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18/02/2016 | CJUE | N°C-19/15

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 18 février 2016., Verband Sozialer Wettbewerb eV contre Innova Vital GmbH., 18/02/2016, C-19/15


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 18 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑19/15

Verband Sozialer Wettbewerb eV

contre

Innova Vital GmbH

[demande de décision préjudicielle

formée par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Protection des consommateurs — Règlement (CE) no 1924/2006 — Article 1er, paragraphe 2 — Champ d’application — Allégations nutritionnelles et de santé portant sur des

denrées alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final — Allégations figurant dans des communications à ca...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 18 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑19/15

Verband Sozialer Wettbewerb eV

contre

Innova Vital GmbH

[demande de décision préjudicielle

formée par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Protection des consommateurs — Règlement (CE) no 1924/2006 — Article 1er, paragraphe 2 — Champ d’application — Allégations nutritionnelles et de santé portant sur des denrées alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final — Allégations figurant dans des communications à caractère commercial adressées exclusivement à des professionnels»

I – Introduction

1. La demande de décision préjudicielle introduite par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires ( 2 ).

2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige qui oppose une association défendant les intérêts commerciaux de ses membres à une société vendant un complément alimentaire, au sujet d’affirmations contenues dans un courrier publicitaire que cette dernière a envoyé uniquement à des médecins. La Cour est invitée, de façon inédite, à déterminer si les exigences dudit règlement sont applicables lorsque des allégations nutritionnelles et de santé portant sur une denrée alimentaire destinée à être
fournie comme telle à des consommateurs figurent dans des communications à caractère commercial qui sont adressées, non pas directement à ces derniers, mais exclusivement à des professionnels.

II – Le cadre juridique

3. Aux termes des considérants 1, 4, 9, 16, 23 et 29 du règlement no 1924/2006 :

« (1) Dans la Communauté, des allégations nutritionnelles et de santé sont utilisées dans l’étiquetage et la publicité concernant un nombre croissant de denrées alimentaires. Afin d’assurer aux consommateurs un niveau élevé de protection et de faciliter leur choix, il conviendrait que les produits mis sur le marché, y compris après importation, soient sûrs et adéquatement étiquetés. […]

[…]

(4) Le présent règlement devrait s’appliquer à toute allégation nutritionnelle et de santé formulée dans les communications à caractère commercial, y compris, notamment, aux campagnes publicitaires collectives faites pour les denrées alimentaires et aux campagnes de promotion, telles que celles qui sont soutenues en tout ou partie par les pouvoirs publics. Il ne devrait pas s’appliquer aux allégations qui sont formulées dans les communications à caractère non commercial, telles que les
orientations ou les conseils diététiques émanant d’autorités ou d’organismes publics compétents en matière de santé, ou aux communications et informations à caractère non commercial figurant dans la presse et dans les publications scientifiques. […]

[…]

(9) Une grande variété de nutriments et d’autres substances […] ayant un effet nutritionnel ou physiologique peut être présente dans une denrée alimentaire et faire l’objet d’une allégation. Il convient, par conséquent, d’établir des principes généraux applicables à toutes les allégations portant sur des denrées alimentaires, afin d’assurer au consommateur un niveau élevé de protection, de lui fournir les informations nécessaires pour faire des choix en connaissance de cause, et de créer des
conditions de concurrence égales pour l’industrie alimentaire.

[…]

(16) Il est important que les allégations relatives aux denrées alimentaires puissent être comprises par le consommateur et il convient de protéger tous les consommateurs contre des allégations trompeuses. […]

[…]

(23) Le recours, dans la Communauté, à des allégations de santé ne devrait être autorisé qu’après une évaluation scientifique répondant aux exigences les plus élevées. Pour garantir une évaluation scientifique harmonisée de ces allégations, il conviendrait que ladite évaluation soit effectuée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. […]

[…]

(29) Pour garantir que les allégations de santé sont véridiques, claires, fiables et à même d’aider le consommateur à choisir un régime alimentaire sain, le libellé et la présentation des allégations de santé devraient être pris en considération dans l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments et dans les procédures ultérieures. »

4. L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de ce règlement énonce :

« 1.   Le présent règlement harmonise les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres qui concernent les allégations nutritionnelles et de santé, afin de garantir le fonctionnement efficace du marché intérieur tout en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs.

2.   Le présent règlement s’applique aux allégations nutritionnelles et de santé formulées dans les communications à caractère commercial, qu’elles apparaissent dans l’étiquetage ou la présentation des denrées alimentaires ou la publicité faite à leur égard, dès lors que les denrées alimentaires en question sont destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final. […] »

5. L’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1924/2006 renvoie, aux fins de l’application de ce dernier, aux définitions des notions de « denrée alimentaire » et de « consommateur final » qui figurent aux articles 2 et 3, point 18), du règlement (CE) no 178/2002 ( 3 ). Le paragraphe 2, points 1, 4 et 5, de ce même article définit ce qu’il faut entendre par « allégation », par « allégation nutritionnelle » et par « allégation de santé » au sens du règlement no 1924/2006.

6. Le chapitre II, contenant les articles 3 à 7, du règlement no 1924/2006 fixe les principes généraux d’utilisation des allégations nutritionnelles et de santé.

7. L’article 3, intitulé « Principes généraux applicables à toutes les allégations », énonce que « [d]es allégations nutritionnelles et de santé ne peuvent être employées dans l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires mises sur le marché communautaire ainsi que dans la publicité faite à l’égard de celles-ci que si elles sont conformes aux dispositions du présent règlement ». Il ajoute que, « [s]ans préjudice des directives 2000/13/CE [ ( 4 )] et 84/450/CEE [ ( 5 )], les allégations
nutritionnelles et de santé ne doivent pas [notamment] être inexactes, ambiguës ou trompeuses ».

8. L’article 5, paragraphes 1 et 2, intitulé « Conditions générales », précise que l’emploi d’allégations nutritionnelles et de santé n’est autorisé que si les conditions qui sont énumérées dans cet article sont remplies et que « si l’on peut s’attendre à ce que le consommateur moyen comprenne les effets bénéfiques exposés dans l’allégation ».

9. Le chapitre III du règlement no 1924/2006, contenant les articles 8 et 9, prévoit des conditions d’utilisation propres aux allégations nutritionnelles.

10. Le chapitre IV de ce même règlement, où figurent les articles 10 à 19, contient des dispositions particulières applicables aux allégations de santé.

11. Aux termes de l’article 10, paragraphes 1 et 2, intitulé « Conditions spécifiques » :

« 1.   Les allégations de santé sont interdites sauf si elles sont conformes aux prescriptions générales du chapitre II et aux exigences spécifiques du présent chapitre et si elles sont autorisées conformément au présent règlement et figurent sur les listes d’allégations autorisées visées aux articles 13 et 14.

2.   Les allégations de santé ne sont autorisées que si les informations [que ce paragraphe énonce] figurent sur l’étiquetage ou […] sont communiquées dans le cadre de la présentation du produit ou de la publicité faite pour celui-ci ».

12. L’article 13 permet que les allégations de santé qu’il recense soient utilisées « sans être soumises aux procédures [d’autorisation] établies aux articles 15 à 19 », à condition qu’elles figurent « dans la liste prévue au paragraphe 3 » de cet article, qu’elles « reposent sur des preuves scientifiques généralement admises » et qu’elles soient « bien comprises par le consommateur moyen ».

13. L’article 14 admet l’usage d’« allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie » et d’« allégations se rapportant au développement et à la santé infantiles » si « elles ont été autorisées conformément à la procédure prévue aux articles 15, 16, 17 et 19 » de ce règlement.

III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

14. Le Verband Sozialer Wettbewerb eV (ci-après le « Verband Sozialer Wettbewerb ») est une association allemande qui, selon ses statuts, a pour mission de défendre les intérêts commerciaux de ses membres, ce qui implique notamment de veiller au respect des règles de concurrence loyale.

15. Innova Vital GmbH (ci-après « Innova Vital »), société allemande dont le gérant est un médecin, commercialise une émulsion contenant de la vitamine D3 et administrable sous forme de gouttes, dénommée « Innova Mulsin® Vitamin D3 ».

16. Au mois de novembre 2013, le gérant d’Innova Vital a adressé, exclusivement à des médecins nommément désignés, un courrier selon lequel ce complément alimentaire contribuerait à la prévention de maladies provoquées par un taux insuffisant de vitamine D, qui était libellé comme suit :

« Vous connaissez la situation : 87 % des enfants en Allemagne ont une teneur en vitamine D dans le sang inférieure à 30 ng/ml. Selon la Société allemande de nutrition [Deutsche Gesellschaft für Ernährung, DGE], cette valeur devrait plutôt se situer entre 50 et 75 ng/ml.

Comme l’ont déjà montré de nombreuses études, la vitamine D joue un rôle significatif dans la prévention de plusieurs maladies comme la dermatite atopique, l’ostéoporose, le diabète sucré et la SEP [sclérose en plaques]. Selon ces études, un taux trop faible de vitamine D dès l’enfance est pour partie responsable de l’apparition ultérieure de ces pathologies.

[…]

En tant que médecin spécialisé en immunologie, j’ai réfléchi à la question et ai mis au point une émulsion de vitamine D3 (Innova Mulsin® D3), qui peut être administrée sous forme de gouttes.

[…]

Avantages des émulsions Mulsin® :

[…]

— Prévention ou élimination rapides des états carentiels (80 % de la population est décrite comme carencée en vitamine D3 en hiver)

[…]

Vous obtiendrez les conditions de commande directe ainsi que du matériel d’information gratuit pour votre cabinet au numéro […]» ( 6 ).

17. Ce courrier contenait aussi une présentation en images du produit concerné, des informations sur sa composition, son prix de vente ainsi que le coût journalier d’un traitement selon la posologie recommandée d’une goutte par jour ou en fonction de la préconisation du médecin. Il précisait « avec un prix de vente de 26,75 euros vos patients investissent 0,11 euros par jour pour un apport équilibré de vitamine D3 ».

18. Le Verband Sozialer Wettbewerb a saisi la juridiction de renvoi d’une action en cessation dirigée contre Innova Vital, par application de la loi allemande contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb) ( 7 ). Il a fondé cette action sur une violation du règlement no 1924/2006, en visant plus particulièrement deux des indications susmentionnées ( 8 ).

19. À l’appui de sa demande, le Verband Sozialer Wettbewerb soutient que les dispositions du règlement no 1924/2006 sont applicables à la publicité à destination des professionnels comme des non-professionnels. À titre principal, il fait valoir que l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement interdit les allégations de santé sauf si, ce qui ne serait pas le cas des affirmations en cause, de telles allégations ont été autorisées conformément à ce règlement et figurent dans la liste des allégations
autorisées visée à son article 13. Il ajoute que le complément alimentaire en cause, eu égard à sa composition et à son efficacité, ne serait pas conforme aux conditions générales énoncées par l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement. À titre subsidiaire, il invoque une violation de l’article 10, paragraphe 2, de ce même règlement, au motif que les mentions obligatoires que cette disposition prévoit ne figurent pas dans la publicité litigieuse.

20. Innova Vital prétend, au contraire, que les articles 5 et 10 du règlement no 1924/2006 ne sont pas applicables aux affirmations contenues dans le courrier en cause, dès lors que celui-ci s’adressait uniquement à des médecins et que ce règlement ne pourrait pas s’appliquer à la publicité destinée aux professionnels.

21. Dans ce contexte, par décision du 16 décembre 2014, parvenue à la Cour le 19 janvier 2015, le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1924/2006 doit-il être interprété en ce sens que les dispositions de ce règlement s’appliquent également aux allégations nutritionnelles et de santé formulées dans les communications à caractère commercial apparaissant dans la publicité de denrées alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final lorsque cette communication commerciale ou publicité s’adresse exclusivement à des professionnels ? »

22. Des observations écrites ont été déposées par Innova Vital, par les gouvernements hellénique et français ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries.

IV – Analyse

A – Considérations liminaires

23. Au vu des observations écrites ayant été fournies à la Cour, il apparaît qu’un certain nombre d’interrogations, qui portent sur le champ d’application matériel du règlement no 1924/2006, devraient être examinées à titre préalable, c’est-à-dire avant de pouvoir répondre à la question préjudicielle.

24. Je souligne d’emblée que, selon la juridiction de renvoi, il est constant que, conformément aux conditions d’application posées à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, d’une part, le produit visé par le courrier en cause au principal constitue une denrée alimentaire destinée à être fournie en l’état au consommateur final et, d’autre part, la communication effectuée par Innova Vital avait un but publicitaire pour cette dernière.

1. Sur la qualification des mentions litigieuses au regard du règlement no 1924/2006

25. Il ressort de la décision de renvoi que le requérant au principal a soutenu que le courrier faisant l’objet de son action contenait des « allégations de santé » interdites par le règlement no 1924/2006. Le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) ne remet pas en cause cette qualification, étant toutefois observé que sa question préjudicielle porte indifféremment sur les allégations « nutritionnelles » et sur les allégations « de santé » visées par ce règlement.

26. Le gouvernement français s’interroge sur la justesse de ce présupposé. Selon lui, les mentions litigieuses ne constituent ni des allégations nutritionnelles ni des allégations de santé telles que définies à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1924/2006 et, partant, elles n’entrent pas dans son champ d’application. Ces mentions relèveraient plutôt de la catégorie des informations sur les denrées alimentaires qui attribuent à celles-ci des propriétés de prévention, de traitement ou de
guérison d’une maladie humaine dont l’utilisation est, en principe, prohibée par l’article 7 du règlement no 1169/2011/UE ( 9 ). Cependant, il considère que la Cour est tenue de répondre à la question posée ( 10 ), au motif que l’inapplicabilité du règlement no 1924/2006 en l’espèce ne serait pas manifeste car elle serait subordonnée à la qualification juridique des mentions attaquées.

27. Il est de jurisprudence constante qu’il appartient uniquement au juge national d’apprécier et de qualifier les faits du litige au principal, ainsi que d’appliquer les dispositions pertinentes du droit de l’Union conformément à l’interprétation de ces dernières qui est donnée par la Cour ( 11 ). Cette règle a déjà été mise en œuvre par la Cour s’agissant, en particulier, de dispositions du règlement no 1924/2006 ( 12 ). Je précise néanmoins qu’à l’instar de la Commission, je suis d’avis que la
présente question préjudicielle est dénuée de caractère hypothétique dès lors que, au vu des données du litige susmentionnées, les affirmations attaquées m’apparaissent effectivement relever de la notion d’« allégations de santé » au sens de ce règlement, telle qu’interprétée dans les arrêts de la Cour relatifs à cette notion ( 13 ).

2. Sur l’articulation du règlement no 1924/2006 avec la directive 2000/13

28. La Commission considère qu’il y a lieu de se demander si, dans une situation telle que celle faisant l’objet de la procédure au principal, l’usage des indications litigieuses ne se trouve pas déjà interdit par l’article 2, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec son paragraphe 3, de la directive 2000/13, qui énonce un principe général en vertu duquel les informations relatives à une denrée alimentaire, contenues notamment dans la publicité, ne doivent pas attribuer à celle-ci des propriétés
de prévention d’une maladie humaine ( 14 ).

29. Il en va de même, en substance, du gouvernement français puisqu’il fait valoir que des indications de cette nature seraient susceptibles de relever des dispositions équivalentes à celles susmentionnées de la directive 2000/13 qui figurent à l’article 7, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1169/2011. Étant donné que ce règlement a abrogé la directive 2000/13 à compter du 13 décembre 2014 ( 15 ), donc postérieurement aux faits du litige au principal ( 16 ), il n’est toutefois pas applicable
ratione temporis en l’espèce.

30. Il y a lieu de rappeler que la directive 2000/13, qui porte notamment sur la publicité faite à l’égard des denrées alimentaires, a vocation à s’appliquer parallèlement au règlement no 1924/2006, et non à son détriment. En effet, aux termes du considérant 3 de ce règlement, celui-ci vise à compléter les principes généraux énoncés dans la directive 2000/13 ( 17 ) et à établir des dispositions spécifiques relatives à l’emploi d’allégations nutritionnelles et de santé concernant des denrées
alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur. L’article 3, deuxième alinéa, du règlement no 1924/2006 réserve l’application de la directive 2000/13, en règle générale, sauf exceptions prévues par ce règlement. En particulier, l’article 14, paragraphe 1, de ce dernier permet expressément de déroger à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive s’agissant de l’utilisation de deux types précis d’allégations de santé, à savoir celles relatives à la réduction
d’un risque de maladie et celles se rapportant au développement et à la santé infantiles, sous réserve que de telles allégations aient été autorisées conformément aux conditions strictes fixées par ledit règlement.

31. Comme la Commission le note elle-même, la circonstance que la directive 2000/13 puisse éventuellement couvrir un litige tel que celui au principal n’est nullement incompatible avec l’examen de la présente demande de décision préjudicielle, dès lors que le règlement no 1924/2006 est ainsi applicable de façon complémentaire par rapport à cette directive, et non de façon alternative. Au demeurant, la mise en œuvre des dispositions de ce règlement dans le litige au principal est clairement envisagée
par la juridiction de renvoi, laquelle est seule à même d’apprécier la pertinence et l’utilité de la question qu’elle pose pour trancher le différend dont elle est saisie ( 18 ).

B – Sur l’applicabilité du règlement no 1924/2006 à l’égard de communications à caractère commercial envoyées exclusivement à des professionnels

32. La question soumise dans la présente affaire porte sur l’application éventuelle du règlement no 1924/2006 en présence d’allégations nutritionnelles ou de santé figurant dans des communications à caractère commercial relatives à des denrées alimentaires destinées aux consommateurs finals dans le cas où de telles communications sont adressées non pas à ces derniers, mais exclusivement à des professionnels, lesquels sont en l’espèce des professionnels de santé ( 19 ). La Cour n’a encore jamais été
saisie d’une demande d’interprétation de cette nature, dont les incidences pratiques sont cependant notables ( 20 ).

33. Les parties au principal défendent des positions antagonistes en ce qui concerne l’applicabilité de ce règlement dans de telles circonstances. La juridiction de renvoi indique que la question posée est aussi tranchée de façon divergente dans la littérature juridique de langue allemande, en exposant de manière détaillée les termes de ce débat doctrinal.

34. Aux termes des observations déposées devant la Cour, seule Innova Vital prétend que les communications à caractère commercial envoyées uniquement à des professionnels ne sont pas régies par les dispositions du règlement no 1924/2006. En revanche, tant les gouvernements hellénique et français que la Commission estiment que le champ d’application de ce règlement englobe un tel cas de figure. Je suis également de ce dernier avis.

35. Diverses considérations, tenant à une interprétation non seulement littérale mais aussi téléologique et contextuelle, viennent au soutien de la réponse affirmative que je préconise ainsi d’apporter à la question préjudicielle.

1. Sur le libellé des dispositions pertinentes du règlement no 1924/2006

36. Innova Vital invoque les considérants 1, 8 à 10, 15 et 28 ainsi que l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1924/2006 pour soutenir que cet instrument ne saurait s’appliquer à la publicité destinée à un public de professionnels, dès lors que ces dispositions mettent l’accent sur les consommateurs et qu’il n’y est nullement fait mention des professionnels.

37. Il est vrai que de nombreuses références aux consommateurs figurent dans ce règlement, étant notamment observé que la perception des allégations nutritionnelles et de santé qu’est susceptible d’avoir le « consommateur moyen » y est retenue comme point de repère à diverses reprises ( 21 ).

38. Néanmoins, au vu du libellé de l’article 1er, paragraphe 2, et de toutes les autres dispositions du règlement no 1924/2006, rien ne permet, à mon avis, d’exclure que celui-ci régisse à la fois les communications commerciales qui sont adressées de façon directe aux consommateurs et celles qui sont certes adressées exclusivement à des professionnels mais qui tendent en fait à atteindre de façon indirecte les consommateurs susceptibles d’acquérir la denrée alimentaire concernée.

39. En effet, le législateur n’a établi aucune distinction en fonction de la qualité du destinataire des communications contenant des allégations nutritionnelles et de santé qui sont visées par ledit règlement. Les seules exigences figurant dans ce dernier concernent l’objet et la nature de ces communications. Celles-ci doivent, d’une part, porter sur des denrées alimentaires destinées à être fournies à un consommateur final ( 22 ) et, d’autre part, revêtir un « caractère commercial » en prenant la
forme soit de l’étiquetage ou de la présentation de telles denrées, soit –comme dans le litige au principal – de la publicité faite à leur égard ( 23 ). C’est donc le produit lui-même qui doit nécessairement être destiné aux consommateurs, et non la communication dont il fait l’objet ( 24 ).

40. Le critère du caractère commercial constitue selon moi, ainsi que selon le gouvernement hellénique et la Commission, un élément majeur pour répondre à la question posée dans la présente affaire ( 25 ). À cet égard, le considérant 4 dudit règlement établit une démarcation nette entre les communications commerciales, auxquelles cet instrument s’applique, et les communications non commerciales, lesquelles n’en relèvent pas, tout en indiquant que les premières d’entre elles visent des fins
« publicitaires » ou « de promotion» ( 26 ).

41. Si le règlement no 1924/2006 ne contient pas de définition explicite de ce critère, il ressort d’autres actes du droit de l’Union, comme l’indique la Commission, que le caractère commercial renvoie généralement à une communication qui a pour but d’assurer la promotion économique de produits ou de services, de façon « directe» ( 27 ) ou même « indirectement» ( 28 ), et d’influencer ainsi les décisions des acheteurs potentiels. Je souligne qu’une approche similaire a été suivie, au niveau
international, dans les « directives pour l’emploi des allégations relatives à la nutrition et à la santé » adoptées par le Codex Alimentarius ( 29 ), auxquelles le considérant 7 de ce règlement fait expressément référence ( 30 ).

42. Le libellé du règlement no 1924/2006 ne limite pas son champ d’application aux communications dont les destinataires sont directement des consommateurs finals car le caractère commercial de celles-ci ne dépend pas nécessairement d’une telle configuration. En effet, dans une situation telle que celle considérée par la juridiction de renvoi, même si les consommateurs ne reçoivent pas eux-mêmes la communication qui contient des allégations relevant de ce règlement, ils se trouvent être en réalité
les personnes indirectement visées par cette démarche commerciale, étant donné que la denrée alimentaire en faisant l’objet est par hypothèse destinée à leur être vendue à eux, et non aux professionnels ayant reçu le courrier publicitaire ( 31 ). Dans un tel cas de figure, ces derniers constituent en fait de simples intermédiaires, qui sont contactés par une entreprise du secteur alimentaire précisément parce qu’ils sont susceptibles de faciliter la promotion du produit qu’elle vend en assurant
la transmission des informations commerciales le concernant auprès d’acheteurs potentiels, voire en leur recommandant d’acquérir celui-ci.

43. Or, les professionnels sont généralement en mesure d’exercer une influence notable sur les consommateurs qui s’adressent à eux, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de professionnels de santé, auxquels les patients accordent une confiance renforcée et une forte crédibilité. L’objectif même d’un courrier publicitaire tel que celui en cause au principal est que les médecins l’ayant reçu conseillent à leurs patients de consommer le produit concerné. Il n’est cependant pas garanti que, avant de
jouer éventuellement ce rôle incitatif, tous les professionnels sollicités seront pleinement en mesure de vérifier les allégations contenues dans cette communication commerciale et de savoir s’en affranchir si nécessaire ( 32 ).

44. À mon avis, pour que le règlement no 1924/2006 trouve à s’appliquer, il est indifférent que les professionnels transmettent aux consommateurs le document qu’ils ont reçu en tant que tel ou seulement en substance, l’essentiel étant selon moi que les allégations nutritionnelles et de santé contenues dans ce document, qui relèveraient dudit règlement, aient vocation à être portées à la connaissance de consommateurs finals, même indirectement, comme c’est le cas en l’espèce ( 33 ).

2. Sur les finalités du règlement no 1924/2006

45. L’interprétation que je propose à la Cour d’adopter au vu du libellé des dispositions pertinentes du règlement no 1924/2006 est confortée à la lumière des objectifs de celui-ci.

46. Il est constant que ce règlement a pour double but « de garantir le fonctionnement efficace du marché intérieur », ce qui requiert notamment « de créer des conditions de concurrence égales » concernant la valorisation des produits, ainsi que d’assurer « un niveau élevé de protection des consommateurs» ( 34 ), principalement en permettant à ceux-ci d’opérer des choix alimentaires de façon éclairée grâce à des informations objectives et reposant sur des preuves ( 35 ).

47. À cette fin, il autorise l’usage d’allégations nutritionnelles et de santé dans des communications commerciales, puisque de telles informations peuvent être utiles aux consommateurs sous réserve qu’elles soient claires et véridiques ( 36 ), mais il encadre étroitement cet usage. S’agissant en particulier des allégations de santé, leur utilisation fait l’objet de restrictions spécifiques et ledit règlement ne permet d’y avoir recours qu’après une évaluation scientifique à la fois indépendante et
harmonisée, qui est opérée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), et après l’octroi d’une autorisation communautaire délivrée par la Commission ( 37 ).

48. De tels objectifs et principes impliquent d’avoir une conception suffisamment large du champ d’application du règlement no 1924/2006 pour permettre que la réalisation et le respect de ceux-ci ne soient pas compromis, conformément à l’approche ayant jusqu’à présent été retenue par la Cour face aux tentatives des opérateurs de l’industrie alimentaire cherchant à limiter la portée matérielle de ce règlement ( 38 ). En l’occurrence, à défaut d’une désignation expresse des consommateurs comme étant
les seuls destinataires potentiels, il convient selon moi de considérer que ledit règlement est applicable aussi à une communication commerciale telle que celle au principal, adressée exclusivement à des professionnels, qui remplit les autres conditions énoncées par cet instrument.

49. Les professionnels sont certes, en principe ( 39 ), plus avisés et plus avertis que le consommateur moyen. Cependant, en pratique, tant le filtrage qu’ils sont susceptibles d’effectuer que le rempart qu’ils peuvent ainsi constituer pour les consommateurs présentent des limites, car il ne saurait être exclu qu’ils soient eux-mêmes induits en erreur par des allégations inexactes ou trompeuses, voire mensongères. En effet, comme l’évoque le gouvernement hellénique, il leur est matériellement
impossible de disposer en permanence de l’ensemble des connaissances spécialisées et actualisées qui sont nécessaires pour évaluer chaque denrée alimentaire et tout type d’allégation y afférente.

50. À l’instar du gouvernement français, j’estime que s’il était admis que les allégations nutritionnelles et de santé échappent aux dispositions du règlement no 1924/2006 dès lors qu’elles figurent dans les communications commerciales adressées à des professionnels, les conséquences concrètes pourraient, paradoxalement, être alors encore plus graves et néfastes pour le consommateur que lorsque les publicités lui sont adressées directement. En effet, celui-ci se fiera généralement à l’avis donné par
des professionnels qui lui conseilleraient, en toute bonne foi, le produit concerné, et il agira peut-être même avec moins de réflexion et d’hésitation que quand il doit porter sa propre appréciation en tant que profane. Dans le cas de figure visé par la question préjudicielle, la protection des consommateurs à l’égard d’allégations qui seraient inexactes est donc tout aussi nécessaire, voire encore davantage, que dans les cas où ils reçoivent eux-mêmes la publicité et opèrent seuls leurs choix
alimentaires.

51. De surcroît, le fait d’exclure cette catégorie de communications du champ d’application dudit règlement conduirait à faire perdre une partie de son effet utile à celui-ci, notamment en ce que l’absence d’une évaluation conduite en amont par l’EFSA permettrait d’utiliser des allégations de santé ne reposant pas sur des preuves scientifiques. En pratique, pour les entreprises du secteur alimentaire, l’option de diffuser leurs allégations auprès des consommateurs en utilisant le relais de
professionnels pourrait constituer un moyen aisé de contourner les exigences rigoureuses du règlement no 1924/2006. En tout cas, une telle interprétation aurait pour conséquence de risquer d’altérer le bon fonctionnement du marché intérieur et de réduire le niveau de protection des consommateurs qui sont pourtant visés par ce règlement.

52. L’interprétation téléologique que je préconise n’est pas susceptible, à mon avis, d’être valablement remise en question par les arguments présentés contre cette approche par Innova Vital, laquelle s’appuie sur les thèses soutenues par une partie de la doctrine allemande selon les indications données dans ses observations ainsi que dans la décision de renvoi.

53. En premier lieu, Innova Vital tire argument d’une inadéquation entre le système contraignant prévu par le règlement no 1924/2006 et les connaissances détenues par les experts que sont les professionnels. Elle fait valoir, en substance, que si les communications commerciales adressées à ceux-ci étaient incluses dans le champ d’application de ce règlement, l’utilisation d’une terminologie technique ou scientifique dans des allégations nutritionnelles et de santé serait interdite, en vertu de son
article 5, paragraphe 2 ( 40 ), puisque de tels termes ne seraient pas susceptibles d’être compris par un « consommateur moyen », alors même qu’ils seraient connus par les spécialistes destinataires de la publicité.

54. Toutefois, cet argument est inopérant selon moi car, dans des circonstances telles que celles faisant l’objet du litige au principal, le courrier publicitaire a vocation non pas à être soumis en tant que tel au consommateur, mais à être remis à des professionnels qui sont implicitement invités à lui expliquer à quels égards le produit concerné est intéressant pour lui ( 41 ). La bonne compréhension des allégations qui sont contenues dans la communication commerciale, telle qu’exigée par ledit
article 5, paragraphe 2, passe en ce cas par l’entremise de professionnels, qui se trouvent chargés de transmettre ces informations aux profanes en les reformulant si besoin.

55. En second lieu, Innova Vital invoque une incidence néfaste du régime prévu par le règlement no 1924/2006 sur les communications de professionnels à professionnels, alors que ceux-ci auraient des attentes différentes de celles des consommateurs, notamment en ce qui concerne une information objective relative aux nouveaux développements scientifiques ( 42 ).

56. Il est vrai que s’il est admis par la Cour que les dispositions du règlement no 1924/2006 s’appliquent dans un contexte tel que celui du litige au principal, les communications entre professionnels sont susceptibles d’être affectées voire restreintes. Toutefois, pour que le système limitant les allégations nutritionnelles et de santé qui est prévu par ce règlement ait vocation à intervenir, les communications concernées doivent, par principe, viser non pas à donner des informations d’ordre
purement technique mais à diffuser des indications « à caractère commercial », conformément à son article 1er, paragraphe 2, premier alinéa. Je rappelle que le considérant 4 dudit règlement exclut d’ailleurs explicitement l’application de celui-ci aux « informations à caractère non commercial figurant […] dans les publications scientifiques ». Dans un contexte de démarchage commercial, et donc de renseignement non neutre, il me semble normal que le but légitime de protéger les consommateurs
contre des allégations inexactes l’emporte sur le souhait de permettre la transmission d’informations de professionnels à professionnels.

57. Par conséquent, je suis d’avis que l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1924/2006 doit être interprété en ce sens que ce règlement a vocation à s’appliquer lorsque des allégations nutritionnelles ou de santé figurent dans des communications à caractère commercial qui sont certes adressées exclusivement à des professionnels mais qui visent en pratique à atteindre indirectement des consommateurs finals, auxquels les denrées alimentaires faisant l’objet de ces allégations seront par
hypothèse fournies en tant que telles.

V – Conclusion

58. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) :

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, doit être interprété en ce sens que les dispositions de ce règlement s’appliquent aux allégations nutritionnelles et de santé relatives à des denrées alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final qui sont formulées dans des communications à caractère
commercial lorsque celles-ci s’adressent exclusivement à des professionnels mais en ayant pour objectif d’atteindre indirectement des consommateurs par l’intermédiaire de ces derniers.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO L 404, p. 9. Ce règlement a fait l’objet d’un rectificatif (JO 2007, L 12, p. 3) et a été modifié en dernier lieu par le règlement (UE) no 1047/2012 de la Commission, du 8 novembre 2012, en ce qui concerne la liste des allégations nutritionnelles (JO L 310, p. 36).

( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1).

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 109, p. 29).

( 5 ) Directive du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17).

( 6 ) Les mentions en caractères gras figuraient comme telles dans l’original de ce courrier.

( 7 ) L’article 8, paragraphe 1, première phrase, de ladite loi, dans sa version applicable au litige au principal, permet d’intenter une action aux fins de cessation contre toute personne ayant commis un acte commercial illicite au sens des articles 3 et 7 de cette même loi.

( 8 ) À savoir, d’une part, « Comme l’ont déjà montré de nombreuses études, la vitamine D joue un rôle significatif dans la prévention de plusieurs maladies comme la dermatite atopique, l’ostéoporose, le diabète sucré et la SEP [sclérose en plaques]. Selon ces études, un taux trop faible de vitamine D dès l’enfance est pour partie responsable de l’apparition ultérieure de ces pathologies » et, d’autre part, « Prévention ou élimination rapides des états carentiels (80 % de la population est décrite
comme carencée en vitamine D3 en hiver) ».

( 9 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission
(JO L 304, p. 18).

( 10 ) En ce sens, le gouvernement français invoque, entre autres, les arrêts Woningstichting Sint Servatius (C‑567/07, EU:C:2009:593, point 43) et Dresser-Rand (C‑606/12 et C‑607/12, EU:C:2014:125, point 34).

( 11 ) Voir, notamment, arrêts Jestel (C‑454/10, EU:C:2011:752, point 21) ; Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, points 41 et suiv.) et Grupo Itevelesa e.a. (C‑168/14, EU:C:2015:685, point 77).

( 12 ) Voir arrêt Ehrmann (C‑609/12, EU:C:2014:252, point 36).

( 13 ) Voir arrêts Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526, points 34 et suiv.) et Green – Swan Pharmaceuticals CR (C‑299/12, EU:C:2013:501, points 22 et suiv.), étant observé que, dans cette dernière affaire, les allégations en cause au principal portaient, comme en l’espèce, sur un complément alimentaire contenant de la vitamine D3.

( 14 ) À cet égard, la Commission renvoie à l’arrêt du Tribunal Hagenmeyer et Hahn/Commission (T‑17/12, EU:T:2014:234, point 76).

( 15 ) Voir article 53, paragraphe 1, du règlement no 1169/2011.

( 16 ) Je rappelle que le courrier litigieux a été expédié au mois de novembre 2013.

( 17 ) Ce considérant 3 mentionne que la directive 2000/13 « interdit de manière générale l’emploi d’informations qui induiraient l’acheteur en erreur ou attribueraient aux denrées alimentaires des vertus médicinales ».

( 18 ) Voir, notamment, arrêts Syndesmos Melon tis Eleftheras Evangelikis Ekklisias e.a. (C‑381/89, EU:C:1992:142, points 18 et 19) ainsi que Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8, point 66).

( 19 ) Je souligne que, au vu de son libellé à caractère général et de sa motivation, la portée de la question posée par la juridiction de renvoi n’est pas limitée uniquement aux professionnels de santé, mais m’apparaît s’étendre à tout type de professionnels, par opposition à la catégorie des non-professionnels que constituent les consommateurs finals.

( 20 ) En effet, la possibilité d’utiliser librement des allégations nutritionnelles et de santé suscite une forte pression de la part des opérateurs du secteur alimentaire, car celles-ci constituent un argument de vente très lucratif (voir Lucas-Puget, A.-S., « Les allégations sur les produits alimentaires de consommation courante: quelques questions d’actualité », Petites affiches, 24 mai 2006, no 103, p. 4 et suiv.).

( 21 ) Voir considérant 16 ainsi que articles 5, paragraphe 2, et 13, paragraphe 1 in fine, du règlement no 1924/2006. Voir, également, point 17 de l’exposé des motifs ainsi que considérant 10 et articles 2, point 8, 5, paragraphe 2, 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, de la proposition COM(2003) 424 final. La Cour a défini divers critères d’appréciation liés au « consommateur moyen », notamment, dans l’arrêt Green – Swan Pharmaceuticals CR (C‑299/12, EU:C:2013:501, points 24 et suiv.).

( 22 ) Ces denrées sont « fournies en tant que telles » (l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2000/13 utilise la formule « livrées en l’état ») directement aux consommateurs finals (voir considérant 3 et article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1924/2006) ou bien indirectement dans le cadre de « l’approvisionnement des restaurants, hôpitaux, écoles, cantines et autres collectivités similaires » (voir article 1er, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement).

( 23 ) Voir considérant 4 et article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1924/2006. Je relève que cette exigence n’existait pas dans la proposition COM(2003) 424 final. Voir amendements 2 et 16 proposés dans le rapport du Parlement européen sur ladite proposition daté du 12 mai 2005 (A6‑0128/2005, p. 6 et 13) ainsi que considérant 4 et article 1er, paragraphe 2, de la position commune adoptée par le Conseil le 8 décembre 2005 (JO 2006, C 80 E, p. 43).

( 24 ) Voir, également, Dehove, R., e.a., Lamy Dehove, éd. Wolters Kluwer France, 2014, tome 1, partie 2, étude 285, point 285-126: « [l]es dispositions [du règlement no 1924/2006] concernent donc tant les publicités destinées au consommateur final que celles destinées aux professionnels (dont les professionnels de santé) dans la mesure où elles concernent toute communication à caractère commercial ou publicité relative à un produit qui lui est destiné au consommateur final ».

( 25 ) La Commission considère même que « par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance une interprétation du concept, non défini dans le règlement, de “communication commerciale” […] au regard des destinataires potentiels de cette communication ».

( 26 ) Ce considérant 4 mentionne de façon non exhaustive, parmi les communications commerciales, « [les] campagnes publicitaires collectives faites pour les denrées alimentaires et [les] campagnes de promotion, telles que celles qui sont soutenues en tout ou partie par les pouvoirs publics » (souligné par mes soins) et, parmi les communications non commerciales, « les orientations ou les conseils diététiques émanant d’autorités ou d’organismes publics compétents en matière de santé, ou [les]
communications et aux informations à caractère non commercial figurant dans la presse et dans les publications scientifiques ».

( 27 ) La Commission vise à cet égard la définition des « pratiques commerciales » figurant à l’article 2, sous d), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149, p. 22).

( 28 ) La Commission se réfère ici à la notion de « communication commerciale » telle que définie à l’article 2, sous f), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (JO L 178, p. 1) et à l’article 4, point 12, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services
dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36). S’agissant de la teneur de cette dernière disposition, voir arrêt Société fiduciaire nationale d’expertise comptable (C‑119/09, EU:C:2011:208, points 29 et suiv.).

( 29 ) Dans le texte adopté par le Codex Alimentarius – organe conjoint de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (OAA/FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – en 1997, tel que révisé en 2004 et amendé, en dernier lieu, en 2008 (CAC/GL 23-1997), il est indiqué que ces directives portent sur l’emploi de telles allégations dans la « publicité », définie comme désignant là « toute communication commerciale au public, par tout moyen autre que l’étiquetage, en
vue de promouvoir directement ou indirectement la vente ou la consommation d’un aliment par l’utilisation d’allégations relatives à la nutrition et à la santé qui se rapportent à une denrée alimentaire et à ses ingrédients » (voir point 1.1 et note 1).

( 30 ) Voir, également, points 10, 11 et 22 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2003) 424 final.

( 31 ) Il est certes envisageable qu’un professionnel destinataire de la publicité décide de consommer lui-même la denrée alimentaire concernée, mais ce cas de figure ne correspond pas à la problématique soumise dans la présente affaire puisque, en ce cas, la communication commerciale se trouve avoir été reçue directement par le consommateur final et l’applicabilité du règlement no 1924/2006 fait dès lors peu de doutes. En outre, selon l’appréciation portée par la juridiction de renvoi, dans le
litige au principal, c’est en leur qualité de professionnels, et non de consommateurs potentiels, que le courrier a été envoyé exclusivement à des médecins.

( 32 ) Comme l’indiquent, à juste titre, certains membres de la doctrine allemande dont la position est résumée, comme suit, dans la décision de renvoi « en définitive, si les entreprises ciblent les professionnels – à savoir, entre autres, les médecins, pharmaciens ou nutritionnistes – c’est en raison de l’effet multiplicateur attendu et donc finalement de l’augmentation notable des ventes escomptée. Les professionnels en question sont en règle générale des intermédiaires de l’information qui, sur
la base de leur expertise – dont il ne fait aucun doute qu’elle peut être influencée par la publicité – recommandent certains produits » (souligné par mes soins).

( 33 ) Pour sa part, la Commission propose de répondre à la question posée qu’une communication revêt un caractère commercial, au sens du règlement no 1924/2006, même lorsqu’elle s’adresse exclusivement à des professionnels, « dès lors que [celle-ci] est destinée et apte à produire, au-delà de ces professionnels, un effet externe vis-à-vis de tiers qui peut influencer la décision du consommateur final dans son choix de denrées alimentaires[, ce qu’il] appartient au juge national de déterminer ».
Pour caractériser un tel effet externe, elle évoque, de façon certes non limitative, le fait que le médecin destinataire de la communication soit utilisé « en tant que multiplicateur des mesures publicitaires, par exemple en joignant au courrier des informations à diffuser auprès des patients, des copies du courrier adressé au médecin ou des brochures ».

( 34 ) Voir considérants 1, 2, 9 et 36 ainsi que article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1924/2006. Voir, également, points 2, 6, 12 et 33 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2003) 424 final.

( 35 ) Voir considérants 1, 9, 10, 11 et 29 du règlement no 1924/2006 ; points 8, 28 et 33 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2003) 424 final, ainsi que points 1.2 et 1.3 de l’avis du Comité économique et social européen sur cette proposition (JO 2004, C 110, p. 18). Voir, également, arrêt Neptune Distribution (C‑157/14, EU:C:2015:823, points 49 et 72).

( 36 ) Voir points 6, 8, 9 et 16 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2003) 424 final.

( 37 ) Voir considérants 23, 26 et 29 ainsi que articles 10 et suiv. du règlement no 1924/2006. Voir, également, points 1 et 29 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2003) 424 final.

( 38 ) À cet égard, voir, notamment, la jurisprudence citée à la note en bas de page 13 des présentes conclusions, ainsi que Nihoul, P., et Van Nieuwenhuyze, E., « Allégations nutritionnelles et de santé: quelques stratégies juridiques utilisées par les entreprises pour échapper à la réglementation », Revue européenne de droit de la consommation, 2014, no 1, p. 65 à 80.

( 39 ) Même s’ils forment un groupe hétérogène, dont le niveau d’expertise est variable.

( 40 ) La doctrine qu’Innova Vital cite dans ses observations évoque aussi en ce sens l’article 13, paragraphe 1, sous ii), du règlement no 1924/2006, étant rappelé que cet article concerne uniquement les « [a]llégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles » (souligné par mes soins).

( 41 ) Il peut être observé qu’en l’occurrence, le courrier adressé par Innova Vital donne aux médecins l’argumentaire qu’ils pourront utiliser auprès de leurs patients, en insistant sur le fait que, selon cette société, le complément alimentaire qu’elle commercialise présenterait des effets bénéfiques pour la santé et sa consommation serait peu onéreuse.

( 42 ) La décision de renvoi indique que certains membres de la doctrine allemande objectent aussi que « [l]’importance croissante des questions de santé dans l’alimentation a entraîné un besoin accru d’informations et d’échanges chez les professionnels ».


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-19/15
Date de la décision : 18/02/2016
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht München I.

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Règlement (CE) no 1924/2006 – Allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires – Article 1er, paragraphe 2 – Champ d’application – Denrées alimentaires destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final – Allégations formulées dans une communication à caractère commercial adressée exclusivement à des professionnels de santé.

Rapprochement des législations

Protection des consommateurs

Santé publique


Parties
Demandeurs : Verband Sozialer Wettbewerb eV
Défendeurs : Innova Vital GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:103

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