ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
17 mars 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 44/2001 — Contrats prévoyant l’obligation pour une entreprise roumaine de céder des marques à une entreprise ayant son siège social dans un État tiers — Refus — Clause attributive de juridiction en faveur de l’État tiers — Comparution du défendeur devant les juridictions roumaines sans objection — Règles de compétence applicables»
Dans l’affaire C‑175/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par décision du 5 décembre 2014, parvenue à la Cour le 20 avril 2015, dans la procédure
Taser International Inc.
contre
SC Gate 4 Business SRL,
Cristian Mircea Anastasiu,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: M. M. Szpunar,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour Taser International Inc., par Mes S. Olaru, C. Radbâță et E. Bondalici, avocats,
— pour le gouvernement roumain, par M. R. H. Radu et Mme D. M. Bulancea, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par Mme C. Gheorghiu et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 22, point 4, 23, paragraphe 5, et 24 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Taser International Inc. (ci-après «Taser International»), société établie aux États-Unis, à SC Gate 4 Business SRL (ci‑après «Gate 4»), société établie en Roumanie, et à M. Anastasiu, administrateur de Gate 4, au sujet de l’exécution de l’obligation contractuelle pesant sur cette société roumaine de céder des marques à Taser international.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 est libellé ainsi:
«Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.»
4 L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement dispose:
«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»
5 L’article 22 de ce règlement, intitulé «Compétences exclusives», prévoit:
«Sont seuls compétents, sans considération de domicile:
[...]
4) en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument communautaire ou d’une convention internationale.
[...]»
6 Aux termes de l’article 23 du même règlement:
«1. Si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État membre, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. [...]
[...]
5. Les conventions attributives de juridiction ainsi que les stipulations similaires d’actes constitutifs de trust sont sans effet si elles sont contraires aux dispositions des articles 13, 17 et 21 ou si les tribunaux à la compétence desquels elles dérogent sont exclusivement compétents en vertu de l’article 22.»
7 L’article 24 du règlement no 44/2001 dispose:
«Outre les cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du présent règlement, le juge d’un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent. Cette règle n’est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s’il existe une autre juridiction exclusivement compétente en vertu de l’article 22.»
Le droit roumain
8 La loi no 84/1998 relative aux marques et aux indications géographiques prévoit, à son article 41, paragraphe 1:
«Les droits relatifs à une marque peuvent être transmis par cession, indépendamment de la transmission du fonds de commerce dans lequel celle-ci est incorporée. La cession doit être effectuée par écrit et signée par les parties contractantes, sous peine de nullité. [...]»
9 Aux termes de l’article 42 de cette loi:
«(1) La demande d’inscription de la cession doit être accompagnée de l’acte qui prouve le changement de titulaire de la marque.
(2) L’[Office national pour les inventions et les marques (OSIM)] refuse d’inscrire la cession s’il résulte manifestement que, par celle-ci, le public est induit en erreur quant à la nature, [à] la qualité ou [à] l’origine géographique des produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, sauf dans le cas où le bénéficiaire de la transmission accepte de limiter la transmission de la marque aux produits ou [aux] services pour lesquels la marque n’est pas trompeuse.
(3) À la demande de la personne intéressée et moyennant paiement de la taxe prévue par la loi, l’OSIM inscrit la cession dans le registre des marques et la publie au Bulletin officiel de la propriété industrielle. La cession est opposable aux tiers à compter de sa publication».
10 La loi no 105/1992 sur les relations de droit international privé dispose, à son article 154:
«Si les parties sont convenues de la compétence d’une certaine juridiction pour connaître du différend survenu entre elles ou des différends à naître de l’acte qu’elles ont conclu, cette juridiction sera investie de la compétence juridictionnelle, sauf si:
1. la juridiction est étrangère et le litige relève de la compétence exclusive d’une juridiction roumaine;
2. la juridiction est roumaine et l’une des parties fait valoir qu’une juridiction étrangère est exclusivement compétente.»
11 L’article 157 de cette loi prévoit:
«La juridiction saisie vérifie d’office sa compétence pour se prononcer sur l’affaire relative à des rapports de droit international privé et, dans le cas où elle constate que ni elle ni aucune autre juridiction roumaine n’est compétente, rejette la demande comme ne relevant pas de la compétence des juridictions roumaines.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Taser International, dont le siège social se situe aux États-Unis, a conclu, les 4 avril et 12 septembre 2008, deux contrats de distribution non exclusive avec Gate 4. En vertu de ces contrats, Gate 4 et son administrateur, M. Anastasiu, se sont engagés à céder à leur cocontractant les marques Taser International qu’ils ont enregistrées ou dont ils ont demandé l’enregistrement en Roumanie.
13 À la suite du refus de Gate 4 et de M. Anastasiu de s’acquitter de cette obligation contractuelle, Taser International a saisi le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest). Nonobstant l’existence dans ces contrats de clauses attributives de compétence en faveur d’un tribunal situé aux États-Unis, Gate 4 et M. Anastasiu ont comparu devant ce tribunal roumain sans contester la compétence de celui-ci. Par jugement du 31 mai 2011, le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande
instance de Bucarest) leur a ordonné d’effectuer toutes les formalités nécessaires à l’enregistrement de la cession.
14 À la suite de la confirmation de ce jugement par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest), Gate 4 et M. Anastasiu ont formé un pourvoi devant l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice). Alors que la compétence des juridictions roumaines pour trancher ce litige n’a jamais été contestée par les parties, la juridiction de renvoi considère qu’il lui incombe de statuer sur cette question d’office.
15 C’est dans ce contexte que cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si le règlement no 44/2001 est applicable au litige dont elle est saisie dès lors que les parties ont choisi, pour le règlement de leurs litiges, une juridiction d’un État tiers par rapport à l’Union européenne et non l’une des juridictions d’un État membre, comme le prévoit l’article 23, paragraphe 1, de ce règlement. Elle considère qu’une telle clause attributive de compétence en faveur d’un État tiers pourrait, de
ce seul fait, faire obstacle à la prorogation tacite de compétence prévue à l’article 24 du même règlement.
16 Dans le cas, toutefois, où cette dernière règle serait applicable, la juridiction de renvoi cherche à savoir si elle devait, néanmoins, décliner sa compétence à un autre titre.
17 En outre, il conviendrait de vérifier l’applicabilité de l’article 22 du règlement no 44/2001, afin de savoir si un litige relatif à une obligation de céder une marque, susceptible de donner lieu à un enregistrement conformément à la législation nationale, relève du point 4 de cet article.
18 Dans ces conditions, l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 24 du règlement no 44/2001 doit-il être interprété en ce sens que les ‘cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du présent règlement’ comprennent également la situation dans laquelle les parties à un contrat de cession des droits sur une marque enregistrée dans un État membre de l’Union ont convenu, de manière non équivoque et incontestable, d’attribuer la compétence pour se prononcer sur tout litige relatif à l’accomplissement des obligations contractuelles aux
juridictions d’un État qui n’est pas membre de l’Union et dans lequel le requérant a son domicile (siège social), lorsque le requérant a saisi une juridiction d’un État membre de l’Union sur le territoire duquel le défendeur a son domicile (siège social)?
2) Dans le cas où la réponse est affirmative:
a) L’article 23, paragraphe 5, du règlement no 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu’il ne vise pas une clause attributive de compétence en faveur d’un État qui n’est pas membre de l’Union, de sorte que la juridiction saisie en vertu de l’article 2 de ce règlement détermine la compétence juridictionnelle selon les règles de droit international privé de son droit national?
b) Un litige ayant pour objet l’exécution, par voie juridictionnelle, de l’obligation de céder les droits sur une marque enregistrée dans un État membre de l’Union, assumée par un contrat conclu entre les parties audit litige, peut-il être considéré comme visant un droit ‘donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement’, au sens de l’article 22, point 4, de ce règlement, eu égard au fait que, en vertu du droit de l’État dans lequel la marque a été enregistrée, la cession des droits sur une marque
donne lieu à l’inscription dans le registre des marques et à la publication au Bulletin officiel de la propriété industrielle?
3) Dans le cas où la réponse [apportée à la première question] est négative, l’article 24 du règlement no 44/2001 s’oppose-t-il à ce que la juridiction saisie en vertu de l’article 2 de ce règlement constate, dans une situation telle que celle décrite dans la prémisse de la [première] question, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur l’affaire, même si le défendeur a comparu devant cette juridiction, y compris en dernière instance, sans contester la compétence?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question et la deuxième question, sous a)
19 Par sa première question et sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 23, paragraphe 5, et 24 du règlement no 44/2001 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’un litige portant sur l’inexécution d’une obligation contractuelle, dans lequel le requérant a saisi les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, la compétence de ces juridictions est susceptible de découler de l’article 24 de
ce règlement lorsque le défendeur ne conteste pas leur compétence, alors même que le contrat entre ces deux parties contient une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers.
20 Il y a lieu de rappeler que le règlement no 44/2001 est applicable à un litige entre un défendeur ayant son domicile dans un État membre et un demandeur d’un État tiers (voir, par analogie, arrêt Owusu, C‑281/02, EU:C:2005:120, point 27).
21 En outre, l’article 24, première phrase, du règlement no 44/2001 prévoit une règle de compétence fondée sur la comparution du défendeur pour tous les litiges où la compétence du juge saisi ne résulte pas d’autres dispositions de ce règlement. Cette disposition s’applique y compris dans les cas où le juge a été saisi en méconnaissance des dispositions dudit règlement et implique que la comparution du défendeur puisse être considérée comme une acceptation tacite de la compétence du juge saisi et
donc comme une prorogation de compétence de celui-ci (arrêt Cartier parfums-lunettes et Axa Corporate Solutions assurances, C‑1/13, EU:C:2014:109, point 34).
22 L’article 24, seconde phrase, du règlement no 44/2001 prévoit des exceptions à cette règle générale. Il établit qu’il n’y a pas de prorogation tacite de compétence du juge saisi si le défendeur soulève une exception d’incompétence, exprimant ainsi sa volonté de ne pas accepter la compétence de ce juge, ou s’il s’agit de litiges pour lesquels l’article 22 dudit règlement prévoit des règles de compétence exclusive (arrêt Cartier parfums-lunettes et Axa Corporate Solutions assurances, C‑1/13,
EU:C:2014:109, point 35).
23 Ainsi, la règle générale sur la prorogation tacite de compétence du juge saisi s’applique, sauf dans les cas qui figurent expressément parmi les exceptions prévues à la seconde phrase dudit article 24. Dès lors que la prorogation de compétence par convention attributive de juridiction, au sens de l’article 23 du règlement no 44/2001, ne figure pas parmi ces exceptions, la Cour a déjà jugé qu’il n’existe pas de motifs tenant à l’économie générale ou aux objectifs de ce règlement pour considérer
que les parties seraient empêchées de soumettre un litige à une autre juridiction que celle établie conventionnellement (voir, en ce sens, arrêt ČPP Vienna Insurance Group, C‑111/09, EU:C:2010:290, point 25).
24 Ce raisonnement s’applique tant en présence de conventions attributives de compétence aux juridictions d’un État membre qu’en présence de celles en faveur des juridictions d’un État tiers, puisque la prorogation tacite de compétence en vertu de l’article 24, première phrase, du règlement no 44/2001 est fondée sur un choix délibéré des parties au litige relatif à cette compétence (voir arrêt A, C‑112/13, EU:C:2014:2195, point 54). Partant, ainsi qu’il découle du point précédent du présent arrêt,
la question relative à l’applicabilité de l’article 23 de ce règlement est dépourvue de pertinence.
25 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question et à la deuxième question, sous a), que les articles 23, paragraphe 5, et 24 du règlement no 44/2001 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’un litige portant sur l’inexécution d’une obligation contractuelle, dans lequel le requérant a saisi les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, la compétence de ces juridictions est
susceptible de découler de l’article 24 de ce règlement lorsque le défendeur ne conteste pas leur compétence, alors même que le contrat entre ces deux parties contient une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers.
Sur la deuxième question, sous b)
26 Par sa deuxième question, sous b), la juridiction de renvoi demande si les articles 22, point 4, et 24 du règlement no 44/2001 doivent être interprétés en ce sens qu’un litige relatif à l’inexécution d’une obligation contractuelle de céder des marques, tel que celui au principal, relève du champ d’application de cet article 22, point 4, et, partant, des exceptions à la règle générale de prorogation tacite de compétence du juge saisi prévues à l’article 24, seconde phrase, de ce règlement.
27 En vertu de l’article 22, point 4, du règlement no 44/2001, en matière d’inscription ou de validité des marques, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement de la marque a été demandé sont seules compétentes. Ainsi, l’applicabilité de cette disposition au litige au principal entraînerait la compétence exclusive des juridictions roumaines.
28 Toutefois, dans les circonstances qui caractérisent le litige au principal, il n’y a pas lieu de déterminer si une demande d’exécution de l’obligation contractuelle de céder des marques relève effectivement de l’article 22, point 4, du règlement no 44/2001, puisque les juridictions roumaines sont, en tout état de cause, compétentes pour trancher ce litige. En effet, dans l’hypothèse où cet article 22, point 4, serait applicable audit litige, les juridictions dont la compétence résulterait de
cette disposition seraient les mêmes que celles dont la compétence serait déterminée en application de l’article 24, première phrase, de ce règlement, dès lors que le défendeur au principal a comparu devant les juridictions roumaines sans contester leur compétence.
29 À la lumière de ce qui précède, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question, sous b).
Sur la troisième question
30 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 24 du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans le cadre d’un litige opposant des parties à un contrat qui comporte une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers, à ce que la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, qui a été saisie, se déclare incompétente d’office, alors même que ce défendeur ne conteste
pas la compétence de cette dernière.
31 Ainsi qu’il ressort de la réponse apportée aux première et deuxième questions posées, l’existence d’une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers ne s’oppose pas à l’applicabilité de l’article 24 du règlement no 44/2001.
32 En outre, il ressort des deuxième et onzième considérants du règlement no 44/2001 que ce dernier vise à unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale au moyen de règles de compétence qui présentent un haut degré de prévisibilité. Le règlement no 44/2001 poursuit ainsi un objectif de sécurité juridique qui consiste à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction
qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, C‑533/07, EU:C:2009:257, points 21 et 22).
33 C’est ainsi que la Cour a jugé que, dans la mesure où les règles de compétence exclusive au sens de l’article 22 du règlement no 44/2001 ne s’appliquent pas, le juge saisi doit se déclarer compétent lorsque le défendeur comparaît et qu’il ne soulève pas une exception d’incompétence, une telle comparution constituant une prorogation tacite de compétence au sens de l’article 24 de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt ČPP Vienna Insurance Group, C‑111/09, EU:C:2010:290, points 26 et 33).
34 D’ailleurs, il n’en irait pas autrement lorsque la compétence du juge saisi découle de l’article 22 du règlement no 44/2001.
35 En effet, eu égard à la position que cette disposition occupe dans le système de ce règlement et à la finalité poursuivie, les règles de compétence prévues à ladite disposition sont dotées d’un caractère exclusif et impératif qui s’impose avec une force spécifique tant aux justiciables qu’au juge (voir, en ce sens, arrêt Solvay, C‑616/10, EU:C:2012:445, point 44).
36 À la lumière de ces considérations, il convient de répondre à la troisième question que l’article 24 du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans le cadre d’un litige opposant des parties à un contrat qui comporte une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers, à ce que la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, qui a été saisie, se déclare incompétente d’office alors même que ce
défendeur ne conteste pas la compétence de cette dernière.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:
1) Les articles 23, paragraphe 5, et 24 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’un litige portant sur l’inexécution d’une obligation contractuelle, dans lequel le requérant a saisi les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, la compétence de ces
juridictions est susceptible de découler de l’article 24 de ce règlement lorsque le défendeur ne conteste pas leur compétence, alors même que le contrat entre ces deux parties contient une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers.
2) L’article 24 du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans le cadre d’un litige opposant des parties à un contrat qui comporte une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers, à ce que la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, qui a été saisie, se déclare incompétente d’office, alors même que ce défendeur ne conteste pas la compétence de cette dernière.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le roumain.