d’introduire un recours contre une décision de l’ABE qui lui est adressée.

12 S’agissant, ensuite, de l’examen du recours sur le fond, en premier lieu, la commission de recours a considéré que l’appréciation de l’ABE, selon laquelle les deux directeurs mis en cause par la requérante dans la plainte n’avaient pas occupé des postes clés au sein de l’établissement financier concerné, était exempte d’erreur et que les allégations concernant le troisième directeur n’avaient pas été établies. En deuxième lieu, la commission de recours a relevé que, compte tenu du fait que la
requérante ne faisait pas partie des entités pouvant présenter une demande d’ouverture d’enquête à l’ABE pour violation du droit de l’Union, le cas d’espèce concernait un refus de la part de cette autorité d’ouvrir une enquête de sa propre initiative. Elle a, par ailleurs, constaté que, au regard des éléments de preuve produits par la requérante au soutien de l’existence d’une prétendue violation du droit de l’Union et des règles internes [de traitement des enquêtes sur les violations du droit
de l’Union], il n’avait pas été démontré que l’ABE avait commis une erreur dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. En troisième lieu, la commission de recours a relevé que le défaut pour l’ABE d’avoir entendu la requérante avant l’adoption de sa décision, au titre de l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010, ne constituait pas un vice de forme de nature à invalider ladite décision. En quatrième lieu, il n’aurait pas été démontré que la procédure prévue avant
l’adoption de la décision de l’ABE [du 21 février 2014] n’avait pas été suivie. Enfin, en cinquième lieu, la commission de recours a constaté qu’aucune violation par l’ABE de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’avait été établie. »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16 Par son recours, SV Capital avait demandé l’annulation, d’une part, de la décision de l’ABE du 21 février 2014 et, d’autre part, de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014. SV Capital avait également demandé le renvoi de l’affaire à l’organe compétent de l’ABE aux fins de l’examen au fond de sa plainte.

17 À l’appui de son recours, la requérante avait soulevé cinq moyens. L’ABE, soutenue par la Commission, avait excipé de l’irrecevabilité de ce recours dans son ensemble, en faisant valoir que son refus d’ouvrir une enquête de sa propre initiative, sur le fondement de l’article 17 du règlement no 1093/2010, était dépourvu d’effets juridiques à l’égard de la requérante.

18 S’agissant de la recevabilité dudit recours, tout d’abord, en tant qu’il tendait à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014, le Tribunal a jugé que, à la date d’introduction de ce recours, la requérante était forclose pour contester cette décision de l’ABE, si bien que ce volet de son recours était irrecevable.

19 Ensuite, en ce qui concerne la recevabilité de ce recours en tant qu’il tendait à l’annulation de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014, le Tribunal a considéré que cette décision constituait un acte attaquable, si bien que ce volet dudit recours était recevable.

20 Enfin, quant à la recevabilité du recours de SV Capital en tant qu’il tendait au renvoi de l’affaire à l’organe compétent de l’ABE aux fins de l’examen au fond de sa plainte, le Tribunal a relevé que, dans le cadre d’un recours en annulation, la compétence du juge de l’Union ne lui permettait pas d’adresser d’injonctions à l’ABE. Partant, il a déclaré ce chef de conclusions irrecevable.

21 Sur le fond, le Tribunal a soulevé d’office la question de la compétence, au regard de l’article 60, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1093/2010, de la commission de recours pour statuer sur le recours introduit devant elle contre la décision de l’ABE du 21 février 2014 et il a jugé qu’une telle compétence faisait défaut.

22 Dans ces conditions et sans examiner le bien-fondé des moyens soulevés par la requérante, le Tribunal a accueilli le recours en tant qu’il tendait à l’annulation de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014, pour défaut de compétence de cette dernière. Partant, le Tribunal a annulé la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 et a rejeté le recours dont il était saisi pour le surplus.

La procédure devant la Cour

23 SV Capital conclut à ce que la Cour :

— annule l’arrêt attaqué, premièrement, en tant qu’il déclare le recours tendant à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014 irrecevable, deuxièmement, en tant qu’il déclare le recours tendant à l’annulation de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 partiellement irrecevable et, troisièmement, en tant qu’il statue sur les dépens ;

— renvoie l’affaire au Tribunal, et

— condamne la partie défenderesse aux dépens et la partie intervenante à supporter ses propres dépens.

24 L’ABE conclut à ce que la Cour :

— à titre principal :

— annule le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué et rejette le recours formé contre la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 comme étant irrecevable, et

— rejette le pourvoi en tant qu’il porte sur le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

— à titre subsidiaire, rejette le pourvoi dans son ensemble, et

— condamne la requérante aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.

25 La Commission conclut à ce que la Cour :

— annule l’arrêt attaqué en ce qui concerne le point 1 de son dispositif ;

— rejette le recours formé par SV Capital contre la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 comme irrecevable ;

— rejette le pourvoi en tant qu’il porte sur le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué comme dénué de fondement, et

— condamne la requérante à l’ensemble des dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.

Sur le pourvoi

26 L’arrêt attaqué portant, d’une part, sur une demande d’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014 et, d’autre part, sur une demande d’annulation de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014, il y a lieu d’examiner les différents moyens du pourvoi en tant qu’ils se rapportent à l’une ou à l’autre de ces deux décisions.

Sur les premier à troisième moyens, relatifs au rejet par le Tribunal, comme non fondées, des conclusions tendant à l’annulation de la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014

Argumentation des parties

27 Par son premier moyen, SV Capital soutient que, dans le cadre de son recours introduit devant le Tribunal, elle avait précisé que celui-ci ne visait la décision de la commission de recours du 14 juillet 2014 qu’en tant que cette décision concluait au rejet de son recours au fond. En revanche, elle n’aurait pas contesté cette décision en ce qui concerne la recevabilité de ce recours et les dépens. Toutefois, le Tribunal se serait prononcé d’office sur la compétence de la commission de recours et
aurait, dès lors, statué ultra petita.

28 Par son deuxième moyen, SV Capital considère également que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010, interprété à la lumière du considérant 58 de ce dernier. En effet, conformément à une lecture combinée de l’article 17, paragraphe 2, dudit règlement et de l’article 1er de celui-ci, la commission de recours aurait été investie du pouvoir de statuer sur le recours dirigé contre la décision de l’ABE du 21 février 2014.

29 Par son troisième moyen, SV Capital fait valoir que le Tribunal a violé l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2014, en jugeant que l’argumentation soulevée au cours de la procédure suivie devant le Tribunal, selon laquelle la commission de recours était compétente pour connaître de son recours, était irrecevable. En effet, les parties auraient été invitées par le Tribunal lui-même à se prononcer sur la question de la compétence
de la commission de recours et la requérante se serait bornée à répondre à la question posée.

30 L’ABE et la Commission concluent au rejet desdits moyens.

Appréciation de la Cour

31 En ce qui concerne le premier moyen du pourvoi, par lequel la requérante soutient que le Tribunal a statué ultra petita, il suffit de relever que le juge de l’Union est tenu de soulever d’office la question de la compétence de l’autorité dont l’acte est attaqué devant lui, même si aucune des parties n’a formulé de demande en ce sens, dès lors que l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief constitue un moyen d’ordre public, qui non seulement peut être soulevé d’office, mais doit l’être.

32 En effet, selon la jurisprudence de la Cour, la question de la compétence de l’auteur de l’acte doit être examinée d’office par le juge, alors même qu’aucune des parties ne lui a demandé de le faire (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, EU:C:1982:322, point 28, ainsi que du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56 et jurisprudence citée).

33 Par conséquent, ce premier moyen doit être écarté.

34 En ce qui concerne le deuxième moyen du pourvoi, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 60 du règlement no 1093/2010, peuvent former un recours contre une décision de l’ABE les personnes physiques ou morales, y compris les autorités compétentes, qui sont les destinataires de cette décision ou, même si celles-ci ne le sont pas, qui sont concernés directement et individuellement par celle-ci.

35 Toutefois, pour être susceptible de recours devant la commission de recours, une décision de l’ABE doit être, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 66 de l’arrêt attaqué, soit l’une des décisions visées aux articles 17 à 19 du règlement no 1093/2010, soit une décision qui a été arrêtée conformément aux actes de l’Union visés à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement.

36 Ainsi que le Tribunal l’a constaté à bon droit aux points 67 à 71 de l’arrêt attaqué, aucune de ces conditions n’est remplie en l’espèce.

37 En premier lieu, la décision de l’ABE du 21 février 2014 n’est pas fondée sur l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1093/2010. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal au point 67 de l’arrêt attaqué, en dépit du fait que la violation de certaines dispositions de la directive 2006/48 avait été invoquée à l’appui de la plainte de la requérante, l’ABE ne s’est pas prononcée, dans cette décision, sur la violation ou l’absence de violation de cette directive par les autorités
compétentes ou par l’établissement de crédit visé.

38 En deuxième lieu, il est constant que ladite décision ne fait pas partie des décisions visées aux articles 18 et 19 de ce règlement, par lesquelles l’ABE peut imposer aux autorités nationales de surveillance l’adoption de mesures spécifiques, respectivement pour remédier à une situation d’urgence ou pour régler des différends pouvant survenir entre celles-ci dans des situations transfrontalières.

39 En troisième lieu, contrairement à ce qu’exige l’article 17, paragraphe 1, dudit règlement, aucune violation des normes techniques de réglementation et d’exécution établies conformément aux articles 10 à 15 du même règlement n’a été invoquée au soutien de ladite plainte.

40 En quatrième lieu, la requérante ne fait pas partie des entités expressément visées à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement, qui peuvent saisir l’ABE d’une demande d’ouverture d’enquête pour violation ou non-application du droit de l’Union. En particulier, la requérante ne fait pas valoir qu’elle appartiendrait au groupe des parties intéressées au secteur bancaire, institué conformément à l’article 37 du règlement no 1093/2010.

41 Par ailleurs, la constatation selon laquelle la requérante ne fait pas partie des entités expressément visées à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement n’est en rien modifiée, contrairement à ce que semble prétendre la requérante, par le fait que l’ABE peut entamer de sa propre initiative des enquêtes.

42 Par conséquent, les considérations figurant dans l’arrêt attaqué n’étant entachées d’aucune erreur de droit, le deuxième moyen du pourvoi doit également être écarté.

43 S’agissant du troisième moyen invoqué, il convient de rappeler que la requérante, en réponse à une demande du Tribunal, a présenté devant ce dernier une argumentation allant au-delà de l’objet de la question posée par celui-ci.

44 En effet, la requérante a fait valoir que le recours en annulation introduit devant le Tribunal avait été formé dans le délai imparti, compte tenu du fait que la procédure administrative s’était poursuivie jusqu’au 14 juillet 2014 et que le dépôt de ce recours en annulation relevait d’un cas fortuit, au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

45 À cet égard, il convient de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle celle-ci s’est limitée à présenter des observations en réponse à la question posée par le Tribunal manque en fait. En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 42 de l’arrêt attaqué, la réponse de la requérante comportait, en réalité, deux moyens nouveaux.

46 Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que cette argumentation était irrecevable.

47 Le troisième moyen du pourvoi doit, dès lors, être également écarté.

Sur les quatrième à sixième moyens, relatifs au rejet par le Tribunal, comme irrecevables, des conclusions tendant à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014

Argumentation des parties

48 Par son quatrième moyen, SV Capital soutient que son recours, en ce qu’il tendait à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014, avait été formé dans le délai visé à l’article 263 TFUE, dès lors que la procédure administrative, devant la commission de recours, s’était poursuivie jusqu’au 14 juillet 2014 au nom de l’ABE et des autorités européennes de surveillance. L’incompétence de la commission de recours pourrait conduire à l’annulation de la décision adoptée par cette dernière,
mais ne saurait avoir une incidence sur le délai prévu à l’article 263 TFUE. Par conséquent, la mention figurant au point 44 de l’arrêt attaqué et relative à la possibilité d’introduire un recours devant le Tribunal contre la décision de l’ABE du 21 février 2014, parallèlement et concomitamment à la présentation d’un recours devant la commission de recours, serait dépourvue de tout fondement. En effet, un tel recours devant le Tribunal aurait été irrecevable au titre de l’article 263 TFUE, en
l’absence d’un acte administratif définitif.

49 Par son cinquième moyen, SV Capital fait valoir que le Tribunal a violé l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors que le dépôt d’un recours dans le délai de deux mois à compter de la réception de la décision du 21 février 2014 aurait été empêché par une erreur excusable. Le fait que la commission de recours a déclaré son recours recevable et l’a examiné au fond aurait pu entraîner « une confusion admissible ». Même si la commission de recours était incompétente
pour statuer sur le recours tendant à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014, cette dernière n’aurait jamais soulevé d’argument selon lequel il appartenait au Tribunal plutôt qu’à la commission de recours de connaître de ce recours. Cette dernière aurait statué sur le recours dont elle était saisie, en laissant ainsi supposer qu’elle était l’organe de recours compétent. Dès lors, l’introduction du recours devant le Tribunal après l’expiration du délai de deux mois après la
réception de la décision de l’ABE du 21 février 2014 devrait être considérée comme résultant d’une erreur excusable.

50 Par son sixième moyen, SV Capital soutient que, en jugeant, au point 45 de l’arrêt attaqué, que, en toute hypothèse, le recours tendant à l’annulation de la décision de l’ABE du 21 février 2014 était irrecevable, faute d’acte attaquable, le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 263 TFUE, ainsi que l’article 60, paragraphe 1, et l’article 61, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010. En effet, le recours formé contre ladite décision aurait été recevable, dès lors que la requérante était
destinataire de cette décision et qu’elle était directement et individuellement concernée par celle-ci.

51 L’ABE et la Commission concluent au rejet desdits moyens.

Appréciation de la Cour

52 Le quatrième moyen portant sur les considérations figurant aux points 36 et suivants de l’arrêt attaqué, selon une jurisprudence constante, il convient de rappeler que le délai de recours est d’ordre public et qu’il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil, C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 20 et jurisprudence citée).

53 Ainsi qu’il découle de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. En l’espèce, la décision de l’ABE a été notifiée à la requérante le 21 février 2014. Par conséquent, en appliquant les règles de calcul des délais, prévues aux articles 58 et 60 du règlement de procédure du
Tribunal, qui correspondent aux articles 49 et 51 du règlement de procédure de la Cour, à la date de l’introduction du recours de SV Capital devant le Tribunal, à savoir le 12 septembre 2014, cette dernière était forclose pour contester ladite décision de l’ABE, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 41 de l’arrêt attaqué.

54 Le Tribunal a également jugé, au point 43 de cet arrêt, que la requérante n’était fondée à invoquer ni un cas de force majeure, sur le fondement de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ni l’existence d’une erreur excusable.

55 Ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur de droit.

56 En effet, la Cour a jugé à maintes reprises qu’il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout
traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 41 et jurisprudence citée).

57 Contrairement à ce qu’affirme la requérante, il n’y a pas eu de « poursuite » de la procédure après l’adoption par l’ABE de sa décision du 21 février 2014, et l’introduction d’un recours devant la commission de recours n’a eu aucune incidence sur le calcul du délai de recours relatif à une décision prise précédemment par l’ABE, compte tenu de l’incompétence de celle-ci.

58 Le quatrième moyen du pourvoi doit donc être écarté.

59 S’agissant du cinquième moyen du pourvoi, qui est tiré de l’existence d’une erreur excusable de SV Capital, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la réglementation de l’Union relative aux délais de recours, la notion d’erreur excusable, permettant d’y déroger, ne vise que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible
dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 42 et jurisprudence citée).

60 En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 44 de l’arrêt attaqué, aucune assurance précise n’a été fournie à la requérante quant à la compétence de la commission de recours pour connaître d’un recours portant sur la décision de l’ABE qui serait ultérieurement adoptée.

61 En particulier, contrairement à ce que prétend la requérante, ne sauraient être qualifiées de comportement de nature à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable ni l’omission de l’ABE de soulever une objection quant à la compétence de la commission de recours pour statuer sur une décision de l’ABE ni la conclusion erronée de cette dernière, selon laquelle elle disposait d’une telle compétence.

62 Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a constaté l’absence d’une quelconque erreur excusable susceptible de déroger à l’obligation de respecter le délai de recours imparti.

63 Le cinquième moyen du pourvoi doit dès lors être écarté.

64 Par son sixième moyen, la requérante soutient que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 263 TFUE ainsi que l’article 60, paragraphe 1, et l’article 61, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010. À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il résulte du point 45 de l’arrêt attaqué, ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal s’est prononcé sur l’irrecevabilité du recours pour défaut d’acte attaquable.

65 Or, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 75, ainsi que du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 211 et jurisprudence citée).

66 Par conséquent, le sixième moyen du pourvoi doit être écarté comme inopérant.

Sur les septième à onzième moyens

Argumentation des parties

67 SV Capital soulève de nouveau les moyens suivants, lesquels seraient étayés par les arguments formulés dans le cadre de son recours présenté devant le Tribunal, étant donné que ce dernier n’aurait pas statué au fond sur son recours :

— la décision de l’ABE du 21 février 2014 est entachée d’une erreur de fait ;

— l’ABE n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire conformément au droit applicable et aux limites de ce pouvoir ;

— l’ABE a violé l’article 39, paragraphe 1, du règlement no 1093/2010 et l’article 16 de son code de bonne conduite administrative ;

— l’ABE a violé les points 3.3 à 3.5 de ses règles internes, et

— lorsque l’ABE a examiné la plainte de la requérante et a rendu sa décision, elle a abusé de son pouvoir et a agi de manière déraisonnable.

68 L’ABE et la Commission font valoir que lesdits moyens sont irrecevables.

Appréciation de la Cour

69 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du
pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 29, ainsi que ordonnance du 12 février 2015, Meister/Commission, C‑327/14 P, non publiée,EU:C:2015:99, point 12). Or, les septième à onzième moyens du pourvoi ne se rapportent nullement à l’arrêt attaqué, mais visent la décision de l’ABE du 21 février 2014. Dès lors, ils doivent être rejetés comme irrecevables, pour ce seul motif.

70 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

71 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138 de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose, à son paragraphe 1, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72 SV Capital ayant succombé en ses moyens et l’ABE ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.

73 L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

74 En conséquence, la Commission, qui est intervenue au litige, supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) SV Capital OÜ est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Autorité bancaire européenne (ABE).

  3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-577/15
Date de la décision : 14/12/2016

Analyses

Pourvoi – Demande d’ouverture d’une enquête visant les autorités de surveillance estonienne et finnoise – Décision de l’Autorité bancaire européenne (ABE) – Décision de la commission de recours des autorités européennes de surveillance – Règlement (UE) no 1093/2010 – Articles 17 et 60 – Commission de recours – Délai de recours – Erreur excusable.


Parties
Demandeurs : SV Capital OÜ
Défendeurs : Autorité bancaire européenne (ABE).

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:947

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