ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
14 janvier 2016 ( * )
«Manquement d’État — Article 343 TFUE — Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne — Article 3 — Exonérations fiscales — Région de Bruxelles‑Capitale — Contributions sur la fourniture d’électricité et de gaz»
Dans l’affaire C‑163/14,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 avril 2014,
Commission européenne, représentée par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et I. Martínez del Peral, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par MM. J.‑C. Halleux, S. Vanrie et T. Materne, en qualité d’agents, assistés de Mes G. Block, D. Remy et H. Delahaije, avocats,
partie défenderesse,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Šváby, A. Rosas, E. Juhász (rapporteur) et C. Vajda, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2015,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juillet 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’accordant pas aux institutions de l’Union européenne l’exonération des contributions établies par l’article 26 de l’ordonnance relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles‑Capitale, ainsi que par l’article 20 de l’ordonnance relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles‑Capitale, telles que modifiées, et en s’opposant au remboursement desdites contributions ainsi
perçues par la Région de Bruxelles-Capitale (ci‑après les «contributions litigieuses»), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé initialement au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 13), puis, en vertu du traité de Lisbonne, en tant que protocole no 7, annexé aux traités
UE, FUE et CEEA (ci‑après le «protocole»).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 En vertu de l’article 28, premier alinéa, du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, puis, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de l’article 343 TFUE, l’Union jouit sur le territoire des États membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de sa mission dans les conditions définies au protocole.
3 L’article 3 du protocole dispose:
«L’Union, ses avoirs, revenus et autres biens sont exonérés de tous impôts directs.
Les gouvernements des États membres prennent, chaque fois qu’il leur est possible, les dispositions appropriées en vue de la remise ou du remboursement du montant des droits indirects et des taxes à la vente entrant dans les prix des biens immobiliers ou mobiliers lorsque l’Union effectue pour son usage officiel des achats importants dont le prix comprend des droits et taxes de cette nature. Toutefois, l’application de ces dispositions ne doit pas avoir pour effet de fausser la concurrence à
l’intérieur de l’Union.
Aucune exonération n’est accordée en ce qui concerne les impôts, taxes et droits qui ne constituent que la simple rémunération de services d’utilité générale.»
Le droit belge
4 La rédaction initiale de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles‑Capitale, entrée en vigueur le 1er janvier 2003 (Moniteur belge du 17 novembre 2001, p. 39135, ci‑après l’«ordonnance ‘électricité’»), prévoyait, à son article 26:
«§ 1er La détention d’une autorisation de fourniture délivrée sur la base de l’article 21 donne lieu à la perception mensuelle d’un droit à charge de la personne physique ou morale bénéficiant de l’autorisation, ci‑après dénommée le redevable.
§ 2 Le droit est dû au 1er janvier de l’exercice. Il est payable pour le 31 mars de l’exercice.
§ 3 Le droit est calculé sur la base de la puissance tenue à disposition des clients finals éligibles, au moyen de réseaux, branchements et lignes directes de 70 kV et moins, sur des sites de consommation situés en Région de Bruxelles‑Capitale. Pour les clients haute tension, la puissance tenue à disposition est la puissance de raccordement. Celle-ci est égale à la puissance maximale, exprimée en kVa, mise à disposition en vertu du contrat de raccordement. À défaut de mention dans le contrat de
raccordement ou en cas de dépassement de la puissance prélevée par rapport à la puissance maximale mise à disposition en vertu du contrat de raccordement, la puissance de raccordement est égale à la puissance maximale, exprimée en kVa, prélevée au cours des trente-six mois précédents, multipliée par un facteur 1,2.
Pour les clients basse tension, la puissance tenue à disposition est la puissance déterminée en fonction du calibre de leurs protections, exprimée en kVa. Le tableau de la correspondance entre les intensités nominales des protections et puissances figure en annexe à la présente ordonnance.
§ 4 Le droit à percevoir mensuellement est fixé à 0,67 euro par kVa pour la haute tension.
Il est fixé pour la basse tension selon le barème suivant:
1° Puissance mise à disposition inférieure ou égale à 1,44 kVa: 0,00 euro;
2° Puissance mise à disposition comprise entre:
1,44 et 6,00 kVa: 0,60 euro
6,01 et 9,60 kVa: 0,96 euro
9,61 et 12,00 kVa: 1,20 euro
12,01 et 36,00 kVa: 2,40 euros
36,01 et 56,00 kVa: 4,80 euros
56,01 et 100,00 kVa: 7,80 euros.
Ce montant est adapté annuellement à l’indice des prix à la consommation du Royaume. [...]
§ 5 Le gouvernement détermine les mesures d’exécution du présent article. Il peut notamment imposer au gestionnaire du réseau de distribution, au gestionnaire du réseau de transport régional et aux utilisateurs de lignes directes de lui fournir les données utiles à la perception du droit.
Le gouvernement peut charger le gestionnaire du réseau de distribution d’adresser aux redevables une invitation à s’acquitter du droit. L’invitation comprend notamment l’indication de l’exercice, la base de calcul, le taux, l’échéance de paiement et la manière d’acquitter le droit. Toutefois, l’envoi ou le défaut d’envoi de cette invitation ne préjudicie en rien aux droits et obligations des redevables.
§ 6 Le droit est recouvré et poursuivi suivant les règles prévues au Chapitre VI de l’ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d’immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles. Le délai de paiement du droit est toutefois fixé conformément au paragraphe 3 du présent article.
§ 7 Le produit du droit est affecté au gestionnaire du réseau de distribution en vue de la couverture du coût des missions de service public visées à l’article 24. [disposition modifiée ultérieurement, avec l’élargissement des personnes auxquelles est affecté le produit du droit et l’indication de la répartition de ce produit]
§ 8 Le droit est dû à partir du mois de janvier 2004.
§ 9 Les coûts liés aux missions de service public visées à l’article 24 et qui excèdent le montant des droits perçus en vertu du présent article, sont à charge du gestionnaire de réseau de distribution, au titre de coûts d’exploitation. La répercussion de ces coûts dans les tarifs est réglée par la législation fédérale.
[...]»
5 L’article 26 de l’ordonnance «électricité» a été modifié à plusieurs reprises, en dernier lieu par l’ordonnance du 20 juillet 2011 (Moniteur belge du 10 août 2011) et par l’ordonnance du 21 décembre 2012 établissant la procédure fiscale en Région de Bruxelles‑Capitale (Moniteur belge du 8 février 2013). Actuellement, le paragraphe 2 de cet article est libellé comme suit:
«Le droit est dû au 1er de chaque mois. Il est payable pour le 15 du mois suivant. Le redevable est exonéré du droit pour la puissance tenue à disposition des clients pour leur réseau de transport ferroviaire, par tramway ou métro [...]»
6 À la suite de ces modifications, le barème des charges figurant au paragraphe 4 dudit article 26 a été légèrement réaménagé.
7 L’article 24 de l’ordonnance «électricité», auquel fait référence l’article 26, paragraphe 7, de cette dernière, énonce les missions de service public qui sont à la charge du gestionnaire du réseau et a la teneur suivante:
«Le gestionnaire du réseau de distribution est chargé des missions de service public définies aux points 1 à 5 ci‑dessous:
1° La mise à disposition d’une fourniture minimale ininterrompue d’électricité pour la consommation domestique, aux conditions définies par l’ordonnance du 11 juillet 1991.
2° La fourniture d’électricité à un tarif social spécifique aux personnes et dans les conditions définies par la législation fédérale.
3° Une action d’information, de démonstration, de mise à disposition d’équipements, de services et d’aide financière en vue de promouvoir l’utilisation rationnelle de l’électricité, au bénéfice de toutes les catégories de clients finals éligibles et non éligibles. Le gestionnaire du réseau de distribution établit à cette fin, en collaboration avec le service, un programme triennal d’utilisation rationnelle de l’électricité.
4° Le cas échéant, la reprise de l’électricité produite par voie de cogénération de qualité qui n’est ni autoconsommée ni fournie à des tiers, dans les limites de ses besoins propres.
5° a) La construction, l’entretien et le renouvellement des installations d’éclairage public sur les voiries et dans les espaces publics communaux, dans le respect des prérogatives des communes définies par l’article 135 de la nouvelle loi communale, selon un programme triennal établi de commun accord par chaque commune avec le gestionnaire du réseau de distribution;
b) L’alimentation de ces installations en électricité.
6° L’organisation d’un service d’ombudsman et une action d’information aux clients résidentiels en matière de prix et de conditions de la fourniture d’électricité.»
8 Les missions reprises ci‑dessus ont été modifiées ultérieurement, en dernier lieu par l’ordonnance du 20 juillet 2011 (Moniteur belge du 10 août 2011). Ces missions sont actuellement ainsi définies:
«Art. 24
§ 1er Le gestionnaire du réseau de distribution et les fournisseurs sont, chacun pour ce qui les concerne, chargés des obligations de service public définies aux points 1 à 2 ci‑dessous:
1° la mise à disposition d’une fourniture minimale ininterrompue d’électricité pour la consommation du ménage, aux conditions définies au Chapitre IV bis;
2° la fourniture d’électricité à un tarif social spécifique aux personnes et dans les conditions définies par la législation fédérale et au Chapitre IV bis;
§ 2 L’Institut est chargé des obligations de service public relatives à la promotion de l’utilisation rationnelle de l’électricité par des informations, des démonstrations et la mise à disposition d’équipements, des services et des aides financières au bénéfice de toutes les catégories de clients finals ainsi que des fournisseurs locaux qui couvrent tout ou partie des besoins de leurs clients au moyen d’une installation de production d’électricité sise à l’intérieur de l’aire géographique
restreinte et bien délimitée et raccordée en aval du comptage de tête du branchement commun et/ou du réseau privé dans lesquels ils fournissent […]
Art. 24 bis
Le gestionnaire du réseau de distribution est en outre chargé des missions de service public suivantes:
1° la reprise de l’électricité verte produite qui n’est ni autoconsommée ni fournie à des tiers, dans les limites de ses besoins propres;
2° une mission exclusive portant sur la construction, l’entretien et le renouvellement des installations d’éclairage public sur les voiries et dans les espaces publics communaux, dans le respect des prérogatives définies par l’article 135 de la Nouvelle Loi communale, selon un programme triennal établi de commun accord par chaque commune avec le gestionnaire du réseau de distribution ou suite à des demandes de travaux supplémentaires ainsi que l’alimentation de ces installations en électricité en
donnant la priorité aux installations de production qui utilisent des sources d’énergie renouvelables ou aux cogénérations de qualité, cette mission contient des objectifs d’amélioration d’efficacité énergétique et de gain de consommation. [...]
3° le rôle de fournisseur de dernier ressort et l’organisation d’un service de suivi auprès des clients qui lui sont transférés dans le cadre de ce rôle;
4° l’information des clients résidentiels et professionnels raccordés en basse tension en matière de prix et de conditions de raccordement et de fourniture;
5° la diffusion sur un serveur accessible via Internet des informations relatives aux différentes mesures d’accueil des clients résidentiels prises par le gestionnaire du réseau de distribution dans le cadre de sa mission en tant que fournisseur de dernier ressort;
6° la transmission, chaque année, à Brugel [régulateur bruxellois pour les marchés du gaz et de l’électricité] d’un rapport sur la qualité de l’accueil offert aux ménages dans le cadre de sa mission en tant que fournisseur de dernier ressort;
7° la transmission, chaque année, à Brugel d’un rapport relatif au programme des engagements par lesquels le gestionnaire du réseau de distribution garantit l’exclusion de toute pratique discriminatoire. Brugel communique ce rapport et son avis au gouvernement et le publie.
8° En cas de prélèvement d’électricité sur le réseau de distribution, la fourniture d’électricité pour des manifestations festives temporaires en voirie aux conditions techniques et financières précisées par ou en vertu du règlement technique du réseau.»
9 L’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er avril 2004 relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles‑Capitale, concernant des redevances de voiries en matière de gaz et d’électricité et portant modification de l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles‑Capitale (Moniteur belge du 26 avril 2004, p. 34281), prévoit l’imposition d’une contribution en matière de fourniture de gaz, payable à compter du
1er juillet 2004 (ci‑après l’«ordonnance ‘gaz’»). Dans sa rédaction initiale, l’article 20 de cette ordonnance disposait:
«Les coûts liés aux missions de service public visées à l’article 18 sont à charge du gestionnaire de réseau, au titre de coûts d’exploitation. La répercussion de ces coûts dans les tarifs est réglée par la législation fédérale.»
10 Ledit article 20 de l’ordonnance «gaz» a été abrogé par l’ordonnance du 20 juillet 2011 modifiant l’ordonnance «gaz» (Moniteur belge du 10 août 2011), et remplacé par l’article 20 septiesdecies, qui prévoit:
«§ 1er La détention d’une licence de fourniture délivrée sur la base de l’article 15 donne lieu à la perception mensuelle d’un droit à charge de la personne physique ou morale bénéficiant de ladite licence ci‑après dénommée le redevable.
§ 2 Le droit est dû au 1er de chaque mois. Il est payable pour le 15 du mois suivant.
§ 3 Sous réserve de ce qui est précisé à l’alinéa 2, le droit est calculé sur la base du calibre des compteurs exploités par le gestionnaire du réseau sur des sites de consommation situés en Région de Bruxelles‑Capitale, chez les clients finals. Le calibre du compteur est déterminé par le débit maximal de gaz spécifié en mètre cube par heure pour lequel le compteur a été conçu. Pour les clients finals équipés d’un compteur dont le calibre est de 6 ou 10 m3/h, le droit tient également compte de
la dernière consommation annuelle standardisée valide calculée conformément au MIG applicable en Région de Bruxelles‑Capitale.
§ 4 Le droit à percevoir mensuellement est fixé à:
1. 0,2 euro par compteur dont le calibre est de 6 ou 10 m3/h lorsque la dernière consommation annuelle standardisée calculée est inférieure ou égale à 5000 kWh;
2. 0,7 euro par compteur dont le calibre est de 6 ou 10 m3/h lorsque la dernière consommation annuelle standardisée calculée est supérieure à 5000 kWh;
3. 1,7 euro par compteur dont le calibre est de 16 m3/h;
4. 4,2 euros par compteur dont le calibre est de 25 m3/h;
5. 8,4 euros par compteur dont le calibre est de 40 m3/h;
6. 21 euros par compteur dont le calibre est de 65 m3/h;
7. 29,2 euros par compteur dont le calibre est de 100 m3/h;
8. 37,5 euros par compteur dont le calibre est de 160 m3/h;
9. 54,2 euros par compteur dont le calibre est supérieur à 160 m3/h.
Les montants ci-dessus sont adaptés annuellement à l’indice des prix à la consommation du Royaume. [...]
§ 5 Le gouvernement détermine les mesures d’exécution du présent article. Il peut notamment imposer au gestionnaire du réseau et aux utilisateurs de conduites directes de lui fournir les données utiles à la perception du droit.
Le gouvernement peut charger le gestionnaire du réseau d’adresser aux redevables une invitation à s’acquitter du droit. L’invitation comprend notamment l’indication de l’exercice, la base de calcul, le taux, l’échéance de paiement et la manière d’acquitter le droit. Toutefois, l’envoi ou le défaut d’envoi de cette invitation ne préjudicie en rien aux droits et obligations des redevables.
§ 6 Le droit est recouvré et poursuivi suivant les règles prévues aux articles [13 à 19], 22 et 23 de l’ordonnance établissant la procédure fiscale en Région de Bruxelles‑Capitale.
§ 7 Le produit du droit est affecté aux fonds visés respectivement aux points 15 et 16 de l’article 2 de l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires selon la répartition suivante:
1° 5 % au ‘Fonds de guidance énergétique’ [...];
2° 95 % au ‘Fonds relatif à la politique de l’énergie’.
§ 8 Le droit est dû à partir du mois de janvier 2012.»
11 Les missions de service public mises à charge du gestionnaire du réseau de gaz sont définies à l’article 18 de l’ordonnance «gaz», qui, dans sa rédaction initiale, disposait:
«Le gestionnaire du réseau est chargé des missions de service public suivantes:
1° la fourniture de gaz à un tarif social spécifique aux personnes et dans les conditions définies par la législation fédérale;
2° une mission de prévention et d’intervention en matière de coupure de gaz telle qu’organisée par l’ordonnance du 11 mars 1999;
3° une action de prévention aux fins de garantir une sécurité maximale lors de l’utilisation du gaz à des fins résidentielles;
4° l’organisation d’un service d’ombudsman et la délivrance d’informations en matière de prix et de conditions de la fourniture de gaz, au bénéfice des clients résidentiels;
5° une action d’information, de démonstration, de mise à disposition d’équipements, de services et d’aide financière en vue de promouvoir l’utilisation rationnelle du gaz, au bénéfice de toutes les catégories de clients finals, éligibles et non éligibles. Le gestionnaire du réseau de distribution établit à cette fin, en collaboration avec le Service, un programme triennal d’utilisation rationnelle du gaz.»
12 À compter du mois d’août 2011, ces missions de service public sont définies comme suit:
«Art. 18
Le gestionnaire du réseau et les fournisseurs sont, chacun pour ce qui les concerne, chargés des missions et obligations de service public définies aux points 1 à 3 ci‑dessous:
1° la mise à disposition d’une fourniture minimale ininterrompue de gaz pour la consommation du ménage, aux conditions définies au Chapitre V bis;
2° la fourniture de gaz à un tarif social spécifique aux personnes et dans les conditions définies par la législation fédérale et au Chapitre V bis;
3° un service gratuit de prévention des risques en matière d’utilisation du gaz naturel, au profit des ménages qui en font la demande. Le gouvernement arrête le contenu et les conditions d’exercice de cette mission.
Art. 18 bis
Le gestionnaire du réseau de distribution est en outre chargé des missions suivantes:
1° l’organisation d’un service de suivi de la relation avec le consommateur et la délivrance d’informations en matière de prix et de conditions de raccordement, au bénéfice des clients résidentiels;
2° la promotion de l’utilisation rationnelle du gaz par des informations, des démonstrations et la mise à disposition d’équipements, des services et des aides financières au bénéfice des communes et des autres clients finals.
[...]»
13 L’article 9 de l’arrêté royal du 29 février 2004 relatif à la structure tarifaire générale et aux principes de base et procédures en matière de tarifs et de comptabilité des gestionnaires des réseaux de distribution de gaz naturel actifs sur le territoire belge (Moniteur belge du 11 mars 2004) est ainsi libellé:
«Dans la facturation des tarifs sont intégrés les postes tarifaires liés aux impôts, prélèvements, surcharges, contributions et rétributions. Ces postes ne constituent pas des tarifs au sens des articles 3 à 8 du présent arrêté mais doivent être incorporés dans la facturation des utilisateurs du réseau. Ils comprennent, le cas échéant:
1° les surcharges, prélèvements ou rétributions en vue du financement des obligations de services public, au niveau desquelles une distinction est établie entre les mesures de nature sociale, les mesures en faveur de l’utilisation rationnelle de l’énergie et les mesures en faveur de l’utilisation de sources d’énergie renouvelables et d’installations de cogénération de qualité [...]»
14 L’article 1er de l’arrêté royal du 3 avril 2003 relatif aux factures de fourniture d’électricité et de gaz (Moniteur belge du 2 mai 2003) dispose:
«Les factures de régularisation après relevé du compteur de fourniture d’électricité adressées aux clients finals raccordés au réseau basse tension et de fourniture de gaz aux clients finals dont la consommation annuelle est inférieure ou égale à 60000 kWh doivent au moins comporter les informations suivantes:
[...]
10. le détail du calcul du montant à payer;
11. le tarif applicable à la transmission;
12. le tarif applicable à la distribution;
13. les prélèvements perçus par l’ensemble des pouvoirs publics en les globalisant selon des catégories;
[...]»
15 La loi fédérale du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité dispose, à son article 22 bis:
«§ l Une cotisation fédérale destinée à compenser la perte de revenus des communes résultant de la libéralisation du marché de l’électricité est instaurée chaque année sur la base suivante: [...]
[...]
§ 4 La cotisation visée aux paragraphes précédents est perçue par les gestionnaires du réseau de distribution.
Les gestionnaires du réseau de distribution peuvent, sous forme d’une surcharge sur les tarifs de raccordement du réseau de distribution concerné appliquée aux assujettis en fonction du point de prélèvement, répercuter la cotisation fédérale destinée à compenser la perte de revenus des communes résultant de la libéralisation du marché de l’électricité sur leurs clients, qui à leur tour, peuvent la facturer à leurs clients, jusqu’au moment où la surcharge est finalement facturée à celui qui a
consommé les MWh pour son usage propre.»
16 L’article 3 de l’arrêté ministériel du 13 mai 2005 portant exécution dudit article 22 bis (Moniteur belge du 18 mai 2005, p. 23450) prévoit:
«La cotisation fédérale visée à l’article 22 bis de la loi est facturée mensuellement aux clients finals par les fournisseurs de la façon suivante: [...]».
Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse
17 Depuis l’entrée en vigueur des ordonnances «électricité» et «gaz», Electrabel SA (ci-après «Electrabel»), fournisseur d’électricité et de gaz, facture aux institutions de l’Union établies à Bruxelles les contributions relatives à la fourniture d’électricité et de gaz, lesquelles, depuis le 1er juillet 2004, sont portées en compte distinctement sur les factures sous le titre «contributions régionales».
18 Dès le mois d’août 2004, les institutions de l’Union se sont interrogées sur la nature de ces contributions, de même que sur la nature des contributions fédérales, de contenu analogue, sur le gaz et l’électricité. Considérant que les contributions litigieuses avaient la nature d’impôts indirects, la Commission a, par lettre du 28 juillet 2005, demandé aux autorités fédérales belges ainsi qu’aux autorités de la Région de Bruxelles‑Capitale l’exonération et le remboursement des droits payés, et a
suspendu, à compter de cette date, le versement à Electrabel des contributions régionales et fédérales.
19 Par courriers du 3 mars 2006, du 20 décembre 2007 et du 18 avril 2008, les autorités fédérales ont accordé l’exonération demandée sur les contributions fédérales, estimant que celles-ci pouvaient être considérées comme constituant une taxe à la vente entrant dans le prix.
20 Au mois de septembre 2008, la Commission a toutefois payé les sommes correspondant aux contributions régionales et a continué par la suite à les payer afin d’éviter une coupure de la fourniture de la part d’Electrabel, tenue elle‑même de verser ces montants au gestionnaire du réseau, Sibelga, l’intercommunale gestionnaire unique des réseaux d’électricité et de gaz en Région de Bruxelles‑Capitale.
21 Par lettre du 3 janvier 2007, le ministre compétent de la Région de Bruxelles‑Capitale a répondu qu’il ne pouvait pas faire droit à la demande de la Commission du 28 juillet 2005, aux motifs que la contribution électricité constituait la contrepartie d’un service déterminé dont la Commission a bénéficié ou pouvait bénéficier et que l’ordonnance «électricité» ne soumettait la Commission à aucune obligation fiscale, puisque seuls les titulaires d’une autorisation de fourniture, à savoir en l’espèce
Electrabel, étaient visés par cette ordonnance.
22 Par lettre du 21 décembre 2007, le ministre compétent de la Région de Bruxelles‑Capitale a exposé les raisons pour lesquelles il ne partageait pas la position de la Commission selon laquelle la plupart des services visés à l’article 24 de l’ordonnance «électricité» n’étaient pas susceptibles d’être fournis à la Commission. Le ministre a renvoyé ensuite, quant à la nature de la contribution en cause, à l’arrêt Commission/Belgique (C‑437/04, EU:C:2007:178) et a souligné que, contrairement à la
contribution fédérale, la contribution prévue à l’article 26 de l’ordonnance «électricité» ne visait que les titulaires d’une autorisation de fourniture et qu’une répercussion contractuelle ou économique de la part de ceux‑ci sur leurs clients ne pouvait donner lieu à une exonération.
23 Le 27 juin 2008, la Commission a adressé une première lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, à laquelle ce dernier a répondu par courrier du 9 septembre 2008.
24 En réponse à une lettre du 10 novembre 2008 par laquelle la Commission a demandé formellement au ministre compétent de la Région de Bruxelles‑Capitale le remboursement des montants versés au titre des contributions litigieuses, ce dernier n’a donné aucune suite à cette demande, considérant qu’il s’agissait de relations contractuelles entre les institutions de l’Union et le fournisseur Electrabel.
25 Par suite de cette prise de position, la Commission a adressé aux autorités belges, le 15 avril 2009, une lettre de mise en demeure complémentaire, dans laquelle elle indiquait que l’application aux institutions de l’Union de l’article 26 de l’ordonnance «électricité» et de l’article 20 de l’ordonnance «gaz» violait l’immunité fiscale dont bénéficiaient les institutions au titre de l’article 3 du protocole. La Commission indiquait, en substance, que les contributions litigieuses constituaient des
impôts indirects et que leur répercussion sur les clients finals ne résultait nullement d’une clause contractuelle librement négociée avec les fournisseurs d’énergie. La Commission relevait également que ces contributions avaient la nature d’une taxe et non d’une rétribution, car elles ne remplissaient pas les conditions établies par la jurisprudence de la Cour pour être qualifiées de «rémunérations d’un service d’utilité générale», au sens de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole.
26 Par lettre du 10 juin 2009, le ministre compétent de la Région de Bruxelles‑Capitale a contesté cette analyse de la Commission, faisant valoir en substance que les buts poursuivis par les contributions en cause étaient le financement des missions de service public relatives à la politique en matière d’environnement, que les institutions de l’Union bénéficiaient ou étaient susceptibles de bénéficier de plusieurs des services visés par les ordonnances «électricité» et «gaz» et que les institutions
de l’Union n’étaient pas les redevables des contributions litigieuses, ces dernières étant simplement mises à leur charge au moyen de contrats qui les liaient aux fournisseurs d’électricité et de gaz.
27 Par courrier du 27 février 2012, la Commission a adressé au Royaume de Belgique un avis motivé au titre de l’article 258 TFUE, auquel les autorités belges ont répondu par courrier du 23 avril 2012, dans lequel elles ont réitéré leur position précédemment développée.
28 L’argumentation du Royaume de Belgique n’ayant pas emporté la conviction de la Commission, cette dernière a décidé de saisir la Cour.
29 Parallèlement à la procédure en constatation de manquement engagée devant la Cour, les institutions de l’Union ont entamé, à l’échelle nationale, une procédure administrative et judiciaire aux fins du remboursement des sommes correspondant aux contributions litigieuses qu’elles estiment indûment payées.
Sur le recours
Sur l’application de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole
Argumentation des parties
30 La Commission observe, en ce qui concerne la nature des contributions litigieuses, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit de l’Union incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification donnée en droit national (Bautiaa et Société française maritime, C‑197/94 et C‑252/94, EU:C:1996:47, point 39 et jurisprudence citée).
31 L’élément essentiel du caractère indirect d’un impôt serait que ce dernier soit perçu à l’occasion d’une dépense ou d’une consommation, tandis qu’un impôt direct serait appliqué sur le revenu ou la fortune. Or, le fait générateur des contributions litigieuses serait la simple détention d’une autorisation ou d’une licence de fourniture d’électricité et de gaz, ce qui ne présente aucun lien avec le patrimoine ou le revenu du fournisseur d’électricité ou du gestionnaire du réseau de gaz. Ce fait
générateur serait, en réalité, indissociablement lié à la consommation d’électricité ou de gaz, en fonction de la puissance tenue à disposition du client final. Cela serait d’ailleurs démontré par le fait que le montant de ces contributions est calculé sur la base de cette puissance.
32 Par conséquent, les contributions litigieuses constitueraient des droits indirects entrant dans les prix de la consommation d’électricité et de gaz facturés aux institutions de l’Union, au sens de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole. À cet égard, peu importerait qui est formellement qualifié de «redevable» d’une taxe en vue de la qualification de cette dernière. En outre, l’absence d’une obligation réglementaire de répercussion ne transformerait pas un impôt sur la consommation en un impôt
direct frappant le revenu ou la fortune.
33 La Commission fait valoir que les autres conditions d’application de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole sont en l’occurrence remplies. En effet, l’électricité et le gaz devraient être assimilés à des biens incorporels ayant fait l’objet d’achats importants par l’Union pour son usage officiel.
34 Le Royaume de Belgique considère que l’immunité fiscale prévue par le protocole vaut uniquement à l’égard des réglementations nationales qui «imposent» des taxes directes ou indirectes aux institutions de l’Union et que, en revanche, cette immunité n’est pas applicable lorsque des dispositions contractuelles répercutent sur ces institutions une charge librement négociée avec leur cocontractant.
35 En l’occurrence, l’ordonnance «électricité» désignerait comme redevable de la contribution électricité le détenteur d’une licence de fourniture et l’ordonnance «gaz» désignerait comme redevable de la contribution gaz le gestionnaire du réseau de distribution. Par conséquent, étant donné que les institutions de l’Union ne sont pas les redevables désignés, l’immunité fiscale prévue à l’article 3 du protocole ne pourrait leur être appliquée, d’autant qu’aucune disposition légale ou réglementaire
n’imposerait aux redevables désignés de répercuter par voie contractuelle les contributions litigieuses sur leurs clients. En outre, une quelconque situation du marché en fonction de laquelle tous les fournisseurs répercuteraient les contributions litigieuses sur leurs clients finals ne saurait pour autant générer une immunité fiscale au bénéfice des institutions de l’Union (arrêt Commission/Belgique, C‑437/04, EU:C:2007:178, points 53 et 58).
36 De l’avis du Royaume de Belgique, la répercussion éventuelle des contributions litigeuses n’est pas de nature à transformer celles-ci en impôts indirects à l’égard des institutions de l’Union, compte tenu de la présence d’une relation contractuelle entre ces dernières et leur fournisseur, laquelle suffit à démontrer que la qualification d’«impôt» au regard de ces institutions ne peut être suivie. Il importerait d’ailleurs peu que les contributions litigieuses soient qualifiées d’«impôts directs»
ou d’«impôts indirects», dès lors que le débiteur légal est expressément identifié comme étant le cocontractant des institutions de l’Union. Par conséquent, les contributions litigieuses n’entreraient pas dans le champ d’application de l’article 3 du protocole.
37 En outre, il conviendrait de ne pas effectuer de parallélisme entre les contributions litigieuses et la cotisation fédérale introduite par la loi fédérale du 29 avril 1999, dans la mesure où, à l’article 22 bis, paragraphe 4, de cette loi, les clients finals seraient expressément désignés en tant que contribuables de la cotisation fédérale.
Appréciation de la Cour
38 Il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que l’article 3 du protocole établit dans ses premier et deuxième alinéas deux régimes d’immunité différents, selon qu’il s’agit d’impôts directs ou indirects, et que cette différence de régime est essentielle aux fins d’apprécier la question de l’immunité (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, C‑437/04, EU:C:2007:178, points 36 à 38 ainsi que jurisprudence citée).
39 Il est constant que, en l’occurrence, les contributions litigieuses ne sont pas appliquées sur les revenus ou la fortune, au sens de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, C‑437/04, EU:C:2007:178, point 44). En outre, il convient de constater que les fournisseurs d’électricité et de gaz incluent les contributions litigieuses dans les factures relatives à ces fournitures adressées aux institutions de l’Union. Dès lors, ces contributions doivent être considérées
comme des droits indirects relevant de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole.
40 Ainsi, il y a lieu de souligner à cet égard que les conclusions auxquelles est parvenue la Cour dans l’arrêt Commission/Belgique (C‑437/04, EU:C:2007:178) ne sont pas transposables dans la présente affaire. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il s’agissait d’un impôt direct imposé aux titulaires de droits réels sur des immeubles, cet impôt étant répercuté contractuellement sur les institutions de l’Union en tant que locataires.
41 En ce qui concerne les conditions d’application de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole, il n’est pas contesté que la fourniture des institutions de l’Union établies en Région de Bruxelles‑Capitale en électricité et en gaz fasse l’objet d’achats importants utilisés pour l’usage officiel de ces institutions et indispensables pour leur fonctionnement régulier. Il ne résulte d’aucun élément du dossier soumis à la Cour que l’application de ces dispositions aurait pour effet de fausser la
concurrence.
42 De l’avis du Royaume de Belgique, même dans le cas où les contributions litigieuses devraient être qualifiées d’«impôts indirects», l’article 3, deuxième alinéa, du protocole ne serait pas applicable, étant donné que, conformément à la réglementation nationale en cause, les institutions de l’Union ne sont pas désignées comme redevables de ces contributions.
43 À cet égard, il convient de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 59 et 60 de ses conclusions, qu’il ne résulte pas de la lettre de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole que l’Union doive être désignée par la réglementation nationale comme étant le redevable des droits indirects, en l’occurrence des contributions litigieuses, pour que l’immunité prévue à cette disposition soit applicable. En effet, cette disposition exige seulement que ces droits indirects «entr[ent]
dans les prix des biens immobiliers» ou mobiliers et que ces prix «compren[nent]» de tels droits.
44 Par ailleurs, il convient d’observer que, par exemple, dans le système de la taxe sur la valeur ajoutée, dans lequel l’article 3, deuxième alinéa, du protocole est fréquemment appliqué, ce n’est pas le consommateur final, en règle générale, mais le fournisseur de biens ou le prestataire de services qui est désigné comme assujetti.
45 Dès lors, aux fins de l’application de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole, ne constitue pas une condition que les institutions de l’Union soient désignées comme redevables par la réglementation nationale en cause.
46 Le Royaume de Belgique fait valoir, en outre, que l’immunité prévue à l’article 3, deuxième alinéa, du protocole ne s’applique que si l’impôt indirect en cause est répercuté, en vertu de la réglementation nationale applicable, sur les institutions de l’Union.
47 Une telle condition ne figure pas non plus dans le libellé de la disposition considérée.
48 Il ressort, toutefois, de la nature et des caractéristiques essentielles du régime fiscal en cause que le droit indirect considéré a été conçu et établi dans le but d’être répercuté sur le consommateur final.
49 Plusieurs éléments démontrent que, en l’occurrence, tel est le cas.
50 Il importe de constater que la réglementation nationale en cause a déterminé dans les détails des éléments principaux des contributions litigieuses, tels que la base de calcul et le taux de celles-ci, par référence à la consommation et aux clients finals.
51 L’article 26, paragraphe 3, de l’ordonnance «électricité» prévoit que la contribution électricité est calculée sur la base de la puissance tenue à la disposition des clients finals. De même, l’article 20 septiesdecies, paragraphe 3, de l’ordonnance «gaz» dispose que la contribution gaz est calculée sur la base du calibre des compteurs situés chez les clients finals.
52 En outre, l’article 26, paragraphe 4, de l’ordonnance «électricité», tel que modifié, et l’article 20 septiesdecies, paragraphe 4, de l’ordonnance «gaz», fixent concrètement les droits à percevoir mensuellement. Aux termes de cette dernière disposition, ces droits tiennent également compte de la dernière consommation annuelle.
53 L’article 9 de l’arrêté royal du 29 février 2004 et l’article 1er de l’arrêté royal du 3 avril 2003 prévoient l’intégration et la mention spécifique et distincte, dans les factures concernant la fourniture d’électricité et de gaz adressées aux clients finals, de tous les impôts, les prélèvements et les contributions perçus par l’ensemble des pouvoirs publics.
54 L’article 26, paragraphe 2, de l’ordonnance «électricité», telle que modifiée, dispose que le redevable est exonéré de la contribution électricité pour la puissance tenue à la disposition des clients pour leur réseau de transport ferroviaire, par tramway ou métro. Il en découle que la Région de Bruxelles‑Capitale avait l’intention d’accorder un avantage fiscal aux exploitants de ce type d’activité, ce qui dénote que le législateur est parti de la prémisse selon laquelle le droit indirect en cause
est à la charge du consommateur final et que, à défaut de cette exonération, les exploitants des réseaux en question seraient obligés de l’acquitter.
55 Ces appréciations ne sont pas infirmées par le fait que l’article 22 bis de la loi fédérale du 29 avril 1999 prévoit explicitement la possibilité d’une répercussion de la cotisation fédérale sur le consommateur final. En effet, un traitement différent au regard de l’exonération du droit fédéral et du droit régional, qui sont de nature comparable, pourrait dénoter une incohérence dans le système fiscal de cet État membre.
56 Il importe, enfin, de relever que, conformément au libellé de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole, la remise ou le remboursement des contributions litigieuses est possible.
57 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que les contributions litigieuses et leurs applications remplissent les conditions prévues à l’article 3, deuxième alinéa, du protocole.
Sur l’application de l’article 3, troisième alinéa, du protocole
Argumentation des parties
58 La Commission soutient que les contributions litigeuses ne peuvent être qualifiées de «simple rémunération de services d’utilité générale», au sens de l’article 3, troisième alinéa, du protocole. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour, une contribution ne peut constituer la simple rémunération de services d’utilité générale, au sens de cette disposition, que pour autant que de tels services sont fournis ou, à tout le moins, sont susceptibles de l’être à ceux qui doivent s’en
acquitter (arrêt AGF Belgium, C‑191/94, EU:C:1996:144, point 26). En outre, la qualification d’un droit en tant que «rémunération d’un service d’utilité générale» nécessiterait l’existence d’un lien direct et proportionnel entre le coût réel de ce service et le droit acquitté par le bénéficiaire (arrêt Communauté européenne, C‑199/05, EU:C:2006:678, point 25). Ces deux conditions ne seraient pas remplies en l’occurrence.
59 En ce qui concerne la première de ces conditions, la Commission fait valoir que, s’agissant de la contribution électricité, les autorités belges, dans leurs réponses aux lettres de mise en demeure et à l’avis motivé, identifiaient les trois missions suivantes dont les institutions de l’Union bénéficieraient ou pourraient bénéficier, à savoir les programmes de promotion de l’utilisation rationnelle de l’électricité, la reprise de l’électricité produite par voie de cogénération et l’éclairage
public.
60 En ce qui concerne la première de ces missions, qui comporte l’octroi de primes, un tel programme ne serait pas à considérer comme un service. S’agissant de la deuxième mission, à savoir la reprise, par le gestionnaire du réseau, de l’électricité produite par voie de cogénération, les institutions de l’Union n’exerceraient pas des activités de fournisseur de services ou des activités à but lucratif. Concernant la troisième mission relative à l’éclairage public, il s’agirait d’un service d’utilité
publique qui serait destiné non pas spécifiquement aux institutions de l’Union, mais à toute personne dans les rues de Bruxelles, qu’elle soit ou non client final d’un fournisseur d’électricité. Or, une contribution pourrait être qualifiée de «rémunération d’un service d’utilité générale» uniquement à la condition qu’elle constitue la contrepartie d’un service déterminé spécifiquement fourni, ou susceptible de l’être, à celui qui doit acquitter cette contribution.
61 En ce qui concerne la contribution gaz, les institutions de l’Union ne seraient pas susceptibles de bénéficier des missions énoncées aux articles 18 et 18 bis de l’ordonnance «gaz», ces missions ne concernant que les ménages, les personnes bénéficiant d’un tarif social spécifique et les communes.
62 S’agissant de la seconde condition posée par la jurisprudence de la Cour, la Commission relève que la contribution électricité est calculée au prorata de la puissance tenue à disposition du client final, de sorte qu’aucune corrélation n’existe entre le montant payé par les institutions de l’Union et le coût des prétendus services rendus à celles‑ci. La Commission se réfère à cet égard à l’exemple du service de l’éclairage public: les gros consommateurs d’électricité, qui paient une contribution
plus élevée, ne bénéficient pas d’un éclairage public plus important que les autres consommateurs. En ce qui concerne la contribution gaz, elle serait calculée au prorata des kilowattheures consommés et serait ainsi dénuée de tout lien direct et proportionnel entre le coût réel du service et le droit acquitté par le bénéficiaire.
63 Le Royaume de Belgique, s’appuyant sur l’arrêt AGF Belgium (C‑191/94, EU:C:1996:144, points 25 et 26), soutient que les services d’utilité générale auxquels sont liées les contributions litigieuses remplissent la première condition posée à cet égard par la jurisprudence de la Cour, à savoir qu’ils sont susceptibles d’être fournis aux institutions de l’Union. Concrètement, les programmes relatifs à l’utilisation rationnelle de l’électricité et du gaz comprendraient des éléments, notamment des
primes, dont les institutions de l’Union pourraient bénéficier en mettant en œuvre des mesures d’efficacité énergétique. Le Royaume de Belgique cite à cet égard un tableau reprenant les montants des primes dont ont bénéficié les institutions de l’Union au cours des dernières années.
64 De même, lesdites institutions pourraient bénéficier des mesures concernant la reprise d’électricité produite par voie de cogénération, étant donné qu’elles disposent des installations adéquates. Les mêmes considérations seraient valables en ce qui concerne le service d’éclairage public dont pourraient bénéficier les institutions de l’Union. Indépendamment du fait que ni le protocole ni la jurisprudence de la Cour n’exigent que les services soient «spécifiquement» rendus aux bénéficiaires, une
partie de l’éclairage public de la Région de Bruxelles‑Capitale serait spécifiquement choisie pour les institutions de l’Union et surtout adaptée à leurs exigences spécifiques.
65 La seconde condition posée par la jurisprudence de la Cour serait en l’occurrence également remplie. En effet, les contributions litigieuses seraient calculées en fonction de la capacité mise à la disposition des utilisateurs du réseau, ce qui démontrerait la corrélation entre le montant de ces contributions et le service rendu. Le critère de la capacité de mise à disposition semblerait être le seul efficace concernant plus particulièrement l’éclairage public dont la jouissance serait très
difficile à mesurer.
Appréciation de la Cour
66 Il découle de la jurisprudence de la Cour que deux conditions sont requises afin de considérer qu’un droit indirect tel que les contributions litigieuses constitue la simple rémunération de services d’utilité générale, au sens de l’article 3, troisième alinéa, du protocole. Selon la première de ces conditions, de tels services doivent être fournis ou, à tout le moins, susceptibles de l’être à ceux qui doivent s’acquitter d’un tel droit indirect (arrêt AGF Belgium, C‑191/94, EU:C:1996:144,
point 26). Selon la seconde condition, l’existence d’un lien direct et proportionnel entre le coût réel de ce service et le droit acquitté par le bénéficiaire est nécessaire (arrêt Communauté européenne, C‑199/05, EU:C:2006:678, point 25). Ces deux conditions sont cumulatives.
67 Il y a lieu de constater, d’une part, que la réglementation nationale en cause définit exactement, aux articles 24 et 24 bis de l’ordonnance «électricité» ainsi qu’aux articles 18 et 18 bis de l’ordonnance «gaz», les missions de service public qui doivent être financées par le produit des contributions litigeuses.
68 Or, ainsi que le reconnaît le Royaume de Belgique lui‑même, tous les services relevant de ces missions ne sont pas susceptibles d’être fournis aux institutions de l’Union. Ce sont, notamment, la mise à disposition d’une fourniture minimale ininterrompue d’électricité et de gaz pour la consommation des ménages et la fourniture de ces deux biens à un tarif social spécifique. Le Royaume de Belgique reconnaît que seules trois de ces missions peuvent profiter aux institutions de l’Union, à savoir la
reprise de l’électricité produite par voie de cogénération, la promotion de l’utilisation rationnelle de l’électricité et du gaz, et l’éclairage public.
69 D’autre part, ainsi qu’il ressort de la réglementation nationale en cause, les montants provenant des contributions litigieuses sont censés couvrir les coûts de toutes les missions de service public prévues par cette réglementation.
70 Dès lors, force est de constater que les contributions litigieuses acquittées par les institutions de l’Union servent également au financement de missions de service public dont ces institutions ne sont pas susceptibles de profiter. Par conséquent, il ressort de ce seul fait que la première condition mentionnée au point 66 du présent arrêt n’est pas remplie et, également, en ce qui concerne la seconde condition, qu’il n’existe pas de lien direct et proportionnel entre le montant des contributions
litigieuses et les coûts réels des services publics prévus par la réglementation nationale.
71 L’absence d’un tel lien doit être constatée même en ce qui concerne les trois missions de service public dont les institutions de l’Union sont susceptibles de profiter.
72 En effet, la base du calcul des contributions litigieuses ne présente pas de lien suffisant avec les unités de mesures habituelles appliquées pour mesurer l’électricité produite par voie de cogénération, qui pourraient être le kilowattheure, ou pour mesurer l’éclairage public, qui pourraient être les dimensions du territoire éclairé ou une unité de mesure concernant la quantité d’énergie de la lumière.
73 Ainsi, même si les institutions de l’Union peuvent être bénéficiaires de certains services d’utilité générale, la réglementation nationale en cause ne permet pas d’établir dans quelle mesure.
74 Par conséquent, le lien direct et proportionnel exigé par la jurisprudence de la Cour entre le coût réel des missions de service public prévues par la réglementation nationale et les contributions litigieuses devant être acquittées par les institutions de l’Union en tant que bénéficiaires de ces services fait, en l’occurrence, défaut.
75 Dès lors, il convient de constater que, en n’accordant pas aux institutions de l’Union l’exonération des contributions établies par l’article 26 de l’ordonnance «électricité» ainsi que par l’article 20 de l’ordonnance «gaz», telles que modifiées, et en s’opposant au remboursement de ces contributions ainsi perçues par la Région de Bruxelles‑Capitale, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole.
Sur les dépens
76 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cet État membre aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:
1) En n’accordant pas aux institutions de l’Union européenne l’exonération des contributions établies par l’article 26 de l’ordonnance relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles‑Capitale ainsi que par l’article 20 de l’ordonnance relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles‑Capitale, telles que modifiées, et en s’opposant au remboursement de ces contributions ainsi perçues par la Région de Bruxelles-Capitale, le Royaume de Belgique a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, deuxième alinéa, du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé initialement au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes puis, en vertu du traité de Lisbonne, en tant que protocole no 7, aux traités UE, FUE et CEEA.
2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( * ) Langue de procédure: le français.