ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
14 janvier 2016 ( * )
«Renvoi préjudiciel — Directive 92/43/CEE — Article 6, paragraphes 2 à 4 — Inscription d’un site sur la liste de zones d’importance communautaire après l’autorisation d’un projet, mais avant le début de l’exécution de celui-ci — Examen du projet postérieurement à l’inscription du site sur ladite liste — Exigences relatives à cet examen — Conséquences de l’achèvement du projet pour le choix des alternatives»
Dans l’affaire C‑399/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 6 mars 2014, parvenue à la Cour le 18 août 2014, dans la procédure
Grüne Liga Sachsen eV e.a.
contre
Freistaat Sachsen,
en présence de:
Landeshauptstadt Dresden,
Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 juin 2015,
considérant les observations présentées:
— pour Grüne Liga Sachsen eV e.a., par Me M. Gellermann, Rechtsanwalt,
— pour le Freistaat Sachsen, par Me F. Fellenberg, Rechtsanwalt,
— pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et G. Wilms, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 septembre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive ‘habitats’»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Grüne Liga Sachsen eV (ci-après «Grüne Liga Sachsen») e.a. au Freistaat Sachsen (Land de Saxe) au sujet d’une décision d’approbation des plans prise par les autorités de ce dernier pour la construction d’un pont sur l’Elbe à Dresde (Allemagne).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le premier considérant de la directive «habitats» prévoit:
«[...] la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, y compris la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, constituent un objectif essentiel, d’intérêt général poursuivi par la Communauté comme prévu à l’article [191 TFUE]».
4 Le troisième considérant de cette directive se lit comme suit:
«[...] le but principal de la présente directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle contribue à l’objectif général, d’un développement durable; [...] le maintien de cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines».
5 L’article 1er de la directive «habitats» dispose:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
[...]
k) site d’importance communautaire [ci-après ‘SIC’]: un site qui, dans la ou les régions biogéographiques auxquelles il appartient, contribue de manière significative à maintenir ou à rétablir un type d’habitat naturel de l’annexe I ou une espèce de l’annexe II dans un état de conservation favorable et peut aussi contribuer de manière significative à la cohérence de ‘Natura 2000’ visé à l’article 3, et/ou contribue de manière significative au maintien de la diversité biologique dans la ou les
régions biogéographiques concernées.
[...]
l) zone spéciale de conservation: un [SIC] désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné;
[...]»
6 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:
«Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé ‘Natura 2000’, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.
[...]»
7 L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive «habitats» dispose que les États membres proposent la liste des sites mentionnés à cette disposition sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 1) de cette directive et des informations scientifiques pertinentes.
8 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de ladite directive, la liste des sites proposés doit être transmise à la Commission européenne, dans les trois ans suivant la notification de la même directive, en même temps que les informations relatives à chaque site.
9 Selon l’article 4, paragraphe 2, de la directive «habitats», la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des SIC, à partir des listes des États membres, faisant apparaître les sites qui abritent un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires.
10 L’article 4, paragraphe 5, de la directive «habitats» est libellé comme suit:
«Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2, troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4.»
11 L’article 6 de cette directive énonce:
«1. Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.
2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.
3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.
4. Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.
Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»
Le droit allemand
12 L’article 80 du code de procédure administrative (Verwaltungsgerichtsordnung) prévoit:
«(1) L’opposition et le recours en annulation ont un effet suspensif. [...]
(2) Ils n’ont pas d’effet suspensif uniquement
[...]
3. dans les autres cas prévus par le droit fédéral ou, pour le droit régional, par une loi régionale [...]
[...]
(5) La juridiction saisie au fond peut, sur demande, ordonner l’effet suspensif total ou partiel dans les cas prévus au paragraphe 2, points 1 à 3, [...]
[...]»
13 L’article 39 de la loi du Land de Saxe sur les routes (Sächsisches Straßengesetz), intitulé «Approbation des plans», énonce, à son paragraphe 10:
«Le recours contre la décision d’approbation des plans [...] n’a pas d’effet suspensif.»
14 L’article 22b, paragraphes 1 à 3, de la loi du Land de Saxe sur la protection de la nature (Sächsisches Naturschutzgesetz) dans sa version du 11 octobre 1994, lequel transpose l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», prévoit en substance que, avant toute autorisation ou mise en œuvre d’un projet, il convient de procéder à une évaluation appropriée de ses incidences sur les SIC ou les sites européens de protection des oiseaux eu égard aux objectifs de conservation de ces sites.
S’il résulte de l’évaluation des incidences sur un site visé à l’article 1er, première phrase, de cette loi que le projet est susceptible de porter des atteintes graves à ce site dans ses éléments essentiels nécessaires aux objectifs de conservation ou aux objectifs de protection, le projet est interdit. Par dérogation, un tel projet ne peut être autorisé ou mis en œuvre que s’il est nécessaire pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique et s’il
n’existe pas d’autre solution satisfaisante qui permettrait d’atteindre le résultat escompté par le projet sur un autre site en ne provoquant aucune atteinte ou des atteintes moins graves.
15 À son chapitre 3.3, le «Guide d’application des dispositions relatives à la constitution et à la protection du réseau écologique européen Natura 2000» («Arbeitshilfe zur Anwendung der Vorschriften zum Aufbau und Schutz des Europäischen ökologischen Netzes Natura 2000»), que les autorités saxonnes compétentes en la matière sont obligées de respecter en vertu de l’arrêté no 61-8830.10/6 du ministre de l’Agriculture et de l’Environnement du Land de Saxe, du 27 mars 2003, indique:
16 Par l’arrêté no 62-8830.10-6, du 12 mai 2003, le ministre de l’Agriculture et de l’Environnement du Land de Saxe a déclaré que les objectifs de conservation provisoires des SIC proposés conformément à la directive «habitats» établis par le service du Land de Saxe chargé de l’environnement et de la géologie (Sächsisches Landesamt für Umwelt und Geologie) avaient un caractère obligatoire. Cet arrêté, qui s’adressait notamment à l’autorité chargée de l’approbation des plans de construction du pont
dit «Waldschlößchenbrücke», précise:
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Le 25 février 2004, le présidium gouvernemental de Dresde (Regierungspräsidium Dresden), désormais la direction régionale de Dresde (Landesdirektion Dresden), qui est une autorité de la défenderesse au principal, a approuvé les plans pour la construction du pont routier Waldschlößchenbrücke enjambant les prairies du bord de l’Elbe (Elbauen) et l’Elbe au niveau du centre-ville de Dresde.
18 La décision portant approbation desdits plans, qui était immédiatement exécutoire, reposait sur une étude de l’impact sur la flore, la faune et l’habitat du mois de janvier 2003 relative aux incidences du projet de construction dudit pont sur les objectifs de protection et de conservation du site dit «vallée de l’Elbe entre Schöna et Mühlberg» («Elbtal zwischen Schöna und Mühlberg»).
19 En procédant à cette étude, laquelle avait conclu à l’absence d’incidences négatives importantes ou durables du projet de construction en cause au principal sur les objectifs de préservation dudit site, l’autorité compétente visait à se fonder sur les exigences de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats». Selon les éléments fournis par la juridiction de renvoi, ladite étude ne satisfaisait toutefois pas auxdites exigences, mais représentait uniquement une évaluation
préliminaire des dangers.
20 Le 15 avril 2004, Grüne Liga Sachsen, qui est une association de protection de la nature habilitée à ester en justice, a formé un recours en annulation contre la décision d’approbation des plans du 25 février 2004, lequel, en vertu de l’article 80, paragraphe 2, point 3, du code de procédure administrative, lu en combinaison avec l’article 39 de la loi du Land de Saxe sur les routes, était dépourvu d’effet suspensif. Parallèlement à ce recours, Grüne Liga Sachsen a présenté une demande de mesures
provisoires sur la base de l’article 80, paragraphe 5, du code de procédure administrative aux fins d’empêcher le début des travaux.
21 Au cours du mois de décembre 2004, la Commission a inscrit le site vallée de l’Elbe entre Schöna et Mühlberg en tant que SIC sur la liste prévue à l’article 4 de la directive «habitats».
22 Par un règlement du 19 octobre 2006, le présidium gouvernemental de Dresde a déclaré ledit site, à l’exception de la partie des prairies du bord de l’Elbe située au centre-ville de Dresde, zone spéciale de conservation des oiseaux ou de leurs habitats.
23 Les travaux du pont routier Waldschlößchenbrücke ont commencé au mois de novembre 2007 après que, par décision du 12 novembre 2007, le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe) a définitivement rejeté la demande de mesures provisoires présentée par Grüne Liga Sachsen.
24 Par une décision complémentaire et modificative du 14 octobre 2008, la direction régionale de Dresde a procédé à une nouvelle appréciation limitée des effets induits par le projet en cause au principal, l’objectif de celle-ci étant de vérifier, dans un premier temps, si ce projet était susceptible d’affecter le site concerné de manière significative au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» et, dans un deuxième temps, si les conditions d’une dérogation au titre du
paragraphe 4 du même article étaient remplies en ce qui concerne les incidences négatives identifiées relatives à certains habitats et à certaines espèces. Cette appréciation a eu pour résultat l’autorisation dudit projet par la procédure dérogatoire prévue à l’article 6, paragraphe 4, de cette directive moyennant des mesures supplémentaires.
25 Par un arrêt du 15 décembre 2011, le Sächsisches Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur du Land de Saxe) a rejeté le recours en annulation du 15 avril 2004 de Grüne Liga Sachsen.
26 Ladite association s’est pourvue devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale).
27 Au cours de l’année 2013, les travaux de construction dudit pont ont été achevés. Ce dernier a été ouvert au trafic cette même année.
28 La juridiction de renvoi estime en substance que le jugement de l’affaire dont elle est saisie suppose au préalable de répondre à la question de savoir sous quelles conditions un projet qui a été autorisé avant l’inscription du site concerné sur la liste des SIC doit faire l’objet d’un réexamen a posteriori de ses incidences, conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», et quels critères il convient alors d’appliquer. Elle explique que ces précisions lui sont nécessaires
afin de vérifier la légalité de la procédure complémentaire effectuée au cours de l’année 2008.
29 Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 6, paragraphe 2, de la directive ‘habitats’ doit-il être interprété en ce sens qu’un projet de construction d’un pont, qui ne sert pas directement à la gestion d’un site et qui a été autorisé avant l’inscription de ce site sur la liste des SIC, doit faire l’objet d’un réexamen de ses incidences préalablement à son exécution si le site a fait l’objet d’une inscription sur cette liste après l’octroi de l’autorisation mais avant le début de l’exécution du projet et qu’il n’a été
procédé avant l’octroi de l’autorisation qu’à une évaluation des dangers/à un examen préliminaire?
2) En cas de réponse affirmative à la première question:
L’autorité nationale est-elle tenue de se conformer aux prescriptions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive ‘habitats’ lors du réexamen a posteriori si elle souhaitait se fonder, à titre préventif, sur ces prescriptions lors de l’évaluation des dangers/l’examen préliminaire précédant l’octroi de l’autorisation?
3) En cas de réponse affirmative à la première question et de réponse négative à la deuxième question:
Quelles sont les exigences à imposer en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive ‘habitats’ au réexamen a posteriori d’une autorisation délivrée pour un projet et à quelle date doit se référer ce contrôle?
4) Doit-on tenir compte, par des modifications correspondantes des exigences de contrôle, dans le cadre d’une procédure complémentaire visant à remédier à une erreur constatée d’un réexamen a posteriori en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive ‘habitats’ ou d’une évaluation des incidences en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive, du fait que l’ouvrage pouvait être construit et mis en service parce que la décision d’approbation des plans était directement
exécutoire, qu’une demande de mesures provisoires avait été rejetée et que la décision de rejet n’était plus susceptible de recours? Cela vaut-il en tout cas pour un examen des alternatives, nécessaire a posteriori, dans le cadre d’une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive ‘habitats’?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
30 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» doit être interprété en ce sens qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site et qui a été autorisé, à la suite d’une étude ne répondant pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, avant l’inscription du site en cause sur la liste des SIC, doit faire l’objet, par les autorités compétentes, d’un examen a
posteriori de ses incidences sur ce site préalablement à son exécution.
31 Pour donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de vérifier, dans un premier temps, si l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» est applicable aux faits au principal. Dans un deuxième temps, il y a lieu d’examiner s’il peut y avoir obligation, sur la base de cette disposition, de procéder à un examen a posteriori des incidences sur le site concerné d’un projet comme celui en cause au principal.
32 Selon l’article 4, paragraphe 5, de la directive «habitats», tel qu’interprété par la Cour, les mesures de protection prévues à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette directive ne s’imposent qu’en ce qui concerne les sites qui, conformément à l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de ladite directive, sont inscrits sur la liste des sites sélectionnés comme SIC arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21 de la même directive (arrêts Dragaggi e.a., C‑117/03,
EU:C:2005:16, point 25, ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a., C‑244/05, EU:C:2006:579, point 36).
33 La Cour a cependant jugé que, même si un projet a été autorisé avant que le régime de protection prévu par la directive «habitats» ne devienne applicable au site en cause et que, dès lors, un tel projet n’était pas soumis aux prescriptions portant sur la procédure d’évaluation préalable selon l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, son exécution tombe néanmoins sous le couvert de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts Stadt Papenburg, C‑226/08,
EU:C:2010:10, points 48 et 49, ainsi que Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, points 124 et 125).
34 En l’occurrence, il résulte de la chronologie des faits au principal que la construction du pont Waldschlößchenbrücke s’est déroulée entre les années 2007 et 2013, à savoir après l’inscription du site concerné sur la liste des SIC au mois de décembre 2004. Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 32 et 33 du présent arrêt, il convient de déduire que l’exécution de ce projet relève, après cette inscription, de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».
35 S’agissant de la question de savoir si l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» impose une obligation de réexamen des incidences d’un plan ou d’un projet, tel que celui en cause au principal, qui a été approuvé avant l’inscription du site concerné sur la liste des SIC, sur la base d’une étude préliminaire des dangers non conforme aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, il y a lieu de constater qu’une telle obligation ne saurait être déduite sans équivoque du
libellé dudit article 6, paragraphe 2.
36 En effet, à la différence de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», lequel instaure, de par son libellé, une procédure visant à garantir, à l’aide d’un contrôle préalable, qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, ne soit autorisé que pour autant qu’il ne porte pas atteinte à l’intégrité de ce site (voir, en ce sens, arrêt Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 28
ainsi que jurisprudence citée), l’article 6, paragraphe 2, de cette directive ne prévoit pas expressément des mesures précises de protection telles qu’une obligation d’examiner ou de réexaminer les incidences d’un plan ou d’un projet sur les habitats naturels et les espèces.
37 Cette disposition fixe une obligation de protection générale visant à la prise de mesures de protection appropriées pour éviter une détérioration ainsi que des perturbations qui pourraient avoir des effets significatifs au regard des objectifs de cette directive (voir, en ce sens, arrêts Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, EU:C:2004:482, point 38; Commission/Italie, C‑304/05, EU:C:2007:532, point 92, ainsi que Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 33). Ainsi que l’a
relevé Mme l’avocat général au point 43 de ses conclusions, cette obligation a un caractère permanent.
38 S’agissant des projets qui ne répondent pas aux exigences découlant de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», la Cour a d’ores et déjà jugé qu’une obligation de contrôle a posteriori des incidences des plans ou des projets existants sur le site concerné peut être fondée sur l’article 6, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Royaume-Uni, C‑6/04, EU:C:2005:626, points 57 et 58).
39 Toutefois, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 48 et 49 de ses conclusions, il ne peut pas y avoir une obligation absolue de procéder à un tel contrôle a posteriori.
40 En effet, les termes «mesures appropriées» contenus à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» impliquent que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation lors de l’application de cette disposition.
41 Il convient toutefois de rappeler qu’une activité n’est conforme à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» que s’il est garanti qu’elle n’engendre aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de cette directive, en particulier les objectifs de conservation poursuivis par celle-ci (arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 126 et jurisprudence citée).
42 La Cour a également jugé que l’existence même d’une probabilité ou d’un risque qu’une activité économique sur un site protégé provoque des perturbations significatives pour une espèce est de nature à constituer une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», sans qu’une relation de cause à effet entre cette activité et la perturbation significative causée à l’espèce protégée doive être prouvée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142
et jurisprudence citée).
43 Par conséquent, l’exécution d’un projet susceptible d’affecter le site concerné de manière significative et non soumis, avant d’être autorisé, à une évaluation conforme aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» ne saurait être poursuivie, après l’inscription de ce site sur la liste des SIC, qu’à la condition que soient exclus la probabilité ou le risque de détérioration des habitats ou de perturbations touchant les espèces, susceptibles d’avoir un effet significatif
eu égard aux objectifs de cette directive.
44 Lorsqu’une telle probabilité ou un tel risque sont susceptibles de se manifester parce qu’il n’a pas été procédé, en guise de «mesure appropriée» au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», à un examen a posteriori des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site concerné sur la base des meilleures connaissances scientifiques, l’obligation de protection générale dont il est fait mention au point 37 du présent arrêt se traduit par une obligation d’effectuer cet examen.
45 Il incombe au juge national de vérifier, sur la base des éléments dont il dispose et qu’il est seul à même d’apprécier, si une nouvelle évaluation d’un plan ou d’un projet susceptible d’affecter un SIC constitue la seule mesure appropriée, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», pour éviter la probabilité ou le risque de détérioration des habitats ou de perturbations touchant les espèces, susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de cette
directive.
46 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» doit être interprété en ce sens qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site et qui a été autorisé, à la suite d’une étude ne répondant pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, avant l’inscription du site en cause sur la liste des SIC, doit faire l’objet, par les autorités compétentes,
d’un examen a posteriori de ses incidences sur ce site si cet examen constitue la seule mesure appropriée pour éviter que l’exécution dudit plan ou projet n’entraîne une détérioration ou des perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de cette directive. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont remplies.
Sur la troisième question
47 Par sa troisième question, qu’il convient de traiter en deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, à quelles exigences doit répondre un examen a posteriori effectué en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» et portant sur les incidences sur le site concerné d’un plan ou d’un projet dont l’exécution a débuté après l’inscription de ce site sur la liste des SIC. La juridiction de renvoi se demande également à quelle date doit se référer cet examen.
48 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» intègre le principe de précaution et permet de prévenir de manière efficace les atteintes à l’intégrité des sites protégés dues aux plans ou aux projets envisagés. Un critère d’autorisation moins strict ne saurait garantir de manière aussi efficace la réalisation de l’objectif de protection des sites à laquelle tend ladite disposition (arrêt Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 26 ainsi que
jurisprudence citée).
49 Selon une jurisprudence constante, l’évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site concerné devant être effectuée en vertu dudit article 6, paragraphe 3, implique que doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet en cause pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site (voir, en ce sens, arrêts
Commission/France, C‑241/08, EU:C:2010:114, point 69; Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 99, ainsi que Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a., C‑43/10, EU:C:2012:560, points 112 et 113).
50 L’évaluation effectuée au titre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» ne saurait dès lors comporter des lacunes et doit contenir des constatations et des conclusions complètes, précises et définitives, de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux qui sont envisagés sur le site protégé concerné (arrêt Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 27).
51 En revanche, le libellé de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» ne définit aucun critère particulier pour la mise en œuvre des mesures à prendre sur le fondement de cette disposition.
52 Toutefois, il y a lieu de relever que les dispositions de l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive «habitats» doivent être interprétées comme un ensemble cohérent au regard des objectifs de conservation visés par cette directive et que ces dispositions visent à assurer un même niveau de protection des habitats naturels et des habitats des espèces (voir, en ce sens, arrêts Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 32, ainsi que Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 19).
53 Lorsque l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» fonde une obligation de procéder à un examen a posteriori des incidences sur le site concerné d’un plan ou d’un projet, un tel examen doit mettre l’autorité compétente en mesure de garantir que l’exécution dudit plan ou dudit projet n’entraînera pas une détérioration ou des perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de cette directive.
54 Dès lors, si un examen a posteriori, sur la base de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», devait s’avérer, en l’occurrence, comme une «mesure appropriée» au sens de cette disposition, cet examen doit définir de façon détaillée quels risques de détérioration ou de perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif au sens de ladite disposition entraîne l’exécution du plan ou du projet concerné et être effectué conformément aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette
directive.
55 Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il ne saurait être exclu qu’un État membre, par analogie avec la procédure dérogatoire prévue à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats», invoque des raisons impératives d’intérêt public majeur et puisse, s’il est en substance satisfait aux conditions prescrites par cette disposition, autoriser un plan ou un projet qui aurait, autrement, pu être considéré interdit par le paragraphe 2 du même article (voir,
en ce sens, arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 156).
56 Or, un examen répondant aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» est nécessaire dans tous les cas où, par analogie avec ledit article 6, paragraphe 4, un projet incompatible avec les objectifs de conservation du site concerné doit être exécuté pour des raisons impératives d’intérêt public majeur (voir, en ce sens, arrêt Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a., C‑43/10, EU:C:2012:560, point 114).
57 En effet, ledit article 6, paragraphe 4, ne trouve à s’appliquer qu’après l’analyse des incidences d’un plan ou d’un projet conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats». Ainsi, la connaissance de ces incidences au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question constitue un préalable indispensable à l’application de l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition d’application de cette disposition
dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables requièrent en effet une mise en balance par rapport aux atteintes portées au site par le plan ou le projet considéré. En outre, afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes audit site doivent être identifiées avec précision (arrêt Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 74).
58 S’agissant de la date à laquelle doit se référer un examen a posteriori, tel que celui mentionné au point 54 du présent arrêt, il convient de rappeler que, selon l’article 4, paragraphe 5, de la directive «habitats», un site n’est protégé en vertu de cette directive qu’à compter de la date à laquelle il a été inscrit sur la liste des SIC.
59 Dès lors, toute mesure prise sur la base de l’article 6, paragraphe 2, de cette directive ne peut se rapporter à une date qui remonte à une période à laquelle le site concerné n’était pas sur la liste des SIC.
60 Par ailleurs, l’objectif de cette disposition ne serait atteint que de manière incomplète si une telle mesure reposait sur un état de conservation des habitats et des espèces faisant abstraction ou occultant des éléments ayant provoqué ou susceptibles de continuer à provoquer une détérioration ou des perturbations significatives après la date de l’inscription du site concerné sur ladite liste.
61 Il s’ensuit qu’une procédure d’examen a posteriori d’un plan ou d’un projet susceptible d’affecter le site concerné de manière significative, devenue nécessaire en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», doit tenir compte de tous les éléments existant à la date de l’inscription de ce site sur la liste des SIC ainsi que de toutes les incidences intervenues ou susceptibles d’intervenir à la suite de l’exécution partielle ou totale de ce plan ou de ce projet sur ledit site
après cette date.
62 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» doit être interprété en ce sens que si, dans des circonstances telles que celles au principal, un examen a posteriori des incidences sur le site concerné d’un plan ou d’un projet dont l’exécution a débuté après l’inscription de ce site sur la liste des SIC s’avère nécessaire, cet examen doit être effectué conformément aux exigences de l’article 6,
paragraphe 3, de cette directive. Un tel examen doit tenir compte de tous les éléments existant à la date de cette inscription ainsi que de toutes les incidences intervenues ou susceptibles d’intervenir à la suite de l’exécution partielle ou totale de ce plan ou de ce projet sur ledit site après cette date.
Sur la deuxième question
63 Compte tenu de la réponse apportée à la troisième question, dont il résulte que, pour ce qui est d’un examen a posteriori tel que celui dans l’affaire au principal, l’autorité administrative compétente est liée par les exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question posée.
Sur la quatrième question
64 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si la directive «habitats» doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’est réalisé un nouvel examen des incidences sur le site concerné afin de remédier à des erreurs constatées concernant l’évaluation préalable effectuée avant l’inscription de ce site sur la liste des SIC ou concernant l’examen a posteriori en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», alors que le plan ou le projet a déjà
été exécuté, les exigences d’un contrôle fait dans le cadre d’un tel examen peuvent être modifiées en raison du fait que la décision d’approbation de ce plan ou de ce projet était directement exécutoire, qu’une demande de mesures provisoires avait été rejetée et que cette décision de rejet n’était plus susceptible de recours.
65 Cette juridiction souhaite également savoir si l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» doit être interprété en ce sens que les exigences du contrôle effectué dans le cadre de l’examen des solutions alternatives peuvent être modifiées du fait que le plan ou le projet a déjà été exécuté.
66 Ainsi qu’il ressort des motifs de la décision de renvoi, la juridiction de renvoi considère que s’il n’était pas possible de tenir compte, dans un examen postérieur des alternatives, du fait que le pont en cause au principal a déjà été construit sur la base d’une autorisation, l’exécution immédiate de la décision d’approbation de cet ouvrage entraînerait non seulement un risque incalculable, qui n’a apparemment pas été souhaité par le législateur, pour ledit ouvrage et son promoteur, mais il ne
serait pas pleinement tenu compte des conséquences économiques et écologiques liées à une réalisation a posteriori d’une alternative. La juridiction de renvoi se demande donc s’il est loisible d’intégrer également dans l’examen des alternatives les coûts, les incidences écologiques, en particulier sur les habitats et les espèces protégés au titre de la directive «habitats», ainsi que les conséquences économiques liés à la suppression d’un ouvrage dont la construction a déjà été permise et mise en
œuvre.
67 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que cela ressort du point 54 du présent arrêt, qu’un examen a posteriori fondé sur l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» doit répondre aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats».
68 Ces exigences ne sauraient être modifiées du seul fait que l’ouvrage en cause a été construit en vertu d’une décision d’approbation directement exécutoire en vertu du droit national ou du fait qu’une demande de mesures provisoires aux fins d’empêcher le début des travaux ainsi autorisés avait été rejetée et que cette décision de rejet n’était plus susceptible de recours.
69 En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général en substance au point 64 de ses conclusions, et compte tenu de l’objectif de conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, tel que rappelé au premier considérant de la directive «habitats», l’effet utile de cette dernière serait compromis si des règles de procédure internes pouvaient servir à réduire la nécessité de se conformer aux exigences de cette directive.
70 Ainsi que le fait valoir la Commission, un nouvel examen des incidences sur le site concerné d’un plan ou d’un projet déjà exécuté doit prendre en compte l’hypothèse selon laquelle les risques de détérioration ou de perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», se seraient déjà produits en raison de la réalisation de l’ouvrage en question. De plus, cet examen doit permettre d’établir si de tels risques sont susceptibles
de se concrétiser si l’exploitation de cet ouvrage continue.
71 S’il résulte d’un tel nouvel examen que la construction ou la mise en service du pont en cause au principal a déjà entraîné ou risque d’entraîner une détérioration ou des perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la directive «habitats», il reste cependant la possibilité, évoquée aux points 55 à 59 du présent arrêt, d’appliquer par analogie l’article 6, paragraphe 4, de cette directive.
72 Conformément à cette dernière disposition, dans l’hypothèse où, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation effectuée conformément à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats», un plan ou un projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et lorsqu’il n’existe pas de solutions alternatives, l’État membre concerné prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la
cohérence globale de Natura 2000 soit protégée (arrêt Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 72 ainsi que jurisprudence citée).
73 Cependant, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» doit, en tant que disposition dérogatoire au critère d’autorisation énoncé à la seconde phrase du paragraphe 3 dudit article, faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 73 ainsi que jurisprudence citée).
74 S’agissant, en l’occurrence, de l’examen des solutions alternatives dans le cadre d’une application par analogie de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats», il convient de relever que la recherche d’une alternative ne saurait faire abstraction ni d’une éventuelle détérioration et des perturbations induites par la construction et la mise en service de l’ouvrage en cause ni des éventuels avantages que celui-ci comporte. Ainsi, l’examen des solutions alternatives requiert que soient
mises en balance les conséquences environnementales du maintien ou de la limitation de l’usage de l’ouvrage en cause, y compris sa fermeture, voire même de sa démolition, d’une part, et les intérêts publics majeurs qui ont conduit à sa construction, d’autre part.
75 Pour ce qui est des mesures susceptibles d’être prises en compte dans le cadre de l’examen des alternatives, y compris la possibilité de la démolition d’un ouvrage tel que celui en cause au principal, il y a lieu de relever que si une mesure devait entraîner des risques de détérioration ou de perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», une telle mesure serait, ainsi que l’a fait valoir la Commission lors de
l’audience, contraire à l’objectif de cette disposition et ne pourrait donc être considérée comme une solution alternative au sens de l’article 6, paragraphe 4, de cette directive.
76 Cela étant, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 69 de ses conclusions, si une mise en balance des intérêts et des priorités conduit à la conclusion qu’il y a lieu de démolir l’ouvrage déjà réalisé, toute proposition de démolition doit être considérée, à l’instar de la proposition originaire de construire cet ouvrage, comme étant un «plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative», au sens de
l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», laquelle doit être soumise à l’évaluation requise par cette disposition avant de pouvoir être réalisée.
77 En ce qui concerne le coût économique des mesures susceptibles d’être prises en compte dans le cadre de l’examen des alternatives, y compris la démolition de l’ouvrage déjà réalisé, tel qu’invoqué par la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever, à l’instar de Mme l’avocat général au point 70 de ses conclusions, que celui-ci ne revêt pas une importance équivalente à l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages poursuivi par la directive «habitats».
Ainsi, compte tenu de l’interprétation stricte de l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, telle que rappelée au point 73 du présent arrêt, il ne saurait être admis que le seul coût économique de telles mesures puisse être déterminant pour le choix des solutions alternatives en vertu de cette disposition.
78 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question:
— la directive «habitats» doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’est réalisé un nouvel examen des incidences sur un site afin de remédier à des erreurs constatées concernant l’évaluation préalable effectuée avant l’inscription de ce site sur la liste des SIC ou concernant l’examen a posteriori en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», alors que le plan ou le projet a déjà été exécuté, les exigences d’un contrôle fait dans le cadre d’un tel examen ne peuvent pas être
modifiées en raison du fait que la décision d’approbation de ce plan ou de ce projet était directement exécutoire, qu’une demande de mesures provisoires avait été rejetée et que cette décision de rejet n’était plus susceptible de recours. De plus, ledit examen doit prendre en compte les risques de détérioration ou de perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif, au sens dudit article 6, paragraphe 2, qui sont éventuellement intervenus du fait de la réalisation du plan ou du projet
en cause,
— l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» doit être interprété en ce sens que les exigences du contrôle effectué dans le cadre de l’examen des solutions alternatives ne peuvent pas être modifiées du fait que le plan ou le projet a déjà été exécuté.
Sur les dépens
79 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
1) L’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, doit être interprété en ce sens qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site et qui a été autorisé, à la suite d’une étude ne répondant pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive, avant l’inscription du site en cause sur la liste des sites d’importance
communautaire, doit faire l’objet, par les autorités compétentes, d’un examen a posteriori de ses incidences sur ce site si cet examen constitue la seule mesure appropriée pour éviter que l’exécution dudit plan ou projet n’entraîne une détérioration ou des perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de cette directive. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont remplies.
2) L’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43 doit être interprété en ce sens que si, dans des circonstances telles que celles au principal, un examen a posteriori des incidences sur le site concerné d’un plan ou d’un projet dont l’exécution a débuté après l’inscription de ce site sur la liste des sites d’importance communautaire s’avère nécessaire, cet examen doit être effectué conformément aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive. Un tel examen doit tenir compte de
tous les éléments existant à la date de cette inscription ainsi que de toutes les incidences intervenues ou susceptibles d’intervenir à la suite de l’exécution partielle ou totale de ce plan ou de ce projet sur ledit site après cette date.
3) La directive 92/43 doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’est réalisé un nouvel examen des incidences sur un site afin de remédier à des erreurs constatées concernant l’évaluation préalable effectuée avant l’inscription de ce site sur la liste des sites d’importance communautaire ou concernant l’examen a posteriori en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, alors que le plan ou le projet a déjà été exécuté, les exigences d’un contrôle fait dans le cadre d’un tel examen
ne peuvent pas être modifiées en raison du fait que la décision d’approbation de ce plan ou de ce projet était directement exécutoire, qu’une demande de mesures provisoires avait été rejetée et que cette décision de rejet n’était plus susceptible de recours. De plus, ledit examen doit prendre en compte les risques de détérioration ou de perturbations susceptibles d’avoir un effet significatif, au sens dudit article 6, paragraphe 2, qui sont éventuellement intervenus du fait de la réalisation du
plan ou du projet en cause.
L’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43 doit être interprété en ce sens que les exigences du contrôle effectué dans le cadre de l’examen des solutions alternatives ne peuvent pas être modifiées du fait que le plan ou le projet a déjà été exécuté.
Signatures
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( * ) Langue de procédure: l’allemand.