ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
20 janvier 2016 ( *1 )
«Fonction publique — Agent contractuel — Rémunération — Indemnité de dépaysement — Conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut — Résidence habituelle antérieurement à l’entrée en fonctions — Période d’études suivie d’un stage et de contrats de travail successifs dans l’État du lieu d’affectation — Volonté présumée de l’agent concerné de déplacer le centre permanent de ses intérêts dès le début de ses études dans l’État du lieu d’affectation — Absence»
Dans l’affaire F‑61/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Alessandro Proia, agent contractuel de l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr et Mme F. Simonetti, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),
composé de MM. K. Bradley, président, H. Kreppel (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 avril 2015, M. Proia demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 25 septembre 2014 lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »).
Cadre juridique
2 Aux termes de l’article 4 de l’annexe VII du statut :
« 1. L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :
a) [a]u fonctionnaire :
— qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, et
— qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération.
[…] »
3 L’article 21 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « RAA ») prévoit :
« Les dispositions des articles 1er, 2, 3 et 4 de l’annexe VII du statut concernant les modalités d’attribution des allocations familiales et de l’indemnité de dépaysement sont applicables par analogie [aux agents temporaires]. »
4 L’article 92 du RAA énonce :
« Les articles 19 à 27 [du RAA] s’appliquent par analogie [aux agents contractuels] […]. »
Faits à l’origine du litige
5 Le requérant, de nationalité italienne, a effectué toute sa scolarité en Italie. Il a ensuite obtenu son diplôme de licence en sciences économiques et gestion commerciale le 23 avril 2008 à l’université de Palerme (Italie).
6 Le 28 mai 2008, le requérant a envoyé sa candidature à la Vrije Universiteit Brussel (Université néerlandophone libre de Bruxelles, Belgique, ci‑après la « VUB ») en vue de compléter sa formation universitaire par une maîtrise en gestion et technologie.
7 Du 2 juin au 11 juillet 2008, le requérant a effectué un stage à Bruxelles auprès d’un membre du Parlement européen. Pendant la durée de ce stage, le requérant sous‑louait une chambre dans un appartement occupé en colocation situé à Saint‑Gilles (Belgique).
8 Le 16 juillet 2008, le requérant a signé en tant que locataire entrant un contrat de cession de bail portant sur la chambre qu’il avait sous‑louée pendant son stage au Parlement à Bruxelles et prenant effet le 15 septembre 2008. Le requérant est ensuite reparti en Italie.
9 À la fin du mois d’août 2008, le requérant est revenu à Bruxelles afin d’accomplir les formalités administratives requises avant le début des cours à la VUB le 22 septembre suivant.
10 Le 16 septembre 2008, en réponse à un courriel envoyé par le requérant treize jours plus tôt, le service des inscriptions de la VUB a informé celui‑ci que le comité d’admission avait bien reçu sa candidature, mais qu’il n’avait pas encore examiné son dossier.
11 Le même jour, le requérant a introduit une demande d’attestation d’enregistrement de citoyen de l’Union européenne, conformément à l’article 50, paragraphe 1, premier alinéa, de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (Moniteur belge du 27 octobre 1981, p. 13740) dans sa rédaction alors en vigueur, auprès de l’administration communale de son lieu de résidence, en l’occurrence la commune de Saint‑Gilles. Il a alors été
inscrit au registre d’attente des citoyens de l’Union européenne ayant introduit une demande d’attestation d’enregistrement de la commune de Saint‑Gilles.
12 Le 2 octobre 2008, l’université de Palerme a délivré une attestation relative à l’obtention, par le requérant, d’un diplôme de licence en sciences économiques et gestion commerciale. Cette attestation a été authentifiée le lendemain par la préfecture de Palerme.
13 Le 9 octobre 2008, le requérant a été inscrit au registre des étrangers de la commune de Saint‑Gilles.
14 Par courrier du 13 octobre 2008, la VUB a informé le requérant que sa candidature avait été retenue pour l’année académique 2008/2009 et que le délai d’inscription courait jusqu’au 31 octobre 2008. Le requérant s’est alors inscrit à la VUB, où il a été officiellement admis le 27 octobre 2008, et y a étudié jusqu’au mois de juin 2009.
15 Le 3 octobre 2009, le requérant a signé, cette fois en tant que locataire sortant, un contrat de cession de bail relatif à la chambre dont il était alors locataire à Saint‑Gilles.
16 Du 1er septembre 2009 au 18 juin 2010, le requérant a étudié au Collège d’Europe à Bruges (Belgique), où il occupait une chambre d’étudiant.
17 Le 11 mai 2010, le requérant s’est inscrit comme demandeur d’emploi sur le site Internet de Pôle emploi, établissement public français chargé du service public de l’emploi en France.
18 À la fin du mois de juin 2010, après l’obtention de son diplôme de maîtrise, le requérant a quitté sa chambre d’étudiant à Bruges. Après un bref séjour à Nice (France) où résidait sa compagne, il s’est rendu à Palerme le 6 juillet 2010.
19 Le 27 juillet 2010, alors qu’il se trouvait à Palerme, le requérant a reçu un courrier du Comité des régions de l’Union européenne lui proposant un stage de cinq mois auprès du cabinet du président du Comité des régions à Bruxelles, offre qu’il a acceptée.
20 Le 27 août 2010, le requérant a signé avec sa compagne un contrat de bail portant sur un appartement à usage de résidence principale situé à Bruxelles. Ce bail, conclu à Bruxelles pour une durée de neuf années, a pris effet le 1er septembre 2010.
21 Du 16 septembre 2010 au 15 février 2011, le requérant a effectué le stage au Comité des régions. Il a ensuite été sans emploi jusqu’au 31 mai 2011.
22 Du 1er juin 2011 au 30 avril 2013, le requérant a travaillé auprès du Conseil des communes et régions d’Europe, dont le siège est situé à Bruxelles, en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée.
23 Du 1er mai 2013 au 31 août 2014, dans le cadre du volontariat international en entreprise prévu par le code du service national français, le requérant a exercé une mission auprès de l’antenne bruxelloise de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe, en vertu de deux contrats d’engagement à durée déterminée successifs (ci‑après le « volontariat »).
24 Le 1er septembre 2014, le requérant est entré au service de l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises en tant qu’agent contractuel.
25 Par un courrier daté du 25 septembre 2014, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission a communiqué au requérant le détail de ses droits pécuniaires en tant qu’agent contractuel. Aux termes de cette lettre, après fixation du lieu d’origine à Bruxelles, le requérant était reconnu bénéficiaire de l’indemnité d’expatriation au taux de 4 %. En revanche, le bénéfice de l’indemnité de dépaysement au sens de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut ne lui
était pas reconnu (ci‑après la « décision attaquée »).
26 Le 10 octobre 2014, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision attaquée.
27 Par un courrier du 12 janvier 2015, notifié au requérant le lendemain, le directeur faisant fonction de la direction « Affaires juridiques, communication et relations avec les parties prenantes » de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC »), a rejeté la réclamation du requérant, au motif, en substance, que celui‑ci avait eu sa résidence habituelle en Belgique pendant toute
la période de référence visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut (ci‑après la « période de référence »), à savoir, selon l’AHCC, du 1er octobre 2008 au 28 février 2014.
Conclusions des parties et procédure
28 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision attaquée ;
— condamner la Commission aux dépens.
29 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner le requérant aux dépens.
30 Par courrier du 10 septembre 2015, le Tribunal a prié la Commission de lui fournir un document dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, ce que la Commission a fait dans le délai imparti.
En droit
31 À l’appui de son recours, le requérant soutient, à titre principal, que la Commission a méconnu l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il avait sa résidence habituelle en Belgique durant toute la période de référence. À titre subsidiaire, le requérant fait valoir que la Commission a également violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et commis une erreur manifeste d’appréciation en
considérant que le volontariat qu’il avait effectué ne s’apparentait pas à des services effectués pour l’État français.
32 Le Tribunal n’examinera que le moyen soulevé à titre principal, celui‑ci étant, en tout état de cause et pour les motifs énoncés ci‑après, fondé.
Arguments des parties
33 Le requérant fait valoir qu’il n’a pas déplacé le centre permanent ou durable de ses intérêts en Belgique pendant toute la période de référence.
34 Tout d’abord, avant l’acceptation du dossier du requérant par la VUB le 13 octobre 2008, les seuls liens du requérant avec la Belgique se seraient limités à l’occupation d’une chambre d’étudiant dans un appartement en colocation situé à Saint‑Gilles, une demande d’enregistrement au registre des étrangers de cette commune et une candidature en cours d’examen auprès de la VUB. En outre, le requérant était toujours enregistré auprès de la commune de Palerme à cette époque et, dès lors que son
admission à la VUB demeurait incertaine, sa présence à Bruxelles aurait revêtu un caractère conditionnel. Il serait d’ailleurs rentré à Palerme à la fin du mois de septembre 2008 dans la perspective éventuelle d’y poursuivre ses études. Ces éléments objectifs démontreraient l’absence d’intégration du requérant en Belgique au début de la période de référence, soit du 1er au 13 octobre 2008.
35 S’agissant, ensuite, de sa période d’études à la VUB et à Bruges ainsi que de sa période de stage au Comité des régions, le requérant indique qu’il est rentré en Italie en juin 2009 et y est resté jusque fin août 2009, ce qui démontrerait que l’ensemble de ses liens sociaux et affectifs se trouvaient encore dans cet État à ce moment. De même, le 17 juin 2010, le requérant serait retourné en Italie avec tous ses effets personnels. Un tel déménagement témoignerait d’une rupture totale de tout lien
avec la Belgique. Le requérant souligne également le caractère temporaire et précaire du logement qu’il occupait à Bruxelles puis à Bruges.
36 Par ailleurs, au cours de ses études en Belgique, le requérant aurait envoyé de nombreuses candidatures pour des postes à l’étranger. Le requérant n’aurait accepté d’effectuer un stage de cinq mois auprès du Comité des régions à Bruxelles qu’en raison de l’absence d’offres d’emploi alternatives, notamment en France où vivait sa compagne. Pendant son stage au Comité des régions, le requérant aurait également envoyé des candidatures pour divers postes à l’étranger, notamment à Paris (France), à
Washington DC (États‑Unis) et au Royaume‑Uni.
37 En ce qui concerne, enfin, sa période d’activité professionnelle en Belgique postérieure à son stage au Comité des régions, le requérant souligne qu’il a continué à postuler à des offres emplois à l’étranger au cours de cette période. En particulier, le 18 décembre 2013, il aurait passé un entretien pour un poste d’analyste au sein de l’Organisation de coopération et de développement économique à Paris. Ces nombreuses candidatures démontreraient que, malgré la signature du bail d’habitation avec
sa compagne pour un appartement situé à Bruxelles, avec effet au 1er septembre 2010, le requérant n’aurait pas eu la volonté de conférer un caractère stable et pérenne à sa résidence en Belgique. Une telle conclusion serait également corroborée par la décision du requérant de démissionner de son poste auprès du Conseil des communes et régions d’Europe courant 2013 et de renoncer ainsi à un contrat de travail à durée indéterminée pour accepter une mission à durée déterminée dans le cadre du
volontariat.
38 La Commission rétorque que le requérant doit être considéré comme ayant eu sa résidence habituelle en Belgique avant le 1er octobre 2008, date du début de la période de référence qu’elle a retenue, et qu’il a maintenu celle‑ci en Belgique pendant toute ladite période de référence.
39 S’agissant, tout d’abord, de la situation du requérant au début de la période de référence retenue par l’AHCC dans sa décision de rejet de la réclamation, soit entre le 1er et le 13 octobre 2008, la Commission soutient que le requérant avait déjà établi sa résidence habituelle en Belgique avant cette période. En effet, le requérant sous‑louait une chambre à Bruxelles depuis le 2 juin 2008 et avait conclu un contrat de cession de bail portant sur le même logement avec effet au 15 septembre
suivant, malgré l’incertitude entourant la réponse de la VUB quant à son admission en maîtrise. À cet égard, la Commission relève que le contrat de cession de bail en cause ne contenait aucune condition suspensive relative à l’acceptation de la candidature du requérant par la VUB ou par une autre université bruxelloise.
40 Par ailleurs, l’affirmation du requérant selon laquelle il serait rentré en Italie à la fin du mois de septembre 2008 dans la perspective de poursuivre des études en Italie ne serait corroborée par aucun document probant. En tout état de cause, une telle absence sporadique et de très brève durée ne saurait suffire, selon la Commission, à faire perdre à la résidence du requérant à Bruxelles son caractère habituel au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.
41 En ce qui concerne le reste de la période de référence telle que retenue par l’AHCC, c’est‑à‑dire du 13 octobre 2008 au 28 février 2014, la Commission observe que, pendant toute cette période, le requérant a occupé divers logements en Belgique et y a établi le centre de ses intérêts. Le séjour à Bruxelles au cours de cette période, motivé par un stage puis par des contrats de travail successifs, formerait ainsi un ensemble avec les études du requérant et démontrerait la volonté de celui‑ci de
nouer des liens avec la Belgique. Cette volonté serait corroborée par le fait que le requérant a emménagé avec sa compagne à Bruxelles au mois de septembre 2010.
42 Selon la Commission, ni le fait que la compagne du requérant ait résidé en France, ni les absences sporadiques du requérant pour de courts séjours en France ou en Italie (principalement entre le mois de juin 2009 et le mois d’août 2009 ainsi qu’entre le 17 juin 2010 et le 4 septembre 2010) ne seraient de nature à renverser la présomption d’un déplacement du centre de ses intérêts de l’Italie vers la Belgique. À cet égard, la Commission relève que les déménagements au mois de juin 2010 vers
l’Italie et au mois de septembre 2010 vers Bruxelles, mis en avant par le requérant, ne sont étayés par aucun document probant.
43 La Commission observe encore que, conformément à la jurisprudence, les candidatures envoyées par le requérant pour des postes à l’étranger ne sauraient démontrer que le requérant n’avait pas sa résidence habituelle en Belgique.
Appréciation du Tribunal
44 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut doit être interprété comme retenant pour critère, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle du fonctionnaire ou de l’agent concerné antérieurement à son entrée en fonctions (voir arrêt du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission,F‑33/09, EU:F:2010:18, point 39). À cet égard, la résidence habituelle est le lieu où le fonctionnaire ou l’agent
concerné a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu’aux fins de la détermination de la résidence habituelle il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle‑ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (voir arrêts du 15 mars 2011, Mioni/Commission,F‑28/10, EU:F:2011:23, point 22, et du 18 juin 2015, Pondichie/Commission,F‑50/14, EU:F:2015:62, point 34).
45 Il ressort également de la jurisprudence que le fonctionnaire ou l’agent concerné perd le bénéfice de l’indemnité de dépaysement uniquement si c’est durant la totalité de la période de référence qu’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays de son affectation, étant entendu que des absences sporadiques et de brève durée ne sauraient être considérées comme suffisantes pour faire perdre à la résidence du requérant dans l’État d’affectation son
caractère habituel (arrêt du 18 juin 2015, Pondichie/Commission,F‑50/14, EU:F:2015:62, point 35, et la jurisprudence citée).
46 En l’espèce, il y a lieu de relever qu’au cours de la période de référence telle que retenue par l’AHCC dans la décision de rejet de la réclamation, qui s’étend du 1er octobre 2008 au 28 février 2014, le requérant a, tout d’abord, séjourné en Belgique en tant qu’étudiant. Il a ainsi étudié une année à la VUB, du mois d’octobre 2008 au mois de juin 2009, avant d’être admis au Collège d’Europe à Bruges où il a suivi une seconde maîtrise entre le mois de septembre 2009 et le mois de juin 2010.
47 Ensuite, après être retourné en Italie pendant les vacances d’été de l’année 2010, le requérant est revenu en Belgique afin d’y accomplir un stage au Comité des régions du 16 septembre 2010 au 15 février 2011. Il n’est pas contesté que, dès le 1er septembre 2010, avant le début de ce stage, le requérant a occupé avec sa compagne un appartement situé à Bruxelles, loué en vertu d’un contrat de bail de résidence principale conclu pour une durée de neuf ans. Il n’est pas davantage contesté que, à
l’issue de ce stage au Comité des régions, le requérant est resté à Bruxelles et y a poursuivi sa carrière professionnelle jusqu’à la date d’introduction de la requête.
48 Ainsi, en l’espèce, la période de référence se décompose essentiellement en deux périodes distinctes, à savoir une période d’études en Belgique puis une période d’activité professionnelle en Belgique, étant entendu qu’entre la première et la seconde de ces périodes le requérant, qui n’avait plus aucun logement en Belgique, est rentré en Italie, dans son pays d’origine.
49 S’agissant de la période d’études en Belgique, il est de jurisprudence constante que le seul fait de résider dans un pays afin de compléter des études universitaires, par définition temporaires, ne permet pas de présumer l’existence d’une volonté de déplacer le centre permanent de ses intérêts dans ce pays (arrêts du 4 décembre 2008, Blais/BCE,F‑6/08, EU:F:2008:160, point 90 ; du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission,F‑33/09, EU:F:2010:18, point 45, et du 15 mars 2011, Mioni/Commission,F‑28/10,
EU:F:2011:23, point 31).
50 Certes, il n’est pas exclu qu’un séjour en tant qu’étudiant constitue une résidence habituelle dans ce même pays à la condition que, pris en considération avec d’autres faits pertinents, il démontre l’existence de liens sociaux et professionnels durables de la personne concernée avec le pays en question (voir arrêt du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission,F‑33/09, EU:F:2010:18, point 45). Dans ce contexte, il a été jugé que, dans le cas d’une période d’études suivie d’une période de stage et/ou
d’emploi dans le même État, la présence continue de l’intéressé peut créer la présomption, certes susceptible d’être renversée, d’une volonté de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts, et ainsi sa résidence habituelle, vers cet État (voir arrêts du 15 mars 2011, Mioni/Commission,F‑28/10, EU:F:2011:23, point 32, et du 18 juin 2015, Pondichie/Commission,F‑50/14, EU:F:2015:62, point 39).
51 Toutefois, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure qu’une telle présomption s’est formée en l’espèce.
52 En effet, premièrement, le requérant a occupé successivement deux logements temporaires et précaires pendant la période de ses études en Belgique.
53 Ainsi, il a d’abord loué une simple chambre d’étudiant dans un appartement occupé en colocation à Bruxelles pendant ses études à la VUB, en vertu d’un contrat de bail de résidence secondaire. S’il est vrai qu’il a conclu le contrat de bail en cause quelques semaines avant son admission à la VUB le 13 octobre 2008, sans avoir de certitude quant à cette admission, une telle démarche peut aisément s’expliquer par la situation du marché immobilier à Bruxelles et la difficulté pour un étudiant de
trouver un logement après le début de l’année académique. Par ailleurs, l’absence, dans le contrat de bail, d’une clause suspensive liée à l’acceptation du dossier du requérant par la VUB n’est pas déterminante dès lors que, comme la Commission l’a reconnu à l’audience, l’insertion d’une telle clause, même si elle avait été demandée par le requérant, n’aurait très probablement pas été acceptée par le bailleur.
54 Ensuite, le requérant a cédé son bail de résidence secondaire le 3 octobre 2009, peu après avoir emménagé dans une chambre d’étudiant au Collège d’Europe à Bruges au mois de septembre 2009. Comme le requérant l’a confirmé à l’audience, sa chambre se situait dans une résidence réservée aux étudiants du Collège d’Europe pendant leur année de maîtrise.
55 Deuxièmement, il n’est pas contesté que, à l’issue de son année de maîtrise au Collège d’Europe à Bruges, au mois de juin 2010, le requérant n’avait plus aucun logement en Belgique. Il s’est rendu chez sa compagne en France avant de rentrer en Italie, comme le démontrent des billets pour des trajets en bateau datés, respectivement, du mois de juillet pour un voyage vers Palerme, et du mois d’août 2010 pour un voyage vers Gênes (Italie), dont la force probante n’a pas été davantage remise en cause
par la Commission. À cet égard, la Commission ne saurait valablement soutenir que le requérant n’a pas démontré avoir déménagé tous ses effets personnels au mois de juin 2010. En effet, il ne ressort nullement du dossier que, en tant qu’étudiant ayant occupé pendant ses études au Collège d’Europe à Bruges une simple chambre meublée dans une résidence d’étudiants, il aurait possédé des effets personnels de nature à nécessiter la location d’un véhicule utilitaire ou le recours à une entreprise de
déménagement spécialisée dont il aurait pu conserver une facture.
56 Par ailleurs, s’il est vrai que l’absence de Belgique du requérant aux mois de juillet et août 2010 a été de courte durée, la circonstance qu’il n’avait plus aucun logement en Belgique à l’issue de son année universitaire au Collège d’Europe et celle qu’il n’avait, de surcroît, aucune perspective concrète de stage ou d’emploi dans ce pays lors de son départ en juin 2010 se concilient mal avec une absence de Belgique revêtant un caractère purement sporadique, comme le soutient la Commission (voir,
s’agissant de l’absence de logement, arrêts du 27 septembre 2006, Koistinen/Commission,T‑259/04, EU:T:2006:279, points 42 à 44, et du 18 juin 2015, Pondichie/Commission,F‑50/14, EU:F:2015:62, point 45).
57 Troisièmement, il n’est pas davantage contesté que, au cours de ses études en Belgique, le requérant a envoyé de nombreuses candidatures pour des postes à l’étranger. En particulier, le requérant s’est inscrit sur le site Internet de l’établissement public français Pôle emploi dans la perspective de trouver un travail en France, où vivait alors sa compagne.
58 À la lumière de ces éléments, le Tribunal considère que le requérant n’avait pas la volonté de déplacer le centre de ses intérêts de l’Italie vers la Belgique au cours de la période de ses études en Belgique, c’est‑à‑dire du mois d’octobre 2008 au mois de juin 2010.
59 Certes, comme le fait observer la Commission, il a déjà été jugé que l’envoi de candidatures pour des postes à l’étranger au cours de la période de référence ne suffit pas pour démontrer la volonté de l’intéressé de déplacer le centre permanent de ses intérêts, dès lors qu’un tel argument accorderait une importance excessive, sinon exclusive, à l’élément intentionnel de la notion de résidence habituelle, en ignorant son aspect matériel (voir arrêt du 18 juin 2015, Pondichie/Commission,F‑50/14,
EU:F:2015:62, point 38). Toutefois, un tel argument ne saurait prospérer, dès lors qu’il repose sur la prémisse erronée selon laquelle, lors de ses études en Belgique, le requérant avait déplacé le centre permanent ou stable de ses intérêts de l’Italie vers la Belgique, ce qui n’est pas le cas.
60 Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que, au cours des études universitaires du requérant en Belgique, du mois d’octobre 2008 au mois de juin 2010, aucune présomption de l’existence d’une volonté de déplacer le centre permanent de ses intérêts de l’Italie vers ce pays ne s’est formée. Partant, il ne saurait être valablement considéré que le requérant a eu sa résidence habituelle en Belgique tout au long de la période de référence.
61 À cet égard, l’argument de la Commission selon lequel, dans le cas d’une période d’études dans le pays d’affectation suivie d’une période de stage ou d’activité professionnelle également dans le pays d’affectation, la volonté de l’intéressé de déplacer le centre permanent de ses intérêts dans ce pays pendant la période d’études ne saurait être appréciée qu’a posteriori, à la lumière des faits et des circonstances qui se sont produits à l’issue de cette période d’études, ne peut qu’être rejeté. En
effet, une telle approche reviendrait à ignorer les éléments de fait caractérisant la situation du requérant pendant ses études elles‑mêmes. Ainsi, la circonstance que le requérant aurait effectivement eu sa résidence habituelle en Belgique à partir du mois de septembre 2010 ne permet nullement, en soi, de conclure rétroactivement au déplacement du centre permanent des intérêts du requérant dès la première partie de la période de référence, c’est‑à‑dire entre le mois d’octobre 2008 et le mois
d’août 2010.
62 Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le recours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen soulevé par le requérant à titre subsidiaire. Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.
Sur les dépens
63 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux
dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
64 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne du 25 septembre 2014 refusant d’accorder à M. Proia le bénéfice de l’indemnité de dépaysement au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne est annulée.
2) La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Proia.
Bradley
Kreppel
Rofes i Pujol
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 janvier 2016.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
K. Bradley
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( *1 ) Langue de procédure : le français.