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28/11/2013 | CJUE | N°C-389/13

CJUE | CJUE, Ordonnance du vice-président de la Cour du 28 novembre 2013., Agence européenne des médicaments (EMA) contre AbbVie Inc. et AbbVie Ltd., 28/11/2013, C-389/13


ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

28 novembre 2013 (*)

«Pourvoi – Ordonnance de référé – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Accès aux documents des institutions – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Préjudice grave et irréparable – Preuve»

Dans l’affaire C‑389/13 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du st

atut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 juillet 2013,

Agence européenne des médicaments (EMA), ...

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

28 novembre 2013 (*)

«Pourvoi – Ordonnance de référé – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Accès aux documents des institutions – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Préjudice grave et irréparable – Preuve»

Dans l’affaire C‑389/13 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 juillet 2013,

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par MM. T. Jabłoński, A. Humphreys et A. Spina ainsi que par M^me N. Rampal Olmedo, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

AbbVie Inc., établie à Wilmington (États-Unis),

AbbVie Ltd, établie à Maidenhead (Royaume-Uni),

représentées par M^e P. Bogaert, advocaat, ainsi que par MM. D. Anderson, QC, et D. Scannell, barrister, mandatés par MM. B. Kelly et G. Castle, solicitors,

parties demanderesses en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. P. Cruz Villalón, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, l’Agence européenne des médicaments (EMA) demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 25 avril 2013, AbbVie/EMA (T-44/13 R, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a, d’une part, décidé de surseoir à l’exécution de la décision EMA/748792/2012 de l’EMA, du 14 janvier 2013, accordant à un tiers, en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public
aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès aux rapports d’études cliniques M02-404, M04-691 et M05-769 (ci-après les «rapports d’études cliniques») soumis par AbbVie Inc. et AbbVie Ltd (ci-après, ensemble, les «sociétés AbbVie») dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’«AMM») du médicament Humira destiné à traiter la maladie de Crohn (ci-après la «décision litigieuse»), et, d’autre part, enjoint à l’EMA de ne pas
divulguer ces rapports.

Le cadre juridique et la pratique administrative de l’EMA

2 Le cadre juridique et la pratique administrative de l’EMA ont été résumés comme suit aux points 1 à 12 de l’ordonnance attaquée:

«1 [L’EMA], instaurée par le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1), a pour principale mission la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et
vétérinaire. À cet effet, l’EMA est chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’[AMM] des médicaments dans l’Union européenne (procédure centralisée). Selon l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 726/2004, l’EMA donne aux États membres et aux institutions de l’Union les meilleurs avis scientifiques possibles sur toute question relative à l’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments à usage humain ou vétérinaire qui lui est soumise.

2 En vertu du règlement n° 726/2004, certaines catégories de médicaments, y compris les médicaments issus de la biotechnologie, tels que celui, l’Humira, objet de la présente procédure, doivent être approuvées conformément à la procédure centralisée au titre dudit règlement. Cette procédure implique la présentation, par la société pharmaceutique intéressée, d’une demande d’[AMM], qui est examinée par l’EMA, et une décision de la Commission européenne sur l’AMM. Les informations à fournir à
l’EMA par le demandeur d’une AMM doivent inclure un dossier qualitatif (informations sur les composants du produit et description des procédés de fabrication), des données non cliniques (informations physiques, chimiques, biologiques et microbiologiques ainsi que résultats de tests sur les animaux) et des résultats d’essais cliniques (tests réalisés et informations évaluant l’usage du produit sur l’être humain), pour étayer l’usage thérapeutique visé par le produit. Une fois l’AMM obtenue, les
détails de celle-ci peuvent faire l’objet de modifications qui peuvent varier du simple changement administratif à des amendements plus significatifs, tels que l’ajout d’une nouvelle indication thérapeutique.

3 L’article 73, premier alinéa, du règlement n° 726/2004 déclare applicable aux documents détenus par l’EMA le [règlement n° 1049/2001], règlement qui vise à garantir au public un accès aussi large que possible aux documents détenus par les organes administratifs de l’Union.

4 L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 dispose que les institutions refusent l’accès à un document lorsque sa divulgation porterait atteinte, notamment, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. Dans le cas de documents de tiers, l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 précise que
l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. En vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

5 En vertu de l’article 80, premier alinéa, du règlement n° 726/2004, l’EMA adopte des règles en ce qui concerne la mise à la disposition du public d’informations réglementaires, scientifiques ou techniques relatives à l’autorisation et à la surveillance des médicaments qui ne présentent pas de caractère confidentiel. Ainsi, le 19 décembre 2006, l’EMA a adopté des règles de mise en œuvre du règlement n° 1049/2001 sur l’accès à ses documents. L’article 4 de ces règles prévoit que les documents
de l’EMA sont classés dans l’une des trois catégories suivantes: ‘Public’, ‘Diffusion restreinte’ ou ‘Confidentiel’.

6 Selon une politique relative à l’accès à ses documents que l’EMA a constamment appliquée jusqu’en 2007, l’accès du public aux documents contenus dans le dossier présenté par une société aux fins d’obtenir une AMM, y compris les rapports d’études cliniques, était généralement refusé, au motif que de telles données relevaient des exceptions prévues par lesdites règles de mise en œuvre, et plus particulièrement par leur article 3, paragraphe 2, sous a), qui – reflétant les dispositions de
l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 – renvoie à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

7 En 2007, un centre de recherche et d’information dans le domaine de la santé a demandé à l’EMA l’accès à des rapports d’études cliniques concernant deux médicaments. L’EMA lui a refusé cet accès, arguant que la divulgation des documents porterait atteinte aux intérêts commerciaux des fabricants de ces médicaments. Le centre de recherche et d’information a alors saisi le Médiateur européen qui, à la suite d’une inspection des rapports en question, a conclu qu’ils ne contenaient pas
d’informations sur la composition des médicaments, ni d’autres informations commerciales confidentielles. Selon lui, leur divulgation ne porterait donc pas atteinte aux intérêts commerciaux du secteur. Dans son projet de recommandation, le Médiateur a, dès lors, invité l’EMA à divulguer les documents.

8 Dans sa réponse du 31 août 2010, l’EMA a annoncé sa décision d’accorder l’accès auxdits rapports et s’est engagée à prendre les mesures appropriées pour suivre la proposition du Médiateur. En conformité avec les recommandations de celui-ci, l’EMA a donc adopté, le 30 novembre 2010, une nouvelle politique sur l’accès à ses documents. Dans le communiqué de presse accompagnant l’adoption de cette politique, l’EMA a déclaré que les documents qui lui étaient présentés à l’appui d’une demande
d’AMM, tels que les rapports d’essais cliniques, pouvaient désormais être divulgués à condition que le processus décisionnel concernant la demande en question ait été finalisé. Cette nouvelle politique d’accès aux documents de l’EMA est entrée en vigueur le 1^er décembre 2010.

9 En application de sa nouvelle politique, l’EMA a établi un tableau des résultats pour les différents documents qu’elle détient. S’agissant plus particulièrement d’un dossier d’AMM ou des mises à jour et modifications de ce dossier, y compris les rapports d’essais cliniques, ils sont réputés être ‘publics’, c’est-à-dire qu’ils peuvent être divulgués une fois que, notamment, la décision d’AMM de la Commission est disponible pour le médicament concerné. Le tableau des résultats a été complété,
en mars 2012, par les lignes directrices de l’EMA et des directeurs des agences nationales des médicaments concernant les types d’informations incluses dans une demande d’AMM qui peuvent être divulgués après la décision finale sur la demande. L’objectif est de permettre l’adoption d’une approche cohérente afin de fournir des orientations sur l’identification des informations commerciales confidentielles qui doivent être protégées après l’octroi d’une AMM.

10 Selon les lignes directrices, relèvent de la confidentialité commerciale: les informations détaillées concernant la qualité et la fabrication des médicaments; les informations concernant le développement du produit, y compris les informations détaillées sur la synthèse et la fabrication du principe actif; la formulation, les procédures d’essai, la validation ainsi que les fabricants et les fournisseurs du principe actif et des excipients; les descriptions détaillées des processus de
fabrication et de contrôle du produit fini. En revanche, les informations englobant le développement clinique et non clinique d’un médicament ne sont pas confidentielles en elles-mêmes. De manière générale, les données incluses dans les rapports d’essais cliniques sont donc considérées comme des données pouvant être divulguées.

11 En conséquence, depuis l’entrée en vigueur de sa nouvelle politique d’accès aux documents, l’EMA rend accessibles des documents présentés dans le cadre d’une demande d’AMM, y compris des rapports d’études cliniques, à la suite de demandes d’accès présentées en vertu du règlement n° 1049/2001.

12 Les rapports d’études cliniques font également l’objet d’une certaine publication par l’EMA, dans la mesure où les rapports d’évaluation de son comité des médicaments à usage humain reprennent les informations contenues dans les rapports d’études cliniques et présentées par les demandeurs d’AMM. Ces rapports d’évaluation sont publiés après suppression de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale, tout comme le rapport européen public d’évaluation (EPAR), à
savoir un résumé compréhensible pour le public des caractéristiques des produits [article 13, paragraphe 3, et article 57, paragraphe 1, second alinéa, sous b), du règlement n° 726/2004].»

Les antécédents du litige et la procédure devant le juge des référés

3 Les antécédents du litige ont été résumés aux points 14 à 23 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants:

«14 Par courrier du 28 mars 2002, [les sociétés AbbVie] avaient présenté une demande d’AMM du médicament Humira, contenant la substance active Adalimumab. Par décision du 1^er septembre 2003, la Commission a délivré l’AMM sollicitée.

15 En 2006, [les sociétés AbbVie] ont présenté à l’EMA les [rapports d’études cliniques] dans le cadre d’une demande d’extension de l’utilisation thérapeutique du médicament Humira pour le traitement de la maladie de Crohn. Les documents concernant ces deux études cliniques portent sur la sécurité et l’efficacité du médicament Humira dans le traitement de la maladie de Crohn. L’extension de l’indication a été autorisée par la Commission le 4 juin 2007.

16 Quant au rapport d’études cliniques M05-769, [les sociétés AbbVie] l’ont soumis à l’EMA en 2009 dans le cadre d’une procédure de modification tendant à mettre à jour le résumé des caractéristiques du produit et à retirer une recommandation d’utilisation du médicament. Ce rapport démontrait les risques de sécurité associés à l’utilisation concomitante du médicament Humira avec des corticostéroïdes. Par décision du 1^er juillet 2010, la Commission a mis à jour le résumé des caractéristiques du
produit pour le médicament Humira.

17 En août et en septembre 2012, l’EMA a informé [les sociétés AbbVie], en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, qu’elle avait reçu de la part de l’entreprise pharmaceutique UCB Pharma une demande, fondée sur le règlement n° 1049/2001, visant à obtenir l’accès aux documents qui avaient été déposés par [les sociétés AbbVie] dans le cadre de leur demande d’AMM du médicament Humira.

18 Le 26 septembre 2012, [les sociétés AbbVie] ont indiqué à l’EMA qu’elles s’opposaient à la divulgation des documents demandés en invoquant notamment, d’une part, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, l’absence d’intérêt supérieur exigeant leur divulgation. Elles ont réaffirmé à plusieurs reprises leur refus de divulgation desdits documents en raison de leur nature confidentielle.

19 Par décision du 5 novembre 2012, l’EMA a fait droit à la demande d’accès aux documents, au motif, notamment, qu’elle n’était soumise à aucune obligation juridique de considérer l’ensemble des informations transmises dans un dossier de demande d’AMM comme des informations confidentielles et que les informations cliniques portant sur la sécurité et l’efficacité d’un médicament autorisé pour le traitement des êtres humains ne pourraient pas être considérées comme des informations présentant un
caractère de confidentialité commerciale. Toutefois, la demande d’accès d’UCB Pharma a été retirée le 8 novembre 2012, ce qui n’a pour autant pas empêché [les sociétés AbbVie] d’introduire, le 17 janvier 2013, un recours visant à l’annulation de la décision du 5 novembre 2012, enregistré sous le numéro T‑29/13.

20 Le 13 novembre 2012, un étudiant suivant des études universitaires scientifiques a présenté à l’EMA une demande d’accès aux [rapports d’études cliniques], susmentionnés, dans le cadre de la préparation d’un mémoire de master en sciences.

21 Le 19 novembre 2012, [les sociétés AbbVie] ont réitéré leur refus de divulgation des documents visés par la demande de l’étudiant en faisant valoir que les trois rapports d’études cliniques étaient couverts par l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et en rappelant les préoccupations exprimées dans le cadre de la demande précédente d’accès à des documents similaires concernant le médicament Humira.

22 Par la décision [litigieuse], l’EMA a fait droit à la demande d’accès aux documents présentée par l’étudiant en se référant aux motifs indiqués dans la décision du 5 novembre 2012, selon lesquels les rapports d’études cliniques de médicaments ne pouvaient être considérés comme des informations confidentielles. La décision attaquée a été notifiée aux requérantes le 16 janvier 2013.

23 Par courriel du 23 janvier 2013, l’EMA a indiqué aux [sociétés AbbVie] que les documents faisant l’objet de la décision [litigieuse] ne seraient pas divulgués si une demande en référé était déposée dans les dix jours.»

4 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2013, les sociétés AbbVie ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de ce recours, elles font valoir, en substance, que cette décision viole l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et leur droit fondamental à la protection des informations présentant un caractère confidentiel, au titre de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»),
de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), et de l’article 339 TFUE.

5 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les sociétés AbbVie ont introduit une demande en référé par laquelle elles demandaient, en substance, au président du Tribunal:

– de surseoir à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours principal;

– d’ordonner à l’EMA de s’abstenir de divulguer les rapports d’études cliniques, et

– de condamner l’EMA aux dépens.

6 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 22 février 2013, l’EMA demandait au président du Tribunal:

– de rejeter la demande en référé, et

– de condamner les sociétés AbbVie aux dépens.

L’ordonnance attaquée

7 Aux points 28 à 33 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal, ayant relevé qu’il existe un différend entre les parties quant à la question de savoir si certaines parties des rapports d’études cliniques sont déjà accessibles au public, de sorte que ces rapports ne pourraient plus, dans leur totalité, être qualifiés de confidentiels, a observé que, dans l’hypothèse où lesdits rapports bénéficieraient d’une présomption générale de confidentialité, la question d’une divulgation
partielle des éléments publics contenus dans ces mêmes rapports, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, ne se poserait pas, étant donné qu’un document couvert par une telle présomption échappe à l’obligation d’une divulgation, tant intégrale que partielle, de son contenu. Il a ajouté que l’affaire dont il était saisi ne concernait pas l’éventuel caractère confidentiel de quelques données particulières et isolées seulement, mais qu’elle portait sur l’éventuelle
confidentialité de trois rapports qui comprennent plus de 850 pages et que ni le débat des parties sur l’exactitude d’une version non confidentielle de ces mêmes rapports ni l’appréciation par le juge des référés de ce débat ne seraient compatibles avec la célérité requise en matière de référé et le caractère sommaire de la procédure.

8 Le président du Tribunal, en se référant à son ordonnance du 11 mars 2013, Pilkington Group/Commission (T-462/12 R, non encore publiée au Recueil, points 24 et 25), a rappelé, aux points 34 à 38 de l’ordonnance attaquée, d’une part, que l’octroi de mesures provisoires est soumis à deux conditions cumulatives tenant, en premier lieu, au caractère urgent de leur octroi, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite,
que ces mesures soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal, et, en second lieu, à la circonstance que l’octroi de ces mesures provisoires est justifié à première vue, tant en fait qu’en droit (fumus boni juris). Le président du Tribunal a indiqué, d’autre part, que le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts. Il a relevé que ce juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la manière dont
ces différentes conditions sont vérifiées et, estimant qu’il disposait de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la demande sans devoir entendre les parties oralement, a décidé d’examiner d’abord, conjointement, les questions liées à la mise en balance des intérêts et à l’urgence.

9 Aux points 39 et 40 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal, en se référant aux points 28 et 29 de l’ordonnance Pilkington Group/Commission, précitée, a rappelé que la mise en balance des différents intérêts en présence consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir l’octroi de celles-ci prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte concerné par ces mesures en examinant, plus
particulièrement, la question de savoir si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours au fond serait rejeté. Le président du Tribunal a ajouté que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire, en ce sens qu’elle ne saurait ni
préjuger du sens de la future décision au fond ni rendre illusoire l’exécution de celle-ci en la privant d’effet utile.

10 Le président du Tribunal a poursuivi en relevant, aux points 42 et 43 de l’ordonnance attaquée, que, pour assurer l’effet utile d’un arrêt annulant la décision litigieuse, les sociétés AbbVie devaient être en mesure d’éviter que l’EMA ne procure l’accès aux rapports d’études cliniques, car un tel arrêt et, partant, l’exécution de celui-ci seraient privés d’effet utile si la demande en référé était rejetée, ce rejet ayant pour conséquence de permettre à l’EMA d’accorder l’accès immédiat aux
rapports d’études cliniques, et cela nonobstant le fait que même une divulgation effective de ces rapports n’aurait probablement pas pour effet de priver les sociétés AbbVie d’un intérêt à agir en ce qui concerne l’annulation de la décision litigieuse.

11 Par conséquent, au point 44 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal, procédant à une mise en balance des intérêts en cause, a considéré que l’intérêt défendu par les sociétés AbbVie prévalait sur celui de l’EMA à ce que la demande en référé soit rejetée, d’autant plus que l’octroi des mesures provisoires sollicitées ne revenait qu’à maintenir, pour une période limitée, le statu quo existant depuis que les rapports d’études cliniques avaient été produits devant l’EMA, aux mois
d’août 2006 et de décembre 2009. L’existence, dans le chef de la personne ayant demandé la divulgation de ces rapports, d’un droit d’accès aux documents au titre de l’article 15, paragraphe 3, TFUE ne saurait infirmer cette conclusion, dès lors que l’exercice de ce droit serait simplement retardé en cas d’octroi des mesures provisoires demandées, alors que le droit des sociétés AbbVie à voir protéger la nature confidentielle de ces rapports serait réduit à néant en cas de rejet de la demande en
référé.

12 Au point 45 de cette ordonnance, le président du Tribunal a considéré que, dès lors que le résultat de la mise en balance des intérêts penchait en faveur des sociétés AbbVie, il apparaissait urgent, de ce point de vue, de protéger l’intérêt défendu par ces dernières, mais qu’il restait à déterminer si ces parties encourraient un risque de préjudice grave et irréparable en cas de rejet de leur demande en référé. À cet égard, les sociétés AbbVie soutenaient que la situation résultant d’une
divulgation des rapports d’études cliniques acquerrait un caractère irrémédiable.

13 Le président du Tribunal a relevé, au point 46 de l’ordonnance attaquée, que, selon les sociétés AbbVie, une divulgation des rapports d’études cliniques avant la fin de la procédure au fond les priverait de leur droit à un recours effectif, consacré à l’article 6 de la CEDH et à l’article 47 de la Charte. Une telle divulgation les priverait également de leurs droits fondamentaux au titre de l’article 339 TFUE, de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte. Une violation de ces
droits fondamentaux constituerait, partant, un préjudice grave et irréparable, d’autant plus que la divulgation d’un document, au titre du règlement n° 1049/2001, acquiert un effet erga omnes, empêchant l’institution ou l’organisme concerné de s’opposer à ce que ce document soit communiqué à d’autres demandeurs et permettant à toute personne d’y avoir accès, conformément à ce que le Tribunal a décidé au point 116 de son arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA (T‑439/08). Par
conséquent, même si l’accès aux rapports d’études cliniques n’était accordé qu’à un étudiant, les informations confidentielles qu’ils contiennent pourraient être divulguées à tout un chacun, y compris les concurrents actuels ou potentiels des sociétés AbbVie.

14 Aux points 47 et 48 de cette ordonnance, le président du Tribunal a jugé que la condition tenant à l’urgence était, en principe, remplie. Il a considéré qu’une divulgation des rapports d’études cliniques violerait, en effet, de manière irréversible le droit à la protection du secret professionnel dont les sociétés AbbVie peuvent se prévaloir sur la base de l’article 339 TFUE, de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte. Par ailleurs, les sociétés AbbVie risqueraient de voir
compromettre leur droit fondamental à un recours effectif, consacré aux articles 6 de la CEDH et 47 de la Charte, si l’EMA était autorisée à divulguer les rapports d’études cliniques avant que le Tribunal n’ait statué sur le recours au fond.

15 Aux points 49 et suivants de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté les arguments en sens contraire avancés par l’EMA. À cet égard, il a relevé, au point 50 de cette ordonnance, que la remarque de l’EMA, selon laquelle l’octroi des mesures provisoires sollicitées par les sociétés AbbVie conférerait aux rapports d’études cliniques un caractère non pas «public», mais «confidentiel», était dénuée de pertinence pour l’examen de la condition relative à l’urgence, en ce que cette
remarque visait plutôt la condition relative au fumus boni juris. Il a également considéré, aux points 51 et 52 de ladite ordonnance, que les arguments de l’EMA tenant au caractère purement financier du préjudice ne sauraient prospérer, dès lors que, en matière de divulgation d’informations prétendument confidentielles, une approche consistant à réduire la violation de secrets professionnels à un préjudice purement financier n’est pas appropriée, dans la mesure où elle fait abstraction des droits
fondamentaux invoqués. En se référant au point 53 de l’ordonnance Pilkington Group/Commission, précitée, le président du Tribunal a précisé à ce propos que, au plus tard depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1^er décembre 2009, qui a élevé la Charte au rang de source de droit primaire de l’Union et qui, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, stipule que celle-ci a la même valeur juridique que les traités, le risque imminent d’une violation grave et irréparable
des droits fondamentaux conférés par les articles 7 et 47 de la Charte dans ce domaine devrait être qualifié, en lui-même, de préjudice justifiant l’octroi des mesures de protection provisoire demandées.

16 Aux points 54 et suivants de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a examiné la condition relative au fumus boni juris. Ayant rappelé, audit point, que cette condition est remplie lorsque au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au principal apparaît, à première vue, pertinent et, en tout cas, non dépourvu de fondement sérieux, il a considéré, au point 55 de cette ordonnance, que, dans le contexte spécifique de la
protection provisoire d’informations prétendument confidentielles, le juge des référés, sous peine de méconnaître la nature intrinsèquement accessoire et provisoire de la procédure de référé ainsi que le risque imminent de voir annihiler les droits fondamentaux invoqués par la partie qui cherche à obtenir la protection provisoire de ces derniers, ne saurait, en principe, conclure à l’absence de fumus boni juris que dans l’hypothèse où le caractère confidentiel des informations en cause ferait
manifestement défaut.

17 C’est à l’aune de ces considérations que le président du Tribunal a examiné, aux points 56 et suivants de l’ordonnance attaquée, le premier moyen soulevé par les sociétés AbbVie au soutien de leur recours au fond, par lequel celles-ci reprochent à l’EMA une violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, en ce que cet organisme ne se serait pas conformé à la jurisprudence de la Cour concernant l’accès à des documents dans le contexte d’une procédure administrative
réglementée, selon laquelle, d’une part, ledit article 4, paragraphe 2, devrait être appliqué en tenant compte des règles régissant la procédure administrative au titre de laquelle les documents ont été fournis et, d’autre part, un tiers ne pourrait se prévaloir du règlement n° 1049/2001 pour obtenir un accès aux documents plus étendu que celui prévu en vertu des règles procédurales spécifiques applicables. Il ressort du point 58 de l’ordonnance attaquée que les sociétés AbbVie soutenaient, en
conséquence, qu’une présomption générale de confidentialité s’applique aux documents fournis à l’EMA par le demandeur d’une AMM et perdure même après la clôture de la procédure administrative. En effet, le règlement n° 1049/2001 ne primerait pas la procédure d’approbation d’une AMM au titre du règlement n° 726/2004.

18 Il résulte des points 59 à 61 de l’ordonnance attaquée que, selon les sociétés AbbVie, des rapports d’études cliniques, tels que ceux en cause en l’espèce, renferment des informations exclusives, le savoir-faire et l’expertise technique de la société innovante qui les produit. S’agissant plus particulièrement des rapports d’études cliniques relatifs au médicament Humira, les sociétés AbbVie alléguaient qu’une divulgation porterait atteinte à la protection de leurs intérêts commerciaux,
compte tenu, notamment, de l’effet erga omnes attaché à la divulgation d’un document au titre du règlement n° 1049/2001. En particulier, ces rapports d’études cliniques décriraient la manière dont les sociétés AbbVie ont planifié et mis en œuvre les essais cliniques nécessaires pour obtenir l’AMM de ce médicament pour l’indication de la maladie de Crohn et fourniraient, partant, une feuille de route concrète à une société désireuse de développer un médicament dans la classe très compétitive des
antagonistes du facteur de nécrose tumorale (TNF). Par ailleurs, il serait possible d’obtenir des autorisations pour des produits concurrents dans des pays situés en dehors de l’Union sur la base des rapports d’études cliniques et des résumés détaillés cliniques du médicament Humira.

19 Aux points 62 et 63 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a observé que, selon l’EMA, la divulgation des rapports d’études cliniques était basée sur la nouvelle politique d’accès aux documents de cet organisme, entrée en vigueur le 1^er décembre 2010. Par ailleurs, il n’existerait aucune disposition du droit de l’Union qui indiquerait que les documents présentés par le demandeur d’une AMM contenant des informations sur les résultats d’un essai clinique devraient être réputés
confidentiels. L’EMA ne contestait pas que certaines parties de la vaste documentation présentée par le demandeur d’une AMM contiennent des informations qui relèvent de la confidentialité commerciale, mais il serait déraisonnable d’affirmer que les rapports d’études cliniques, qui contiennent des informations relatives à la sécurité ou à l’efficacité des médicaments sur la santé humaine et sur l’environnement, devraient bénéficier du même degré de protection.

20 C’est à l’aune de ces considérations, figurant aux points 56 à 63 de l’ordonnance attaquée, que le président du Tribunal a jugé, aux points 64 à 67 de cette ordonnance, que le dossier ne permettait pas de conclure prima facie à l’absence manifeste de fumus boni juris. En effet, ce juge a considéré qu’il n’existait pas de jurisprudence qui permettrait de répondre de manière certaine à la question devant être tranchée par l’arrêt à rendre ultérieurement sur le fond, soit celle de savoir si la
décision litigieuse, fondée sur la nouvelle politique d’accès aux documents de l’EMA, viole le droit au secret professionnel des sociétés AbbVie, garanti par l’article 339 TFUE, l’article 8 de la CEDH et l’article 7 de la Charte, en ce que les rapports d’études cliniques sont de nature confidentielle et doivent, par conséquent, être protégés contre toute divulgation. Le président du Tribunal en a conclu qu’une telle question de principe ne saurait être tranchée, pour la première fois, par le juge
des référés et qu’elle requerrait, au contraire, un examen approfondi dans le cadre de la procédure au fond. Le président du Tribunal a ajouté, au point 68 de l’ordonnance attaquée, que l’argumentation des sociétés AbbVie relative au contenu, à la valeur et aux caractéristiques des trois rapports d’études cliniques, qui comprennent plus de 850 pages, soulevait des questions complexes dont la solution méritait un examen minutieux, dépassant le cadre de celui que le juge des référés est amené à
effectuer.

21 Le président du Tribunal a également jugé, au point 69 de l’ordonnance attaquée, que, en toute hypothèse, c’est au juge du fond qu’il appartiendra de trancher la question de savoir si un intérêt public supérieur justifie la divulgation des études cliniques en procédant, à cette fin, à une mise en balance entre l’intérêt commercial des sociétés AbbVie à ce que ces rapports ne soient pas divulgués et l’intérêt général qui vise à garantir au public un accès aussi large que possible aux
documents détenus par l’Union. Enfin, ce juge a observé, au point 71 de l’ordonnance attaquée, que, dans la mesure où l’EMA soulignait l’importance de la transparence du processus décisionnel dans le cadre de l’évaluation et de la supervision des médicaments aux fins d’une pharmacovigilance efficace, cet organisme s’abstenait toutefois d’exposer les raisons pour lesquelles la question de principe faisant l’objet de la procédure principale devrait recevoir une réponse particulièrement rapide. À cet
égard, le président du Tribunal a ajouté qu’il était loisible à l’EMA d’assortir son mémoire en défense dans l’affaire principale d’une demande de procédure accélérée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

22 C’est sur la base de l’ensemble de ces motifs que le président du Tribunal a décidé de faire droit à la demande en référé des sociétés AbbVie, sans se prononcer sur les différentes demandes en intervention qui lui avaient été présentées. Les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée sont libellés comme suit:

«1) Il est sursis à l’exécution de la décision [litigieuse].

2) Il est enjoint à l’EMA de ne pas divulguer les [rapports d’études cliniques].»

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23 L’EMA demande à la Cour:

– d’annuler l’ordonnance attaquée, et

– de condamner les sociétés AbbVie à la totalité des dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant le Tribunal.

24 Les sociétés AbbVie concluent au rejet du pourvoi et à la condamnation de l’EMA aux dépens.

25 Le 14 octobre 2013, les parties ont été entendues en leurs observations orales et en leurs réponses aux questions de la Cour, lors d’une audition commune avec l’affaire EMA/InterMune UK e.a. [C‑390/13 P(R)], pendante devant la Cour.

Sur le pourvoi

26 À l’appui de son pourvoi, l’EMA invoque trois moyens tirés respectivement:

– de l’interprétation erronée de la jurisprudence aboutissant à une définition manifestement erronée de l’objet du litige;

– d’une erreur de droit dans l’appréciation de la mise en balance des intérêts ainsi que de la condition relative à l’urgence, et

– d’un défaut de motivation ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation du fumus boni juris.

27 Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen présenté par l’EMA à l’appui de son pourvoi, relatif à la mise en balance des intérêts et à l’urgence. Par ce moyen, qui s’articule en deux branches, l’EMA reproche au président du Tribunal, plus particulièrement, d’avoir procédé à une application erronée de la jurisprudence, entachant ainsi l’ordonnance attaquée d’une erreur de droit, dans la mesure où ce juge considère, en premier lieu, que la mise en balance des intérêts penche en faveur
des sociétés AbbVie et que la condition relative à l’urgence est remplie et, en second lieu, que les intérêts revendiqués par les sociétés AbbVie sont protégés par leur droit fondamental à la vie privée au titre de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte.

28 Plus particulièrement, il convient d’examiner, en premier lieu, la première branche du deuxième moyen invoqué par l’EMA à l’appui de son pourvoi, en ce que celle-ci est tirée d’une erreur de droit que le président du Tribunal aurait prétendument commise en considérant que la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce.

Argumentation des parties

29 L’EMA soutient en substance que, dans l’ordonnance attaquée, en vérifiant si la condition relative à l’urgence était remplie, le président du Tribunal a commis une erreur de droit dans le cadre de l’appréciation à laquelle il s’est livré dans le contexte, dans la mesure, plus précisément, où il a omis d’examiner si les sociétés AbbVie avaient démontré que le préjudice consistant dans la prétendue perte potentielle d’un avantage concurrentiel et commercial ne saurait être compensé de manière
suffisante dans le cadre d’un recours en indemnité. Elle fait observer que, contrairement à une jurisprudence constante, le président du Tribunal n’a pas tenu compte du fait que le préjudice résultant de la perte d’un avantage serait, en tout état de cause, de nature purement financière.

30 Lors de l’audition, l’EMA a ajouté, en réponse aux questions de la Cour, que l’ordonnance attaquée est entachée de la même erreur de droit que l’ordonnance du président du Tribunal Pilkington Group/Commission, précitée, pour les raisons exposées dans l’ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group [C‑278/13 P(R), non encore publiée au Recueil]. Elle a soutenu, à cette occasion, que les sociétés AbbVie ne peuvent établir l’existence d’un risque de
préjudice les concernant que si elles sont en mesure de prouver que la divulgation des trois rapports d’études cliniques est susceptible de permettre aux concurrents de ces sociétés d’en tirer un avantage commercial, ce qu’elles n’auraient pas démontré. En tout état de cause, un tel préjudice, à le supposer établi, ne serait pas irréparable, dès lors qu’il s’agirait d’un préjudice financier, susceptible d’être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité. Ce préjudice, résultant de la divulgation
à des tiers d’éléments de preuve scientifiques, ne serait pas comparable à celui qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, lequel résultait de la publication sur Internet d’informations commerciales spécifiques, notamment dans la mesure où, à la différence de celui qui était en cause dans l’affaire susmentionnée, le préjudice invoqué dans la présente affaire pourrait être identifié et chiffré.

31 Lors de l’audition, les sociétés AbbVie ont reconnu que, eu égard à l’ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, l’existence d’un risque de préjudice grave et irréparable ne découle pas de la simple violation alléguée de certains droits fondamentaux, tels que le droit de propriété ou le droit à la protection d’informations confidentielles. Elles soutiennent toutefois que, si le préjudice qu’elles risquent d’encourir est notamment de nature pécuniaire, il est impossible de l’évaluer en
pratique, compte tenu des multiples utilisations dont les rapports d’études cliniques pourraient faire l’objet de la part d’un nombre indéterminé d’entreprises concurrentes partout dans le monde et devant un nombre indéterminé d’autorités réglementaires.

32 Les sociétés AbbVie indiquent que le préjudice financier qu’elles risquent de subir, qui résulterait de l’utilisation future des informations contenues dans les rapports d’études cliniques par leurs concurrents pour développer un médicament qui viendrait concurrencer le médicament Humira, ne serait pas susceptible d’être identifié et chiffré, au sens du point 54 de l’ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, et ce, en substance, pour cinq raisons. Premièrement, même si ces rapports
n’étaient divulgués qu’à une seule personne, ils deviendraient «publics», la décision de divulguer un document ayant un effet erga omnes. Deuxièmement, la personne ayant accès au document divulgué ne serait pas tenue par des obligations de confidentialité spécifiques imposées par l’EMA. Troisièmement, les sociétés AbbVie n’auraient aucun moyen de connaître l’identité de toutes les personnes ayant obtenu une copie des rapports d’études cliniques à la suite de leur divulgation. Quatrièmement, l’EMA
n’informerait pas les titulaires d’AMM, tels que les sociétés AbbVie, lorsqu’elle reçoit une demande d’accès portant sur des éléments de leur dossier, et, cinquièmement, les sociétés AbbVie n’auraient aucun moyen efficace de savoir si l’un de leurs concurrents a réellement fait usage des rapports d’études cliniques aux fins de faire approuver la commercialisation d’un médicament qui viendrait concurrencer le médicament Humira, notamment s’il s’agit d’une approbation sollicitée en dehors de l’Union.

Appréciation de la Cour

33 Il y a lieu de rappeler tout d’abord que, conformément à l’article 278 TFUE, les recours formés devant la Cour de justice de l’Union européenne n’ont pas d’effet suspensif, mais que celle-ci peut, toutefois, si elle estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou, conformément à l’article 279 TFUE, adopter d’autres mesures provisoires nécessaires. Ainsi, l’octroi de mesures provisoires présente un caractère dérogatoire à la règle générale selon
laquelle les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficient d’une présomption de légalité et sont, en principe, exécutoires.

34 L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier «l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent». Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en
droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours au fond. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 35 et jurisprudence citée). Le juge
des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

35 À cet égard, il y a lieu de souligner que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire [voir, en ce sens,
ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a., C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 61 et 62]. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Grèce/Commission, C‑278/00 R, Rec. p. I‑8787, point 14).

36 S’il est exact que, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du
14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67].

37 Il importe de relever que, en l’espèce, le préjudice invoqué par les sociétés AbbVie est celui qui résulterait de la divulgation à un particulier des trois rapports d’études cliniques qui contiennent des éléments prétendument confidentiels susceptibles d’être exploités par des concurrents de ces sociétés, lesquels pourraient de la sorte produire et faire approuver la commercialisation de leurs propres médicaments. Plus particulièrement, ces rapports décriraient la manière dont les sociétés
AbbVie ont planifié et mis en œuvre les essais cliniques nécessaires pour obtenir l’AMM du médicament Humira pour l’indication de la maladie de Crohn.

38 Aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de préjudice grave et irréparable, et sans préjudice de l’examen du fumus boni juris, lequel est lié à ladite appréciation tout en étant distinct de celle-ci, le président du Tribunal devait nécessairement partir de la prémisse selon laquelle les éléments prétendument confidentiels l’étaient effectivement, conformément aux allégations formulées par les sociétés AbbVie, aussi bien dans le cadre de leur recours au fond que dans le cadre de
la procédure de référé.

39 À cet égard, il convient de relever que, aux points 47 et 48 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a déduit l’existence d’un risque de préjudice grave et irréparable en raison du fait que le droit fondamental des sociétés AbbVie à la protection de leurs secrets professionnels serait susceptible d’être violé de manière sérieuse et irréversible par la divulgation immédiate de leurs données prétendument confidentielles, de même que leur droit fondamental à un recours effectif. Il
ressort des points 51 et 52 de cette ordonnance que le président du Tribunal a jugé que, en matière de divulgation d’informations prétendument confidentielles, une approche consistant à réduire la violation de secrets professionnels à un préjudice purement financier n’est pas appropriée, dans la mesure où une telle approche fait abstraction des droits fondamentaux invoqués par celui qui demande la protection provisoire de ces informations. À l’appui de ce raisonnement, ce juge a notamment invoqué
l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ainsi que la protection renforcée des droits consacrés par la Charte qui en résulte.

40 Toutefois, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la thèse selon laquelle un préjudice est par définition irréparable puisqu’il touche à la sphère des droits fondamentaux ne saurait être admise, dès lors qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et
Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, points 46 et 47]. La protection renforcée des droits fondamentaux qui découlerait du traité de Lisbonne ne remet pas en cause cette jurisprudence, dès lors que ces droits, et notamment ceux invoqués en l’espèce, étaient déjà protégés dans le droit de l’Union avant l’entrée en vigueur de ce traité (ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 40).

41 Certes, la violation de certains droits fondamentaux, tels que l’interdiction de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, consacrée à l’article 4 de la Charte, est susceptible, en raison de la nature même du droit violé, de donner lieu par elle-même à un préjudice grave et irréparable. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 de la présente ordonnance, il appartient toujours à la partie qui sollicite
l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un tel préjudice dans son cas particulier.

42 Tel est notamment le cas dès lors qu’une entreprise sollicite l’adoption de mesures provisoires en vue de prévenir la divulgation d’informations prétendument couvertes par le secret professionnel. En effet, la mesure dans laquelle la divulgation de telles informations cause un préjudice grave et irréparable dépend d’une combinaison de circonstances, telles que, notamment, l’importance sur les plans professionnel et commercial des informations pour l’entreprise qui les fournit et l’utilité de
celles-ci pour d’autres entreprises qui sont susceptibles d’en prendre connaissance et de les utiliser par la suite.

43 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, en particulier aux points 47 et 48 de l’ordonnance attaquée, que la prétendue violation du droit fondamental des sociétés AbbVie à la protection de leurs secrets professionnels, consacré à l’article 339 TFUE, à l’article 8 de la CEDH et à l’article 7 de la Charte, ainsi que du droit de ces sociétés à un recours juridictionnel effectif, consacré à l’article 6 de
la CEDH et à l’article 47 de la Charte, suffisait en elle-même à établir le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable dans les circonstances de l’espèce.

44 Quant aux conséquences qu’il y a lieu de tirer de cette erreur de droit, il convient de rappeler que, selon les sociétés AbbVie, le préjudice qu’elles risquent d’encourir revêt un caractère grave et irréparable en raison du fait que la divulgation d’un document, au titre du règlement n° 1049/2001, acquiert un effet erga omnes. Par ailleurs, ces sociétés font valoir le fait que leur préjudice comporterait, certes, un élément financier, mais que celui-ci serait impossible à identifier et à
chiffrer, compte tenu des multiples utilisations dont les rapports d’études cliniques pourraient faire l’objet de la part d’un nombre d’entreprises concurrentes et devant un nombre indéterminé d’autorités réglementaires. Elles ont précisé à ce propos, lors de l’audition, les raisons spécifiques pour lesquelles leur préjudice financier ne serait pas susceptible d’être identifié et chiffré en l’espèce. Il convient d’examiner si ces arguments, relatifs au préjudice financier prétendument susceptible de
résulter de l’utilisation, à des fins commerciales, des trois rapports d’études cliniques par des concurrents des sociétés AbbVie, pourraient justifier une substitution de motifs, à l’instar de celle qui a été opérée dans le cadre de l’ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée.

45 S’agissant du caractère irréparable de ce préjudice, il est constant que l’annulation, au fond, de la décision litigieuse par le Tribunal n’aurait pas pour effet d’éliminer le préjudice déjà subi et ainsi de remettre les choses en leur pristin état, dès lors que, si la divulgation des rapports d’études cliniques ne devait pas êtreinterdite jusqu’à ce que cette décision au fond ait été prononcée, le dommage lié à l’éventuelle utilisation de ces rapports par des concurrents des sociétés AbbVie
pendant la période où la procédure au fond était en cours ne pourrait plus être effacé.

46 Cependant, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 TFUE et 340 TFUE (ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 50 et jurisprudence
citée).

47 Il convient de relever, toutefois, qu’un préjudice d’ordre financier peut notamment être considéré comme irréparable si ce préjudice, même lorsqu’il se produit, ne peut pas être chiffré [ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), non encore publiée au Recueil, point 60 et jurisprudence citée].

48 Certes, l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité ne saurait être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence de la Cour. En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité, qui pourrait être intenté à la
suite de l’annulation de l’acte attaqué, est nécessairement incertaine. Or, la procédure de référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en indemnité pour éliminer cette incertitude, sa finalité étant seulement de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive à intervenir dans la procédure au fond sur laquelle le référé se greffe, à savoir, en l’espèce, un recours en annulation [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission,
C‑446/10 P(R), points 55 à 57].

49 En revanche, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer (ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 54).

50 À cet égard, il y a lieu de relever que le risque de préjudice financier dont les sociétés AbbVie font état en l’espèce, lié, à la suite de la divulgation des trois rapports d’études cliniques, à l’utilisation de ceux-ci à des fins commerciales par des concurrents de ces sociétés n’est pas comparable, en principe, notamment en ce qui concerne sa nature et son mode prévisible de survenance, au risque résultant, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Commission/Pilkington Group,
précitée, de la publication sur Internet d’informations commerciales spécifiques et prétendument confidentielles relatives à des éléments tels que l’identité des clients, le nombre de pièces fournies, les calculs de prix et les modifications de prix. En effet, la survenance du préjudice financier invoqué dans le cadre de la présente affaire résulterait prétendument de l’utilisation future par un tiers, non encore identifié, des informations contenues dans les trois rapports d’études cliniques.

51 Ainsi que cela a été rappelé au point 36 de la présente ordonnance, d’une part, s’il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice invoqué soit établie avec une certitude absolue, il faut que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant et, d’autre part, la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice grave et irréparable.

52 En l’espèce, il ne saurait toutefois être exclu, à la lumière des considérations qui précèdent, s’agissant des informations contenues dans les trois rapports cliniques, prises ensemble ou individuellement, dont la divulgation risquerait, aux dires des sociétés AbbVie, de leur causer un préjudice grave et irréparable, que ces sociétés soient en mesure d’établir l’existence d’un tel risque en ce qui concerne la divulgation de certaines de ces informations, tout en se trouvant, en définitive,
dans l’incapacité d’apporter une telle preuve s’agissant de l’éventuelle divulgation d’autres informations contenues dans ces rapports.

53 À cet égard, et contrairement à ce que le président du Tribunal a considéré au point 32 de l’ordonnance attaquée, la célérité requise en matière de référé n’était pas susceptible, à elle seule, de s’opposer, en l’espèce, à ce que le juge des référés examine, un par un, les arguments et les éléments de preuve présentés en première instance par les sociétés AbbVie et qui tendaient à établir le caractère nécessaire du maintien de la confidentialité de certaines données ou de certains documents
afin d’éviter que ces sociétés n’encourent un préjudice grave et irréparable. D’ailleurs, il découle de la jurisprudence, aussi bien de la Cour que du Tribunal, que le juge des référés peut, lorsqu’il le juge approprié, adopter des solutions intermédiaires, notamment en faisant droit à une demande visant au sursis à l’exécution d’un acte de manière partielle (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 15 octobre 1974, Nederlandse Vereniging voor de Fruit- en Groentenimporthandel et
Nederlandse Bond van Grossiers in Zuidvruchten en ander Geimporteerd Fruit/Commission, 71/74 R et RR, Rec. p. 1031, points 5 à 8; du 31 mars 1982, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 R et 63/82 R, Rec. p. 1241, points 9 à 12, ainsi que ordonnance du président du Tribunal du 16 juin 1992, Langnese-Iglo et Schöller Lebensmittel/Commission, T‑24/92 R et T‑28/92 R, Rec. p. II‑1839, points 30 à 35 et points 1 et 2 du dispositif).

54 Dans l’hypothèse où les sociétés AbbVie apporteraient une telle preuve à l’égard de certaines données ou de certains documents, le principe de protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte, exige que la mesure provisoire sollicitée leur soit accordée, en ce qui concerne ces données ou ces documents seulement.

55 Il convient de relever à cet égard que, dans la partie de leur demande en référé devant le Tribunal relative au fumus boni juris, et plus particulièrement en se référant à la troisième branche de leur premier moyen à l’appui de leur recours en annulation, les sociétés AbbVie ont rappelé que, dans leurs lettres des 26 septembre et 12 octobre 2012 ainsi que par un renvoi à celles-ci aux termes d’un courriel du 19 novembre 2012, ces sociétés avaient proposé la suppression de certaines mentions
figurant dans les «documents Humira Crohn». Il incombait, par conséquent, au président du Tribunal d’examiner, à l’aune de ces propositions, si un accès partiel aux trois rapports d’études cliniques ne pouvait pas être autorisé, sans toutefois que cette autorisation fasse courir aux sociétés AbbVie, avec un degré de probabilité suffisant, le risque de subir un préjudice grave et irréparable.

56 Dans ces conditions, l’ordonnance attaquée doit être annulée et, la présente affaire n’étant pas en état d’être jugée, cette dernière doit être renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne:

1) L’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 25 avril 2013, AbbVie/EMA (T‑44/13 R), est annulée.

2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3) Les dépens sont réservés.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-389/13
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Demande en référé, Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Ordonnance de référé - Règlement (CE) nº 1049/2001 - Accès aux documents des institutions - Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament - Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents - Préjudice grave et irréparable - Preuve.

Dispositions institutionnelles

Accès aux documents


Parties
Demandeurs : Agence européenne des médicaments (EMA)
Défendeurs : AbbVie Inc. et AbbVie Ltd.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Villalón
Rapporteur ?: Lenaerts

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:794

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