La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2014 | CJUE | N°C-184/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume d'Espagne., 23/01/2014, C-184/11


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 23 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑184/11

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Décisions de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché commun — Mesures nécessaires pour se conformer à ces décisions — Arrêt de la Cour de justice constatant que l’État membre a manqué aux obligations qui lui incombent — Défaut d’exécution de l’arrêt dans les délais — Astreinte»

1.  En 2001, la Commission européenne a constaté, dans six décisions, que certaines mesures fiscales adoptées par la Comunidad Autónoma del País ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 23 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑184/11

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Décisions de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché commun — Mesures nécessaires pour se conformer à ces décisions — Arrêt de la Cour de justice constatant que l’État membre a manqué aux obligations qui lui incombent — Défaut d’exécution de l’arrêt dans les délais — Astreinte»

1.  En 2001, la Commission européenne a constaté, dans six décisions, que certaines mesures fiscales adoptées par la Comunidad Autónoma del País Vasco (Pays basque) étaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun et elle a invité le Royaume d’Espagne à les récupérer. En 2006, la Commission a obtenu de la Cour un arrêt déclarant que le Royaume d’Espagne ne s’était pas conformé à ces décisions. La Commission veut maintenant qu’il soit déclaré que le Royaume d’Espagne ne s’est pas conformé
à cet arrêt en temps utile et qu’il doit verser une somme forfaitaire en manière de sanction pour la période d’inexécution.

2.  Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait surévalué les montants qui auraient dû être récupérés et que, en toute hypothèse, le montant de la sanction imposée devrait être inférieur à ce que la Commission a demandé.

Contexte

L’aide et les décisions de 2001

3. Entre 1994 et 1997, les trois provinces du Pays basque – Álava, Vizcaya et Guipúzcoa ( 2 ) – ont toutes adopté des mesures fiscales de deux types, qui sont restées en vigueur jusque 1999 ou 2000: un crédit d’impôt pour entreprise, égal à 45 % des investissements de celle-ci, et une réduction dégressive sur quatre ans de la base imposable des entreprises nouvelles, ces mesures étant toutes deux soumises à conditions.

4. Ces mesures n’ont pas été notifiées à la Commission. Lorsque cette dernière en a eu connaissance, elle a décidé d’ouvrir la procédure au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE ( 3 ). Le 11 juillet 2001, elle a adopté six décisions ( 4 ).

5. Dans chacune, la Commission a constaté que la mesure en cause constituait un régime d’aide. Faute de détails au sujet des bénéficiaires effectifs, il suffisait que les bénéficiaires potentiels puissent bénéficier d’une aide non conforme aux directives, aux lignes directrices et aux encadrements applicables ( 5 ). Avant de conclure que les régimes en question avaient été illégalement mis en œuvre et étaient incompatibles avec le marché commun, la Commission a souligné que les décisions
s’entendaient «sans préjudice de la possibilité que des aides individuelles soient considérées, totalement ou partiellement, comme compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques propres, que ce soit dans le cadre d’une décision ultérieure de la Commission ou en application des règlements d’exemption» ( 6 ). Ainsi, aucune des décisions n’a identifié une aide spécifique comme incompatible avec le marché commun et aucune n’a exclu la possibilité qu’une partie de l’aide
puisse être compatible. Toutefois, tous les régimes d’aide ont été déclarés incompatibles.

Les appréciations portées sur la compatibilité

– Les régimes de crédit d’impôt de 45 %

6. Les appréciations sont globalement les mêmes dans les trois décisions ( 7 ). L’aide pourrait être considérée comme une aide à l’investissement au sens des lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale ( 8 ), à condition qu’elle soit basée sur un montant investi dans la région et qu’elle soit soumise à un plafond exprimé sous forme de pourcentage de ce montant. Toutefois, le produit intérieur brut (PIB) régional par habitant était trop élevé pour appliquer la
dérogation régionale de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE et, en ce qui concerne l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, le plafond en termes d’équivalent-subvention net (ESN) n’a pas été respecté. Au demeurant, seuls les investissements initiaux étaient éligibles dans le cadre des lignes directrices, alors que les régimes en cause pouvaient s’appliquer à d’autres dépenses également. Il y avait encore d’autres exigences à remplir ( 9 ). Une aide ne remplissant pas les critères applicables
devait être regardée comme une aide au fonctionnement et non comme une aide à l’investissement. Or, toute aide au fonctionnement doit remplir les critères fixés aux points 4.15 à 4.17 des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, puisque les provinces du Pays basque n’étaient ni des régions ultrapériphériques ni des régions à faible densité de population. Par conséquent, les régimes d’aide n’étaient pas conformes aux règles sur l’aide
régionale. D’ailleurs, l’aide aux investissements en dehors de la région ne pouvait être regardée comme régionale et la possibilité d’une dérogation au titre de l’aide aux petites et moyennes entreprises (PME) était exclue, puisque l’aide n’était pas limitée à 7,5 ou à 15 %, selon les cas, de l’équivalent-subvention brut (ESB). En tout cas, si certains secteurs ont été exclus des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale, ils ne l’ont pas été des régimes d’aide en question.

– Les régimes de réduction de la base d’imposition

7. Une nouvelle fois, les appréciations sont globalement les mêmes dans les trois décisions ( 10 ), et elles sont analogues à celles qui ont été portées sur les régimes de crédit d’impôt de 45 %. Le PIB par habitant était trop élevé pour que la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE s’applique. Malgré le fait que l’aide au développement régional pourrait être considérée comme compatible au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, les régimes en question doivent être
considérés non pas comme une aide à l’emploi ou à l’investissement, mais comme une aide au fonctionnement. Toutefois, tout comme dans le cas des régimes de crédit d’impôt de 45 % et pour les mêmes raisons, ils n’étaient pas conformes aux règles en matière d’aides régionales. L’aide ne pouvait pas non plus être considérée comme compatible dans la mesure où elle était accessible à des personnes soumises à certaines règles sectorielles, en particulier parce qu’elle ne remplissait pas la condition de
ne pas promouvoir de nouvelles capacités de production. Finalement, aucune des autres dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE ne pouvait entrer en ligne de compte.

8. La Commission a donc apprécié les deux types de régime fiscal dans leur ensemble, au regard non des circonstances dans lesquelles ils ont été appliqués, mais des circonstances dans lesquelles ils pourraient l’être.

Les dispositifs des décisions de 2001

9. Dans chaque décision, l’article 1er a constaté que le régime d’aide pertinent avait été illégalement mis en œuvre et était incompatible avec le marché commun. L’article 2 a imposé au Royaume d’Espagne de supprimer le régime en question. L’article 3, paragraphe 1, a exigé que le Royaume d’Espagne prenne «toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides visées à l’article 1er et déjà illégalement mises à leur disposition» et suspende tout versement des aides non
encore versées. Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, l’aide devait être récupérée sans retard conformément à des procédures nationales immédiates et effectives et les sommes correspondantes devaient porter intérêts.

Les procédures en annulation, les pourvois et les procédures en manquement

10. Les autorités des provinces du Pays basque ont saisi le Tribunal de première instance de recours en annulation contre les six décisions.

11. Comme ces procédures n’avaient pas d’effet suspensif, la Commission a rappelé aux autorités espagnoles l’obligation de récupérer l’aide déclarée illégale dans les décisions de 2001. Après quelque deux ans d’échanges sans résultat, la Commission a introduit six recours en manquement contre le Royaume d’Espagne en novembre 2003.

12. Par arrêt du 14 décembre 2006 ( 11 ), la Cour a déclaré que, en n’ayant pas adopté dans le délai toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux articles 2 et 3 des six décisions, le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites décisions. En particulier, le Royaume d’Espagne a négligé d’adopter les mesures nécessaires pour récupérer l’aide mise à disposition ( 12 ). Toutefois, l’aide visée n’était pas identifiée dans l’arrêt de 2006 et la question de
son identification n’avait d’ailleurs pas été abordée en cours de procédure.

13. Les échanges qui ont suivi, entre décembre 2006 et novembre 2010, ont révélé des différences d’opinion quant aux montants qu’il y avait lieu de récupérer. Pendant cette période, le Royaume d’Espagne a récupéré une partie de l’aide. La Commission a également considéré que le Royaume d’Espagne ne fournissait pas suffisamment d’information. Agissant au titre de l’article 228, paragraphe 2, CE, elle a envoyé le 11 juillet 2007 une lettre de mise en demeure, puis un avis motivé du 26 juin 2008, pour
obtenir que l’arrêt de 2006 soit entièrement mis en œuvre dans un délai de deux mois, c’est-à-dire au plus tard le 26 août 2008.

14. Le 9 septembre 2009, le Tribunal de première instance a rejeté les recours en annulation ( 13 ). Les pourvois introduits par les autorités des provinces basques ont été rejetés le 28 juillet 2011 ( 14 ).

15. Dans son arrêt relatif au régime de crédit d’impôt de 45 %, la Cour a rappelé que, lorsque la Commission statue de façon générale et abstraite sur un régime d’aide d’État, elle n’est pas tenue d’analyser des cas individuels. Ce n’est qu’au stade de la récupération que l’État membre doit vérifier la situation individuelle de chaque entreprise, en particulier quant au point de savoir si l’avantage accordé était, dans les mains de son bénéficiaire, susceptible de fausser la concurrence et
d’affecter les échanges intracommunautaires ( 15 ).

Conclusions de la partie requérante

16. Dans l’intervalle, le 18 avril 2011, la Commission avait formé le présent recours. Le 30 octobre 2013, elle a modifié ses conclusions. Elle demande désormais en substance qu’il plaise à la Cour:

— déclarer que, faute de mettre à exécution l’arrêt de 2006, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des décisions de 2001 et de l’article 260 TFUE;

— condamner le Royaume d’Espagne à verser une somme forfaitaire de 64543500 euros (correspondant à un montant journalier de 25817,40 euros multiplié par 2500 jours entre le prononcé de l’arrêt de 2006 et le 15 octobre 2013, date à laquelle l’aide déclarée illégale par les décisions de 2001 a été complètement récupérée);

— condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

Procédure

17. Même après la fin de la procédure écrite, il subsistait de considérables divergences dans les déclarations des parties en ce qui concerne le montant des aides accordées, le montant à récupérer, celui qui avait été récupéré et celui qui restait à récupérer. C’est pourquoi la Cour a demandé à chacune des parties de présenter un tableau reprenant ses chiffres pour chacune des décisions de 2001, chaque problématique juridique et chaque entreprise concernée. Les parties ont également été priées
d’indiquer la page exacte de tout document soumis à la Cour sur lequel elles appuyaient leurs chiffres, étant précisé que des preuves qui n’étaient pas clairement identifiées pourraient ne pas être prises en compte. Les réponses sont arrivées en mars 2013 (ci-après les «tableaux de 2013»). Comme il subsistait des divergences et des ambiguïtés, de nouvelles questions ont été posées et ont reçu une réponse écrite, qui n’a cependant pas permis d’éliminer toute incertitude.

18. À l’audience du 10 septembre 2013, les parties ont été invitées à concentrer leurs observations sur les questions soulevées par le Royaume d’Espagne dans sa duplique et auxquelles la Commission n’avait pas eu l’occasion de répondre pleinement.

19. Le 30 octobre 2013, la Commission a informé la Cour qu’elle considérait que les aides avaient désormais été récupérées pleinement, avec les intérêts, le dernier paiement remontant au 15 octobre 2013.

Bref aperçu des problèmes posés

20. La Commission soutient que les autorités espagnoles n’ont pas récupéré toute l’aide concernée dans les délais. Elle prétend que, initialement:

i) ces autorités ont jugé compatibles des aides qui ne remplissaient pas les exigences des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale (le Royaume d’Espagne soutient que ces aides étaient couvertes par des lignes directrices régionales antérieures ou par d’autres règles sectorielles et que la Commission fait une interprétation incorrecte des lignes directrices de 1998);

ii) ces autorités ont appliqué jusqu’à 100000 euros de déduction par bénéficiaire, alors que les règles de minimis s’appliquent uniquement lorsque le montant total est inférieur au seuil (le Royaume d’Espagne soutient que toute aide d’un montant inférieur au seuil doit être négligée);

iii) ces autorités ont rétroactivement appliqué des déductions fiscales sans avoir établi que les conditions d’application de ces déductions fussent remplies (le Royaume d’Espagne soutient que les déductions ont été correctement appliquées, dans la mesure où les bénéficiaires n’y ayant pas eu droit auparavant, parce qu’ils avaient bénéficié de l’aide, devaient y avoir droit à partir du moment où l’aide était retirée);

iv) les ordres de paiement n’ont pas tous été réglés (le Royaume d’Espagne soutient que l’exécution a été poursuivie chaque fois que possible et que les autorités ont fait valoir leurs créances dans les procédures de faillite).

21. Il y a de forts désaccords entre les parties quant au montant de l’aide qui restait à récupérer à la date de l’arrêt de 2006 et à la date où la présente procédure a été entamée, même si elles reconnaissent désormais qu’au 15 octobre 2013 l’aide était intégralement récupérée. À la date de l’arrêt de 2006, la Commission considérait qu’il restait 358 millions d’euros, plus 270 millions d’euros d’intérêts, à récupérer; pour le Royaume d’Espagne, ces montants s’élevaient à 120,7 millions d’euros et
à 48,4 millions d’euros respectivement. À la date de l’introduction du recours dans la présente affaire, la Commission estimait qu’il restait 321 millions d’euros, plus 248 millions d’euros d’intérêts à récupérer; pour le Royaume d’Espagne, il s’agissait respectivement de 60 millions et de 31 millions d’euros.

22. Le Royaume d’Espagne admet qu’une grande partie de la récupération a eu lieu après le début de la présente procédure. Il souligne que l’aide contestée a été récupérée dans le but de limiter toute sanction qui pourrait être imposée par la Cour, mais sans admettre pour autant que l’aide en question doive, d’un point de vue juridique, être récupérée.

23. Les parties sont également en désaccord quant au montant de la sanction pécuniaire. Le calcul de la Commission se base sur sa communication relative à la mise en œuvre de l’article 228 du traité CE ( 16 ). Le Royaume d’Espagne plaide en faveur de sanctions individualisées pour chacune des décisions de 2001, en tenant compte du fait que le Pays basque ne représente que 6,24 % du PIB de l’Espagne et en appliquant des coefficients moins élevés de gravité et de durée de l’infraction.

Remarques générales et préliminaires

24. Premièrement, les questions soulevées en l’espèce résultent dans une mesure significative du fait que ni les décisions de 2001 ni l’arrêt de 2006 n’ont identifié l’aide incompatible. En outre, en 2011, dans le cadre de pourvois relatifs à l’aide contestée, la Cour a confirmé que la Commission n’était pas tenue d’analyser l’aide accordée dans des cas individuels; c’est aux autorités nationales qu’il appartenait de vérifier, au stade de la récupération, la situation de chaque bénéficiaire et le
point de savoir si l’avantage accordé était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter des échanges ( 17 ). La Commission avait déjà communiqué ce point de vue aux autorités espagnoles le 3 octobre 2007, si l’on en croit une déclaration du Royaume d’Espagne, qui n’a pas été contestée par la Commission.

25. D’autre part, aucune des aides n’a été déclarée à la Commission avant sa mise en œuvre. Il s’agissait donc d’«aides illégales» au sens du règlement (CE) no 659/1999 ( 18 ). Partant, la non-récupération d’une partie de ces aides en violation des décisions de 2001 et de l’arrêt de 2006 constitue une nouvelle infraction, à moins que le Royaume d’Espagne ne puisse établir qu’il a à bon droit considéré l’aide en cause comme compatible.

26. La Cour doit dès lors – nonobstant le fait que toute l’aide est désormais récupérée – déterminer quelle fraction de cette aide le Royaume d’Espagne était tenu de récupérer et prendre ce montant comme base pour déterminer celui de la sanction financière à imposer le cas échéant pour le retard mis à récupérer l’aide.

27. Deuxièmement, la Commission fait valoir que, pendant la procédure préalable, les autorités espagnoles auraient, d’une part, négligé de ou tardé à lui fournir des informations pertinentes tout en l’inondant, d’autre part, de documents dépourvus de pertinence. Le fait est que plusieurs dizaines de milliers de pages ont été versées au dossier de la procédure (par les deux parties) et que l’utilité d’un grand nombre d’entre elles peut au mieux être qualifiée de douteuse. En revanche, la Cour a dû
beaucoup insister pour arriver à un minimum de compréhension des chiffres contradictoires sur lesquels chacune des parties fonde son argumentation. Selon moi, aucune des parties n’a correctement assisté la Cour dans sa tâche qui, dans des procédures comme la présente, inclut l’analyse des faits aussi bien que celle du droit. Dans ces conditions, la Cour devra presque inévitablement procéder par approximation pour déterminer les montants dont elle considère que l’Espagne ne les a pas récupérés,
alors qu’elle aurait dû le faire, et sur lesquels la Cour devra s’appuyer pour fixer toute sanction financière éventuelle.

28. Troisièmement, le Royaume d’Espagne a exercé le droit qui lui est reconnu par l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de demander que l’affaire soit entendue par une grande chambre. Il me semble pourtant qu’une aussi considérable formation de la Cour – quinze juges – ne devrait pas avoir à intervenir dans une affaire portant sur autant de détails de fait que la présente, à moins que l’une des parties n’ait le dessein d’obtenir un renversement de jurisprudence. Je crois,
dès lors, que les États membres devraient penser à ces considérations, dans l’intérêt de l’efficacité procédurale de la Cour, avant de décider s’ils entendent exercer leur droit.

29. Je vais maintenant aborder les problèmes juridiques. J’examinerai premièrement des questions générales relatives à l’obligation de récupération (lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale, condition relative à l’effet d’incitation, règles de minimis, règles sectorielles et multisectorielles, déductions fiscales rétroactives); deuxièmement, pour chaque décision, les détails de la récupération requise, y compris, le cas échéant, la négligence à faire valoir des créances et,
finalement, le montant de toute sanction financière éventuellement imposée.

Questions générales relatives à l’obligation de récupérer l’aide

Compatibilité avec les lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale

30. La Commission soutient que les autorités espagnoles n’ont pas respecté l’«exigence relative à l’effet d’incitation» (à savoir qu’une demande d’aide doit avoir été présentée avant que le travail sur un projet ne puisse être entamé) prévue dans les lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale en ce qui concerne les régimes de crédit d’impôt de 45 %. Selon le Royaume d’Espagne, les lignes directrices n’étaient pas applicables et, subsidiairement, la Commission donne une
interprétation trop stricte de l’exigence relative à l’effet d’incitation.

Applicabilité des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale

– Argumentation des parties

31. Le Royaume d’Espagne soutient que, comme l’aide en question a été mise en place avant 1998, les lignes directrices applicables sont celles de la communication de 1979 sur les régimes d’aides à finalité régionale ( 19 ). Il cite la communication de la Commission de 2002 sur la détermination des règles applicables à l’appréciation des aides d’État illégales ( 20 ), qui affirmait que «la Commission appréciera toujours la compatibilité de ces aides avec le marché commun selon les critères de fond
fixés dans tout instrument en vigueur à la date de leur octroi». Par ailleurs, la modification apportée en 2000 aux lignes directrices de 1998 a confirmé que toute aide nouvelle mise en place sans avoir été notifiée à la Commission serait «évaluée conformément aux règles et aux lignes directrices applicables au moment où l’aide est accordée». Tant dans sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen que dans ses décisions de 2001, la Commission indique que les lignes directrices de 1998 ne
s’appliquent qu’à partir du 1er janvier 1999.

32. La Commission répond à cela que les lignes directrices de 1998 prévoient elles-mêmes (en leur point 6.1) que «la Commission appréciera la compatibilité des aides à finalité régionale avec le marché commun sur la base des présentes lignes directrices dès leur adoption. Cependant, les projets d’aides notifiés avant la communication aux États membres des présentes lignes directrices et pour lesquels la Commission n’a pas encore adopté une décision finale seront appréciés sur la base des critères en
vigueur au moment de la notification». Les aides en question n’ayant pas été notifiées, les lignes directrices de 1998 s’appliquaient. Au demeurant, dans une affaire connexe ( 21 ), la Cour a jugé en 2011 que l’aide non notifiée en question devait être évaluée à la lumière des lignes directrices à finalité régionale.

– Appréciation

33. Je ne puis accepter les conclusions du Royaume d’Espagne.

34. Il est vrai que la Commission a fait preuve d’un regrettable manque de clarté dans ses décisions de 2001, en se référant tantôt à des dispositions des lignes directrices de 1998, tantôt à celles de ses communications antérieures ( 22 ). Elle a également manqué de clarté dans ses communications plus générales ( 23 ). Toutefois, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne laisse entendre, la Commission s’est expressément fondée, lors de l’ouverture de la procédure formelle d’examen et dans ses
décisions de 2001, sur l’effet d’incitation exigé dans ses lignes directrices de 1998 ( 24 ).

35. De surcroît, la Cour a jugé que l’aide non notifiée en question devait être appréciée à la lumière des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale ( 25 ). L’applicabilité de ces lignes directrices n’était d’ailleurs pas contestée dans la procédure qui a abouti à l’arrêt de 2006. Au contraire, le Royaume d’Espagne a demandé confirmation du point de savoir si les lignes directrices de 1998 étaient applicables ( 26 ). Il n’a pas le droit de soulever cette question pour la première
fois au moment où il lui est reproché de ne pas s’être conformé à l’arrêt de 2006. En outre, comme la compatibilité avec les lignes directrices de 1998 a d’emblée été un critère explicite, le Royaume d’Espagne ne peut pas non plus faire valoir que l’avis motivé dans la présente procédure n’aurait pas spécifiquement mentionné ces lignes directrices.

Interprétation des lignes directrices sur les aides à finalité régionale, adoptées en 1998

– Argumentation des parties

36. Aux termes du point 4.2, troisième alinéa, des lignes directrices de 1998, la demande d’aide doit être introduite avant le début d’exécution des projets ( 27 ). Or, selon la Commission, les autorités espagnoles ont considéré l’aide concernée comme compatible en dépit du fait qu’un grand nombre de bénéficiaires du crédit d’impôt de 45 % ne remplissaient pas cette exigence.

37. Le Royaume d’Espagne observe que, dans les décisions de 2001 ( 28 ), la Commission a constaté que le crédit d’impôt de 45 % était une «aide subordonnée à la réalisation d’un investissement» au sens de la communication sur les régimes d’aides à finalité régionale de 1979 ( 29 ), ce qui impliquerait l’existence d’un effet d’incitation. Le point de vue de la Commission selon lequel l’aide doit être demandée avant de travailler sur le projet est excessivement formaliste. Les procédures fiscales sont
différentes: l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1628/2006 ( 30 ) et l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement (CE) no 800/2008 ( 31 ) exigent simplement que la mesure fiscale ait été adoptée avant le début de la réalisation du projet. Le critère plus strict n’a été adopté qu’avec le règlement no 1628/2006. Par ailleurs, dans une décision séparée ( 32 ), la Commission a admis la compatibilité d’une aide au titre du régime de crédit d’impôt de 45 % dans la province d’Álava si
elle n’excédait pas le plafond de 25 % ESN pour les aides régionales au Pays basque. Le principe d’égalité de traitement exige de suivre la même approche pour tous les bénéficiaires.

38. La Commission nie l’excès de formalisme; elle a reconnu la compatibilité d’une aide versée à une entreprise ayant entamé des travaux préparatoires avant de présenter sa demande. Au demeurant, les règlements no 1628/2006 et no 800/2008 ne sont pas applicables ici. Toute application par analogie de la règle de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement no 800/2008 est exclue par le règlement lui-même ( 33 ), qui n’a pas été conçu pour s’appliquer à des cas où une appréciation détaillée était
requise. Du reste, cette règle présuppose un droit automatique au bénéfice de l’aide, alors qu’en l’espèce une décision administrative d’approbation était requise. D’après l’arrêt HGA e.a./Commission ( 34 ), il faut démontrer que, en l’absence de l’aide projetée, l’investissement n’aurait pas lieu; sinon l’aide servirait simplement à améliorer la situation des bénéficiaires. Quant à l’égalité de traitement, aucune interprétation antérieure faite par la Commission d’une disposition du traité ne
peut affecter le bien-fondé de l’interprétation qu’elle fait de la même disposition dans les décisions litigieuses ( 35 ).

39. Le Royaume d’Espagne observe dans sa duplique que les crédits d’impôt de 45 % n’étaient subordonnés à aucun pouvoir discrétionnaire de l’administration; ils ne pouvaient être refusés à aucune entreprise remplissant les conditions exposées dans la législation et ils avaient donc un effet incitatif très clair. En outre, la jurisprudence illustrée par l’arrêt Freistaat Sachsen e.a./Commission ( 36 ) ne saurait faire échec au principe d’égalité de traitement, qui est un principe général du droit de
l’UE.

– Appréciation

40. Trois questions se posent à ce stade. Premièrement, la Commission a-t-elle admis l’existence d’un effet incitatif dans les décisions de 2001 et, dans l’affirmative, cela signifie-t-il qu’il n’y avait pas lieu de récupérer l’aide correspondant au régime de crédit d’impôt de 45 %? Deuxièmement, la condition relative à l’effet incitatif doit-elle s’appliquer différemment en raison du caractère fiscal du régime et, dans l’affirmative, le critère d’ouverture automatique du droit est-il rempli?
Troisièmement, l’analyse est-elle affectée par le principe d’égalité de traitement?

41. Concernant la première question, la Commission s’est explicitement référée dans les décisions de 2001 à l’effet incitatif comme étant l’un des critères à remplir pour que les régimes de crédit d’impôt de 45 % soient déclarés compatibles avec le marché commun ( 37 ). Mais elle n’a pas déclaré que ce critère n’était pas rempli. Au contraire, elle a qualifié les régimes en cause non seulement d’«aide subordonnée à la réalisation d’un investissement», mais également d’«incitation fiscale» ( 38 ). La
question du respect de la condition relative à l’effet incitatif n’a pas non plus été soulevée dans la procédure qui a mené à l’arrêt de 2006. En revanche, dans les décisions de 2001, la Commission a bien déclaré que d’autres critères exposés dans les lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale n’avaient pas été respectés ( 39 ), et c’est sur cette base qu’elle a constaté que les régimes de crédit d’impôt de 45 % ne pouvaient être considérés comme compatibles avec le marché
commun au titre des dérogations régionales prévues par le traité, dans la mesure où elles ne respectaient pas les règles en matière d’aide régionale ( 40 ).

42. Vue sous cet angle, l’argumentation du Royaume d’Espagne revêt une certaine plausibilité. Il n’est mentionné ni dans les décisions de 2001 ni dans l’arrêt de 2006 que les régimes de crédit d’impôt de 45 % ne respectaient pas la condition d’incitation et les décisions de 2001 ont été rédigées dans des termes qui pourraient être considérés comme impliquant que cette condition était remplie.

43. Toutefois, la Commission a raison, à mon avis, de considérer que, dans la mesure où les régimes d’aide dans leur ensemble étaient illégaux et avaient été jugés incompatibles avec le marché intérieur, l’État membre ne pouvait, dans le cadre de son appréciation de cas individuels, s’abstenir de vérifier que la condition de l’effet incitatif avait été satisfaite.

44. Sur la deuxième question, il y a lieu d’observer que, dans des règlements ultérieurs, la Commission a formulé la condition relative à l’effet incitatif de façon moins stricte pour les mesures fiscales ( 41 ). Son approche obéit à une logique claire. Si une entreprise désireuse d’investir demande et obtient une aide discrétionnaire (qu’elle ne pouvait être certaine d’obtenir) après avoir entamé les travaux sur son projet, l’aide n’aura probablement pas influencé sa décision d’investir. Si, en
revanche, cette entreprise reporte sa décision jusqu’à ce qu’elle soit certaine d’obtenir l’aide demandée, la décision peut être considérée comme ayant été subordonnée à l’octroi de l’aide. Si un régime fiscal accorde une aide automatique pour tout investissement répondant à certains critères, cette distinction est dépourvue de pertinence et le régime lui-même peut être considéré comme l’incitation à l’investissement.

45. Cette logique peut, me semble-t-il, être appliquée chaque fois qu’un effet d’incitation est requis. Il n’est pas nécessaire à cette fin d’appliquer les règlements no 1628/2006 ou no 800/2008 par analogie dans leur intégralité, en écartant l’obligation de notifier l’aide et de la faire examiner par la Commission dans les cas où ces règlements ne seraient pas applicables. Il suffit simplement de reconnaître que, sous certaines conditions, un régime fiscal constitue une incitation suffisante à
investir, de sorte que la relation entre la date de début des travaux et celle où l’aide est demandée perd toute importance. Nous avons affaire en l’espèce à une situation où un effet incitatif est requis et je suis d’accord avec le Royaume d’Espagne pour dire que l’appréciation du respect de cette obligation devrait tenir compte de la nature spécifique des mesures fiscales à cet égard.

46. Toutefois, je conviens avec la Commission que l’automaticité d’une mesure fiscale est un élément essentiel de son effet incitatif et que, dans des circonstances comme celles de la présente affaire, il appartient à l’État membre d’établir que ce critère est rempli.

47. Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si les crédits étaient automatiques et elles s’appuient toutes les deux à cet égard sur les législations provinciales applicables, dont les termes sont en substance identiques:

«Les investissements en actifs fixes matériels neufs […] d’un montant excédant 2500 millions de pesetas espagnoles (ESP), sur décision de l’Exécutif provincial […], bénéficieront d’un crédit d’impôt de 45 % du montant déterminé par cette dernière, applicable au montant final de l’impôt à payer.

[…]

[La décision visée au premier alinéa] fixe les délais et les limitations applicables dans chaque cas» ( 42 ).

48. La Commission souligne la nécessité d’une décision de l’Exécutif provincial et elle note que, dans son arrêt de 2006, la Cour a conclu à partir des décisions de 2001 que le bénéfice de l’aide était subordonné à une décision administrative ( 43 ). Le Royaume d’Espagne met en exergue le fait que le recours à la forme verbale «gozarán» («bénéficieront») enlève à l’Exécutif provincial tout pouvoir discrétionnaire en la matière.

49. Ce dernier argument semble convaincant (même s’il reste, bien sûr, que la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit national). Il est toutefois miné, en tout état de cause, par le fait que, même si la loi impose à l’Exécutif provincial de prendre une décision octroyant l’aide, il doit également déterminer le montant de l’investissement qui ouvre droit à l’aide et fixer des délais et des limitations. À première vue, ces facteurs introduisent dans la décision un élément discrétionnaire
significatif, que le Royaume d’Espagne n’a pas examiné dans son argumentation. Selon moi, la raison qui sous-tend l’approche spécifique de l’évaluation de l’effet incitatif dans le contexte de mesures fiscales exclut cette approche lorsque le montant de l’aide et les conditions dans lesquelles elle est appelée à être utilisée sont subordonnés à un tel pouvoir discrétionnaire de l’administration.

50. Je considère, par conséquent, que la Commission a raison d’insister sur le fait que l’aide octroyée après le début des travaux sur le projet concerné ne peut remplir l’exigence d’effet incitatif découlant du point 4.2, troisième alinéa, des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale. Je note également que c’est uniquement pour quatre entreprises de la province de Guipúzcoa que le Royaume d’Espagne a soutenu que l’aide a en fait été appliquée avant le début des travaux et que
la Commission l’a concédé pour trois d’entre elles ( 44 ).

51. Finalement, dans ce contexte, j’en arrive au principe d’égalité de traitement. En 1999, sans se référer à l’exigence d’effet incitatif, la Commission a estimé qu’une aide accordée au titre du régime de crédit d’impôt de 45 % dans la province d’Álava était «compatible avec le marché commun pour la partie de cette aide qui […] n’excède pas le plafond de 25 % ESN pour les aides à finalité régionale au Pays basque» ( 45 ). Le Royaume d’Espagne soutient que le principe de l’égalité de traitement est
un principe général du droit de l’UE, qu’il exige de suivre la même approche dans tous les cas impliquant une aide accordée au titre des régimes de crédit d’impôt de 45 % et que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 spécifie que «la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire».

52. Cet argument ne convainc pas. Ma conclusion ci-dessus implique que, en n’examinant pas l’aide en question au regard de la condition d’effet incitatif en 1999, la Commission a fait une mauvaise application des lignes directrices de 1998. L’approche du Royaume d’Espagne signifierait que la Commission ne pourrait plus appliquer l’exigence d’effet incitatif prévue par ces lignes directrices à aucune aide accordée au titre de l’un des régimes de crédit d’impôt de 45 % ou même, éventuellement, d’un
régime postérieur comparable.

53. Cela serait, à mes yeux, incompatible avec la jurisprudence de la Cour énonçant que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui ( 46 ). Il est vrai que, à la différence de certaines mesures postérieures, les lignes directrices régionales de 1998 n’ont pas de portée réglementaire, mais, ainsi que le Royaume d’Espagne l’a fait valoir, elles sont
contraignantes pour la Commission elle-même. Leur application incorrecte dans un cas isolé, qui n’a pas été contestée, ne saurait permettre à la Commission, au nom du principe de l’égalité de traitement, de ne pas les appliquer correctement dans des situations postérieures.

54. J’estime dès lors qu’il faut rejeter l’affirmation du Royaume d’Espagne que les lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale ne s’appliquaient pas à l’aide accordée au titre de régimes de crédit d’impôt de 45 % ou que l’aide était conforme à ces lignes directrices. Les montants concernés ne peuvent donc être exclus de l’obligation de récupérer l’aide.

Compatibilité avec des règles spécifiques sectorielles ou multisectorielles

55. Dans son recours, la Commission soutient que l’aide à certains bénéficiaires au titre des trois régimes de crédit d’impôt de 45 % était exclue des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale ( 47 ). Elle devait en revanche être conforme à des règles spécifiques, sectorielles ou multisectorielles. Toutefois, le Royaume d’Espagne n’a ni récupéré l’aide en question ni démontré que ces règles aient été observées.

Le secteur du vin

56. Les parties constatent unanimement que douze bénéficiaires du crédit d’impôt de 45 % dans la province d’Álava travaillaient dans le secteur agricole (du vin). La Commission mentionne en particulier la société Comercializadora de la Rioja Alta SLU (ci-après «Rioja Alta») comme étant exclue des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale. Dans leurs observations écrites, les parties expriment différentes vues sur les règles applicables à diverses activités dans le secteur du vin
et sur le respect de ces règles.

57. Toutefois, au vu des tableaux de 2013, je conclus que, sous réserve de certains écarts mineurs, portant en tout et pour tout sur quelques milliers d’euros, les parties sont d’accord quant aux montants à récupérer et à ceux qui, en mars 2013, étaient déjà récupérés ou devaient encore l’être, pour la totalité, sauf deux, des douze entreprises concernées. Ces deux exceptions sont Rioja Alta et Familia Martínez Bujanda SL (ci-après «Martínez Bujanda»).

58. Pour Rioja Alta, il semble n’y avoir aucun désaccord quant au montant total à récupérer. La seule différence (d’environ 4 millions d’euros) concerne le montant qui avait déjà été récupéré en mars 2013.

59. Pour Martínez Bujanda, je ne vois de preuve concluante dans aucun des documents invoqués par les parties au sujet de la question des règles ou des lignes directrices applicables. En outre, les chiffres de la Commission dans son tableau de 2013 sont incohérents. Je propose donc que la Cour reprenne tout simplement les chiffres du Royaume d’Espagne, qui sont plus cohérents.

60. Je conclus qu’il ne se pose entre les parties aucune question qui exigerait de trancher le point de savoir si l’aide contestée doit être évaluée à la lumière des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale ou de règles ou de lignes directrices spécifiques applicables au secteur du vin.

Le secteur de la sidérurgie

61. Dans son recours, la Commission a déclaré qu’un certain nombre de bénéficiaires du crédit d’impôt de 45 % dans la province d’Álava opéraient dans la sidérurgie, qui est exclue du champ des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale. Le Royaume d’Espagne a contesté la présence de ces bénéficiaires dans les sous-secteurs pertinents ( 48 ). La Commission a alors indiqué six entreprises qu’elle jugeait concernées. Le Royaume d’Espagne a répliqué que les règles applicables au
moment où l’aide a été accordée exigeaient uniquement une notification de l’aide dans certains sous-secteurs et la présentation de rapports semestriels ( 49 ). En toute hypothèse, cinq des entreprises citées soit ne produisent pas de produits relevant de l’encadrement sidérurgique de 1988, soit ne sont soumises à aucune obligation de notification.

62. Dans les tableaux de 2013, la Commission indique sept firmes opérant dans la sidérurgie, tandis que le Royaume d’Espagne désigne six entreprises comme étant concernées par la question. La firme omise par le Royaume d’Espagne n’avait pas été mentionnée par la Commission comme opérant spécifiquement dans la sidérurgie et aucune des preuves invoquées ne semble concerner l’activité de cette firme. Pour le reste, il y a unanimité quant aux sommes et aux dates concernées dans trois cas; il y a des
divergences mineures quant aux dates de récupération dans deux cas et il y a une différence d’opinion quant au montant à exclure de la récupération dans un cas ( 50 ), pour quelque 4 millions d’euros. Toutefois, rien dans les documents invoqués par les parties n’indique que le désaccord soit lié à la nature du secteur d’activité de la personne bénéficiaire.

63. Dans son recours, la Commission a également désigné trois bénéficiaires du crédit d’impôt de 45 % dans la province de Guipúzcoa qu’elle considérait comme opérant dans le secteur sidérurgique. Pour sa défense, le Royaume d’Espagne a produit des certificats relatifs aux activités de ces bénéficiaires, certificats que la Commission peut être considérée comme ayant acceptés puisque, dans son tableau de 2013, elle ne mentionne aucune des trois entreprises comme étant concernée par la question
juridique d’activité dans le secteur sidérurgique.

64. J’en conclus qu’il ne reste plus aucun problème à analyser quant au point de savoir si de l’aide a été accordée à des entreprises opérant dans la sidérurgie.

Grands projets d’investissement

65. Pour un bénéficiaire du crédit d’impôt de 45 % dans la province de Vizcaya ( 51 ), la Commission a fait valoir dans son recours que les autorités espagnoles avaient déduit du montant récupéré une fraction plus importante que celle autorisée par l’encadrement multisectoriel de 1998 ( 52 ). Malgré les notables points de désaccord révélés par les observations écrites, il résulte apparemment des tableaux de 2013 que les parties sont désormais d’accord sur le montant qui devait être récupéré, quelle
que soit la base d’évaluation, et la Commission reconnaît que ce montant a de fait été récupéré dès le 20 juillet 2011.

66. Dans sa réplique, la Commission a encore fait valoir que deux bénéficiaires du crédit d’impôt de 45 % dans la province d’Álava avaient mené de grands projets d’investissements sans que les autorités espagnoles aient démontré que les conditions prévues par l’encadrement multisectoriel de 1998 fussent remplies. Cette allégation ne se reflète pas dans le tableau de 2013 de la Commission et je considère qu’elle n’a pas été défendue devant la Cour.

67. Il n’y a donc pas de problème non résolu à examiner en ce qui concerne l’applicabilité de l’encadrement multisectoriel de 1998.

Déductibilité de l’aide en deçà du plafond de minimis

68. L’article 2 du règlement (CE) no 69/2001 ( 53 ) considérait comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE les aides dont, en particulier, le montant total octroyé à une même entreprise n’excédait pas 100000 euros bruts (ou ESB) sur une période de trois ans. L’article 3 de ce règlement imposait aux États membres de vérifier que tout octroi d’une telle aide
de minimis respectait ces critères en toutes circonstances ainsi que de créer un registre conservant pendant dix ans les informations pertinentes, pour les communiquer sur demande. Des règles similaires étaient déjà contenues dans la communication de 1996 relative aux aides de minimis ( 54 ), même si cette dernière ne prévoyait pas d’obligation de tenir un registre.

69. Lors de la récupération de l’aide versée sous forme de réduction de la base d’imposition pour les entreprises nouvelles, les autorités espagnoles ont initialement réduit de 100000 euros par période de trois ans le montant à récupérer auprès de chacun des bénéficiaires, dont la majorité bénéficiait d’un montant supérieur.

Argumentation des parties

70. La Commission soutient que seule une aide totalisant moins de 100000 euros sur une période de trois ans peut bénéficier de la règle de minimis; les autorités espagnoles n’auraient d’ailleurs pas présenté de document démontrant que l’aide était de minimis. Une aide ne peut être fractionnée en une partie inférieure au plafond de minimis et une autre partie, supérieure à ce plafond. En tant qu’elle déroge à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’exception constituée par la règle de minimis doit être
interprétée strictement, que ce soit dans le cadre de la communication de 1996 ou du règlement no 69/2001. Son objectif de simplifier les procédures ne serait pas atteint si elle s’appliquait à des montants plus élevés, qui exigent en toute hypothèse de procéder à une enquête. Si les destinataires étaient sûrs de garder la fraction de l’aide inférieure au plafond, plus rien ne les encouragerait à limiter les montants ou à s’abstenir de mettre des aides en application avant leur approbation ( 55
). La décision WAM, évoquée par le Royaume d’Espagne ( 56 ), n’était pas le seul précédent disponible ( 57 ).

71. Le Royaume d’Espagne soutient que le texte applicable est la communication de 1996, qui n’imposait pas de tenir des registres pour établir le statut de minimis sur une période de trois ans. En toute hypothèse, il n’aurait pu y avoir d’accumulation d’aides antérieures dans le cas des entreprises nouvelles. En outre, le but de la récupération est de rétablir une situation dans laquelle il n’y a pas de distorsion de concurrence et la raison d’être de la dérogation de minimis est qu’une aide
inférieure au plafond n’affecte pas les échanges entre États membres ( 58 ). Comme une aide inférieure à 100 000 euros sur trois ans est réputée ne pas fausser la concurrence, il suffit de récupérer le montant qui dépasse cette somme. Il serait disproportionné qu’une aide de 100000 euros ne soit pas soumise à l’obligation de notification, alors qu’une aide non notifiée de 100000,01 euros devrait être récupérée dans sa totalité. Dans la décision WAM, la Commission a ordonné la récupération de la
seule fraction de l’aide qui dépasse le plafond. Cette décision a été annulée, mais pas pour des raisons se rapportant à la règle de minimis. Enfin, le Royaume d’Espagne invoque une violation du principe d’égalité de traitement. Dans une affaire antérieure ( 59 ), l’Espagne avait récupéré uniquement les montants excédant 100000 euros par période de trois ans, une façon de procéder qui avait recueilli l’assentiment de la Commission.

Appréciation

72. Premièrement, je considère que cette question doit être appréciée à la lumière de la communication de 1996. Dans chacune des trois décisions concernant des réductions de la base d’imposition, la Commission s’est référée spécifiquement à cette communication pour constater que l’aide versée sur la base des régimes correspondants n’était pas conforme à la règle de minimis ( 60 ). Elle a également déclaré que le résultat serait le même en application du règlement no 69/2001 ( 61 ), mais que ce
règlement s’appliquait uniquement à une aide accordée après son entrée en vigueur le 2 février 2001 ( 62 ). La Commission n’a soulevé aucun grief spécifique relatif à une aide qui aurait été accordée entre cette date et la suppression des régimes d’aide contestés ( 63 ).

73. L’obligation de tenir et de présenter des registres n’était pas prévue dans la communication de 1996. Toutefois, je ne puis admettre que le Royaume d’Espagne n’ait pas été tenu d’établir que le plafond sur trois années cumulées avait été respecté par une aide qui n’a pas été récupérée au motif de la règle de minimis. Il lui fallait donc produire des documents pertinents. L’argument que les régimes s’appliquaient uniquement à des entreprises nouvelles n’est pas pertinent, puisqu’ils
s’appliquaient tous «pour les quatre exercices fiscaux consécutifs à partir du premier où [les entreprises] obtiennent une base imposable positive […] dans les quatre ans suivant le début de leur activité commerciale» ( 64 ), de sorte que des périodes supérieures à trois ans étaient en jeu. La Commission soutient qu’aucun document n’a été produit. La seule réponse du Royaume d’Espagne est qu’elle aurait envoyé à la Commission les déclarations fiscales des entreprises concernées, qui
n’indiqueraient aucun autre octroi d’aide. Je ne considère pas que la présentation de documents n’indiquant pas l’existence d’une aide comme suffisant à prouver l’absence d’aide ou à établir que le plafond de minimis n’était pas dépassé par une aide cumulée sur une période de trois ans.

74. En ce qui concerne la possibilité de fractionner l’aide en un élément de minimis et un autre qui ne le serait pas, l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 1998/2006 ( 65 ) disposait: «Si le montant d’aide total accordé par une mesure d’aide excède [l]e plafond, ce montant d’aide ne peut bénéficier du présent règlement, même pour la fraction n’excédant pas ce plafond […]». La situation juridique au cours de la procédure devant la Cour, du moins jusqu’à la date à laquelle la
totalité de l’aide litigieuse a été récupérée ( 66 ), était donc telle que ce qu’en dit la Commission, mais la règle expresse était nouvelle en 2006.

75. La Commission n’a d’ailleurs pas toujours défendu l’approche qui est la sienne aujourd’hui et la décision WAM n’en est pas le seul exemple. Ainsi, en 2005, elle a déclaré ce qui suit: «L’obligation de récupérer les aides n’exclut […] pas la possibilité que tout ou partie des aides accordées à des bénéficiaires individuels soient compatibles en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 69/2001 […]» ( 67 ). Il s’ajoute à cela que, dans une affaire concernant la récupération d’une aide déclarée
incompatible avec le marché commun, sauf dans la mesure où elle remplissait les conditions de minimis, la Commission a demandé pourquoi il ne serait pas possible de demander le remboursement du montant total de l’aide, en laissant au bénéficiaire le soin d’établir qu’une partie de cette aide relevait en fait de l’exemption prévue pour une aide de minimis ( 68 ).

76. Partant, s’il est louable qu’une règle claire ait été mise en place par le règlement no 1998/2006, le contenu de cette règle ne peut être considéré comme ayant été applicable avant son adoption formelle. Mais il faut alors se demander quelle règle était applicable avant cette adoption.

77. Le double objectif des règles de minimis – identifier les aides n’ayant aucun effet perceptible sur la concurrence ou les échanges entre États membres et permettre à la Commission de se concentrer sur les aides qui dépassent le plafond – conduit aux points de vue contradictoires défendus par les parties et qui peuvent tous deux se justifier dans une certaine mesure.

78. Je considère néanmoins que la Commission a raison. Le Tribunal a souscrit à son argumentation, en termes clairs et détaillés, dans l’arrêt Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission ( 69 ), qui doit être considéré comme un énoncé correct de l’état du droit, tel qu’il se présentait avant même le règlement no 1998/2006. L’arrêt du Tribunal concernait le règlement no 69/2001, qui n’est pas applicable en l’espèce, mais sa motivation était basée sur les principes généraux qui sous-tendent la
dérogation de minimis. Le fait que cet arrêt n’était pas encore prononcé à la date où le Royaume d’Espagne a été invité à récupérer l’aide litigieuse ne change rien au fait qu’il est un énoncé correct de la situation juridique existante. Le Royaume d’Espagne ne peut d’ailleurs invoquer aucune indication claire que la situation antérieure au règlement no 1998/2006 n’était pas la même qu’aujourd’hui; il ne peut alléguer qu’un manque de clarté de la situation. Dans ces circonstances, il ne pouvait
que coopérer avec la Commission, conformément au principe de coopération loyale consacré maintenant par l’article 4, paragraphe 3, TUE, pour mettre fin à toute incertitude.

79. Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de l’égalité de traitement, elle n’a été soulevée par le Royaume d’Espagne qu’au stade de la duplique, sans présenter la moindre preuve que, dans le précédent évoqué, elle ait en fait récupéré uniquement des montants excédant 100000 euros par période de trois ans. Cet argument ne peut donc être invoqué.

80. Compte tenu également du fait que les régimes d’aide étaient globalement illégaux, je conclus que les autorités espagnoles n’avaient pas le droit d’exclure de la récupération les montants inférieurs au plafond de minimis de 100000 euros lorsque l’aide totale versée au bénéficiaire excédait ce plafond.

Application rétroactive d’autres déductions fiscales

Argumentation des parties

81. La Commission déclare que, en ce qui concerne les aides versées au titre des régimes de crédit d’impôt de 45 % dans les provinces d’Álava et de Guipúzcoa et en ce qui concerne la réduction de la base d’imposition pour les entreprises nouvelles dans la province d’Álava, le Royaume d’Espagne a réduit le montant à récupérer en appliquant rétroactivement certaines déductions fiscales dans des circonstances où il n’avait pas été établi que fussent remplies les conditions requises par les articles 37
et 45 de la loi provinciale 24/1996 dans la province d’Álava et par l’article 37 de la loi provinciale 7/1996 de Guipúzcoa, dont les termes sont «pratiquement identiques».

82. Sous certaines conditions, l’article 37 de chacune de ces lois accorde aux entreprises une déduction fiscale égale à 15 % du montant investi dans des actifs fixes neufs (autres que des terrains) affectés au développement de leur activité économique. L’article 45, paragraphe 1, de la loi 24/1996 de la province d’Álava accorde une déduction de 600000 ESP (3606 euros) pour chaque emploi créé et préservé pendant deux ans. Lorsqu’une augmentation des effectifs de 10 % est combinée à une réduction de
10 % du temps de travail, l’article 45, paragraphe 2, renonce au respect de certaines conditions prévues à l’article 37 et augmente la déduction prévue au titre des deux articles, à condition que des plans détaillés soient présentés à l’autorité fiscale.

83. La Commission ne nie pas la possibilité d’une application rétroactive de ces déductions. Toutefois, pour un certain nombre de bénéficiaires de l’aide qualifiée d’illégale, la Commission affirme que le Royaume d’Espagne n’a pas fourni de preuves que les déductions aient été accordées dans le respect des conditions applicables. Le Royaume d’Espagne a répondu que les preuves pertinentes ont été fournies au cours de la procédure précontentieuse et il a, en cours de procédure, versé des documents
supplémentaires au dossier. La Commission ne considère pas ces preuves comme suffisantes en ce qui concerne la province d’Álava, mais elle concède que, à la date du dépôt du mémoire en défense, l’infraction a cessé en ce qui concerne la province de Guipúzcoa.

Appréciation

84. Il me semble que ce volet de l’argumentation de la Commission doit être rejeté. Nul n’a prétendu que les déductions en question feraient partie de l’un des régimes de crédit d’impôt qui ont été qualifiés d’aide d’État illégale. Elles ne sont pas mentionnées dans les décisions de 2001 ou dans l’arrêt de 2006, alors que l’infraction alléguée en l’espèce est la non-exécution de ce dernier arrêt. Par conséquent, le point de savoir si les déductions étaient (ou s’il a été démontré qu’elles étaient)
accordées licitement au regard du droit national est une question qui échappe au champ de la présente procédure.

85. Certes, le grief de la Commission à cet égard n’est pas sans lien avec la récupération de l’aide sous forme de crédits d’impôt qualifiée d’illégale dans les décisions de 2001. Il affecte des montants qui n’ont pas été récupérés au motif que les bénéficiaires auraient pu prétendre à des montants équivalents si l’aide illégale n’avait pas existé, mais ont été empêchés de demander ces montants parce qu’ils avaient reçu cette aide. Mais la Commission ne dit pas que ces montants auraient été
qualifiés à tort d’aide compatible et qu’il n’y avait donc pas lieu de les récupérer.

86. Par ailleurs, la Commission reconnaît que l’approche suivie par le Royaume d’Espagne est en principe valide. Elle n’affirme par exemple pas que toute l’aide illégale aurait d’abord dû être récupérée avant d’appliquer les déductions séparément (ce qui aurait également pu être une approche valide). Si cette approche avait été suivie ou si la Commission avait insisté pour qu’elle le fût, il est certain que les conditions auxquelles les déductions ont été mises en œuvre auraient été totalement
indépendantes de l’exécution de l’arrêt de 2006 (même si, évaluées séparément, ces déductions s’étaient elles-mêmes avérées constituer une aide illégale). Je ne vois pas que l’analyse puisse être différente au seul motif que, au lieu de cela, on a procédé à une compensation entre un ensemble d’avantages fiscaux (les déductions) et un autre (des crédits), à supposer que la compensation soit acceptable en tant que procédure valide.

Montants à récupérer au titre de chaque décision

87. Je suis parvenue aux conclusions suivantes: 1) la nécessité de récupérer l’aide litigieuse doit être évaluée sur le fondement des lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale; 2) l’exigence relative à l’effet d’incitation prévue par ces lignes directrices ne permet de renoncer à la récupération que d’une aide dont il est établi qu’elle a été demandée avant d’entamer les travaux sur le projet d’investissement; 3) il n’y a pas de problèmes juridiques en suspens entre les parties
en ce qui concerne l’applicabilité de règles spécifiques sectorielles ou multisectorielles; 4) les autorités espagnoles n’étaient pas en droit d’exclure de la récupération les fractions de l’aide litigieuse qui étaient en deçà du seuil de minimis de 100000 euros par période de trois ans; 5) toutefois, la Commission a tort de prétendre qu’il aurait fallu récupérer les sommes correspondant à des déductions fiscales accordées rétroactivement, auxquelles les bénéficiaires ne pouvaient prétendre
pendant la période où ils ont bénéficié de l’aide litigieuse.

88. Partant de ces conclusions, il reste à déterminer quel montant a été soumis à une obligation juridique de récupération pour les décisions de 2001. Pour cela, il faudra considérer les chiffres invoqués par chaque partie dans les tableaux de 2013 et prendre position sur les disparités chaque fois qu’approprié et possible.

89. Les chiffres indiqués ci-après ne sont pas tous fournis tels quels par les parties, mais résultent dans certains cas de comparaisons entre les chiffres qu’elles invoquent.

Décision 2002/820 (45 % de crédit d’impôt dans la province d’Álava)

90. Les tableaux de 2013 montrent premièrement que le seul désaccord quant au montant de l’aide initialement accordée concerne une différence de 2048,87 euros pour Martínez Bujanda. Je propose de trancher cette différence en faveur de l’Espagne ( 70 ). Deuxièmement, la Commission considère que 10683553,22 euros auraient dû être récupérés au titre des déductions fiscales rétroactives. Je propose de ne pas tenir compte de ce montant ( 71 ). Pour le reste (respect des lignes directrices de 1998 sur les
aides à finalité régionale), la Commission considère qu’il aurait fallu récupérer 207461498,01 euros. J’estime que seuls devraient être écartés les montants pour lesquels le Royaume d’Espagne a établi que la demande est antérieure au lancement des travaux sur le projet d’investissement ( 72 ). Le Royaume d’Espagne n’a pas allégué l’existence de tels cas dans la province d’Álava.

91. Par conséquent, compte tenu de la différence concernant Martínez Bujanda, je suis d’avis que la récupération aurait dû porter sur 207459449,14 euros.

92. Il n’est pas contesté que cette somme (avec les intérêts) avait été intégralement récupérée au 15 octobre 2013. D’après les dates indiquées par les parties, la récupération a eu lieu pour l’essentiel à partir du mois de mars 2012 et elle était achevée à environ 90 % en mars 2013.

Décision 2002/892 (réduction de la base d’imposition dans la province d’Álava)

93. Concernant les déductions initialement effectuées par le Royaume d’Espagne en vertu des règles de minimis, les tableaux de 2013 montrent que les parties sont d’accord sur un total de 2316461,49 euros récupérés entre septembre 2011 et septembre ou décembre 2012. Il y a un désaccord en ce qui concerne les déductions fiscales rétroactives, mais je propose en tout état de cause d’écarter ces montants ( 73 ).

94. Il reste un point de désaccord sur la récupération de 2586312,37 euros, avec les intérêts, auprès d’une société en liquidation ( 74 ). La Commission soutient qu’elle n’a été informée que le 21 janvier 2013 du fait que la créance des autorités avait été dûment inscrite, alors que le Royaume d’Espagne affirme qu’il l’a informée le 28 juin 2010. L’une et l’autre se fondent sur une lettre que les autorités espagnoles auraient adressée à la Commission, mais qui n’a pu être identifiée dans les
dizaines de milliers de pages présentées à la Cour. Dans ces circonstances, je propose que la Cour se fonde sur la date antérieure.

Décision 2003/27 (45 % de crédit d’impôt dans la province de Vizcaya)

95. Le seul point en discussion en ce qui concerne cette décision concerne la date à laquelle les autorités espagnoles ont établi que la somme de 6194944,87 euros avait été correctement déduite du montant récupéré auprès de Norbega ( 75 ). J’estime, en me fondant sur les observations des parties et sur les tableaux de 2013, que la somme devant effectivement être récupérée ( 76 ) l’a de fait été en novembre 2007, mais que la preuve du bien-fondé de la déduction n’a été fournie qu’en juillet 2012,
avec le mémoire en défense dans la présente procédure. Le montant de l’aide (que les deux parties évaluent à 59 247 555,26 euros) contestée en ce qui concerne l’exigence d’effet incitatif doit être récupéré ( 77 ).

96. Partant, compte tenu du dossier de l’affaire, je propose à la Cour de déclarer que 66664908,29 euros étaient récupérables au titre de la décision 2003/27, dont 54261801,88 euros l’ont été entre septembre et novembre 2011, 7417353,03 euros en juillet 2012 et 4 985 753,38 euros ( 78 ) en février 2013, avec les intérêts.

Décision 2002/806 (réduction de la base d’imposition dans la province de Vizcaya)

97. Le seul point litigieux quant à cette décision concerne les déductions initialement faites par le Royaume d’Espagne en application des règles de minimis. Le montant total concerné a été fixé d’un commun accord à 2 004 658,60 euros, somme intégralement récupérée (avec les intérêts) entre le 30 septembre et le 14 novembre 2011 ( 79 ).

Décision 2002/894 (45 % de crédit d’impôt dans la province de Guipúzcoa)

98. Les points litigieux en ce qui concerne cette décision sont: premièrement, l’exclusion de trois entreprises de la sidérurgie, question que je considère comme ayant été abandonnée par la Commission ( 80 ); deuxièmement, la déduction rétroactive d’autres taxes, pour un montant de 4110495,50 euros, dont je propose de ne pas tenir compte ( 81 ); troisièmement, le respect de l’exigence d’effet incitatif pour une aide de 5909830,30 euros versés à la firme GKN ( 82 ); quatrièmement, l’application des
lignes directrices communautaires pour les aides au sauvetage et à la restructuration ( 83 ) à l’aide d’environ 20 millions d’euros versée à Papresa ( 84 ).

99. Les tableaux de 2013 révèlent un certain nombre d’écarts entre les chiffres donnés par les parties; ceux fournis par le Royaume d’Espagne recèlent parfois des contradictions internes, tandis que ceux de la Commission sont quelquefois plus favorables au Royaume d’Espagne. Dans ces circonstances, je préfère me baser sur les chiffres de la Commission. Cette dernière considère qu’il fallait récupérer 39900773,41 euros. J’accepte ce chiffre, sous réserve d’une divergence d’opinion concernant
5909830,30 euros pour GKN et 20 millions d’euros pour Papresa.

100. Pour GKN, le Royaume d’Espagne soutient que la seule dépense antérieure à la présentation de la demande d’aide était négligeable et concernait des études de faisabilité; la Commission n’accepte pas les éléments de preuve produits. Le Royaume d’Espagne s’appuie sur des documents figurant dans les annexes du recours, documents que je n’ai pas su retrouver en suivant les indications qu’elle donne ( 85 ). Je ne considère donc pas que le Royaume d’Espagne ait établi que l’exigence relative à l’effet
incitatif ait été remplie.

101. Concernant Papresa, le Royaume d’Espagne observe que cette entreprise a pris la succession de La Papelera Española SA, dont le statut d’entreprise en difficulté a été reconnu par la Commission en 1993 ( 86 ). Il invoque le point 99 de la décision 2002/894, où la Commission s’est référée à sa déclaration dans les lignes directrices de 1999 pour les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises, selon laquelle elle «considère que les aides au sauvetage et à la restructuration peuvent
contribuer au développement d’activités économiques sans affecter les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt communautaire lorsque les conditions définies dans les présentes lignes directrices sont remplies».

102. Toutefois, cet argument n’a été soulevé qu’au stade de la duplique et la Commission n’a pas eu l’occasion d’y répondre. Le Royaume d’Espagne a d’ailleurs omis de relever que le point 99 de la décision 2002/894 ajoutait ce qui suit: «À défaut de respecter ces conditions, ces aides sont donc incompatibles avec le marché commun lorsqu’elles sont destinées aux entreprises en difficultés.’ Dès lors, la Commission considère que les aides fiscales en cause en faveur des entreprises en difficulté ne
sauraient être compatibles avec le marché commun au titre de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité en faveur de la promotion de certaines activités». Pour démontrer le respect des conditions figurant dans les lignes directrices de 1994 pour les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises, le Royaume d’Espagne a produit un rapport d’expertise qui prétend établir le respect des conditions générales figurant au point 3.2.2 de ces lignes directrices.
Toutefois, la lecture de ce rapport révèle que les conditions ne sont citées que sous une forme tronquée et que certains aspects n’ont pas été examinés.

103. Dans ces circonstances, je ne considère pas que le Royaume d’Espagne ait établi que l’aide à Papresa puisse être considérée comme remplissant les conditions figurant dans les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises.

104. J’en conclus que la récupération au titre de la décision 2002/894 devait porter sur 39900773,41 euros. Les parties conviennent que, à l’exception de l’aide versée à Papresa, les montants en question ont été récupérés, avec les intérêts, entre novembre 2011 et octobre 2012. L’aide restant due par Papresa (19448623,59 euros, avec les intérêts) a été récupérée entre mars et septembre 2013.

Décision 2002/540 (réduction de la base d’imposition dans la province de Guipúzcoa)

105. Dans ses tableaux de 2013, la Commission soutient que 211159,23 euros ont été exclus à tort de la récupération par le biais de déductions fiscales rétroactives. Je propose de ne pas tenir compte de ce montant ( 87 ).

106. Les parties sont d’accord pour considérer que le montant concerné par les déductions de minimis s’élevait à 1 344 192,60 euros; d’après mon analyse, ce montant aurait dû être récupéré. Selon la Commission, l’intégralité du montant a été récupérée, avec les intérêts, en 2012. Le Royaume d’Espagne indique des dates antérieures pour l’achèvement de la récupération, mais ces dates se réfèrent apparemment à la récupération de montants autres que ceux déduits au titre des règles de minimis. Je
propose dès lors d’accepter les dates indiquées par la Commission.

107. Enfin, il y a un curieux montant de 8,74 euros, pour lequel la Commission soutient que l’ordre de paiement n’a pas été suivi d’effet. Comme la Commission dit également dans un autre tableau que ce montant devait être exclu de la récupération, je propose qu’il n’en soit pas tenu compte.

Conclusion sur les montants à récupérer

108. Je conclus que, en chiffres ronds, une somme principale d’un total de 322 millions d’euros aurait dû être récupérée à la date de l’arrêt de 2006, soit environ 10 % de moins que les 358 millions d’euros mentionnés par la Commission. Je ne suis pas en mesure de calculer le montant des intérêts de façon un tant soit peu précise, mais je propose que la Cour considère que ces intérêts aussi sont inférieurs de 10 % au chiffre indiqué par la Commission.

109. D’après la Commission, environ 13 % du total avaient été récupérés à la date de l’introduction du recours. La Commission s’étant révélée incapable de clairement étayer ses affirmations en ce qui concerne Gasteiz Desarrollo ( 88 ), je propose de considérer que le chiffre réel était de 14 %. Les 86 % restants ont été récupérés après le début de la présente procédure, entre septembre 2011 et octobre 2013.

Sanction financière (somme forfaitaire)

Argumentation des parties

110. La Commission renvoie à sa communication actuelle sur la mise en œuvre de l’article 260 TFUE ( 89 ), où elle déclare qu’elle demandera à la fois une somme forfaitaire sanctionnant la poursuite de l’infraction entre le premier et le deuxième arrêt et une astreinte pour chaque jour de retard après le deuxième arrêt. En l’occurrence, elle a renoncé à cette dernière sanction. La Commission calcule la somme forfaitaire soit sous la forme d’un minimum fixé pour chaque État membre sur la base de son
facteur «n» ( 90 ), soit en multipliant un forfait de base journalier ( 91 ) par le nombre de jours entre la date du premier arrêt et celle de la fin de l’infraction, si cette multiplication conduit à un total plus élevé.

111. Dans la présente affaire, la Commission considère que le coefficient de gravité devrait être fixé à 9, sur une échelle de 1 à 20. Elle souligne la nature fondamentale des dispositions relatives aux aides d’État, la nécessité d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’aide, le fait qu’il y a eu plus de 100 bénéficiaires, le montant non encore récupéré à la date du recours (569 millions d’euros, selon ses calculs) et le fait qu’en deux occasions déjà le Royaume d’Espagne n’a pas
récupéré une aide illégale dans le Pays basque ( 92 ).

112. Par conséquent, elle propose d’imposer un forfait de 25817,40 euros ( 93 ) par jour, à partir de la date de l’arrêt de 2006 jusqu’à la fin de l’infraction le 15 octobre 2013. Elle évalue le nombre de jours à 2 500 et chiffre donc le total à payer à 64 543 500 euros.

113. Le Royaume d’Espagne fait valoir que six régimes différents ont été adoptés par trois autorités infra étatiques différentes et qu’elle devra répercuter une fraction des sanctions sur chacune d’elles. Comme l’aide concernait uniquement le Pays basque, qui représente 6,24 % du PIB espagnol, le montant journalier actuel de 210 euros devrait être multiplié par 6,24 %, ce qui donne 13 euros par jour.

114. Concernant la gravité, le Royaume d’Espagne demande l’application du coefficient minimal au motif que la Commission n’a jamais auparavant, en l’espace de 40 ans, appliqué ses pouvoirs à l’égard d’aides d’État prenant la forme de mesures fiscales. En outre, les mesures en question ont toutes été adoptées avant la communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises ( 94 ), et les autorités basques ont
abrogé les régimes en question après avoir appris que la Commission les considérait comme des aides d’État.

115. Sur cette base, le Royaume d’Espagne propose une sanction pécuniaire de 177,58 euros ( 95 ) par jour.

116. La Commission rejette l’idée que le montant de base doive être multiplié par 6,24 %. Ces montants sont les mêmes pour tous les États membres (et ils doivent être suffisamment élevés pour maintenir une pression sur ces États) ( 96 ) et la Cour n’a jamais auparavant adapté des sanctions financières de manière à tenir compte du caractère restreint de la zone dans laquelle une infraction a lieu.

117. Concernant la gravité, la Commission nie qu’elle n’aurait jamais auparavant exercé ses pouvoirs à l’égard d’aides d’État prenant la forme de mesures fiscales ( 97 ) et elle nie que la communication de 1998 ait changé la situation ( 98 ).

118. Dans la duplique, le Royaume d’Espagne invoque l’arrêt Commission/Italie ( 99 ) et il souligne que la Cour est seule habilitée à fixer le montant d’une sanction. Si une aide doit être récupérée auprès d’un grand nombre de bénéficiaires, il pourra sembler adapté et donc proportionné au manquement constaté d’imposer une sanction tenant compte des progrès faits par l’État membre dans l’exécution de ses obligations ( 100 ). Pour l’application des critères tenant à la gravité de l’infraction et à la
capacité de paiement de l’État membre, la Cour est appelée à tenir compte des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts publics et privés ainsi que de l’urgence pour que l’État membre concerné se conforme à ses obligations ( 101 ). L’imposition d’une somme forfaitaire – pour laquelle la Cour est investie d’un large pouvoir d’appréciation ( 102 ) – doit demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement qu’à l’attitude propre à
l’État membre concerné. En l’espèce, les autorités ont agi de façon consciencieuse. Tant l’autonomie des autorités du Pays basque ( 103 ) que le principe de proportionnalité devraient conduire la Cour à moduler toute sanction éventuelle de manière à tenir compte de la zone géographique concernée.

119. En ce qui concerne la gravité, le Royaume d’Espagne fait valoir en particulier que l’arrêt ( 104 ) évoqué par la Commission en liaison avec la communication de 1998 a été prononcé dans des circonstances radicalement différentes et que l’absence de tout précédent dans des affaires similaires complique le calcul tant des montants à récupérer que des intérêts, entravant ainsi l’exécution de l’arrêt de 2006. En outre, les autorités nationales ont essayé de bonne foi d’appliquer les critères
qu’elles jugeaient corrects pour décider si une aide spécifique devait être récupérée.

Appréciation

120. Il est de jurisprudence constante qu’il appartient à la Cour de déterminer, au vu des circonstances et du degré de dissuasion qui semble requis, le montant de la sanction financière appropriée pour empêcher que des infractions similaires ne se reproduisent. Les lignes directrices de la Commission et ses suggestions ne peuvent lier la Cour, mais peuvent constituer un point de référence utile et contribuer à garantir que les actions de la Commission soient transparentes, prévisibles et
compatibles avec la sécurité juridique. Il appartient à la Cour de fixer la sanction à un niveau approprié aux circonstances et proportionné à l’infraction et à la capacité de paiement de l’État membre. Les considérations pertinentes à cet égard incluent la gravité de l’infraction et le temps qu’elle a perduré après le prononcé de l’arrêt la constatant ( 105 ).

121. Dans la présente affaire, il me paraît clair que l’imposition d’une amende forfaitaire est appropriée en tant que mesure dissuasive. Le montant de l’aide illégale et le retard mis à la récupérer sont considérables et il résulte des innombrables documents figurant au dossier que les autorités espagnoles ont consacré un temps et une énergie non négligeables à vouloir minimiser les montants récupérés, souvent en allant trop loin dans les détails, au prix de nouveaux retards.

122. La Commission demande une condamnation au versement d’une somme forfaitaire de 64543500 euros, obtenue par multiplication d’un taux de base de 210 euros par un coefficient de 9 (pour la gravité), par le facteur «n», égal à 13,66, et par 2500 jours.

123. Les critères de la Commission, publiés par celle-ci, ne prévoient aucune marge de manœuvre qui permettrait de moduler le forfait de base, égal à 210 euros par jour. Ce taux est resté constant dans ces critères publiés pendant la période concernée par la présente procédure. La suggestion du Royaume d’Espagne selon laquelle il devrait être multiplié par 6,24 % a été rejetée par la Cour dans l’arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne ( 106 ).

124. Toutefois, le coefficient de gravité pourrait être réduit proportionnellement de 9 à 8 sur une échelle de 20, si la Cour retient mon évaluation des montants qui devaient en fait être récupérés ( 107 ). Le facteur «n» pourrait également être ramené à 13,28, à la lumière des chiffres actualisés de la Commission ( 108 ). Cela aboutirait à un forfait de 22310,40 euros par jour, au lieu des 25817,40 euros initialement demandés par la Commission.

125. Selon la Commission, 2500 jours se seraient écoulés entre le prononcé de l’arrêt de 2006, le 14 décembre 2006, et la récupération finale et complète de l’aide. Ce calcul me semble correct si l’on prend en compte toute la période jusqu’au 18 octobre 2013, où la Commission a jugé que l’aide avait été intégralement récupérée, avec les intérêts. Cela aboutirait, au taux de 22310,40 euros par jour, à une amende forfaitaire de 55776000 euros.

126. Toutefois, il résulte clairement de la jurisprudence que la pratique de la Cour a toujours été non pas de suivre les calculs détaillés de la Commission pour fixer une somme forfaitaire, mais de déterminer un montant adéquat, fixé en chiffres ronds sur la base de l’ensemble des circonstances. Ce faisant, elle n’a généralement pas fourni le détail de sa motivation, mais a simplement relevé les divers facteurs aggravants et atténuants pris en compte (comme, respectivement, le comportement
dilatoire ou la bonne foi des autorités nationales). En outre, une analyse des affaires dans lesquelles la Commission a demandé et la Cour a imposé une telle sanction montre que le montant imposé par la Cour a toujours été notablement inférieur à celui demandé par la Commission, puisqu’il oscillait entre 8 et 62 % de ce montant, avec une moyenne d’environ 40 % ( 109 ). Sans vouloir suggérer que la Cour soit en quoi que ce soit liée par sa pratique antérieure ( 110 ), je considère que ces
chiffres constituent une toile de fond intéressante, particulièrement si on les examine au regard de facteurs comme la gravité et la durée de l’infraction que la Cour a pris en considération.

127. La présente affaire est la quatrième dans laquelle la Commission a demandé l’imposition à un État membre d’une somme forfaitaire pour la non-récupération d’une aide d’État illégale (les autres affaires dans lesquelles elle a demandé une telle imposition sont moins comparables, dans la mesure où elles concernent essentiellement la non-transposition de directives ou l’absence de conformité du droit national avec le droit de l’UE). J’évalue à 322 millions d’euros le montant en cause en l’espèce et
je considère que l’infraction a duré six ans et dix mois.

128. Par comparaison, dans l’affaire Commission/Grèce ( 111 ), la non-récupération d’environ 23 millions d’euros sur une période de plus de quatre ans a donné lieu à l’imposition d’une somme forfaitaire de 2 millions d’euros (environ 13 % du montant qui avait été demandé par la Commission); dans l’affaire Commission/Italie ( 112 ), la non-récupération d’environ 188 millions d’euros sur quelque sept années et demie a entraîné le prononcé d’une condamnation à payer 30 millions d’euros (environ 43 % du
montant demandé par la Commission); enfin, dans l’affaire Commission/Espagne ( 113 ), le non-recouvrement d’environ 23 millions d’euros sur une période de plus de dix ans a justifié une condamnation à 20 millions d’euros (approximativement 38 % du montant demandé par la Commission).

129. Vu sous un autre angle, si on les rapporte au nombre de mois de retard et au nombre de millions d’euros, les sommes à récupérer sont remarquablement similaires dans les deux premières affaires (entre 1730 et 1740 euros), tandis que leur montant est notablement supérieur dans la dernière affaire (aux alentours de 8333 euros). Si l’on prend le premier chiffre comme base, le montant final sera d’environ 50 millions d’euros, tandis que ce montant sera de quelque 220 millions d’euros si l’on se
fonde sur le chiffre cité en second lieu.

130. Apparemment, dans l’affaire Commission/Espagne, un facteur aggravant notable retenu par la Cour a été le fait que l’exécution du premier arrêt n’aurait pas dû «se heurter à des difficultés majeures, étant donné que le nombre des bénéficiaires des aides illégales en cause était faible, qu’ils étaient nommément identifiés et que les sommes à récupérer étaient précisées dans cette décision» ( 114 ).

131. Il n’en va pas de même en l’espèce. En effet, les bénéficiaires étaient nombreux et les montants qui devaient être récupérés ou être exclus de la récupération n’étaient ni identifiés ni évidents. Je propose donc que la Cour adopte une approche analogue à celle qu’elle a retenue dans l’affaire Commission/Grèce (arrêt du 7 juillet 2009), et dans l’affaire Commission/Italie en prenant comme point de départ une somme de 50 millions d’euros.

132. Je ne vois pas non plus de raison impérative d’augmenter ou de réduire ce montant. C’est un montant significatif – plus élevé qu’aucune condamnation à une somme forfaitaire jusqu’ici prononcée par la Cour – qui devrait avoir un fort effet dissuasif sur tous les États membres, sans qu’il soit besoin de l’augmenter. Il reste certes que l’infraction est grave, dans la mesure où elle se rapporte à une aide d’État portant sur des montants plus élevés que n’importe quelle aide versée auparavant dans
des affaires similaires et qui est de nature à affecter sérieusement les échanges entre les États membres, sur une période de temps considérable (des opérations de récupération dignes de ce nom n’ont été entamées que plus de quatre ans après l’arrêt de 2006).

Conclusion

133. À la lumière des observations qui précèdent, je propose à la Cour de:

— déclarer que, en n’adoptant pas dans les délais les mesures requises pour l’exécution de l’arrêt du 14 décembre 2006, Commission/Espagne (C‑485/03 à C‑490/03), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des décisions visées dans cet arrêt ainsi qu’en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE;

— condamner le Royaume d’Espagne à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de 50 millions d’euros;

— condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Par souci de cohérence, je m’en tiendrai à l’orthographe espagnole utilisée aux stades antérieurs de la procédure, même si l’orthographe basque s’en écarte et si l’orthographe espagnole officielle tient aujourd’hui compte de l’orthographe basque.

( 3 ) Voir JO 1999, C 351, p. 29; JO 2000, C 55, p. 2, et JO 2000, C 71, p. 8.

( 4 ) Décision 2002/820/CE, concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur des entreprises de la province d’Álava sous la forme d’un crédit d’impôt de 45 % des investissements (JO 2002, L 296, p. 1); décision 2002/892/CE, concernant le régime d’aide d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur de certaines entreprises nouvellement créées dans la province d’Álava (JO L 314, p. 1); décision 2003/27/CE, concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en
faveur des entreprises de la province de Vizcaya sous la forme d’un crédit d’impôt de 45 % des investissements (JO 2003, L 17, p. 1); décision 2002/806/CE, concernant le régime d’aide d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur de certaines entreprises nouvellement créées dans la province de Vizcaya (JO L 279, p. 35); décision 2002/894/CE, concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur des entreprises de la province de Guipúzcoa sous la forme d’un crédit d’impôt de
45 % des investissements (JO L 314, p. 26), et décision 2002/540/CE, concernant le régime d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur de certaines entreprises nouvellement créées dans la province de Guipúzcoa (JO L 174, p. 31) (ci-après les «décisions de 2001»).

( 5 ) Décision 2002/820, point 76; décisions 2002/892, 2002/806 et 2002/540, point 78, ainsi que décisions 2003/27 et 2002/894, point 83.

( 6 ) Décision 2002/820, point 98; décisions 2002/892, 2002/806 et 2002/540, point 90; décision 2003/27, point 105, et décision 2002/894, point 107.

( 7 ) Décision 2002/820, points 76 à 94, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, points 83 à 100.

( 8 ) JO 1998, C 74, p. 9, avec une modification publiée au JO 2000, C 258, p. 5 (ci-après les «lignes directrices de 1998 sur les aides à finalité régionale»).

( 9 ) Décision 2002/820, point 83, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, point 89.

( 10 ) Points 78 à 90 de chaque décision (2002/540, 2002/806 et 2002/892).

( 11 ) Arrêt Commission/Espagne (C-485/03 à C-490/03, Rec. p. I-11887, ci-après l’«arrêt de 2006»).

( 12 ) Point 81 de l’arrêt de 2006.

( 13 ) Pour les régimes prévoyant un crédit d’impôt de 45 %, voir arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T-227/01 à T-229/01, T-265/01, T-266/01 et T-270/01, Rec. p. II-3029); pour les régimes prévoyant une réduction de la base d’imposition, voir arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01).

( 14 ) Pour les régimes prévoyant un crédit d’impôt de 45 %, voir arrêt du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑471/09 P à C‑473/09 P). Pour les régimes prévoyant une réduction de la base d’imposition, voir arrêt du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑474/09 P à C‑476/09 P).

( 15 ) Arrêt Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑471/09 P à C‑473/09 P), précité dans la note 14 (points 98, 99 et 102), avec références à l’arrêt du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, Rec. p. I-4727, points 63, 64, 115 et 130, ainsi que jurisprudence citée).

( 16 ) SEC(2005) 1658, du 13 décembre 2005, dans sa version mise à jour par la communication SEC(2010) 923, du 20 juillet 2010.

( 17 ) Voir point 15 ci-dessus.

( 18 ) Règlement du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1).

( 19 ) JO 1979, C 31, p. 9.

( 20 ) JO 2002, C 119, p. 22.

( 21 ) Arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑465/09 P à C‑470/09 P, points 121 et 122).

( 22 ) Voir, en particulier, note 37 dans la décision 2002/820, note 33 dans la décision 2002/894 et note 34 dans la décision 2003/27.

( 23 ) Points 31 et 32 supra.

( 24 ) JO 1999, C 351, p. 33, dernier alinéa; JO 2000, C 71, p. 13, troisième alinéa; décision 2002/820, point 83, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, point 89.

( 25 ) Voir supra point 32 et note 21.

( 26 ) Points 12 et 50 de l’arrêt de 2006.

( 27 ) Voir, également, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C-390/06, Rec. p. I-2577, point 69).

( 28 ) Point 27 de la décision 2002/820 et point 23 des décisions 2002/894 et 2003/27.

( 29 ) Voir supra, point 31 et note 19.

( 30 ) Règlement de la Commission, du 24 octobre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides nationales à l’investissement à finalité régionale (JO L 302, p. 29).

( 31 ) Règlement de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (JO L 214, p. 3).

( 32 ) Décision 2000/795/CE, du 22 décembre 1999, concernant l’aide d’État mise à exécution par l’Espagne en faveur de Ramondín SA et de Ramondín Cápsulas SA (JO 2000, L 318, p. 36), considérant 134 et article 1er.

( 33 ) Article 1er et considérant 7 dans le préambule.

( 34 ) Arrêt du 13 juin 2013 (C‑630/11 P à C‑633/11 P, point 105).

( 35 ) Arrêt du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission (C-57/00 P et C-61/00 P, Rec. p. I-9975, point 52).

( 36 ) Précité à la note 35.

( 37 ) Décision 2002/820, point 83, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, point 89.

( 38 ) Décision 2002/820, points 25, 27, 33, 87, 90 et 91, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, points 1, 7, 21, 23, 43, 49, 93, 96 et 97.

( 39 ) Voir supra, point 6.

( 40 ) Décision 2002/820, points 84 à 87, ainsi que décisions 2002/894 et 2003/27, points 90 à 93.

( 41 ) Voir supra, point 37 et notes 30 et 31.

( 42 ) Point 8 de chacune des décisions relatives à des régimes de crédit d’impôt de 45 %.

( 43 ) Point 63 de l’arrêt de 2006.

( 44 ) Points 98 et suiv. ci-dessous.

( 45 ) Voir point 37 et note 32 supra.

( 46 ) Par exemple, arrêt du 10 novembre 2011, The Rank Group (C-259/10 et C-260/10, Rec. p. I-10947, point 62 et jurisprudence citée).

( 47 ) Lignes directrices, point 2 et note 5.

( 48 ) En particulier, ceux identifiés dans l’encadrement de certains secteurs sidérurgiques hors CECA (JO 1988, C 320, p. 3, ci-après l’«encadrement sidérurgique de 1988»).

( 49 ) Encadrement sidérurgique de 1988, point 4.

( 50 ) Condesa Fabril SA.

( 51 ) Compañía Norteña de Bebidas Gaseosas Norbega SA (ci-après «Norbega»).

( 52 ) Encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d’investissement (JO 1998, C 107, p. 7).

( 53 ) Règlement de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO L 10, p. 30). Ce règlement a été remplacé par le règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (JO L 379, p. 5), lui-même remplacé par le règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (JO L 352, p. 1).

( 54 ) JO 1996, C 68, p. 9 (ci-après la «communication de 1996»).

( 55 ) Arrêt du Tribunal du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission (T-394/08, T-408/08, T-453/08 et T-454/08, Rec. p. II-6255, points 299 à 311). Les pourvois contre cet arrêt (HGA e.a./Commission, précité note 34) ne concernaient pas la règle de minimis.

( 56 ) Décision 2006/177/CE de la Commission, du 19 mai 2004, concernant l’aide d’État C 4/2003 (ex NN 102/2002) mise à exécution par l’Italie en faveur de WAM SpA (JO 2006, L 63, p. 11). Cette décision a été annulée par l’arrêt du Tribunal du 6 septembre 2006, Italie et Wam/Commission (T‑304/04 et T‑316/04), confirmé par l’arrêt de la Cour du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam (C-494/06 P, Rec. p. I-3639), mais sans référence à la règle de minimis.

( 57 ) La Commission cite les décisions 2001/46/CE de la Commission, du 26 juillet 2000 (JO 2001, L 18, p. 18); 2002/142/CE de la Commission, du 18 juillet 2001 (JO 2002, L 48, p. 20); 2003/643/CE de la Commission, du 13 mai 2003 (JO L 227, p. 12), et 2006/937/CE de la Commission, du 5 juillet 2005 (JO 2006, L 366, p. 1). Elle affirme que, dans aucune de ces décisions, elle n’a adopté la même approche que dans la décision WAM.

( 58 ) Voir règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1), qui a formé la base juridique du règlement no 69/2001: voir en particulier considérant 9 et article 2.

( 59 ) Arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Espagne (C-177/06, Rec. p. I-7689).

( 60 ) Points 20 et 75 de chacune des trois décisions, avec les notes en bas de page.

( 61 ) Note sous le point 75 de chacune des trois décisions.

( 62 ) Article 4 de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 4 du règlement no 1998/2006.

( 63 ) Voir, également, points 23 et 24 de son recours dans la procédure qui a conduit à l’arrêt de 2006, où elle a concédé qu’aucune aide supplémentaire ne pouvait être accordée après le 23 octobre 2001 au plus tard.

( 64 ) Point 7 de chacune des trois décisions.

( 65 ) Précité dans la note 53.

( 66 ) La même règle explicite ne semble pas figurer au règlement no 1407/2013, bien que l’article 3, paragraphe 7, de ce dernier dispose: «Si l’octroi de nouvelles aides de minimis porte le montant total des aides de minimis au-delà du plafond applicable […], aucune de ces nouvelles aides ne peut bénéficier du présent règlement».

( 67 ) Décision 2006/638/CE de la Commission, du 6 septembre 2005, concernant le régime d’aides que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières spécialisés dans la détention d’actions de sociétés à capitalisation faible ou moyenne cotées sur des marchés réglementés (JO 2006, L 268, p. 1), considérant 60, mise en italique ajoutée.

( 68 ) Arrêt du 13 novembre 2008, Commission/France (C-214/07, Rec. p. I-8357); voir réplique de la Commission, au point 25.

( 69 ) Précité à la note 55.

( 70 ) Voir point 59 supra.

( 71 ) Points 81 à 86 supra.

( 72 ) Points 38 et suiv. supra.

( 73 ) Points 81 à 86 supra.

( 74 ) Gasteiz Desarrollo Industrial e Ingeniería SA (ci-après «Gasteiz Desarrollo»).

( 75 ) Voir point 63 supra.

( 76 ) Fixée d’un commun accord à 7 417 353,03 euros.

( 77 ) Points 38 et suiv. supra.

( 78 ) Aide à Industrias de Maderas Aglomeradas.

( 79 ) Pour une somme de 200000 euros (Ingenería y Construcción de Matrices), la Commission soutient que la récupération n’a été effective (ou prouvée) que le 11 juillet 2012, mais les preuves qu’elle invoque n’ont pas été présentées à la Cour.

( 80 ) Voir point 63 supra.

( 81 ) Points 81 à 86 supra.

( 82 ) GKN Driveline Zumaia SA. Dans trois autres dossiers, la Commission a reconnu l’existence d’un effet incitatif et dans huit autres, le Royaume d’Espagne n’a pas soutenu que la demande d’aide ait été présentée avant d’entamer les travaux sur le projet (points 38 et suiv. supra).

( 83 ) JO 1994, C 368, p. 12, remplacé par le texte publié au JO 1999, C 288, p. 2 (ci-après les «lignes directrices [de 1994/1999] pour les aides au sauvetage et à la restructuration»).

( 84 ) Papresa SA. Il y a environ 500000 euros d’écart entre le montant de l’aide indiqué par la Commission et celui donné par le Royaume d’Espagne.

( 85 ) Je reconnais que l’identification d’un document particulier est rendue plus difficile par la présentation de ces annexes sous forme de DVD contenant des dossiers «compressés» de pages au format pdf non consultable, mais le Royaume d’Espagne avait été prié de clairement préciser les éléments de preuve sur lesquels il s’appuie (point 17 supra).

( 86 ) Communication de la Commission C 29/92 (NN 12/92) (JO 1993, C 123, p. 7).

( 87 ) Points 81 à 86 supra.

( 88 ) Voir point 94 supra.

( 89 ) SEC(2005) 1658 (JO 2007, C 126, p. 15), mis à jour par SEC(2010) 923/3.

( 90 ) Défini comme une moyenne géométrique fondée, d’une part, sur le PIB de l’État membre et, d’autre part, sur la pondération des voix au Conseil. Pour le Royaume d’Espagne, à la date où le recours a été introduit dans la présente affaire, le facteur «n» était égal à 13,66 et la somme forfaitaire minimale s’élevait à 7 215 000 euros. À l’heure actuelle, ces valeurs sont respectivement 13,28 et 7 036 000 euros [C(2012) 6106 final, du 31 août 2012].

( 91 ) Actuellement un minimum de 210 euros, multiplié par un coefficient de gravité.

( 92 ) Arrêts du 2 juillet 2002, Commission/Espagne (C-499/99, Rec. p. I-6031), et du 20 septembre 2007, Commission/Espagne (précité note 59).

( 93 ) Autrement dit 210 euros, multipliés par un coefficient de 9 pour la gravité et par le facteur «n» pour l’Espagne, à savoir 13,66.

( 94 ) JO 1998, C 384, p. 3 (ci-après la «communication de 1998»).

( 95 ) 13 euros, multipliés par un coefficient de 1 pour la gravité et par le facteur «n» pour l’Espagne, à savoir 13,66.

( 96 ) SEC(2005) 1658, point 15.

( 97 ) Elle se réfère à la décision 93/337/CEE de la Commission, du 10 mai 1993, concernant un système d’aides fiscales à l’investissement au Pays basque (JO L 134, p. 25).

( 98 ) Arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T-30/01 à T-32/01 et T-86/02 à T-88/02, Rec. p. II-2919, points 314 et 315 ainsi que jurisprudence citée).

( 99 ) Arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (C-496/09, Rec. p. I-11483).

( 100 ) Ibidem, point 49 et jurisprudence citée.

( 101 ) Ibidem, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée.

( 102 ) Ibidem, point 83 et jurisprudence citée.

( 103 ) Le Royaume d’Espagne cite les arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C-88/03, Rec. p. I-7115), et du 11 septembre 2008, UGT-Rioja e.a. (C-428/06 à C-434/06, Rec. p. I-6747).

( 104 ) Précité à la note 98.

( 105 ) Par exemple, arrêts Commission/Italie, précité à la note 99, points 35 à 37, et du 11 décembre 2012, Commission/Espagne (C‑610/10, points 115 et suiv.).

( 106 ) Voir note 105, point 132 des motifs.

( 107 ) Points 108 et 109 supra.

( 108 ) Note 90. Dans l’affaire Commission/Belgique (arrêt du 17 octobre 2013, C‑533/11, point 35), la Commission elle-même s’est fondée sur des données mises à jour après l’introduction de son recours.

( 109 ) Arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France (C-121/07, Rec. p. I-9159); du 4 juin 2009, Commission/Grèce (C-568/07, Rec. p. I-4505); du 4 juin 2009, Commission/Grèce (C-109/08, Rec. p. I-4657); du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C-369/07, Rec. p. I-5703); du 31 mars 2011, Commission/Grèce (C-407/09, Rec. p. I-2467); Commission/Italie (précité à la note 99); du 11 décembre 2012, Commission/Espagne (précité à la note 105); du 19 décembre 2012, Commission/Irlande (C‑279/11); du 19 décembre
2012, Commission/Irlande (C‑374/11); du 30 mai 2013, Commission/Suède (C‑270/11); du 25 juin 2013, Commission/République tchèque (C‑241/11); Commission/Belgique (précité à la note 108), et du 28 novembre 2013, Commission/Luxembourg (C‑576/11).

( 110 ) Je ne prétends pas non plus que – contrairement à la situation visée à l’article 260, paragraphe 3, TFUE – il soit interdit à la Cour d’imposer un montant plus élevé que celui demandé par la Commission.

( 111 ) Arrêt du 7 juillet 2009, précité dans la note 109.

( 112 ) Précitée dans la note 99.

( 113 ) Arrêt du 11 décembre 2012, précité dans la note 105.

( 114 ) Ibidem, point 145.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-184/11
Date de la décision : 23/01/2014
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260 TFUE – Aides d’État – Récupération – Régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur – Aides individuelles accordées dans le cadre de ce régime – Sanction pécuniaire.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume d'Espagne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:33

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award