ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
20 mars 2014 (*)
«Pourvoi – Aides d’État – Aide accordée par la République de Bulgarie sous la forme d’un abandon de créances – Décision de la Commission déclarant cette aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’‘aide nouvelle’ – Obligation de motivation»
Dans l’affaire C‑271/13 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 mai 2013,
Rousse Industry AD, établie à Rousse (Bulgarie), représentée par M^es A. Angelov et S. Panov, advokati,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. C. Urraca Caviedes et D. Stefanov, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, MM. G. Arestis et J.‑C. Bonichot, juges,
avocat général: M^me E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Rousse Industry AD demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 mars 2013, Rousse Industry/Commission (T-489/11, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2012/706/UE de la Commission, du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État SA.28903 (C 12/10) (ex N 389/09) mise à exécution par la Bulgarie en faveur de [Rousse] Industry (JO 2012, L 320, p. 27, ci-après la «décision
litigieuse»).
Le cadre juridique
Le règlement (CE) n° 659/1999
2 Aux termes de l’article 1^er, sous c), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), on entend par «aide nouvelle» «toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante.»
3 Aux termes de l’article 14, paragraphe 2, du même règlement:
«L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.»
Le règlement (CE) n° 794/2004
4 L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1, et rectificatif JO L 286, p. 3), dispose:
«Aux fins de l’article [1^er, sous c), du règlement n° 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. […].»
Les antécédents du litige
5 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé le cadre factuel du litige à l’origine du recours porté devant lui dans les termes suivants:
«1 La requérante […] a été créée en 1991 et est active dans la production et la réparation de structures métalliques, de grues, de bateaux et d’équipements navals. Le 27 avril 1999, 80 % de ses parts ont été acquises par la société Rousse Beteiligungsgesellschaft mbH [ci-après ‘Rousse Beteiligungsgesellschaft’].
2 En 1996 et 1997, la requérante a conclu avec le Fonds national bulgare pour la reconstruction et le développement (DFRR) des accords de prêts d’un montant total initial de 8 450 000 dollars américains (USD).
3 Le 8 avril 1999, dans le cadre de la privatisation de la requérante, un accord a été conclu entre Rousse Beteiligungsgesellschaft et le ministère des Finances bulgare, qui a pris en charge les créances du DFRR (ci-après l’‘accord de 1999’). D’une part, cet accord prévoyait que la dette de la requérante, d’un montant de 8 000 000 USD, majoré d’intérêts, serait convertie en euros à la date du transfert de la propriété des actions à Rousse Beteiligungsgesellschaft. D’autre part, l’accord de 1999
prévoyait qu’il serait conclu, au terme du processus de privatisation, un accord entre ledit ministère des Finances et la requérante [sous la forme d’]un contrat de novation des obligations de cette dernière, au titre duquel le remboursement de la dette débuterait le 1^er décembre 2000, pour être soldé le 30 juin 2006.
4 Le 21 mai 2001, le ministère des Finances bulgare et la requérante ont conclu un accord aux termes duquel le remboursement intégral de la dette envers l’État, majorée d’intérêts, était reporté au 30 septembre 2015 (ci-après le ‘rééchelonnement de 2001’).
5 En vertu du rééchelonnement de 2001, la dette se composait du principal, d’un montant de 7 970 000 euros, et d’intérêts, arrêtés à la date du 1^er avril 1999, d’un montant de deux millions d’euros. [Ce rééchelonnement] prévoyait que le remboursement du principal serait accompagné du versement d’intérêts annuels de 1 % et, en cas de retard de paiement par rapport à l’échéancier convenu, d’intérêts de retard de 3 %.
6 Il ressort du tableau d’amortissement annexé au rééchelonnement de 2001 que le paiement des intérêts, y inclus les arriérés accumulés depuis le 31 mars 1999, devait reprendre, sur une base semestrielle, dès le 31 mars 2001, tandis que, pour le remboursement du capital, une période de grâce était accordée à la débitrice jusqu’au 31 mars 2006. À cette fin étaient prévues 28 échéances semestrielles, dont les 8 premières ne concernaient que les intérêts courants et arriérés depuis le 31 mars
1999, les 18 suivantes, dues à partir du 31 mars 2006, relevant du remboursement du capital et des intérêts courants et, les 2 dernières, exigibles le 31 mars et le 30 septembre 2015, représentant les intérêts arriérés jusqu’au 31 mars 1999.
7 Or, à l’expiration du délai de grâce, le 31 mars 2006, la requérante n’a pas payé les échéances dues au titre du rééchelonnement de 2001, le seul paiement effectué à la date du 3 décembre 2010 étant un montant de 245 000 euros, remboursé en juillet 2008.
8 En juillet 2008, la requérante a proposé de payer un million d’euros d’arriérés en deux tranches égales, en octobre 2008 et en février 2009. Cependant, malgré deux reports accordés par les autorités bulgares et trois rappels envoyés en février 2009 et en avril et juin 2010, lesdits paiements n’ont pas été effectués.
9 Par lettre du 4 juin 2009, la requérante a sollicité des autorités bulgares un nouveau rééchelonnement de sa dette jusqu’en 2019, assorti d’un délai de grâce jusqu’en 2012. À la suite de cette demande, le 30 juin 2009, la République de Bulgarie a notifié à la Commission des Communautés européennes son projet de rééchelonnement de la dette en cause, chiffrée à 9 850 000 euros, en tant qu’aide à la restructuration.
10 Le 14 avril 2010, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, concernant l’aide notifiée le 30 juin 2009 et […] l’absence de recouvrement des arriérés dus par la requérante au titre du rééchelonnement de 2001.
11 En juillet 2010, la requérante s’est engagée, envers les autorités bulgares, à rembourser tous les arriérés et impayés en deux tranches égales, en juillet et août 2010. Elle n’a cependant pas respecté cet engagement.
12 Le 3 novembre 2010, les autorités bulgares ont officiellement demandé le remboursement des sommes en question. À cette date, la requérante avait remboursé, au total, un million d’euros dus conformément au rééchelonnement de 2001, dont 245 000 euros au titre du principal, 705 000 euros d’intérêts et 50 000 euros d’intérêts de retard. Le dernier paiement effectué par la requérante datait du 11 juillet 2008. Le montant des arriérés était d’environ 3 700 000 euros, dont 3 400 000 euros au titre
du principal, 151 000 euros d’intérêts et 140 000 euros d’intérêts de retard.
13 Le 11 novembre 2010, en l’absence de paiement à la suite de leur demande de remboursement, les autorités bulgares ont ouvert une procédure d’insolvabilité à l’encontre de la requérante.
14 Le 23 novembre 2010, les autorités bulgares ont retiré leur notification concernant le projet de rééchelonnement de la dette de la requérante.
15 Le 22 mars 2011, l’Agence nationale des recettes bulgare a retiré la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité à l’encontre de la requérante.
16 Le 13 juillet 2011, la Commission a adopté la décision [litigieuse]. Selon l’article 2 de cette décision, l’abstention de l’État bulgare d’exiger de manière efficace, depuis le 1^er janvier 2007, le paiement des sommes qui lui sont dues constitue une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur. Selon l’article 3 de la même décision, la République de Bulgarie doit recouvrer immédiatement et effectivement ladite aide, en appliquant aux montants à rembourser des intérêts de
retard conformément au chapitre V du [règlement n° 794/2004].
17 Par lettre du 2 septembre 2011, l’Agence nationale des recettes bulgare a informé la Commission que la requérante avait effectué, entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011, divers paiements d’un montant total de 4 200 000 euros, remboursant ainsi intégralement les arriérés dus au titre du rééchelonnement de 2001. Dans la même lettre, elle demandait des précisions quant à la question de savoir s’il y avait lieu d’appliquer les intérêts supplémentaires exigibles en vertu de l’article 3 de
la décision [litigieuse], compte tenu du fait que les arriérés avaient été payés avant même l’adoption de celle-ci.»
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2011, la requérante a formé un recours en annulation de la décision litigieuse.
7 Au soutien de son recours, la requérante a soulevé trois moyens tirés, premièrement, d’erreurs de la Commission lors de la constatation de l’existence d’une aide illégale, deuxièmement, d’une violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999.
8 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens invoqués, rejeté le recours et condamné la requérante aux dépens.
Les conclusions des parties
9 La requérante demande à la Cour:
– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens.
10 La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
11 Rousse Industry soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, le premier, d’une violation de règles de procédure portant atteinte aux intérêts de la partie requérante au sens de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le second, d’une violation du droit de l’Union, plus précisément, des articles 107, paragraphe 1, TFUE, et 263, deuxième alinéa, TFUE en liaison avec l’article 296 TFUE, ainsi que des articles 1^er, sous c), et 14 du
règlement n° 659/1999.
12 Le second moyen invoqué au soutien du pourvoi comporte quatre branches relatives, la première, à l’appréciation de l’existence d’une aide nouvelle, la deuxième, au fait qu’il n’a pas été démontré que les échanges entre les États membres ont été affectés ni qu’il existerait une distorsion de la concurrence en raison du défaut de recouvrement des créances en cause, la troisième, à l’erreur d’appréciation en ce qui concerne le critère du créancier privé et à la constatation erronée de l’octroi
d’un avantage et, la quatrième, à l’absence d’indication du montant exact de l’aide à restituer.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de règles de procédure portant atteinte aux intérêts de la partie requérante
Argumentation des parties
13 La requérante fait valoir que l’arrêt attaqué ne se réfère pas à ses réponses aux questions posées par le Tribunal visant à clarifier les conditions dans lesquelles sa société mère s’était engagée, par l’accord de 1999, à rembourser la créance de l’État bulgare. Elle soutient qu’elle a expliqué, dans ces réponses, que, à la suite de cet accord, sa société mère était la seule débitrice de la somme due. En revanche, en ce qui concerne les actifs mis en gage pour garantir la dette en question,
ces réponses auraient été prises en considération par le Tribunal.
14 Selon la requérante, ce manque d’analyse constitue une violation substantielle de la procédure et des droits de la défense portant atteinte à ses intérêts. Elle prétend que le Tribunal est tenu d’apprécier toutes les demandes et contestations ainsi que tous les arguments des parties, le fait qu’ils soient ou non recevables ainsi que le stade auquel ils sont invoqués n’ayant pas d’importance en l’espèce, dès lors qu’il les a considérés comme pertinents pour résoudre le litige dont il est
saisi.
15 La Commission soutient que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, comme manifestement non fondé.
Appréciation de la Cour
16 Il y a lieu de constater que, par son premier moyen, la requérante reproche, en substance, au Tribunal de n’avoir pas motivé à suffisance de droit l’arrêt attaqué, dans la mesure où il n’a pas examiné ses réponses aux questions qu’il lui avait posées.
17 Afin de statuer sur ce premier moyen, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il découle des règles régissant la procédure devant les juridictions de l’Union, notamment des articles 21 du statut de la Cour et 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, que le litige est en principe déterminé et circonscrit par les parties (arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C-272/12 P, non encore publié au Recueil, point 27).
18 Par conséquent, un moyen portant sur la légalité au fond de la décision litigieuse, qui relève de la violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, ne peut en principe être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant (arrêt Commission/Irlande e.a., précité, point 28).
19 En outre, il ressort des dispositions combinées des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (voir, en ce sens,
ordonnance du 26 janvier 2005, Euroagri/Commission, C-153/04 P, point 40, et arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, Rec. p. I‑13355, point 111).
20 En l’espèce, il résulte clairement de l’examen de la requête introductive d’instance devant le Tribunal que la requérante n’a nullement invoqué à l’appui de son recours le moyen selon lequel, à la suite de l’accord de 1999, elle ne saurait être considérée comme la débitrice de l’État bulgare au cours de la période examinée dans la décision litigieuse et, partant, comme la bénéficiaire de l’aide d’État dont la récupération a été ordonnée par l’article 3 de cette décision.
21 Ledit accord ayant été conclu le 8 avril 1999, il ne s’agit pas d’un moyen fondé sur des éléments qui se sont révélés pendant la procédure au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.
22 Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il ne saurait être exigé du Tribunal, chaque fois qu’une partie invoque, au cours de la procédure, un moyen nouveau qui ne répond manifestement pas aux exigences de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure soit qu’il explique dans son arrêt les raisons pour lesquelles ce moyen est irrecevable, soit qu’il l’examine au fond (arrêt du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C-395/96 P et C-396/96 P,
Rec. p. I-1365, point 107).
23 Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que le Tribunal a posé des questions concernant le point controversé dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure.
24 En effet, la Cour a eu l’occasion de préciser qu’il ressort des termes mêmes de l’article 49 du règlement de procédure du Tribunal que la décision de poser des questions aux parties relève de la libre appréciation du Tribunal, celui-ci pouvant, à tout stade de la procédure, décider de toute mesure d’organisation de la procédure visée aux articles 64 ou 65 dudit règlement. L’exercice de cette faculté n’emporte, toutefois, aucune conséquence automatique sur la solution du litige, le Tribunal
demeurant libre d’apprécier souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux différents éléments de fait et de droit qui lui ont été soumis ou qu’il a pu lui-même rassembler (voir, en ce sens, ordonnance du 29 octobre 2004, Ripa di Meana/Parlement, C‑360/02 P, Rec. p. I-10339, point 28).
25 Dès lors, il y a lieu de conclure que le Tribunal n’a commis aucune violation de l’obligation de motivation en ne se prononçant pas sur les réponses de la requérante aux questions qu’il lui avait posées.
26 Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.
Sur le second moyen du pourvoi, tiré d’une violation du droit de l’Union
Sur la première branche du second moyen, relative à l’appréciation de l’existence d’une aide nouvelle
– Argumentation des parties
27 La requérante fait valoir que le Tribunal a enfreint l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 1^er, sous c), du règlement n° 659/1999, en jugeant que l’aide d’État en cause constitue une aide nouvelle pour la période du 1^er janvier 2007 au 11 novembre 2010.
28 À cet égard, la requérante relève que l’aide a consisté dans le rééchelonnement de 2001, lequel résultait d’un accord conclu avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne. Elle soutient, par ailleurs, que l’absence de mesures de recouvrement effectif de la créance de l’État ne saurait modifier substantiellement l’aide existante. En particulier, eu égard aux intérêts dont elle était redevable, la charge de l’État n’aurait pas augmenté, celui-ci ayant maximisé ses chances
de recouvrer sa créance.
29 La Commission considère que la première branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
– Appréciation de la Cour
30 Par la première branche de son second moyen, la requérante critique, pour l’essentiel, la qualification juridique à laquelle a procédé le Tribunal lorsqu’il a considéré que l’inaction des autorités bulgares était constitutive d’une aide nouvelle.
31 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1^er, sous c), du règlement n° 659/1999, constitue une aide nouvelle «toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante».
32 L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 794/2004 qualifie de modification d’une aide existante, aux fins de l’article 1^er, sous c), du règlement n° 659/1999, «tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun».
33 En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux points 52 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné si l’absence de mesures concrètes visant à assurer le recouvrement effectif de la créance de l’État bulgare entraînait une modification substantielle des conditions convenues dans le cadre du rééchelonnement de 2001, en concluant par l’affirmative s’agissant de la période commençant le 1^er avril 2006.
34 Le Tribunal a relevé à cet égard, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, une modification de la situation juridique de la requérante est intervenue lors de l’expiration du délai de grâce fixé au 31 mars 2006 par ledit rééchelonnement. À partir du 1^er avril suivant, la requérante était légalement tenue d’effectuer les paiements et les autorités bulgares avaient le droit d’agir en recouvrement à son encontre. Cependant, les autorités bulgares n’ont manifesté aucune intention
de prendre des mesures concrètes de nature à assurer le recouvrement des créances en cause. Selon le Tribunal, leur inaction a ainsi entraîné un ajournement indéterminé de la dette de la requérante.
35 Le Tribunal, au point 60 de l’arrêt attaqué, a jugé, d’autre part, que le simple fait que des intérêts de retard plus élevés ont été prévus dans le cadre d’un accord de rééchelonnement n’équivaut nullement à autoriser le débiteur à prendre du retard, et encore moins de manière indéterminée et en l’absence de toute perspective sérieuse de rétablissement de sa rentabilité. Il a ajouté qu’il en va d’autant plus ainsi que, en tout état de cause, les intérêts de retard étaient inférieurs au taux
d’intérêt que la République de Bulgarie devait supporter pour ses propres emprunts sur les marchés financiers et ne reflétaient pas la solvabilité du débiteur.
36 Eu égard aux considérations rappelées aux deux points précédents, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’argument de la requérante selon lequel l’inaction des autorités bulgares n’a pas apporté de modification substantielle au rééchelonnement de 2001 ne saurait être retenu.
37 En effet, dès lors qu’elle n’a présenté aucun élément susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation du Tribunal sur ce point, la requérante ne saurait prétendre que le comportement des autorités bulgares après l’expiration du délai de grâce prévu dans le rééchelonnement de 2001 a constitué une modification purement formelle ou administrative, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 794/2004, de ce rééchelonnement.
38 Partant, force est de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’inaction prolongée des autorités bulgares pendant la période concernée est constitutive d’une aide nouvelle.
39 Il s’ensuit que la première branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la deuxième branche du second moyen, relative à l’allégation selon laquelle il n’a pas été démontré que les échanges entre les États membres ont été affectés ni qu’il existait une distorsion de la concurrence
– Argumentation des parties
40 La requérante considère que le Tribunal a enfreint l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’il a jugé que l’aide en cause était de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence. Elle soutient que la conclusion du Tribunal sur ce point ne repose sur aucune preuve. Elle fait valoir, en outre, que son faible chiffre d’affaires et son résultat d’exploitation de plus en plus négatif pendant la période concernée attestent qu’elle
n’était pas en mesure d’influer sur les échanges entre les États membres ni sur la concurrence.
41 La Commission soutient que la deuxième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
– Appréciation de la Cour
42 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a.,
C-222/04, Rec. p. I-289, point 140, ainsi que du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C-494/06 P, Rec. p. I-3639, point 50).
43 En ce qui concerne la condition selon laquelle l’aide en cause doit affecter les échanges entre les États membres, il convient également de rappeler que, en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une aide financière accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêts du 17 septembre 1980,
Philip Morris Holland/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 11, ainsi que Commission/Italie et Wam, précité, point 52).
44 Quant à la condition relative à la distorsion de la concurrence, la Cour a jugé que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts que cette dernière aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de la concurrence (arrêt Commission/Italie et Wam, précité, point 54 et jurisprudence citée).
45 En l’occurrence, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas méconnu la jurisprudence rappelée aux points 42 à 44 du présent arrêt.
46 En effet, d’une part, l’aide accordée par les autorités bulgares concernait une entreprise qui produisait des biens librement commercialisés dans l’Union. Cette circonstance, évoquée par le Tribunal au point 50 de l’arrêt attaqué ainsi que dans le considérant 46 de la décision litigieuse, n’est pas contestée par la requérante.
47 D’autre part, le Tribunal a relevé, au point 45 de l’arrêt attaqué, que l’aide dont a bénéficié la requérante a permis à cette dernière de ne pas acquitter, pendant la période allant du 1^er janvier 2007 au 11 novembre 2010, des sommes qu’elle aurait dû payer au titre du rééchelonnement de 2001 et que la Commission a évaluées, de manière provisoire, à 3,7 millions d’euros.
48 Conformément à la jurisprudence de la Cour telle que rappelée au point 42 du présent arrêt, des considérations telles que celles énoncées aux deux points précédents suffisent à caractériser l’incidence réelle ou potentielle des aides en cause sur les échanges entre les États membres ainsi que sur la concurrence.
49 Il convient de relever, en outre, que la requérante n’a invoqué aucune circonstance ni aucun élément susceptibles d’établir que l’aide qui lui a été octroyée par la République de Bulgarie ne serait pas de nature à l’avantager dans le cadre de la concurrence intracommunautaire.
50 En particulier, dès lors que les mesures aidant à maintenir des entreprises en difficulté artificiellement en vie figurent parmi les types d’aides d’État ayant les effets de distorsion de la concurrence les plus importants, la requérante ne saurait se prévaloir de sa situation économique et financière précaire afin de remettre en cause les conclusions du Tribunal relatives à l’incidence de l’aide en cause sur la concurrence.
51 Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la troisième branche du second moyen, relative à l’erreur commise par le Tribunal en ce qui concerne l’appréciation du critère du créancier privé et la constatation de l’octroi d’un avantage
– Argumentation des parties
52 La requérante fait valoir que l’arrêt attaqué méconnaît les articles 107, paragraphe 1, TFUE, et 296 TFUE, dans la mesure où le Tribunal a souscrit à tort, d’une part, à l’application faite par la Commission du critère du créancier privé et, d’autre part, à la conclusion de la Commission selon laquelle le défaut de recouvrement des créances était constitutif d’un avantage.
53 À cet égard, elle soutient, tout d’abord, qu’une application correcte du critère du créancier privé exige que soit effectuée une analyse économique comparative des avantages qu’un créancier privé hypothétique aurait tirés de telle ou telle action. Dès lors que la décision litigieuse ne contenait aucune analyse ou motivation économique sur ce point, le Tribunal n’aurait pas été fondé à souscrire à l’argumentation de la Commission en ce qui concerne l’application dudit critère.
54 Ensuite, la requérante fait valoir que, afin d’établir l’existence d’un «avantage», il convient d’indiquer clairement et concrètement quelle aide d’État a apporté un avantage à une entreprise déterminée par rapport aux autres. Toutefois, la conclusion du Tribunal, au point 45 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle aurait bénéficié d’un avantage ne reposerait sur aucun élément de preuve, le Tribunal ayant considéré de manière erronée que la décision litigieuse était dûment motivée à cet
égard. En outre, la situation économique générale de la requérante n’aurait pas connu d’évolution favorable pendant la période concernée.
55 Enfin, la requérante se prévaut également du fait que, à la date de la décision litigieuse, tous les montants dus en vertu du rééchelonnement de 2001 avaient été recouvrés conformément à l’échéancier prévu à cet effet. Selon elle, le Tribunal a considéré à tort que ce fait est dépourvu de pertinence, puisque le recouvrement de la créance n’aurait pas été possible si l’État bulgare avait eu recours à l’exécution forcée, laquelle aurait entraîné la liquidation de l’entreprise. Le comportement
des autorités bulgares aurait ainsi été approprié et logique, d’autant plus que la valeur totale des sûretés dépassait le solde de la dette et qu’il n’y a eu aucune diminution du patrimoine de cet État.
56 La Commission soutient que la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
– Appréciation de la Cour
57 En ce qui concerne, en premier lieu, l’appréciation faite par le Tribunal du critère du créancier privé, il convient de rappeler que, lorsqu’un créancier public octroie des facilités de paiement pour une dette d’une entreprise à l’égard de ce dernier, de telles facilités de paiement constituent une aide d’État si, compte tenu de l’importance de l’avantage économique ainsi octroyé, l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un créancier privé se
trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur connaissant des difficultés financières (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée).
58 Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel créancier privé (arrêt Commission/Buczek Automotive, précité, point 47 et jurisprudence citée).
59 S’agissant d’une appréciation économique complexe, le juge de l’Union est tenu non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération et s’ils sont de nature à étayer les conclusions que la Commission en a tirées (voir arrêt Commission/Buczek Automotive, précité, points 48
à 50 et jurisprudence citée).
60 En l’occurrence, il ne paraît pas contestable que, aux fins de chercher à récupérer les sommes qui lui sont dues, un créancier privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle des autorités bulgares, confrontées à une détérioration très importante de la situation financière du débiteur depuis plusieurs années et à un défaut de paiement persistant de ce dernier, devait choisir entre relancer des mesures exécutoires à l’encontre de ce
débiteur ou poursuivre une stratégie visant à obtenir le recouvrement amiable de la créance ou, à tout le moins, d’une partie de celle-ci.
61 Il ne paraît pas non plus contestable que, aux fins d’effectuer son choix, un tel créancier aurait évalué, d’une part, le résultat prévisible d’une procédure de recouvrement forcé, compte tenu notamment de la nature et de l’étendue des sûretés détenues, et, d’autre part, les chances de pouvoir récupérer un montant supérieur par l’utilisation de moyens amiables de recouvrement des créances.
62 Ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal, aux points 37 et 39 de l’arrêt attaqué, il apparaît indéniable que la perspective du rétablissement de la viabilité du débiteur constitue un facteur décisif pour le processus décisionnel d’un créancier privé dans le cadre du choix des mesures appropriées pour obtenir le recouvrement des sommes dues.
63 Dans la présente affaire, il ressort du dossier que, hormis une tentative de négocier un nouveau rééchelonnement de la dette, les autorités bulgares ont limité leur action pendant la période concernée à l’envoi de rappels de paiement successifs, non suivis par d’autres mesures plus vigoureuses pour obtenir que la requérante effectue le paiement de sa dette.
64 Or, en l’absence d’indices concrets et crédibles d’un retour à la rentabilité du débiteur, il est peu réaliste d’envisager qu’un créancier privé, placé dans une situation similaire, aurait pu être persuadé que les chances de recouvrer sa créance seraient maximisées par le simple fait de différer le remboursement de la dette, surtout si, comme le prétend la requérante, la valeur des actifs mis en gage excédait le montant de cette dette, alors que, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 43
de l’arrêt attaqué, certains de ces actifs étaient susceptibles de perdre une partie de leur valeur.
65 En outre, la requérante n’a invoqué aucun élément susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l’analyse du Tribunal relative à l’appréciation à laquelle un créancier privé normalement prudent et diligent se serait livré. En particulier, la requérante n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle estime que l’adoption de mesures plus contraignantes aurait entraîné la liquidation de l’entreprise et compromis de manière définitive le recouvrement de la créance, et ce d’autant plus qu’il
ressort du dossier que, à la suite de l’ouverture par les autorités bulgares de la procédure d’insolvabilité à son encontre, elle a payé, dans les huit mois qui ont suivi, l’intégralité des sommes dues au titre du rééchelonnement de 2001.
66 Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 37 de l’arrêt attaqué, que la Commission était fondée à conclure, sur la base des éléments relevés et des raisons énoncées dans la décision litigieuse, que les autorités bulgares n’avaient pas agi comme l’aurait fait un créancier privé se trouvant dans une situation comparable et que celui-ci aurait pris des mesures plus contraignantes à l’encontre de la requérante.
67 En second lieu, s’agissant de l’appréciation relative à l’existence ou non d’un avantage dont aurait bénéficié la requérante, il convient de relever, tout d’abord, que la légalité d’une décision prise par la Commission en matière d’aides d’État, notamment au regard de l’obligation de motivation, doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont cette dernière disposait à la date à laquelle cette décision a été arrêtée. Le Tribunal a correctement rappelé, au point 33 de l’arrêt
attaqué, la jurisprudence de la Cour à cet égard (voir, notamment, arrêt du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I‑8091, point 31).
68 Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 31 de l’arrêt attaqué, que le défaut de prise en compte des paiements effectués par la requérante entre le 3 décembre 2010 et le 10 juillet 2011 ne saurait affecter la légalité de la décision litigieuse, dès lors que la Commission n’a été informée pour la première fois de ces paiements que postérieurement à l’adoption de cette décision.
69 Ensuite, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, les motifs d’une décision en matière d’aides d’État doivent être pris en considération pour l’interprétation de son dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C-415/03, Rec. p. I-3875, point 41 et jurisprudence citée).
70 Ainsi, force est de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 73 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait dûment identifié l’avantage dont la requérante a bénéficié, dans la mesure où cela résultait clairement de la lecture conjointe des considérants 47 à 50 et 59 de la décision litigieuse.
71 En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, aux fins de l’application de l’article 107 TFUE, il est indifférent que la situation du bénéficiaire se soit améliorée ou aggravée à la suite d’une mesure étatique qui est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer
& Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 41).
72 Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne saurait se prévaloir de son résultat d’exploitation de plus en plus faible dans ce contexte.
73 Enfin, pour ce qui est de l’argument de la requérante concernant l’absence de diminution du patrimoine de l’État bulgare, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé que les intérêts et majorations de retard qu’une entreprise connaissant des difficultés de trésorerie très graves peut être amenée à payer en contrepartie de larges facilités de paiement ne sont pas susceptibles de faire disparaître l’avantage dont bénéficie ladite entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1999, DM
Transport, C‑256/97, Rec. p. I-3913, point 21). La requérante n’est donc pas fondée à soutenir qu’elle n’a bénéficié d’aucun avantage en raison du recouvrement tardif des sommes en cause et du paiement des intérêts de retard.
74 Il résulte des observations qui précèdent que la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la quatrième branche du second moyen, relative à la prétendue nécessité de préciser le montant exact de l’aide à restituer
– Argumentation des parties
75 La requérante soutient que l’arrêt attaqué méconnaît les articles 14 du règlement n° 659/1999 et 296 TFUE dans la mesure où le Tribunal, au point 77 du même arrêt, a considéré à tort qu’il suffit que la décision litigieuse contienne des orientations permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, le montant de l’aide devant être récupérée. Selon elle, la décision litigieuse doit préciser ce montant, ainsi que les intérêts, lesquels sont calculés au taux
pertinent fixé par la Commission. De surcroît, elle fait valoir que, dans le cas d’espèce, il est clair qu’il y a des difficultés excessives pour établir le montant de l’aide à récupérer.
76 La Commission considère que la quatrième branche du second moyen doit être rejetée comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable.
– Appréciation de la Cour
77 Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit en effet que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir, en ce sens, arrêts
Commission/Grèce, précité, point 39, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C-441/06, Rec. p. I-8887, point 29).
78 Il découle, en outre, de la jurisprudence de la Cour que, en cas de difficultés lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, la Commission et l’État membre concerné doivent collaborer de bonne foi en vue de surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité TFUE, notamment de celles relatives aux aides d’État (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, précité, point 28 et jurisprudence citée).
79 Par ailleurs, l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999 prévoit uniquement que «[l]’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération».
80 Dans la présente affaire, le Tribunal, après avoir rappelé au point 77 de l’arrêt attaqué la jurisprudence de la Cour en la matière, a constaté à bon droit, au point 78 du même arrêt, que l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision litigieuse comporte les éléments prescrits par ledit article 14, paragraphe 2.
81 Quant à l’argument tiré de prétendues difficultés excessives pour établir le montant exact de l’aide à récupérer, il convient de constater qu’il vise, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des éléments de fait et ceux afférents à la preuve telle qu’opérée par le Tribunal. Or, conformément aux articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier
les faits pertinents ainsi que pour examiner les éléments de preuve, sous réserve du cas de la dénaturation manifeste de ces faits et de ces éléments de preuve (voir, notamment, arrêt du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C-287/12 P, point 78 et jurisprudence citée).
82 En l’occurrence, aucune dénaturation des faits et des éléments de preuve tels que soumis au Tribunal n’est alléguée par la requérante, cette dernière se bornant à soutenir que la non-indication du montant exact de l’aide à restituer dans la décision litigieuse, d’une part, est de nature à entraîner des «difficultés excessives» au sens de la jurisprudence de la Cour et, d’autre part, est constitutive d’une erreur justifiant l’annulation de cette décision et de l’arrêt attaqué.
83 Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse ne méconnaît pas les exigences de l’article 14 du règlement n° 659/1999.
84 La quatrième branche du second moyen doit, par conséquent, être rejetée comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable.
85 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que ni le premier moyen ni le second moyen, dans aucune de ses branches, invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi ne sont susceptibles d’être accueillis et que, partant, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
86 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a
lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Rousse Industry AD est condamnée aux dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure: le bulgare.