La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2013 | CJUE | N°C-166/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Radek Časta contre Česká správa sociálního zabezpečení., 05/12/2013, C-166/12


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 décembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires — Règlements (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 et (CE, Euratom) no 723/2004 — Fonctionnaires de l’Union — Droits à pension acquis dans le régime national — Transfert au régime de pension de l’Union — Méthode de calcul — Notion de ‘capital représentant les droits à pension’»

Dans l’affaire C‑166/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au t

itre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský soud v Praze (République tchèque), par décision du 27 mars 2012, pa...

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 décembre 2013 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires — Règlements (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 et (CE, Euratom) no 723/2004 — Fonctionnaires de l’Union — Droits à pension acquis dans le régime national — Transfert au régime de pension de l’Union — Méthode de calcul — Notion de ‘capital représentant les droits à pension’»

Dans l’affaire C‑166/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský soud v Praze (République tchèque), par décision du 27 mars 2012, parvenue à la Cour le 3 avril 2012, dans la procédure

Radek Časta

contre

Česká správa sociálního zabezpečení,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2013,

considérant les observations présentées:

— pour M. Časta, par lui-même,

— pour la Česká správa sociálního zabezpečení, par Me J. Laumannová, advokátka,

— pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et D. Hadroušek, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. D. Martin et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO 1968, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom)
no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le «statut»), ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Časta à la Česká správa sociálního zabezpečení (Administration de la sécurité sociale de la République tchèque, ci-après la «ČSSZ») au sujet du calcul du capital représentant les droits à pension qu’il a acquis dans le régime de pension national et qui est susceptible d’être transféré, pour son compte, au régime de pension de l’Union.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dans sa version résultant du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 571/92 du Conseil, du 2 mars 1992, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 62, p. 1), a été libellé comme suit:

«Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir:

— cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale,

ou

— exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés, soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

[…]»

4 Dans sa version résultant du règlement no 723/2004, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut énonce:

«Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir

— cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale,

— exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser aux Communautés le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension communautaire au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de
transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension.»

5 La décision de la Commission du 28 avril 2004, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (Informations administratives no 60-2004, du 9 juin 2004), dispose à son article 6:

«Tout montant à transférer, dû par la caisse de pension dont relevait l’agent, doit être certifié comme étant le capital actualisé représentatif des droits à pension acquis avant l’entrée [au] service des Communautés, ou, dans le cas d’une demande au titre de l’article 11, paragraphe 3, de l’annexe VIII du statut, avant sa réintégration.

Le montant à transférer doit correspondre à la totalité de ce capital. Il peut correspondre à des droits résultant de périodes accomplies au service de plusieurs administrations, organisations ou au titre de plusieurs activités salariées ou non salariées».

Le droit tchèque

6 En vertu des articles 3 à 5 de la loi no 589/1992 relative aux cotisations de sécurité sociale et aux cotisations à la politique nationale de l’emploi, telle que modifiée, l’employeur et le salarié versent des cotisations sociales à l’assurance vieillesse tchèque. Le taux des cotisations patronales s’élevait à 19,5 % de l’assiette entre 1996 et 2003, et il est de 21,5 % depuis 2004, l’assiette de ces cotisations patronales étant égale à la somme des assiettes de tous les salariés de l’employeur
concerné. Au cours de cette période, le taux des cotisations salariales s’élevait à 6,5 % de l’assiette.

7 Il ressort des articles 33 à 36 de la loi no 155/1995 relative à l’assurance vieillesse, telle que modifiée (ci-après la «loi no 155/1995»), que le montant de la pension de retraite est égal à la somme d’un montant de base, identique pour tous les demandeurs d’une prestation, et d’un montant variable dont le niveau dépend de la durée totale d’assurance accomplie par le demandeur et du niveau de la base de calcul le concernant.

8 Aux termes de l’article 34, paragraphe 1, de ladite loi, le niveau du montant variable s’élève, pour chaque année complète d’assurance, à 1,5 % de la base de calcul par mois. Dans la durée d’assurance sont incluses, à concurrence de 80 %, les périodes au cours desquelles l’assuré n’a généralement perçu aucun revenu pouvant être pris en compte (dénommées «périodes d’assurance assimilées»), qui couvrent par exemple les congés parentaux, les périodes d’études, etc.

9 Selon l’article 15 de la loi no 155/1995, la base de calcul est déterminée en fonction de l’assiette personnelle du salarié. Celle-ci est égale, en vertu de l’article 16 de cette même loi, à la moyenne des revenus mensuels, actualisés à la date du calcul, soumis au versement de cotisations d’assurance vieillesse pour toute la durée d’assurance, mais qui est toutefois limitée aux 30 dernières années. Pour une assiette personnelle inférieure ou égale à 10 000 couronnes tchèques (CZK), la base de
calcul correspond à l’assiette personnelle. Les sommes dépassant ce plafond sont intégrées, jusqu’à 24800 CZK, à hauteur de 30 %, dans la base de calcul et celles dépassant ce second plafond sont intégrées à hauteur de 10 % dans cette base.

10 Les périodes d’assurance assimilées sont comptées dans la période d’assurance. Pour calculer l’assiette personnelle, les périodes dites «exclues», lesquelles correspondent pour l’essentiel aux périodes d’assurance assimilées, sont déduites de la période concernée.

11 En vertu de l’article 105 a, paragraphes 1 et 4, de la loi no 155/1995, qui vise à mettre en œuvre les dispositions du statut, les assurés qui sont devenus des fonctionnaires ou d’autres agents des Communautés et qui ont cessé d’exercer une activité lucrative en République tchèque ont droit au transfert des droits à pension qu’ils ont acquis dans cette dernière au régime de pension des Communautés si aucune pension ne leur a été octroyée en vertu de l’assurance vieillesse tchèque, étant précisé
que «[p]ar droits à pension […], on entend la somme d’argent fixée sous forme de l’équivalent actuariel en fonction des périodes d’assurance accomplies et des assiettes».

12 Le règlement du gouvernement no 587/2006 établissant les règles détaillées du transfert réciproque des droits à pension en ce qui concerne le régime de pension des Communautés (ci-après le «règlement gouvernemental no 587/2006») contient des dispositions précises quant au transfert des droits à pension d’un fonctionnaire tchèque entré au service des Communautés. Il prévoit, à son article 2, les règles de calcul de la somme à transférer en tant que droit à pension acquis en République tchèque dans
les termes suivants:

«1)   La somme d’argent fixée en tant que droit à pension transféré qui a été acquis en République tchèque est calculée comme étant le produit de la valeur unitaire de la pension différée et du total du montant variable prévu de la pension de retraite et d’une part proportionnelle du montant de base de la pension de retraite.

2)   Le montant variable prévu de la pension de retraite est calculé selon la méthode fixée à l’article 34, paragraphe 1, de la loi sur l’assurance vieillesse en ce sens que la période d’assurance et la base de calcul sont déterminées à la date décisive; on entend par date décisive la date de la demande de transfert des droits à pension auprès de l’institution compétente des Communautés européennes […]. Aux fins de déterminer l’assiette personnelle, on considère comme étant une période exclue la
période d’affiliation au régime de pension des Communautés européennes. […]

3)   La part proportionnelle du montant de base de la pension de retraite est calculée en multipliant le montant de base de la pension de retraite applicable à la date décisive par la fraction que représente la période d’assurance accomplie dans le cadre de l’assurance vieillesse tchèque à la date décisive par rapport au total des périodes d’assurance accomplies dans le cadre de l’assurance vieillesse tchèque à la date décisive et des périodes d’assurance accomplies depuis la date décisive
jusqu’à la date où le demandeur du transfert des droits à pension […] a atteint l’âge de la retraite en application des dispositions en vigueur à la date décisive. […]

4)   La valeur unitaire de la pension différée est fixée en fonction de l’âge atteint par le demandeur à la date décisive […], en fonction des tables de mortalité en vigueur à la date décisive et de 70 % de la valeur du taux d’intérêt technique maximal fixé par une disposition juridique particulière aux fins de l’assurance […]

5)   Aux fins de déterminer la valeur unitaire de la pension différée, on utilise les tables de mortalité du ministère du Travail et des Affaires sociales, qui sont uniformes pour les hommes et les femmes et qui sont toujours fixées pour des périodes de cinq années calendaires consécutives.

6)   La somme d’argent calculée en application des paragraphes 1 à 5 est majorée d’un montant déterminé au titre des intérêts sur la somme d’argent calculée en application des paragraphes 1 à 5 pour la période allant de la date décisive jusqu’à la date précédant le jour du transfert de la somme d’argent […] sur le compte du régime de pension des Communautés européennes. […]»

13 L’annexe du règlement gouvernemental no 587/2006 contient la formule de calcul de la valeur unitaire de la pension différée. Le taux d’intérêt technique maximal est fixé à l’article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement gouvernemental no 434/2009 en fonction des rendements moyens des emprunts obligataires de l’État.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 M. Časta, fonctionnaire de la Commission européenne, a été affilié, avant de prendre ses fonctions au service de celle-ci le 1er décembre 2006, au régime tchèque d’assurance vieillesse. Les cotisations correspondantes ont été versées à ce régime.

15 Le 28 novembre 2008, M. Časta a demandé à la Commission, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le transfert de ses droits à pension acquis en République tchèque.

16 Cette demande a été transmise à la ČSSZ, qui a adopté, le 8 février 2011, une décision par laquelle elle proposait le transfert d’une somme de 523584 CZK, montant ayant été calculé en application de la réglementation nationale. Cette somme était inférieure à la moitié des cotisations globales versées jusqu’à cette date au régime de pension tchèque pour le compte de M. Časta.

17 M. Časta a introduit une réclamation à l’encontre de ladite décision. Selon lui, la méthode de calcul prévue par la réglementation tchèque est contraire aux dispositions combinées des articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et 4, paragraphe 3, TUE. Il a soutenu que la somme à transférer devrait se rapprocher du montant total des cotisations versées, voire dépasser ce montant. M. Časta a également invoqué une violation du principe d’égalité de traitement. Il a, en outre, contesté le
fait que le calcul de ses droits à pension n’a pas pris en compte la période au cours de laquelle il a cotisé au régime de pension de l’Union.

18 La ČSSZ a rejeté cette réclamation par décision du 10 mai 2011. Le 12 mai 2011, M. Časta a introduit un recours en annulation de cette dernière devant le Krajský soud v Praze (tribunal régional de Prague).

19 C’est dans ces conditions que le Krajský soud v Praze a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Comment convient-il de comprendre la notion de ‘capital […] représentant les droits à pension’ visée à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII [du statut]? Cette notion inclut-elle le niveau des droits à pension fixé tant sous la forme de l’équivalent actuariel que sous la forme du forfait de rachat au sens de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004 […], ou doit-on l’assimiler uniquement à une seule
de ces notions et, si tel n’est pas le cas, en quoi se distingue-t-elle de ces notions?

2) Les dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et de l’article 4, paragraphe 3, [TUE] s’opposent-elles à l’utilisation de la méthode de calcul des droits à pension fixée à l’article 105 a, paragraphe 1, de la loi no 155/1995 relative à l’assurance vieillesse et dans le [règlement gouvernemental no 587/2006]? À cet égard, est-il pertinent que cette méthode de calcul implique, dans le cas concret, que le niveau des droits à pension proposés au transfert vers
le régime de pension [de l’Union] soit fixé à un niveau n’atteignant pas même la moitié des cotisations versées par le fonctionnaire au régime de pension national?

3) Doit-on interpréter l’arrêt [du 16 décembre 2004, My (C-293/03, Rec. p. I-12013)], en ce sens que, aux fins du calcul de la valeur des droits à pension transférés au régime de pension de [l’Union] au moyen de la méthode de l’équivalent actuariel appliquée en fonction de la période d’assurance, on doit inclure dans l’assiette personnelle également la période au cours de laquelle le fonctionnaire de l’[Union], avant la date de dépôt de la demande de transfert des droits à pension, était déjà
affilié au régime de pension de [l’Union]?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut déterminer le montant du capital représentant les droits à pension au moyen de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat, prévus par cette disposition du statut avant sa modification par le règlement no 723/2004, ou s’il doit appliquer uniquement l’une de ces méthodes.

21 L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dans sa version antérieure à sa modification par le règlement no 723/2004, laquelle résultait du règlement no 571/92, prévoyait que le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale, ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée, avait la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés
l’équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il avait acquis au titre de ces activités.

22 Cette disposition offrait aux États membres une alternative en ce qui concerne l’accomplissement de leur obligation d’adopter des mesures nationales nécessaires pour garantir aux fonctionnaires des institutions la possibilité d’effectuer les transferts de leurs droits à pension d’ancienneté vers le régime de pension communautaire. Ainsi, n’étant pas tenus d’accorder aux fonctionnaires la faculté de choisir entre le transfert de l’équivalent actuariel et celui du forfait de rachat, les États
membres étaient libres de recourir à l’une de ces deux méthodes de calcul (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1987, Commission/Luxembourg, 315/85, Rec. p. 5391, points 20 à 22).

23 Cette liberté de choix dont disposaient les États membres a été élargie en raison de la modification du statut par le règlement no 723/2004, à la suite de laquelle ledit article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII prévoit que le fonctionnaire qui entre au service des Communautés a la faculté, entre le moment de sa titularisation et celui où il obtient le droit à une pension d’ancienneté, au sens de l’article 77 du même statut, de faire verser au régime de pension des Communautés le capital,
actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre de ses activités antérieures.

24 En effet, par l’utilisation désormais de la seule notion de «capital représentant les droits à pension acquis», le législateur de l’Union a permis aux États membres d’appliquer la méthode de leur choix pour déterminer la somme d’argent à transférer au régime de pension de l’Union pour autant que cette somme représente matériellement les droits à pension acquis au titre des activités antérieures du fonctionnaire concerné.

25 Par conséquent, les États membres peuvent appliquer soit la méthode dite «de l’équivalent actuariel», qui sert à calculer la valeur actuelle d’une prestation de pension future et éventuelle, dont le montant est normalement réduit pour tenir compte du caractère anticipé du versement ainsi que du risque de décès avant échéance, soit la méthode dite «du forfait de rachat», selon laquelle celui-ci est obtenu par l’addition des cotisations, versées par l’assuré et par son employeur, auxquelles peuvent
être ajoutés des intérêts (voir, s’agissant de ces méthodes de calcul, arrêt du 18 mars 1982, Bodson, 212/81, Rec. p. 1019, points 7 et 8), soit encore d’autres méthodes.

26 Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut déterminer le montant du capital représentant les droits à pension en se fondant soit sur la méthode de l’équivalent actuariel, soit sur celle du forfait de rachat, soit encore sur d’autres méthodes, pour autant que la somme à transférer représente matériellement les droits à pension acquis au titre des activités
antérieures du fonctionnaire concerné.

Sur la deuxième question

27 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’utilisation d’une méthode de calcul du capital représentant les droits à pension acquis dans le système de pension national au titre des activités antérieures telle que celle définie par la réglementation tchèque et si la réponse à une telle question est influencée par la
circonstance que cette méthode conduit à ce que le montant du capital à transférer au régime de pension de l’Union est fixé à un niveau n’atteignant pas même la moitié des cotisations versées par le fonctionnaire et son ancien employeur au régime de pension national.

28 En vue d’assurer la coordination des régimes de pension nationaux et de l’Union, il convient de procéder à deux opérations consécutives, la seconde de celles-ci consistant à convertir le capital représentant les droits à pension acquis dans le système national en annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union. Cette conversion est effectuée par les institutions de l’Union, conformément aux dispositions générales d’exécution dudit article 11 fixées par ces institutions. Cette
opération est régie par le droit de l’Union.

29 En revanche, la première opération relève de la seule compétence de l’autorité nationale administrant le régime de pension auquel l’intéressé était affilié antérieurement à son entrée au service de l’Union, une telle opération déterminant le capital représentant les droits à pension acquis dans le régime national en vertu de la réglementation pertinente de l’État membre concerné (voir arrêt du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, Rec. p. 3599, point 17).

30 Il y a lieu de relever à l’égard des différentes réglementations nationales que le législateur de l’Union ne visait pas, par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à une harmonisation des diverses dispositions nationales dans le domaine des pensions qui sont caractérisées par une grande diversité et complexité (voir arrêt Commission/Luxembourg, précité, point 21). Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, il ressort des
articles 48 TFUE et 153, paragraphe 4, TFUE que la faculté des États membres de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale est reconnue par le droit de l’Union.

31 Il s’ensuit que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’ils adoptent leurs réglementations nationales mettant en œuvre l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

32 Il en va tout particulièrement ainsi de la méthode de détermination par les États membres du montant du capital représentant les droits à pension acquis dans le régime national et destinés à être pris en compte par le régime de pension de l’Union, cette méthode devant toutefois être établie conformément à la nature des principes et des règles régissant leur système de pension.

33 De manière générale, les États membres ont la possibilité d’instituer, notamment, un régime de pension par capitalisation fournissant des pensions de vieillesse proportionnelles aux cotisations ou, au contraire, un régime fondé sur un certain niveau de solidarité, qui prévoit que les pensions servies dans le cadre d’un tel régime ne sont pas nécessairement proportionnelles aux cotisations.

34 Il ressort de la décision de renvoi que, dans le système de pension national en cause au principal, les montants des pensions auxquels les retraités ont droit sont calculés en application d’une formule qui tient compte de la période totale de cotisation à l’assurance vieillesse et des niveaux de revenus, cette dernière composante étant néanmoins fortement dégressive. Dans ce système, un revenu plus élevé donne droit, certes, à une pension plus importante, mais les tranches de salaire excédant un
certain niveau ne sont prises en compte que dans une mesure limitée.

35 Or, dans un tel système par répartition ayant un caractère fortement solidaire, il est évident que le capital représentant les droits à pension acquis ne correspond pas à la totalité des cotisations versées par l’employeur et son employé au titre de l’assurance vieillesse de ce dernier.

36 Si le calcul du capital représentant les droits à pension découle logiquement de la nature, des principes et des règles du système de pension en vigueur dans un État membre, la conformité de cette méthode de calcul avec le droit de l’Union ne peut pas être mise en doute. C’est seulement dans le cas où les modalités de calcul de ce capital s’écartent, de manière appréciable, à l’avantage ou au désavantage du fonctionnaire, de la nature des principes et des règles du système de pension national que
la réglementation de l’État membre concerné risque de constituer une entrave à la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE ou d’être contraire aux obligations prévues à l’article 4, paragraphe 3, TUE.

37 Il convient de rappeler que, d’une part, selon la jurisprudence constante de la Cour, un fonctionnaire de l’Union a la qualité de travailleur migrant (voir arrêts My, précité, point 37 et jurisprudence citée; du 16 février 2006, Öberg, C-185/04, Rec. p. I-1453, point 12, ainsi que du 4 juillet 2013, Gardella, C‑233/12, point 25) et que, d’autre part, l’obligation des États membres de rendre possible le transfert au régime de pension de l’Union des droits à pension acquis par les fonctionnaires de
cette dernière au titre de leurs fonctions antérieures et de définir à cet égard une méthode de calcul relève du champ d’application de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, Commission/Espagne, C-52/96, Rec. p. I-4637, point 9).

38 La réglementation nationale en cause au principal, telle qu’elle est exposée aux points 11 et 12 du présent arrêt, ne paraît pas s’écarter de la nature des principes et des règles du régime de pension national. Néanmoins, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si tel est effectivement le cas, notamment dans l’occurrence où un requérant présenterait des indices sérieux en sens contraire, ainsi que de vérifier, dans le cas où les dispositions nationales permettent le transfert de
droits à pension vers un autre régime national ou vers un régime d’une organisation internationale, si le calcul de la somme à transférer au régime de pension de l’Union n’est pas effectué d’une manière défavorable par rapport au calcul de la somme à transférer vers de tels autres régimes. Le seul fait que la méthode de calcul appliquée aboutit à une somme à transférer dont le montant est inférieur à la moitié des cotisations versées par le fonctionnaire et par son ancien employeur au régime de
pension national ne constitue pas en soi un tel indice. En outre, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que les dispositions nationales permettent le transfert de droits à pension vers un autre régime national ou international.

39 Par ailleurs, un fonctionnaire demandant le transfert de ses droits à pension acquis dans un régime de pension d’un État membre au régime de pension de l’Union ne saurait utilement invoquer une discrimination interdite par rapport aux fonctionnaires de l’Union originaires d’autres États membres et résultant de l’emploi d’une méthode différente pour calculer le capital à transférer. En effet, dans un tel cas, la différence de traitement serait la conséquence de la compétence des États membres pour
aménager leur système de pension et de leur pouvoir d’appréciation à cet égard.

40 Dans ces conditions, il convient de répondre à la deuxième question que les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l’utilisation d’une méthode de calcul du capital représentant les droits à pension acquis antérieurement, telle que celle définie par la réglementation tchèque, même lorsque cette méthode conduit à ce que le montant du capital à transférer au régime de pension de l’Union est fixé à
un niveau n’atteignant pas même la moitié des cotisations versées par le fonctionnaire et son ancien employeur au régime de pension national.

Sur la troisième question

41 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens que, aux fins du calcul du montant du capital représentant les droits à pension acquis antérieurement et destiné à être transféré au régime de pension de l’Union, il y a lieu de tenir compte de la période au cours de laquelle le fonctionnaire était déjà affilié à ce dernier régime.

42 D’une part, il convient de rappeler, en ce qui concerne l’arrêt My, précité, invoqué par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa troisième question, que la Cour a jugé, au point 49 de cet arrêt, que l’article 4, paragraphe 3, TUE, en liaison avec le statut, s’oppose à une réglementation nationale qui ne permet pas de tenir compte des années de travail qu’un ressortissant de l’Union a accomplies au service d’une institution de l’Union aux fins de l’ouverture d’un droit à une pension de
retraite au titre de son régime national.

43 Toutefois, alors que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt My, précité, il s’agissait de la prise en compte de périodes d’activité accomplies auprès des institutions de l’Union aux fins de l’ouverture d’un droit à une pension de retraite au titre du régime de pension national, le requérant au principal demande, devant la juridiction de renvoi, la prise en compte dans l’État membre concerné de la période d’activité accomplie comme fonctionnaire de la Commission aux fins de la détermination du
montant à transférer du régime national de pension à celui de l’Union.

44 Étant donné que la situation ayant donné lieu à l’arrêt My, précité, est différente de celle de l’affaire au principal, cet arrêt ne saurait fournir des éléments pour la réponse à donner à la troisième question.

45 D’autre part, il ressort sans équivoque de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut que les droits à pension qu’un fonctionnaire a la faculté de faire transférer au régime de pension de l’Union à partir du régime de pension en vigueur dans un État membre sont ceux acquis au titre des seules activités exercées avant son entrée au service de l’Union.

46 Cette disposition est, par ailleurs, précisée dans la décision de la Commission du 28 avril 2004, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, qui prévoit, à son article 6, premier alinéa, que «[t]out montant à transférer, dû par la caisse de pension dont relevait l’agent, doit être certifié comme étant le capital actualisé représentatif des droits à pension acquis avant l’entrée [au] service des Communautés».

47 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens que, aux fins du calcul du montant du capital représentant les droits à pension acquis dans le régime de pension national et destiné à être transféré au régime de pension de l’Union, il n’y a pas lieu de tenir compte de la période au cours de laquelle le fonctionnaire était déjà affilié à ce dernier
régime.

Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, doit être interprété en ce sens qu’un État membre
peut déterminer le montant du capital représentant les droits à pension en se fondant soit sur la méthode de l’équivalent actuariel, soit sur celle du forfait de rachat, soit encore sur d’autres méthodes, pour autant que la somme à transférer représente matériellement les droits à pension acquis au titre des activités antérieures du fonctionnaire concerné.

  2) Les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du règlement no 259/68, tel que modifié par le règlement no 723/2004, et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l’utilisation d’une méthode de calcul du capital représentant les droits à pension acquis antérieurement, telle que celle définie par la réglementation tchèque, même lorsque cette méthode conduit à ce que le montant du capital à transférer au régime de pension de l’Union est fixé à un niveau
n’atteignant pas même la moitié des cotisations versées par le fonctionnaire et son ancien employeur au régime de pension national.

  3) Les articles 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du règlement no 259/68, tel que modifié par le règlement no 723/2004, et 4, paragraphe 3, TUE doivent être interprétés en ce sens que, aux fins du calcul du montant du capital représentant les droits à pension acquis dans le régime de pension national et destiné à être transféré au régime de pension de l’Union, il n’y a pas lieu de tenir compte de la période au cours de laquelle le fonctionnaire était déjà affilié à ce dernier régime.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: le tchèque.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-166/12
Date de la décision : 05/12/2013
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Krajský soud v Praze - République tchèque.

Renvoi préjudiciel - Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires - Règlements (CEE, Euratom, CECA) nº 259/68 et (CE, Euratom) nº 723/2004 - Fonctionnaires de l’Union - Droits à pension acquis dans le régime national - Transfert au régime de pension de l’Union - Méthode de calcul - Notion de ‘capital représentant les droits à pension’.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents

Dispositions générales


Parties
Demandeurs : Radek Časta
Défendeurs : Česká správa sociálního zabezpečení.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Villalón
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:792

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award