CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 24 septembre 2014 ( 1 )
Affaire C‑359/13
B. Martens
contre
Minister van Onderwijs, Cultuur en Wetenschap
[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas)]
«Financement d’études supérieures dans les territoires d’outre-mer — Condition de résidence — Règle des trois ans sur six — Ancien travailleur frontalier»
1. La demande de décision préjudicielle dans la présente affaire porte, de nouveau, sur la possibilité de prétendre au financement accordé par le Royaume des Pays-Bas pour des études supérieures en dehors des Pays-Bas eux-mêmes – ce qu’on désigne par les termes meeneembare studie financiering (ci-après le «MNSF» ou «financement portable des études»). Dans son arrêt Commission/Pays-Bas (C‑542/09) ( 2 ), la Cour a jugé que la règle néerlandaise en vertu de laquelle tout demandeur d’un tel financement
devait, en plus d’avoir droit à un financement des études aux Pays-Bas, avoir légalement résidé aux Pays-Bas pendant au moins trois années au cours des six années précédant son inscription (ci-après la «règle des trois ans sur six») était contraire à l’article 45 TFUE et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 ( 3 ), au motif qu’elle était indirectement discriminatoire.
2. La règle des trois ans sur six a néanmoins été appliquée à Mme Martens, une ressortissante néerlandaise résidant en Belgique pendant la quasi-totalité de sa scolarité, qui a demandé aux autorités néerlandaises un financement portable des études pour aller à Curaçao (Antilles néerlandaises) en vue d’y poursuivre des études supérieures. Son père (également ressortissant néerlandais résidant en Belgique) a travaillé à temps partiel aux Pays-Bas pendant un certain temps et Mme Martens a obtenu un
MNSF pour ses études universitaires pour cette période. Toutefois, il lui a été refusé un financement pour la poursuite de ses études dès que son père a cessé d’être travailleur frontalier parce que la règle des trois ans sur six a été alors appliquée à son cas et qu’elle n’y satisfaisait pas.
3. Le Centrale Raad van Beroep (Tribunal central du contentieux administratif, Pays-Bas) demande, en substance, si i) la libre circulation des travailleurs ou ii) les droits attachés à la citoyenneté de l’Union s’opposent à ce que le Royaume des Pays-Bas applique la règle des trois ans sur six dans une telle situation. En particulier, il demande si M. Martens peut opposer au Royaume des Pays-Bas des droits tirés de la libre circulation des travailleurs après avoir cessé d’être travailleur
frontalier dans cet État membre. S’il ne le peut pas, la juridiction de renvoi demande à être éclairée sur la question de savoir si Mme Martens peut invoquer ses propres droits en tant que citoyen de l’Union.
Le droit de l’Union
Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
4. L’article 20, paragraphe 1, TFUE institue la citoyenneté de l’Union. En vertu de l’article 20, paragraphe 2, les citoyens de l’Union «jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités». En particulier, l’article 20, paragraphe 2, sous a), confère aux citoyens de l’Union «le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres». L’article 21 confirme ce droit, ajoutant qu’il vaut «sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et
par les dispositions prises pour leur application».
5. L’article 45 TFUE dispose:
«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union.
2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
[…]»
6. Tandis que l’article 52, paragraphe 1, TUE dispose que les traités s’appliquent notamment «au Royaume des Pays-Bas», dont Curaçao fait partie ( 4 ), l’article 52, paragraphe 2, TUE renvoie à l’article 355 TFUE pour la définition du champ d’application territoriale des traités. En vertu de l’article 355, paragraphe 2, TFUE, les pays et territoires d’outre-mer (ci-après les «PTOM») dont la liste figure à l’annexe II dudit traité font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième
partie du TFUE ( 5 ). Cette liste à l’annexe II inclut les Antilles néerlandaises, qui comprennent Curaçao. Ces pays et territoires sont décrits à l’article 198, premier alinéa, TFUE (la première disposition de la quatrième partie) comme des «pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume‑Uni des relations particulières» que les États membres «conviennent d’associer à l’Union».
7. La quatrième partie du TFUE concerne «[l]’association des pays et territoires d’outre-mer». L’article 202 TFUE indique que «[s]ous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l’ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des actes adoptés conformément à l’article 203» ( 6 ).
Le règlement no 1612/68
8. Le règlement no 1612/68 prévoit des règles complémentaires pour garantir la liberté des ressortissants d’un État membre de travailler dans un autre État membre et met ainsi en œuvre les dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs. Le premier considérant de ce règlement en décrit l’objectif général comme étant celui de réaliser «l’abolition, entre les travailleurs des États membres, de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération
et les autres conditions de travail, ainsi que le droit pour ces travailleurs de se déplacer librement à l’intérieur de [l’Union] pour exercer une activité salariée, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique».
9. Les troisième et quatrième considérants indiquent respectivement que «la libre circulation constitue pour les travailleurs et leur famille un droit fondamental» et que ce droit doit être reconnu «aux travailleurs ‘permanents’, saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l’occasion d’une prestation de services».
10. Aux termes du cinquième considérant, l’exercice de ce droit fondamental «dans des conditions objectives de liberté et de dignité» exige «que soit assurée, en fait et en droit, l’égalité de traitement pour tout ce qui se rapporte à l’exercice même d’une activité salariée et à l’accès au logement, et aussi que soient éliminés les obstacles qui s’opposent à la mobilité des travailleurs notamment en ce qui concerne le droit pour le travailleur de se faire rejoindre par sa famille, et les conditions
d’intégration de cette famille dans le milieu du pays d’accueil».
11. L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 dispose qu’un travailleur ressortissant d’un État membre «bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux» sur le territoire d’un autre État membre.
12. L’article 12 du règlement no 1612/68 dispose:
«Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.
[…]»
La directive 2004/38/CE
13. L’article 24 de la directive 2004/38/CE ( 7 ) dispose:
«1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de
séjour permanent.
2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé […], avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille».
Le droit néerlandais
La Charte du Royaume des Pays-Bas
14. La Charte du Royaume des Pays-Bas, tel qu’amendée en 2010, prévoit que le Royaume des Pays-Bas se compose des Pays-Bas, d’Aruba, de Curaçao et de Saint-Martin ( 8 ). Les Pays-Bas et les autres entités formant le Royaume des Pays‑Bas partagent une nationalité, un chef d’État et une politique étrangère et de défense uniques. Toutefois, des domaines tels que l’enseignement et le financement des études demeurent autonomes, bien qu’une coopération soit possible.
La loi sur le financement des études
15. La loi sur le financement des études (Wet Studiefinanciering, ci‑après la «Wsf 2000») établit les conditions de financement des études aux Pays-Bas et à l’étranger. Un financement des études supérieures aux Pays-Bas est ouvert aux étudiants, ayant entre 18 et 29 ans, qui étudient dans un établissement d’enseignement désigné ou agréé et remplissent une condition de nationalité. L’article 2.2 définit la condition de nationalité. Les personnes pouvant prétendre au financement comprennent les
ressortissants néerlandais et les ressortissants non néerlandais qui sont assimilés, en matière de financement des études, à des ressortissants néerlandais en vertu d’un traité ou d’une décision d’une organisation internationale.
16. Les citoyens de l’Union économiquement actifs aux Pays-Bas et les membres de leur famille ne sont pas tenus d’avoir résidé aux Pays‑Bas pour pouvoir prétendre à ce type de financement. Ainsi, sont couverts les travailleurs transfrontaliers ( 9 ), qui travaillent aux Pays-Bas mais résident ailleurs, ainsi que les membres de leur famille. En revanche, les citoyens de l’Union qui ne sont pas économiquement actifs aux Pays-Bas peuvent prétendre au financement après cinq années de séjour régulier aux
Pays-Bas.
17. En vertu de l’article 2.13, paragraphe 1, sous d), de la Wsf 2000, à partir du 1er septembre 2007, un étudiant n’a pas droit à un financement d’études si, pendant la période de financement concernée, il peut prétendre à une intervention dans les frais d’accès à l’enseignement ou dans les frais d’entretien, qui est accordée par les autorités responsables de l’attribution de ces interventions dans un autre pays que les Pays-Bas.
18. En vertu de l’article 2.14, paragraphe 2, sous c), de la Wsf 2000, les étudiants (indépendamment de leur nationalité) qui introduisent une demande de financement portable des études doivent, en plus de pouvoir prétendre à un financement des études supérieures aux Pays‑Bas, respecter la règle des trois ans sur six. Cette disposition s’applique seulement aux étudiants qui ont été inscrits après le 31 août 2007 à un cycle d’études supérieures en dehors des Pays-Bas.
19. En vertu de l’article 3.21, paragraphe 2, de la Wsf 2000, aucun financement n’est accordé pour la période d’études qui précède l’introduction de la demande de financement. Toutefois, certains régimes transitoires sont applicables. Ainsi, l’article 12.1ba indique que «[l]’étudiant qui, avant le 1er septembre 2007, a reçu un financement d’études en vue de poursuivre des études supérieures en dehors des Pays-Bas reste régi par les articles […] tels qu’ils étaient libellés au 31 août 2007 tant qu’il
bénéficie de façon ininterrompue du financement d’études».
20. En vertu de l’article 11.5 de la Wsf 2000, le Minister van Onderwijs, Cultuur en Wetenschap (ministre de l’Enseignement, de la Culture et des Sciences, ci-après le «Minister») n’est pas tenu d’appliquer la règle des trois ans sur six dans la mesure où l’application de cette condition, compte tenu des intérêts que la Wsf 2000 vise à protéger, pourrait conduire à un cas manifeste d’injustice gravela (clause d’équité).
21. Avant le 1er janvier 2014, la règle des trois ans sur six ne s’appliquait pas aux étudiants (indépendamment de leur nationalité) qui avaient demandé un MNSF pour poursuivre des études supérieures dans les «régions limitrophes» des Pays-Bas ( 10 ).
22. Selon la juridiction de renvoi, le MNSF consiste en une bourse de base, dont le montant dépend du point de savoir si l’étudiant vit à la maison (à savoir à l’adresse de l’un ou de ses deux parents) ou s’il est indépendant; une indemnité pour les frais de transport; un prêt complémentaire, soumis à une limite maximale; une bourse complémentaire dont le montant dépend des revenus des parents ainsi qu’un prêt pour couvrir les frais limités, en principe, aux frais maximaux que peuvent facturer les
établissements d’enseignement néerlandais pour un cycle d’études équivalent.
Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions déférées à titre préjudiciel
23. Mme Martens est née aux Pays-Bas le 2 octobre 1987. Elle y a vécu jusqu’à ce qu’elle migre, au mois de juin 1993 (lorsqu’elle avait un peu moins de six ans), avec ses parents (également ressortissants néerlandais) en Belgique, où elle a été élevée et a accompli sa scolarité. Son père travaillait en Belgique et continue d’y travailler. Toutefois, entre le 1er octobre 2006 et le 31 octobre 2008, il a également travaillé à temps partiel aux Pays-Bas. Il ressort de la demande de décision
préjudicielle qu’après le mois d’octobre 2008, il n’a pas recherché d’emploi aux Pays-Bas et n’était pas autrement disponible sur le marché de l’emploi néerlandais. En revanche, il travaillait à temps plein en Belgique.
24. Le 15 août 2006, Mme Martens s’est inscrite pour commencer une licence à l’université des Antilles néerlandaises à Curaçao au cours de l’année universitaire 2006/2007. Pendant ses études là-bas, ses parents lui ont apporté un soutien financier significatif (frais de subsistance et frais de scolarité) et percevaient des allocations familiales en Belgique pour leur fille. La juridiction de renvoi a expliqué que ces allocations familiales sont distinctes des bourses d’études pour les étudiants
adultes et que la Communauté flamande n’accorde généralement pas ces dernières pour les études ou la formation poursuivies dans des établissements d’enseignement en dehors de ce qu’on appelle l’Espace européen de l’enseignement supérieur.
25. Le 24 juin 2008, Mme Martens a introduit auprès des autorités néerlandaises une demande de financement d’études (une bourse de base et une indemnité pour les frais de transport). Elle a déclaré qu’elle ne recevait pas de financement d’études d’un autre pays et qu’au cours des six années précédant son inscription à l’université des Antilles néerlandaises (à savoir de l’année 2000 à l’année 2006), elle avait résidé aux Pays-Bas pendant au moins trois ans. Il apparaît que la juridiction de renvoi
ne doute pas de la bonne foi de la déclaration de Mme Martens et considère qu’il peut y avoir eu méprise à l’époque au sujet de la règle des trois ans sur six.
26. Par décision du 22 août 2008, il a été accordé à Mme Martens un financement d’études pour la période débutant au mois de septembre 2007, ce qui signifie qu’elle a reçu un financement à compter de la deuxième année de ses études. Ce financement a été renouvelé sur une base périodique et était fondé sur le présupposé selon lequel Mme Martens respectait la règle des trois ans sur six.
27. Le 1er février 2009, Mme Martens a demandé un prêt complémentaire, qu’elle a également obtenu.
28. À la suite d’un contrôle, le 28 mai 2010, le Minister a établi que, pendant la période du mois d’août 2000 au mois de juillet 2006, Mme Martens n’avait pas résidé trois ans aux Pays‑Bas et a décidé que les bourses déjà payées (19481,64 euros) devaient être annulées. Il a été demandé à Mme Martens de rembourser les sommes déjà perçues.
29. La réclamation de Mme Martens contre ces décisions a été déclarée non fondée, comme l’a été son recours ultérieur devant le Rechtbank ’s‑Gravenhage (tribunal d’arrondissement de La Haye). Elle a alors interjeté appel du jugement du Rechtbank ’s‑Gravenhage devant la juridiction de renvoi. Mme Martens a fait valoir que les décisions violaient le principe de confiance légitime et que l’absence prétendue de rattachement suffisant avec les Pays-Bas ne pouvait pas justifier la décision du Minister.
30. Le 1er juillet 2011, Mme Martens a obtenu sa licence et est allée vivre aux Pays-Bas.
31. La juridiction de renvoi a sursis à statuer sur l’appel jusqu’à ce que la Cour ait rendu son arrêt dans l’affaire Commission/Pays-Bas, ce qu’elle a fait le 14 juin 2012 ( 11 ).
32. Le Minister a alors admis que le père de Mme Martens était travailleur frontalier aux Pays-Bas du 1er octobre 2006 au 31 octobre 2008 et que Mme Martens avait, par conséquent, droit à un financement portable des études pour la période du mois de septembre 2007 au mois d’octobre 2008 ( 12 ). C’était le cas parce qu’à la suite de l’arrêt rendu dans l’affaire Commission/Pays‑Bas (EU:C:2012:436), la règle des trois ans sur six ne pouvait être appliquée dans de telles circonstances. Le Minister a
toutefois confirmé la décision d’annuler le versement de la bourse à compter du moment où le père de Mme Martens avait cessé d’être travailleur frontalier aux Pays-Bas (à savoir du mois de novembre 2008).
33. Selon la juridiction de renvoi, le Minister n’a pas fondé sa décision sur le fait que Mme Martens pourrait avoir eu accès à un soutien financier du Royaume de Belgique (bien que, selon la juridiction de renvoi, le Royaume de Belgique ne semble pas accorder de financement pour des études dans des établissements d’enseignement établis en dehors de l’Union européenne) et la juridiction de renvoi n’a, par conséquent, pas examiné davantage cette question ( 13 ).
34. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a suspendu la procédure et demandé à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur les questions suivantes:
«1) a) Le droit de l’Union, plus particulièrement l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que […] les Pays-Bas […] mette[nt] un terme au droit au financement des études destiné à une formation dispensée en dehors de l’Union d’un enfant majeur à charge d’un travailleur frontalier ayant la nationalité néerlandaise, qui réside en Belgique et travaille en partie aux Pays-Bas et en partie en Belgique, lorsque le
travail frontalier prend fin et que des activités ne sont encore exercées qu’en Belgique, au motif que l’enfant ne satisfait pas à la condition d’avoir résidé au moins trois ans aux Pays-Bas au cours des six années précédant son inscription dans l’établissement d’enseignement concerné?
b) Si la première question, sous a), doit recevoir une réponse affirmative, le droit de l’Union s’oppose-t-il à ce que, à supposer que les autres conditions de financement des études soient remplies, le financement des études soit accordé pour une période plus courte que la durée de la formation pour laquelle le financement des études est octroyé?
Si en répondant à la première question, sous a) et b), la Cour de justice parvient à la conclusion que la législation relative au droit à la libre circulation des travailleurs ne s’oppose pas à ce qu’entre novembre 2008 et juin 2011, ou une partie de cette période, aucun financement d’études ne soit octroyé à Mme Martens:
2) Les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’État membre de l’Union (les Pays-Bas) ne prolonge pas le financement d’études destiné à une formation dispensée dans un établissement d’enseignement établi dans les PTOM (Curaçao), auquel le travail du père de l’intéressée aux Pays-Bas comme travailleur frontalier donne droit, au motif que l’intéressée ne remplit pas la condition, applicable à tout citoyen de l’Union, en ce compris ses propres
ressortissants, d’avoir résidé aux Pays-Bas au moins trois ans des six années précédant son inscription à cette formation?»
35. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements danois et néerlandais ainsi que par la Commission européenne. Ces parties ont également présenté des observations orales lors de l’audience, le 2 juillet 2014.
Appréciation
Remarques préliminaires
36. L’éducation implique des coûts au moins pour l’État membre qui dispense l’enseignement, l’étudiant lui-même (s’il est financièrement autonome) ou ceux dont l’étudiant dépend financièrement, ainsi que d’autres personnes (publiques et privées) qui subventionnent l’enseignement. En droit européen, les États membres demeurent compétents pour décider de financer, ou non, les études supérieures et, si tel est le cas, dans quelle mesure. Le droit de l’Union n’interfère, en principe, pas avec la
décision d’un État membre de proposer un financement pour des études poursuivies dans des établissements d’enseignement supérieur établis en dehors de son territoire et, le cas échéant, en dehors de l’Union ni avec les conditions auxquelles il subordonne un tel financement.
37. Toutefois, la situation de certains demandeurs de ce financement peut être régie par le droit de l’Union. De tels demandeurs peuvent, par conséquent, tirer des droits du droit de l’Union, y compris à l’égard de leur État membre d’origine. Ainsi, dans l’exercice de leur compétence (indubitable), les États membres doivent respecter le droit de l’Union ( 14 ). En particulier, ils doivent veiller à ce que, par exemple, les conditions d’allocation d’un tel financement ne créent ni de restrictions
injustifiées au droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres ni de discriminations sur la base de la nationalité ( 15 ).
38. Ce qui est en cause dans la présente affaire est, par conséquent, non pas la décision du Royaume des Pays-Bas de financer des études supérieures en dehors des Pays-Bas, mais plutôt une condition (à savoir la règle des trois ans sur six) appliquée dans le cadre de la décision d’accorder ou non ce financement à un demandeur donné.
39. À l’origine, les affaires relatives aux conditions de résidence et au financement d’études impliquaient souvent des travailleurs qui devenaient étudiants et qui ne recevaient plus de soutien d’autres personnes ( 16 ). Il n’est pas rare cependant que des étudiants demeurent à charge de membres de leur famille (généralement de l’un ou des deux parents) pendant tout ou partie de la période pendant laquelle ils étudient. Dans ce cas, obtenir un financement d’études peut alléger la charge financière
qui est autrement supportée par ces membres de la famille. Il est de jurisprudence constante qu’une aide accordée pour l’entretien et la formation en vue de la poursuite d’études universitaires sanctionnées par une qualification professionnelle, y compris pour les enfants de travailleurs migrants, constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ( 17 ), mais uniquement dans la mesure où le travailleur migrant continue à assurer le soutien de son enfant (
18 ).
40. En l’espèce, il est constant que le père de Mme Martens a assuré le soutien de celle-ci pendant ses études à Curaçao. Par conséquent, le financement portable des études demandé par Mme Martens est un avantage social pour son père au sens du règlement no 1612/68. Il est, à présent, admis que Mme Martens avait droit au MNSF pour la période allant du mois d’octobre 2007 au mois d’octobre 2008, pendant que son père était travailleur frontalier aux Pays-Bas. Ce qui est contesté, c’est le point de
savoir si elle y avait un quelconque droit par la suite.
41. Par la première question déférée, il est demandé à la Cour de se concentrer sur la situation de Mme Martens en tant qu’enfant à charge d’un ancien travailleur frontalier. Si Mme Martens peut se prévaloir de la qualité d’ancien travailleur frontalier aux Pays-Bas de son père et en tirer des droits pour continuer à avoir accès au financement d’études pour la partie restante de ses études à Curaçao, il n’est pas nécessaire d’examiner la seconde question déférée, qui se concentre sur les propres
droits de Mme Martens en tant que citoyen de l’Union ( 19 ). (Ce n’est que dans ce dernier contexte que le Royaume des Pays-Bas a adopté une position claire sur la justification possible à une limitation des droits.)
42. Dans un souci d’exhaustivité, je répondrai aux deux questions. Avant cela toutefois, j’examinerai la question de savoir si le lieu des études (Curaçao) de Mme Martens soulève des questions au regard de l’application territoriale à la fois de la libre circulation des travailleurs et des droits attachés à la citoyenneté de l’Union.
Champ d’application territoriale du droit de l’Union
43. Curaçao fait partie des Pays-Bas, tout en ayant le statut de territoire d’outre-mer. L’application de la règle des trois ans sur six à Mme Martens suggère que le Minister a estimé qu’elle n’étudiait pas «aux Pays-Bas» ( 20 ). Lors de l’audience, le gouvernement néerlandais a confirmé que tel était le cas.
44. Le lieu d’études de Mme Martens soulève-t-il des questions en ce qui concerne le champ d’application territoriale de la libre circulation des travailleurs et/ou des droits attachés à la citoyenneté de l’Union?
45. Il est vrai que, lorsqu’il existe un régime spécial entre l’Union et les PTOM, les dispositions des traités qui ne figurent pas dans la quatrième partie du TFUE ne sont applicables que moyennant une référence expresse ( 21 ). Ainsi, à moins que les traités n’indiquent expressément qu’un article donné s’applique également aux territoires en dehors de l’Union ou à des États tiers ( 22 ), cet article ne s’applique pas aux PTOM ( 23 ).
46. Selon moi, ces questions ne se posent pas en l’espèce.
47. La question ici n’est pas celle de savoir si le droit de l’Union s’applique parce qu’un citoyen de l’Union (économiquement actif ou inactif) a migré d’un État membre vers un PTOM. Ce qui importe est plutôt de savoir si des droits peuvent être tirés de la circulation d’un citoyen de l’Union entre deux États membres (le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique) et de sa résidence ultérieure dans un État membre (la Belgique) qui n’est pas l’État membre de la nationalité, dans le cadre du
financement d’études ouvert par un de ces États membres (les Pays‑Bas) pour des études poursuivies à l’étranger.
48. En particulier, une condition (à savoir la règle des trois ans sur six) a, en l’espèce, été appliquée à un citoyen de l’Union, Mme Martens, qui a exercé des droits de libre circulation et de séjour lorsqu’elle a migré des Pays-Bas vers la Belgique et qui a continué à résider en Belgique au moins jusqu’à ce qu’elle aille à Curaçao pour y étudier ( 24 ). Elle exerçait, par conséquent, des droits au titre du droit de l’Union sans interruption au moins jusqu’au moment où elle a entendu se prévaloir
de ces droits pour avoir accès au MNSF ( 25 ). Mme Martens est également l’enfant à charge d’un citoyen de l’Union qui a exercé des droits en tant que travailleur en migrant de son État membre d’origine (les Pays-Bas) vers un État membre d’accueil (la Belgique) pour y vivre et y travailler, et qui a par la suite travaillé à temps partiel aux Pays-Bas tandis qu’il continuait à résider en Belgique, avant de reprendre un emploi à temps plein dans l’État membre d’accueil dans lequel il réside (la
Belgique).
49. Dans de telles circonstances, les situations tant de Mme Martens que de son père relèvent du champ d’application du droit de l’Union.
Première question: libre circulation des travailleurs
Introduction
50. La juridiction de renvoi demande, en substance, si M. Martens, qui est un ancien travailleur frontalier, et sa fille à charge, qui demande un MNSF, peuvent faire valoir des droits au titre de la qualité de travailleur de ce dernier aux Pays‑Bas, où il ne travaille plus parce qu’il a pris un emploi à temps plein en Belgique.
51. Toutes les parties qui ont déposé des observations et ont comparu lors de l’audience admettent que l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 s’opposent à ce que le Royaume des Pays‑Bas impose la règle des trois ans sur six à titre de condition de l’octroi d’un MNSF à des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers aux Pays-Bas. Il s’agissait également de la conclusion de la Cour dans l’affaire C‑542/09 ( 26 ). Tant que M. Martens travaillait aux Pays-Bas
(à ce qu’elles prétendent), Mme Martens pouvait obtenir son financement portable des études. Elles font toutefois valoir que, une fois qu’un travailleur n’est plus un travailleur frontalier, les deux dispositions ne s’appliquent plus.
52. Il me semble que ce qu’une personne peut (ou ne peut) demander en tant qu’ancien travailleur frontalier est hors de propos. M. Martens continue simplement à être un travailleur migrant. Les parties, en se concentrant sur les effets de la perte de la qualité de travailleur frontalier de M. Martens, ont perdu de vue les conséquences qui s’attachent à ce fait.
Sur la limitation au droit de M. Martens au titre de l’article 45 TFUE
53. L’article 45 TFUE implique à la fois l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et le droit de se déplacer librement sur le territoire des États membres aux fins de répondre à des offres d’emploi.
54. L’objectif des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes est de permettre aux citoyens de l’Union l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union. Parallèlement à cet objectif, elles s’opposent également, par conséquent, aux mesures qui pourraient défavoriser les citoyens de l’Union lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (et donc quitter leur État d’origine) ( 27 ). Ainsi, ces
dispositions s’opposent aux mesures qui sont susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice de ces libertés par les citoyens de l’Union ( 28 ). Des mesures qui ont pour effet de faire perdre aux travailleurs, à la suite de l’exercice de leur droit de libre circulation des travailleurs, des avantages sociaux que leur assure la législation d’un État membre peuvent être qualifiées d’entraves à cette liberté ( 29 ). Cela vaut également lorsque le droit national, indépendamment de la
nationalité des travailleurs concernés, empêche ou dissuade un ressortissant de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation ( 30 ).
55. En l’espèce, la règle des trois ans sur six est appliquée à Mme Martens parce que l’emploi de son père en tant que travailleur frontalier aux Pays-Bas a pris fin. Les faits décrits par la juridiction de renvoi ne donnent pas à penser qu’il a conservé la qualité de travailleur aux Pays-Bas (par exemple, qu’il y recherchait du travail, ou qu’il était autrement disponible sur le marché de l’emploi néerlandais) ( 31 ). Toutefois M. Martens n’est pas devenu économiquement inactif ou indisponible sur
le marché de l’emploi. Il a plutôt exercé ses droits de libre circulation en tant que travailleur pour prendre un emploi à temps plein en Belgique, où il continue de résider et de travailler ( 32 ). Il peut donc invoquer l’article 45 TFUE pour se protéger de mesures qui le défavorisent pour avoir choisi de travailler dans un autre État membre.
56. L’application de la règle des trois ans sur six, en substance, contraint M. Martens soit à ne pas exercer le droit de libre circulation en tant que travailleur et se borner à rechercher un autre emploi aux Pays-Bas (de manière à conserver le MNSF pour sa fille), soit à exercer cette liberté mais accepter la perte financière du financement d’études et le risque éventuel qu’aucun autre financement alternatif ne puisse être trouvé.
57. Une telle mesure limite les droits du père de Mme Martens au titre de l’article 45 TFUE. À moins qu’elle ne soit objectivement justifiée, elle est interdite en vertu de cette disposition ( 33 ).
58. Dans le cas où la Cour ne partagerait pas cette analyse, il est nécessaire d’aborder la portée de l’arrêt rendu dans l’affaire C‑542/09 (EU:C:2012:346) et le niveau de protection au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 (et/ou l’article 12 de ce règlement) ainsi que d’examiner, enfin, les circonstances dans lesquelles la qualité d’ancien travailleur peut continuer à produire des effets.
Sur la portée de l’arrêt de la Cour rendu dans l’affaire C‑542/09, Commission/Pays‑Bas
59. Le point de départ des parties en la présente affaire est l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire C‑542/09 (EU:C:2012:346). Les constatations dans cette procédure d’infraction ont été faites au titre de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 et concernaient une discrimination indirecte, sur la base de la nationalité, à l’encontre des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers par rapport aux travailleurs nationaux.
60. Tel que je lis l’arrêt de la Cour dans cette affaire, celui-ci ne couvrait pas expressément également la situation d’un ressortissant néerlandais résidant en dehors de son État membre d’origine, mais exerçant ses droits de libre circulation au titre du droit de l’Union pour travailler aux Pays-Bas. (Je me référerai à cette catégorie, par facilité, comme à celle des «travailleurs frontaliers néerlandais.»)
61. La Cour a jugé dans son arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346) que le Royaume des Pays-Bas avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 en imposant aux travailleurs migrants et aux travailleurs frontaliers ainsi qu’aux membres de leur famille à l’entretien desquels ils continuent de pourvoir de respecter la règle des trois ans sur six (prévue à l’article 2.14, paragraphe 2, de la Wsf 2000) afin de leur
permettre d’obtenir le financement des études supérieures poursuivies en dehors des Pays-Bas. La Cour a confirmé que l’article 7, paragraphe 2, garantit que les travailleurs migrants résidant dans un État membre d’accueil et les travailleurs frontaliers qui, tout en exerçant leur activité salariée dans ce dernier État membre, résident dans un autre État membre bénéficient des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ( 34 ).
62. La Cour a jugé qu’une mesure telle que la règle des trois ans sur six «risque de jouer principalement au détriment des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux» ( 35 ). La Cour a indiqué que, aux fins d’établir une discrimination indirecte, «il n’est pas nécessaire que [la mesure] ait pour effet de favoriser l’ensemble des ressortissants nationaux ou de ne défavoriser
que les seuls ressortissants des autres États membres à l’exclusion des nationaux» ( 36 ). La Cour a ensuite identifié les situations à comparer aux fins de l’accès au financement portable des études, comme étant la situation, i) d’une part, des travailleurs migrants exerçant leur activité aux Pays-Bas mais résidant dans un autre État membre et des travailleurs migrants résidant et exerçant leur activité aux Pays-Bas mais ne remplissant pas la règle des trois ans sur six, et ii) d’autre part,
des travailleurs néerlandais qui résident et exercent leur activité aux Pays‑Bas ( 37 ).
63. La Cour n’a pas examiné séparément la situation des travailleurs frontaliers néerlandais. Elle s’est concentrée, lors de l’identification des deux catégories à comparer l’une à l’autre, sur la discrimination sur la base de la nationalité.
64. Un travailleur frontalier néerlandais tel que le père de Mme Martens est, en substance, traité différemment des travailleurs nationaux parce qu’il a exercé des droits de libre circulation et de séjour, non en raison de sa nationalité, qui est la même que la leur. Par conséquent, sans autre développement, il ne peut, selon moi, invoquer la discrimination indirecte constatée dans l’affaire C‑542/09 (EU:C:2012:346).
65. Il est, par conséquent, nécessaire d’examiner l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 plus avant.
Sur l’égalité de traitement au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68
66. Les règles fixées à l’article 7 (et à l’article 12) du règlement no 1612/68 sont d’autres aspects de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union garantie par l’article 45 TFUE ( 38 ). En vertu du quatrième considérant dudit règlement, ce droit doit également être reconnu indifféremment aux travailleurs frontaliers. Ainsi, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 garantit que les travailleurs migrants et les travailleurs frontaliers soient traités sur un pied
d’égalité avec les travailleurs nationaux. Il protège des discriminations, directes ou indirectes, sur la base de la nationalité ( 39 ).
67. Pour pouvoir se prévaloir du droit à l’égalité de traitement pour obtenir un financement des études à titre d’avantage social en vertu de l’article 7, paragraphe 2, le travailleur doit continuer à assurer le soutien du membre de sa famille ( 40 ). Cela semble être le cas en l’espèce. Il n’est pas nécessaire que l’enfant réside dans l’État membre où le travailleur réside et travaille (ou le travailleur frontalier travaille) ( 41 ).
68. En l’espèce, M. Martens est traité moins favorablement parce qu’il a exercé des droits de libre circulation en tant que travailleur et non en raison de sa nationalité néerlandaise.
69. Dans le libellé de l’article 7, paragraphe 2, qui indique qu’«[i]l y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux», le pronom renvoie au travailleur décrit immédiatement avant, à l’article 7, paragraphe 1 – à savoir le travailleur qui est ressortissant d’un État membre et exerce son activité salariée dans un autre État membre. D’autres dispositions du règlement no 1612/68, en particulier celles qui font partie du titre II «De l’exercice de l’emploi et de
l’égalité de traitement», se réfèrent également à un travailleur qui est ressortissant d’un État membre et qui exerce son activité salariée sur le territoire d’un autre État membre.
70. La jurisprudence de la Cour montre toutefois que le critère d’égalité de traitement à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 est plus large que le principe de non-discrimination fondée sur la nationalité ( 42 ).
71. Ainsi, dans l’arrêt Hartmann, la Cour a confirmé que le champ d’application des dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs englobe «tout ressortissant d’un État membre, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que celui de résidence» ( 43 ). Une telle personne relève également du règlement no 1612/68 ( 44 ). Ainsi,
M. Hartmann, qui résidait dans un autre État membre mais travaillait dans l’État membre dont il était ressortissant, a été considéré comme relevant du champ d’application des dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs et, partant, de celles du règlement no 1612/68 ( 45 ). Il pouvait prétendre à la qualité de travailleur migrant aux fins du règlement no 1612/68 et se prévaloir de l’article 7 au même titre que tout autre travailleur visé par cette disposition ( 46 ).
La Cour a comparé le traitement d’une personne dans sa situation (un travailleur ayant exercé le droit de libre circulation) avec celui des travailleurs nationaux (à savoir des travailleurs nationaux qui n’avaient pas exercé de droits de libre circulation et de séjour).
72. Dans ce contexte, la Cour s’est également référée au quatrième considérant du règlement no 1612/68, qui indique que le droit de libre circulation doit être reconnu «indifféremment aux travailleurs ‘permanents’, saisonniers, frontaliers» ( 47 ). Un travailleur peut également invoquer l’article 7 du règlement no 1612/68 à l’encontre de l’État membre dont il est le ressortissant, lorsqu’il a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre ( 48 ).
73. Il apparaît ainsi que la notion de «travailleur national» à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 devrait être comprise comme désignant le travailleur national qui n’a pas exercé de droits de libre circulation et de séjour et que le niveau de protection au titre de ces dispositions est l’égalité de traitement, indépendamment de la nationalité, en vue de promouvoir l’exercice de droits de libre circulation et de séjour au titre du droit de l’Union.
74. Il en résulte que tant l’article 45 TFUE que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 s’opposent à ce qu’un État membre défavorise les travailleurs (qu’ils soient permanents, saisonniers ou frontaliers) ( 49 ) qui ont exercé leurs droits de libre circulation et de séjour. En dépit du libellé littéral de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, cette disposition ainsi que l’article 45 TFUE s’opposent, par conséquent, à ce que le Royaume des Pays-Bas refuse d’accorder un
financement d’études à l’enfant à charge d’un travailleur frontalier ayant la nationalité néerlandaise sur la base de la règle des trois ans sur six aussi longtemps qu’il est travailleur frontalier. C’est le cas parce que la règle des trois ans sur six défavorise un travailleur frontalier par rapport à un travailleur national dans une situation similaire.
Sur la perte de la qualité de travailleur
75. J’ai déjà expliqué la raison pour laquelle je suis d’avis que la Cour n’a pas, en l’espèce, à se prononcer sur la question de savoir si (et si tel est le cas, dans quelle mesure) une personne peut continuer à invoquer (certaines) dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs après avoir perdu la qualité de travailleur migrant ou celle de travailleur frontalier ( 50 ). Dans un souci d’exhaustivité, j’aborderai néanmoins cette question, de manière théorique.
76. Selon moi, la question ne se pose que lorsqu’une personne n’exerce plus cette liberté en travaillant, en recherchant réellement un emploi ( 51 ), ou en demeurant autrement présente sur le marché de l’emploi de l’État membre d’accueil ( 52 ). Cela serait le cas, par exemple, si une personne dans la situation de M. Martens avait fini son activité professionnelle et pris sa retraite (en Belgique ou ailleurs).
77. En principe, une telle personne ne peut plus tirer de droits de son ancienne qualité de travailleur ( 53 ). La perte de cette qualité implique la perte de la protection offerte par celle-ci au titre du droit de l’Union. Toutefois, un simple changement d’emploi ne peut mettre fin à cette protection ( 54 ).
78. Lorsqu’un tel citoyen de l’Union continue à séjourner sur le territoire de l’État membre d’accueil, il peut, en toute hypothèse, se prévaloir du principe d’égalité de traitement à l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, qui le protège en raison de sa citoyenneté de l’Union ( 55 ). Dans ce contexte, le simple fait qu’il était auparavant un travailleur salarié et/ou a conservé cette qualité peut être le fondement du droit de séjour ( 56 ). En outre, la législation de l’Union peut
elle-même prévoir que des droits résultent de, ou sont attachés à, la qualité d’ancien travailleur ( 57 ).
79. La Cour a également admis que la qualité d’ancien travailleur migrant ou frontalier peut produire des effets après la cessation de la relation de travail elle-même ( 58 ). Cette protection (plus étendue) peut continuer à s’appliquer nonobstant le fait qu’une telle personne peut être protégée par les droits attachés à la citoyenneté de l’Union une fois qu’elle n’est plus économiquement active. La libre circulation des travailleurs offre une protection plus étendue. En particulier, en ce qui
concerne le financement d’études, la Cour a jugé que, tant que le parent bénéficie de la qualité de travailleur migrant ou de celle de travailleur frontalier, un État membre ne peut appliquer de condition de résidence et invoquer l’objectif d’éviter une charge financière déraisonnable à titre de raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une inégalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs frontaliers et migrants ( 59 ). Ainsi, il ne peut adopter une mesure
telle qu’une condition de résidence pour limiter la solidarité financière dont il faut faire preuve à l’égard des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers par rapport aux travailleurs nationaux. Par conséquent, à la différence de la justification d’une telle mesure sur la base du même objectif dans le contexte des droits attachés à la citoyenneté de l’Union, il ne se pose pas de questions relatives à la proportionnalité d’une telle condition ( 60 ).
80. Dans quelles circonstances un ancien travailleur frontalier ou un ancien travailleur migrant devrait-il continuer à être protégé par des droits de libre circulation des travailleurs (à savoir bénéficier d’une protection autre que celle expressément conférée par la législation)?
81. La raison pour laquelle les effets de certains avantages sociaux doivent se poursuivre indépendamment du lieu de résidence est claire. C’est le cas, de la manière la plus évidente, lorsque l’avantage est intrinsèquement lié à la cessation d’un rapport de travail ou la fin de l’activité professionnelle d’un travailleur ( 61 ). Ainsi, l’indemnité à l’occasion de la cessation d’un contrat de travail n’est, par définition, ouverte qu’à une personne qui exerçait auparavant, mais n’exerce plus, une
activité salariée. Dans ces circonstances, il doit être possible de se prévaloir de l’ancienne qualité de travailleur. Le droit dérivé confirme cette position ( 62 ).
82. Lorsque l’événement, ou la situation, en rapport avec lequel un avantage social est octroyé intervient après la fin du rapport de travail et est dépourvu de liens avec cette circonstance ou avec l’activité professionnelle passée du travailleur, il n’est, en principe, pas possible de continuer à se prévaloir, par exemple, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ou de l’article 45 TFUE ( 63 ). Ainsi, lorsque l’ancien travailleur lui-même étudie par la suite dans l’État membre
d’accueil, la Cour a jugé qu’il garde sa qualité de travailleur et peut, par conséquent, invoquer, dans le cadre de sa demande d’accès à des bourses accordées pour l’entretien et la formation, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, à condition qu’il existe une relation entre l’activité professionnelle préalable et les études poursuivies ( 64 ). En revanche, lorsque la relation de travail préalable n’est qu’un élément accessoire par rapport aux études que la bourse servirait à
financer, il ne conserve pas sa qualité de travailleur et il n’est pas possible d’invoquer celle-ci ( 65 ). À titre exceptionnel, lorsqu’un travailleur se trouve involontairement au chômage et que la situation sur le marché de l’emploi le contraint à opérer une reconversion professionnelle dans un secteur d’activité différent, aucune relation avec les activités professionnelles précédemment exercées n’est exigée ( 66 ).
83. Qu’en est-il si l’événement ou la situation qui est à l’origine de la nécessité d’avoir accès à l’avantage social est intervenu avant la perte de la qualité de travailleur frontalier ou de travailleur migrant, mais continue ensuite, après la perte de cette qualité?
84. Selon moi, cela dépendra, à nouveau, du contenu de l’avantage et du motif pour lequel il est accordé.
85. Dans ce contexte, plusieurs parties ont invoqué l’arrêt Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pinedo Amado (EU:C:2001:176). J’examinerai, dès lors, cette affaire en détail.
86. La Cour a jugé dans cette affaire qu’aucune circonstance particulière ne justifiait que l’on s’écarte du principe selon lequel la perte de la qualité de travailleur frontalier ou de celle de travailleur migrant implique la perte de la protection associée à cette qualité, dans des circonstances dans lesquelles un ancien travailleur (qui n’était plus résident dans l’État membre d’accueil) a cherché à se prévaloir de la libre circulation des travailleurs aux fins d’obtenir à charge de celui-ci un
financement d’études dans les mêmes conditions que celles appliquées par cet État à ses propres ressortissants ( 67 ).
87. Les faits de l’affaire concernaient un ancien travailleur qui avait bénéficié d’une allocation pour enfant à charge, cessé de travailler, obtenu une allocation d’invalidité et, à la suite d’une réforme législative au terme de laquelle le droit de percevoir une allocation pour enfant à charge a été transformé en un droit de recevoir une bourse d’études ( 68 ), perdu cette allocation parce que sa fille avait terminé son cycle d’études secondaires et, par conséquent, ne satisfaisait plus à la
condition du régime transitoire selon laquelle les enfants doivent continuer à suivre le même type d’enseignement que celui qu’ils suivaient le 1er octobre 1995.
88. La Cour a indiqué qu’il ne saurait être prétendu que les conditions d’accès au financement d’études seraient de nature à entraver les droits au titre de l’article 45 TFUE dans des circonstances dans lesquelles un travailleur migrant a cessé d’être actif et regagné son État membre d’origine dans lequel résident également ses enfants ( 69 ). En arrivant à cette conclusion, la Cour a confirmé que i) l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ne devrait pas être interprété comme signifiant
que d’anciens travailleurs peuvent s’en prévaloir pour demander l’accès non discriminatoire aux avantages sociaux accordés par l’État membre d’accueil ( 70 ), mais que ii) ses effets pouvaient se poursuivre lorsque l’avantage est intrinsèquement lié à la cessation d’une relation de travail ou de l’activité professionnelle d’un travailleur ( 71 ) et lorsque la législation prévoit expressément ceux-ci ( 72 ).
89. Peu de temps après, dans l’arrêt Leclere et Deaconescu, la Cour a admis qu’un travailleur continue, lorsqu’il a cessé d’exercer son activité professionnelle, «à avoir droit à certains avantages acquis à l’occasion de son rapport de travail» ( 73 ). Dans cette affaire, l’avocat général Jacobs a estimé que ce qui importe c’est la question de savoir si l’avantage est accordé à un ancien travailleur national (qui n’a pas exercé de droits à la libre circulation) en raison de sa qualité d’ancien
travailleur, indépendamment de sa résidence. Si la réponse est négative, l’ancien travailleur migrant ou l’ancien travailleur frontalier ne peut plus se prévaloir de la protection attachée à cette qualité ( 74 ).
90. Je conclus – et souligne, à nouveau, que j’aborde cette question de manière théorique – qu’un ancien travailleur n’est pas fondé à continuer à bénéficier de tous les avantages acquis durant son rapport de travail. La notion d’«avantage social» à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 est très large et couvre des avantages qui peuvent, ou non, être liés au contrat de travail et qui sont reconnus aux travailleurs nationaux en raison principalement de leur qualité objective de
travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national ( 75 ). Un ancien travailleur peut continuer à se prévaloir des droits de libre circulation des travailleurs en ce qui concerne les avantages sociaux qui sont liés à son ancien rapport de travail. Toutefois, un financement portable des études, tel que le MNSF, n’est généralement pas accordé aux travailleurs (ou leurs enfants à charge) en raison de leur rapport de travail. Il s’agit d’un avantage social que le Royaume des
Pays-Bas a ouvert à tous les citoyens de l’Union qui souhaitent étudier en dehors des Pays-Bas et qui sont suffisamment intégrés aux Pays-Bas. Le droit de l’Union s’oppose, par conséquent, à ce que le Royaume des Pays-Bas refuse un tel avantage aux citoyens de l’Union qui ont fait usage de la libre circulation des travailleurs (parce que leur qualité objective de travailleurs est d’emblée une preuve d’intégration).
91. Ceci signifie également, comme l’a souligné l’avocat général Jacobs ( 76 ), que lorsqu’un État membre continue d’accorder un avantage social à d’anciens travailleurs malgré la cessation de leur rapport de travail et indépendamment de leur résidence, il ne peut opérer de discriminations à l’encontre d’anciens travailleurs qui sont des ressortissants d’autres États membres, ou qui ont fait usage de la liberté de circulation des travailleurs. Dans ce cadre, un ancien travailleur frontalier, ou un
ancien travailleur migrant, peut continuer à se prévaloir de la protection garantie par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 en ce qui concerne les avantages acquis avant qu’il ne cesse d’avoir la qualité de travailleur frontalier ou celle de travailleur migrant.
92. Ainsi, c’est à l’État membre qu’il appartient de décider si d’anciens travailleurs (nationaux) continuent à bénéficier d’un avantage social tel qu’un financement d’études, après la fin du rapport de travail, à raison de leur ancien emploi. Si tel est le cas, un État membre ne peut pas traiter moins favorablement les travailleurs qui sont ressortissants d’un autre État membre et/ou ont fait usage de la liberté de circulation des travailleurs.
Sur l’article 12 du règlement no 1612/68
93. Malgré le fait que la juridiction de renvoi cherche seulement à être éclairée sur l’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement no 1612/68, toutes les parties ont discuté également de l’article 12 dudit règlement dans le cadre de leur réponse à la première question (y compris celle de savoir s’il peut s’appliquer, le cas échéant, à l’enfant d’un travailleur frontalier). Dans un souci d’exhaustivité, je conclurai cette partie de mes conclusions en abordant cette disposition.
94. L’article 12 reconnaît à titre personnel aux enfants de travailleurs qui travaillent, ou ont travaillé, sur le territoire d’un autre État membre un droit propre, distinct ( 77 ). Il leur garantit l’accès notamment aux études de l’enseignement général dans l’État membre dans lequel leur parent est ou a été employé (ainsi, est ou était travailleur migrant ) aux mêmes conditions que pour les ressortissants de cet État, à condition qu’ils résident dans le territoire de l’État membre d’accueil ( 78
). Ainsi, les enfants se trouvant dans cette situation peuvent entreprendre et, le cas échéant, terminer leur scolarité dans l’État membre d’accueil ( 79 ). Ils peuvent également se prévaloir de l’article 12 lorsque l’État membre d’accueil offre, à ses ressortissants, la possibilité de bénéficier d’une aide à l’éducation ou à la formation dispensée à l’étranger ( 80 ). Pour se prévaloir de l’article 12, un demandeur n’est pas tenu d’être l’enfant à charge d’un travailleur migrant, d’établir que
ses parents ont tous deux un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, ou d’établir que ses parents continuent d’être des travailleurs migrants ( 81 ). Ses parents, non plus, ne sont pas tenus de rester mariés, ou d’être tous deux citoyens de l’Union ( 82 ). Ce qui importe, c’est que l’enfant ait vécu avec ses parents (ou avec l’un d’eux) dans l’État membre d’accueil pendant que l’un de ses parents au moins y résidait en qualité de travailleur ( 83 ). De cette manière, l’article 12 contribue
à l’objectif général du règlement no 1612/68 d’assurer des conditions optimales d’intégration de la famille d’un travailleur migrant dans le milieu de l’État membre d’accueil ( 84 ). L’enfant d’un travailleur migrant doit avoir la possibilité d’entreprendre sa scolarité et ses études dans l’État membre d’accueil en vue de les terminer avec succès ( 85 ). Pour ce motif, le droit d’accéder à l’enseignement et le droit de séjour corrélatif de l’enfant perdurent jusqu’à ce que ce dernier ait terminé
ses études ( 86 ).
95. Toutefois, par définition, un travailleur frontalier ne réside et ne travaille pas à la fois dans l’État membre d’accueil.
96. Ainsi, le libellé littéral de l’article 12 indique qu’il n’est pas applicable aux enfants de travailleurs frontaliers. Toutefois, une telle lecture semble difficile à réconcilier avec le principe selon lequel les travailleurs migrants et frontaliers doivent être traités de la même manière, ce qui découle du quatrième considérant du règlement no 1612/68 ainsi que d’une jurisprudence constante sur la libre circulation des travailleurs ( 87 ).
97. En toute hypothèse, même si le parent (travailleur frontalier) n’est pas tenu de résider dans l’État membre d’accueil pour donner lieu à l’application de l’article 12 du règlement no 1612/68 (question que je laisse expressément ouverte), l’enfant doit – il me semble – avoir montré un certain rattachement à (ou une certaine intégration dans) l’État membre d’accueil par la résidence ou des études dans celui-ci. Je n’exprime ici pas d’opinion définitive sur la manière précise dont cette
délimitation devrait être fixée. En l’espèce, Mme Martens ne résidait pas aux Pays-Bas pendant que son père y était travailleur frontalier et elle a demandé un financement pour poursuivre des études auprès d’un établissement d’enseignement en dehors des Pays-Bas.
98. Je conclus que l’article 12 du règlement no 1612/68 n’est pas pertinent en l’espèce.
Sur la seconde question: droits des citoyens de l’Union de circuler et séjourner librement
99. Je ne considère pas qu’il est nécessaire pour la Cour de répondre à la seconde question, qui a trait à la citoyenneté de l’Union. Les articles 20 et 21, paragraphe 1, TFUE trouvent une expression spécifique à l’article 45 TFUE, s’agissant de la libre circulation des travailleurs ( 88 ), et M. Martens peut continuer à se prévaloir de cette dernière disposition. Si la Cour devait ne pas partager cette opinion et décider de répondre à la seconde question, je suis d’avis que la jurisprudence
existante fournit les éléments nécessaires pour donner des indications à la juridiction de renvoi.
100. La Cour, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire C‑542/09, n’a pas examiné l’application de la règle des trois ans sur six aux enfants à charge de ressortissants néerlandais qui ne sont ni économiquement actifs aux Pays-Bas ni résidents là‑bas. Toutefois, la Cour a examiné ultérieurement, à d’autres occasions, des mesures similaires dans le cadre des droits attachés à la citoyenneté de l’Union, en particulier dans des renvois préjudiciels impliquant des ressortissants allemands, vivant en
dehors de l’Allemagne, qui avaient demandé un financement d’études en Allemagne ( 89 ).
101. En substance, la Cour a jugé que les États membres qui ouvrent des aides à la formation pour effectuer des études dans un autre État membre doivent veiller à ce que les modalités d’allocation de ces aides ne créent pas une restriction injustifiée au droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres prévu à l’article 21 TFUE ( 90 ). Une condition imposant une résidence ininterrompue pendant une période donnée a été considérée comme une telle restriction: elle est de nature à
dissuader des ressortissants d’exercer leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre parce que s’ils le font, ils sont susceptibles de perdre le droit à l’aide à l’éducation ou la formation ( 91 ).
102. À l’occasion de son examen du point de savoir si une telle restriction peut être justifiée sur la base de considérations objectives d’intérêt public (indépendamment de la nationalité) ainsi qu’à l’occasion de celui de la proportionnalité de la mesure en cause par rapport à l’objectif légitime qu’elle poursuit, la Cour a expliqué qu’il est légitime pour les États membres de subordonner l’aide financière pour l’ensemble du cursus d’études à l’étranger à la condition que les étudiants démontrent
un degré suffisant d’intégration dans l’État membre fournissant le financement ( 92 ). Cet objectif a été décrit par la Cour comme un moyen d’atteindre une autre fin, à savoir éviter de placer une charge déraisonnable sur l’État membre fournissant le financement qui pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être allouée par cet État ( 93 ). Toutefois, une condition unique de résidence ininterrompue pendant une période donnée a été considérée comme étant trop
générale et exclusive et allant au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi; elle n’a, dès lors, pas été considérée comme proportionnée ( 94 ). D’autres facteurs pourraient également démontrer l’existence d’un degré suffisant de rattachement à l’État membre fournissant le financement, tels que la nationalité, la scolarité, la famille, l’emploi, les capacités linguistiques ou l’existence d’autres liens sociaux ou économiques ( 95 ).
103. Ainsi, même lorsqu’un citoyen de l’Union n’est pas (ou n’est plus) économiquement actif, l’emploi et la famille peuvent démontrer un rattachement avec un État membre auquel il est demandé un financement. Cela couvre, en particulier, l’emploi (passé) de l’étudiant en question, mais potentiellement également l’emploi, actuel ou passé, des membres de la famille dont l’étudiant dépend (généralement les parents) ( 96 ). Étant donné que le degré de rattachement est simplement une condition utilisée
pour limiter le groupe de bénéficiaires de manière à éviter le risque de créer une charge financière déraisonnable pour l’État membre fournissant le financement, je considère que le fait que le parent a contribué dans le passé au budget public ne peut être ignoré.
104. Dans certaines circonstances, le lieu et le type d’études peuvent également être instructifs dans le cadre de l’appréciation quant au point de savoir si un citoyen de l’Union montre un degré suffisant de rattachement à l’État membre fournissant le financement; je considère toutefois cela comme un élément additionnel plutôt qu’obligatoire.
105. En l’espèce, Mme Martens est, par sa nationalité, un citoyen de l’Union qui a exercé sa liberté de circulation et de séjour dans le territoire des États membres lorsqu’elle a migré, jeune enfant, avec ses parents des Pays-Bas vers la Belgique. Elle peut, par conséquent, opposer les articles 20 TFUE et 21 TFUE, même à l’État membre dont elle est ressortissante (le Royaume des Pays-Bas).
106. Le simple fait qu’un temps considérable se soit écoulé depuis qu’elle a exercé ces droits de libre circulation ne peut, en lui-même, pas avoir d’influence sur la question de savoir si des droits peuvent être tirés des articles 20 TFUE et 21 TFUE, dans des circonstances dans lesquelles il y a eu un exercice ininterrompu du droit de séjourner dans un autre État membre ( 97 ).
107. S’il peut être vrai que le MNSF n’existait pas encore au moment où Mme Martens et sa famille ont migré vers la Belgique (et, pour cette raison, n’a pas restreint l’exercice de leurs droits de libre circulation à cette époque), l’application de la règle des trois ans sur six défavorise néanmoins celle-ci en raison de sa résidence ininterrompue en dehors des Pays-Bas.
108. Le Royaume des Pays-Bas doit accorder le même traitement juridique, indépendamment de la nationalité des demandeurs, lorsqu’il décide qui obtient le financement auquel il donne accès pour des études, que ce soit dans d’autres États membres ou en dehors de l’Union. En prenant cette décision, il ne peut pas défavoriser les demandeurs qui ont exercé leurs droits de circuler et séjourner dans un autre État membre. Dans son arrêt D’Hoop, la Cour a expliqué de manière non équivoque qu’«il serait
incompatible avec le droit de la libre circulation qu’[un citoyen de l’Union] puisse se voir appliquer dans l’État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation» ( 98 ). Dans de telles circonstances, l’État membre pénaliserait en fait son ressortissant pour avoir fait usage de son droit de libre circulation ( 99 ).
109. L’application de la règle des trois ans sur six à Mme Martens a exactement cet effet. Mme Martens ne peut respecter cette règle parce que, ayant migré des Pays-Bas vers la Belgique jeune enfant, elle a continué à résider en Belgique au moins jusqu’au moment où elle s’est inscrite à l’université des Antilles néerlandaises.
110. Pour justifier la règle des trois ans sur six, le Royaume des Pays-Bas invoque la reconnaissance par la Cour de ce que les États membres peuvent accorder cette aide seulement à des étudiants qui ont démontré un certain degré d’intégration dans le milieu de cet État ( 100 ).
111. Tandis que la Cour a effectivement reconnu cet objectif, elle a également clairement indiqué que retenir la seule résidence comme critère est trop exclusif et général. Selon moi, il ne fait aucune différence à cet égard que, à la différence de la condition de résidence allemande en cause dans des affaires telles que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524) ainsi que Thiele Meneses (EU:C:2013:683), la Wsf 2000 n’exige pas qu’un étudiant ait résidé aux Pays-Bas pendant une période ininterrompue de
trois ans immédiatement avant d’entamer des études à l’étranger. Cette distinction n’altère pas le caractère absolu et exclusif de la condition de résidence.
112. Dans un souci d’exhaustivité, je note que la règle des trois ans sur six n’est pas une règle absolue (parce qu’il est possible pour le Minister de faire prévaloir sur celle-ci l’application de la clause d’équité) ( 101 ). Cependant, la Cour dispose de peu ou d’aucun élément d’information quant à la portée et à l’application de cette clause. En toute hypothèse, le fait qu’un pouvoir d’appréciation ministériel puisse être exercé de manière à ne pas appliquer une restriction injustifiée des droits
attachés à la citoyenneté de l’Union dans certaines circonstances ne modifie pas l’analyse. Ce qui est exclu par le droit de l’Union est exclu. [Il en va de même en ce qui concerne l’exception pour les (enfants de) travailleurs frontaliers et les personnes ayant la nationalité néerlandaise qui vivent dans une région frontalière et souhaitent étudier dans un établissement d’enseignement qui y est situé.]
Conclusion
113. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que la Cour devrait répondre aux questions posées par le Centrale Raad van Beroep de la manière suivante:
L’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté s’opposent à ce que le Royaume des Pays-Bas refuse un financement d’études à l’enfant à charge d’un travailleur frontalier ayant la nationalité néerlandaise sur la base de la règle des trois ans sur six aussi longtemps que celui-ci est travailleur frontalier. Lorsque ce travailleur frontalier cesse son activité
salariée aux Pays-Bas et fait usage de sa liberté de circulation des travailleurs pour prendre un emploi à temps plein dans un autre État membre, et indépendamment de son lieu de résidence, l’article 45 TFUE s’oppose à ce que le Royaume des Pays-Bas applique des mesures qui, à moins qu’elles ne puissent être objectivement justifiées, ont pour effet de décourager un tel travailleur d’exercer ses droits au titre de l’article 45 TFUE et lui font perdre, à la suite de l’exercice de ses droits de
libre circulation, des avantages sociaux qui lui sont garantis par la législation néerlandaise, tels que le financement portable des études pour son enfant à charge.
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( 1 ) Langue originale: l’anglais.
( 2 ) EU:C:2012:346.
( 3 ) Règlement du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2). Le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO L 141, p. 1) a abrogé le règlement no 1612/68 avec effet à compter du 16 juin 2011 (et donc, après les faits pertinents en cause en l’espèce). En toute hypothèse, les libellés des articles 7,
paragraphe 2, et 12 du règlement no 1612/68 sont demeurés inchangés dans le règlement no 492/2011 et je me réfère, par conséquent, aux deux dispositions au présent.
( 4 ) Voir article 1er de la Charte du Royaume des Pays-Bas (Statuut voor het Koninkrijk der Nederlanden) (point 14 des présentes conclusions).
( 5 ) Annexe II, «Pays et territoires d’outre-mer auxquels s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne» (JO 2012, C 326, p. 336).
( 6 ) La législation adoptée au titre de l’article 203 TFUE ne fournit pas d’indications sur le point de savoir si M. Martens et sa fille peuvent se prévaloir du droit de l’Union en l’espèce.
( 7 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).
( 8 ) Les autres composantes des Antilles néerlandaises énumérées à l’annexe II du TFUE (à savoir Bonaire, Saint-Eustache et Saba) semblent avoir un statut légèrement différent en vertu de la Charte du Royaume des Pays-Bas.
( 9 ) Cette catégorie est plus large que celle des travailleurs frontaliers. Ces derniers travaillent dans un État membre et résident dans une région frontalière d’un État membre voisin. En revanche, les premiers comprennent également les travailleurs qui travaillent dans un État membre et résident dans un autre État membre, mais pas uniquement dans une région frontalière d’un État membre voisin. Voir également, notamment, arrêt S. et G. (C‑457/12, EU:C:2014:136, points 38 et 39).
( 10 ) Ces régions sont les Flandres et la Région de Bruxelles-Capitale, en Belgique, et la Rhénanie-du Nord-Westphalie, la Basse-Saxe et Brême, en Allemagne.
( 11 ) EU:C:2012:346.
( 12 ) Voir également points 19 et 20 des présentes conclusions.
( 13 ) Voir points 17 et 24 des présentes conclusions.
( 14 ) Voir, notamment, arrêt Prinz et Seeberger (C‑523/11 et C‑585/11, EU:C:2013:524, point 26 et jurisprudence citée).
( 15 ) Voir, notamment, arrêts Morgan et Bucher (C‑11/06 et C‑12/06, EU:C:2007:626, point 28 et jurisprudence citée); Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 30 et jurisprudence citée) ainsi qu’Elrick (C‑275/12, EU:C:2013:684, point 25).
( 16 ) Voir, notamment, arrêt Förster (C‑158/07, EU:C:2008:630).
( 17 ) Voir également point 90 des présentes conclusions.
( 18 ) Arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, points 34, 35 et 48 ainsi que jurisprudence citée).
( 19 ) Sur le rapport entre les articles 21 TFUE et 45 TFUE, voir, notamment, arrêt Caves Krier Frères (C‑379/11, EU:C:2012:798, point 30 et jurisprudence citée).
( 20 ) Voir point 15 des présentes conclusions. Si le Minister avait considéré que le cycle d’études de Mme Martens était poursuivi «aux Pays-Bas» plutôt qu’ailleurs (de sorte qu’elle avait besoin d’un financement portable des études), elle aurait de plein droit, en tant que ressortissante néerlandaise, pu prétendre à un financement.
( 21 ) Voir, notamment, arrêt X et TBG (C‑24/12 et C‑27/12, EU:C:2014:1385, point 45 et jurisprudence citée).
( 22 ) Ainsi, il n’existe pas de disposition expresse sur la circulation des capitaux entre États membres et PTOM. La libre circulation des capitaux est toutefois prévue dans une disposition (article 63 TFUE) qui a un champ d’application territorial illimité et, par conséquent, s’applique nécessairement aux mouvements de capitaux vers et en provenance des PTOM, en leur qualité d’États tiers. Voir, notamment, arrêt Prunus et Polonium (C‑384/09, EU:C:2011:276, points 20 et 31).
( 23 ) Voir arrêt Prunus et Polonium (EU:C:2011:276, point 29 et jurisprudence citée).
( 24 ) Il ne ressort pas clairement de la décision de renvoi si elle est devenue résidente à Curaçao lorsqu’elle y a entamé ses études ou si elle est juridiquement restée résidente en Belgique.
( 25 ) Voir également point 106 des présentes conclusions.
( 26 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 64).
( 27 ) Voir, notamment, arrêt Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (C‑212/06, EU:C:2008:178, point 44 et jurisprudence citée).
( 28 ) Ibidem (point 45 et jurisprudence citée).
( 29 ) Ibidem (point 46 et jurisprudence citée).
( 30 ) Voir, notamment, arrêt Terhoeve (C‑18/95, EU:C:1999:22, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).
( 31 ) L’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 indique les circonstances dans lesquelles un citoyen de l’Union conserve la qualité de travailleur salarié ou dnon salarié aux fins de l’article 7, paragraphe 1, à savoir en ce qui concerne sa capacité à invoquer le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre d’accueil pour une durée de plus de trois mois.
( 32 ) M. Martens n’est donc pas dans la même situation que Mme Esmoris Cerdeiro‑Pinedo Amado. Dans son arrêt Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pinedo Amado (C‑33/99, EU:C:2001:176, points 46 et 47), la Cour a jugé que cette personne ne pouvait pas invoquer l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 pour prétendre au maintien d’un avantage social tel que le financement d’études parce qu’elle avait cessé d’exercer son activité dans l’État membre d’accueil et regagné son État membre d’origine.
Toutefois, à la différence de M. Martens, Mme Esmoris Cerdeiro‑Pinedo Amado n’a pas exercé le droit de libre circulation des travailleurs en retournant dans son État membre d’origine.
( 33 ) Une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs peut être admise si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. La mesure doit également être apte à garantir la réalisation de l’objectif en cause et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Voir, notamment, arrêt Olympique Lyonnais (C‑325/08, EU:C:2010:143, point 38 et jurisprudence citée). Aucun élément à l’appui d’une
justification objective d’une telle entrave au titre de l’article 45 TFUE n’a toutefois été soumis à la Cour en l’espèce.
( 34 ) Arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée).
( 35 ) Ibidem (point 38 et jurisprudence citée) (mise en italique par mes soins). Voir également, notamment, arrêt Giersch e.a. (C‑20/12, EU:C:2013:411, point 44).
( 36 ) Arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 38 et jurisprudence citée). Voir également, notamment, arrêt Giersch e.a. (EU:C:2013:411, point 45).
( 37 ) Arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 44).
( 38 ) Voir, notamment, premier et deuxième considérants du règlement no 1612/68. En ce qui concerne l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, voir, notamment, arrêt Hendrix (C‑287/05, EU:C:2007:494, point 53).
( 39 ) Voir, notamment, arrêt Giersch e.a. (EU:C:2013:411, point 37 et jurisprudence citée).
( 40 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 48 et jurisprudence citée).
( 41 ) Voir, notamment, arrêt Meeusen (C‑337/97, EU:C:1999:284, point 25).
( 42 ) L’avocat général Kokott a fait observer que, malgré le fait que (le libellé de) l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 semble rester en deçà de la garantie visée à l’article 45 TFUE, la Cour applique l’article 7, paragraphe 2, et l’article 45 parallèlement et interprète l’article 7 de la même manière que l’article 45: voir point 31 des conclusions qu’elle a présentées dans l’affaire Hendrix (EU:C:2007:196).
( 43 ) Voir arrêt Hartmann (C‑212/05, EU:C:2007:437, point 17) (mise en italique par mes soins), dans lequel la Cour a résumé la position qui était la sienne dans l’arrêt Ritter‑Coulais (C‑152/03, EU:C:2006:123, points 31 et 32). Dans cette affaire, M. Hartmann s’était borné à transférer sa résidence dans un autre État membre. En la présente affaire, M. Martens a d’abord transféré à la fois sa résidence et son emploi dans un autre État membre et a ensuite migré à nouveau en allant aux Pays‑Bas pour
y exercer une activité à temps partiel tout en restant résident en Belgique. Voir également, notamment, arrêt Hendrix (EU:C:2007:494, point 46): M. Hendrix, un ressortissant néerlandais, travaillait et résidait aux Pays-Bas; il a ensuite transféré sa résidence dans un autre État membre, puis changé d’emploi aux Pays-Bas. Voir également, notamment, arrêts Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (EU:C:2008:178, point 34 et jurisprudence citée); Caves Krier Frères (EU:C:2012:798,
point 25 et jurisprudence citée) ainsi que Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007, point 34 et jurisprudence citée).
( 44 ) Arrêt Hartmann (EU:C:2007:437, point 19).
( 45 ) Ibidem (point 19 et jurisprudence citée).
( 46 ) Ibidem (point 24 et jurisprudence citée).
( 47 ) Ibidem (point 24 et jurisprudence citée); voir également, notamment, arrêt Hendrix (EU:C:2007:494, point 47).
( 48 ) Voir, notamment, arrêt Terhoeve (EU:C:1999:22, points 28 et 29). Dans cette affaire, la Cour a toutefois jugé que la mesure telle que celle en cause constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs au titre de l’article 45 TFUE et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire de s’interroger sur l’existence également d’une discrimination indirecte fondée sur la nationalité au titre des articles 18 TFUE et 45 TFUE et au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68
(voir point 41).
( 49 ) Voir quatrième considérant du règlement no 1612/68.
( 50 ) Voir points 52 à 57 des présentes conclusions.
( 51 ) La Cour a itérativement indiqué qu’une personne à la recherche réelle d’un emploi est un travailleur: voir, notamment, arrêt Martínez Sala (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 32 et jurisprudence citée). Ainsi, la situation d’une telle personne est différente de celle d’un travailleur frontalier ou migrant qui a perdu cette qualité et qui n’est pas à la recherche d’un emploi.
( 52 ) Voir, notamment, arrêt Saint Prix (EU:C:2014:2007, point 41 et jurisprudence citée).
( 53 ) Ainsi, un travailleur résidant dans l’État membre dont il est ressortissant, qui, après avoir pris sa retraite, transfère sa résidence dans un autre État membre sans aucune intention d’exercer dans cet autre État une activité salariée, ne peut se prévaloir du droit de libre circulation des travailleurs: voir arrêt van Delft e.a. (C‑345/09, EU:C:2010:610, point 90 et jurisprudence citée).
( 54 ) Pour une illustration, voir points 53 à 58 des présentes conclusions.
( 55 ) Voir article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
( 56 ) Voir, notamment, articles 7, paragraphe 3, 17 et 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
( 57 ) Voir, notamment, article 12 du règlement no 1612/68.
( 58 ) Voir, notamment, arrêts Saint Prix (EU:C:2014:2007, point 35 et jurisprudence citée) ainsi que Caves Krier Frères (EU:C:2012:798, point 26 et jurisprudence citée).
( 59 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 69).
( 60 ) Voir également point 102 des présentes conclusions.
( 61 ) Voir, notamment, arrêt Leclere et Deaconescu (C‑43/99, EU:C:2001:303, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).
( 62 ) Voir, notamment, article 7, paragraphe 1, du règlement no 1612/68, qui prévoit un critère d’égalité de traitement en ce qui concerne «[…] toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s[i] [le travailleur qui est un ressortissant d’un État membre] est tombé en chômage».
( 63 ) Voir notamment, arrêt Leclere et Deaconescu (EU:C:2001:303, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).
( 64 ) Voir, notamment, arrêt Lair (39/86, EU:C:1988:322, point 39).
( 65 ) Voir, notamment, arrêt Brown (197/86, EU:C:1988:323, points 27 et 28).
( 66 ) Voir, notamment, arrêt Raulin (C‑357/89, EU:C:1992:87, point 21). Ce principe est également reflété à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.
( 67 ) Arrêt Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pinedo Amado (EU:C:2001:176, point 51).
( 68 ) Ce qui était en cause dans cette affaire était également le MNSF, bien qu’à un stade moins avancé de son évolution.
( 69 ) Arrêt Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pinedo Amado (EU:C:2001:176, point 43).
( 70 ) Ibidem (points 46 et 47).
( 71 ) Ibidem (point 47). Voir, également, point 81 des présentes conclusions.
( 72 ) Arrêt Fahmi et Esmoris Cerdeiro-Pinedo Amado (EU:C:2001:176, point 49).
( 73 ) EU:C:2001:303, point 58 (c’est moi qui souligne). Je ne considère toutefois pas que le simple fait qu’une personne continue à recevoir l’avantage implique nécessairement qu’elle doive être considérée comme ayant encore la qualité de travailleur au sens du règlement no 1612/68 (voir, à cet égard, point 59 de l’arrêt).
( 74 ) Point 98 des conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Leclere et Deaconescu (EU:C:2001:97).
( 75 ) Voir, notamment, arrêt Even et ONPTS (207/78, EU:C:1979:144, point 22).
( 76 ) Point 98 des conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Leclere et Deaconescu (EU:C:2001:97).
( 77 ) Voir point 36 de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:79); voir, également, arrêt rendu dans cette affaire (EU:C:2012:346, point 49).
( 78 ) Voir, notamment, arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, points 44 et 45).
( 79 ) Voir, notamment, arrêt Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 69).
( 80 ) Voir, notamment, arrêt di Leo (C‑308/89, EU:C:1990:400, points 12 et 15).
( 81 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 49 et jurisprudence citée).
( 82 ) Voir également, notamment, arrêt Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (C‑310/08, EU:C:2010:80, point 29 et jurisprudence citée).
( 83 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (EU:C:2012:346, point 50 et jurisprudence citée). Voir également, notamment, arrêts Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (EU:C:2010:80, point 29 et jurisprudence citée) ainsi que Czop et Punakova (C‑147/11 et C‑148/11, EU:C:2012:538, point 26).
( 84 ) Voir, notamment, arrêt Hadj Ahmed (C‑45/12, EU:C:2013:390, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée).
( 85 ) Ibidem (EU:C:2013:390, point 45 et jurisprudence citée).
( 86 ) Voir, notamment, arrêt Alarape et Tijani (C‑529/11, EU:C:2013:290, point 24 et jurisprudence citée).
( 87 ) Voir, notamment, arrêt Giersch e.a. (EU:C:2013:411, point 37 et jurisprudence citée). Je n’examine pas plus avant ici la question de savoir si l’analyse par la Cour de la justification éventuelle du traitement discriminatoire dans ce cas porte atteinte, ou non, au principe d’égalité de traitement des travailleurs migrants et des travailleurs frontaliers.
( 88 ) Voir, notamment, arrêt S. et G. (EU:C:2014:136, point 45 et jurisprudence citée).
( 89 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (C‑220/12, EU:C:2013:683); Elrick (EU:C:2013:684) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524).
( 90 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, point 25); Elrick (EU:C:2013:684, point 25) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 30 et jurisprudence citée).
( 91 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, points 27 et 28) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, points 31 et 32).
( 92 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, point 35) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 36 et jurisprudence citée). Cette justification ne vaut pas lorsque la demande de financement est formée au titre de l’article 45 TFUE et/ou de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68: voir point 79 des présentes conclusions et jurisprudence citée.
( 93 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, point 35) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 36 et jurisprudence citée). Voir également, pour la description de cet objectif, points 65 à 72 de mes conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Prinz et Seeberger (EU:C:2013:90).
( 94 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, point 38) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 40).
( 95 ) Voir, notamment, arrêts Thiele Meneses (EU:C:2013:683, point 38) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 38).
( 96 ) Voir également, notamment, arrêts Giersch e.a. (EU:C:2013:411, point 78) et Stewart (C‑503/09, EU:C:2011:500, point 100). Comme je l’ai déjà fait observer dans mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Prinz et Seeberger (EU:C:2013:90), l’affaire Stewart concernait un type différent d’avantage social. Néanmoins, en ce qui concerne l’objectif légitime consistant à garantir qu’il existe un lien réel entre le demandeur d’un avantage et l’État membre compétent, la Cour a admis que
le contexte familial (y compris lorsque les parents du demandeur avaient travaillé et reçu des prestations d’incapacité et des pensions de retraite) pouvait faire apparaître des éléments susceptibles de démontrer l’existence d’un tel lien réel.
( 97 ) Ainsi, notamment, Melle Nerkowska, une ressortissante polonaise, a quitté la Pologne en 1985 (après y avoir étudié et travaillé pendant plus de 20 ans) pour s’établir durablement en Allemagne. La Cour a admis dans l’affaire C‑499/06 qu’elle pouvait tirer des droits de sa citoyenneté de l’Union en ce qui concerne une prestation qu’elle avait demandée aux autorités polonaises en 2000: voir arrêt Nerkowska (C‑499/06, EU:C:2008:300, points 11 et 12, pour les faits, ainsi que point 47).
( 98 ) Arrêt D’Hoop (C‑224/98, EU:C:2002:432, point 30).
( 99 ) Ibidem (point 31 et jurisprudence citée). Voir également, notamment, arrêts Morgan et Bucher (EU:C:2007:626, point 26 et jurisprudence citée) ainsi que Prinz et Seeberger (EU:C:2013:524, point 28).
( 100 ) Voir point 102 des présentes conclusions.
( 101 ) Voir point 20 des présentes conclusions.