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03/09/2015 | CJUE | N°C-121/14

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 3 septembre 2015., Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne., 03/09/2015, C-121/14


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 3 septembre 2015 ( 1 )

Affaire C‑121/14

Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation — Article 91 TFUE — Articles 170 TFUE et suivants — Transports — Réseaux transeuropéens de transport — Mécanisme pour l’interconnexion en Europe — Prolongement des corridors de fret ferroviaire au‑delà de Londres — Projet d’intérêt commun

nécessitant l’approbation de l’État membre concerné»

1.  Par son recours, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord demande à la ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 3 septembre 2015 ( 1 )

Affaire C‑121/14

Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation — Article 91 TFUE — Articles 170 TFUE et suivants — Transports — Réseaux transeuropéens de transport — Mécanisme pour l’interconnexion en Europe — Prolongement des corridors de fret ferroviaire au‑delà de Londres — Projet d’intérêt commun nécessitant l’approbation de l’État membre concerné»

1.  Par son recours, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord demande à la Cour d’annuler l’article 29 et l’annexe II du règlement (UE) no 1316/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, modifiant le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant les règlements (CE) no 680/2007 et (CE) no 67/2010 ( 2 ), au motif principal que les extensions de corridors de fret ferroviaire initiaux prévues à ces dispositions tendent
à la réalisation des objectifs visés à l’article 170 TFUE et que, par conséquent, elles auraient dû être adoptées en conformité avec les articles 171 TFUE et 172 TFUE.

I – Le cadre juridique

A – Le traité FUE

2. L’article 91 TFUE prévoit ce qui suit:

«1.   En vue de réaliser la mise en œuvre de l’article 90 et compte tenu des aspects spéciaux des transports, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, établissent:

a) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres;

b) les conditions d’admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un État membre;

c) les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports;

d) toutes autres dispositions utiles.

2.   Lors de l’adoption des mesures visées au paragraphe 1, il est tenu compte des cas où l’application serait susceptible d’affecter gravement le niveau de vie et l’emploi dans certaines régions, ainsi que l’exploitation des équipements de transport.»

3. Sous le titre XVI, intitulé «Réseaux transeuropéens», l’article 170 TFUE dispose:

«1.   En vue de contribuer à la réalisation des objectifs visés aux articles 26 et 174 et de permettre aux citoyens de l’Union, aux opérateurs économiques, ainsi qu’aux collectivités régionales et locales, de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d’un espace sans frontières intérieures, l’Union contribue à l’établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l’énergie.

2.   Dans le cadre d’un système de marchés ouverts et concurrentiels, l’action de l’Union vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de l’Union.»

4. Par ailleurs, toujours sous le même titre, l’article 171, paragraphe 1, TFUE prévoit:

«Afin de réaliser les objectifs visés à l’article 170, l’Union:

— établit un ensemble d’orientations couvrant les objectifs, les priorités ainsi que les grandes lignes des actions envisagées dans le domaine des réseaux transeuropéens; ces orientations identifient des projets d’intérêt commun;

— met en œuvre toute action qui peut s’avérer nécessaire pour assurer l’interopérabilité des réseaux, en particulier dans le domaine de l’harmonisation des normes techniques;

— peut soutenir des projets d’intérêt commun soutenus par les États membres et définis dans le cadre des orientations visées au premier tiret, en particulier sous forme d’études de faisabilité, de garanties d’emprunt ou de bonification d’intérêts; l’Union peut également contribuer au financement, dans les États membres, de projets spécifiques en matière d’infrastructure des transports par le biais du Fonds de cohésion créé conformément à l’article 177.

L’action de l’Union tient compte de la viabilité économique potentielle des projets.»

5. Enfin, l’article 172 TFUE, qui s’insère, également, sous le titre XVI relatif aux réseaux transeuropéens, énonce ce qui suit:

«Les orientations et les autres mesures visées à l’article 171, paragraphe 1, sont arrêtées par le Parlement [...] et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions.

Les orientations et projets d’intérêt commun qui concernent le territoire d’un État membre requièrent l’approbation de l’État membre concerné.»

B – Le règlement sur le fret ferroviaire

6. Adopté sur le fondement de l’article 91 TFUE, le règlement (UE) no 913/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif ( 3 ), a pour objet d’établir des règles de mise en place et d’organisation de corridors ferroviaires internationaux en vue de créer un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif. À cette fin, il établit des règles de sélection, d’organisation et de gestion des corridors de fret ainsi que la
planification indicative des investissements liés à ceux‑ci ( 4 ).

7. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement sur le fret ferroviaire, il faut entendre par «‘corridor de fret’, l’ensemble des lignes ferroviaires désignées, notamment les lignes de transbordeurs ferroviaires, sur le territoire des États membres ou entre États membres et, le cas échéant, dans des pays tiers européens, reliant deux terminaux ou plus le long d’un itinéraire principal et, le cas échéant, des itinéraires de contournement et des sections les reliant, y compris les
infrastructures ferroviaires et leurs équipements et les services ferroviaires correspondants visés à l’article 5 de la directive 2001/14/CE [ ( 5 )]».

8. Le chapitre II du règlement sur le fret ferroviaire prévoit la désignation et la gouvernance des corridors ferroviaires internationaux. L’article 3 de ce règlement, qui figure à ce chapitre, est rédigé comme suit:

«Les États membres visés en annexe mettent en service, dans les délais qui y sont prévus, les corridors de fret initiaux énumérés en annexe. Les États membres concernés informent la Commission de la mise en place des corridors de fret.»

9. L’annexe dudit règlement prévoit:

Image

(1) Le signe ‘/’ correspond à des itinéraires alternatifs. En accord avec les orientations du [réseau transeuropéen de transport (ci‑après le ‘RTE‑T’)], les corridors Atlantique et Méditerranée devraient, dans le futur, être complétés par le projet sur l’axe ferroviaire de fret Sines/Algésiras‑Madrid‑Paris, qui effectue la traversée centrale des Pyrénées à travers un tunnel à basse altitude.

(+) Les itinéraires marqués du signe ‘+’ sont inclus dans leur corridor respectif au plus tard trois ans après la date d’établissement indiquée dans ce tableau. Les structures existantes définies dans le cadre de l’article 8 et de l’article 13, paragraphe 1, du présent règlement sont ajustées en fonction de la participation de nouveaux États membres et gestionnaires d’infrastructure dans les corridors respectifs. Ces ajouts sont fondés sur des études de marché et prennent en compte l’aspect du
transport existant de voyageurs et de fret conformément à l’article 14, paragraphe 3, du présent règlement.

(*) Les itinéraires marqués du signe ‘*’ sont inclus dans leur corridor respectif au plus tard cinq ans après la date d’établissement indiquée dans ce tableau. Les structures existantes définies dans le cadre de l’article 8 et de l’article 13, paragraphe 1, du présent règlement sont ajustées en fonction de la participation de nouveaux États membres et gestionnaires d’infrastructure dans les corridors respectifs. Ces ajouts sont fondés sur des études de marché et prennent en compte l’aspect du
transport existant de voyageurs et de fret conformément à l’article 14, paragraphe 3, du présent règlement.

[...]»

10. Avant la modification apportée par le règlement litigieux, le corridor de fret ferroviaire initial no 2 se présentait comme suit:

Image

11. Les articles 4 à 6 du règlement sur le fret ferroviaire établissent des critères pour la mise en place de corridors de fret supplémentaires, élaborent des règles de sélection pour ces corridors ainsi que pour leur modification. Ils prévoient:

«Article 4

Critères applicables aux corridors supplémentaires de fret

La sélection de corridors supplémentaires de fret visée à l’article 5 et la modification de corridors de fret visée à l’article 6 s’opèrent en tenant compte des critères suivants:

a) la traversée par le corridor de fret du territoire d’au moins trois États membres, ou de deux États membres si la distance entre les terminaux desservis par le corridor de fret est supérieure à 500 kilomètres;

b) la cohérence du corridor de fret avec le RTE‑T, les corridors [European Rail Traffic Management System (ERTMS) ( 6 )] et/ou les corridors définis par le [RailNetEurope (RNE) ( 7 )];

c) l’intégration des projets prioritaires du RTE‑T au corridor de fret;

d) l’équilibre entre les coûts et les bénéfices socio‑économiques découlant de la mise en place du corridor de fret;

e) la cohérence de l’ensemble des corridors de fret proposés par les États membres pour parvenir à la mise en place d’un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif;

f) le développement du trafic de fret ferroviaire et des grands courants d’échange et de transport de marchandises sur le corridor de fret;

g) le cas échéant, de meilleures interconnexions entre les États membres et les pays tiers européens;

h) l’intérêt des candidats pour le corridor de fret;

i) la présence de bonnes interconnexions avec les autres modes de transport, notamment grâce à un réseau adéquat de terminaux, y compris dans les ports maritimes et fluviaux.

Article 5

Sélection de corridors de fret supplémentaires

1.   Les États membres dotés d’une frontière ferroviaire avec un autre État membre participent à la mise en place d’au moins un corridor de fret, s’ils n’ont pas déjà satisfait à cette obligation en vertu de l’article 3.

2.   Nonobstant le paragraphe 1, les États membres participent, à la demande d’un État membre, à la mise en place du corridor de fret visé audit paragraphe ou à la prolongation d’un corridor existant, afin de permettre à un État membre voisin de s’acquitter de ses obligations en vertu dudit paragraphe.

3.   Sans préjudice des obligations qui incombent aux États membres au titre de l’article 7 de la directive 91/440/CEE [ ( 8 )], lorsqu’un État membre estime, après avoir présenté une analyse socio‑économique, que la mise en place d’un corridor de fret ne serait pas dans l’intérêt des candidats susceptibles d’utiliser le corridor de fret ou n’apporterait pas de bénéfices socio‑économiques significatifs ou représenterait une charge disproportionnée, l’État membre concerné n’est pas obligé de
participer à sa mise en place comme indiqué aux paragraphes 1 et 2 du présent article, sous réserve d’une décision de la Commission statuant conformément à la procédure consultative visée à l’article 21, paragraphe 2.

4.   Un État membre n’est pas obligé de participer à la mise en place du corridor de fret comme indiqué aux paragraphes 1 et 2, s’il est doté d’un réseau ferroviaire dont l’écartement des rails est différent de celui du réseau ferroviaire principal de l’Union.

5.   La mise en place d’un corridor de fret est proposée par les États membres concernés. À cette fin, ils envoient à la Commission une lettre d’intention assortie d’une proposition commune élaborée après consultation des gestionnaires de l’infrastructure et des candidats concernés, en prenant en considération les critères énoncés à l’article 4.

Afin de satisfaire à l’obligation imposée par les paragraphes 1 et 2, les États membres concernés envoient conjointement à la Commission une lettre d’intention au plus tard le 10 novembre 2012.

6.   La Commission examine les propositions de mise en place d’un corridor de fret visées au paragraphe 5 et, conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 21, paragraphe 3, adopte une décision relative à la conformité de cette proposition avec le présent article au plus tard neuf mois après la soumission de ladite proposition.

7.   Les États membres concernés mettent en place le corridor de fret au plus tard deux ans après la décision de la Commission visée au paragraphe 6.

Article 6

Modification des corridors supplémentaires de fret

1.   Les corridors de fret visés à l’article 5 peuvent être modifiés sur la base d’une proposition commune présentée par les États membres concernés à la Commission après consultation des gestionnaires de l’infrastructure et des candidats concernés.

2.   Conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 21, paragraphe 3, la Commission adopte une décision sur la proposition en prenant en considération les critères énoncés à l’article 4.»

C – Le règlement RTE‑T

12. Le règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE ( 9 ), a été adopté sur la base de l’article 172 TFUE. En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement RTE‑T, celui‑ci a pour objet d’établir des orientations pour le développement d’un RTE‑T comprenant une structure à deux niveaux composée du réseau global et du
réseau central, ce dernier s’appuyant sur le réseau global, ainsi que d’identifier des projets d’intérêt commun et de préciser les exigences à satisfaire pour la gestion des infrastructures du RTE‑T.

13. L’article 2 de ce règlement prévoit:

«1.   Le présent règlement s’applique au [RTE‑T] décrit dans les cartes figurant à l’annexe I. Le [RTE‑T] comprend des infrastructures de transport et des applications télématiques, ainsi que des mesures visant à promouvoir la gestion et l’utilisation efficaces de ces infrastructures et permettant la mise en place et la gestion de services de transport durables et efficaces.

2.   Les infrastructures du [RTE‑T] se composent des infrastructures du transport ferroviaire, du transport par voies navigables, du transport routier, du transport maritime, du transport aérien et du transport multimodal, comme indiqué dans les sections correspondantes du chapitre II.»

14. Conformément à l’article 3, sous a), du règlement RTE‑T, il faut entendre par «projet d’intérêt commun», tout projet mené conformément aux exigences et dans le respect des dispositions de ce règlement.

15. L’article 5, paragraphe 1, sous a), dudit règlement indique que le RTE‑T est planifié, développé et exploité de manière économe en ressources à travers le développement, l’amélioration et l’entretien des infrastructures de transport existantes.

16. Selon l’article 6 du règlement RTE‑T, le développement progressif du RTE‑T passe, notamment, par la mise en œuvre d’une structure à deux niveaux pour ce réseau, fondée sur une approche méthodologique cohérente et transparente, composée d’un réseau global et d’un réseau central. Le réseau global se compose de toutes les infrastructures de transport existantes et planifiées du RTE‑T ainsi que de mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace et durable du point de vue social et environnemental
de telles infrastructures. Le réseau central se compose des parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de développement du RTE‑T. Ces réseaux sont déterminés et développés conformément, respectivement, aux chapitres II et III de ce règlement.

17. L’article 7 dudit règlement est rédigé comme suit:

«1.   Les projets d’intérêt commun contribuent au développement du [RTE‑T] en créant de nouvelles infrastructures de transport, en réhabilitant et en modernisant les infrastructures de transport existantes et grâce à des mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace du réseau en termes de ressources.

2.   Un projet d’intérêt commun:

a) contribue à atteindre les objectifs d’au moins deux des quatre catégories énoncées à l’article 4;

b) est conforme au chapitre II, ainsi qu’au chapitre III s’il concerne le réseau central;

c) présente une viabilité économique sur le fondement d’une analyse socio‑économique coûts‑avantages;

d) présente une valeur ajoutée européenne.

3.   Un projet d’intérêt commun peut englober son cycle complet, qui comprend les études de faisabilité et les procédures d’autorisation, la mise en œuvre et l’évaluation du projet d’intérêt commun.

[...]»

18. L’article 32, sous a), du règlement RTE‑T, qui s’insère dans le chapitre II consacré au réseau global, indique que les États membres accordent une attention particulière aux projets d’intérêt commun qui fournissent des services de transport de fret efficaces utilisant les infrastructures du réseau global et qui contribuent, en même temps, à la réduction des émissions de dioxyde de carbone et d’autres incidences environnementales négatives, et dont l’objectif consiste à améliorer l’utilisation
durable des infrastructures de transport, notamment par leur gestion efficace.

19. L’article 42 de ce règlement prévoit ce qui suit:

«1.   Les corridors de réseau central sont un instrument permettant de faciliter la mise en œuvre coordonnée du réseau central. Afin de créer un transport multimodal efficace en termes de ressources et de contribuer ainsi à la cohésion par une amélioration de la coopération territoriale, les corridors de réseau central sont principalement axés sur:

a) l’intégration modale;

b) l’interopérabilité; et

c) un développement coordonné des infrastructures, notamment dans les tronçons transfrontaliers et les goulets d’étranglement.

2.   Les corridors de réseau central permettent aux États membres d’avoir une approche coordonnée et synchronisée en ce qui concerne les investissements en infrastructures, de manière à gérer les capacités le plus efficacement possible. Les corridors de réseau central soutiennent le déploiement global de systèmes de gestion du trafic interopérables et, le cas échéant, l’utilisation de l’innovation et de nouvelles technologies.»

20. L’article 43 dudit règlement définit les corridors de réseau central de la manière suivante:

«1.   Les corridors de réseau central couvrent les principaux flux à longue distance dans le réseau central et visent notamment à améliorer les tronçons frontaliers au sein de l’Union.

2.   Les corridors de réseau central sont multimodaux et ouverts à l’inclusion de tous les modes de transport couverts par le présent règlement. Ils traversent au moins deux frontières et, si possible, associent au moins trois modes de transport, y compris, le cas échéant, les autoroutes de la mer.»

21. Conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement RTE‑T, la liste des corridors de réseau central figure dans la partie I de l’annexe du règlement litigieux. Les États membres participent, comme prévu au chapitre IV du règlement RTE‑T, à ces corridors de réseau central.

22. Les articles 45 à 47 de ce règlement établissent la structure de gouvernance des corridors de réseau central pour faciliter leur mise en œuvre coordonnée, en accord avec les États membres concernés. Pour chaque corridor de réseau central, un ou plusieurs coordonnateurs européens sont désignés et assistés par un forum consultatif créé en accord avec les États membres concernés. Le coordonnateur européen établit un plan de travail du corridor avec les États membres concernés et contrôle la mise en
œuvre de celui‑ci.

23. Enfin, l’article 48 dudit règlement est rédigé comme suit:

«1.   Une coordination suffisante est assurée entre les corridors de réseau central et les corridors de fret ferroviaire visés dans le règlement [sur le fret ferroviaire], de manière à éviter tout double emploi des activités, notamment lors de l’établissement du plan de travail ou de la création de groupes de travail.

2.   Les dispositions du présent chapitre sont sans préjudice des structures de gouvernance visées dans le règlement [sur le fret ferroviaire].»

D – Le règlement litigieux

24. L’article 1er du règlement litigieux indique que celui‑ci a pour objet d’établir le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Ce mécanisme fixe les conditions, les méthodes et les procédures pour l’octroi d’un concours financier de l’Union aux réseaux transeuropéens afin de soutenir des projets d’intérêt commun réalisés dans le secteur des infrastructures de transport, des télécommunications et de l’énergie et de tirer parti des synergies potentielles entre ces secteurs.

25. En vertu de l’article 2, point 1, de ce règlement, il faut entendre par «projet d’intérêt commun», tout projet défini dans le règlement RTE‑T, dans le règlement (UE) no 347/2013 ( 10 ) ou dans le règlement pertinent concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens dans le domaine des infrastructures de télécommunications.

26. L’annexe I, partie I, du règlement litigieux établit, notamment, le corridor de réseau central «Mer du Nord – Méditerranée». Concernant le Royaume‑Uni, il prévoit, notamment, les tracés suivants:

— Glasgow/Édimbourg – Liverpool/Manchester – Birmingham,

— Birmingham – Felixstowe/Londres/Southampton,

— Londres – Lille – Brussel/Bruxelles.

27. L’article 29 du règlement litigieux prévoit que le règlement sur le fret ferroviaire est modifié comme suit:

«L’annexe du règlement [sur le fret ferroviaire] est remplacée par le texte de l’annexe II du règlement [litigieux]. Par conséquent, les corridors de fret ferroviaire révisés restent soumis aux dispositions du règlement [sur le fret ferroviaire].»

28. À l’annexe II du règlement litigieux, le corridor de fret ferroviaire «Mer du Nord – Méditerranée» remplace le corridor de fret ferroviaire initial no 2, établi à l’annexe du règlement sur le fret ferroviaire avant sa modification par l’article 29 du règlement litigieux ( 11 ).

29. C’est ainsi que le corridor de fret ferroviaire initial no 2 a été étendu jusqu’à Glasgow, en incluant, en ce qui concerne le Royaume‑Uni, Glasgow, Édimbourg, Southampton, Felixstowe et Londres.

II – La procédure législative ayant conduit à l’adoption du règlement litigieux

30. Initialement, le Royaume‑Uni ne participait à aucun des corridors de fret ferroviaire initiaux, tels que prévus par le règlement sur le fret ferroviaire. Par la suite, sur la base d’études socio‑économiques, il a engagé la procédure d’établissement d’un corridor de fret ferroviaire supplémentaire, conformément à l’article 5 de ce règlement, afin d’étendre le corridor de fret ferroviaire initial no 2 jusqu’à Londres, par le tunnel sous la Manche.

31. Le Royaume‑Uni explique, dans sa requête, que, concernant le règlement litigieux, il a adhéré aux principes tels qu’exposés à l’article 1er de celui‑ci. Cependant, au cours des négociations concernant l’adoption de ce règlement, une proposition de modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2 a été présentée afin de l’étendre jusqu’à Glasgow. Cette extension n’a pas été approuvée par le Royaume‑Uni ni, selon lui, confortée par l’analyse socio‑économique.

32. Ainsi, le Royaume‑Uni s’est abstenu lors du vote sur l’adoption du règlement litigieux et a présenté, le 25 novembre 2013, une déclaration exposant les motifs de son abstention ( 12 ). Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne et la République de Lettonie ont également déposé des observations exposant leurs craintes quant à l’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux dans ces conditions ( 13 ).

III – Les conclusions des parties

33. Le Royaume‑Uni conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux, en ce que ces dispositions étendent au‑delà de Londres le corridor de fret ferroviaire initial no 2 et

— condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

34. Le Parlement et le Conseil, ainsi que la Commission qui intervient à leur soutien, concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

— rejeter le recours et

— condamner le Royaume‑Uni aux dépens.

IV – Sur la recevabilité du recours du fait de la demande d’annulation partielle du règlement litigieux

35. Le Royaume‑Uni considère que l’article 29 du règlement litigieux et l’annexe II de celui‑ci sont des parties distinctes et détachables du reste de ce règlement. Dès lors, il précise que son recours vise à l’annulation partielle dudit règlement, à savoir l’annulation de son article 29 et de son annexe II.

36. Selon une jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. La Cour a, de même, itérativement jugé qu’il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui‑ci ( 14 ).

37. Le Parlement, le Conseil ainsi que la Commission s’accordent sur le fait que la demande d’annulation partielle présentée par le Royaume‑Uni est recevable.

38. Nous partageons cet avis.

39. En effet, l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux sont séparables de l’ensemble de celui‑ci. Si l’illégalité de cet article et de cette annexe venait à être prononcée, ce règlement ne cesserait pas de produire des effets juridiques pour autant, dans la mesure où les autres dispositions dudit règlement visent un objectif autre que celui poursuivi par ledit article et ladite annexe.

40. Ainsi, la substance même du règlement litigieux est d’établir un mécanisme pour l’interconnexion en Europe afin d’accélérer l’investissement dans le domaine des réseaux transeuropéens ( 15 ). À cette fin, il fixe les conditions, les méthodes et les procédures pour l’octroi d’un concours financier de l’Union aux réseaux transeuropéens pour soutenir des projets d’intérêt commun réalisés dans le secteur des infrastructures de transport, des télécommunications et de l’énergie ( 16 ).

41. En revanche, l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux visent uniquement à aligner les corridors pour le fret ferroviaire prévus dans le cadre du règlement sur le fret ferroviaire ainsi que les corridors de réseau central. Dès lors, leur annulation ne modifierait en rien la substance même du règlement litigieux.

42. L’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux étant séparables du reste de celui‑ci, la demande d’annulation partielle formulée par le Royaume‑Uni doit, selon nous, être déclarée comme étant recevable.

V – Sur le recours

43. À l’appui de son recours, le Royaume‑Uni soulève deux moyens.

44. Par son premier moyen, il soutient que les modifications apportées à l’annexe du règlement sur le fret ferroviaire, dans sa version initiale, par l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux, qui ont eu pour conséquence d’étendre le corridor de fret ferroviaire initial no 2, auraient dû être adoptées conformément aux articles 171 TFUE et 172 TFUE, dans la mesure où ces modifications tendent à la réalisation des objectifs visés à l’article 170 TFUE.

45. Par son second moyen, le Royaume‑Uni estime que, dès lors que lesdites modifications tendent à la réalisation des objectifs visés à l’article 170 TFUE, les extensions des corridors de fret ferroviaire initiaux, qui seraient des «projets d’intérêt commun», au sens de l’article 171, paragraphe 1, TFUE, et qui concerneraient le territoire du Royaume‑Uni, ont été adoptées en violation de l’exigence de consentement de l’État membre concerné prévue à l’article 172, second alinéa, TFUE.

A – Sur le premier moyen, tiré du choix erroné de la base juridique pour l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2

1. Les arguments des parties

46. Le Royaume‑Uni soutient que la modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2 opérée par l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux et qui a pour conséquence d’étendre ce corridor jusqu’à Glasgow aurait dû être adoptée sur le fondement de l’article 172 TFUE, qui s’insère sous le titre XVI du traité FUE relatif aux réseaux transeuropéens.

47. En effet, il estime que les extensions des corridors de fret ferroviaire initiaux sont essentielles à la mise en place d’un RTE‑T et, par là même, tendent donc à la réalisation des objectifs visés aux articles 170 TFUE et 171 TFUE. Cela serait confirmé par le fait que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 a pour but d’aligner le corridor de réseau central sur ce corridor, ce qui serait l’un des objectifs du règlement RTE‑T – et donc de l’article 170 TFUE –, conformément au
considérant 46 de ce règlement qui indique que «[l]es corridors de réseau central devraient s’aligner sur les corridors de fret ferroviaire établis conformément au règlement [sur le fret ferroviaire]». À cet égard, le Royaume‑Uni cite également le considérant 16 du règlement litigieux, qui prévoit que «[l]’alignement géographique des corridors pour le fret ferroviaire prévus dans le cadre du règlement [sur le fret ferroviaire] et des corridors de réseau central visés à la partie I de l’annexe I
du présent règlement devrait être assuré, le cas échéant, compte tenu des objectifs de chaque instrument, afin de réduire la charge administrative et de rationaliser le développement et l’utilisation des infrastructures ferroviaires».

48. En outre, le Royaume‑Uni considère que la modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2 poursuit précisément les objectifs de l’article 170, paragraphe 2, TFUE, qui prévoit que, «[d]ans le cadre d’un système de marchés ouverts et concurrentiels, l’action de l’Union vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux».

49. À cet égard, le Royaume‑Uni explique que les corridors de fret ferroviaire et les corridors de réseau central sont tous les deux des outils de coordination qui visent précisément l’amélioration de l’interopérabilité et de l’accès aux réseaux nationaux. Cet argument serait confirmé par l’article 48, paragraphe 1, du règlement RTE‑T, qui prévoit qu’«[u]ne coordination suffisante est assurée entre les corridors de réseau central et les corridors de fret ferroviaire visés dans le règlement [sur le
fret ferroviaire], de manière à éviter tout double emploi des activités, notamment lors de l’établissement du plan de travail ou de la création de groupes de travail».

50. Par ailleurs, même s’il est conscient du fait qu’il ne peut plus remettre légalement en cause la base juridique sur laquelle a été adopté le règlement sur le fret ferroviaire, le Royaume‑Uni soutient que le but principal de ce règlement vise bien la réalisation des objectifs de l’article 170, paragraphe 2, TFUE, ce que prévoirait, d’ailleurs, le considérant 5 dudit règlement, qui indique que «la mise en place de corridors ferroviaires internationaux en vue d’un réseau ferroviaire européen pour
un fret compétitif sur lequel les trains de marchandises pourraient circuler dans de bonnes conditions et facilement passer d’un réseau national à un autre permettrait d’améliorer les conditions d’utilisation de l’infrastructure».

51. De plus, le Royaume‑Uni estime qu’il n’est pas nécessaire, contrairement à ce que soutiennent le Parlement et le Conseil, que de nouvelles infrastructures ferroviaires soient mises en place afin de faire entrer les corridors de fret ferroviaire dans les objectifs poursuivis par l’article 170 TFUE, ce qui, du reste, ne serait pas non plus une obligation dans le règlement RTE‑T concernant l’établissement de corridors de réseau central.

52. Enfin, le Royaume‑Uni pense que toute la question est celle de savoir si la mesure prise dans son ensemble est, de manière prédominante, une mesure de politique commune des transports ou une mesure de réseau, mettant ici en opposition les articles 91 TFUE et 170, paragraphe 2, TFUE. S’il ne nie pas que le règlement sur le fret ferroviaire vise à contribuer au développement d’un fret ferroviaire compétitif et performant, poursuivant ainsi les objectifs de l’article 91 TFUE, l’objectif prédominant
de ce règlement serait, en réalité, de créer un réseau constitué de corridors de fret ferroviaire fiables assorti de mécanismes de coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure, ce qui promouvrait les objectifs du règlement RTE‑T et, par là même, ceux de l’article 170, paragraphe 2, TFUE.

53. Ainsi, l’article 172 TFUE serait une base juridique plus spécifique que l’article 91 TFUE et la modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2 aurait dû être adoptée conformément au premier article.

54. Pour le Parlement, le Conseil et la Commission, le fait que seul l’article 172 TFUE apparaisse comme base juridique dans les visas du règlement litigieux résulte de l’application des règles relatives aux bases juridiques. Ainsi, le Parlement rappelle la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de cet
acte ( 17 ). Il cite également l’arrêt Commission/Conseil ( 18 ), dans lequel la Cour a indiqué que, «[s]i l’examen de l’acte concerné démontre que celui‑ci poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles‑ci est identifiable comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, cet acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante» ( 19 ).

55. Ainsi, le Parlement, le Conseil et la Commission estiment que, conformément à l’article 1er du règlement litigieux, la finalité et la composante principales et prépondérantes de ce dernier consistent à fournir une assistance financière de l’Union aux réseaux transeuropéens et à soutenir des projets d’intérêt commun, alors que l’article 29 et l’annexe II de ce règlement, qui modifient le corridor de fret ferroviaire initial no 2, ne poursuivent qu’un objectif accessoire, à savoir celui de
modifier le règlement sur le fret ferroviaire afin d’aligner les corridors de réseau central sur les corridors de fret initiaux. En réalité, poursuivent le Parlement et le Conseil, si un acte distinct avait été adopté aux fins de cette modification, l’article 91 TFUE en aurait constitué la base juridique.

56. En outre, nous comprenons que, selon le Parlement et le Conseil, afin de faire partie du RTE‑T, le corridor doit être un projet au sens où il doit exister une obligation de modifier une infrastructure existante ou de créer une infrastructure nouvelle, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. En effet, l’obligation de mettre en place un corridor de fret ferroviaire initial n’imposerait pas aux États membres de construire de nouvelles lignes ferroviaires. Elle se bornerait à exiger de leur part
qu’ils veillent à une meilleure coordination du transport de fret ferroviaire sur certaines lignes ferroviaires existantes et à une meilleure gestion de celles‑ci, notamment à l’aide d’un guichet unique. Le Conseil en conclut que la seule utilisation d’une infrastructure ne peut pas être considérée comme une «infrastructure», au sens de l’article 170, paragraphe 1, TFUE.

57. Par ailleurs, le Parlement estime que la raison de la modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2, à savoir l’alignement sur ce corridor du corridor de réseau central correspondant, précisée au considérant 16 du règlement litigieux, ne prouve en rien que ces corridors sont liés et qu’ils visent tous deux à atteindre les objectifs de l’article 170, paragraphe 2, TFUE. Selon lui, cet alignement ne vise qu’à rationaliser l’utilisation de l’infrastructure, par les corridors de fret
ferroviaire, sur son développement, par l’intermédiaire de la création du réseau central, afin, notamment, de réduire la charge administrative.

58. Le Parlement avance, également, le fait que le terme «réseau» dans le règlement sur le fret ferroviaire a un caractère fonctionnel. Selon lui, si toute mesure ayant pour effet d’améliorer l’utilisation d’infrastructures, comme celles prévues par ce règlement, pouvait être qualifiée de «mesure relevant des RTE‑T», cela inclurait toutes les mesures relatives au transport dans ce domaine, comme celles relatives à la sécurité ou aux normes de tarification. Une mesure de réseau concernant le
transport ferroviaire, selon les articles 11 à 13 du règlement RTE‑T, viserait uniquement à remplir des critères relatifs aux infrastructures de transport et constituerait la base permettant d’identifier les projets d’intérêt commun.

59. Le Conseil, quant à lui, relève que le règlement sur le fret ferroviaire a été adopté sur la base de l’article 91 TFUE et qu’il ne contient pas d’orientations concernant les réseaux transeuropéens au sens de l’article 171, paragraphe 1, TFUE. Il relèverait donc entièrement de la politique commune des transports. Concernant, plus précisément, l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux, il indique que la nécessité d’assurer l’alignement géographique des corridors de fret ferroviaire et des
corridors de réseau central n’a pas pour conséquence de faire entrer la modification du corridor de fret ferroviaire initial no 2 dans le RTE‑T.

60. Concernant l’argument du Royaume‑Uni en vertu duquel, afin de déterminer si une mesure relève de l’article 170 TFUE, il convient d’examiner si cette mesure est une mesure de réseau par opposition à une mesure de politique commune des transports, le Conseil estime qu’il est nécessaire de se référer à l’article 9 du règlement RTE‑T et aux conditions qui y sont énumérées. Il note, également, que les articles 11 à 13 de ce règlement portent sur les composants d’infrastructure, les exigences
applicables aux infrastructures et les priorités du développement des infrastructures. Dès lors, une mesure relevant du RTE‑T doit être une mesure touchant les infrastructures.

61. Enfin, le Conseil ajoute que l’article 11 du règlement sur le fret ferroviaire, figurant sous le chapitre III de celui‑ci intitulé «Investissements liés au corridor de fret», n’est qu’un instrument de gestion ou de coordination et n’impose pas d’investir dans les infrastructures ferroviaires, rejetant ainsi l’argument du Royaume‑Uni selon lequel ce règlement aboutit, lui aussi, à des projets reconnus comme projets d’intérêt commun susceptibles de recevoir des fonds alloués au titre du RTE‑T.

62. Pour la Commission, l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux ne relèvent pas du champ d’application matériel de celui‑ci. Ils constituent une modification formelle du règlement sur le fret ferroviaire adopté sur la base de l’article 91 TFUE. Dès lors, ces dispositions sont régies par ce dernier article.

63. La Commission estime, elle aussi, que les dispositions relatives aux corridors de fret ferroviaire sont essentiellement des outils de coordination et de gestion visant à ce que les services de fret ferroviaire soient plus concurrentiels. Dès lors, elles ne relèveraient que de la politique commune des transports.

2. Notre appréciation

64. Le premier moyen présenté par le Royaume‑Uni est tiré de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE. Plus précisément, cet État membre estime que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 tend à la réalisation des objectifs de l’article 170 TFUE et que la modification opérée par l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux aurait donc dû se faire conformément aux articles 171 TFUE et 172 TFUE.

65. Si ce règlement a bien été adopté sur la base de l’article 172 TFUE, le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, considèrent que la modification apportée au corridor de fret ferroviaire initial no 2 par l’article 29 et l’annexe II dudit règlement ne poursuit qu’un objectif accessoire par rapport à celui poursuivi par ce même règlement et que l’extension de ce corridor relève de la politique commune des transports. Ainsi, la base juridique appropriée pour cette seule modification
serait l’article 91 TFUE si elle faisait l’objet d’un acte distinct.

66. Toute la question est donc celle de savoir si l’alignement géographique des corridors de fret ferroviaire initiaux et des corridors de réseau central relève de la politique commune des transports ou de la politique des RTE‑T. Cette question revêt une importance non négligeable. En effet, si la Cour estime que la base juridique appropriée est bien l’article 172 TFUE, l’erreur dans le choix de la procédure décisionnelle pourrait avoir privé le Royaume‑Uni de son droit d’exercer une influence sur
le contenu même de l’acte, dans la mesure où l’article 172, second alinéa, TFUE indique que l’approbation de l’État membre concerné par les orientations et les projets d’intérêt commun relatifs aux réseaux transeuropéens est requise et où le Royaume‑Uni ne consent pas à l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 jusqu’à Glasgow.

67. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, «le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, la finalité et le contenu de cet acte» ( 20 ). «Est sans pertinence à cet égard la base juridique qui a été retenue pour l’adoption d’autres actes de l’Union présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires, la détermination de la base juridique d’un
acte devant se faire en considération de son but et de son contenu propres» ( 21 ).

68. Par ailleurs, la Cour a itérativement jugé que, «[s]i l’examen de l’acte concerné démontre que celui‑ci poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles‑ci est identifiable comme principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, cet acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante» ( 22 ).

69. C’est donc au regard de cette jurisprudence qu’il convient de déterminer si, comme le soutient le Royaume‑Uni, la seule base juridique appropriée pour les extensions des corridors de fret ferroviaire qui résultent de l’article 29 et de l’annexe II du règlement litigieux est l’article 172 TFUE.

70. Cette analyse requiert, dans un premier temps, d’examiner les articles du traité FUE relatifs à la politique commune des transports et ceux relatifs aux réseaux transeuropéens. Il conviendra, dans un second temps, de vérifier, au vu du but et du contenu de l’article 29 et de l’annexe II du règlement litigieux, si l’action de l’Union prévue par ces dispositions relève ou non du champ d’application des articles 170 TFUE et suivants.

a) La politique commune des transports et les réseaux transeuropéens

71. Selon l’article 90 TFUE, les objectifs des traités sont poursuivis, en ce qui concerne les transports, dans le cadre d’une politique commune des transports. Parmi ces objectifs, l’article 3, paragraphe 3, TUE indique que «[l]’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un
niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique».

72. L’article 91, paragraphe 1, sous a) et b), TFUE a, précisément, pour ambition d’atteindre cet objectif de réalisation d’un marché intérieur en fixant des orientations en ce sens au législateur de l’Union. Ainsi, cette disposition prévoit que ce dernier établit des «règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres» et les «conditions d’admission de
transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un État membre».

73. Ladite disposition donne au législateur de l’Union la base nécessaire pour réaliser la libéralisation des services et l’ouverture à la concurrence dans le domaine des transports ( 23 ). Elle régit donc les conditions de la concurrence et les échanges à l’intérieur de l’Union. Dans le domaine ferroviaire, par exemple, ce sont trois paquets législatifs successifs qui ont permis la libéralisation progressive des services et l’ouverture à la concurrence ( 24 ).

74. L’article 91, paragraphe 1, sous c) et d), TFUE, quant à lui, vise des mesures ayant un caractère non commercial. Ainsi, le législateur de l’Union, en vertu de cette disposition, établit les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports ainsi que toutes les autres dispositions utiles. Concernant la sécurité des transports, nous pouvons citer la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire ( 25 ), ou encore, dans le
domaine fluvial, la directive 2009/45/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers ( 26 ).

75. Pour ce qui est des «autres dispositions utiles», la Cour a eu l’occasion de préciser la portée donnée à cette notion dans son arrêt Schumalla ( 27 ). Elle a, ainsi, jugé que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir normatif quant à l’adoption de règles communes appropriées en matière de politique commune des transports ( 28 ). Plus particulièrement, il ressort de cet arrêt que des dispositions communes contribuant à l’élimination des disparités de nature à fausser
substantiellement les conditions de concurrence dans les transports s’avèrent, pour l’établissement d’une politique commune des transports, «utiles», au sens de l’article 91, paragraphe 1, sous d), TFUE ( 29 ). Sur la base de cette disposition, le législateur de l’Union a adopté des mesures, notamment, dans le domaine de la fiscalité et dans le domaine social ( 30 ).

76. Quant à l’article 170 TFUE, il vise à établir et à développer les réseaux transeuropéens en vue de contribuer à la réalisation du marché intérieur ainsi que de renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale, conformément, respectivement, aux articles 26 TFUE et 174 TFUE. Également, il est précisé, à l’article 170 TFUE, que les réseaux transeuropéens visent à permettre aux citoyens de l’Union, aux opérateurs économiques ainsi qu’aux collectivités régionales et locales de bénéficier
pleinement des avantages découlant de la mise en place d’un espace sans frontières intérieures.

77. Ainsi, l’établissement et le développement des réseaux transeuropéens, et notamment des RTE‑T, doivent permettre de lier les réseaux nationaux entre eux afin d’éliminer tout obstacle à la libre circulation des marchandises et des personnes. Bien souvent, ces obstacles sont géographiques, comme c’est le cas dans les Alpes entre la France et l’Italie, ou techniques, comme l’existence de différents systèmes nationaux embarqués de signalisation et de contrôle des vitesses pour le transport
ferroviaire qui permettent aux trains de réagir aux signaux transmis par le sol. De tels obstacles sont nécessairement un frein à l’établissement du marché intérieur.

78. Concernant la réalisation des objectifs visés à l’article 174 TFUE, nous rappelons que celui‑ci prévoit, à ses premier et deuxième alinéas, que, «[a]fin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, celle‑ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale» et que, «[e]n particulier, l’Union vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées».
Dans sa communication sur la cohésion territoriale ( 31 ), la Commission explique que celle‑ci «consiste à garantir le développement harmonieux de tous [les territoires de l’Union] et à permettre à leurs habitants de tirer le meilleur parti de leurs caractéristiques propres. Elle est, à ce titre, un moyen de faire de la diversité un atout qui contribue au développement durable de l’ensemble de l’Union» ( 32 ).

79. En matière de RTE‑T, cela se traduit par le fait de développer de manière harmonieuse le réseau européen afin d’offrir aux opérateurs économiques et aux usagers un accès à des infrastructures innovantes, efficaces et compétitives dans toutes les régions de l’Union ( 33 ). Les RTE‑T jouent donc un rôle essentiel dans le développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, puisqu’ils vont permettre une mobilité des acteurs économiques dans des conditions qui se veulent optimales afin de mieux
répartir l’activité économique sur l’ensemble du territoire de l’Union ( 34 ). Ce sont eux qui vont permettre de relier les régions de l’Union les plus enclavées aux régions les plus centrales et urbanisées. Ils sont donc un instrument au service des acteurs économiques et des citoyens de l’Union. À cet égard, la place, dans le traité FUE, du titre réservé aux réseaux transeuropéens n’est, à notre avis, pas anodine, puisqu’il se situe juste après le titre XV, dévolu à la protection des
consommateurs, et avant le titre XVII, relatif à l’industrie.

80. Dans son livre vert sur les RTE‑T ( 35 ), la Commission explique que «la politique des transports vise à promouvoir des services de transport efficaces du point de vue économique et environnemental, sûrs et fiables, dans le marché intérieur et au‑delà» ( 36 ). Quant à la politique des RTE‑T, elle «doit garantir que ces services fonctionnent au mieux, sur la base d’une infrastructure intégrée et innovante utilisant les évolutions technologiques récentes dans les secteurs de l’énergie, des
infrastructures et des [moyens de transport dans les différents modes de transport]» ( 37 ).

81. Au vu des éléments qui précèdent, la question est donc celle de savoir si l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux sont de simples instruments servant principalement, voire exclusivement, à la réalisation du marché intérieur ou s’ils vont au‑delà de cet objectif et visent, plus spécifiquement, au développement harmonieux de l’ensemble de l’Union.

b) L’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux entre‑t‑elle dans le champ d’application des articles 170 TFUE et suivants?

82. L’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux s’insèrent dans celui‑ci. Ce règlement a pour objectif d’établir un instrument financier destiné à financer les projets d’intérêt commun réalisés dans le cadre de la politique des réseaux transeuropéens ( 38 ). Plus particulièrement, il vise, conformément à son considérant 2, à accélérer l’investissement dans le domaine des réseaux transeuropéens et à mobiliser les financements provenant tant du secteur public que du secteur privé.

83. À cette fin, le règlement litigieux précise les objectifs dans chaque domaine visé. Par exemple, en matière de transport, il est indiqué, à l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, que le mécanisme financier mis en place soutient les projets d’intérêt commun visant, notamment, à supprimer les goulets d’étranglement, à renforcer l’interopérabilité ferroviaire, à établir les liaisons manquantes et, en particulier, à améliorer les tronçons frontaliers. Par ailleurs, ledit règlement fixe le
budget pour une période déterminée ( 39 ) et définit les différentes formes d’aides financières ainsi que les dispositions financières nécessaires à leur mise en œuvre ( 40 ).

84. L’article 29 du règlement litigieux figure dans le dernier titre de ce règlement, consacré aux dispositions générales et finales. Seul le considérant 16 dudit règlement nous aide à comprendre la raison pour laquelle le législateur de l’Union a inséré cet article 29 dans le règlement litigieux. Ainsi, ce considérant 16 indique que «[l]’alignement géographique des corridors pour le fret ferroviaire prévus dans le cadre du règlement [sur le fret ferroviaire] et des corridors de réseau central visés
à la partie I de l’annexe I du [règlement litigieux] devrait être assuré, le cas échéant, compte tenu des objectifs de chaque instrument, afin de réduire la charge administrative et de rationaliser le développement et l’utilisation des infrastructures ferroviaires».

85. L’objet de l’article 29 et de l’annexe II du règlement litigieux est donc de modifier les corridors de fret ferroviaire initiaux afin de les faire correspondre aux corridors de réseau central présélectionnés dans le secteur des transports, tels que prévus dans la partie I de l’annexe I de ce règlement.

86. Cependant, cette seule constatation ne nous permet pas de trancher la question de savoir si ces dispositions relèvent ou non du champ d’application de l’article 170 TFUE. Dans la mesure où lesdites dispositions visent à modifier le règlement sur le fret ferroviaire, dans sa version initiale, il convient de s’attacher au but et au contenu de ce règlement afin de déterminer si l’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux, telle qu’elle a été mise en œuvre par l’article 29 et l’annexe II
du règlement litigieux, aurait dû être adoptée conformément à l’article 172 TFUE.

87. Si l’intitulé du règlement sur le fret ferroviaire pourrait laisser penser que celui‑ci a pour but exclusif ou principal l’amélioration du marché ferroviaire intérieur, l’examen de ses dispositions nous démontre, en réalité, qu’il va au‑delà d’une simple harmonisation des conditions du marché intérieur dans le secteur de ce mode de transport.

88. Nous notons, tout d’abord, que le considérant 3 de ce règlement indique que, «[p]our pouvoir être compétitifs face aux autres modes de transport, les services ferroviaires de fret nationaux et internationaux [...] doivent pouvoir bénéficier d’une infrastructure ferroviaire de bonne qualité et dotée d’un financement suffisant, c’est‑à‑dire qui leur permettent de fournir des services de transport de marchandises dans de bonnes conditions en termes de vitesse commerciale et de durée des trajets et
qui soient fiables». Afin, justement, d’optimiser l’utilisation du réseau ferroviaire et d’en assurer la fiabilité, le règlement sur le fret ferroviaire établit «de nouvelles procédures pour renforcer la coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure en ce qui concerne la répartition des sillons internationaux pour les trains de marchandises» ( 41 ).

89. Le considérant 5 dudit règlement met l’accent, quant à lui, sur la nécessaire interopérabilité des infrastructures nationales. Ainsi, il prévoit que «la mise en place de corridors ferroviaires internationaux en vue d’un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif sur lequel les trains de marchandises pourraient circuler dans de bonnes conditions et facilement passer d’un réseau national à un autre permettrait d’améliorer les conditions d’utilisation de l’infrastructure». Le considérant 9
du règlement sur le fret ferroviaire met, également, l’accent sur la nécessaire et importante interconnexion des infrastructures ferroviaires existantes lors du développement des corridors de fret ferroviaire.

90. L’article 1er de ce règlement indique que celui‑ci a pour objet d’établir «les règles de mise en place et d’organisation de corridors ferroviaires internationaux pour un fret compétitif en vue de créer un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif». À cette fin, il établit «des règles de sélection, d’organisation et de gestion des corridors de fret, ainsi que la planification indicative des investissements liés à ceux‑ci».

91. Ainsi, plusieurs corridors de fret ferroviaire initiaux ont été désignés par les États membres et figurent en annexe dudit règlement ( 42 ). Nous retrouvons, parmi ces corridors, le corridor de fret ferroviaire initial no 2 devenu, après modification par le règlement litigieux, le corridor «Mer du Nord – Méditerranée». Des corridors de fret ferroviaire supplémentaires peuvent, par la suite, être sélectionnés et modifiés selon la procédure prévue aux articles 4 à 6 du règlement sur le fret
ferroviaire.

92. L’article 8 de ce règlement prévoit la création, pour chaque corridor de fret, d’un comité exécutif mis en place par les États membres concernés ainsi que d’un comité de gestion mis en place par les gestionnaires de l’infrastructure concernés. Ces comités sont chargés d’assurer le développement du corridor de fret concerné selon un plan de mise en œuvre établi par le comité de gestion, conformément à l’article 9 dudit règlement.

93. Selon l’article 11 du règlement sur le fret ferroviaire, le comité de gestion doit, également, élaborer et réviser périodiquement un plan d’investissement pour l’infrastructure du corridor de fret ferroviaire et le soumettre pour approbation au comité exécutif. Ce plan comprend, notamment, la liste des projets prévus pour l’extension, le renouvellement ou le redéploiement des infrastructures ferroviaires et de leurs équipements existant le long du corridor de fret ou encore un plan de
déploiement relatif aux systèmes interopérables le long du corridor de fret ferroviaire ( 43 ).

94. Par ailleurs, en vertu de l’article 13 dudit règlement, le comité de gestion en charge du corridor de fret doit mettre en place un guichet unique qui donne la possibilité aux opérateurs économiques concernés de présenter des demandes de sillons ( 44 ) en un seul endroit pour un trajet se situant sur le territoire de différents États membres.

95. La création de sillons internationaux préétablis est réalisée par les différents gestionnaires de l’infrastructure concernés, en tenant compte des besoins du marché et après une évaluation des besoins de capacités ( 45 ).

96. Ainsi, nous notons que le règlement sur le fret ferroviaire a pour objectif de créer et de développer de manière cohérente et coordonnée des corridors de fret ferroviaire, auxquels participent ou pour lesquels sont consultés tous les acteurs du secteur concerné.

97. À l’article 2, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, le corridor de fret est défini comme «l’ensemble des lignes ferroviaires désignées, notamment les lignes de transbordeurs ferroviaires, sur le territoire des États membres ou entre États membres et, le cas échéant, dans des pays tiers européens, reliant deux terminaux ou plus le long d’un itinéraire principal et, le cas échéant, des itinéraires de contournement et des sections les reliant, y compris les infrastructures ferroviaires et leurs
équipements et les services ferroviaires correspondants visés à l’article 5 de la directive 2001/14».

98. Le choix de développer le réseau ferroviaire européen par la mise en place de corridors de fret n’est pas anodin. En effet, le concept de corridor sous‑tend la prise en compte d’une multitude d’indicateurs et de caractéristiques propres à permettre le développement harmonieux d’un territoire. Le corridor a été défini, par exemple, comme une «zone dont l’étendue dépend des indicateurs utilisés: conditions géographiques, densité de population, critères culturels, sphères d’influence, structures
institutionnelles, divisions politiques, etc.» ( 46 ). Ce terme «corridor» permet d’«identifier des axes de transport [...], de décrire des processus de désenclavement des arrière‑pays [...], de justifier l’accès à des ressources [...], d’exprimer un réseau de carrefours urbains interdépendants affichant d’importants mouvements, liens et échanges entre eux [...] ou encore de décrire des routes à différentes échelles géographiques» ( 47 ).

99. Nous ne contestons pas le fait que le règlement sur le fret ferroviaire, par la création de corridors de fret ferroviaire, vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur dans le secteur du transport ferroviaire. Du reste, dans ce secteur en déclin depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, toutes les réglementations de l’Union qui ont été adoptées l’ont été dans cette optique de redynamiser ledit secteur, en perte de vitesse par rapport au transport par route, par voies maritime ou
aérienne.

100. Toutefois, l’analyse du contenu de ce règlement nous amène à penser que celui‑ci a bien pour but de desservir de manière équilibrée et harmonieuse le territoire de l’Union, au vu des besoins spécifiques des acteurs concernés, tant au niveau des nécessités économiques qu’au niveau des nécessités sociales ( 48 ). L’article 4 dudit règlement est particulièrement éclairant à cet égard. Il oblige, en effet, à tenir compte de plusieurs critères pour la mise en place de corridors de fret
supplémentaires. La sélection de ces corridors doit s’opérer en tenant compte, notamment, de la traversée par le corridor de fret du territoire d’au moins trois États membres ou de deux États membres si la distance entre les terminaux desservis est supérieure à 500 kilomètres, de la cohérence du corridor concerné avec le RTE‑T, les corridors ERTMS et/ou les corridors définis par le RNE, de l’intégration des projets prioritaires du RTE‑T ( 49 ) au corridor de fret, ou encore de l’équilibre entre
les coûts et les bénéfices socio‑économiques découlant de la mise en place du corridor de fret ( 50 ).

101. Le règlement sur le fret ferroviaire répond donc, à notre avis, au double objectif poursuivi par la politique des réseaux transeuropéens tel que visé à l’article 170 TFUE, à savoir établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur (article 26 TFUE) et promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union en renforçant sa cohésion économique, sociale et territoriale (article 174 TFUE).

102. Il semblerait, d’ailleurs, que le législateur de l’Union lui‑même avait bien à l’esprit la création de corridors de fret ferroviaire participant au développement du RTE‑T. Ainsi, nous pouvons lire, dans les travaux préparatoires ayant mené à l’adoption de ce règlement, que le corridor de fret vise à permettre l’exploitation de services ferroviaires internationaux et nationaux de fret sur le territoire d’au moins deux États membres et qu’il présente la caractéristique de faire partie du RTE‑T (
51 ).

103. L’un des arguments du Parlement, du Conseil et de la Commission est de soutenir que le règlement sur le fret ferroviaire ne peut pas entrer dans le champ d’application des articles 170 TFUE et suivants dans la mesure où il est nécessaire que l’acte en question ait pour but de créer de nouvelles infrastructures ferroviaires.

104. Nous ne partageons pas cet avis.

105. Tout d’abord, rien, dans ce règlement, ne nous permet de conclure que la mise en place de corridors de fret ferroviaire ainsi que des mesures favorisant leur gestion et leur utilisation d’une manière efficace ne nécessite aucune création d’infrastructures physiques. Il se peut même, selon nous, qu’il soit nécessaire de recourir à de telles créations aux fins de la réalisation de l’interopérabilité entre les infrastructures des États membres qui, nous le rappelons, est visée par la mise en place
de ces corridors ( 52 ), puisque l’interopérabilité est définie comme «l’aptitude, y compris toutes les conditions réglementaires, techniques et opérationnelles, de l’infrastructure d’un mode de transport à permettre des flux de circulation sûrs et ininterrompus accomplissant les performances requises pour l’infrastructure ou le mode de transport concerné» ( 53 ).

106. Ensuite, cette condition de création de nouvelles infrastructures physiques ne ressort nullement du libellé des articles 170 TFUE et 171 TFUE.

107. L’article 170, paragraphe 1, TFUE indique que l’Union contribue à l’établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l’énergie. L’établissement de réseaux transeuropéens n’engendre pas forcément la création de nouvelles infrastructures et peut s’appuyer, en partie, sur les infrastructures nationales déjà existantes. C’est ce que confirment les considérants 7 et 8 du règlement RTE‑T, qui indiquent,
respectivement, que «[l]e [RTE‑T] se compose dans une large mesure d’infrastructures existantes» et que «[ce RTE‑T] devrait être développé à travers la création de nouvelles infrastructures de transport, à travers la réhabilitation et la modernisation des infrastructures existantes ainsi que par des mesures visant à promouvoir une utilisation économe en ressources de ces infrastructures» ( 54 ).

108. En outre, en vertu de l’article 170, paragraphe 2, TFUE, l’action de l’Union vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux. Il s’agit bien là, selon nous, des réseaux nationaux existants qui doivent être interconnectés entre eux et être rendus interopérables.

109. Enfin, l’article 171, paragraphe 1, deuxième tiret, TFUE vise les actions orientées clairement vers l’interopérabilité des réseaux en mettant l’accent sur les normes techniques. Ces actions ne requièrent pas nécessairement la création de nouvelles infrastructures. Du reste, l’interopérabilité ferroviaire est l’un des buts visés par les orientations de l’Union défini dans le règlement RTE‑T. En effet, dès le considérant 2 de celui‑ci, nous pouvons lire que «l’interopérabilité ferroviaire
pourrait être renforcée par des solutions innovantes visant à accroître la compatibilité des systèmes tels que les équipements embarqués et les voies à écartement variable». Si ce dernier système nécessite, sans aucun doute, des travaux sur les rails et donc sur l’infrastructure ferroviaire elle‑même, en revanche, tel n’est pas le cas pour les équipements embarqués. Par ailleurs, le considérant 5 de ce règlement indique que «[l]e livre blanc [ ( 55 )] préconise le développement des technologies
de communication et d’information liées au transport, afin d’améliorer et de mieux intégrer la gestion du trafic, et de simplifier les procédures administratives en rendant la logistique du transport de marchandises ainsi que le suivi des marchandises plus performants et en optimisant les horaires et les flux de circulation. Étant donné que ces mesures favorisent la gestion et l’utilisation efficaces des infrastructures de transport, il convient qu’elles entrent dans le champ d’application
[dudit] règlement» ( 56 ).

110. Ainsi, l’article 2, paragraphe 1, du règlement RTE‑T précise, notamment, que le RTE‑T comprend des infrastructures de transport et des applications télématiques ainsi que des mesures visant à promouvoir la gestion et l’utilisation efficaces de ces infrastructures et permettant la mise en place et la gestion de services de transport durables et efficaces. Il en ressort que des mesures qui n’engendrent pas la création de nouvelles infrastructures physiques, au sens de nouvelles lignes
ferroviaires, entrent malgré tout dans le champ d’application de ce règlement consacré aux RTE‑T.

111. S’il était nécessaire qu’un acte de l’Union prévoie la création de nouvelles infrastructures afin qu’il puisse entrer dans le champ d’application de l’article 170 TFUE, cela limiterait considérablement, selon nous, les possibilités d’adopter de tels actes non seulement dans le secteur des transports, mais également dans celui des télécommunications et de l’énergie, autres secteurs appartenant au réseau transeuropéen. Les réseaux transeuropéens, qu’ils relèvent du secteur des transports, des
télécommunications ou de l’énergie, ne se limitent pas aux infrastructures physiques. Ils regroupent toutes les mesures aptes à servir les objectifs de l’article 170 TFUE.

112. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous considérons que l’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux, telle que prévue à l’article 29 et à l’annexe II du règlement litigieux, entre dans le champ d’application de l’article 170 TFUE relatif aux réseaux transeuropéens.

113. Par conséquent, le premier moyen, tiré du choix erroné de la base juridique pour l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2, est fondé.

114. Il nous reste, à présent, à déterminer si le législateur de l’Union aurait dû requérir l’approbation du Royaume‑Uni aux fins de cette extension, conformément à l’article 172, second alinéa, TFUE.

B – Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 172, second alinéa, TFUE en raison du non‑respect de l’exigence de consentement de l’État membre concerné

115. Par son second moyen, le Royaume‑Uni soutient que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 a été adoptée en violation de l’article 172, second alinéa, TFUE, dans la mesure où cette disposition prévoit que «[l]es orientations et projets d’intérêt commun qui concernent le territoire d’un État membre requièrent l’approbation de l’État membre concerné».

1. Les arguments des parties

116. Le Royaume‑Uni invoque deux arguments à l’appui de son second moyen, à savoir que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 constitue un projet d’intérêt commun et qu’elle concerne le territoire du Royaume‑Uni.

a) L’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 constitue un projet d’intérêt commun

117. Le Royaume‑Uni estime que les modifications qui résultent de l’article 29 et de l’annexe II du règlement litigieux sont des «projets d’intérêt commun», au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE. Ainsi, ces modifications qui ont pour effet d’étendre le corridor de fret ferroviaire initial no 2 auraient été déterminées dans le cadre des orientations établies aux fins de la politique des RTE‑T. En particulier, le considérant 46 du règlement RTE‑T et le considérant 16 du règlement litigieux,
qui indiquent que les corridors de réseau central devraient s’aligner sur les corridors de fret ferroviaire établis conformément au règlement sur le fret ferroviaire, exprimeraient bien la nécessité d’une telle extension. Par ailleurs, le Royaume‑Uni note que cette extension a été adoptée dans le cadre du règlement litigieux, fondé sur l’article 172 TFUE.

118. En outre, le Royaume‑Uni soutient que ladite extension correspond clairement à la définition donnée des projets d’intérêt commun à l’article 7, paragraphe 1, du règlement RTE‑T.

119. Le Royaume‑Uni explique, également, que le réseau global, le réseau central et les corridors qui le composent ainsi que les corridors de fret ferroviaire initiaux sont intimement liés. Ainsi, nous comprenons que, pour le Royaume‑Uni, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous d), de ce règlement, le réseau global constitue la base qui permet d’identifier les projets d’intérêt commun. Le réseau central, quant à lui, se compose des parties du réseau global présentant la plus haute importance
stratégique pour atteindre les objectifs de développement du RTE‑T, conformément à l’article 38, paragraphe 1, dudit règlement. Ce réseau central, par ailleurs, est constitué de corridors qui couvrent les principaux flux à longue distance dans ledit réseau et qui visent, notamment, à améliorer les tronçons transfrontaliers au sein de l’Union ( 57 ). Or, les extensions de corridors de fret initiaux, dans la mesure où elles conduisent à l’alignement de ces corridors de réseau central sur les
corridors de fret ferroviaire, participeraient aussi aux objectifs de développement du RTE‑T et pourraient, dès lors, être identifiées comme des projets d’intérêt commun, puisqu’elles feraient partie, en réalité, du réseau global.

120. Le Royaume‑Uni indique, par ailleurs, que l’article 7, paragraphe 1, du règlement RTE‑T, qui prévoit lui‑même des orientations couvrant les objectifs de la politique des réseaux transeuropéens, au sens de l’article 171, paragraphe 1, TFUE, décrit un projet d’intérêt commun comme contribuant au développement du RTE‑T, notamment grâce à des mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace du réseau en termes de ressources. Or, ce serait précisément ce que les modifications de la liste des
corridors de fret ferroviaire initiaux visent à apporter, puisque, selon le considérant 16 du règlement litigieux, l’alignement des corridors de réseau central sur les corridors de fret ferroviaire est envisagé «afin de réduire la charge administrative et de rationaliser le développement et l’utilisation des infrastructures ferroviaires».

121. Le Royaume‑Uni ajoute que, en tout état de cause, les corridors de fret ferroviaire initiaux, tels que mis en place à l’origine par le règlement sur le fret ferroviaire, sont eux‑mêmes des projets d’intérêt commun, dans la mesure où ils constituent des aspects fondamentaux du RTE‑T. Ce règlement ne traiterait pas de la création d’un marché ferroviaire intérieur. Il viserait, selon ses considérants 5 et 10, à mettre en œuvre un réseau ferroviaire international sur lequel les trains pourraient
circuler dans de bonnes conditions et pourraient facilement passer d’un réseau national à un autre. L’article 4, sous b) et c), dudit règlement démontrerait bien que ce dernier vise à garantir la cohérence des corridors de fret ferroviaire avec le RTE‑T ainsi qu’à assurer la prise en compte de l’intégration des projets du réseau central à ces corridors.

122. De plus, le Royaume‑Uni estime que la notion de projets d’intérêt commun ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Ainsi, cette notion n’engloberait pas uniquement les projets ayant pour but de créer des infrastructures. À cet égard, il cite l’article 3, sous a), du règlement RTE‑T, qui définit un projet d’intérêt commun comme tout projet mené conformément aux exigences et dans le respect des dispositions de ce règlement, ainsi que l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, en
soutenant que ce dernier se réfère simplement à la création d’une nouvelle infrastructure de transport en tant qu’un des moyens permettant à des projets d’intérêt commun de contribuer au développement du RTE‑T.

123. Le Royaume‑Uni considère donc que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2, telle que prévue à l’article 29 et à l’annexe II du règlement litigieux, constitue un «projet d’intérêt commun», au sens de l’article 171 TFUE. Il suffirait, à ce titre, que cette extension ait été déterminée dans le cadre des orientations définies par le règlement RTE‑T et le règlement litigieux, qu’elle ait été adoptée par le règlement litigieux dont l’objectif est de permettre l’élaboration et le
financement de projets d’intérêt commun dans le cadre de la politique relative aux réseaux transeuropéens et qu’elle relève clairement de la description de projets d’intérêt commun, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement RTE‑T.

124. Pour le Parlement, les corridors de fret ferroviaire initiaux ne peuvent pas constituer des «projets», au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE. Le simple fait d’autoriser une réponse unique quant à leur utilisation, via le guichet unique, ne serait que la suite logique de l’existence de l’infrastructure. Ainsi, les corridors de fret ferroviaire initiaux auraient pour seul objectif de faciliter l’utilisation des voies ferrées afin d’améliorer l’efficacité du transport ferroviaire de
marchandises.

125. Le Parlement fait valoir que, au vu du texte de l’article 7, paragraphe 4, du règlement RTE‑T, le lien entre projet d’intérêt commun et infrastructure va de soi. Il rappelle, à ce titre, que cette disposition exige des États membres qu’ils veillent à ce que les projets d’intérêt commun soient menés en conformité avec le droit de l’Union et le droit national applicables, en particulier avec les actes juridiques de l’Union en matière d’environnement, de protection du climat, de sécurité, de
sûreté, de concurrence, d’aides d’État, de marchés publics, de santé publique et d’accessibilité. Il ne voit pas, dès lors, pourquoi et comment la constitution d’un comité de coordination ou d’un guichet unique pourrait être comparable à quelque chose répondant à de telles exigences.

126. Le Parlement relève, afin de différencier les corridors de fret ferroviaire initiaux et les corridors de réseau central, que ces derniers, selon les considérants 42 à 44 du règlement RTE‑T, ont un concept bien différent de celui des premiers. Ainsi, reprenant le texte de ces considérants, il indique qu’une approche par corridors en ce qui concerne le réseau central pourrait permettre de coordonner différents projets sur une base transnationale et que les corridors de réseau central devraient
permettre de développer l’infrastructure du réseau central. Il poursuit en mentionnant que leur objet et leur nature spécifiques entraînent la nécessité d’identifier les sources de financement, tant privées que publiques, pour les projets transfrontaliers complexes relevant de chaque corridor de réseau central.

127. Le Conseil, quant à lui, avance le fait que le règlement sur le fret ferroviaire a été adopté sur la base de l’article 91 TFUE et qu’il ne contient pas d’orientations concernant les réseaux transeuropéens ni de définition des projets d’intérêt commun. Il relèverait donc entièrement de la politique commune des transports.

128. Le Conseil estime, lui aussi, que, à la lecture du règlement RTE‑T, il est clair que les projets d’intérêt commun sont des projets qui ont pour effet de créer de nouvelles infrastructures de transport ainsi que de réhabiliter et de moderniser les infrastructures existantes.

129. Par ailleurs, il indique qu’il ne suffit pas qu’une mesure se contente de respecter l’une des exigences de l’article 7 de ce règlement, comme le suggère le Royaume‑Uni, pour que cette mesure entre dans la définition d’un projet d’intérêt commun. À cet égard, le Royaume‑Uni ne démontrerait pas que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 est conforme aux chapitres II et III dudit règlement – qui portent sur les dispositions relatives, respectivement, au réseau global et au réseau
central –, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement RTE‑T.

130. Pour la Commission, la création, l’alignement et le remplacement de la liste des corridors de fret ferroviaire initiaux n’entrent pas dans les orientations définies à l’article 171, paragraphe 1, TFUE et ne peuvent, dès lors, être considérés comme des projets d’intérêt commun.

131. La Commission estime, également, que la raison d’être de l’exigence liée à l’approbation de l’État membre concerné par le projet d’intérêt commun, telle que retranscrite à l’article 172, second alinéa, TFUE, ne saurait être que toute mesure produisant des effets sur un État membre requiert l’approbation de cet État.

b) L’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 concerne le territoire du Royaume‑Uni

132. Pour le Royaume‑Uni, les extensions des corridors de fret ferroviaire initiaux concernent, à l’évidence, le territoire d’un État membre, au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE. Selon lui, l’approbation de l’État membre concerné pour que soient arrêtés les orientations et les projets d’intérêt commun, au sens de l’article 171 TFUE, est nécessaire parce qu’ils affectent les intérêts des États membres, ce qui serait le cas, en l’espèce, avec la création et l’extension d’un corridor de fret
ferroviaire initial.

133. En effet, le Royaume‑Uni explique que, une fois ce corridor mis en place, une série d’obligations pour l’État membre concerné en découle au titre du règlement sur le fret ferroviaire. Notamment, l’article 14 de ce règlement imposerait de réserver aux trains de marchandises des sillons préétablis à répartir au moyen du guichet unique, créé en vertu de l’article 13 dudit règlement. Cela aurait un effet évident sur les capacités d’infrastructure de l’État membre concerné. Par ailleurs, le fait que
la procédure prévue par le règlement sur le fret ferroviaire aux fins de la sélection des corridors de fret supplémentaires tienne compte, conformément à l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, de la question de savoir si la mise en place d’un corridor imposerait une charge disproportionnée à l’État membre et de la circonstance qu’un État membre ne soit pas contraint, comme l’indique l’article 5, paragraphe 4, dudit règlement, de participer à une telle mise en place au cas où il serait doté
d’un réseau ferroviaire dont l’écartement des rails serait différent de celui du réseau ferroviaire principal de l’Union prouverait que la mise en place d’un corridor de fret ferroviaire a des effets concrets importants pour l’État membre concerné.

134. Selon le Royaume‑Uni, pour qu’un projet d’intérêt commun concerne le territoire d’un État membre, au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE, ce projet ne doit pas nécessairement avoir pour effet de créer une nouvelle infrastructure. Pour preuve, les corridors de réseau central qui, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement RTE‑T, sont un instrument permettant de faciliter la mise en œuvre coordonnée du réseau central n’exigent pas, en soi, la création de nouvelles
infrastructures. Pourtant, la mise en place de ces corridors n’est pas exclue de la qualification de projet d’intérêt commun qui concerne le territoire d’un État membre, au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE.

135. Pour le Parlement, les situations pour lesquelles les orientations et les projets d’intérêt commun concernent le territoire d’un État membre, au sens de cette disposition, ne peuvent exister que si un projet d’infrastructure présente un lien direct avec le territoire. Une interprétation extensive de cette notion reviendrait à devoir obtenir l’approbation de chaque État membre pour toute mesure contribuant à améliorer le fonctionnement des réseaux transeuropéens, puisque toute mesure de cette
nature est censée, par définition, s’appliquer sur le territoire des États membres. Le Parlement et le Conseil citent l’arrêt Espagne/Conseil ( 58 ), dans lequel la Cour, à propos de l’article 192, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui prévoit une procédure de vote exceptionnelle pour les mesures relatives à l’aménagement du territoire et affectant les sols en matière d’environnement, a jugé que les mesures qui ne réglementent pas la réalisation de projets spécifiques en matière d’infrastructure
sont à caractère général et n’exigent donc pas le recours à la procédure exceptionnelle. Cela vaudrait également pour les «mesures qui [...], bien qu’imposant certaines limites à la manière dont peuvent être utilisés les sols des États membres, ne réglementent pas l’usage auquel ils les destinent» ( 59 ).

136. Le Parlement opère un parallèle avec les corridors de fret ferroviaire initiaux et indique que, en l’espèce, même un tel lien indirect ne peut pas exister, puisque rien ne peut être considéré comme imposant la moindre limitation à l’utilisation des sols, le seul but de ces corridors étant la coordination entre les gestionnaires d’infrastructure et la mise en place d’un guichet unique, afin de parvenir à un fret compétitif.

137. Le Parlement estime, en outre, que les corridors de fret ferroviaire initiaux ne peuvent affecter le territoire du Royaume‑Uni dans la mesure où la perte de contrôle sur l’allocation des capacités, telle qu’évoquée par cet État membre, n’est qu’une considération purement opérationnelle. Le fait qu’un gestionnaire d’infrastructure soit tenu d’en consulter d’autres sur l’attribution des sillons n’affecterait pas le territoire d’un État membre.

138. Le Conseil considère, quant à lui, que le lien avec le territoire de l’État membre existe uniquement lorsque le projet d’infrastructure en cause a un rapport direct avec le territoire de cet État, c’est‑à‑dire qu’il a des effets concrets sur l’autonomie de ce dernier dans l’aménagement de son territoire. Tel ne serait pas le cas des corridors de fret ferroviaire initiaux qui ne conduiraient pas à des projets de travaux comme cela peut être le cas, en revanche, pour les corridors de réseau
central.

139. Cette exigence relative aux infrastructures découlerait directement de l’article 170 TFUE et elle serait essentielle à l’établissement de réseaux transeuropéens. Selon le Conseil, l’article 172, second alinéa, TFUE, qui fixe la procédure décisionnelle, doit être interprété de manière restrictive.

2. Notre appréciation

140. L’article 172, premier alinéa, TFUE prévoit une procédure de codécision, après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions. Cependant, dans le cas où l’acte qui fait l’objet de cette procédure porterait sur les orientations ou les projets d’intérêt commun qui concernent le territoire d’un État membre, l’approbation de cet État est requise.

141. Le second moyen nous amène, dès lors, à examiner, dans un premier temps, si l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 répond à la notion de «projets d’intérêt commun», au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE, et, dans un second temps, si elle concerne le territoire du Royaume‑Uni, au sens de cette disposition.

a) Sur la question de savoir si l’extension d’un corridor de fret ferroviaire initial relève de la notion de projet d’intérêt commun

142. Le règlement RTE‑T, qui, nous le rappelons, fixe les orientations de l’Union pour le développement du RTE‑T, identifie les projets d’intérêt commun ( 60 ). Ce sont ces derniers qui contribuent à la réalisation du RTE‑T. Ils correspondent, en outre, aux priorités fixées dans les orientations ( 61 ), notamment aux priorités générales établies à l’article 10 du règlement RTE‑T, ainsi que, pour ce qui nous concerne, aux priorités relatives au développement des infrastructures ferroviaires énumérées
à l’article 13 de ce règlement.

143. Pour être qualifié comme tel, un projet d’intérêt commun doit donc correspondre au cadre défini par le règlement RTE‑T. À cet égard, l’article 3, sous a), de celui‑ci définit le projet d’intérêt commun comme «tout projet mené conformément aux exigences et dans le respect des dispositions [de ce] règlement».

144. L’article 7 du règlement RTE‑T nous apporte quelques éléments supplémentaires afin de mieux cerner cette notion. Il y est, en effet, indiqué, au paragraphe 1, que «[l]es projets d’intérêt commun contribuent au développement du [RTE‑T] en créant de nouvelles infrastructures de transport, en réhabilitant et en modernisant les infrastructures de transport existantes et grâce à des mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace du réseau en termes de ressources».

145. Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement précise qu’un projet d’intérêt commun doit contribuer à atteindre les objectifs relevant d’au moins deux des quatre catégories énoncées à l’article 4 dudit règlement, être conforme à son chapitre II, relatif au réseau global, ainsi qu’à son chapitre III s’il concerne le réseau central, présenter une viabilité économique sur le fondement d’une analyse socio‑économique coûts‑avantages et présenter une valeur ajoutée européenne. Les quatre
catégories énoncées à l’article 4 du règlement RTE‑T sont la cohésion, l’efficacité, la durabilité et l’augmentation des avantages pour ses usagers.

146. C’est donc au regard de l’ensemble de ces éléments qu’il convient d’examiner si le corridor de fret ferroviaire initial no 2 peut être qualifié de «projet d’intérêt commun», au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE.

147. Concernant l’article 7, paragraphe 1, du règlement RTE‑T, le Parlement, le Conseil et la Commission opèrent, selon nous, une lecture trop restrictive de cette disposition. Ils estiment, en substance, qu’un projet d’intérêt commun implique forcément la construction ou le développement des infrastructures ferroviaires, ce qui ne serait pas le cas pour les corridors de fret ferroviaire initiaux.

148. Ainsi que nous l’avons vu aux points 105 à 111 des présentes conclusions, l’établissement et le développement des réseaux transeuropéens ne se limitent pas à la création de nouvelles infrastructures. Il en va, dès lors, de même pour les projets d’intérêt commun, dans la mesure où ce sont eux qui contribuent à la réalisation de ces réseaux.

149. Le libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement RTE‑T va dans ce sens, puisque, outre la création de nouvelles infrastructures, il indique, également, que les projets d’intérêt commun contribuent au développement du RTE‑T grâce à des mesures visant à promouvoir l’utilisation efficace du réseau en termes de ressources. Du reste, ce texte est parfaitement cohérent avec l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, qui indique que le RTE‑T comprend des infrastructures de transport et des
applications télématiques ainsi que des «mesures visant à promouvoir la gestion et l’utilisation efficaces de ces infrastructures et permettant la mise en place et la gestion de services de transport durables et efficaces». Parmi ces mesures, nous pouvons citer celles énumérées à l’article 32 dudit règlement, qui prévoit que les États membres accordent une attention particulière aux projets d’intérêt commun qui fournissent des services de transport de fret efficaces utilisant les
infrastructures du réseau global et qui contribuent, en même temps, à la réduction des émissions de dioxyde de carbone et d’autres incidences environnementales négatives, et dont l’objectif consiste, notamment, à améliorer l’utilisation durable des infrastructures de transport, notamment par leur gestion efficace, à faciliter les opérations de services de transport multimodales, y compris les nécessaires flux d’information associés, et à améliorer la coopération entre les prestataires de
services de transport, ou encore à analyser et à fournir des informations sur les caractéristiques et les performances des flottes, les exigences administratives et les ressources humaines.

150. Force est de constater que la qualification de «projets d’intérêt commun» ne se limite pas aux projets nécessitant une construction ou une transformation des infrastructures. Elle va bien au‑delà et comprend, notamment, les mesures permettant une gestion et une utilisation coordonnées et cohérentes de ces infrastructures, ce vers quoi tendent les corridors de fret ferroviaire initiaux. Une telle approche relève du bon sens dans la mesure où, pour parvenir à un fonctionnement optimal du RTE‑T,
la construction ou l’amélioration physique d’infrastructures n’est certainement pas suffisante et doit nécessairement être accompagnée d’une gestion et d’une utilisation efficaces.

151. En outre, il ne fait pas de doute, selon nous, que l’instauration de corridors de fret ferroviaire supplémentaires, tels que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2, répond aux objectifs visés à l’article 4 du règlement RTE‑T, notamment aux objectifs de cohésion et d’efficacité.

152. En effet, ainsi que nous l’avons vu, la création de ces corridors a pour but de renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale sur le territoire de l’Union, notamment en mettant l’accent sur l’interopérabilité et l’interconnexion ( 62 ). Par ailleurs, le développement de corridors de fret ferroviaire vise, également, à fournir des services de transport de marchandises dans de bonnes conditions et qui soient fiables ( 63 ). Cet objectif se confond avec celui visé à l’article 4,
sous d), du règlement RTE‑T, à savoir l’augmentation des avantages pour les usagers du RTE‑T.

153. Par ailleurs, conformément à l’article 4 du règlement sur le fret ferroviaire, la sélection de corridors de fret ferroviaire supplémentaires et leur modification s’effectuent en prenant en compte plusieurs critères. Notamment, son point b) prévoit que cette sélection doit tenir compte de la cohérence du corridor de fret ferroviaire avec le RTE‑T, avec les corridors ERTMS et/ou avec les corridors définis par le RNE. Par ailleurs, son point c) indique que ladite sélection doit également prendre
en considération l’intégration des projets du réseau central au corridor de fret. Il nous semble donc que les corridors de fret ferroviaire supplémentaires doivent nécessairement répondre aux exigences du chapitre II du règlement RTE‑T, relatif au réseau global, et à celles du chapitre III de celui‑ci, relatif au réseau central ( 64 ).

154. De plus, dans le cadre de la sélection de corridors de fret ferroviaire supplémentaires, il est nécessaire de présenter une analyse socio‑économique mettant en avant l’équilibre des coûts et des bénéfices attendus par la création de ces corridors ( 65 ).

155. Enfin, quant à la valeur ajoutée européenne que doit présenter un projet d’intérêt commun ( 66 ), elle est définie comme la «valeur d’un projet qui, outre la valeur potentielle pour l’État membre considéré seul, engendre une amélioration significative, soit des connexions de transport, soit des flux de transport entre les États membres que l’on peut démontrer sur la base d’améliorations en matière d’efficacité, de durabilité, de compétitivité ou de cohésion, conformément aux objectifs énoncés à
l’article 4 [du règlement RTE‑T]» ( 67 ). Au vu des critères définis à l’article 4 du règlement sur le fret ferroviaire et de la raison d’être des corridors de fret telle que nous l’avons exprimée aux points 97 et 98 des présentes conclusions, nous pensons que les corridors de fret ferroviaire supplémentaires, telle l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2, tendent assurément à engendrer une telle amélioration.

156. Par conséquent, au vu de ces éléments, nous sommes d’avis que l’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux doit être qualifiée de «projet d’intérêt commun», au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE.

b) Sur la question de savoir si l’extension des corridors de fret ferroviaire initiaux concerne le territoire d’un État membre

157. L’article 172, second alinéa, TFUE prévoit que les orientations et les projets d’intérêt commun qui concernent le territoire d’un État membre requièrent l’approbation de ce dernier.

158. À notre avis, le choix d’instaurer une forme de droit de véto au profit de l’État membre concerné s’explique par le fait que la politique des réseaux transeuropéens intègre des aspects territoriaux et intéresse donc, en quelque sorte, l’aménagement du territoire qui est un domaine relevant traditionnellement de la souveraineté des États membres.

159. Comme nous l’avons vu aux points 132 à 139 des présentes conclusions, les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation qu’il convient de donner de l’expression «concernent le territoire d’un État membre», figurant à l’article 172, second alinéa, TFUE.

160. Selon nous, les termes employés à cette disposition sont clairs et ne se prêtent à aucune interprétation. À partir du moment où un projet qualifié d’«intérêt commun» se rapporte au territoire d’un État membre, l’approbation de ce dernier, aux fins de la mise en œuvre de ce projet, est requise. En effet, un projet d’intérêt commun, ainsi que nous l’avons vu aux points précédents, prévoit toute une série de mesures pour l’État membre concerné qui vont nécessairement avoir un impact sur son
territoire.

161. L’utilisation, par les rédacteurs du traité FUE, des termes parfaitement clairs «concernent le territoire de l’État membre» n’appelle pas d’interprétation autre que le sens véritable qu’elle dégage.

162. En l’occurrence, l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2, contestée dans le présent recours, intéresse un tronçon allant de Londres à Glasgow. Il est donc indéniable que ce projet d’intérêt commun concerne le territoire du Royaume‑Uni, au sens de l’article 172, second alinéa, TFUE. Par conséquent, ledit projet d’intérêt commun aurait dû requérir l’approbation de cet État membre, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

163. Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, nous estimons que le second moyen du Royaume‑Uni, tiré de la violation de l’exigence d’approbation en vertu de l’article 172, second alinéa, TFUE, est fondé.

C – Observations finales

164. Il nous semble opportun de préciser qu’une autre analyse de l’affaire nous amènerait, quoi qu’il en soit, à une solution identique.

165. En effet, si l’on devait admettre que l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 a été adoptée sur une base juridique correcte, à savoir l’article 91 TFUE, ce qui ne nécessiterait en aucun cas l’approbation de l’État membre concerné par cette extension, il n’en resterait pas moins que l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux devraient être annulés.

166. Ainsi, nous rappelons que le règlement sur le fret ferroviaire prévoit une procédure bien précise quant à la sélection et à la modification des corridors de fret ferroviaire supplémentaires. Notamment, l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement indique que, «lorsqu’un État membre estime, après avoir présenté une analyse socio‑économique, que la mise en place d’un corridor de fret ne serait pas dans l’intérêt des candidats susceptibles d’utiliser le corridor de fret ou n’apporterait pas de
bénéfices socio‑économiques significatifs ou représenterait une charge disproportionnée, l’État membre concerné n’est pas obligé de participer à sa mise en place comme indiqué aux paragraphes 1 et 2 du présent article, sous réserve d’une décision de la Commission statuant conformément à la procédure consultative visée à l’article 21, paragraphe 2». Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 5, dudit règlement précise que «[l]a mise en place d’un corridor de fret est proposée par les États membres
concernés». C’est donc sous leur impulsion qu’un corridor de fret peut être instauré.

167. En l’occurrence, le Royaume‑Uni a entamé une procédure, conformément à ces dispositions, concernant l’extension du corridor de fret ferroviaire initial no 2 jusqu’à Londres ( 68 ).

168. Cependant, aucune proposition concernant l’extension jusqu’à Glasgow n’a été faite par cet État membre ni aucune analyse socio‑économique pouvant, le cas échéant, démontrer le bénéfice d’une telle extension. Le Royaume‑Uni considère que cette extension aurait dû être soumise aux procédures prévues par le règlement sur le fret ferroviaire ( 69 ). Selon le Conseil, nous comprenons qu’il n’était pas nécessaire de se conformer à la procédure spécialement prévue à l’article 5 de ce règlement ( 70 ).
La Commission estime, quant à elle, qu’il importe peu, dans les circonstances de l’espèce, qu’il existe une procédure bien particulière aux fins de la modification des corridors de fret ferroviaire initiaux ( 71 ).

169. Il convient de rappeler, à cet égard, que la République fédérale d’Allemagne ainsi que la République de Lettonie, dans le cadre de la procédure relative à l’adoption du règlement litigieux, ont fait état de leurs craintes quant au non‑respect de la procédure prévue par le règlement sur le fret ferroviaire pour la modification des corridors de fret ferroviaire initiaux ( 72 ).

170. Force est de constater que l’article 29 et l’annexe II du règlement litigieux, qui visent à modifier le corridor de fret ferroviaire initial no 2, ont été adoptés sans se conformer à la procédure prévue à l’article 5 du règlement sur le fret ferroviaire.

171. La violation du respect de cette procédure ne peut que conduire à l’annulation de l’article 29 et de l’annexe II du règlement litigieux dans la mesure où elle constitue incontestablement une violation des formes substantielles, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE. En effet, l’erreur dans le choix de la procédure décisionnelle a privé le Royaume‑Uni de son droit d’exercer une influence sur le contenu même de ces dispositions.

VI – Conclusion

172. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour:

1) d’annuler l’article 29 et l’annexe II du règlement (UE) no 1316/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, modifiant le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant les règlements (CE) no 680/2007 et (CE) no 67/2010, et

2) de condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens, la Commission européenne supportant ses propres dépens.

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 348, p. 129, ci‑après le «règlement litigieux».

( 3 ) JO L 276, p. 22, et rectificatif JO 2012, L 325, p. 19. Règlement tel que modifié par le règlement litigieux, ci‑après le «règlement sur le fret ferroviaire».

( 4 ) Voir article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement.

( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (JO L 75, p. 29).

( 6 ) L’ERTMS est un système qui vise à harmoniser la signalisation ferroviaire, qui comprend également la détection des trains sur les voies ferrées.

( 7 ) Le RNE est une association fondée en 2004 qui regroupe des gestionnaires d’infrastructure.

( 8 ) Directive du Conseil du 29 juillet 1991 relative au développement de chemins de fer communautaires (JO L 237, p. 25).

( 9 ) JO L 348, p. 1. Règlement tel que modifié par le règlement délégué (UE) no 473/2014 de la Commission, du 17 janvier 2014 (JO L 136, p. 10, ci‑après le «règlement RTE‑T»).

( 10 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, et abrogeant la décision no 1364/2006/CE et modifiant les règlements (CE) no 713/2009, (CE) no 714/2009 et (CE) no 715/2009 (JO L 115, p. 39).

( 11 ) Voir points 9 et 10 des présentes conclusions.

( 12 ) Voir document du Conseil 16096/13 ADD 2 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, modifiant le règlement no 913/2010 et abrogeant les règlements (CE) no 680/2007 et (CE) no 67/2010.

( 13 ) Idem.

( 14 ) Arrêt Commission/Parlement et Conseil (C‑427/12, EU:C:2014:170, point 16 et jurisprudence citée).

( 15 ) Voir considérant 2 de ce règlement.

( 16 ) Voir article 1er dudit règlement.

( 17 ) Arrêts Commission/Parlement et Conseil (C‑411/06, EU:C:2009:518, point 45 et jurisprudence citée) ainsi que Parlement/Conseil (C‑130/10, EU:C:2012:472, point 42 et jurisprudence citée).

( 18 ) C‑137/12, EU:C:2013:675.

( 19 ) Point 53.

( 20 ) Arrêts Royaume‑Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 35 et jurisprudence citée) ainsi que Espagne/Conseil (C‑147/13, EU:C:2015:299, point 68 et jurisprudence citée).

( 21 ) Arrêt Royaume‑Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 36 et jurisprudence citée).

( 22 ) Arrêt Commission/Parlement et Conseil (C‑43/12, EU:C:2014:298, point 30 et jurisprudence citée).

( 23 ) Voir arrêt Parlement/Conseil (13/83, EU:C:1985:220, point 62).

( 24 ) Le premier paquet ferroviaire comprend la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 91/440 (JO L 75, p. 1), la directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO L 75, p. 26), et la directive 2001/14. Le deuxième paquet ferroviaire comprend le règlement (CE) no 881/2004 du Parlement européen et du Conseil, du
29 avril 2004, instituant une Agence ferroviaire européenne (règlement instituant une Agence) (JO L 164, p. 1), et la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires, ainsi que la directive 2001/14 (JO L 164, p. 44). Le troisième paquet ferroviaire comprend la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 23 octobre 2007, modifiant la directive 91/440 et la directive 2001/14 (JO L 315, p. 44), et la directive 2007/59/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans la Communauté (JO L 315, p. 51). Il convient, également, de citer la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique
européen (JO L 343, p. 32).

( 25 ) JO L 403, p. 18.

( 26 ) JO L 163, p. 1.

( 27 ) 97/78, EU:C:1978:211.

( 28 ) Point 4. Voir, également, arrêt Espagne et Finlande/Parlement et Conseil (C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 29).

( 29 ) Voir arrêts Schumalla (97/78, EU:C:1978:211, point 6) ainsi que Espagne et Finlande/Parlement et Conseil (C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 40).

( 30 ) Voir, notamment, directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (JO L 187, p. 42), et directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO L 80, p. 35).

( 31 ) Voir communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité des régions et au Comité économique et social européen relative au livre vert sur la cohésion territoriale: faire de la diversité territoriale un atout [COM(2008) 616 final].

( 32 ) Point 1, p. 3.

( 33 ) Voir, notamment, considérants 2 à 5 du règlement RTE‑T.

( 34 ) Dans sa communication sur la cohésion territoriale, susmentionnée, la Commission relève que «[l]a politique des transports a une incidence évidente sur la cohésion territoriale, notamment du fait de ses conséquences en matière d’implantation de l’activité économique et de répartition de l’habitat. Elle joue un rôle particulièrement important dans l’amélioration des liaisons avec les régions les moins développées et au sein même de ces dernières» (point 3.1, p. 10).

( 35 ) RTE‑T: un réexamen des politiques – Vers une meilleure intégration du réseau transeuropéen de transport au service de la politique commune des transports [COM(2009) 44 final].

( 36 ) Point 1, p. 3.

( 37 ) Idem.

( 38 ) Voir articles 1er et 3 dudit règlement.

( 39 ) Voir article 5 du règlement litigieux.

( 40 ) Voir chapitres II à V de ce règlement.

( 41 ) Voir considérant 4 de ce règlement.

( 42 ) Voir article 3 du règlement sur le fret ferroviaire.

( 43 ) Voir article 11, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement.

( 44 ) Le sillon est une zone où il est possible de placer un certain nombre de trains à vitesse semblable et se succédant très rapidement, d’un point à un autre à un moment donné. Autrement dit, il s’agit de la capacité d’affecter une infrastructure à la circulation d’un train entre deux points du réseau ferré.

( 45 ) Voir article 14 du règlement sur le fret ferroviaire.

( 46 ) Voir Debrie, J., et Comtois, C., «Une relecture du concept de corridors de transport: illustration comparée Europe/Amérique du Nord», Les Cahiers Scientifiques du Transport, no 58/2010, p. 127, spécialement point 2.1.1, p. 128.

( 47 ) Idem.

( 48 ) L’idée de la Commission, dans sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif [COM(2008) 852 final], était, notamment, de «bâtir un système de transport au service [des] citoyens et [des] entreprises [de l’Union] qui soit le plus propre et le plus efficace possible» (point 1.1).

( 49 ) Il convient de noter que la notion de «projets prioritaires», employée à l’article 4, sous c), du règlement sur le fret ferroviaire, a été remplacée conformément à l’article 58, paragraphe 2, du règlement RTE‑T. Cette dernière disposition indique, en effet, que «[l]es références aux projets prioritaires énumérés à l’annexe III de la décision no 661/2010/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 juillet 2010, sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de
transport (JO L 204, p. 1)] s’entendent en tant que références au ‘réseau central’ tel que défini dans le présent règlement».

( 50 ) Voir article 4, sous a) à d), de ce règlement.

( 51 ) Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mentionnée à la note en bas de page 48 (p. 13); documents du Parlement A7‑0162/2010 (p. 47) et P6_TA(2009)0285 (p. 7), ainsi que document du Conseil 11069/5/09 REV 5 ADD 1.

( 52 ) Voir considérant 5 dudit règlement.

( 53 ) Voir article 3, sous o), du règlement RTE‑T.

( 54 ) Italique ajouté par nos soins.

( 55 ) Livre blanc de la Commission intitulé «Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources» [COM(2011) 144 final/2].

( 56 ) Italique ajouté par nos soins.

( 57 ) Article 43, paragraphe 1, du règlement RTE‑T.

( 58 ) C‑36/98, EU:C:2001:64.

( 59 ) Point 53.

( 60 ) Voir article 1er, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.

( 61 ) Voir considérant 20 dudit règlement.

( 62 ) Voir considérants 5, 9 et 11 du règlement sur le fret ferroviaire.

( 63 ) Voir considérants 3 et 4 de ce règlement.

( 64 ) Le réseau central se composant, conformément à l’article 38 du règlement RTE‑T, des parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique, le développement du premier se fait obligatoirement conformément aux exigences requises pour le second.

( 65 ) Voir article 4, sous d), du règlement sur le fret ferroviaire.

( 66 ) Article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement RTE‑T.

( 67 ) Voir article 3, sous d), de ce règlement.

( 68 ) Voir points 23 et suiv. de la requête du Royaume‑Uni ainsi que point 33 du mémoire en défense du Conseil.

( 69 ) Voir point 12 du mémoire en réponse du Royaume‑Uni au mémoire en intervention de la Commission.

( 70 ) Voir point 42 du mémoire en défense du Conseil.

( 71 ) Voir point 39 du mémoire en intervention de la Commission.

( 72 ) Voir document du Conseil 16096/13 ADD 2.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-121/14
Date de la décision : 03/09/2015
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation – Règlement (UE) no 1316/2013 établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe – Projets d’intérêt commun qui concernent le territoire d’un État membre – Approbation dudit État – Prolongement d’un corridor de fret ferroviaire – Base juridique – Articles 171 TFUE et 172, second alinéa, TFUE.

Transports


Parties
Demandeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Défendeurs : Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:526

Source

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