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07/07/2016 | CJUE | N°C-514/15

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, HIT Groep BV contre Commission européenne., 07/07/2016, C-514/15


ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

7 juillet 2016 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Règlement (CE) n° 1/2003 – Article 23, paragraphe 2 – Calcul du montant de l’amende – Plafond de l’amende – Chiffre d’affaires total réalisé au cours de “l’exercice social précédentˮ – Référence à un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse – Principe de proportionnalité »

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ns l’affaire C‑514/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union...

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

7 juillet 2016 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Règlement (CE) n° 1/2003 – Article 23, paragraphe 2 – Calcul du montant de l’amende – Plafond de l’amende – Chiffre d’affaires total réalisé au cours de “l’exercice social précédentˮ – Référence à un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire C‑514/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 septembre 2015,

HIT Groep BV, établie à Haarlem (Pays-Bas), représentée par M^es G. van der Wal et L. Y. M. Parret, advocaten,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel, S. Noë et V. Bottka, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M^me J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Hit Groep BV demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission (T‑436/10, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:514), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte), modifiée par la décision
C(2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010, et par la décision C(2011) 2269 final de la Commission, du 4 avril 2011 (ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

2 L’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE] [...]

[...]

Pour chaque entreprise [...] participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...] »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

3 Le secteur concerné par la présente affaire est celui de l’acier de précontrainte (ci-après l’« APC »). Cette expression désigne des câbles métalliques et des torons en fil machine et, notamment, l’acier pour béton prétensionné, qui sert d’éléments de balcons, de pieux de fondations ou de conduits, et l’acier pour béton postcontraint, qui est utilisé dans les domaines de l’architecture industrielle et de l’architecture souterraine ou pour la construction de ponts.

4 Nedri Spanstaal BV (ci-après « Nedri »), dont le siège social est à Venlo (Pays-Bas), est un producteur d’APC. Nedri a été sous le contrôle direct ou indirect de Hoogovens Groep entre l’année 1969 et l’année 1994. Du 1^er mai 1987 au 28 février 1994, ce contrôle a été exercé par l’intermédiaire de Hoogovens Industriële Toeleveringsbedrijf, une filiale à 100 % de Hoogovens Groep, qui détenait 100 % des actions de Nedri. Le 28 février 1994, Hoogovens Groep a vendu cette société, y compris
Nedri, à trois entreprises. Le nom de Hoogovens Industriële Toeleveringsbedrijf a alors été modifié pour devenir Hit Groep, cette société continuant à détenir 100 % des actions de Nedri. Le 17 janvier 2002, Nedri a été rachetée par Vadeho III BV. Hit Groep a subsisté, avec pour actionnaires trois sociétés et des membres de sa direction. Le chiffre d’affaires mondial de Hit Groep s’est élevé à 69 345 000 euros pour l’année 2003. Selon Hit Groep, cette société n’a réalisé aucun chiffre d’affaires
depuis la vente de ses dernières participations, le 1^er novembre 2004.

5 Les 19 et 20 septembre 2002, ayant reçu des informations du Bundeskartellamt (autorité fédérale de la concurrence, Allemagne) et d’un fabricant d’APC au sujet d’une infraction à l’article 101 TFUE, la Commission a procédé à des vérifications dans les locaux de plusieurs entreprises, au nombre desquelles figurait Nedri.

6 Au terme de son enquête, la Commission a adopté, le 30 septembre 2008, une communication des griefs visant plusieurs sociétés, au nombre desquelles figurait Hit Groep. Tous les destinataires de celle-ci ont présenté des observations écrites en réponse aux griefs formulés par la Commission. Une audition a eu lieu les 11 et 12 février 2009, à laquelle Hit Groep n’a pas pris part.

7 Par la décision litigieuse, la Commission a considéré que plusieurs fournisseurs d’APC avaient violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et, à partir du 1^er janvier 1994, l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant à une entente aux niveaux européen ainsi que national et régional, au cours d’une période comprise entre le 1^er janvier 1984 et le 19 septembre 2002. La Commission a estimé que Nedri avait commis
cette infraction pendant toute cette période et que Hit Groep avait commis celle‑ci entre le 1^er janvier 1998 et le 17 janvier 2002, période au cours de laquelle il a été présumé que, en détenant 100 % des actions de Nedri, Hit Groep avait exercé une influence déterminante sur cette dernière. En conséquence, la Commission a infligé, d’une part, une amende de 5 056 500 euros conjointement et solidairement à Nedri et à Hit Groep et, d’autre part, une amende de 1 877 500 euros à Hit Groep.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2010, Hit Groep a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

9 À l’appui de son recours, Hit Groep avait soulevé six moyens, dont seul le quatrième, tiré de diverses erreurs dans les éléments pris en considération pour fixer le montant de l’amende infligée à cette société, présente un intérêt aux fins du présent pourvoi.

10 Dans le cadre de ce moyen, Hit Groep faisait, notamment, grief à la Commission d’avoir violé l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 ainsi que les principes de proportionnalité et de bonne administration, en prenant erronément en considération, pour le calcul du plafond d’amende de 10 % du chiffre d’affaires fixé par cette disposition, le chiffre d’affaires qu’elle avait réalisé au cours de l’exercice social relatif à l’année 2003, alors que l’exercice social
ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse est celui relatif à l’année 2009.

11 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens soulevés par la requérante et, partant, a rejeté le recours dans son entièreté, en considérant qu’il n’y avait pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de procéder, au titre de sa compétence de pleine juridiction, à la réformation de l’amende infligée à Hit Groep.

Les conclusions des parties

12 Par son pourvoi, Hit Groep demande à la Cour :

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse en tant qu’elle la concerne ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’amende qui lui a été infligée, ou de réduire le montant de celle-ci, ou, à tout le moins, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi.

13 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

14 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de ce que le Tribunal, en jugeant que la Commission pouvait se référer à l’exercice social relatif à l’année 2003 aux fins de l’application du plafond de l’amende infligée, a violé l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, l’article 49 de la
charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le principe de proportionnalité et l’obligation de motivation édictée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Le second moyen est tiré de ce que le Tribunal, en omettant de se prononcer sur le caractère proportionné de l’amende, a violé le principe de proportionnalité, l’article 41, paragraphe 2, sous c), et l’article 49, paragraphe 3, de la Charte ainsi que l’obligation de motivation édictée à l’article 296 deuxième
alinéa, TFUE.

15 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

16 Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

17 Par le premier moyen du pourvoi, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir jugé, aux points 174 à 188 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en se référant à l’exercice social relatif à l’année 2003 aux fins de l’application du plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, alors que l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse était celui relatif à l’année 2009.

18 En premier lieu, la requérante soutient que, ce faisant, le Tribunal a violé cette disposition, dès lors que celle-ci contient la règle claire et non équivoque selon laquelle, pour chaque entreprise participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Ladite disposition ne laisserait aucune marge d’appréciation permettant d’y déroger.

19 La requérante relève que, certes, dans ses arrêts du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (C‑76/06 P, EU:C:2007:326), et du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission (C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326), la Cour a jugé que, dans des cas exceptionnels, la Commission peut, par dérogation à cette disposition, se référer à « un exercice complet d’activité économique normale pendant une période de douze mois », qui ne doit pas nécessairement être l’exercice social qui précède
l’adoption de sa décision.

20 La requérante considère, cependant, que cette jurisprudence méconnaît le fait que le plafond de l’amende constitue une garantie légale du caractère proportionné de celle-ci au regard de la situation économique de l’entreprise concernée à la date de l’adoption de la décision infligeant une amende et ne vise pas la situation financière de l’entreprise concernée à l’époque où l’infraction a été commise. Il serait possible que, dans des cas exceptionnels, une entreprise ait, au cours des années
qui précèdent l’adoption de la décision infligeant une amende, procédé à des restructurations ou à des cessions d’activités dans le seul but de déclarer un chiffre d’affaires inférieur, voire nul. Toutefois, en l’occurrence, ni la décision litigieuse ni l’arrêt attaqué ne feraient état d’une telle situation.

21 En deuxième lieu, la requérante soutient que l’interprétation retenue par le Tribunal est incompatible avec l’article 7, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et l’article 49, paragraphe 1, de la Charte, lesquels exigent, afin d’assurer la sécurité juridique, que les sanctions soient formulées de manière claire et que l’autorité de contrôle ainsi que le juge compétent interprètent ces
règles de manière restrictive. Par ailleurs, même s’il était possible de déroger à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 en l’espèce, la jurisprudence en cause, qui est postérieure aux faits litigieux, ne saurait être appliquée de manière rétroactive à la situation de la requérante, sous peine d’aboutir à une sanction plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction reprochée a été commise.

22 En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’interprétation retenue dans l’arrêt attaqué porte atteinte à l’objectif même que poursuit l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, qui consiste à garantir, conformément au principe de proportionnalité, que le montant maximal de l’amende soit déterminable à l’avance. La logique poursuivie par cette disposition tendrait ainsi à assurer la proportionnalité de l’amende au regard de la situation financière de
l’entreprise au moment où cette dernière est sanctionnée et non par rapport à sa situation financière au cours d’une période antérieure. Or, en l’occurrence, la décision litigieuse concernerait une infraction qui s’est déroulée sur une longue période et qui s’est terminée au cours de l’année 2003. Il en résulterait nécessairement que l’amende infligée est disproportionnée au regard de l’importance actuelle et réelle de la requérante.

23 En quatrième et dernier lieu, la requérante soutient que le Tribunal n’a pas suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les principes résultant de l’arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (C‑76/06 P, EU:C:2007:326), sont applicables en l’espèce. En particulier, l’arrêt attaqué n’indiquerait pas en quoi la situation est, en l’occurrence, exceptionnelle.

24 La Commission soutient que le premier moyen n’est pas fondé.

Appréciation de la Cour

25 Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

26 Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, ce plafond de l’amende vise à éviter que les amendes infligées par la Commission soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise concernée (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 119 ; du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 24, et du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, point 83).

27 Pour la détermination de la notion d’« exercice social précédent », la Commission doit donc apprécier, dans chaque cas d’espèce et en tenant compte du contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement n° 1/2003, l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise (arrêts du 7 juin
2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 25, et du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission, C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326, point 15).

28 À cet égard, la Cour a, certes, déjà jugé que le respect de cette disposition peut exiger que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée soit calculé en se fondant sur l’exercice social de l’année précédant la décision de la Commission sanctionnant l’infraction commise (arrêt du 4 septembre 2014, YKK e.a./Commission, C‑408/12 P, EU:C:2014:2153, point 64).

29 Toutefois, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines situations, le chiffre d’affaires de l’exercice social qui précède l’adoption de la décision de la Commission ne donne aucune indication utile sur la situation économique réelle de l’entreprise concernée et le niveau approprié de l’amende à infliger à cette dernière (arrêts du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 29, et du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission,
C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326, point 16).

30 Dans de telles situations, notamment lorsque l’entreprise concernée n’a réalisé aucun chiffre d’affaires au cours de l’exercice qui précède l’adoption de la décision de la Commission, cette dernière est habilitée à se référer à un autre exercice social, afin d’être en mesure d’évaluer correctement les ressources financières de cette entreprise et d’assurer à l’amende un caractère dissuasif suffisant (arrêts du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326,
point 30, et du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission, C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326, point 17).

31 Dès lors, l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 n’impose nullement, contrairement à ce que soutient la requérante, la prise en compte, en tant que règle impérative pour le calcul du plafond de 10 % prévu à cette disposition, du chiffre d’affaires relatif à l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse. La prise en compte d’un autre exercice social, qui correspond au dernier exercice complet d’activité réelle de l’entreprise concernée
précédant l’adoption de la décision de la Commission, ne traduit ainsi en rien l’exercice d’une faculté de « dérogation », mais vise uniquement à la détermination de l’exercice social pertinent en fonction des circonstances factuelles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission, C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326, point 18).

32 En l’occurrence, au point 181 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que Hit Groep ayant cédé, d’une part, Nedri le 17 janvier 2002 et, d’autre part, toutes ses autres participations le 1^er novembre 2004, avait, par conséquent, cessé toutes ses activités opérationnelles à compter de cette dernière date. De même, au point 185 de cet arrêt, le Tribunal a relevé que la requérante, dont l’activité normale en tant que holding consiste à acquérir des participations, à les détenir, à percevoir
des intérêts et à vendre ces participations, avait vendu l’entièreté de ses participations pendant l’année 2004 et que, par la suite, elle s’était bornée à maintenir une réserve financière limitée et un chiffre d’affaires minime.

33 Ces constatations de nature factuelle relèvent, sauf dans le cas de leur dénaturation, laquelle n’a pas été alléguée en l’espèce, de l’appréciation souveraine du Tribunal.

34 Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 de la présente ordonnance, le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, constater, aux points 182, 184 et 187 de l’arrêt attaqué, que le chiffre d’affaires de l’exercice social relatif à l’année 2009 ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse ne donnait aucune indication utile sur la situation économique réelle de l’entreprise concernée et que, partant, il y avait lieu, afin de calculer le plafond de
10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, de se référer au chiffre d’affaires relatif à l’année 2003, celui-ci constituant le dernier exercice complet d’activité économique normale de l’entreprise pendant une période de douze mois.

35 Ce faisant, le Tribunal n’a ni violé le principe de sécurité juridique ni infligé à la requérante, de manière rétroactive, une sanction plus sévère que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise, dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 31 de la présente ordonnance, l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 n’impose pas de règle à caractère impératif s’agissant de l’exercice social pertinent à prendre en compte.

36 À cet égard, c’est à tort que la requérante fait valoir que la prise en compte d’un tel exercice social ne pourrait avoir lieu que « dans des cas exceptionnels », tels que l’existence d’une restructuration ou d’une cession d’actif réalisée « dans le seul but » de déclarer un chiffre d’affaires infime, cette exigence ne découlant en rien de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 de la présente ordonnance.

37 Pour autant que, par le présent moyen, la requérante vise, ce qu’elle indique d’ailleurs explicitement, à remettre en cause la jurisprudence issue des arrêts du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (C‑76/06 P, EU:C:2007:326), et du 15 mai 2014, 1. garantovaná/Commission (C‑90/13 P, non publié, EU:C:2014:326), force est de constater qu’aucun des arguments avancés par celle-ci n’est de nature à justifier une telle remise en cause.

38 En particulier, il convient de souligner que, loin de porter atteinte au principe de proportionnalité, comme le fait valoir la requérante, la prise en compte du chiffre d’affaires relatif au dernier exercice complet d’activité économique réelle de l’entreprise vise à garantir pleinement le respect de ce principe, en assurant une évaluation correcte des ressources financières de cette entreprise de manière à ce que l’amende ait un caractère dissuasif suffisant.

39 Enfin, la requérante ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir violé l’obligation de motivation lui incombant. En effet, les raisons pour lesquelles la prise en compte d’un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse ressortent clairement, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, des points 181 à 187 de l’arrêt attaqué. En particulier, il ne saurait être fait grief au Tribunal de ne pas avoir expliqué en quoi la présente affaire relèverait d’une situation
« exceptionnelle », dès lors que l’existence d’une telle situation n’est nullement requise, ainsi qu’il a été indiqué au point 36 de la présente ordonnance.

40 En conséquence, il convient de rejeter le premier moyen du pourvoi comme étant manifestement non fondé.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

41 Par le second moyen du pourvoi, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir omis de se prononcer sur le caractère proportionné de l’amende et, partant, de ne pas avoir appliqué le principe de proportionnalité.

42 Selon la requérante, lorsque, comme en l’espèce, l’exercice social précédent est remplacé par un exercice social éloigné dans le temps, l’objectif poursuivi à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 n’est garanti que si un contrôle de la proportionnalité est effectué afin d’assurer que l’amende infligée reste proportionnée au regard de la capacité financière de l’entreprise au moment où la décision infligeant l’amende est adoptée. Or, en l’occurrence, le Tribunal
n’aurait pas effectué cet examen ou, à tout le moins, celui-ci aurait été incomplet et insuffisamment motivé.

43 La requérante estime que, en ce qui la concerne, l’exercice social relatif à l’année 2009 traduisait parfaitement sa capacité financière actuelle. Il ne serait, dès lors, pas possible de comprendre, d’une part, en quoi il serait justifié d’y déroger en faveur d’un exercice social antérieur de sept années, sans une motivation plus approfondie, alors qu’il serait établi que cet exercice relatif à l’année 2003 ne donnait en aucun cas une image réelle et actuelle de sa capacité financière, ni,
d’autre part, en quoi l’amende infligée permettrait d’assurer le respect du principe de proportionnalité.

44 La Commission soutient que le second moyen est dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

45 D’emblée, il convient de relever que, pour autant que la requérante reproche au Tribunal, dans le cadre de ce second moyen, d’avoir considéré que la Commission avait pu, à juste titre, ne pas se référer à l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse pour calculer le plafond de l’amende infligée, ce moyen se confond avec les arguments déjà avancés dans le cadre du premier moyen et, partant, il doit être rejeté par identité de motifs.

46 Par ailleurs, dès lors que le Tribunal a conclu à juste titre, au point 187 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé le principe de proportionnalité en se référant à un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse, c’est également à bon droit qu’il n’a pas examiné le point de savoir si le montant de l’amende résultant de cette prise en compte était proportionné au regard de la capacité financière de la requérante au cours de l’exercice
social ayant précédé ladite adoption.

47 Au demeurant, il convient de constater que, contrairement à ce que suggère la requérante, le Tribunal, après avoir conclu, audit point 187, que la Commission était en droit de se référer à un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse, a examiné, aux points 217 à 228 de l’arrêt attaqué, le point de savoir si le montant de l’amende infligé à la requérante après l’application du plafond de l’amende était proportionné au regard de la durée de sa
participation à l’infraction, tout en soulignant qu’une violation du principe de proportionnalité ne saurait résulter de la seule allégation d’une différence dans les montants finaux des amendes infligées à la requérante et à Nedri.

48 En conséquence, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant manifestement non fondé.

49 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

50 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51 La Commission ayant conclu à la condamnation de Hit Groep et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Hit Groep BV est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le néerlandais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-514/15
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Règlement (CE) no 1/2003 – Article 23, paragraphe 2 – Calcul du montant de l’amende – Plafond de l’amende – Chiffre d’affaires total réalisé au cours de “l’exercice social précédent” – Référence à un exercice social autre que celui ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse – Principe de proportionnalité.

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : HIT Groep BV
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Regan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:575

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