CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 30 avril 2014 ( 1 )
Affaire C‑47/13
Martin Grund
contre
Landesamt für Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig-Holstein
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]
«Agriculture — Régimes de soutien direct — Notion de ‘pâturages permanents’ — Terres utilisées pendant plus de cinq ans consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées — Changement d’espèce de plante fourragère herbacée au cours de cette période»
1. La demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) dans la présente affaire pose une question simple en apparence, mais qui est quelque peu embrouillée par un cadre juridique complexe et par certaines divergences entre versions linguistiques. Le fait qu’un pâturage ait été successivement réensemencé avec différentes herbes fourragères herbacées constitue-t-il une rotation des cultures, également appelée assolement, ou bien les
terres doivent-elles être qualifiées de pâturages permanents?
Le contexte
2. Avant d’exposer le cadre juridique, il peut être utile de présenter le contexte général dans lequel le litige au principal est né ainsi que certains des problèmes spécifiques qui compliquent la résolution de ce litige.
3. Les aides directes accordées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune peuvent être subordonnées au respect de certaines règles visant à encourager, notamment, de bonnes pratiques environnementales. Par exemple, une aide peut être accordée pour le maintien de pâturages et retirée si ces derniers sont convertis en terres arables. Dans certaines circonstances, une telle conversion peut être interdite. Toutefois, les agriculteurs peuvent néanmoins souhaiter convertir des
pâturages en terres arables lorsque celles-ci peuvent leur procurer un bénéfice accru.
4. Le litige au principal concerne un agriculteur allemand dont deux parcelles feraient l’objet d’une interdiction de conversion en terres arables si elles étaient qualifiées de pâturages permanents au sens de la législation de l’Union. Il souhaite donc établir qu’à la date pertinente, elles ne relevaient pas de cette catégorie. Il soutient à cet effet que le fait de passer d’une herbe fourragère à un mélange de trèfle et de graminées a sorti ses parcelles de la catégorie des pâturages permanents et
constitue en fait une rotation des cultures ( 2 ). Les autorités nationales compétentes ne partagent pas ce point de vue.
5. Dans une certaine mesure, la situation est compliquée par le fait qu’alors que la plupart des versions linguistiques de la législation de l’Union utilisent un terme similaire à «conversion» pour désigner le changement d’utilisation d’un pâturage devenant terre arable, la version en langue allemande utilise des termes se rapportant au labourage. Or, il apparaît qu’en l’espèce l’agriculteur n’a pas labouré la parcelle, mais qu’il a utilisé une méthode appelée «sursemis après scarification du sol»
et parfois «semis sous couvert» ou «culture sans travail du sol». Elle consiste à laisser l’espèce végétale précédente dans le sol, qui n’est pas retourné, mais scarifié ou ameubli en surface au moyen d’un scarificateur ou d’une herse et à semer la même espèce ou une espèce différente sur la culture précédente.
6. Un autre problème, d’importance secondaire, réside dans le fait que la législation de l’Union a été mise en œuvre en Allemagne au niveau national et au niveau régional. Si, au niveau national, la législation opère un renvoi dynamique à la législation de l’Union telle que modifiée ou telle qu’elle pourrait l’être, la législation au niveau régional n’opère qu’un renvoi statique à une version de la législation qui a depuis lors été abrogée et remplacée.
La législation de l’Union
7. Deux régimes successifs de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ont été cités: premièrement, le régime mis en place par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil ( 3 ) et par le règlement (CE) no 796/2004 de la Commission ( 4 ) (ci-après le «premier régime»); deuxièmement, avec effet au 1er janvier 2009 concernant la législation du Conseil de l’Union européenne et au 1er janvier 2010 concernant la législation de la Commission européenne, le
régime institué par le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil ( 5 ) et par le règlement no 1122/2009 de la Commission ( 6 ) (ci-après le «second régime»). Cependant, pour ce qui intéresse la présente espèce, il n’existe que peu de différences pertinentes, voire aucune, entre les deux ensembles de dispositions ( 7 ).
Maintien des pâturages permanents
8. Dans le premier régime, le préambule au règlement no 1782/2003 contenait, notamment, les considérants suivants:
«(2) Il y a lieu de lier le paiement intégral de l’aide directe au respect de règles en matière de terres, de production et d’activité agricoles. Ces règles doivent viser à intégrer des normes de base en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux et de bonnes conditions agricoles et environnementales dans les organisations communes des marchés. Si ces normes de base ne sont pas respectées, les États membres devraient suspendre l’aide directe en tout ou
en partie […]»
«(4) Étant donné que les pâturages permanents ont un effet positif sur l’environnement, il convient d’adopter des mesures visant à encourager le maintien des pâturages permanents existants afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.»
9. Les considérants 3 et 7 du préambule au règlement no 73/2009 dans le second régime reflètent et confirment ces objectifs:
«(3) Le règlement no 1782/2003 a établi le principe selon lequel les agriculteurs qui ne respectent pas certaines exigences en matière de santé publique, de santé des animaux et des végétaux, d’environnement et de bien-être des animaux sont sanctionnés par une réduction des paiements directs ou une exclusion du bénéfice de ces derniers. Ce système de ‘conditionnalité’ fait partie intégrante du soutien communautaire octroyé dans le cadre des paiements directs, de sorte qu’il convient de le
maintenir. […]»
«(7) Le règlement (CE) no 1782/2003 reconnaît l’effet positif sur l’environnement des pâturages permanents. Il y a lieu de conserver les mesures dudit règlement destinées à encourager le maintien des pâturages permanents existants, afin de prévenir leur transformation généralisée en terres arables.»
10. En ce qui concerne les dispositions de fond, l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 prévoyait que tout agriculteur percevant des paiements directs devait, en particulier, respecter les «bonnes conditions agricoles et environnementales» établies conformément à l’article 5. Dans le second régime, cette exigence a été reprise à l’article 4, paragraphe 1, renvoyant aux conditions de l’article 6, du règlement no 73/2009.
11. Ces conditions sont énoncées à l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1782/2003 et à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 73/2009, qui disposent que les États membres «veillent à ce que les terres consacrées aux pâturages permanents à la date prévue pour les demandes d’aide à la surface en 2003 restent affectées à cet usage». Le deuxième alinéa de chacun de ces deux articles autorise un État membre à déroger au premier alinéa, dans des circonstances
dûment justifiées, «à condition de prendre des mesures pour empêcher une diminution sensible de la superficie totale qu’il consacre aux pâturages permanents».
12. Passons de la réglementation du Conseil aux règles d’application détaillées élaborées par la Commission européenne. Dans le premier régime, l’article 3 du règlement no 796/2004 énonce les obligations des États membres concernant le maintien des terres en pâturages permanents, prévu à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003. En particulier, l’article 3, paragraphe 1, prévoyait l’obligation des États membres de veiller au maintien du ratio entre la superficie des terres consacrées aux
pâturages permanents et la superficie agricole totale au niveau national ou régional, tandis que l’article 3, paragraphe 2, leur faisait obligation de veiller à ce que ce ratio ne diminue pas au détriment des terres consacrées aux pâturages permanents de plus de 10 % par rapport au ratio de référence pour l’année 2003. Dans le second régime, l’on retrouve les mêmes obligations et exigences à l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1122/2009.
13. Les dispositions pertinentes de l’article 4 sont pratiquement identiques dans le règlement no 796/2004 et le règlement no 1122/2009. L’article s’intitule «Maintien des terres consacrées aux pâturages permanents au niveau de l’agriculteur» et contient les paragraphes suivants:
«1. Dans les cas où il est établi que le ratio visé à l’article 3, paragraphe 1, du présent règlement diminue, l’État membre concerné impose aux agriculteurs qui demandent une aide au titre de tout régime d’aide visé à l’annexe I [du règlement no 1782/2003 ou du règlement no 73/2009, selon le cas], à l’échelle nationale ou régionale, l’obligation de ne pas réaffecter ( 8 ) à d’autres utilisations des terres consacrées aux pâturages permanents sans autorisation préalable.
[…]
2. Dans les cas où il est établi que l’obligation visée à l’article 3, paragraphe 2, du présent règlement ne peut être respectée, l’État membre concerné, au-delà des mesures à prendre conformément au paragraphe 1 [du présent article] et au niveau national ou régional, impose aux agriculteurs qui demandent une aide au titre de tout régime d’aide visé à l’annexe I [du règlement no 1782/2003 ou du règlement no 73/2009, selon le cas] et qui disposent de terres qui avaient été consacrées aux
pâturages permanents ( 9 ) puis ont été réaffectées ( 10 ) à d’autres utilisations l’obligation de rétablir les pâturages permanents.
[…]»
Définitions
La législation relative aux aides directes
14. Dans le premier et le second régime, la définition de «pâturages permanents» est en substance la même. Elle figure à l’article 2, point 2, du règlement no 796/2004 et à l’article 2, sous c), du règlement (CE) no 1120/2009 ( 11 ), auquel l’article 2, point 2, du règlement no 1122/2009 renvoie. La définition de base est la suivante: «les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des
cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage».
15. Le règlement (CE) no 239/2005 ( 12 ) a ajouté l’article 2, point 2 bis, au règlement no 796/2004, qui définit les termes «herbe et autres plantes fourragères herbacées» comme étant «toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux)». La même formulation est reprise à l’article 2, sous c), du
règlement no 1120/2009 ( 13 ).
16. En outre, dans le second régime, l’article 2, sous d), du règlement no 1120/2009 dispose que «pâturages» signifie «les terres arables consacrées à la production d’herbages (ensemencés ou naturels); aux fins de l’article 49 du règlement no 73/2009, les pâturages comprennent également les pâturages permanents». L’article 2, sous b), définit les «cultures permanentes» comme étant «les cultures hors rotation, autres que les pâturages permanents, qui occupent les terres pendant une période de cinq
ans ou plus et qui fournissent des récoltes répétées […]».
Enquêtes sur la structure des exploitations agricoles
17. D’autres définitions, qui peuvent (ou non) être pertinentes, se trouvent à l’annexe I de la décision 2000/115/CE ( 14 ) et à l’annexe II du règlement (CE) no 1200/2009 ( 15 ), qui a remplacé la décision 2000/115 avec effet au 4 janvier 2010. Dans les deux cas, les définitions sont à nouveau les mêmes en substance. Une différence entre les deux mesures est que l’annexe I de la décision 2000/115 contient des «définitions» et des «explications» alors que l’annexe II du règlement no 1200/2009, comme
son titre l’indique, ne mentionne que des «définitions» – y compris pour les éléments décrits comme «explications» dans le premier.
18. L’expression «terres arables» est définie à la section D de l’annexe I de la décision 2000/115 et au point II., 2.01, de l’annexe II du règlement no 1200/2009 comme désignant les terres «travaillées (labourées ou cultivées) régulièrement et participant généralement à un système d’assolement». La première annexe expliquait ensuite qu’un «système d’assolement signifie que les cultures se succèdent sur une parcelle donnée selon un plan prédéfini», tandis que la seconde définit l’assolement comme
étant «le procédé qui consiste à alterner les cultures annuelles cultivées sur une parcelle donnée dans un ordre ou selon un plan prédéfini durant des campagnes successives de manière à ce que les mêmes espèces végétales ne soient pas cultivées en continu sur la même parcelle». L’une comme l’autre ajoute que: «[n]ormalement, les cultures se succèdent annuellement, mais elles peuvent également être pluriannuelles. On se réfère à un seuil de cinq années pour distinguer les terres arables des
cultures permanentes et des prairies permanentes et pâturages. Cela signifie que, si une parcelle est utilisée par la même culture plus de cinq années de suite sans destruction de la culture précédente avec implantation d’une nouvelle culture, elle n’est pas considérée comme terre arable».
19. Il résulte de la définition figurant au point D/18. a) de l’annexe I de la décision 2000/115 que les «prairies et pâturages temporaires» comprennent les «graminées pour le pâturage, le foin ou l’ensilage entrant dans un assolement normal, occupant le sol pendant au moins la durée d’une campagne et moins de cinq années, les semis étant faits de graminées pures ou en mélange. Avant le nouveau semis, les superficies sont préparées par un labour ou un travail du sol ou les plantes sont détruites par
d’autres moyens, tels que les herbicides». Le même point expliquait que «sont compris les mélanges à prédominance de graminées et autres cultures fourragères (généralement des légumineuses), pâturées, récoltées en vert ou comme foin», mais pas «les cultures annuelles de graminées (restant moins d’une campagne)».
20. La section F définissait les «prairies permanentes et pâturages» comme des «terres consacrées de façon permanente (pour une période de cinq ans et plus) à la culture de plantes fourragères herbacées, qu’elles soient cultivées (semées) ou naturelles (auto-ensemencement) et qui n’entrent pas dans l’assolement de l’exploitation» en expliquant qu’elles «peuvent être utilisées pour le pâturage ou fauchées pour l’ensilage ou le foin».
21. Les points II., 2.01.09.01 et II., 2.03 de l’annexe II du règlement no 1200/2009 définissent respectivement les «herbages temporaires» et les «prairies permanentes» de la même manière, pour l’essentiel, que les points correspondants de leurs équivalents de l’annexe I de la décision 2000/115. Toutefois, l’exclusion des «cultures annuelles de graminées (restant moins d’une campagne)» des «prairies et pâturages temporaires» n’y est pas reprise et la «production d’énergie renouvelable» est ajoutée
aux utilisations possibles des «prairies permanentes».
La législation allemande
22. La loi fédérale relative aux obligations en matière de paiements directs (Direktzahlungen-Verpflichtungengesetz), du 21 juillet 2004, met en œuvre le règlement no 1782/2003 ainsi que les actes adoptés en vue de son application, en ce qui concerne, plus particulièrement, le maintien de pâturages permanents dans les exploitations demandant des paiements directs. Elle opère un renvoi dynamique aux versions de la réglementation de l’Union en vigueur à la date pertinente et a été adaptée aux actes
législatifs révisés en 2009. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de cette loi, les Länder doivent veiller à ce que la part des pâturages permanents ne diminue pas de façon sensible. Conformément à l’article 5, paragraphe 3, point 1, les Länder sont habilités à interdire ou à restreindre le labour ( 16 ) des pâturages permanents si la part des pâturages permanents a diminué de plus de 5 %.
23. Sur cette base, le Land de Schleswig-Holstein a adopté le 13 mai 2008 le règlement de maintien des pâturages permanents (Landesverordnung zur Erhaltung von Dauergrünland). Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, si, eu égard aux demandes individuelles au titre du régime de paiement unique, l’autorité compétente constate que la part des pâturages permanents a diminué de plus de 5 %, elle publie cette information. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, après cette
publication, les agriculteurs qui demandent des paiements directs ne sont plus autorisés à labourer ( 17 ) des pâturages permanents au sens de l’article 2, point 2, du règlement no 796/2004 pendant toute la période durant laquelle ils perçoivent des paiements directs. Cependant, l’article 2, paragraphe 2, permet à l’autorité compétente d’autoriser le labour de pâturages permanents par dérogation à l’article 2, paragraphe 1. Contrairement à la loi fédérale, le règlement de maintien des pâturages
permanents renvoie seulement et spécialement au règlement no 796/2004, plutôt qu’à la législation de l’Union en vigueur à la date pertinente, et n’a apparemment pas été mis à jour à la suite de l’introduction du second régime.
24. Le 23 juin 2008, l’autorité compétente a déclaré que la part des pâturages permanents avait diminué de plus de 5 % dans le Schleswig-Holstein; conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de maintien des pâturages permanents, l’interdiction s’appliquerait donc à partir du lendemain.
Les faits, la procédure et la question préjudicielle
25. Ainsi qu’il ressort de l’exposé contenu dans la décision de renvoi, M. Grund est agriculteur dans le Schleswig-Holstein et introduit tous les ans une demande de subventions agricoles. Dans ses demandes, il a déclaré que, à partir des années 1998 et 1999, il avait cultivé des graminées fourragères (Ackergras) sur deux parcelles (Hohenkamp et Herrbusch). Au cours de l’année 2005, il a sursemé, après scarification ( 18 ), un mélange de trèfle et de graminées (Kleegras) sur les deux parcelles et a
déclaré celles-ci, entre les années 2005 et 2008, comme superficies plantées d’un mélange de trèfle et de graminées. En 2009, les deux parcelles ont de nouveau été consacrées à la production de graminées fourragères. En 2010, la parcelle Hohenkamp a été donnée à bail et sa reconnaissance comme pâturage fauché et pâturé a été demandée depuis lors. Sur la parcelle Herrbusch, du maïs d’ensilage est cultivé depuis l’année 2010 sur le fondement d’une autorisation, des pâturages permanents ayant, en
contrepartie, dû être implantés sur une autre parcelle ( 19 ).
26. Par courrier du 9 janvier 2009, le Landesamt für Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig-Holstein (service de l’agriculture, de l’environnement et des zones rurales du Land de Schleswig-Holstein, ci-après le «Landesamt») a informé M. Grund qu’il avait reclassé les parcelles en pâturages permanents parce qu’elles avaient été utilisées comme pâturages sans interruption entre les années 1998 et 2008. Il a également souligné que ces parcelles tombaient sous l’interdiction de
labourage édictée par le règlement de maintien des pâturages permanents.
27. M. Grund a contesté cette reclassification (apparemment parce qu’il pouvait obtenir un loyer plus élevé en donnant à bail la parcelle Hohenkamp en tant que terres arables) au motif principalement qu’il ne s’agissait pas de pâturages permanents. Des terres consacrées à la production de graminées fourragères ne seraient pas des pâturages permanents du fait qu’elles sont labourées après une ou deux années d’utilisation ( 20 ). Des «pâturages permanents» seraient des terres sur lesquelles pousse
durablement la même herbe. Cela leur conférerait une valeur écologique particulière, dont seraient dépourvues les terres consacrées à la production de graminées fourragères. En tout état de cause, le fait de passer d’un mélange de trèfle et de graminées à des graminées fourragères ou inversement constituerait une rotation des cultures, laquelle ferait obstacle à la qualification de pâturages permanents et mettrait fin à une utilisation des terres concernées comme pâturages permanents.
28. Le Landesamt lui a rétorqué que des terres consacrées à la production de graminées fourragères qui étaient régulièrement labourées étaient à assimiler à des pâturages permanents naturels. L’élément déterminant serait que c’était la même culture qui était cultivée sans interruption; dans le cas contraire, il se produirait une rotation des cultures. Or, comme des graminées fourragères avaient été cultivées sur les deux parcelles pendant une durée ininterrompue de plus de cinq années, il s’agirait
de pâturages permanents malgré le sursemis d’un mélange de trèfle et de graminées effectué par la suite.
29. Le recours de M. Grund a été rejeté en première instance au motif que, comme il avait cultivé des graminées fourragères sur les deux parcelles depuis cinq ans ou davantage jusqu’en 2003 et 2004, il s’agissait de pâturages permanents. Une rotation de différentes plantes fourragères herbacées ne mettait pas fin au statut de pâturages permanents une fois celui-ci acquis. L’appel de M. Grund contre ce jugement a été rejeté au motif que, indépendamment de savoir ce qui se passe en cas de passage
d’une herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées à d’autres grandes cultures, le fait de passer d’une herbe à un autre type de plantes fourragères herbacées serait sans incidence sur la qualité de pâturages permanents déjà acquise.
30. Le recours en «revision» formé par M. Grund contre cet arrêt est pendant devant la juridiction de renvoi, qui demande à la Cour de répondre à la question préjudicielle suivante:
«Des terres agricoles qui sont actuellement et depuis cinq ans ou davantage consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées, mais ont, au cours de cette période, été labourées et ensemencées avec une autre plante fourragère herbacée (en l’occurrence, des graminées fourragères) en remplacement de la plante fourragère herbacée qui y poussait jusque-là (en l’occurrence, un mélange de trèfle et de graminées) relèvent-t-elles de la qualification de pâturages permanents au
sens de l’article 2, point 2, du [règlement no 796/2004] ou s’agit-il dans ce type de cas d’une rotation des cultures excluant cette qualification?»
31. M. Grund, le Landesamt, le gouvernement allemand et la Commission ont déposé des observations écrites et présenté des observations orales lors de l’audience du 6 février 2014.
La législation de l’Union applicable
32. La Commission considère que c’est le second régime d’aide directe qui est applicable ratione temporis et non le premier puisque le statut des deux parcelles en cause doit être déterminé en 2010 et 2011 respectivement. Selon le Landesamt, étant donné que le règlement de maintien des pâturages permanents renvoie au règlement no 796/2004, ce sont les dispositions du premier régime qui doivent être interprétées. M. Grund reconnaît que le règlement du Land renvoie au règlement no 796/2004, mais
souligne que la primauté du droit de l’Union doit entraîner l’applicabilité directe du second régime. Le gouvernement allemand estime que la question est dépourvue de pertinence puisque les définitions sont essentiellement les mêmes dans les deux régimes.
33. Il me paraît clair que, si, dans le cadre du litige au principal, le statut des parcelles doit être déterminé tel qu’il était en 2010 et 2011 respectivement, c’est la réglementation applicable à cette époque, à savoir celle du second régime, qui doit être interprétée et appliquée. La circonstance que le règlement de maintien des pâturages permanents continue à renvoyer au règlement no 796/2004 n’est pas pertinente. Une législation nationale ne saurait proroger la validité ou les effets d’une
législation de l’Union directement applicable qui a été abrogée et remplacée.
34. Cependant, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte en premier lieu sur la contestation d’une décision prise le 9 janvier 2009. À cette date, la législation contenant le second régime n’avait pas encore été adoptée, bien que, lors de son entrée en vigueur le 1er février 2009, le règlement no 73/2009 devînt applicable à compter du 1er janvier 2009 ( 21 ) (les règlements no 1120/2009 et no 1122/2009 ne sont entrés en vigueur que le 1er janvier 2010). Dans ces
conditions, si la question litigieuse porte sur la validité d’une décision prise le 9 janvier 2009, il existe de sérieux arguments en faveur de l’interprétation et de l’application des règles du premier régime. Toutefois, la détermination de la date à prendre en considération pour chaque parcelle est une question relevant du droit procédural national sur laquelle la Cour n’a pas compétence pour statuer.
35. Heureusement, comme l’ont fait remarquer le gouvernement allemand et la Commission, il n’existe aucune différence de fond entre les deux ensembles de réglementation de l’Union pour autant qu’ils concernent la question préjudicielle, de sorte qu’aucun problème réel de divergence d’interprétation ne paraît se poser. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de déterminer quels règlements spécifiques de l’Union sont pertinents dans le contexte du litige dont elle est saisie.
Questions secondaires
36. Le Landesamt soulève deux points que la décision de renvoi ne mentionne pas et qu’il souhaite que la Cour prenne en considération. Premièrement, bien qu’il ait été établi que la conversion en 2005 de graminées fourragères en mélange de trèfle et de graminées s’est faite par sursemis après scarification, il n’est pas établi que le retour aux graminées fourragères de l’année 2009 n’était pas simplement la conséquence de la baisse naturelle de la proportion de trèfle. Deuxièmement, entre les
parties au principal il subsiste un point litigieux supplémentaire, à savoir si le statut de pâturage permanent n’avait pas déjà été acquis entre les années 1998 ou 1999 et 2004; M. Grund maintient que, par une fiction juridique, sa déclaration de l’année 2003 indiquant que les parcelles étaient des terres arables est l’élément qui compte ( 22 ), alors que le Landesamt estime que seule leur utilisation effective comme pâturages est pertinente.
37. Je ne pense pas que la Cour doive examiner en l’espèce si la classification des parcelles doit se fonder sur l’utilisation effective ou bien si, par une «fiction juridique», elle doit se baser sur la déclaration faite en 2003. C’est un point qui est sans rapport avec la question posée et sur lequel aucun argument n’a été avancé. En outre, il ressort des observations du Landesamt que la question a été soulevée devant les juridictions inférieures, mais ne fait pas partie du recours en «revision»
pendant devant la juridiction de renvoi. Si, à la suite de l’arrêt que la Cour rendra en l’espèce et des décisions qui interviendront ultérieurement dans le cadre du litige au principal, cette question doit toujours être tranchée, la juridiction nationale compétente pourra, le cas échéant, poser une autre question préjudicielle.
38. Cependant, si un pâturage peut naturellement passer d’un mélange de trèfle et de graminées à des graminées seules, c’est une question qui peut être pertinente pour déterminer ce qui constitue une rotation des cultures par opposition au maintien des pâturages permanents.
Sur le fond
39. M. Grund et le gouvernement allemand proposent à la Cour de répondre à la question en ce sens que, dans les circonstances décrites, il y a rotation des cultures et que les parcelles ne peuvent pas être qualifiées de pâturages permanents, alors que le Landesamt et la Commission proposent la solution contraire. Il convient d’exposer les arguments qui s’opposent avant d’examiner cette question.
Arguments en faveur de la perte du statut de pâturages permanents
40. M. Grund fait observer que, dans le règlement no 796/2004, les «pâturages permanents» sont définis par opposition aux «terres arables» faisant l’objet d’une «rotation des cultures», expression non définie dans la législation relative aux aides directes. Cependant, à des fins administratives et d’exploitation agricole, l’on utiliserait la définition de «rotation des cultures» contenue dans la décision 2000/115. Elle consisterait à alterner les cultures, sinon annuellement, du moins plus d’une
fois tous les cinq ans. Dans ce contexte, le trèfle et le ray-grass anglais seraient des cultures différentes. Il ne serait pas nécessaire que la couverture herbeuse soit détruite; la définition n’impliquerait pas nécessairement un labourage et pourrait comprendre un sursemis. La définition d’«herbages temporaires» donnée au point II., 2.01.09.01, de l’annexe II du règlement no 1200/2009 indiquerait clairement qu’une alternance de mélanges de graminées constitue une rotation des cultures.
41. À l’inverse, l’article 4 du règlement no 796/2004 impliquerait qu’un pâturage permanent est un pâturage sur lequel le même type de plantes fourragères herbacées a été maintenu pendant au moins cinq années et que tout changement pour un autre type interrompt la période de cinq ans. L’objectif est écologique. Le labour de pâturages entraîne la libération de carbone et d’azote dans des quantités qui augmentent avec la durée pendant laquelle la terre est restée au repos. C’est seulement lorsque la
même couche d’herbe est restée au repos pendant plus de cinq ans que les avantages environnementaux, en particulier la biodiversité, deviennent suffisamment importants pour mériter une protection.
42. Le gouvernement allemand relève que, pour que les parcelles en question soient qualifiées de pâturages permanents, deux conditions doivent être remplies pendant la période de cinq ans précédant la date pertinente: une production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées et l’absence de rotation des cultures. Il est constant que la première condition est remplie; la question est donc de savoir s’il y a eu rotation des cultures pendant la période en question.
43. La notion de rotation des cultures n’est pas définie dans la législation relative aux aides directes, mais les définitions contenues aux annexes de la décision 2000/115 et du règlement no 1200/2009 sont transposables. Les deux ensembles de mesures se fondent sur le même concept de pâturage permanent, de sorte que le concept de rotation des cultures devrait également être le même; il serait déraisonnable de définir différemment la rotation des cultures dans les deux contextes sans justification
objective. Or, il n’y en a aucune.
44. La rotation des cultures impliquerait de détruire la culture précédente et d’en semer une nouvelle, à des intervalles de cinq ans au maximum. Le fait de remplacer des graminées fourragères par un mélange de trèfle et de graminées constituerait une rotation des cultures, le trèfle étant traditionnellement utilisé dans la rotation des cultures pour enrichir le sol en azote. Rien dans le droit de l’Union n’indique que le fait d’alterner la culture de différentes plantes fourragères herbacées ne
constitue pas une rotation des cultures. Les références à la réaffectation de pâturages permanents à d’autres utilisations n’englobent pas l’alternance entre la culture de différents types d’herbes ou de plantes fourragères herbacées. L’objectif de la réglementation relative aux aides directes [article 5, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et article 6, paragraphe 2, du règlement no 73/2009] est de maintenir des pâturages permanents au lieu de les utiliser comme terres arables, les deux
concepts étant entendus au sens large (la réglementation en matière de statistiques agricoles exclut les herbages temporaires des pâturages permanents et les inclut donc dans les terres arables). L’objectif est expressément environnemental tant dans le règlement no 1782/2003 que dans le règlement no 73/2009; les avantages écologiques des pâturages (biodiversité, teneur élevée en humus, séquestration accrue du dioxyde de carbone) ne sont atteints qu’après cinq ans sans labourer ni semer une autre
culture. Le litige au principal porte sur une situation dans laquelle les cultures (graminées fourragères et mélange de trèfle et de graminées) ont été alternées à des intervalles de moins de cinq ans. Il y avait donc rotation des cultures et la qualification de pâturage permanent est exclue.
Arguments en faveur du maintien du statut de pâturages permanents
45. D’abord, le Landesamt estime qu’il résulte de l’article 2, point 2, du règlement no 796/2004 que le labourage ne met pas fin à l’utilisation de la terre comme pâturage s’il est suivi d’une nouvelle utilisation comme pâturage. Cette disposition vise non pas les travaux réalisés sur la terre, mais l’utilisation qui en est faite. L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement [et plus clairement, dans la version en langue allemande, du règlement no 1122/2009] vise la réaffectation à d’autres
utilisations. L’article 4, paragraphe 2, du règlement no 796/2009 le confirme en visant (dans la version en langue allemande) la terre labourée réaffectée à d’autres utilisations. La définition de l’article 2, point 2, confirme également, en visant la production de plantes fourragères herbacées, que les pâturages permanents ne doivent pas nécessairement être utilisés pour faire paître des animaux, mais peuvent aussi être moissonnés, une technique qui, d’un point de vue écologique, n’est pas plus
bénéfique que le labourage.
46. Ensuite, le fait qu’il y ait un changement dans le type d’utilisation comme pâturage n’interrompt pas la période d’utilisation comme pâturage. L’article 2, point 2, du règlement no 796/2004 oppose la «production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées» à la «rotation des cultures». Par conséquent, si des herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées sont cultivées (même en alternance), il n’y a pas de rotation des cultures. L’article 4, paragraphe 2, oppose ensuite les «terres […]
consacrées aux pâturages permanents» (sur lesquelles des herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées sont produites) à celles qui sont «réaffectées à d’autres utilisations» (à savoir toute utilisation autre que la production d’herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées) et (dans la version en langue allemande) se réfère au réensemencement si la terre réaffectée à d’autres utilisations est reconvertie en pâturages permanents – une référence qui ne peut signifier qu’une chose, à savoir
que cette terre n’avait pas été ensemencée avec des herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées (l’idée de reconversion ayant les mêmes conséquences dans d’autres versions linguistiques). En revanche, deux utilisations successives comme pâturage permanent doivent être considérées, à cet effet, comme constituant une utilisation continue. Quant à l’explication relative à l’«assolement» donnée au point 2.01 de l’annexe II du règlement no 1200/2009 (ou à la section D.II de l’annexe I de la
décision 2000/115), elle concerne uniquement les enquêtes de l’Union européenne sur la structure des exploitations agricoles et est dépourvue de toute pertinence quant à l’obligation de maintien des pâturages permanents; en tout état de cause, elle ne précise pas si le terme «culture» signifie une culture spécifique ou une catégorie de cultures.
47. Enfin, le Landesamt soutient que, même si l’on considérait que le passage à une plante fourragère herbacée différente interrompt la période nécessaire de cinq années à l’acquisition du statut de pâturage permanent, il ne devrait pas être considéré comme mettant fin à ce statut une fois qu’il a été acquis.
48. La Commission convient que tant les graminées fourragères que le mélange de trèfle et de graminées semés sur la parcelle en question entrent dans la notion d’«herbe et autres plantes fourragères herbacées». La question est de savoir si l’alternance entre les deux constitue une «rotation des cultures». Ces termes ne sont pas définis dans la réglementation pertinente et doivent donc, conformément à une jurisprudence constante, être interprétés par référence à leur sens habituel dans le langage
courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie.
49. Ainsi que l’a souligné la juridiction de renvoi, le sens habituel de «rotation des cultures» en langage courant implique le changement d’une culture à une autre, et certains peuvent considérer qu’il inclut le changement dont il est question dans le litige au principal.
50. Toutefois, le cadre systématique dans lequel le terme est employé tend à indiquer que la «rotation des cultures» n’inclut pas un tel changement. La définition de l’expression «pâturages permanents» donnée à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009 inclut toutes les variétés d’herbes et de plantes fourragères herbacées, de sorte que le changement d’une variété à l’autre est sans incidence sur la qualification de pâturages permanents. L’article 2, sous b), précise que les «pâturages
permanents» sont une subdivision des «cultures permanentes», mais ils ne doivent pas être subdivisés davantage, comme le confirme le concept de maintien des pâturages permanents exposé à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1122/2009, c’est-à-dire le fait d’éviter une réaffectation à une variété de culture autre que celles utilisées pour les pâturages permanents. D’autres versions linguistiques sont plus claires que la version en langue allemande à cet égard. L’on ne peut pas
conclure de l’utilisation du substantif «Umbruch» ou du verbe «umbrechen» qu’un simple labourage (sans changement pour un autre type de culture) interrompt la continuité des pâturages permanents.
51. L’objectif du maintien des pâturages permanents est fondé sur des recherches scientifiques montrant, d’une manière générale, que les pâturages permanents contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la prévention de l’érosion des sols et au maintien de la biodiversité. Le changement d’une variété d’herbe ou de plantes fourragères herbacées à une autre n’a aucune incidence sur leurs bienfaits. La réaffectation dont il est question dans le litige au principal n’a donc aucune
incidence sur le maintien de la qualification de pâturages permanents.
Examen
52. La définition de l’expression «pâturages permanents» contenue dans la réglementation relative aux aides directes, à savoir «les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage» ( 23 ), prévoit deux conditions. Alors que l’expression «herbe et autres plantes fourragères herbacées» reçoit une définition commune ( 24 ), cela n’est
pas le cas pour d’autres (catégories de) cultures. Il n’y a pas non plus de définition dans cette réglementation de l’expression «rotation des cultures». L’absence de définition de l’expression «rotation des cultures» signifie, comme le démontrent amplement les observations écrites déposées devant la Cour, qu’il est possible d’analyser la définition de l’expression «pâturages permanents» de différentes manières. Est-ce l’utilisation dont les terres font l’objet qui importe, à savoir la
production «d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées» plutôt que la production (d’autres) cultures ( 25 )? Ou est-ce ce que l’on fait à la terre, à savoir les techniques qui lui sont appliquées? Des graminées fourragères (Ackergras) et un mélange de trèfle et de graminées (Kleegras) doivent-ils être considérés comme la même culture (parce qu’elles relèvent toutes deux de la définition d’«herbe et autres plantes fourragères herbacées» ( 26 ))? Ou s’agit-il de cultures différentes, de
sorte que le passage d’une culture à l’autre constitue une rotation des cultures?
53. Une autre question pourrait se poser: «L’ordre dans lequel les deux conditions sont énoncées dans le règlement a-t-il une importance quelconque?» Si tel était le cas, il faudrait alors se demander en premier lieu: «De l’‘herbe’ ou d’‘autres plantes fourragères herbacées’ poussent-elles actuellement sur ces terres?» Si la réponse à cette question était affirmative, il faudrait ensuite se demander: «Est-ce l’utilisation actuelle parce que la terre fait l’objet d’un système de rotation des
cultures – de sorte que la culture actuelle sera remplacée (par quoi? par une culture de la même catégorie ou par une culture différente?) – ou bien l’‘herbe’ ou d’‘autres plantes fourragères herbacées’ poussent-elles à cet endroit depuis plus de cinq ans?» Dans ce dernier cas, les terres sont des pâturages permanents.
54. À ce stade, il importe de souligner qu’aucun rapport d’expertise n’a été présenté à la Cour sur le point de savoir a) quel est l’objectif et quelles sont les caractéristiques essentielles de la rotation des cultures, telle que l’entendent les agronomes et b) si un changement d’herbe et de plantes fourragères herbacées pouvait relever de cet objectif et de ces caractéristiques. Pour cette raison, je ne m’estime pas en mesure de fonder l’analyse suivante sur la supposition (car il pourrait ne
s’agir que de cela) que le législateur «a certainement voulu dire»«herbe ou autres plantes fourragères herbacées» par opposition à «autres cultures», de sorte qu’un changement à l’intérieur de la première catégorie ne pourrait jamais constituer une rotation des cultures.
55. Par conséquent, je partirai de l’idée que deux conditions doivent avoir été remplies pour qu’une terre puisse être qualifiée de pâturage permanent: les terres doivent être consacrées à la production d’«herbe ou autres plantes fourragères herbacées» pendant au moins cinq années et elles ne doivent pas avoir fait partie du système de rotation des cultures de l’exploitation pendant cette période. Ces conditions sont cumulatives: si une seule est remplie, les terres ne peuvent être qualifiées de
pâturages permanents; en revanche, si les deux conditions sont remplies, elles doivent être ainsi qualifiées.
56. Logiquement, si les deux conditions sont cumulatives, il doit être possible qu’une condition soit remplie et pas l’autre. À défaut d’une indication précisant clairement que la catégorie «herbe et autres plantes fourragères herbacées» doit être traitée comme un seul concept afin de décider s’il y a eu ou non rotation des cultures, il doit donc être possible qu’il y ait une rotation des cultures lorsque l’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées sont maintenues.
57. Par conséquent, il ne peut être suffisant d’affirmer, comme l’ont fait le Landesamt et la Commission, notamment lors de l’audience, que ce qui compte pour déterminer si des terres ont perdu le statut de «pâturages permanents» est simplement le point de savoir si les terres utilisées pour la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées ont été réaffectées à une autre utilisation, notamment comme terres arables. C’est une possibilité, mais il doit également être possible qu’il y
ait rotation des cultures à l’intérieur de la catégorie «herbe et autres plantes fourragères herbacées».
58. Il ressort du litige au principal que, pendant au moins cinq ans avant la date pertinente pour chacune d’entre elles, les deux parcelles étaient consacrées à la production d’une variété d’herbes ou d’autres plantes fourragères herbacées. La question est donc de savoir si la façon dont a été changée la variété en question pendant cette période constitue une rotation des cultures.
59. À une extrémité de l’échelle, il me semble clair que le passage d’un mélange de trèfle et de graminées à de l’herbe seule résultant d’une baisse naturelle de la proportion de trèfle ( 27 ) ne répondrait à aucune définition de l’expression «rotation des cultures», qu’on prenne la définition du langage courant, celle du langage spécialisé agricole ou celle qui est énoncée à la section D de l’annexe I de la décision 2000/115 ou au point II., 2.01, de l’annexe II du règlement no 1200/2009.
60. À l’autre extrémité de l’échelle, il y a vraisemblablement lieu de conclure à l’existence d’une rotation des cultures à l’intérieur de la catégorie des «herbe et autres plantes fourragères herbacées» lorsque la terre est labourée, que la culture précédente est détruite et que la terre est réensemencée avec une variété différente d’herbe ou de plantes fourragères herbacées (qui est le scénario envisagé par la juridiction de renvoi dans la question préjudicielle), à défaut de quoi une telle
rotation des cultures ne pourrait jamais avoir lieu.
61. Sur la base de ce dernier scénario, il paraît donc difficile de répondre à la question autrement qu’en concluant que, dans les circonstances décrites, il y a rotation des cultures et les terres ne peuvent pas être qualifiées de «pâturages permanents».
62. Cependant, le scénario posé en prémisse dans la question préjudicielle (labourage avec destruction de la culture précédente et réensemencement d’une variété différente d’herbe ou de plante fourragère herbacée) ne semble pas tout à fait identique à celui décrit dans l’exposé des faits contenu dans la décision de renvoi (scarification et sursemis d’une variété partiellement différente de plante fourragère herbacée). La différence entre les deux peut s’expliquer par le fait que, pour formuler sa
question, la juridiction nationale a utilisé la version de la réglementation en langue allemande qui se réfère spécifiquement au labourage, alors que d’autres versions utilisent un terme signifiant conversion.
63. Par conséquent, afin de donner une réponse plus complète, il peut être souhaitable d’envisager des changements moins radicaux que le labourage et le réensemencement au moyen d’une variété différente, mais plus radicaux que la baisse ou l’augmentation naturelle de la proportion d’une espèce de plantes fourragères herbacées dans le mélange: par exemple, a) labourage et réensemencement avec la même variété d’herbe ou de plantes fourragères herbacées ou b) scarification et sursemis au moyen d’une
variété en partie différente d’herbe ou de plantes fourragères herbacées.
64. Je partage l’avis de la Commission selon lequel (à défaut de la définition nécessaire) l’expression «rotation des cultures» doit être interprétée par référence à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant également compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 28 ). Cette approche semble d’autant plus nécessaire au regard des disparités linguistiques dans d’autres parties de la réglementation, où un terme
signifiant généralement «changer l’utilisation de» est utilisé dans la plupart des autres versions linguistiques (voire toutes), tandis que la version en langue allemande utilise un verbe signifiant «ameublir la terre ou le sol», ce qui semble impliquer un premier labourage ou au moins un labourage complet.
65. L’examen de la signification de l’expression «rotation des cultures» dans le langage courant me conduit à penser qu’il est improbable que l’un des exemples a) ou b) pris au point 63 puisse être considéré, que ce soit par un profane ou par un agriculteur, comme relevant de ce concept. En ce qui concerne l’exemple a), la rotation des cultures implique nécessairement un changement quelconque de culture, souvent dans le but de maintenir l’équilibre du sol. Le réensemencement au moyen de la même
culture n’implique pas un tel changement. En ce qui concerne l’exemple b), le sursemis (généralement après scarification) est fréquemment utilisé pour renouveler une surface herbeuse existante (au moins en dehors de l’agriculture, comme pour la pelouse ou les terrains de sport) plutôt que pour passer à une nouvelle variété d’herbe. En l’espèce, il semble qu’il n’y ait eu qu’un changement partiel vers un nouveau type de culture (d’un mélange de trèfle et de graminées à une graminée fourragère).
66. À mon avis, la prise en considération du contexte dans lequel l’expression «rotation des cultures» est utilisée dans la réglementation pertinente devrait en premier lieu se limiter à la réglementation relative aux aides directes. La réglementation en matière de statistiques agricoles poursuit un objectif différent et (contrairement à ce que soutient le gouvernement allemand) l’on ne peut donc pas présumer que l’expression a exactement la même signification dans les deux contextes. Toutefois, si
l’interprétation déduite du contexte et de l’objectif de la réglementation relative aux aides directes conduisait à la même signification que celle de la réglementation en matière de statistiques agricoles, cette dernière apporterait un certain soutien.
67. En ce qui concerne la législation relative aux aides directes, les critères de «contexte» et «objectifs» sont intimement liés.
68. L’objectif déclaré des dispositions examinées est d’encourager le maintien des pâturages permanents existants, en raison de leur effet positif sur l’environnement, afin d’empêcher leur transformation généralisée en terres arables ( 29 ).
69. Toutes les parties ayant déposé des observations sont d’accord pour dire que les pâturages sont bénéfiques pour l’environnement, mais M. Grund et le gouvernement allemand soutiennent que l’effet bénéfique ne se produit que lorsque l’herbe ou les autres plantes fourragères herbacées sont conservées pendant cinq ans ou davantage, alors que, selon la Commission, l’effet demeure bénéfique même lorsque l’on modifie le type particulier de couverture pendant cette période. Puisqu’il s’agit d’une
question de fait qui suscite des opinions divergentes, mais que ni la Cour ni la juridiction de renvoi ne sont compétentes pour trancher ( 30 ), il ne semble pas possible de fonder l’interprétation demandée sur autre chose que la double affirmation selon laquelle maintenir des terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées est en soi bénéfique pour l’environnement et que l’effet bénéfique s’accroît avec la durée pendant laquelle les terres sont maintenues
dans cet état, en particulier lorsque la couverture reste au repos.
70. La réglementation relative aux aides directes vise à atteindre l’objectif de maintien des pâturages permanents en supprimant le paiement des aides aux agriculteurs qui ne maintiennent pas les pâturages permanents en l’état. Les préambules des règlements pertinents du Conseil confirment ( 31 ) le principe selon lequel les agriculteurs qui ne respectent pas certaines exigences en matière de santé publique, de santé animale et de santé des végétaux, d’environnement et de bien-être des animaux
s’exposent à une réduction ou une suppression des aides directes – un système de conditionnalité faisant partie intégrante du soutien que l’Union octroie dans le cadre des paiements directs. Cette obligation est concrétisée, en ce qui concerne le maintien des pâturages permanents, par l’article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 2.
71. Cependant, le Bundesverwaltungsgericht déclare dans sa décision de renvoi que M. Grund a intérêt à faire constater que la parcelle Hohenkamp n’est pas un pâturage permanent dans la mesure où il pourrait alors obtenir un loyer plus élevé en la louant en tant que terre arable.
72. Une telle solution irait à l’encontre des objectifs de la réglementation en cause. Il me semble donc que, pour rester cohérent avec la finalité de cette réglementation, le concept de conversion de pâturages permanents en une terre affectée à d’autres utilisations (par une rotation des cultures) devrait être interprété d’une manière qui ne facilite pas une telle conversion.
73. Une fois que la conversion a eu lieu, il n’y a plus aucun «frein» contribuant au maintien des pâturages permanents et toute incitation au rétablissement des pâturages permanents serait minime, voire inexistante, si le loyer est sensiblement plus élevé pour des terres arables. Il convient de rappeler que l’objectif est de maintenir des pâturages permanents et non de pouvoir à son gré alterner les pâturages et les terres arables – et il semble constant que l’effet environnemental positif recherché
s’accroît avec la durée du pâturage.
74. À cet égard, il a été expliqué lors de l’audience que la scarification et le sursemis étaient en principe meilleurs pour l’environnement que le labourage avec réensemencement. Généralement, les deux ont lieu à l’automne, mais la scarification et le sursemis laissent largement en place la culture précédente, de sorte que la parcelle reste verte tout l’hiver et la couverture est renouvelée au printemps, alors que le labourage avec réensemencement laisse la terre nue pendant l’hiver. Par
conséquent, il me semble que la technique utilisée est assez pertinente en la matière, contrairement à ce que plusieurs parties ont soutenu.
75. La situation dans laquelle le sursemis entraîne le changement partiel de type de plante fourragère herbacée (d’une graminée fourragère à un mélange de trèfle et de graminées), comme cela semble être le cas dans le litige au principal, ne peut, à mon avis, donner lieu à une solution différente de la situation dans laquelle, par exemple, il y a une baisse naturelle de la proportion d’une variété dans un mélange ( 32 ). Il est probable qu’une telle situation soit en réalité bénéfique pour
l’environnement puisque, comme il a été expliqué lors de l’audience, elle peut permettre d’éviter l’utilisation d’engrais.
76. J’en conclus donc qu’il y a rotation des cultures au fin des règlements lorsque des terres agricoles consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées sont labourées avec destruction de la culture précédente et qu’elles sont réensemencées avec une culture différente soit de la même catégorie, soit d’une catégorie différente ( 33 ). Cependant, il n’y a pas de rotation des cultures lorsque la culture précédente n’est pas détruite par le labourage des terres, mais est
partiellement modifiée par un sursemis.
77. J’observe, de surcroît, qu’une telle position est en fait davantage corroborée qu’affaiblie par la réglementation en matière de statistiques agricoles, qui exclut la rotation des cultures si une parcelle est utilisée pour la même culture pendant cinq ans ou davantage «sans destruction de la culture précédente avec implantation d’une nouvelle culture», mais détermine qu’elle a lieu lorsque, «avant le nouveau semis, les superficies sont préparées par un labour ou un travail du sol ou les plantes
sont détruites par d’autres moyens, tels que les herbicides» ( 34 ).
Conclusion
78. Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Bundesverwaltungsgericht:
Aux fins de l’application tant du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 que du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre
2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole, lorsqu’une terre agricole est utilisée pendant au
moins cinq ans pour la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées et que, pendant cette période, la parcelle a été labourée avec destruction de la culture précédente et réensemencée avec une variété différente de plante fourragère herbacée, alors il y a rotation des cultures, laquelle fait obstacle à la qualification de pâturage permanent. En revanche, lorsque la culture précédente n’est pas détruite par le labour de la terre, mais est partiellement modifiée par un sursemis, il
n’y a pas de rotation des cultures et la parcelle doit être qualifiée de pâturage permanent.
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( 1 ) Langue originale: l’anglais.
( 2 ) Dans un sens générique, l’expression «rotation de cultures» désigne «une pratique agricole par laquelle différentes cultures se succèdent sur la même parcelle de terre sur une certaine période afin de maintenir la fertilité des sols et réduire les effets causés par les organismes nuisibles» (Elizabeth Martin et Robert Hine, Dictionary of Biology, Oxford University Press, 2008).
( 3 ) Règlement du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1).
( 4 ) Règlement du 21 avril 2004 portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par les règlements du Conseil no 1782/2003 et (CE) no 73/2009, ainsi que de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) no 479/2008 du Conseil (JO L 141, p. 18), tel que modifié.
( 5 ) Règlement du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003 (JO L 30, p. 16).
( 6 ) Règlement du 30 novembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO L 316, p. 65).
( 7 ) Les différences rédactionnelles sont indiquées entre crochets.
( 8 ) Contrairement aux autres versions linguistiques, la version en langue allemande de cette disposition du règlement no 796/2004 emploie le verbe «umbrechen», qui signifie ameublir (la terre) et donc labourer ou cultiver (pour la première fois). Dans le règlement no 1122/2009 figure le verbe «umwidmen» (littéralement «consacrer à un autre usage»). Alors que la version en langue anglaise emploie seulement le verbe «convert» («réaffecter»), plusieurs autres versions linguistiques font
spécifiquement référence à une affectation «à d’autres utilisations».
( 9 ) Dans la version en langue allemande des deux règlements, l’expression «rétablir les pâturages permanents» est formulée de la manière suivante: «Flächen wieder als Dauergrünland einzusäen» (littéralement «ensemencer à nouveau des parcelles comme pâturages permanents»).
( 10 ) La version en langue allemande emploie à nouveau le verbe «umbrechen» dans les deux règlements.
( 11 ) Règlement de la Commission du 29 octobre 2009 portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO L 316, p. 1).
( 12 ) Règlement de la Commission du 11 février 2005 modifiant et rectifiant le règlement (CE) no 796/2004 (JO L 42, p. 3).
( 13 ) Les États membres pouvaient également inclure des cultures figurant à l’annexe IX du règlement no 1782/2003 ou à l’annexe I du règlement no 1120/2009, selon le cas. Ces annexes contiennent des listes identiques d’un certain nombre de céréales, oléagineux, cultures protéagineuses, lin et chanvre, qui ne seraient peut-être pas normalement considérés comme pâturages. Selon les informations fournies lors de l’audience, cependant, la République fédérale d’Allemagne ne s’est pas prévalue de la
possibilité d’inclure ces cultures.
( 14 ) Décision de la Commission du 24 novembre 1999 concernant les définitions des caractéristiques, la liste des produits agricoles, les exceptions aux définitions ainsi que les régions et circonscriptions pour les enquêtes sur la structure des exploitations agricoles (JO L 38, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1444/2002 de la Commission du 24 juillet 2002 (JO L 216, p. 1).
( 15 ) Règlement de la Commission du 30 novembre 2009 portant mise en œuvre du règlement (CE) no 1166/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif aux enquêtes sur la structure des exploitations et à l’enquête sur les méthodes de production agricole, en ce qui concerne les coefficients de conversion en unités de cheptel et les définitions des caractéristiques (JO L 329, p. 1).
( 16 ) Le verbe employé est «umbrechen», qui correspond, dans la version en langue allemande du règlement no 796/2004, à «réaffecter à d’autres utilisations» ou son équivalent dans d’autres langues.
( 17 ) Le verbe employé est à nouveau «umbrechen».
( 18 ) La juridiction de renvoi emploie le verbe «einschlitzen».
( 19 ) Voir l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1782/2003 et l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 73/2009, cités au point 11 des présentes conclusions.
( 20 ) La juridiction de renvoi emploie ici le verbe «umbrechen».
( 21 ) Article 149 du règlement no 73/2009.
( 22 ) L’article 3, paragraphe 4, sous a), des règlements no 796/2004 et no 1122/2009 dispose que «les terres consacrées aux pâturages permanents sont les terres que les agriculteurs ont déclarées comme affectées à cette utilisation en 2003».
( 23 ) Article 2, point 2, du règlement no 796/2004 et article 2, sous c), du règlement no 1120/2009.
( 24 ) Voir point 10 des présentes conclusions; voir également point 11 en ce qui concerne les «pâturages» et les «cultures permanentes».
( 25 ) Un type primitif de rotation des cultures était déjà pratiqué à l’époque médiévale. Le plus souvent, elle consistait en une rotation sur trois ans pendant laquelle (par exemple) l’on semait du blé, puis de l’orge et la terre était ensuite laissée en jachère pendant une année pour qu’elle se repose. C’est à Charles Townshend, 2e vicomte Townshend (1674-1738) qu’on attribue généralement le mérite d’avoir répandu l’usage de la rotation des cultures «moderne» parce que c’est lui qui a introduit
dans le Norfolk une nouvelle forme de rotation de quatre cultures qui avait déjà été expérimentée par des agriculteurs de la région de Waasland dans les Pays-Bas espagnols. Townshend a ajouté des navets et des trèfles aux cultures traditionnelles de blé et d’orge (d’où son sobriquet de «Turnip Townshend») et ordonné que la rotation couvre quatre champs séparés plutôt que des bandes étroites. La rotation a fait disparaître la nécessité de laisser la terre en jachère (et donc improductive) afin
qu’elle redevienne fertile, car les nodules de trèfle (parfois appelé pour cette raison «engrais vert») «fixent» des nitrates dans le sol et donc remettent dans le sol ce que d’autres cultures comme le blé ou l’orge en ont retiré. L’innovation de Townshend a été largement copiée et a grandement contribué à la révolution agraire qui a précédé la révolution industrielle.
( 26 ) Y compris, le cas échéant, les autres cultures mentionnées à l’annexe IX du règlement no 1782/2003 et à l’annexe I du règlement no 1120/2009 (voir supra, note en bas de page 13).
( 27 ) Voir points 36 et 38 des présentes conclusions.
( 28 ) Voir notamment arrêt Partena (C‑137/11, EU:C:2012:593, point 56 et jurisprudence citée).
( 29 ) Voir points 8 et 9 des présentes conclusions.
( 30 ) Le Bundesverwaltungsgericht déclare explicitement qu’il est lié par les faits constatés par la juridiction d’appel sans pouvoir opérer ses propres constatations.
( 31 ) Voir points 8 et 9 des présentes conclusions.
( 32 ) Voir points 36, 38 et 59 des présentes conclusions.
( 33 ) Il se peut que le législateur ait souhaité établir la distinction que j’ai exposée au point 54 des présentes conclusions. Toutefois, le texte du règlement ne le précise pas explicitement et, en l’absence de rapport d’expertise, je ne suis pas suffisamment sûre pour pouvoir proposer à la Cour de l’interpréter de cette manière et lui suggérer que la nouvelle culture semée doive être d’une catégorie différente.
( 34 ) Voir points 18 à 21 des présentes conclusions.