La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2016 | CJUE | N°C-495/14

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Antonio Tita e.a. contre Ministero della Giustizia e.a., 07/04/2016, C-495/14


ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

7 avril 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 89/665/CEE – Marchés publics – Législation nationale – Frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Droit à un recours effectif – Frais dissuasifs – Contrôle juridictionnel des actes administratifs – Principes d’effectivité et d’équivalence»

Dans l’affaire C‑495/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’ar

ticle 267 TFUE, introduite par le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (tribunal administratif ré...

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

7 avril 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 89/665/CEE – Marchés publics – Législation nationale – Frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Droit à un recours effectif – Frais dissuasifs – Contrôle juridictionnel des actes administratifs – Principes d’effectivité et d’équivalence»

Dans l’affaire C‑495/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (tribunal administratif régional de Trente, Italie), par décision du 25 septembre 2014, parvenue à la Cour le 6 novembre 2014, dans la procédure

Antonio Tita,

Alessandra Carlin,

Piero Costantini

contre

Ministero della Giustizia,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Segretario Generale del Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (TRGA),

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. M. Bobek,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1^er de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31,
ci-après la «directive 89/665»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Tita, M^me Carlin ainsi que M. Costantini, avocats associés (ci-après le «cabinet d’avocats»), au Ministero della Giustizia (ministère de la Justice), au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (Présidence du Conseil des ministres) et au Segretario Generale del Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (TRGA) (secrétaire
général du tribunal régional administratif de Trente) au sujet de la légalité de la décision adoptée par ce dernier, relative aux frais de justice à verser pour l’introduction d’un recours juridictionnel administratif en matière de marchés publics.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes du troisième considérant de la directive 89/665, l’ouverture des marchés publics à la concurrence de l’Union nécessite un accroissement substantiel des garanties de transparence et de non‑discrimination et il importe, pour qu’elle soit suivie d’effets concrets, qu’il existe des moyens de recours efficaces et rapides en cas de violation du droit de l’Union en matière de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit.

4 L’article 1^er de cette directive, intitulé «Champ d’application et accessibilité des procédures de recours», dispose:

«1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [(JO L 134, p. 114)], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 10 à 18 de ladite directive.

Les marchés au sens de la présente directive incluent les marchés publics, les accords-cadres, les concessions de travaux publics et les systèmes d’acquisition dynamiques.

Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit [de l’Union] en matière de marchés
publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[...]

3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.

[...]»

5 L’article 7 de la directive 2004/18, intitulé «Montant des seuils des marchés publics», fixe les seuils des valeurs estimées à partir desquels l’attribution d’un marché doit être effectuée conformément aux règles de cette directive. Ces seuils sont modifiés à des intervalles réguliers par des règlements de la Commission européenne et adaptés aux circonstances économiques.

Le droit italien

6 L’article 13, paragraphe 1, du décret du président de la République n° 115, du 30 mai 2002, tel que modifié (ci-après le «décret»), a établi un régime de taxation des actes judiciaires, constitué par une contribution unifiée, fixée en proportion de la valeur du litige.

7 En ce qui concerne les procédures juridictionnelles administratives, l’article 13, paragraphe 6 bis, du décret fixe le montant de la contribution unifiée indépendamment de la valeur du litige.

8 Selon ledit article 13, paragraphe 6 bis, en cas de recours introduits devant les tribunaux administratifs régionaux et devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État), le montant de la contribution unifiée s’élève, en règle générale, à 650 euros. Cependant, cette même disposition fixe, pour des matières particulières, des montants différents, qui peuvent être réduits ou majorés.

9 Ainsi, aux termes dudit article 13, paragraphe 6 bis, la contribution en matière de marchés publics s’élève à:

– 2 000 euros lorsque la valeur du marché est égale ou inférieure à 200 000 euros;

– 4 000 euros pour les litiges dont la valeur est comprise entre 200 000 et 1 000 000 euros, et

– 6 000 euros pour ceux d’une valeur supérieure à 1 000 000 euros.

10 Selon l’article 13, paragraphe 1 bis, du décret, pour les procédures d’appel en matière de passation de marchés publics, ces montants sont majorés de 50 %.

11 Il découle de l’article 14, paragraphe 3 ter, du décret que la valeur du litige correspond non pas à la marge bénéficiaire qui peut être tirée de l’exécution du marché établi par les entités adjudicatrices, mais au montant de la valeur de base de ce marché.

Le litige au principal et la question préjudicielle

12 Le cabinet d’avocats a saisi la juridiction de renvoi d’un recours ayant pour objet une procédure de passation d’un marché public relatif à des services de consultation juridique, à laquelle il a participé.

13 Le cabinet d’avocats a versé, au titre de la contribution unifiée, un montant de 650 euros, correspondant au coût d’introduction d’un recours administratif ordinaire.

14 Par décision du 6 mai 2014, le secrétaire général du tribunal administratif régional de Trente a invité ledit cabinet à compléter ce paiement, au motif que le litige avait trait à la passation de marchés publics et que la contribution unifiée à acquitter pour ce type de litiges s’élevait à 2 000 euros.

15 Par un nouveau recours, le cabinet d’avocats a, notamment, attaqué cette décision, en invoquant une violation des principes généraux de l’ordre juridique de l’Union, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte»), des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que des dispositions des directives 89/665 et 2007/66.

16 La juridiction de renvoi considère que le cabinet d’avocats dispose d’un intérêt matériel et procédural à s’opposer à la décision du 6 mai 2014 qui lui impose un paiement additionnel au titre de la contribution unifiée.

17 Cette juridiction souligne le fait que, d’une part, en ce qui concerne les procédures juridictionnelles administratives, contrairement à ce qui est prévu pour les procédures civiles, le montant de la contribution unifiée n’est pas lié à la valeur du litige et, d’autre part, cette contribution s’élève à des montants spécifiques lorsqu’il s’agit de recours portant sur certaines matières particulières de droit administratif.

18 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, dans le domaine des procédures de passation de marchés publics, le montant de la contribution unifiée est considérablement plus important que celui demandé pour les litiges administratifs soumis à la procédure ordinaire.

19 Cette juridiction considère que la taxation des recours devant le juge administratif, surtout en matière de passation de marchés publics, est susceptible de dissuader les entreprises de poursuivre leur action juridictionnelle et pose, dès lors, des problèmes de conformité avec les principes de l’ordre juridique de l’Union.

20 Ladite juridiction expose que, à son estime, le bénéfice perçu par l’adjudicataire d’un marché public atteint, généralement, à peine 10 % du montant du marché concerné et considère que le versement anticipé d’une contribution unifiée dépassant le montant d’un tel bénéfice peut amener l’adjudicataire à renoncer, en tant que justiciable, à certains mécanismes procéduraux.

21 Ainsi, selon la juridiction de renvoi, le décret limite le droit d’agir en justice, porte atteinte aux droits de la défense et à l’accessibilité des voies de recours, restreint l’effectivité du contrôle juridictionnel des actes administratifs, discrimine les opérateurs de faible capacité financière par rapport aux opérateurs disposant d’une capacité financière importante et les défavorise par rapport à ceux qui, dans le cadre de leurs activités, saisissent les juridictions civiles et
commerciales.

22 La contribution unifiée applicable aux recours introduits devant les tribunaux administratifs serait excessive par rapport aux frais de justice prévus en droits allemand, espagnol ou français lors de l’introduction d’un recours juridictionnel. Le caractère élevé de ces frais dissuaderait les opérateurs économiques des autres États membres de participer à des procédures d’appel d’offres en Italie, de sorte que ces frais seraient incompatibles avec la liberté d’établissement et la libre
prestation des services.

23 La juridiction de renvoi est d’avis que le coût supporté par l’État aux fins du fonctionnement de la justice administrative en matière de marchés publics n’est pas sensiblement différent, distinct ou plus élevé que celui relatif aux procédures liées à d’autres types de contentieux. Elle fait référence à la doctrine selon laquelle le législateur national a certainement souhaité alléger le poids de l’arriéré judiciaire et faciliter tant la réalisation de travaux publics que l’acquisition
publique de biens et de services.

24 Cette juridiction considère que les principes d’efficacité, de célérité, de non‑discrimination et d’accessibilité, figurant à l’article 1^er de la directive 89/665, sont applicables à l’affaire dont elle est saisie et que le décret enfreint ces principes ainsi que le droit à un recours effectif, réaffirmé à l’article 47 de la Charte.

25 Il découlerait, par ailleurs, du principe d’efficacité des moyens de recours que les frais d’accès au juge doivent être viables et proportionnés par rapport à l’intérêt que le requérant espère tirer de la procédure judiciaire.

26 Dans ces conditions, le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento (tribunal administratif régional de Trente) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les principes fixés par les directives 2007/66, 89/665 et 92/13/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 76, p. 14)], en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de
passation de marchés publics, s’opposent-ils à une réglementation nationale [...] qui impose des montants élevés au titre de la contribution unifiée pour accéder à la justice administrative en matière de procédures de passation de marchés publics?»

Sur la question préjudicielle

27 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

28 Il convient de faire application de cet article dans la présente affaire.

29 À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer, d’une part, que, bien qu’elle fasse référence à la directive 92/13, la demande de décision préjudicielle ne comporte aucun élément susceptible de démontrer la pertinence de celle-ci aux fins de la solution du litige au principal, litige qui a pour objet une procédure de passation de marchés publics relatifs aux services de consultation juridique et qui est initié par un cabinet d’avocats.

30 D’autre part, il convient de relever que la valeur du marché public en cause au principal ne figure pas dans la décision de renvoi. Or, la valeur estimée d’un marché constitue un élément décisif en vue de déterminer si ce marché est visé ou non par les directives 2004/18 et 89/665. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ledit marché relève du champ d’application de ces directives, en tenant compte du seuil d’application pertinent, énoncé à l’article 7 de la directive
2004/18, qui était en vigueur à l’époque des faits au principal.

31 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1^er de la directive 89/665 ainsi que les principes d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose, lors de l’introduction de recours dans les procédures juridictionnelles administratives en matière de marchés publics, l’acquittement de frais de justice plus élevés que dans d’autres matières.

32 La Cour a déjà eu l’occasion, dans l’arrêt Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655), de se prononcer sur la compatibilité de la contribution unifiée en cause au principal avec cet article et lesdits principes.

33 Il ressort en effet des points 43 et 44 de cet arrêt ainsi que de la jurisprudence de la Cour qui y est citée que, si l’article 1^er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires garantissant l’existence de recours efficaces et aussi rapides que possible contre les décisions des pouvoirs adjudicateurs incompatibles avec le droit de l’Union et assurant une large accessibilité de ces recours à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt
à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée, cette directive laisse aux États membres un pouvoir dans le choix des garanties de procédure qu’elle prévoit et des formalités y afférentes.

34 Notamment, la directive 89/665 ne contient aucune disposition ayant trait spécifiquement aux frais de justice à verser par les justiciables lorsqu’ils introduisent, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, un recours en annulation contre une décision prétendument illégale se rapportant à une procédure de passation de marchés publics (arrêt Orizzonte Salute, C-61/14, EU:C:2015:655, point 45).

35 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à chaque État membre, en vertu du principe d’autonomie procédurale des États membres, de régler les modalités de la procédure administrative et celles de la procédure juridictionnelle destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Ces modalités procédurales ne doivent, toutefois, pas être moins favorables que celles
concernant des recours similaires prévus pour la protection des droits tirés de l’ordre juridique interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 46 et jurisprudence citée).

36 En outre, dès lors que de tels frais de justice constituent des modalités procédurales de recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits conférés par le droit de l’Union aux candidats et aux soumissionnaires lésés par des décisions des pouvoirs adjudicateurs, ils ne doivent pas porter atteinte à l’effet utile de la directive 89/665 (arrêt Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 47 et jurisprudence citée).

37 Le principe d’effectivité implique une exigence de protection juridictionnelle, consacrée à l’article 47 de la Charte, que le juge national est tenu de respecter (arrêt Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 48 et jurisprudence citée).

38 Ainsi, l’article 1^er de la directive 89/665 doit nécessairement être interprété à la lumière des droits fondamentaux qui sont inscrits dans ladite Charte, en particulier le droit à un recours effectif devant un tribunal, prévu à son article 47 (arrêt Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 49 et jurisprudence citée).

39 Dans de telles conditions, à l’instar de ce que la Cour a considéré au point 50 de l’arrêt Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655), il convient de vérifier si, en l’occurrence, une réglementation telle que celle en cause au principal peut être considérée comme conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité ainsi qu’à l’effet utile de la directive 89/665.

40 En ce qui concerne le principe d’effectivité, il y a lieu de rappeler que le régime des frais de justice en cause au principal comprend trois montants fixes de contribution unifiée s’élevant à 2 000 euros, à 4 000 euros et à 6 000 euros, pour les trois catégories de marchés publics, à savoir ceux d’une valeur égale ou inférieure à 200 000 euros, ceux dont la valeur se situe entre 200 000 et 1 000 000 euros, et ceux d’une valeur dépassant 1 000 000 euros.

41 La Cour a constaté, aux points 56 et 58 de l’arrêt Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655), que les frais de justice dus sur cette base sont proportionnels à la valeur des marchés publics relevant de ces trois catégories de marchés publics, qu’ils présentent un caractère dégressif et qu’ils ne sont pas susceptibles de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union en matière des marchés publics.

42 À ce dernier égard, la Cour a également déjà constaté, aux points 60 et 61 de l’arrêt Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655), en ce qui concerne le fait que la contribution unifiée est fixée en fonction non pas du bénéfice que l’entreprise participant à l’appel d’offres est en droit d’attendre de ce marché, mais de la valeur du marché en cause au principal, que plusieurs États membres reconnaissaient la possibilité de calculer les frais de procédure à acquitter en se basant sur la valeur
de l’objet sur lequel porte le litige et que, dans le domaine des marchés publics, une règle nécessitant des calculs spécifiques pour chaque appel d’offres et pour chaque entreprise, dont le résultat serait susceptible d’être contesté, s’avérerait compliquée et imprévisible.

43 Aux points 62 à 64 de cet arrêt, la Cour a considéré, s’agissant de l’application de la contribution unifiée au détriment éventuel des opérateurs économiques de faible capacité financière, que cette contribution est imposée indistinctement, quant à sa forme et à son montant, au regard de tous les justiciables souhaitant former un recours contre une décision adoptée par les pouvoirs adjudicateurs, qu’un tel système ne crée pas de discrimination entre les opérateurs exerçant dans le même
secteur d’activité et que la participation d’une entreprise à un marché public présuppose une capacité économique et financière appropriée.

44 Enfin, au point 65 dudit arrêt, la Cour a constaté que bien que la partie requérante ait l’obligation d’avancer la contribution unifiée lors de l’introduction de son recours judiciaire contre une décision en matière de marchés publics, la partie qui succombe est en principe tenue de rembourser les frais de justice avancés par la partie qui obtient gain de cause.

45 Quant au principe d’équivalence, la Cour a jugé, au point 66 de ce même arrêt, que la circonstance selon laquelle, dans le domaine des procédures de passation de marchés publics, la contribution unifiée est plus importante que celle applicable, d’une part, aux litiges administratifs soumis à la procédure ordinaire et, d’autre part, aux procédures civiles ne saurait en soi démontrer une violation dudit principe.

46 En effet, le principe d’équivalence implique un traitement égal entre les recours fondés sur une violation du droit national et ceux, similaires, fondés sur une violation du droit de l’Union, et non l’équivalence des règles procédurales nationales applicables à des contentieux de nature différente, tels que le contentieux civil, d’un côté, et le contentieux administratif, de l’autre, ou à des contentieux relevant de deux branches de droit différentes (voir, en ce sens, arrêt Orizzonte
Salute, C-61/14, EU:C:2015:655, point 67 et jurisprudence citée).

47 En l’occurrence, il ne ressort pas de la décision de renvoi que le système de la contribution unifiée s’applique différemment aux recours fondés sur les droits que les justiciables tirent du droit de l’Union relatif aux marchés publics et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant le même objet.

48 Ainsi que la Cour l’a déjà constaté au point 69 de l’arrêt Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655), il convient d’en conclure que des frais de justice à acquitter lors de l’introduction d’un recours dans les procédures juridictionnelles administratives en matière de marchés publics, tels que la contribution unifiée en cause au principal, ne portent atteinte ni à l’effet utile de la directive 89/665 ni aux principes d’équivalence et d’effectivité.

49 En outre, s’agissant de la considération émise par la juridiction de renvoi selon laquelle les frais de justice en cause au principal sont susceptibles d’être considérés comme constituant des entraves à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services incompatibles avec le traité FUE, force est de constater que, à supposer même que tel soit le cas, de telles entraves seraient de nature à être justifiées au vu des éléments exposés aux points 41 à 44 de la présente ordonnance.

50 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 1^er de la directive 89/665 ainsi que les principes d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose l’acquittement de frais de justice, tels que la contribution unifiée en cause au principal, lors de l’introduction, devant les juridictions administratives, d’un recours en matière de marchés publics.

Sur les dépens

51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

L’article 1^er de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, ainsi que les principes d’équivalence et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent
pas à une réglementation nationale qui impose l’acquittement de frais de justice, tels que la contribution unifiée en cause au principal, lors de l’introduction, devant les juridictions administratives, d’un recours en matière de marchés publics.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

* Langue de procédure: l’italien.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-495/14
Date de la décision : 07/04/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale regionale di giustizia amministrativa di Trento.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 89/665/CEE – Marchés publics – Législation nationale – Frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Droit à un recours effectif – Frais dissuasifs – Contrôle juridictionnel des actes administratifs – Principes d’effectivité et d’équivalence.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Antonio Tita e.a.
Défendeurs : Ministero della Giustizia e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:230

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award