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17/03/2016 | CJUE | N°C-252/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Naazneen Investments Ltd contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)., 17/03/2016, C-252/15


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

17 mars 2016 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 207/2009 – Procédure en déchéance – Article 51, paragraphe 1, sous a) – Marque communautaire verbale SMART WATER – Usage sérieux – Obligation de motivation – Article 75»

Dans l’affaire C‑252/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 mai 2015,

Naazneen Investments Ltd, établie à Limassol (Chypre), représentée par M^es

P. Goldenbaum et I. Rohr, Rechtsanwältinnen,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

...

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

17 mars 2016 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 207/2009 – Procédure en déchéance – Article 51, paragraphe 1, sous a) – Marque communautaire verbale SMART WATER – Usage sérieux – Obligation de motivation – Article 75»

Dans l’affaire C‑252/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 mai 2015,

Naazneen Investments Ltd, établie à Limassol (Chypre), représentée par M^es P. Goldenbaum et I. Rohr, Rechtsanwältinnen,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. D. Gája et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Energy Brands Inc., établie à New York (États-Unis), représentée par M. S. Malynicz, barrister, ainsi que par MM. D. Stone et A. Dykes, solicitors,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général: M^me J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Naazneen Investments Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 mars 2015, Naazneen Investments/OHMI – Energy Brands (SMART WATER) (T‑250/13, EU:T:2015:160, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 18 février 2013 (affaire R 1101/2011 2), relative
à une procédure en déchéance entre Energy Brands Inc. (ci-après «Energy Brands») et la requérante (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2 L’article 15 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), prévoit:

«1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

[...]

2. L’usage de la marque communautaire avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire.»

3 L’article 51, paragraphe 1, de ce règlement dispose:

«Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise
d’usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d’usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être
présentée;

[...]»

4 Aux termes de l’article 75 dudit règlement:

«Les décisions de l’Office sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.»

Les antécédents du litige

5 Le 29 juin 1999, Water Concepts, Inc. a obtenu, auprès de l’OHMI, l’enregistrement, sous le numéro 781153, de la marque communautaire verbale SMART WATER (ci-après la «marque en cause»), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), qui a été abrogé et remplacé par le règlement n° 207/2009, entré en vigueur le 13 avril 2009.

6 Les produits pour lesquels la marque en cause a été enregistrée relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «Boissons, à savoir de l’eau avec des compléments diététiques» (ci-après les «produits concernés»).

7 Le 25 février 2002, l’OHMI a été informé du transfert de la marque en cause à Gondwana Trade Getränke GmbH & Co. KG, qui est devenue par la suite Gondwana Trade International Brands GmbH & Co. KG (ci-après «Gondwana»).

8 Le 21 juin 2007, l’OHMI a été informé du transfert de la marque en cause à la requérante, Naazneen Investments Ltd.

9 Le 31 mars 2008, l’enregistrement de la marque en cause a été renouvelé jusqu’au 24 mars 2018.

10 Par décision du 18 mai 2011, la division d’annulation de l’OHMI (ci-après la «division d’annulation») a fait droit à la demande en déchéance de la marque en cause qui avait été introduite par Energy Brands pour l’ensemble des produits concernés.

11 Le 25 mai 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’annulation.

12 Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’OHMI (ci-après la «chambre de recours») a confirmé la décision de la division d’annulation. Elle a relevé que la demande en déchéance ayant été déposée le 3 juillet 2009, la période de cinq ans à prendre en considération pour apprécier l’usage sérieux de la marque en cause était comprise entre le 3 juillet 2004 et le 2 juillet 2009. Elle a considéré, d’une part, que les éléments de preuve produits par la requérante ne
permettaient pas d’établir que la marque en cause avait fait l’objet d’un usage sérieux. D’autre part, elle a estimé qu’il n’y avait pas de justes motifs pour le non-usage de cette marque.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mai 2013, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

14 À l’appui de son recours, la requérante a soulevé deux moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et de l’article 75 de ce règlement.

15 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ces deux moyens et, partant, le recours dans son ensemble.

Les conclusions des parties

16 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour:

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

– de condamner l’OHMI à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, et

– de condamner Energy Brands à supporter ses propres dépens.

17 L’OHMI et Energy Brands demandent à la Cour:

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

18 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), de ce règlement.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

19 La requérante soutient que le Tribunal ne pouvait pas considérer que la motivation de la décision litigieuse était suffisante en raison du fait que la chambre de recours s’est bornée, pour l’essentiel, à répéter les motifs de la division d’annulation, sans répondre aux arguments présentés par la requérante. Cette manière de procéder ne saurait être considérée comme un rejet implicite des arguments de la requérante.

20 Par ailleurs, la requérante estime que le Tribunal a considéré à tort que la chambre de recours a tenu compte de tous les éléments de preuve produits, en particulier de l’annexe 45 et des preuves additionnelles jointes à sa lettre du 16 septembre 2011. Contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, ladite annexe 45 n’ayant été présentée qu’au cours de la procédure de recours, elle n’aurait pas pu faire partie de l’analyse de la division d’annulation. En outre, la décision litigieuse ne
mentionnerait aucune des preuves additionnelles présentées par la requérante.

21 L’OHMI et Energy Brands soutiennent que ce moyen est irrecevable, dès lors qu’il répète les arguments avancés en première instance et vise à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour. Ils estiment que ce moyen est, en tout état de cause, dépourvu de fondement.

Appréciation de la Cour

22 En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de
manière spécifique cette demande.

23 Ainsi, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande
visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, notamment, ordonnance Rajani/OHMI, C‑559/08 P, EU:C:2010:529, point 41, ainsi que arrêt Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, EU:C:2014:2089, point 54).

24 Cependant, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir, en ce sens, notamment, arrêt Helena Rubinstein et L’Oréal/OHMI,
C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 110).

25 En l’espèce, il convient toutefois de constater que, si, certes, comme le relève l’OHMI, le premier moyen répète en partie celui avancé en première instance, il demeure que, par ledit moyen, la requérante conteste précisément, en indiquant les passages de l’arrêt attaqué dont elle considère qu’ils sont entachés d’erreur de droit, l’interprétation et l’application de l’article 75 du règlement n° 207/2009 par le Tribunal, tout en exposant les raisons pour lesquelles elle considère que ce
dernier a violé cette même disposition en rejetant son moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse.

26 Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’OHMI et Energy Brands concernant l’ensemble du premier moyen doit être rejetée.

27 Par ailleurs, l’OHMI ne saurait reprocher à la requérante de ne pas avoir étayé le grief tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, dès lors qu’il ressort clairement de ce premier moyen que celui-ci ne comporte pas un tel grief.

28 En ce qui concerne le bien-fondé du premier moyen, il convient de rappeler que, selon l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI sont motivées.

29 Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que cette obligation de motivation répond au double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (arrêts Helena Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 111, ainsi que Storck/OHMI, C‑96/11 P, EU:C:2012:537, point 86).

30 En l’occurrence, il convient de constater que, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 22 de l’arrêt attaqué, la chambre de recours a, d’une part, fait droit à la demande en déchéance déposée par Energy Brands en confirmant l’analyse faite par la division d’annulation, selon laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque en cause n’avait pas été rapportée et, d’autre part, ainsi implicitement rejeté les arguments de la requérante sur ce point.

31 À cet égard, le Tribunal a précisé à juste titre, aux points 16 et 19 de l’arrêt attaqué, que la motivation de la division d’annulation fait partie du contexte dans lequel la décision litigieuse a été adoptée, contexte qui était connu de la requérante et permettait au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité (voir, par analogie, ordonnance Wohlfahrt/OHMI, C‑357/12 P, EU:C:2013:356, point 43).

32 Or, ni devant le Tribunal ni au stade du présent pourvoi, la requérante n’a contesté que la motivation retenue par les instances de l’OHMI était suffisante pour lui permettre de connaître les justifications de la décision litigieuse et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision.

33 Certes, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré que la décision litigieuse est motivée à suffisance de droit, alors même que celle-ci ne se réfère pas aux arguments qu’elle a avancés devant la chambre de recours.

34 Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’obligation de motivation qui incombe à l’OHMI en vertu de l’article 75 du règlement n° 207/2009 peut être satisfaite sans qu’il soit nécessaire de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés par un requérant (voir, en ce sens, arrêts Helena Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 112, ainsi que Storck/OHMI, C‑96/11 P, EU:C:2012:537, point 88).

35 En outre, la requérante n’a nullement identifié les arguments spécifiques auxquels la chambre de recours n’aurait pas répondu ni démontré en quoi cette prétendue absence de motivation aurait affecté l’exercice de son droit de recours.

36 Dans ces conditions, il convient de conclure que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant que la motivation de la décision litigieuse n’était entachée d’aucune violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

37 Par ailleurs, s’agissant du grief selon lequel le Tribunal aurait considéré à tort que la chambre de recours a pris en compte des éléments de preuve additionnels concernant l’usage de la marque en cause, faisant l’objet de l’annexe 45 et d’autres annexes de la lettre de la requérante du 16 septembre 2011 produites devant cette instance, il convient de relever qu’il ressort des propres explications fournies par celle-ci à l’appui de son pourvoi que ces éléments de preuve visaient uniquement,
ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 19 de l’arrêt attaqué, sans que cela soit contesté, à compléter les preuves déjà fournies à l’OHMI dans d’autres documents, à savoir les annexes 22 et 26 de ladite lettre.

38 Or, la requérante ne conteste pas, au stade du présent pourvoi, que ces dernières annexes ont été prises en compte par la chambre de recours dans la décision litigieuse.

39 En conséquence, il convient de rejeter le premier moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

Sur le second moyen

Sur la première branche du second moyen

– Argumentation des parties

40 Par cette première branche, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit lors de l’appréciation des éléments de preuve visant à établir l’usage sérieux de la marque en cause.

41 En premier lieu, en ce qui concerne la valeur probante des déclarations sous serment, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 30 de l’arrêt attaqué, en considérant que la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation, alors que la décision litigieuse ne traiterait pas de cette question. En l’absence d’indication contraire dans la décision litigieuse, il conviendrait de présumer que la chambre de recours partageait l’analyse erronée de la division
d’annulation quant au caractère discutable de la valeur probante de ces déclarations.

42 En deuxième lieu, en ce qui concerne les ventes réelles, le Tribunal aurait, tout d’abord, commis une erreur de droit au point 33 de l’arrêt attaqué, en ce que rien n’exclut que des «ventes tests» puissent constituer un usage sérieux. En outre, au même point de cet arrêt, le Tribunal aurait dénaturé les faits qui étaient soumis à son appréciation, en ce que le montant de 800 euros mentionné dans les deux factures relatives à la livraison de douze palettes de bouteilles pour réaliser des
«ventes tests» représentait non pas le prix des bouteilles, mais le montant qui devait être versé à la société de transport pour le transport des produits.

43 Ensuite, aux points 35 et 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, en ce qu’il a considéré que, lorsque le marché de produits est d’une taille considérable, la vente d’une faible quantité de tels produits ne peut pas être suffisante pour établir l’usage sérieux de la marque sous laquelle ils sont enregistrés. La seule question pertinente serait, en effet, celle de savoir si les activités du titulaire de cette marque constituent des tentatives plausibles de gagner
une part de marché. Le Tribunal commettrait également une erreur de droit en concluant que, s’agissant de produits de consommation de masse, la taille considérable du marché des produits en cause doit automatiquement entraîner des exigences plus élevées quant à la portée de l’usage. Il serait, en effet, erroné d’appliquer à une entreprise qui tente de pénétrer le marché les mêmes critères que ceux applicables à une entreprise qui détient déjà une part de marché importante.

44 Enfin, le Tribunal aurait commis la même erreur de droit que la chambre de recours, au point 36 de l’arrêt attaqué, en ne procédant pas à une appréciation globale des preuves contenues dans les annexes 19 et 24 de la lettre de la requérante du 16 septembre 2011. En effet, ces annexes auraient dû être appréciées dans le contexte de la déclaration sous serment à laquelle elles étaient jointes, selon laquelle des ventes réelles avaient effectivement été réalisées.

45 En troisième lieu, en ce qui concerne la publicité et les autres activités de promotion, le Tribunal, en jugeant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que les preuves en la matière ne concernaient que les années 2006 et 2007, ne respecterait pas, tout d’abord, le principe selon lequel il n’existe pas de période minimale devant être couverte pour établir l’usage sérieux d’une marque.

46 Ensuite, le Tribunal méconnaîtrait sa propre jurisprudence en refusant de considérer que les circonstances expliquant le défaut d’usage entre le mois d’août 2007 et le mois de juillet 2009 fournissaient une explication suffisante de l’usage restreint de la marque. En effet, de très nombreux facteurs autres que l’usage intensif et régulier d’une marque pourraient compenser un faible volume de ventes. Or, en l’occurrence, l’usage sérieux de la marque au cours des années 2006 et 2007 devrait
être apprécié sur la base de la situation à l’époque. À cet égard, la requérante aurait expliqué qu’elle avait eu besoin de temps pour élaborer une nouvelle stratégie en vue d’un nouveau lancement des produits concernés après le revers subi au cours de l’année 2007 en raison de la contamination de ceux-ci et de l’engagement d’une procédure en déchéance contre sa marque.

47 Enfin, au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en considérant que seules les publicités d’envergure peuvent être pertinentes, méconnaîtrait l’obligation lui incombant de prendre en compte, dans le cadre d’une appréciation globale, tous les facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale et les capacités de production ou de commercialisation.

48 En quatrième lieu, en ce qui concerne les accords de confidentialité, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 44 de l’arrêt attaqué, en les considérant comme dénués de pertinence et en n’en tenant pas compte dans le cadre de l’appréciation globale nécessaire.

49 En cinquième lieu, en ce qui concerne les extraits imprimés du site Internet de la requérante, figurant à l’annexe 35 de sa lettre du 16 septembre 2011, le Tribunal, au point 44 de l’arrêt attaqué, aurait dénaturé ces éléments de preuve soumis à son appréciation lorsqu’il a constaté que ce site affichait le message «site en construction, veuillez essayer plus tard!». Ce message aurait, en effet, été affiché uniquement à partir du mois de janvier 2010, à savoir à une date ne relevant pas de
la période pertinente de cinq ans, ce que la requérante aurait expliqué à plusieurs reprises.

50 En sixième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, en n’ayant pas relevé que la chambre de recours s’est contredite lorsqu’elle a constaté, d’une part, que le montant total des transactions au cours de la période pertinente semblait symbolique et, d’autre part, qu’elle ne doutait pas de l’intention du titulaire de la marque en cause de faire réellement usage de cette marque. En jugeant que la chambre de recours a utilisé le terme
«symbolique» pour qualifier non pas l’usage de la marque en cause, mais le montant total des transactions, le Tribunal retiendrait une interprétation incorrecte de ce terme. En effet, la Cour, au point 70 de l’arrêt Sunrider/OHMI (C‑416/04 P, EU:C:2006:310), aurait défini un usage «symbolique» comme un usage ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

51 En septième lieu, aux points 54 et 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en jugeant que la période de près de trois ans séparant la tentative de lancement et la fin de la période pertinente ne pouvait pas être considérée comme étant une phase de lancement, aurait commis une dénaturation des faits et retenu une interprétation incorrecte.

52 Tout d’abord, le Tribunal aurait commis une erreur de calcul, dès lors que moins de deux ans auraient séparé les livraisons des produits, au mois d’août 2007, et la fin de la période pertinente de cinq ans, le 2 juillet 2009.

53 Ensuite, en ne tenant pas compte du fait que la phase de nouveau lancement a été perturbée par le caractère défectueux de la première livraison de bouteilles et par la procédure de déchéance, le Tribunal n’aurait pas procédé à une appréciation globale de tous les facteurs pertinents. Le Tribunal aurait, à cet égard, commis une erreur de droit en jugeant que ces circonstances ne pouvaient pas être prises en compte pour déterminer si l’usage restreint de la marque en cause était néanmoins
suffisant pour revêtir un caractère sérieux, de telles circonstances ne pouvant être prises en considération que dans le cadre de l’appréciation des justes motifs pour le non-usage d’une marque. En effet, la présente affaire serait non pas un cas de «non-usage» mais un cas d’«usage restreint».

54 Enfin, les motifs pour lesquels une marque n’a pas été utilisée de manière plus importante ne devraient pas remplir les exigences des justes motifs pour le non-usage. Ils devraient, en revanche, être suffisants pour rendre plausibles les raisons pour lesquelles l’usage n’a pas été plus considérable. Or, ni la chambre de recours ni le Tribunal n’auraient contesté le fait que le titulaire de la marque en cause et le preneur de la licence ont entamé à plusieurs reprises le lancement des
produits concernés et ont tenté avec persévérance d’obtenir une part de marché significative.

55 L’OHMI et Energy Brands font valoir que le second moyen de la requérante est, en sa première branche, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

– Appréciation de la Cour

56 Il convient de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a indiqué à bon droit aux points 25 et 26 de l’arrêt attaqué, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des
droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les
caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, EU:C:2014:2089, point 29 et jurisprudence citée).

57 En l’occurrence, il ressort des points 29 à 61 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la chambre de recours avait conclu à juste titre à l’absence d’usage sérieux de la marque en cause au cours de la période comprise entre le 3 juillet 2004 et le 2 juillet 2009, après avoir examiné, respectivement, les déclarations sous serment, les preuves de l’existence de ventes réelles, les preuves d’activités promotionnelles et publicitaires, l’existence d’accords de confidentialité et les
extraits du site Internet de Gondwana, puis en ayant réfuté un certain nombre d’arguments avancés par la requérante, tirés, notamment, du caractère non symbolique de l’usage de la marque en cause, de l’absence de seuil quantitatif pour déterminer l’usage sérieux, de l’absence de prise en compte des raisons du non‑usage de la marque en cause et de l’absence d’appréciation globale des éléments de preuve.

58 En substance, par la première branche du second moyen, la requérante vise à remettre en cause l’appréciation à laquelle le Tribunal s’est livré de la plupart de ces éléments de preuve et de ces arguments relatifs à l’usage sérieux de la marque en cause.

59 En ce qui concerne, en premier lieu, la prise en compte des déclarations sous serment, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne
constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, EU:C:2007:514, point 38, et ordonnance Arnoldo Mondadori Editore/OHMI, C‑548/14 P, EU:C:2015:624, point 38).

60 Or, il y a lieu de constater que, par ses arguments, la requérante se borne à mettre en cause l’appréciation par le Tribunal, au point 30 de l’arrêt attaqué, de la valeur probante de ces déclarations sous serment et qu’elle tend ainsi à demander à la Cour de substituer sa propre appréciation des faits et des éléments de preuve à celle à laquelle le Tribunal s’est livré (voir, par analogie, arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 44). Une telle argumentation
est, dès lors, irrecevable.

61 Par ailleurs, la requérante ne saurait utilement reprocher au Tribunal d’avoir considéré que la chambre de recours avait confirmé l’appréciation opérée par la division d’annulation sur ce point, une telle critique étant inopérante. En effet, fût-elle fondée, il n’en découlerait pas pour autant que le Tribunal aurait, au point 30 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en décidant que les déclarations sous serment émanant d’une personne qui a des liens étroits avec la partie concernée
sont d’une valeur probante de moindre importance que celles des tiers, ne pouvant, dès lors, à elles seules, constituer une preuve suffisante de l’usage de la marque.

62 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’appréciation des preuves de l’existence de ventes réelles, il convient, tout d’abord, de constater que, s’agissant de la prise en compte des ventes tests, la requérante se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a relevé, au point 33 de cet arrêt, que la chambre de recours avait pris en compte ces ventes tests comme preuves de ventes réelles susceptibles de prouver l’usage sérieux de cette marque. Pour le même motif, la
requérante ne saurait non plus reprocher au Tribunal une quelconque dénaturation en ce qui concerne le prix des bouteilles, le Tribunal n’ayant effectué aucune constatation sur ce point.

63 Ensuite, la requérante procède également à une lecture erronée de l’arrêt attaqué lorsqu’elle fait grief au Tribunal d’avoir énoncé le principe selon lequel, sur un marché d’une taille considérable, une faible quantité de produits ne peut pas être suffisante pour établir l’usage sérieux de la marque sous laquelle ceux-ci sont enregistrés. En effet, le Tribunal n’a nullement énoncé un tel principe, mais s’est borné à constater, aux points 35 et 51 de l’arrêt attaqué, une série de faits qui
suggéraient, selon lui, que l’usage de la marque en cause ne pouvait être considéré comme suffisant, dans le secteur économique concerné, pour être qualifié de sérieux. Or, de telles constatations de fait, sauf le cas de leur dénaturation, laquelle n’a pas été alléguée en l’espèce, relèvent de l’appréciation souveraine du Tribunal et, partant, ne sauraient être contestées au stade du présent pourvoi.

64 Enfin, s’agissant de la prise en compte des éléments de preuve faisant l’objet des annexes 19 et 24 de la lettre de la requérante du 16 septembre 2011, c’est à tort que celle-ci fait grief au Tribunal de ne pas avoir procédé à une appréciation globale de chacun de ces éléments, dans la mesure où il aurait omis de prendre en compte ceux figurant dans les déclarations sous serment. En effet, il ressort clairement des points 29 à 37 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné l’ensemble des
éléments de preuve fournis par la requérante concernant l’existence de ventes réelles. En réalité, il apparaît que, sous couvert de reprocher une erreur de droit au Tribunal, la requérante vise plutôt à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve à celle du Tribunal, ce qui ne relève pas de sa compétence au stade du pourvoi.

65 En ce qui concerne, en troisième lieu, les activités publicitaires, il y a lieu, tout d’abord, de constater que la requérante se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué lorsqu’elle reproche au Tribunal d’avoir exigé que l’usage sérieux d’une marque se rapporte à une période minimale. En effet, il ressort clairement du point 40 de cet arrêt que le Tribunal n’a pas énoncé une telle exigence, mais qu’il s’est borné à relever que, en l’occurrence, les activités publicitaires de la
requérante ne concernaient que les seules années 2006 et 2007, la requérante n’ayant apporté aucune preuve d’une commercialisation des produits concernés entre l’année 2007 et la fin de la période pertinente, à savoir le 2 juillet 2009.

66 Ensuite, pour autant que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir considéré que les éléments de preuves qu’elle avait fournis concernant le non‑usage de la marque en cause entre les mois d’août 2007 et de juillet 2009 étaient suffisants pour écarter les doutes éventuels quant au caractère sérieux de l’usage de cette marque, il suffit de constater qu’une telle argumentation vise à obtenir une nouvelle appréciation des preuves à laquelle le Tribunal a procédé aux points 40 et 41 de
l’arrêt attaqué, ce qui, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, laquelle n’est pas alléguée, ne relève pas de la compétence de la Cour au stade du pourvoi.

67 Enfin, en ce que la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré que seules les publicités d’envergure peuvent être pertinentes pour démontrer l’usage sérieux d’une marque, il y a lieu d’observer qu’elle se fonde, une fois encore, sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, le Tribunal ayant uniquement constaté, au point 41 dudit arrêt, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que des publicités dans deux magazines allemands spécialisés ne sauraient constituer, à elles
seules, une «campagne publicitaire».

68 En quatrième lieu, c’est à tort que la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte l’existence d’accords de confidentialité conclus entre Gondwana et des fabricants de boisson. En effet, ainsi qu’il ressort du point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pris en compte cet élément, mais il a considéré, au terme d’une appréciation factuelle qui, à moins qu’elle ne repose sur une dénaturation des faits, laquelle n’a pas été alléguée par la requérante au stade du présent
pourvoi, relève du pouvoir souverain du Tribunal, que de tels accords n’ont pas été suivis de contrats portant sur la fabrication et la livraison des produits concernés.

69 En cinquième lieu, s’agissant de la dénaturation alléguée des extraits du site Internet de Gondwana, lesquels faisaient l’objet de l’annexe 35 de la lettre de la requérante du 16 septembre 2011, il convient de rappeler que, compte tenu de la nature exceptionnelle d’un grief tiré de la dénaturation des faits et des éléments de preuve, l’article 256 TFUE, l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de
procédure de la Cour imposent, en particulier, à un requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (ordonnance Adler Modemärkte/OHMI, C‑343/14 P, EU:C:2015:310, point 43
et jurisprudence citée).

70 En l’occurrence, il est constant entre les parties que, en constatant, au point 44 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait pas avancé d’argument, devant la chambre de recours, permettant de remettre en cause la constatation faite par la division d’annulation selon laquelle ces extraits affichaient uniquement le message «site en construction, veuillez essayer plus tard !», le Tribunal a dénaturé les éléments de fait qui lui étaient soumis. En effet, il ressort clairement du dossier
soumis à la Cour que la requérante a expliqué à la chambre de recours, notamment dans une lettre du 9 août 2010, que ce message n’a été affiché qu’à partir du mois de janvier 2010, à savoir à une époque qui ne relève pas de la période pertinente pour l’examen de l’usage sérieux de la marque en cause, et que la date du 4 mars 2010 figurant sur les extraits du site Internet de Gondwana se rapportait à celle de leur impression et non à la période à laquelle ce site pouvait être consulté.

71 Toutefois, il y a lieu de constater que la requérante se borne à invoquer une telle dénaturation, sans exposer en quoi celle-ci serait de nature à affecter l’examen auquel le Tribunal s’est livré aux points 29 à 61 de l’arrêt attaqué en vue de conclure à l’absence d’usage sérieux de la marque en cause, dès lors que cette conclusion, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 58 à 59 de cet arrêt, sans que cela soit contesté au stade du présent pourvoi, résulte d’une appréciation globale de
l’ensemble des éléments de preuve produits devant lui.

72 En ce qui concerne, en sixième lieu, l’argument selon lequel le Tribunal a retenu une interprétation incorrecte du terme «symbolique», il suffit de constater qu’il ressort clairement du point 46 de l’arrêt attaqué que la chambre de recours a utilisé ce terme, dans la décision litigieuse, pour qualifier non pas l’usage de la marque en cause, comme le soutient la requérante, mais le montant total des transactions au cours de la période pertinente. Le Tribunal a dès lors pu en déduire, sans
commettre d’erreur, que la chambre de recours ne s’est pas contredite lorsqu’elle a affirmé par ailleurs qu’elle ne doutait pas de l’intention du titulaire de la marque en cause de faire réellement usage de cette marque.

73 En ce qui concerne, en septième lieu, l’argumentation relative à la pertinence d’un volume commercial modeste lors de la phase de nouveau lancement d’un produit, la requérante ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir commis une dénaturation des faits lorsqu’il a constaté, au point 55 de l’arrêt attaqué, qu’une période de près de trois ans s’est écoulée entre cette tentative de lancement et la fin de la période pertinente. En effet, ainsi que l’OHMI le relève à juste titre, la requérante
elle-même fait valoir dans son pourvoi que «les travaux en vue d’un nouveau lancement ont débuté en 2006».

74 Quant au grief selon lequel le Tribunal aurait dû prendre en compte, dans le cadre de son appréciation globale de l’usage sérieux de la marque en cause, les raisons pour lesquelles cette dernière n’a pas été utilisée de manière plus importante, il convient de rappeler que, au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à cet égard que l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque doit prendre en compte les preuves de l’existence d’un tel usage et non les preuves justifiant le non-usage
de cette marque, ces preuves étant prises en compte, en revanche, dans le cadre de l’appréciation des motifs pour le non-usage de ladite marque.

75 Ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur de droit.

76 En effet, ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 56 du présent arrêt, l’usage sérieux d’une marque requiert la preuve de son utilisation et de la réalité de son exploitation commerciale aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services. Dans ce contexte, les raisons du non-usage sont dépourvues de pertinence. En revanche, de telles raisons doivent être prises en compte, conformément aux articles 15, paragraphe 1, premier alinéa, et 51,
paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, dans le cadre de l’examen des justes motifs justifiant le non-usage.

77 À cet égard, c’est à tort que la requérante soutient qu’il convient de distinguer les cas d’absence totale d’usage de ceux, comme en l’espèce, d’usage restreint, dans lesquels les justes motifs pourraient être pertinents pour vérifier le caractère sérieux de l’usage. Une telle distinction ne ressort nullement du texte des articles 15, paragraphe 1, premier alinéa, et 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Bien au contraire, il résulte du libellé même desdites dispositions que,
lorsque l’usage sérieux d’une marque fait défaut, le titulaire de cette marque doit être déchu de ses droits, à moins qu’il ne justifie cette absence d’usage sérieux par l’existence de justes motifs.

78 Il en ressort clairement que, l’objectif des justes motifs étant ainsi de permettre de justifier des situations dans lesquelles l’usage sérieux de la marque fait défaut afin d’éviter la déchéance de la marque et leur fonction étant donc étroitement liée à celle de l’usage sérieux (arrêt Häupl, C‑246/05, EU:C:2007:340, point 44), le «non-usage» visé par les articles 15, paragraphe 1, premier alinéa, et 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 doit nécessairement se comprendre comme
se référant à l’absence d’usage sérieux au sens de la première partie de ces dispositions, incluant, dès lors, tant l’absence totale d’usage d’une marque que l’usage limité de celle-ci.

79 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du second moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

Sur la seconde branche du second moyen

– Argumentation des parties

80 Par cette seconde branche, la requérante reproche au Tribunal d’avoir conclu qu’il n’existait pas de justes motifs légitimant le non-usage de la marque en cause.

81 En premier lieu, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé erronément que les problèmes relatifs à la fabrication des produits concernés par un tiers, survenus au cours de l’année 2007, n’étaient pas constitutifs de justes motifs.

82 Tout d’abord, en retenant qu’il incombait à Gondwana de contrôler et de superviser la fabrication des produits concernés, le Tribunal n’aurait pas respecté le droit d’être entendu de la requérante, dès lors qu’il s’agit d’un élément nouveau qui n’a pas été soulevé devant la division d’annulation ou la chambre de recours.

83 Ensuite, il serait erroné de considérer que Gondwana était impliquée dans le processus de fabrication, celui-ci ayant été confié à un fournisseur expérimenté. Le Tribunal aurait, dès lors, retenu une interprétation incorrecte du critère du juste motif lorsqu’il a écarté l’argument selon lequel le caractère défectueux des produits était indépendant de la volonté de Gondwana.

84 Enfin, le Tribunal aurait jugé, au point 68 de l’arrêt attaqué, qu’il est inexact que la requérante n’avait d’autre choix que d’arrêter d’utiliser la marque en cause ou de mettre en danger la santé des consommateurs, sans avoir égard aux explications détaillées fournies par la requérante à ce sujet. En réalité, le Tribunal aurait seulement examiné si, au cours de la période comprise entre les mois de septembre 2007 et de juillet 2009, il a été impossible de fabriquer et de commercialiser de
nouveaux produits, alors qu’il aurait dû rechercher si cela aurait été déraisonnable.

85 En second lieu, aux points 71 à 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé à tort que la procédure en déchéance ne constituait pas un juste motif pour le non-usage de la marque en cause.

86 Tout d’abord, l’engagement de la procédure en déchéance serait indépendante de la volonté de la requérante et de Gondwana.

87 Ensuite, il ne serait pas raisonnable d’exiger de la requérante et du licencié qu’ils utilisent la marque en cause en dépit de la procédure en déchéance pendante. À cet égard, le Tribunal aurait, à nouveau, limité son appréciation à la question de savoir si la procédure en déchéance rendait impossible l’usage de cette marque, alors qu’il aurait dû constater que l’usage de celle-ci en dépit de la procédure en déchéance pendante aurait été déraisonnable.

88 Par ailleurs, le Tribunal aurait considéré que le versement d’une indemnité ne serait pas une conséquence directe de la procédure en déchéance, sans expliquer ni la raison pour laquelle seules les conséquences directes pourraient être pertinentes, ni comment de telles conséquences devraient être définies, ni pourquoi il ne serait pas suffisant qu’un recours en indemnité soit prévisible avec un certain degré de probabilité. Ce faisant, le Tribunal aurait interprété erronément le terme
«déraisonnable», une telle interprétation ayant pour effet, d’une part, de faire supporter une charge inéquitable au titulaire de la marque et, d’autre part, d’induire un risque d’abus de la part de tiers intéressés par une marque enregistrée.

89 Enfin, une procédure en déchéance pendante serait une attaque concrète contre la validité de la marque concernée, et non seulement un risque général et abstrait encouru par tout titulaire d’une marque. Si, dans une telle situation, tous les risques sont supportés par le titulaire, les petites et moyennes entreprises feraient l’objet d’une discrimination, dès lors qu’elles ne prendront pas le risque de s’exposer au paiement de dommages et intérêts.

90 L’OHMI et Energy Brands font valoir que le second moyen de la requérante est, en cette branche, pour partie irrecevable et, pour partie, non fondé.

– Appréciation de la Cour

91 Par cette seconde branche du second moyen, la requérante vise à remettre en cause l’examen par le Tribunal, aux points 62 à 74 de l’arrêt attaqué, des motifs invoqués par celle-ci pour justifier le non-usage de la marque en cause.

92 En ce qui concerne, en premier lieu, les problèmes relatifs à la fabrication des produits concernés survenus au cours de l’année 2007 en raison de leur caractère défectueux, il convient, tout d’abord, de relever que c’est à tort que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir respecté son droit d’être entendue, lorsqu’il a constaté, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, qu’il incombait à Gondwana de contrôler et de superviser la fabrication des produits concernés. En effet, cette
constatation du Tribunal vise précisément à répondre à l’argument, avancé par la requérante dans sa requête en première instance, selon lequel la chambre de recours avait considéré erronément que l’interruption des ventes en raison de tels problèmes ne pouvait constituer un juste motif.

93 Ensuite, il y a lieu de relever que la requérante, lorsqu’elle reproche au Tribunal d’avoir constaté que Gondwana était impliquée dans le processus de fabrication des produits concernés, vise, en réalité, sous couvert de faire valoir une erreur de droit quant au critère à prendre en compte pour l’examen des justes motifs pour le non‑usage d’une marque, à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal, ce qui, sauf le cas de la dénaturation de
ceux-ci par cette juridiction, laquelle n’est pas invoquée, ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

94 Au demeurant, l’argument de la requérante se fonde sur une lecture erronée du point 67 de l’arrêt attaqué, dès lors que le Tribunal n’a pas constaté que Gondwana était impliquée dans le processus de fabrication des produits concernés, relevant uniquement qu’il incombait à cette dernière de superviser et de contrôler cette fabrication.

95 Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel il serait excessif d’exiger la preuve de l’impossibilité de fabrication et de commercialisation des produits concernés, il suffit également de constater que, au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a nullement retenu une telle exigence. En effet, audit point, le Tribunal a indiqué que, dès lors que la requérante aurait pu fabriquer et mettre sur le marché de nouveaux produits dans un délai raisonnable, elle n’était pas fondée à soutenir
que le changement de stratégie du titulaire de la marque en cause rendait déraisonnable l’usage de cette marque, les investissements économiques supplémentaires nécessaires pour la fabrication de nouveaux produits faisant partie des risques auxquels doit faire face une entreprise. Il en ressort que, ce faisant, le Tribunal a examiné si l’obstacle allégué rendait l’usage de la marque non pas impossible, mais, selon ses propres termes, déraisonnable.

96 En ce qui concerne, en second lieu, l’incidence de la procédure en déchéance, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, seuls des obstacles qui présentent une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendants de la volonté du titulaire de cette marque peuvent être qualifiés de «justes motifs» pour le non-usage de celle-ci. Il convient d’apprécier au cas par cas si un changement de la stratégie
d’entreprise pour contourner l’obstacle considéré rendrait déraisonnable l’usage de ladite marque (arrêt Häupl, C‑246/05, EU:C:2007:340, point 54).

97 Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, le seul fait que l’obstacle allégué soit indépendant de la volonté du titulaire de la marque, s’il constitue certes un élément pertinent pour vérifier l’existence de justes motifs légitimant le non-usage d’une marque, ne constitue pas, en revanche, un élément suffisant à cette fin, un tel obstacle devant également présenter une relation suffisamment directe avec cette marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de
celle-ci.

98 Or, aux points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que tel n’était pas le cas en l’occurrence, dès lors que le fait qu’une procédure en déchéance soit engagée contre une marque n’empêche pas le titulaire de cette marque de l’utiliser et que, s’il est toujours possible que, dans l’hypothèse où une telle procédure aboutisse à la déchéance de ladite marque, un recours en indemnité soit intenté, la condamnation à verser une telle indemnité n’est pas une conséquence directe de la
procédure en déchéance.

99 Force est de constater que, sous couvert de reprocher au Tribunal une erreur de droit concernant l’interprétation du terme «déraisonnable», la requérante vise, en réalité, par son argumentation, à remettre en cause ces appréciations de nature factuelle. Or, de telles appréciations, sous réserve du cas de la dénaturation de celles-ci par le Tribunal, laquelle n’a pas été invoquée, échappent à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

100 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la seconde branche du second moyen à l’appui du pourvoi de la requérante doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

101 En conséquence, il convient de rejeter le second moyen du pourvoi.

102 Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

103 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104 L’OHMI et Energy Brands ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Naazneen Investments Ltd est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-252/15
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) no 207/2009 – Procédure en déchéance – Article 51, paragraphe 1, sous a) – Marque communautaire verbale SMART WATER – Usage sérieux – Obligation de motivation – Article 75.

Marques

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale


Parties
Demandeurs : Naazneen Investments Ltd
Défendeurs : Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Regan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:178

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